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L'Ille-et-Vilaine, 1918-1958

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Jacqueline Sainclivier

2e partie. 1939-1958. Vers le renouveau

Chapitre 5. Le traumatisme de la guerre et de l’Occupation (1939-1944)1

Texte intégral

  • 1 Azéma (Jean-Pierre) et Bédarida (François) (sd), La France des années noires, 2 tomes, Seuil, 1993 (...)
  • 2 Les rapports des préfets et sous-préfets pour l’année 1938/1939 ont disparu et n’existent ni aux A (...)

1Dans l’année précédant la guerre, l’opinion française glisse majoritairement du pacifisme à la volonté de résister. Dans le département, la presse et quelques témoignages en donnent une idée2.

  • 3 S’il approuve la conférence de Munich parce qu’elle «sauve la paix », dès le 16 octobre, le journa (...)

2La presse dont il est toujours difficile de mesurer l’influence et si elle reflète l’opinion ou si elle la façonne, est un témoin de l’opinion d’une certaine manière. En effet, tout dépend si elle veut toucher l’ensemble de la population ou seulement une fraction de celle-ci et dans ce cas est partisane, expression d’un courant politique spécifique. L’Ouest-Éclair et Le Nouvelliste de Bretagne depuis le début des années trente se sont rapprochés, en maintenant quelque nuance ; L’Ouest-Éclair reste plus social. Son attitude entre septembre 1938 et septembre 1939 reflète celle de la majorité des Français et il appuie la politique du gouvernement Daladier3 : d’un côté une volonté de paix, de l’autre une inquiétude face à la situation internationale et une vigilance de plus en plus ferme par rapport à Hitler. Chacun des autres journaux, hebdomadaires, reflète l’état d’esprit, les analyses de leur tendance.

  • 4 Cf. ceux énumérés dans les sources.
  • 5 Les entretiens datent de la période 1975-1985.

3Les témoignages4 recueillis sont principalement ceux de résistants, une population qui a un regard particulier sur la période 1938/1939. Malgré le caractère aléatoire de ces témoignages, la plupart en fait reconnaissent qu’ils avaient l’opinion commune c’est-à-dire soulagée par les accords de Munich mais mal à l’aise, conscients que l’on ne fait que reculer la guerre, que gagner un peu de temps ; puis, à partir de mars 1939, le sentiment d’une guerre imminente parce que l’on ne peut plus accepter, tolérer les agissements de Hitler, de l’Allemagne nazie. Face à cette majorité écrasante, deux réactions bien différentes : celle des communistes et celle d’Henri Fréville. Tous les communistes ou anciens communistes ont en fait « réciter le catéchisme »5 ; leur discours stéréotypé reprend strictement et sans nuance l’analyse du PCF des années soixante-dix. Le récit d’Henri Fréville est, quant à lui, le plus original et le reflet d’une minorité qui joue un rôle actif dans la Résistance et dans la reconstruction des esprits.

  • 6 Entretien avec Henri Fréville. Ils font venir des conférenciers comme Maurice Schumann, F.Gay, G. (...)
  • 7 Winock (Michel), Histoire politique de la revue « Esprit », 1930-1950, Seuil, (col. « Univers hist (...)

4Henri Fréville, professeur d’histoire en classes préparatoires à Rennes depuis 1932, fonde un groupe de la Jeune République ; il est aussi un lecteur assidu de la toute nouvelle revue Esprit, autour duquel s’est formé à Rennes un groupe de réflexion auquel il appartient. Dans ce cadre, se rencontrent des intellectuels, mais aussi des ouvriers et des employés SNCF6. Au sein d’Esprit ou de la Jeune République, Henri Fréville participe à une réflexion spirituelle et temporelle loin des schémas traditionnels de l’Église7, il appartient à ces intellectuels catholiques qui regardent avec angoisse la montée du fascisme et du nazisme, sensible au paganisme de ce dernier et à son rejet de l’héritage humaniste européen. Sensible à la question tchécoslovaque comme disciple de Georges Pagès, lui-même ami des Tchèques et conseiller du quai d’Orsay dans ce domaine, H. Fréville fait partie des antimunichois ; pour lui, le choix ne peut être qu’en faveur de la lutte contre le nazisme avant la guerre et a fortiori pendant la guerre.

5L’opinion départementale à la veille de la guerre ne se distingue guère de celle de l’opinion française dans son ensemble. Ce département s’est-il révélé, pendant la guerre, aussi modéré qu’auparavant, identique aux autres départements bretons ou différent ? Une guerre bien différente de celle de 14-18, puisqu’elle est certes une guerre nationale dirigée contre l’Allemagne nazie, contre l’occupant, mais elle est aussi une guerre civile, en particulier dans sa phase ultime.

La « drôle de guerre » et l’invasion (septembre 1939-juin 1940)8

  • 8 Nicolas (Gilbert), La « drôle de guerre » vue par L’Ouest-Éclair, mémoire de maîtrise, Rennes 2, 1 (...)

6La déclaration de guerre ne surprend pas l’opinion qui imagine la guerre comme celle de 14-18. Les gouvernements français et britannique sont convaincus qu’elle sera une guerre totale et longue. Toutes leurs décisions et toute leur stratégie s’inscrivent dans cette perspective de longue durée ; en même temps, ils veulent épargner le sang de leur population et savent qu’ils ne seront prêts qu’à la fin de 1940 ou au début de 1941. Ils ne sont donc pas préparés à une « guerre-éclair » et ils ne peuvent non plus expliquer à la population les raisons de leur inaction militaire. Cette situation est à l’origine d’incompréhensions multiples pendant et après la guerre.

Un quotidien encore peu troublé

7La mobilisation générale se fait dans une atmosphère résignée mais calme. Siège de région militaire, à Rennes, on dénombre pas moins de quatre casernes. La mobilisation comme en 1914 désorganise la vie économique, politique, syndicale, mais, instruit par 1914, le maintien sur place de certaines catégories est prévu pour faciliter la production de guerre. Jusqu’en mai 1940, l’Ille-et-Vilaine ne connaît de la guerre que le départ des mobilisés, la Défense Passive, l’arrivée de quelques réfugiés et les prémices des restrictions alimentaires.

8La Défense Passive est mise en place dès le début de la guerre et quelques exercices d’alerte ont lieu en février 1940 à Rennes, mais très vite les habitants n’en voient pas l’utilité en l’absence d’opérations militaires. La population supporte encore moins bien les mesures d’ordre économique qu’il s’agisse des réquisitions ou des restrictions envisagées, dont elle ne voit pas l’intérêt pendant cette «drôle de guerre ». Toutefois, le département ne connaît pas, semble-t-il, de véritables restrictions avant l’été, même si, en avril 1940, commence le recensement en vue de la distribution des cartes d’alimentation pour le mois suivant.

  • 9 Meynier (André), Les déplacements de la population vers la Bretagne en 1940-1941, Rennes, Les Nour (...)
  • 10 Phénomène que l’on retrouve dans toute la Bretagne ; meynier (A.), op. cit., p. 14 et Bougeard (Ch (...)

9La seule véritable nouveauté est l’arrivée de réfugiés. En effet, l’État- Major français qui a prévu une guerre de position, décide le repli des populations du nord-est de la France vers l’arrière ou ce qui devait être tel. Le sud de l’Ille-et-Vilaine doit accueillir (avec le Morbihan) les réfugiés de Tourcoing et Rennes recevoir les services départementaux et les facultés9. En réalité, il y a peu d’évacués d’office. Beaucoup plus nombreux sont les évacués volontaires. Ceux-là proviennent de l’Est, du Nord et surtout de Paris et de sa région. Les évacués d’office sont logés sans difficulté dans les logements prévus pour eux. Les autres résident soit chez des parents, des amis, soit dans des résidences secondaires sur la côte. À partir de septembre 1939, avec le premier exode, les villes se gonflent et les stations balnéaires restent peuplées10. Cet afflux de population favorise le commerce et les hôtels, mais aussi la presse qui accroît son tirage, en particulier L’Ouest- Éclair passe de 480 000 exemplaires environ pour l’ensemble de la région à presque 600 000 exemplaires en mars 1940. La presse subit la censure ; plusieurs articles du Semeur d’Ille-et-Vilaine, mais aussi du Nouvelliste de Bretagne et de L’Ouest-Éclair sont censurés dès le 1er septembre 1939, censure fort visible puisque des articles sont partiellement blancs.

  • 11 10 avril 1938-20 mars 1940 ; Guy La Chambre y est ministre de l’Air. Il est l’un des inculpés du p (...)

10Dans le domaine politique, après la signature du pacte de non agression germano-soviétique le 23 août 1939, le gouvernement de Daladier11 interdit la presse communiste, puis, le 26 septembre, dissout le PCF et ses organisations. Ces deux mesures touchent peu le département qui n’a ni presse, ni élu communiste ; la jeunesse même des membres du PCF fait que beaucoup sont mobilisés. En fait, le monde politique et syndical tombe en léthargie.

La guerre-éclair et ses conséquences

11Le Blitzkrieg déclenché par les Allemands le 10 mai 1940 bouleverse cet aspect de « guerre tranquille ». Le département est alors le théâtre des mouvements de troupes françaises et britanniques, puis allemandes ainsi que ceux des civils.

  • 12 Rescapées de l’écrasement de leur pays en septembre 1939, elles sont regroupées dans le Morbihan a (...)
  • 13 Lacouture (Jean), De Gaulle, tome 1 : Le rebelle, Seuil, 1984, p. 33.

12Des troupes françaises partent en renfort au début de la guerre-éclair vers l’Est, de même que des troupes britanniques et polonaises12. En juin 1940, des troupes britanniques rembarquent à Saint-Malo. N’oublions pas non plus que pendant une période très brève, il est envisagé la création d’un « réduit breton ». Le général de Gaulle, alors sous-secrétaire d’Etat à la Guerre, vient à Rennes le 12 juin 1940 présider une conférence sur ce sujet, mais ce projet est rapidement abandonné lorsqu’on s’aperçoit que pour le réaliser il aurait fallu trois mois de travail avec 25 000 ouvriers13.

13— Les mouvements des civils

  • 14 Meynier (A.), op. cit., p. 35.

14Le Blitzkrieg jette les civils dans la guerre et d’abord sur les routes. La progression rapide de la Wehrmacht, les bombardements en piqué des Stukas amplifient les difficultés de l’exode. Au fur et à mesure de l’avance allemande, les populations menacées s’enfuient par tous les moyens possibles vers le Sud et vers l’Ouest. De la seconde quinzaine de mai au début de juillet 1940, l’arrivée de réfugiés ne cesse pas ; bien après l’arrivée en Bretagne des Allemands et après l’armistice, des réfugiés continuent à affluer jusqu’au 8 juillet 194014. Certains d’entre eux s’arrêtent à Rennes, à Redon, cherchant du travail et un logement, mais la plupart poursuivent leur route.

  • 15 Meynier (A.), op. cit., p. 65.

15Le problème principal est le ravitaillement de cette population. Département rural, a priori, cela ne doit pas poser de problème pour l’Ille-et- Vilaine, mais il faut disposer à temps des quantités d’aliments nécessaires. En effet, les trains de réfugiés ne sont annoncés qu’au dernier moment : les trains sont déroutés en fonction des nécessités militaires et... du hasard. À Rennes, lieu de passage obligé des réfugiés allant vers la Bretagne, il est servi pendant la seconde quinzaine de mai 1940 environ 17 000 repas par jour et 26 000 pendant les trois semaines qui suivent15. La population réfugiée est une population fluctuante, peu stable, estimée à 139 600 à la fin de juin- début juillet 1940, peu après l’armistice ; ce chiffre est sous-estimé, provenant d’enquêtes lancées par le préfet et auxquelles toutes les communes n’ont pas répondu.

16Plus de la moitié des réfugiés vient du nord-est de la France, de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg ; la plupart ne veulent pas revivre l’occupation de 1914-1918 et l’Ille-et-Vilaine est l’un des départements de repli. 45 % viennent de la région parisienne soit à cause de la proximité géographique, soit parce qu’ils sont originaires de Bretagne et y ont de la famille. D’autres encore, appartenant à la moyenne bourgeoisie le plus souvent, ont l’habitude d’y séjourner pendant leurs vacances. Ces réfugiés sont majoritairement des citadins, des femmes et des enfants en raison de la mobilisation des hommes. Ils représentent environ 25 % de la population habituelle du département, mais sont répartis très inégalement. Sur la côte, ils forment plus de 100 % de la population ; dans les plus petites stations balnéaires, la proportion de réfugiés par rapport à la population habituelle est la plus forte comme à Saint-Lunaire avec 170 % de réfugiés par rapport à sa population totale. Toutes les villes de la côte voient leur population augmenter au moins de moitié. À l’intérieur, Redon se distingue avec un taux de 133 % en raison de sa situation de carrefour ferroviaire permettant de gagner l’ouest de la Bretagne ou de poursuivre vers le sud par Nantes. Dans la préfecture même, la situation est un peu particulière. Rennes est en effet principalement un lieu de passage. Dans l’ensemble, pendant la période de mai-juin 1940, le nombre de réfugiés fait doubler la population de la ville qui est de 98 500 habitants en temps normal.

  • 16 BMF - RW 35/1258 : Kriegstagebuch, Ordner A2, Berichte und Belege ( Oktober 1940-Januar 1941) - La (...)

17La signature de l’armistice le 22 juin 1940 provoque un reflux des réfugiés français vers leur département d’origine. Cependant, pour les Français originaires du nord et du nord-est du pays (zone interdite), ce mouvement est beaucoup plus lent en raison de la situation particulière de ces territoires. En novembre 1940, d’après les autorités d’occupation, il reste encore en Ille-et-Vilaine environ 7 900 réfugiés16.

L’entrée des Allemands

18Lorsque l’armistice est signé, cela fait cinq jours que la Wehrmacht est entrée dans le département. Le 17 juin, elle pénètre à Fougères ; le même jour Rennes subit son premier et unique bombardement allemand. La Luftwaffe bombarde la gare de triage de Rennes ; le hasard fait que côte à côte se trouvent un train de munitions, deux trains de militaires et un train de réfugiés. Ce bombardement fait 800 morts officiellement reconnus, de nombreux blessés et disparus qui portent à 1 800/2 000 le nombre des victimes. Dur contact avec la guerre pour la capitale bretonne, le lendemain, les troupes allemandes entrent dans Rennes, tout le département est occupé.

  • 17 BMF - Kriegstagebuch (Februar 1941- Mai 1941).
  • 18 OE, 24 juillet 1940.

19Les premières conséquences de l’occupation sont d’ordre administratif, économique ainsi que des mesures de restriction aux libertés fondamentales. L’armée allemande établit son administration : la Feldkommandantur à Rennes et des Kreiskommandanturen à Saint-Malo et à Fougères17. En même temps, des unités militaires françaises sont faites prisonnières et installées d’abord dans des camps provisoires, des casernes en attendant leur transfert en Allemagne. C’est ainsi qu’à Rennes en juillet 1940, 30 000 prisonniers de guerre sont répartis entre les différentes casernes de la ville18, d’autres sont à Fougères et Saint-Malo.

  • 19 L’Ouest-Éclair du 4 juillet a en sous-titre «journal quotidien régional » et non plus « journal ré (...)

20La débâcle, l’exode, les débuts de l’Occupation sont un traumatisme aggravé par l’absence de toute information régulière pendant les deux dernières semaines de juin 1940, les journaux ayant cessé de paraître à l’arrivée des Allemands ; le dernier numéro de L’Ouest-Éclair est daté du 18 juin 1940, jour de l’occupation de Rennes. Les responsables des journaux s’entendent pour publier un Bulletin d’information d’Ille-et-Vilaine qui paraît trois jours (28 juin, 2 et 3 juillet 1940), si bien que pendant une dizaine de jours, aucune information écrite locale n’existe favorisant la circulation des bruits et rumeurs les plus fantaisistes. Le 4 juillet 1940, L’Ouest-Éclair reparaît, supprimant dans son sous-titre toute allusion à la République19 ; il dépend désormais de la censure allemande et est dans l’immédiat le seul quotidien autorisé à reparaître dans le département.

  • 20 AN - F1 CIII 1156 : rapport du préfet du 19 juillet 1940.
  • 21 AN - F1 C III 1156 : rapport du préfet du 2 octobre 1940.

21Pendant les deux semaines qui suivent l’armistice, la désorganisation des services administratifs s’accroît, tandis que la situation monétaire connaît de sérieuses difficultés. N’ayant plus de liaison avec le gouvernement, les banques et en particulier la Banque de France n’est plus alimentée en billets si bien que pendant quelque temps existe comme dans d’autres départements une monnaie départementale afin d’assurer d’abord l’échéance de la fin juin20. La situation ne redevient normale qu’en septembre 1940 à la demande des Allemands qui mettent fin à ces « billets d’Ille-et-Vilaine »21.

La vie quotidienne

22L’Occupation avec son cortège d’interdits, de désorganisation des circuits économiques traditionnels perturbe peu ou prou la vie quotidienne des Français. Les habitants s’adaptent soit en respectant les cadres traditionnels, soit en les faisant éclater, créant une situation de rupture. Soumis aux autorités allemandes et aux autorités de Vichy, puis aux contraintes dues à l’état de guerre avec en particulier les bombardements, les habitants se réorganisent d’abord dans le quotidien et le problème numéro 1 qui cristallise toutes les énergies, est le ravitaillement alimentaire certes, mais aussi en matières premières, produits industriels, etc.

Pillage allemand et rationnement22

  • 22 En particulier le mémoire de maîtrise de Le Guennan (Marie-Claude), Les problèmes de ravitaillemen (...)

23— Un cadre contraignant

  • 23 Un seul existait auparavant et élargit son champ d’action, c’est l’ONIB (Office national interprof (...)

24Le recensement du printemps 1940 permet la distribution des cartes d’alimentation et des tickets à partir de l’été 1940. Si les tickets d’alimentation tiennent une place importante, il existe aussi des bons pour le textile, pour les chaussures, pour les pneus de bicyclette (essentiels à une époque où cette dernière est le seul moyen individuel de locomotion). L’administration qui devient la plus importante, est celle du Ravitaillement général, créé à l’été 1940. Il recense les ressources existantes dans tous les domaines et les répartit entre les consommateurs, mais en tenant compte des exigences de l’occupant. Or, en vertu de l’article 18 de la convention d’armistice, la France doit payer l’entretien des troupes d’occupation. Résultat, le Ravitaillement général satisfait d’abord l’occupant et ensuite le consommateur français ; les antennes départementales sont créées par une loi du 27 septembre 1940. La France quitte un système de libre concurrence (ou presque) pour un régime économique très réglementé, rigide, souvent compliqué et accusé de tous les maux ; gérant la pénurie, il ne peut accomplir de miracles et donner ce qu’il n’a pas. Enfin, le régime de Vichy crée toute une série d’organismes destinés à réglementer la consommation23.

  • 24 Le Nord, par exemple, est rattaché au gouvernement militaire de Bruxelles.

25Tous les départements bretons sont classés départements excédentaires en matière agricole, si bien qu’une partie de leur production est dirigée automatiquement vers les départements défavorisés, en l’occurrence principalement vers la région parisienne. De même, classés déficitaires pour les produits industriels, ils devraient recevoir des départements industriels excédentaires. En théorie, mais dans la pratique, les prélèvements de l’occupant et la situation « militaire » propre à certaines régions industrielles24 rendent inopérant ce schéma. En effet, les industries sont très dépendantes des desiderata allemands et ne peuvent fournir aux Français que ce que les Allemands ne réquisitionnent pas, c’est-à-dire très peu.

26En Ille-et-Vilaine, le rationnement n’entre en vigueur que le 17 août 1940. Cette mesure est d’abord favorablement accueillie, chacun pensant que les cartes de rationnement éviteront la hausse des prix et que tout le monde recevra la même ration à âge et situation égale, mais, très vite, ce système qui passe par une lourde machine administrative ne peut répondre rapidement aux besoins et est soumis aux à-coups nés des demandes allemandes. Aussi, dès l’automne 1940, ce département agricole excédentaire connaît paradoxalement de sérieux problèmes de ravitaillement, paradoxe apparent mais parfaitement dans la logique du système d’occupation. Dès ce moment-là, le beurre, le lait, les œufs se font rares (dans une région productrice !) et les prix montent tel le prix du poulet qui double en deux ou trois mois.

27— Le ravitaillement : problème n° l de la population

  • 25 ADIV - 43 W 4 : rapport du préfet de juillet 1942 ; 43 W 2 : rapport du sous-préfet de Redon de fé (...)

28Les prélèvements directs ou indirects de l’occupant aggravent considérablement la situation des Français et accroissent le mécontentement vis-à- vis de l’occupant25. Deux exemples témoignent des difficultés auxquelles est confrontée l’administration française.

  • 26 AN-F1 CIII 1156.
  • 27 ADIV - 43 W 2 : rapport du préfet.

29La plus grosse société de distribution alimentaire du département, l’Économique, a plus de 500 succursales assurant la vente au détail principalement en Ille-et-Vilaine mais aussi dans les départements voisins ; or, elle est totalement passée sous contrôle allemand au point que dès le début de l’Occupation, le préfet demande au Feldkommandant s’il est encore responsable du ravitaillement26. La situation est en effet inquiétante. Grâce à cette prise de contrôle, la Wehrmacht garde pour elle les 9/10 des stocks rennais ; il ne reste plus pour le département que le dixième des produits commercialisés avant la guerre. Dès le début de l’Occupation, le Ravitaillement général ne peut plus assurer la distribution normale de tous les produits. La pénurie s’installe pour plusieurs années ; le préfet peut écrire dans son rapport de janvier 1942 : « Les légumes ont presque disparu, la viande est rare, le lait et le cidre manquent »27, phrase qui aurait pu être répétée sans changement jusqu’en 1944.

30Compte tenu des impositions allemandes, des expéditions vers les autres départements, la crainte permanente est celle d’un déficit d’où l’appréhension devant la « soudure ». Les pressions sont alors plus fortes sur les paysans afin de livrer leur blé et pour que le battage se fasse rapidement. Tout le matériel agricole, ancien ou nouveau, est requis (manège, moteur électrique, locomotive à vapeur, moteur à gazogène,...). On augmente aussi le taux de blutage donnant au pain une couleur grisâtre et ce taux monte jusqu’à 98 %. La situation ne cesse de se dégrader :

  • 28 Le Guennan (C.), op. cit., p. 49 et suivantes et ADIV - W : procès-verbaux des réunions de la comm (...)

Tableau n°34 : Évolution des disponibilités en blé (exprimées en quintaux)28

Tableau n°34 : Évolution des disponibilités en blé (exprimées en quintaux)28

31À la fin de l’année 1940, malgré les prélèvements, les réserves ne sont pas épuisées, mais le stock obligatoire de 16 000 quintaux est déjà entamé. En mai 1943, le déficit représente près de la moitié des besoins locaux ; or, pendant l’année 1943 et l’année 1944, c’est cette situation qui prévaut.

  • 29 Ce qui explique une certaine léthargie par rapport à la Résistance.
  • 30 Même s’il est difficile de dire dans quelle proportion étant donné que la plupart des chiffres don (...)

32Le pillage allemand, les aléas de la guerre (voies de communication détruites,...) accentuent les difficultés et exacerbent l’opposition ville-campagne. Les agriculteurs ne sont guère touchés par les pénuries alimentaires, mais ils souffrent du manque de pièces de rechange, d’engrais chimiques. Toutefois, le marché noir, pratiqué avec plus ou moins d’envergure, leur permet de se procurer certains produits. Si les difficultés de communication peuvent les gêner, elles les protègent aussi puisque certains villages n’ont pratiquement jamais vu un Allemand29. Le département est surtout imposé pour les produits agricoles en raison de sa situation économique. Les agriculteurs répugnent à livrer la totalité de leur contingent pour trois raisons : c’est autant qui ne peut être utilisé pour le marché noir autrement plus profitable, l’essentiel est destiné à l’occupant ce qui «justifie » leurs réticences, enfin, faute d’engrais, de matériel en bon état, leur production a réellement baissé au cours de la guerre30.

  • 31 ADIV - 43 W 54 : Bulletin hebdomadaire des Renseignements généraux (1-7 novembre 1943).
  • 32 ADIV - 43 W 53 : Bulletin hebdomadaire des Renseignements généraux (24-30 août 1943).

33Quant aux citadins, ils accumulent les difficultés. Leur problème numéro 1 est le ravitaillement alimentaire quel que soit le produit. La viande par exemple est très vite rationnée et devient insuffisante puisque dès octobre 1941, elle tombe à 100 g par semaine maximum et est de seconde qualité ; la première qualité est réservée aux troupes d’occupation. Ce rationnement interdit l’abattage particulier, remplacé par des centres d’abattage gérés par le groupement départemental d’achat et de répartition de la viande. La brutalité de la mise en application de ces mesures au début de 1941 provoque une pénurie en raison du temps d’adaptation nécessaire et de la méfiance des paysans qui écoulent leur bétail vers le marché noir plutôt que vers ces centres. La pénurie de viande est particulièrement mal perçue ; par exemple, fin octobre 1943, le département n’a pas eu de viande ce qui soulève « d’unanimes protestations surtout quand on a su que la ration des Rennais servait à alimenter Paris »31. Ces difficultés se retrouvent pour les légumes et les fruits, pour lesquels se pose le problème du stockage ; il n’est pas rare de voir certains légumes, pourrir sur place, faute de moyens de transport et sans pouvoir être distribués localement pour des raisons administratives, la récolte est alors perdue pour tous. Enfin, pour les produits d’épicerie, très vite des produits de remplacement (Ersatz) s’imposent car les tickets ne sont plus honorés32. Le pain qui est encore la base de l’alimentation populaire est très sévèrement rationné dans un département excédentaire avant la guerre. Quant au poisson, la pêche est rare, défavorisant les pêcheurs qui subissent le rationnement du carburant, et surtout, il leur est interdit de naviguer à plus de trois milles des côtes afin d’éviter les évasions vers l’Angleterre. À partir de 1942, la construction du Mur de l’Atlantique rend impossible l’activité maritime et la pêche est complètement interdite en 1944.

  • 33 cf. Frelaut (Bertrand), Les Nationalistes bretons de 1939 à 1945, éd. Beltan, 1985, 232 p.. L’Heur (...)

34La faiblesse du ravitaillement, certaines incohérences entraînent des protestations (sans effet) dont se font l’écho L’Ouest-Éclair et plus encore L’Heure bretonne, trop heureuse de pouvoir critiquer un régime de Vichy, trop centralisé à ses yeux (aucune allusion n’étant faite aux prélèvements allemands)33. Si le marché noir est pratiqué par quelques trafiquants à un échelon régional voire national, et par certains commerçants et cultivateurs, en fait, à l’échelon de la ménagère se pratique le « marché gris » pour tenter d’améliorer un ordinaire de plus en plus pauvre. Cet ultime recours devient de plus en plus prohibitif, d’autant que les salaires n’augmentent pas. Enfin, autre ressource, le troc mais il faut avoir quelque chose à échanger ce qui ne concerne guère que les commerçants, les ouvriers parfois, mais ni les retraités, ni les « cols blancs » sauf s’ils sont dans un service administratif stratégique. Les citadins battent la campagne pour tenter de trouver un complément d’approvisionnement de plus en plus indispensable, mais parfois, certains se font prendre et sont condamnés à des amendes alors qu’en revanche, d’autres, véritables trafiquants arrivent pratiquement à passer entre les mailles du filet, ce que dénoncent L’Ouest-Éclair et L’Heure bretonne :

  • 34 L’Heure bretonne, 28 septembre 1942.

« Tous les jours sont pincés sur les routes et dans les bourgs de braves gens qui vaquent à un ravitaillement difficile en achetant de-ci, delà, quelques grammes de beurre ou bien quelques œufs. Ils sont pincés et condamnés. À côté de cela, un Parisien revenant de Rennes emporte vers la capitale 68 douzaines d’œufs. Il est inquiété en cours de route et traduit en correctionnelle. Il ne peut se présenter et, par défaut, est condamné à 2 mois de prison et 6 000 francs d’amende. Il fait opposition et le tribunal de Rennes l’acquitte, admettant que 68 douzaines d’œufs ne dépassent pas la provision familiale, leur poids n’atteignant pas 50 kg ! ! Sans commentaire. »34.

35Cet arbitraire, le sentiment que ne se font prendre que ceux qui essaient seulement de survivre exaspèrent le mécontentement de la population ; elle regarde d’un mauvais œil agriculteurs et commerçants accusés de « faire fortune sur son dos ». Qu’en est-il en réalité ? Par définition, le marché noir est clandestin, les seuls éléments dont on dispose sont quelques statistiques portant sur les condamnations et les saisies, mais on peut penser qu’elles ne reflètent qu’une part infime du trafic, certains étant protégés par l’occupant ; certes, tous les mois des arrestations ont lieu, mais les « prises » concernent des délits mineurs et jamais un trafic d’envergure.

36Pour tous les produits alimentaires les rations ne cessent de diminuer, d’où le recours au système D. Les liens entre les citadins et leurs familles restées à la campagne se resserrent ; les jardins des maisons deviennent des jardins potagers, les jardins municipaux également. Les cantines sont très recherchées car elles permettent une meilleure alimentation et surtout simplifient la vie en diminuant les attentes auprès des commerces. Les Rennais et les Malouins disposent plus rarement que les autres citadins d’un jardin, si bien qu’ils subissent un rationnement de plus en plus sévère et sans compensation. Aussi accusent-ils avec vigueur les paysans de ne pas livrer leur contingent pour profiter du marché noir au détriment des citadins les plus démunis. Par-delà ces accusations, les problèmes sont réels. Des carences alimentaires affectent la population et touchent plus spécialement les enfants, retardés dans leur croissance, ainsi que les plus démunis financièrement. Le seul point positif et désormais bien connu est la diminution de l’alcoolisme et donc de la surmortalité masculine due à celui-ci ; en 1943/ 1944, le vin et le cidre font presque totalement défaut.

37À côté de ce problème numéro 1 qu’est le ravitaillement, le second souci de la population est celui des communications.

Les communications

38Les communications sont limitées à cause des restrictions allemandes à la liberté de circulation, du rationnement en carburant et charbon et enfin à cause des bombardements. Dès juillet 1940, sur une profondeur de 10 à 15 km le long de la côte, est délimitée une zone côtière qui nécessite des laissez-passer spéciaux pour la franchir. Le couvre-feu est instauré et seules peuvent circuler de nuit quelques catégories tels les médecins, les membres de la Défense Passive,... La possession et surtout l’utilisation d’une automobile est réglementée, soumise aux aléas du ravitaillement en carburant, en attendant l’utilisation d’un gazogène. Les autorisations de circuler sont réservées à quelques professionnels. Tout ceci rend les communications très difficiles et plus ardu le fonctionnement de l’économie, en particulier le ravitaillement des cités urbaines et des industries.

  • 35 En raison de la présence de bases navales dans ces départements.
  • 36 Respectivement 274 et 175 tués, 172 et 188 blessés.
  • 37 Telle celle qui tomba sur le cimetière du Nord à Rennes.
  • 38 ADIV - 43 W 55 : synthèse journalière des RG le 8 mai 1944 ; 183 tués pour 2 800 habitants en 1936
  • 39 Ce bombardement est dû à une erreur de navigation.

39Les bombardements aggravent cette situation. Le seul bombardement allemand est celui de Rennes le 17 juin 1940. La construction du Mur de l’Atlantique, la présence de deux aérodromes (Dinard-Pleurtuit, Rennes-Saint-Jacques-de-la-Lande), celle de nombreuses casernes, la proximité du camp de Coëtquidan contribuent à faire de l’Ille-et-Vilaine un objectif pour l’aviation alliée. Cependant, il faut attendre 1942 c’est-à-dire beaucoup plus tard que dans le Finistère ou le Morbihan35 pour qu’une ville soit à nouveau bombardée dans le département. Les premiers bombardements alliés, américains le plus souvent, se produisent sur Saint-Malo le 31 juillet 1942. Les plus importants se produisent à Rennes en mars et mai 194336. Le nombre de blessés et l’absence de cible stratégiquement très importante (sans compter les « bombes perdues »)37 sont largement exploités par la propagande allemande et vichyssoise. 1944 est l’année noire ; toutes les villes sont bombardées et à plusieurs reprises, parfois des bourgs ruraux reçoivent également des bombes. Les mois de mai, juin, juillet 1944 sont les plus meurtriers avec des alertes quasi continuelles en juillet dans les principales villes (Rennes, Fougères,...). Quelques bombardements, plus spectaculaires que d’autres, marquent durablement les esprits. Ainsi, la commune de Bruz à 12 km au sud-sud-ouest de Rennes est bombardée le 8 mai 1944 dévastant totalement la commune, rasée de la carte en cinq minutes38 ; ce qui accentue ce caractère dévastateur est que ce jour était celui de la communion solennelle et le bombardement anéantit des familles entières39. À Fougères, les 9 et 10 juin 1944, voient les bombardements les plus meurtriers et les plus destructeurs ; sont atteints de nombreux quartiers et surtout plusieurs usines de chaussures, contraignant au chômage la plus grande partie des ouvriers. Mais toutes les villes subissent peu ou prou des bombardements pendant les trois mois précédant la Libération.

  • 40 Le 6 août 1944, deux jours après la libération de la majeure partie du département, le nombre de s (...)

40Ces bombardements en dehors du nombre des victimes perturbent encore un peu plus la vie quotidienne des habitants. Les sinistrés qui ont tout perdu, sont très difficilement relogés ; ils se comptent par centaines et, à la fin de l’occupation, par milliers40. Les rues sont jonchées de débris. À chaque nouveau bombardement, la tâche devient de plus en plus difficile pour les membres de la Défense Passive car le nombre de voies coupées lors des bombardements précédents augmentent et ne peuvent être dégagées étant donné la rapidité à laquelle se succèdent les attaques aériennes. Beaucoup de citadins se réfugient à l’extérieur des villes : 20 000 sont évacués de

  • 41 ADIV - 134 W 41 : contrôleur régional des réfugiés et sinistrés (6 août 1944).
  • 42 Meynier (Yvonne), Un lycée pas comme les autres, société nouvelle des éditions, 1962, 187 p.

41Rennes au début de juin 1944 et « ont trouvé un logement sommaire dans les campagnes environnantes. Le ravitaillement de ces réfugiés a été assuré sans difficulté »41. De nombreuses administrations sont dans des locaux dispersés ce qui ne facilite pas leur tâche. Enfin, pour l’année scolaire 1943/ 1944, les lycées de Rennes sont évacués : le Lycée de garçons en partie à Louvigné-de-Bais, à 30 km à l’est de Rennes et le Lycée de Jeunes Filles à La Guerche-de-Bretagne soit à 40 km au sud-est de Rennes42.

42Ces bombardements, meurtriers, accroissent les difficultés de tous ordres ; les villes sont de plus en plus mal ravitaillées à la fois parce que circuler à l’intérieur de ces villes devient une course d’obstacles, mais aussi parce que les voies de communication y conduisant (routes et chemins de fer) sont sans cesse coupées, et, les voyages en chemins de fer, dangereux, bien avant le Plan Vert préparant le débarquement, tandis que les trains se raréfient, en raison de l’usure du matériel, des réquisitions et du manque de charbon. L’eau, l’électricité, le gaz ne sont plus distribués qu’avec parcimonie. Dans les immeubles ou maisons encore debout, les vitres n’existent plus et les fenêtres sont souvent colmatées tant bien que mal alors que les deux derniers hivers de la guerre sont parmi les plus rudes.

  • 43 Point de vue partagé par des résistants qui auraient préféré que sur la base des renseignements qu (...)
  • 44 ADIV - 43 W 6 : rapport du préfet (mai 1943).

43Face à ces bombardements, la réaction de la presse à la solde de Vichy dénonce les « soi-disant libérateurs » ; de multiples affiches officielles exploitent le moindre aspect tragique comme le bombardement de Bruz le jour de la communion solennelle, mais sans réel succès. Les autorités religieuses adoptent une attitude plus réservée et en particulier l’archevêque Mgr Roques ; celui-ci, lors des obsèques religieuses des victimes des bombardements de Rennes déplore certes les pertes humaines mais comme étant dues à l’état de guerre et en se gardant bien de condamner les aviateurs alliés. Quant à la population elle-même, deux sentiments l’animent contradictoirement : la colère et l’espoir. La colère et le mécontentement face à des bombardements qui paraissent aveugles et d’une stratégie discutable43, aggravant singulièrement leur vie quotidienne, déjà peu facile. Mais, d’autre part, cela ne change pas « les sentiments toujours hostiles de la population à l’égard des troupes d’occupation »44 ; ces mêmes habitants perçoivent ces bombardements comme étant le signe de la supériorité aérienne des Alliés et une preuve de l’imminence de la Libération, sentiment qui croît à partir du printemps 1944. Des sentiments partagés et qu’exprime assez bien en juin-juillet 1944, cette attitude d’une grande partie de la population qui, quand une alerte de jour se produit, au lieu de se diriger vers les abris, reste dehors comme si elle partageait 1’ « invincibilité » des aviateurs alliés.

Une vie sociale bouleversée

  • 45 ADIV - 43 W 1 : préfecture régionale : rapport mensuel du préfet d’Ille-et-Vilaine (octobre 1941).

44La vie économique et sociale est complètement perturbée par les exigences allemandes. Les pénuries de textile, de cuir condamnent au chômage partiel les ouvriers de l’industrie de la chaussure de Fougères où, en 1941, 23 % d’entre eux ont des semaines de 24 heures ou moins45. Les produits de remplacement, l’imagination permettent parfois de pallier ces insuffisances comme l’apparition de chaussures à semelles de bois articulées vers 1943/44.

  • 46 L’essentiel du charbon utilisé par le département était un charbon importé ; or, après le 15 juin (...)
  • 47 Butler (M.-H.), « L’industrie fougeraise de la chaussure », dans A. Beltran, R. Frank et H. Rousso(...)

45La pénurie d’approvisionnement en charbon et en courant électrique pénalise durement les entreprises46 et les sabotages multiplient les arrêts de production. Faute de matières premières nécessaires à leur activité et de pièces de rechange, artisans, petites ou grandes entreprises sont tous dans le même cas et cessent le travail ou au mieux ralentissent considérablement leur production. Les seules entreprises à maintenir ou augmenter leur production sont celles qui travaillent pour les Allemands, principalement dans le cadre de l’organisation Todt (bases militaires et construction du Mur de l’Atlantique). Ces entreprises « protégées » (S.Betriebe) non seulement ont une priorité pour obtenir matières premières et produits semi-finis, mais elles proposent aussi des salaires plus élevés pour attirer des ouvriers, du moins au début de l’Occupation ; il s’agit principalement d’entreprises du bâtiment et de la métallurgie. Quelques entreprises de chaussure à Fougères sont également concernées et fournissent les troupes allemandes stationnées sur le front de l’Est ; mais en contrepartie les horaires imposés par l’occupant s’élèvent à 54 heures ou plus par semaine47. Enfin, certaines entreprises travaillent directement et totalement pour l’occupant comme l’Arsenal de Rennes.

46— Les problèmes de main-d’œuvre

  • 48 ADIV - 43 W 133 : rapport du directeur régional des prisonniers de guerre, déportés et réfugiés du (...)
  • 49 BMF - RW 35/1254 : Berichte und Belege (Januar-September 1940) - 25. September 1940.

47L’été et l’automne 1940 sont en ce domaine paradoxaux, puisqu’on manque de main-d’œuvre et que le chômage augmente. En effet, le nombre de prisonniers de guerre originaires d’Ille-et-Vilaine est de 27 800 soit près de 5 % de la population totale48. C’est dans les fermes, peu mécanisées, que le manque de bras se fait durement sentir. À l’inverse, la désorganisation de l’économie jusqu’à la fin de 1940 entraîne la montée du chômage49.

  • 50 ADIV - 18 W6 : note de la préfecture du 25 mars 1943.
  • 51 Encore faut-il qu’ils aient eu un « bon comportement » en captivité, sans tentative d’évasion.

48La présence des prisonniers de guerre en Allemagne est essentielle dans les relations entre le régime de Vichy et l’Allemagne nazie et entre le régime de Vichy et la population. Le régime de Vichy tente d’agir en faveur des prisonniers de guerre et de présenter son action envers eux comme exemplaire afin de séduire l’opinion. À cette fin, diverses mesures sont prises dont les résultats pour l’Ille-et-Vilaine permettent de préciser les conséquences concrètes de l’action du gouvernement de Vichy en faveur des prisonniers de guerre. Des congés de captivité sont accordés à certaines catégories de prisonniers comme les agriculteurs ; 2 586 sont rapatriés avant le 1er janvier 194250. À partir du milieu de l’été 1941, les grands blessés et les Anciens Combattants de 1914-1918 peuvent être libérés51. Au total, avant le 1er janvier 1942, 4 813 prisonniers de guerre sont libérés à ces divers titres soit environ 17 % des prisonniers de guerre du département.

49Mais les besoins en main-d’œuvre de l’Allemagne sont élevés ce qui se traduit par la signature des accords Sauckel par le gouvernement de Vichy. Le premier d’entre eux est signé en juin 1942 ; il doit permettre la « Relève » des prisonniers de guerre par des ouvriers qualifiés français partant travailler en Allemagne sur la base du volontariat (un prisonnier de guerre contre trois ouvriers).

  • 52 Les chiffres nous ont été aimablement communiqués par Mme Butler, correspondante de l’IHTP- CNRS p (...)

Tableau n°35 : Les résultats de la Relève en Ille-et-Vilaine (septembre 1942- février 1943)52.

Tableau n°35 : Les résultats de la Relève en Ille-et-Vilaine (septembre 1942- février 1943)52.
  • 53 D’après le tableau ci-dessus et selon le principe du retour d’un prisonnier pour trois ouvriers pa (...)
  • 54 ADIV - 43 W 133 : rapport cité du 6 février 1945 et ADIV -18 W6 : note préfectorale du 25 mars 194 (...)

50La moyenne pour l’ensemble de la Bretagne est de 63,29 %. L’Ille-et- Vilaine a un des taux les plus bas de Bretagne avec le Morbihan (45,96 %). Ces chiffres témoignent d’un échec de la Relève ; échec d’autant plus élevé que des désignations d’office sont faites à l’intérieur des entreprises rendant difficile toute échappatoire et gonflant du même coup le taux de la Relève. Echec relatif cependant car entre le 1er janvier 1942 et le 20 mars 1943, 1 726 prisonniers de guerre sont libérés soit beaucoup plus que l’échange prévu dans le cadre de la Relève53. Même si l’on considère qu’un certain nombre de ces prisonniers de guerre rapatriés étaient dans le cas des « congés de captivité » évoqués plus haut, le pourcentage est assez important (6 % des prisonniers du département). Cela voudrait-il dire que dans le cas précis de ce département, la Relève aurait eu du point de vue des familles des prisonniers de guerre des résultats réellement significatifs alors même que les volontaires pour partir sont au contraire très rares ? L’action gouvernementale aurait-elle été efficace ? En fait, si l’on considère l’ensemble de la période, le nombre de prisonniers de guerre rapatriés s’élève en février 1945 à 7 500 dont 6 539 avant le 1er janvier 194254, soit 26,97 % des prisonniers de guerre d’Ille-et-Vilaine alors qu’en France, ce taux s’élève à 37 %. Les prisonniers de guerre d’Ille-et-Vilaine auraient-ils payé la « mauvaise volonté » du département vis-à-vis de la Relève ?

51Mais la Relève ne suffit pas aux besoins en main-d’œuvre de l’Allemagne ; la loi « sur l’utilisation et l’orientation de la main-d’œuvre » du 4 septembre 1942 prescrit un recensement de la main-d’œuvre disponible en France et dès le 2 février 1943 un recensement de tous les Français nés entre le 1er janvier 1912 et le 31 décembre 1921 est ordonné. Enfin, le 16 février 1943, le STO est créé et concerne les hommes de plus de vingt ans. Le gouvernement de Vichy mobilise les classes d’âge assez nombreuses dues au « rattrapage » de l’après-guerre. L’introduction du STO est cruciale pour l’évolution de l’opinion parce que toute la population est directement ou indirectement touchée et réagit en conséquence.

  • 55 La seconde action Sauckel s’est principalement déroulée entre le 16 février 1943 et avril 1943, la (...)

Tableau n°36 : Le STO ou les 2e et 3e actions Sauckel en Ille-et-Vilaine55.

Tableau n°36 : Le STO ou les 2e et 3e actions Sauckel en Ille-et-Vilaine55.

(a) Ne différencie pas les STO des autres ni les affectations pour l’Allemagne et la France.

  • 56 Ils ne passent pas automatiquement à la Résistance. Contrairement à une idée reçue, les réfractair (...)
  • 57 ADIV - 43 W 53 : synthèses journalières des RG de juillet 1943.
  • 58 BAK - R 70 Frk 25, fol.l - Feldkommandantur 748 : Bericht fur eine französische Polizeiaktion am 1 (...)

52Ceux qui partent réellement, représentent environ 13 % des recensés, mais les pourcentages sont encore plus faibles en 1944. Parmi ceux qui se présentent, certains sont sûrs d’être exemptés (ceux travaillant déjà pour l’OT en France). Quant aux agriculteurs, ils ne sont même pas convoqués à la visite médicale et représentent plus de la moitié des recensés. On assiste à une véritable fuite devant le STO. Malgré les menaces, beaucoup d’appelés au STO profitent du court laps de temps s’écoulant entre la visite médicale et le départ pour l’Allemagne, pour s’éclipser et passer dans la clandestinité56. La gendarmerie et la police recherchent ces réfractaires mais en traînant les pieds. Le nombre d’arrestations est loin de compenser l’absentéisme aux convocations ; par exemple, en juillet 1943, sur 1 602 convoqués, 411 se présentent et 109 sont arrêtés57. Devant le nombre de réfractaires, la police française en liaison avec les troupes allemandes recourt aux rafles dans les rues, à la sortie des cinémas, mais elles ne sont « efficaces » que si les Allemands sont présents, car les policiers français sont parfois atteints de «cécité». Ainsi, le 19 juin 1943, à la sortie du cinéma «Le Français » à Rennes, la police française contrôle un jeune homme sur cinq ou six ; six sont arrêtés et une cinquantaine échappent au contrôle58.

  • 59 ADIV - 43 W 6 : rapport du commissaire régional à la main-d’œuvre (septembre 1943).
  • 60 ADIV - 43 W 53 : bulletin hebdomadaire des Renseignements généraux (14-20 septembre 1943).

53Dans les mois suivants, cette « évaporation » persiste. En septembre 1943 sur 7 242 convoqués, 1 445 partent et les autres se sont réfugiés à la campagne59. Au total, 17 % sont partis et encore parce que la plupart ont été arrêtés. Les autorités vichyssoises ne cessent de vitupérer contre cet état de fait à la fin de l’année 1943 et sont conscientes que cette situation est due en grande partie à l’aide des organisations clandestines60.

54En ce qui concerne l’ensemble des prélèvements de main-d’œuvre à destination de l’Allemagne, ils s’élèvent à la fin de 1943 à environ 2 500 (volontaires et requis du STO). Mais cette faiblesse des départs vers l’Allemagne est compensée par leur présence sur les chantiers de l’Organisation Todt. En effet, pour échapper au départ en Allemagne tout en évitant les risques de l’illégalité beaucoup se font embaucher sur les chantiers de l’OT. Outre des travaux dans les aéroports, le grand œuvre de l’OT dans la région est le Mur de l’Atlantique à partir de 1942, présenté comme le pivot de la stratégie défensive allemande à l’Ouest. Ces chantiers demandent beaucoup de main-d’œuvre. Au début de l’occupation, elle est constituée de volontaires recrutés par appel d’offres grâce à des salaires plus élevés que ceux de la région. Bien que les demandes allemandes soient encore limitées, la main-d’œuvre locale est insuffisante et les Allemands font venir des ouvriers d’autres régions. À la fin de 1941, les chantiers de l’OT ont absorbé toute la main-d’œuvre disponible sur place et leurs besoins ne cessent de croître.

  • 61 BAK - Bestand und Zugang der Arbeitskrafte (13. Februar-3. April 1944).

Tableau n°37 : Effectif ouvrier travaillant pour l’OT dans la région de Saint-Malo en 194361.

Tableau n°37 : Effectif ouvrier travaillant pour l’OT dans la région de Saint-Malo en 194361.
  • 62 Les sources ne permettent pas de distinguer la main-d’œuvre locale des autres, ni les requis des v (...)

55Après le 31 juillet 1943, les chiffres concernant la région de Saint-Malo ne sont plus donnés ; or, les travaux ont continué, cela signifie-t-il que les effectifs restent à peu près stationnaires ? On peut le penser étant donné que Saint-Malo n’est plus signalé dans les sources comme demandeur de main-d’œuvre. L’effectif diminue peut-être aussi, si l’on en juge par l’évolution dans les ports de Brest, Lorient et Saint-Nazaire62. La conjoncture générale n’y est pas étrangère : les bombardements et l’approche de la Libération qui multiplient les refus de travailler pour l’occupant. À partir de septembre 1943, les abandons de poste, les ruptures de contrat sont fréquents. Il en est de même chez les volontaires partis en Allemagne qui profitent d’une permission pour ne pas repartir. Logés dans des baraquements, nourris, surtout à partir de 1942/1943, avec une ration inférieure à celle des Allemands, ils fuient aussi des bombardements plus fréquents qu’en Ille-et-Vilaine.

  • 63 cf. ma thèse de 3e cycle, op. cit., p. 210-213.

56Que ce soit la Relève ou le STO, ce sont des échecs et le STO parce qu’il touche pratiquement presque tous les jeunes gens provoque une réaction de rejet croissant et si les réfractaires au STO n’ont certainement pas alimenté les maquis, en revanche l’existence même du STO contribue à développer un état d’esprit favorable à la Résistance et contraint celle-ci à s’adapter pour aider les réfractaires à se cacher63.

57Les conditions de vie et de travail sont profondément désorganisées ; quant aux loisirs, ils s’adaptent.

58— Les loisirs

  • 64 HAllS (Wilfred D.), Les jeunes et la politique de Vichy, préf. J.-P. Rioux, éd. Syros, 1988, p. 20 (...)

59En règle générale, les loisirs organisés se maintiennent, en particulier le sport qui répond au souhait de la Révolution nationale de développer une jeunesse saine64. Patronages et cercles populaires continuent leurs activités (sport, théâtre, etc.) souvent au profit d’œuvres d’entraide : Secours National ou Colis du Prisonnier.

60Le sport est soutenu par les autorités de Vichy qui encouragent les communes à se doter de terrain de sport : l’État accorde une subvention pouvant aller jusqu’à 80 % des dépenses ; à la fin 1941, 21 % des communes du département ont déposé un projet. La pratique sportive connaît un grand engouement comme dérivatif face aux inquiétudes du moment.

  • 65 La troupe de Bruz toutefois monte une pièce présentée clandestinement qui raconte les malheurs d’u (...)

61Si le cinéma de patronage tend à disparaître à la fois à cause de la censure et des difficultés à se procurer des films, le théâtre d’amateur, lui, prospère, attirant un vaste public. La plupart des pièces montées sont des pièces déjà connues de la troupe pour multiplier les séances dans l’année et donc les recettes destinées au Colis du Prisonnier ; les sujets d’actualité sont évités65.

  • 66 Poissel (Didier), Vie quotidienne sous l’occupation dans dix communes d’Ille-et-Vilaine (1940-1944 (...)
  • 67 Poissel (D.), op. cit., p. 107 et suivantes.

62Les kermesses sont très suivies à partir de 1941/1942 ; là encore, le but principal est l’aide aux prisonniers de guerre. Sur dix communes proches de Rennes, chacune a sa kermesse chaque année entre septembre 1941 et avril 194466. Si le déroulement des kermesses de l’Occupation est proche de celui du temps de paix, en 1942 apparaissent des comptoirs d’alimentation et des restaurants champêtres pour attirer les citadins affamés, mais cette pratique est interdite en mars 1943 par les autorités françaises67.

63Dans les villes, la situation est différente. Pendant toute l’Occupation, théâtre et cinéma sont constamment remplis. Du fait des réquisitions allemandes, le nombre de salles disponibles ou de jours accessibles aux habitants ont diminué. Par exemple, à Rennes, le cinéma « Le Royal » (la plus grande salle) est transformé en Soldatenkino, réservé aux troupes d’occupation ; de même, certains jours le théâtre municipal est réservé aux troupes de la Wehrmacht. En plus de ces raisons techniques, théâtre et cinéma, malgré les pannes croissantes d’électricité, permettent aux habitants d’oublier les difficultés quotidiennes : la faim, le froid. Les possibilités de distraction sont réduites : les plages sont interdites et les moyens de communication rares. Aussi saisit-on toute occasion de distraction.

64Tous les aspects de la vie quotidienne (travail, loisirs...) sont bouleversés par l’Occupation, mais pas le clivage ville/campagne. On peut s’interroger sur l’évolution de la hiérarchie des fortunes, commerçants-artisans et cultivateurs s’étant probablement enrichis au contraire de certains éléments de l’élite sociale ou des classes populaires. Cependant, les transformations liées à la défaite et à l’Occupation sont aussi d’ordre politique.

La Révolution nationale en Ille-et-Vilaine

65La mise en place du régime de Vichy se manifeste comme ailleurs en zone nord par un renouvellement du personnel administratif d’autorité et par la promulgation de toute une série de lois et de décrets qui mettent à nu la véritable nature du régime.

Les transformations de l’administration locale

  • 68 F. Ripert nommé le 2 novembre 1940, J. Quenette le 12 mai 1942, Ph. Dupart le 6 juillet 1943 et Ro (...)
  • 69 Son départ est dû à une incompatibilité totale avec Laval de retour au pouvoir ; Fréville. (Henri) (...)
  • 70 Sur le régime de Vichy, voir les mises au point successives de Paxton (R.), La France de Vichy, 19 (...)
  • 71 Fontanel nommé le 30 octobre 1940, Borderie le 14 septembre 1942, Dop le 27 novembre 1943.
  • 72 Fourès le 30 octobre 1940, Hollard le 3 mai 1943.
  • 73 Onfroy nommé le 30 octobre 1940, Perreau-Pradier le 10 août 1941, Voyle le 18 décembre 1941, Troui (...)

66Avec la création de l’État français, de nouveaux préfets sont nommés ; leur rotation est rapide. Entre novembre 1940 et la Libération de Rennes le 4 août 1944, le département voit se succéder quatre préfets68 ; si les deux premiers restent plus d’un an, ce n’est pas le cas des deux derniers (six ou sept mois chacun). La présence de F. Ripert en Ille-et-Vilaine correspond presque exactement à la durée de la mise en application de la Révolution nationale69 ; le dernier préfet applique la politique d’un régime passé entre les mains des collaborationnistes70. En application de la loi du 19 avril 1941, les préfets d’Ille-et-Vilaine sont également préfets de la région de Rennes c’est-à-dire de la Bretagne amputée de la Loire-Inférieure rattachée à Angers. Le rythme de rotation des sous-préfets est tout aussi élevé ; Fougères en voit passer trois71, Redon deux72 et Saint-Malo cinq !73.

  • 74 Doueil (Pierre), L’administration locale à l’épreuve de la guerre, 1939-1949, Sirey, 1950, 402 p. (...)
  • 75 Cela correspond à la politique qui a présidé aux nominations des membres de ces commissions c’est- (...)
  • 76 ADIV - 43 W71.
  • 77 Cinq sont (pour le département) à gauche, radicaux-indépendants ou républicains de gauche ; l’un d (...)
  • 78 Le maire de Saint-Malo Auguste Briand remplace Gasnier-Duparc, sénateur-maire radical-socia- liste (...)

67Les assemblées municipales et le Conseil général sont également touchés par ces transformations74. Dès le 12 octobre 1940, le Conseil général élu fait place à une commission administrative dont les huit membres sont nommés ; la moitié d’entre eux sont issus de l’ancien Conseil général, conservateurs, ils sont proches du nouveau régime75. Puis la loi du 7 août 1942 crée un Conseil départemental76 dont les membres, choisis parmi d’anciens élus locaux, sont nommés ; tous les cantons doivent être représentés. Les propositions sont faites par le préfet le 9 novembre 1942 et entérinées au Journal Officiel du 2 mai 1943. Ce Conseil départemental comprend 39 membres ; parmi eux, 19 sont d’anciens conseillers généraux élus, souvent maires de leur commune77, 13 d’anciens maires élus, 3 d’anciens conseillers municipaux élus, 1 est un maire nommé par le régime de Vichy78, 3 ont été membres de la commission administrative et n’avaient pas d’autre fonction. Si certains sont qualifiés comme étant favorables au Maréchal, d’autres selon le préfet, ont seulement une « attitude correcte ». Parmi ces conseillers départementaux, deux sont des résistants, membres de réseaux. Les maires, choisis pour siéger au Conseil départemental, le sont parce que plus à droite que le conseiller général. A contrario, le seul conseiller général socialiste du département est évidemment écarté. Sur les 39 conseillers départementaux, quatre sont des agriculteurs exploitants et trois, des commerçants. Tous les autres sont des professions libérales, des industriels ou négociants, d’anciens officiers, des propriétaires fonciers. Cette composition sociale ne peut surprendre, elle est dans la lignée de celle du Conseil général.

  • 79 ADIV - 55 w 1 à 16 : situation des municipalités en 1940-1945.

68Ce Conseil départemental nommé complète le dispositif mis en place par le régime de Vichy pour les municipalités. La loi du 16 novembre 1940 revient à la législation antérieure à la loi républicaine de 1884. Désormais, le maire est désigné par le gouvernement pour toutes les communes de plus de 2 000 habitants ce qui touche plus de cinquante communes du département. Au total, 87 communes changent de maire au cours de l’occupation, mais sur ces 87, seules 40 en changent pour des raisons politiques. Pour les autres, la nomination d’un nouveau maire est due à la mort du maire élu (29 communes), à des démissions pour des raisons de santé (huit cas) ; pour onze communes, les causes ne peuvent être déterminées, mais les maires renâclent de plus en plus en 1944 à faire appliquer les ordres de réquisition de l’occupant, les décisions de Vichy qui aggravent les conditions de vie de leurs concitoyens79.

  • 80 ADIV - 43 W 74.
  • 81 ADIV - 55 W 15 : situation municipale à Saint-Servan de 1940 à 1945.
  • 82 Menacé par les Allemands, Chateau a dû fuir le 7 juin 1944.
  • 83 À partir d’octobre 1943 et jusqu’à la Libération, il se fait régulièrement excusé aux délibération (...)

69Dans les villes, deux situations sont possibles : soit la création de délégations spéciales, soit le maintien des anciens conseils municipaux en diminuant le nombre de conseillers et en nommant une femme aux affaires sociales. La plupart des révocations s’effectuent en 1941. À Saint-Malo, Gasnier-Duparc, est destitué en juillet 1941 et remplacé par Auguste Briand, capitaine au long cours80. À Saint-Servan, l’ancien ministre Guy La Chambre est également révoqué en avril 194181. À Fougères, le maire radical- socialiste Rebuffé est révoqué en mars 1941 et remplacé par Hamard. En revanche, d’autres maires sont maintenus comme François Chateau à Rennes jusqu’au 14 juin 1944, date à laquelle il est remplacé par le docteur Patay, président départemental de l’UNC avant la guerre et qui reste en poste jusqu’à la Libération82. La diminution du nombre de conseillers municipaux entraîne des modifications qui ne sont pas forcément liées à leurs opinions politiques puisque à Rennes par exemple, E. Quessot, conseiller municipal socialiste, reste en place83. Pour ces conseillers municipaux, rester en poste n’est pas forcément le signe d’une approbation du régime de Vichy, mais beaucoup pensent pouvoir continuer à servir, à protéger leurs concitoyens. C’est pourquoi, rares sont les délégations municipales sauf à l’extrême fin de l’Occupation. Dans les communes rurales, les nominations de maires et les délégations municipales restent exceptionnelles.

L’idéologie de Vichy et son application en Ille-et-Vilaine

70Le régime de Vichy agit comme si la guerre et l’Occupation n’existaient pas. Toute l’ambiguïté du régime repose sur la volonté de réaliser son programme de transformation en profondeur de la société, sans avoir l’air de tenir compte des contraintes intérieures et extérieures.

71La Révolution nationale du maréchal Pétain se veut une revanche contre le Front populaire ou ce que le maréchal Pétain appelle « l’esprit de jouissance ». Il veut reconstruire la société sur des bases conservatrices, réactionnaires en s’appuyant sur les valeurs de la société rurale traditionnelle en communion avec une représentation mythique de l’Ancien Régime. Il s’agit de nier, de refuser l’héritage de la Révolution française et ceci au profit de la devise « Travail, Famille, Patrie ». Cette devise résume les trois grandes orientations de la Révolution nationale : la législation sur le travail, le développement d’une politique familiale et la volonté de rendre « la France aux Français » c’est-à-dire en fait d’exclure certaines catégories de Français ; l’occupant nazi ne pouvait qu’approuver.

  • 84 ADIV - 43 W 32 : rapports sur les associations secrètes ; mais ce dossier ne concerne que les publ (...)

72Les exclus du régime sont les francs-maçons, les communistes et les juifs. Les francs-maçons sont exclus de la fonction publique. Une liste d’août 1941 en recense une cinquantaine dans le département dont près de 60 % appartiennent à la fonction publique parmi eux une vingtaine d’instituteurs et de professeurs, démissionnés d’office84.

  • 85 Courtois (Stéphane), Le PCF dans la guerre, éd. Ramsay, 1980, 585 p., Azéma (J.-P.), Prost (A.), R (...)
  • 86 Ci-dessus chapitre 2 p. 104-105 et graphique n°3 p. 104 : « Les effectifs du PCF d’Ille-et-Vilaine (...)
  • 87 Telles sont les deux catégories distinguées dans les papiers officiels, mais avec de fréquentes co (...)

73Quant aux communistes, le gouvernement de Daladier a déjà adopté une législation anticommuniste après le pacte de non-agression germano- soviétique ; le régime de Vichy l’utilise et la durcit. Si dans le département les communistes ne sont pas arrêtés en tant que tels jusqu’en juin 1940, après l’Occupation, contrairement à d’autres départements, ils ne semblent pas avoir repris d’activité ouvertement pendant cette période où la direction centrale du PCF lance ses troupes à découvert vis-à-vis de l’occupant85. Cependant, dès août 1940, les liens commencent à se renouer. Le PCF avant guerre représentait environ 700 à 900 personnes86 ; compte tenu de la mobilisation, des prisonniers de guerre, de départs à la suite du pacte de non-agression germano-soviétique, les effectifs diminuent, mais, après une phase de désarroi, des actions sont mises sur pied. Dès lors, l’action des autorités françaises et allemandes est semblable à celle qu’elles exercent dans toute la zone nord contre les résistants, qu’ils soient gaullistes ou communistes87.

  • 88 Toczé (Claude), Les Juifs en Ille-et-Vilaine de l’entre-deux-guerres à 1945, mémoire de maîtrise, (...)
  • 89 Bonnet (Jean-Charles), Les Pouvoirs publics français et l’immigration entre les deux guerres, Lyon (...)

74Bien différente est l’exclusion des juifs88 qui la doivent à leur naissance et non à un choix. Le régime veut exclure tout étranger (réel ou supposé). Cette attitude fait que pour la première fois depuis la Révolution, des étrangers naturalisés depuis 1927 redeviennent étrangers en vertu de la loi du 22 juillet 194089 ; parmi eux, une importante proportion de juifs. Quant à la loi du 3 octobre 1940 portant sur le statut des juifs, elle leur interdit (à quelques exceptions près) tout accès à la fonction publique et limite leur accès à l’exercice de la médecine ou à la profession d’avocat. En même temps, le gouvernement militaire allemand en France ordonne le recensement des juifs dans la zone occupée.

  • 90 Certains se sont faits recensés parce qu’ils se savent connus comme juifs, en particulier des comm (...)

75En Ille-et-Vilaine, il n’existe pas alors de communauté juive structurée mais des liens d’amitié entre les familles les plus anciennement implantées ; pour les événements à la fois religieux et familiaux, il est fait appel au rabbin de Tours. Le recensement d’octobre 1940 y dénombre 363 personnes qui se sont déclarées juives. En fait, seul un petit nombre réside dans le département depuis longtemps. Les autres sont arrivés vers 1936 ; originaires d’Europe centrale, ils ont séjourné plus ou moins longtemps dans la région parisienne ; enfin quelques-uns sont arrivés lors de l’exode de juin. Ce chiffre de 363 paraît vraisemblable ; il n’est certainement pas exact à l’unité près, mais la sous-estimation doit être légère, des témoignages montrent combien un tel recensement n’apparaissait pas comme dangereux aux contemporains90. Ils résident dans les villes, plus rarement dans les bourgades rurales. Plus de la moitié de cette population juive réside dans l’arrondissement de Saint-Malo (204 personnes) et environ un tiers à Rennes ( 124 personnes). Ce même recensement permet de déterminer avec plus ou moins d’exactitude la proportion de juifs étrangers : 40 à 45 % de cette population. La plupart sont des juifs ashkhénazes d’Europe orientale, essentiellement Polonais, Russes, Roumains (par ordre décroissant). Sur l’ensemble des juifs recensés, un bon tiers exerce une activité professionnelle dans le secteur tertiaire (commerce, professions libérales, enseignement...). À l’aide de ce recensement, de celui de l’été 1941 en application du nouveau statut de juin, le piège se referme sur eux.

  • 91 Toczé (C.), op. cit.. p. 74-75.
  • 92 Toczé (C.), op. cit., p. 88 et suivantes. L’auteur mentionne un seul cas de solidarité, de la part (...)

76La répression se manifeste par la perte de l’activité professionnelle, « l’aryanisation » des biens appartenant aux juifs et par les arrestations. La perte de l’activité professionnelle et 1’ « aryanisation » des entreprises sont concomittantes. Un arrêté du préfet du 10 décembre 1940 ordonne la fermeture de 29 entreprises juives « qui ne répondaient pas à un besoin absolu de l’économie française » ; la plupart sont des commerces ou des entreprises de textile mais aussi un marchand de bétail, un maroquinier et un horloger. Ces 29 entreprises sont purement et simplement fermées avec apposition des scellés tandis que trois autres (radiateurs d’automobiles, tissus, usine de chemiserie-lingerie) ont un administrateur provisoire91. Plusieurs des « entreprises » fermées ont des activités pour le moins réduites : l’une a toutes ses marchandises contenues dans un placard, une autre dans trois valises, etc. ; ces descriptions n’en rendent que plus amèrement dérisoires et absurdes les ordres allemands de répartition des « stocks » saisis. Ajoutons que certains ont déjà quitté Rennes, lorsque l’on procède à l’« aryanisation ». Pour la nomination des administrateurs provisoires, nombre de candidatures émanent d’anciens « amis » des spoliés92.

  • 93 Toczé (C.), op. cit., p. 156.
  • 94 Tels ces gendarmes qui apprenant que la personne juive qu’ils recherchent, est absente, font le pl (...)

77Les arrestations de juifs comme dans tout le pays s’échelonnent du 16 septembre 1941 à 1944. Les premières arrestations concernent les juifs étrangers, puis les juifs français. Parmi les rafles les plus importantes, on peut noter celles du 16 juillet 1942 (parallèle à celle du Vel’d’Hiv.), du 9 octobre 1942, du 4 janvier 1944. En dehors de ces rafles plus massives, des arrestations isolées se produisent. Au total, selon les recherches de Claude Toczé -qui montre les difficultés à établir un compte exact de ces tragiques arrestations-, l’Ille-et-Vilaine aurait connu l’arrestation de 110 personnes soit 29,89 % des juifs recensés en octobre 194093, ce qui est un peu supérieur à la moyenne nationale (25 %). Ce chiffre ne concerne que les juifs arrêtés en Ille-et-Vilaine et ne tient pas compte de ceux qui depuis octobre 1940 ont quitté le département et ont pu être arrêtés et déportés ailleurs ; 3 % seulement sont revenus. Dans ce département, où les juifs sont peu nombreux et isolés, les persécutions contre eux passent souvent inaperçues des communes rurales mais ce ne peut être le cas des villes. Or, le silence paraît la règle. Cependant, si l’administration préfectorale dans son ensemble applique les lois et ne semble rien faire pour contourner ou adoucir si peu que ce soit celle-ci, certains policiers et gendarmes viennent prévenir des menaces d’arrestations ou bien ils interprètent au plus juste leur consigne94. Il n’empêche qu’il a été possible de créer un commissariat régional aux questions juives, que des hommes par antisémitisme persécutent les juifs et ne le regrettent pas après la guerre. Ce département où la présence des juifs est infime au regard de la population totale, voit s’exercer une répression dont le mécanisme apparaît tout aussi inexorable et à laquelle prêtent main-forte des hommes et des femmes par indifférence, par obéissance, par cupidité, contribuant indirectement à l’efficacité du génocide.

78La référence à la Patrie sous Vichy est en fait la soumission à un ordre politique, social et idéologique qui nie totalement les acquis de la Révolution française et plus particulièrement la notion d’égalité en Droit des hommes (article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789).

79— Des relais ?

80Bon gré, mal gré, le régime de Vichy dispose d’alliés objectifs, qui ne sont pas forcément consentants, ni durables : la presse et l’Église.

  • 95 À la tête du journal Paul Hutin, directeur général du journal cède la place à Pierre Artur ; bon n (...)

81La presse départementale, avant la guerre, était nombreuse : deux quotidiens, plusieurs hebdomadaires représentant les principales tendances politiques. Mais, avec la guerre, cette multiplicité disparaît et la presse est soumise à la censure nazie, la Propagandastaffel. Son maintien s’accompagne parfois de remaniements comme à L’Ouest-Éclair95. Deux journaux bretons sont créés : L’Heure bretonne et La Bretagne.

  • 96 Frelaut (B.), op. cit., p. 70.
  • 97 Trois rédacteurs en chef se succèdent : Morvan Lebesque qui reste quinze jours, Ronan de Fréminvil (...)
  • 98 Frelaut (B.), op. cit., p. 70.
  • 99 Frelaut (B.), op. cit., p. 72-73.

82L’Heure bretonne paraît dès le 14 juillet 1940 et jusqu’au 4 juin 1944 ; hebdomadaire dont le siège social est à Rennes, il exalte le sentiment nationaliste breton, dénonce l’impérialisme français et de fait est le porte-parole légal du PNB. Après un premier numéro tiré gratuitement, les numéros suivants tirent de 23 000 à 37 000 exemplaires96, mais en mai 1941, le nouveau rédacteur en chef Jaffré97 constate un très grand nombre d’invendus et abaisse le tirage à 8 000 exemplaires (pour toute la Bretagne) correspondant à la vente réelle en 1941. Quelle que soit l’évolution ultérieure du tirage (25 000 exemplaires en moyenne en 1943)98, l’hebdomadaire n’est pas financièrement rentable. C’est pourquoi, il bénéficie selon Olier Mordrel d’un financement extérieur provenant du SD, mais plus dans le cadre « d’une gentillesse d’amis personnels comme le docteur Wagner » que d’une subvention99. L’accueil est loin d’être enthousiaste et les incidents fréquents entre les vendeurs à la criée du journal et la population ; le déroulement de la guerre de plus en plus défavorable à l’occupant et au PNB augmentent les difficultés du journal dont les ventes diminuent. Son thème central est le ravitaillement. Il dénonce les services du ravitaillement qui à son avis désavantagent la Bretagne au profit des Parisiens. Il s’efforce de démontrer à tout prix la mainmise de la France sur la Bretagne, « oubliant » les prélèvements allemands (à cause de la censure ?) et en ne tenant pas compte du rationnement de plus en plus sévère, qu’il s’agisse des Bretons ou des Français dans leur ensemble.

  • 100 Didro (Yann) et Fouéré (Yann), L’histoire du quotidien « La Bretagne » et les silences d’Henri Fré (...)

83Quant à La Bretagne, elle exprime le courant régionaliste du mouvement breton. Yann Fouéré, sous-préfet de Morlaix en 1940, régionaliste convaincu et corporatiste, souhaite que le nouveau régime réalise une véritable politique de décentralisation. Pour faire pression sur le gouvernement, il crée La Bretagne dont le siège social est à Rennes. Le premier numéro de ce quotidien régionaliste, financé principalement par des Bretons, sort le 20 mars 1941. Autorisé, car, dans l’ensemble, il souscrit à la Révolution nationale y compris à sa politique d’exclusion. Sur les principaux points, l’accord est complet, mais sur la question régionale, il n’en est plus de même. Son thème principal est la décentralisation, afin d’obtenir une plus grande autonomie de décision au niveau de la province100.

  • 101 À la même date, La Dépêche de Brest est menacée de suppression par la Propagandastaffel ; le princ (...)

84La Bretagne a plus de difficultés que L’Heure bretonne à se maintenir et au début de 1942, Yann Fouéré envisage de changer le rythme de parution du journal mais à ce moment a lieu un rapprochement entre. La Bretagne et La Dépêche de Brest donnant lieu à une vive polémique après la guerre101. Quoi qu’il en soit, le rapprochement se réalise en plein accord avec la Propagandastaffelet contribue à renforcer la presse régionaliste dépendant à la fois du régime de Vichy et de la censure nazie, dépendance commune à tout journal de la période mais qui prend ici un relief singulier.

  • 102 Le Nouvelliste de Bretagne continue de paraître mais son audience n’est pas comparable.

85Quel est l’impact de cette presse ? Les tirages de ces journaux régionalistes sont assez faibles au regard de L’Ouest-Eclair qui a une situation de quasi monopole, situation nouvelle par rapport à celle d’avant-guerre102. L’Ouest-Éclair se vend, certes, mais parce qu’il s’y trouve des informations indispensables à la vie quotidienne, en particulier tout ce qui concerne la valeur des tickets de rationnement, ce à quoi donne droit certains d’entre eux, etc. Par ailleurs, les informations sur la guerre sont fournies par l’occupant, mais il n’empêche que ces informations-là sont scrutées, le moindre recul étant abondamment commenté, savouré. En fait, le journal a surtout un rôle d’informations pratiques : rations alimentaires, heures de couvre-feu, séances de cinéma ou de théâtre ; pour les informations sur la guerre les lecteurs sont méfiants. Dans ces conditions, les articles de propagande de la Révolution nationale ont-ils un réel impact et sont-ils seulement lus ? La presse s’avère un relais moins fiable qu’il n’y paraît.

  • 103 Parmi les plus récentes mises au point, Chélini (J.), L’Église sous Pie XII. La tourmente. 1939- 1 (...)

86L’Église, à sa manière, est un allié du régime, mais un allié incertain, objet de controverses après la guerre. En Ille-et-Vilaine, Elle est un élément-clé de la société ; les membres du clergé ont une attitude aussi diverse que celle des Français dans leur ensemble103.

  • 104 Fréville (H), Archives..., op. cit., p. 137-138. On a su après la guerre qu’il avait caché par exe (...)

87Lors de l’occupation du département, l’archevêché de Rennes est vacant depuis la mort de Mgr Mignen en décembre 1939. Nommé le 11 mai 1940, Mgr Roques est intronisé archevêque de Rennes le 9 juillet 1940 ; il vient de l’archevêché d’Aix et est originaire du Sud de la France. Inconnu, il arrive dans des conditions peu faciles pour prendre la tête d’un archevêché important dans une province catholique, ayant tout à la fois à établir des relations avec les autorités françaises et à définir une attitude vis-à-vis de l’occupant. Que sait-on alors de Mgr Roques ? Germaniste ce qui ne veut pas dire favorable à l’occupant, bien au contraire, il a des relations parmi d’anciens membres du Zentrum et est connu comme hostile au racisme nazi104. Il est nécessaire de distinguer entre l’archevêque, responsable d’un diocèse et devant entretenir des relations avec les autorités, et l’homme ; pour cet aspect, on dispose d’une correspondance qui, à mots couverts, donne quelques indications.

  • 105 Mais jusqu’à quel point ce mythe a-t-il fonctionné ? cf. ci-dessous la 4e partie sur la Résistance (...)
  • 106 Fréville (H.), Archives..., op. cit., p. 44.

88L’Église poursuit sa mission spirituelle mais en période d’occupation, de répression, de guerre, Elle ne peut rester en dehors du temps. La Révolution nationale développe quelques thèmes qui lui sont chers : celui de la famille, d’un certain ordre social, d’une éducation religieuse. Dans un département comme celui-ci, les mesures prises en faveur de l’enseignement confessionnel catholique ne peuvent être que bien accueillies. Toutes ces décisions vont dans le sens souhaité par l’Église. Aussi, dans ce domaine de la famille, de l’enseignement, il y a une sorte de « lune de miel » avec le régime de Vichy. Localement, il est certain que pendant les deux premières années, cette attitude contribue à créer dans l’opinion du département une dichotomie entre l’occupant accusé de tous les maux (comme en témoignent tous les rapports de préfet) et le maréchal Pétain et sa Révolution nationale. Si toute une partie de l’opinion en accord avec son clergé ne jette pas l’opprobre sur le régime de Vichy à ses débuts, c’est en partie à cause de ce soutien à l’Église et du mythe Pétain. Celui-ci joue tout particulièrement auprès des Anciens Combattants si nombreux dans un département où le souvenir de la Grande Guerre pèse lourd105. Cette dichotomie se maintient jusqu’en 1941. À partir de cette date, plusieurs facteurs s’entremêlent et l’Église se tient de plus en plus en retrait. L’attitude officielle, de stricte neutralité de l’archevêque indispose suffisamment les Allemands pour qu’ils envisagent de l’arrêter, mais ils ne le font pas craignant les réactions d’une population très catholique et peu encline à accepter un tel acte d’autorité sur la personne de son archevêque, quoi qu’elle puisse penser des faits et gestes de celui-ci106.

  • 107 ADR - 1 D : correspondance de Mgr Roques pendant l’Occupation. Les lettres conservées sont celles (...)
  • 108 ADR - 1 D : résumé de l’entretien de l’archevêque avec la Gestapo (sic) du 12 juin 1941. Extraits  (...)
  • 109 Contrairement à l’évêque des Côtes-du-Nord, Mgr Serrand. Bougeard (C.), op. cit., vol. 4 :p. 1598 (...)

89La correspondance de l’archevêque avec ses prêtres en 1943 et 1944 explicite un peu ses sentiments réels107. Il tempère l’ardeur de prêtres trop antivichyssois en leur conseillant la prudence pour leur propre sécurité. Inversement, lorsque tel prêtre se révèle un farouche antigaulliste et antirésistant prêt à les dénoncer ou demandant à l’archevêque d’intervenir dans le même sens que lui, l’archevêque fait la sourde oreille. Dès le début, il est hostile à l’occupant en tant qu’occupant étranger et en tant que nazi ; comme archevêque de l’Église, il est sans doute favorable non pas au régime de Vichy lui-même, trop inféodé à l’occupant, mais aux mesures prises en faveur de la famille et de l’enseignement privé confessionnel. D’autre part, il défend toujours les prérogatives de l’Église. Lorsque deux militants de la JAC sont arrêtés en 1941, il intervient auprès de la Gestapo estimant que la JAC, mouvement d’Église, n’est pas visée par la loi interdisant les associations108. D’autre part, dès le début, il refuse la situation d’exclusion des juifs, non pas publiquement comme certains de ses confrères, mais ses actes clandestins le prouvent. Par des témoignages, on sait qu’il a aidé des réfractaires et des résistants à se cacher. Hostile à l’occupant et de moins en moins favorable au régime de Vichy, il est ainsi en communion avec ses diocésains. À la Libération, une place est réservée au représentant de l’archevêché au sein du CDL, volonté de tenir compte des forces réelles dans le département mais aussi signe que l’institution ecclésiale n’y a pas démérité109, le clergé ayant eu la même diversité d’attitude et la même évolution chronologique que ses ouailles.

90Si la Révolution nationale trouve en l’Église et son clergé des alliés naturels sur certains points précis, il ne s’agit nullement d’un soutien total et permanent.

Les collaborationnistes110

  • 110 Sur ce terme, Ory (Pascal), Les Collaborateurs (1940-1945), Seuil, 1977, p. 10. Pour l’Ille-et- Vi (...)

91En zone occupée se créent des parus collaborationnistes favorables à une collaboration étroite avec l’Allemagne nazie et en relations conflictuelles avec le régime de Vichy. L’Allemagne de son côté ne les encourage que dans la mesure où ils servent ses intérêts. Ces partis admirent le régime nazi et en reprennent l’idéologie, soutenant le nouvel ordre européen. À partir de 1941, ces partis ou groupes de collaboration (PPF, RNP, MSR, Francistes, Collaboration,...) cherchent à s’implanter en province.

92Ils s’installent dans les villes : Dinard, Fougères, Redon, Rennes et Saint-Malo. S’il existe des adhérents ailleurs, ils sont isolés. Dans le département, presque tous les partis ou groupes de collaboration sont présents mais avec une vitalité très variable pendant l’Occupation.

  • 111 D’après l’enquête de M.-H. Butler citée ci-dessus. Les dates indiquées sont celles de l’entrée des (...)

Tableau n°38 : Effectifs des partis de collaboration et des groupes paramilitaires111.

Tableau n°38 : Effectifs des partis de collaboration et des groupes paramilitaires111.
  • 112 Ci-dessous p. 253-254.

93Ces adhésions ont un caractère éphémère. En 1943, les groupes civils ne font plus recette et les milices ne commencent à recruter vraiment qu’au printemps 1944. Cette évolution des adhérents collaborationnistes est un véritable miroir de l’état d’esprit de l’opinion. Pour la plupart de ces partis, l’apogée est atteint au milieu de l’année 1942 ; le débarquement des Alliés en Afrique du Nord, les premiers reculs à l’Est ont raison des velléités de collaboration de certains. 1943 qui pour la Résistance est l’année à la fois de la répression et d’une véritable vague d’adhésions112, est inversement celle du déclin total des partis et groupes collaborationnistes. Représentent-ils la société d’Ille-et-Vilaine ?

  • 113 Commerçants et artisans sont également surreprésentés dans la Résistance ; cf. ci-dessous p. 256.

94Trois catégories sociales (tableau n°39) sont surreprésentées dans la population collaborationniste : les commerçants-artisans, les professions libérales et les employés113 ; a contrario, les agriculteurs sont presque absents. Commerçants-artisans, professions libérales et employés sont plus proches avant la guerre des partis de droite et surtout des ligues, favorables à une réforme de l’Etat et surtout à un régime d’ordre, national, xénophobe et antisémite.

  • 114 D’après les chiffres fournis par Mme Butler et le recensement de 1946. La différence de 8 individu (...)

Tableau n°39 : Composition socio-professionnelle de la collaboration comparée à celle de l’Ille-et-Vilaine114.

Tableau n°39 : Composition socio-professionnelle de la collaboration comparée à celle de l’Ille-et-Vilaine114.
  • 115 Butler (M.-H.), « op. cit. », p. 5.

95Toutes ces formations ont une permanence à Rennes, Fougères et Saint- Malo. Deux partis dominent : le PPF et le RNP. Le PPF qui existe avant la guerre, subit une éclipse jusqu’à l’invasion de l’URSS par la Wehrmacht ; quant au RNP, créé officiellement à Rennes en mars 1941, il est très vite en difficulté ; la venue de Marcel Déat à Rennes le 14 décembre 1941 ne semble pas changer cette situation. Est-ce dû, comme le suggère M.-H. Butler115, à la concurrence du MSR pourtant moins important en effectif ? Ce dernier est plus puissant à Dinard qu’à Rennes dans la proportion de deux-tiers/un tiers. Agissant concrètement sur le plan social, il a pu détourner du RNP certains adhérents potentiels, de même que la vigoureuse campagne de recrutement du MSR, mais n’est-ce pas exagérer l’influence du MSR que de lui attribuer la perte d’intérêt pour le RNP ? Cette situation est due aussi à la concurrence du PPF et à la raréfaction des « vocations » collaborationnistes en raison de l’évolution générale de la guerre.

  • 116 OE, 20 avril 1942. Aucune archive officielle ne permet d’étayer ces chiffres qui semblent énormes (...)
  • 117 Maurice Fourrier est arrêté en septembre 1942 et fait partie des 25 fusillés de La Maltière en Sai (...)
  • 118 Butler (M.-H.), « op. cit. », p. 23.

96Le PPF étant plus puissant à Saint-Malo qu’à Rennes, pour renforcer ce secteur, son chef Jacques Doriot vient prendre la parole au théâtre de la ville le 19 avril 1942 ; d’après L’Ouest-Eclair, le théâtre était comble (environ 900 personnes) et le public aurait été si nombreux à vouloir l’entendre (4 000 à 5 000 personnes groupées sur la place) que son discours fut diffusé par haut-parleur à l’extérieur116. À la fin de sa conférence, un engin explosif, lancé par un résistant communiste Maurice Fourrier (protégé par un ou deux camarades) éclate dans la fosse d’orchestre et fait un blessé léger, les résistants peuvent s’échapper sans encombre117. Après cette visite, les effectifs du PPF augmentent un peu. Jacques Doriot fait une seconde visite à Rennes le 26 septembre 1942, mais incognito cette fois, et rencontre les autonomistes. Un communiqué est publié les 8 et 9 octobre 1942 dans la presse régionale annonçant la constitution d’une commission d’études bretonnes auprès de la direction du PPF. Toutefois, si dans un discours de novembre 1942118, il indique son intérêt tout particulier pour la Bretagne cela ne va guère au-delà. Groupement politique, le PPF, dont les membres ont souvent un rôle d’indicateurs pour la police, engendre au printemps 1944 un service d’ordre qui a une mission de répression, véritable police supplétive. Bien que moins puissant en effectifs, le PPF apparaît plus redoutable que le RNP ; en effet, ce dernier a un recrutement et une activité qui s’effondrent dès 1943, en revanche les adhésions au PPF se maintiennent au même niveau en 1943 et au printemps 1944, voire augmentent si l’on prend en compte la création de cette organisation paramilitaire liée au PPF. Par sa présence en deux lieux stratégiques pour l’occupant, il est très dangereux pour la Résistance dont les centres d’intérêt géographiques sont les mêmes.

  • 119 Environ 190 personnes. ADIV - 43 W 53 : rapport des RG sur le groupe Collaboration en mai 1943.

97Socialement, le groupe Collaboration diffère et comprend surtout des notabilités avec une nébuleuse de sympathisants119. Ce groupe organise des conférences qui connaissent une certaine affluence en raison de leur tenue intellectuelle ; le groupe se disperse assez vite, miné par des divisions internes et par l’évolution générale de la guerre.

98À ces collaborationnistes politiques français s’ajoute le PNB. À l’automne 1940, le PNB est dirigé par O. Mordrel. L’orientation qu’il donne au PNB lui vaut l’hostilité à la fois des autorités françaises et des autorités allemandes sans compter celle de l’Église et de la plus grande partie de l’opinion. Il préconise une politique nationaliste, nettement antifrançaise et séparatiste. Devant l’hostilité soulevée, Mordrel démissionne de la direction du parti au début de décembre 1940 et est remplacé par Raymond Delaporte qui assume la direction du PNB jusqu’à la fin de la guerre. À cette date incontestablement le PNB est protégé par les Allemands.

  • 120 Nicolas (Michel), Histoire du mouvement breton, éd. Syros, 1982, p. 95.
  • 121 Deniel (Alain), Le Mouvement breton. 1919-1945, éd. Maspero, 1976, p. 256-276 et 290-303 et Nicola (...)

99Sous la conduite de Delaporte et jusqu’en 1943, le PNB affiche une attitude conciliante par rapport au régime de Vichy malgré le peu d’empressement de celui-ci. Le PNB veut toujours une Bretagne libre dotée d’institutions propres. Tenant compte de la conjoncture, ses revendications principales portent d’abord sur les contraintes économiques et il réclame « la production bretonne pour les Bretons » (dans cette perspective seuls les surplus seraient destinés aux « Français »). Ces prises de position apparaissent comme plus fédéralistes que nationalistes. Elles sont clairement affirmées dans L’Heure bretonne du 14 mars 1943 ; le PNB souhaite « un État breton autonome dans le cadre de l’État français fédéral » et précise : « Nous acceptons que les problèmes de caractère international soient de la compétence de l’État fédéral français ». La quarantaine de sympathisants du PNB montre que l’essentiel de sa clientèle ne provient pas de ce département gallo alors qu’il rassemble sur les cinq départements environ 2 500 à 3 000 adhérents à son apogée120. Malgré l’attitude conciliatrice du PNB de Delaporte, le gouvernement ne change pas son attitude et en 1942 l’heure n’est plus à la Révolution nationale. Le durcissement de l’occupant et du gouvernement de Vichy entraînent une aggravation des tensions entre Delaporte et ses partisans d’une part, et d’autre part les extrémistes bretons, partisans de l’indépendance comme Célestin Lainé. À la fin de l’année 1943, le PNB éclate entre les partisans d’une alliance avec les nazis et ceux qui derrière Delaporte préfèrent une attitude plus neutre121 ; même si ces derniers restent protégés par les Allemands, ils se refusent à une action militaire aux côtés des nazis.

  • 122 L’abbé Perrot, recteur de Scrignac (Finistère), directeur de la revue Feiz ha Breiz, est tué le 12 (...)
  • 123 Cette croyance s’appuyait sur la production d’armes nouvelles qui devraient permettre à l’Allemagn (...)
  • 124 ADIV-43 W 207.
  • 125 Ci-dessous et ma thèse de 3e cycle La Résistance en Ille-et-Vilaine, PUR, 1993, p. 259.
  • 126 Les militants bretons pronazis restent constamment une infime minorité.

100En revanche, en novembre-décembre 1943, Lainé en accord avec François Debauvais entend créer un « vrai PNB » avec son propre organe de presse Breiz Atao et une formation paramilitaire. Ils constituent alors un second PNB le... 20 mai 1944 ! C’est au cours d’une réunion d’une trentaine de personnes à Rennes qu’est décidée la formation de ce nouveau PNB et la reparution de Breiz Atao. Un « comité exécutif de la Bretagne libre », qui se veut un gouvernement provisoire, est formé. En mai 1944, Breiz Atao paraît et publie le testament de l’abbé Perrot122 ainsi qu’un appel de F. Debauvais en faveur de la « formation Perrot » afin de combattre « loyalement avec l’allié allemand », futur vainqueur123. Ce second PNB ne rassembla jamais qu’un petit noyau d’extrémistes qui se fait surtout connaître par ses exactions dans le cadre de la « Bezenn Perrot ». À la fin de novembre 1943, une trentaine de volontaires se rassemblent pour suivre une préparation militaire ; au total, la nouvelle formation comporte moins de cent hommes pour toute la Bretagne dont 26 en Ille-et-Vilaine124. Elle prend le nom de « Formation J.-M. Perrot ou Bezenn Perrot ». Elle ne peut exister qu’avec l’aval des Allemands ; rattachée au SD de Rennes, elle reçoit un uniforme allemand avec l’écusson breton. Elle a eu un rôle essentiel dans la répression des maquis en particulier ceux du nord du département125. Ces exactions de la Milice bretonne associent définitivement son sort à celui de l’Allemagne nazie. À la veille de la Libération, l’action de quelques autonomistes126 compromet pour longtemps l’avenir du mouvement breton.

  • 127 Cf. La Résistance, op. cit., p. 259.

101Si d’autres formations paramilitaires (LVF, les Waffen-SS) grossissent à des moments différents les effectifs de la collaboration, l’engagement dans les milices est d’une toute autre nature : organisations de répression contre des Français, des compatriotes. Entrer dans les milices, c’est participer à la guerre civile franco-française, en faisant alliance avec l’occupant pour des raisons idéologiques. Entrer dans la Milice en 1944, ce n’est pas dû à une erreur, mais à un choix idéologique. Or, d’après les sources disponibles, 79 personnes (plus les 26 miliciens bretons) résidant en Ille-et-Vilaine y ont appartenu. Français, il leur est plus facile de se glisser dans la population et d’obtenir divers renseignements, mais Français alliés aux nazis, ils savent aussi que la victoire des Alliés est aussi leur perte. Le débarquement de Normandie accentue ce sentiment d’être acculés et rend encore plus féroce la répression comme en témoignent les exécutions de maquisards à Broualan, Saint-Rémy-du-Plain, Saint-Marc-le-Blanc,...127.

102La collaboration politique suit une courbe inversement proportionnelle à celle de la Résistance. Elle s’estompe à partir de l’échec de la Révolution nationale et du durcissement du régime comme le révèle la faiblesse des adhésions en 1943. La collaboration militaire, engagement jusqu’au boutiste, sans compromission, connaît son plein épanouissement au contraire pendant la dernière phase de la guerre. Cette collaboration politique et militaire est faible par rapport à la population adulte du département (moins de 0,5 %) et par rapport à la population résistante (environ la moitié de la population résistante recensée). Ces quelques données qui sont des ordres de grandeur plus que des chiffres exacts, confirment le caractère extrêmement minoritaire des collaborationnistes. À cela s’ajoute la très brève période d’adhésion (1941-1942), suivie d’une période de désertion plus ou moins forte (sauf pour la collaboration militaire). Enfin, il est difficile d’apprécier le nombre de sympathisants que ces divers mouvements entraînent derrière eux. S’agit-il de curieux lors des réunions de propagande ? de convaincus ? Leur évolution a-t-elle été la même ? Est-ce parmi eux que l’on trouve les dénonciateurs, les collaborateurs économiques dont il est encore plus difficile voire impossible d’évaluer le nombre ?

Des Résistants isolés ?128

  • 128 Sur ce thème, je renvoie à La Résistance, op. cit. ; seuls quelques éléments clés sont rappelés, l (...)

103Dans la problématique de cet ouvrage, il s’agit de s’interroger sur l’identité sociale des résistants, sur leur implantation géographique afin de montrer si ces résistants (la Résistance ?) sont en continuité ou en rupture avec la société d’avant-guerre et éventuellement quelles forces nouvelles apparaissent.

  • 129 Par les témoignages, par l’étude des dossiers des Combattants volontaires de la Résistance (CVR) d (...)

104Le terme de résistants recouvre deux réalités : une résistance organisée (réseau, mouvement, maquis) et une résistance a-organisationnelle regroupant ceux qui sans appartenir à l’une de ces organisations ont aidé, soutenu ponctuellement les militants clandestins dans leur quête d’un hébergement, induisant en erreur les forces de répression, etc., une « nébuleuse » de sympathisants informelle et croissante, qu’il est pratiquement impossible à l’historien de cerner avec sûreté. L’essentiel du raisonnement porte, faute de mieux, sur ceux dont on a gardé la trace129.

Une opinion publique résistante ?

  • 130 Ce jour-là, Paul Hutin, secrétaire général de L’Ouest-Éclair, et sa femme mettent à la disposition (...)
  • 131 AN - F1 C III 1156 : rapports des préfets d’Ille-et-Vilaine (juillet 1940-décembre 1941).

105Le hasard veut que l’Ille-et-Vilaine ait été occupé entièrement le jour même de l’appel du général de Gaulle le 18 juin 1940. Ici comme ailleurs très peu l’entendent. Dès ce jour, des hommes quittent Rennes pour gagner les côtes et ensuite l’Angleterre130. Tout de suite, l’opinion manifeste son hostilité à l’occupant et son anglophilie, même après Mers-el-Kebir131.

  • 132 Ce qui entraîne la fermeture des cinémas rennais du 8 au 11 juillet 1940 ; BMF - RW 35/1254 : Krie (...)
  • 133 AN - F1 C III 1156 : rapports du sous-préfet de Fougères du 28 novembre et du 14 décembre et du pr (...)
  • 134 ADIV - 43 W 2 : rapport du préfet du 31 décembre 1941 ; BMF - RW 35/1264 - Kriegstagebuch - Ordner (...)
  • 135 BMF - RW 35/1271 - Kriegstagebuch - idem (Februar 1941 - Mai 1941) : Lagebericht, Mai 1941.
  • 136 ADIV - 43 W 2 : rapport du préfet de novembre 1941.

106Cette hostilité envers l’occupant, dès juin-juillet 1940, a un caractère désorganisé, anarchique avec des lacérations d’affiches, des cris et des sifflets lors de la projection des actualités cinématographiques132. L’écoute de la BBC et les manifestations collectives révèlent une population plutôt hostile à l’occupant. Malgré le brouillage des émissions, la BBC est très écoutée et les autorités françaises et allemandes le notent souvent dans leurs rapports ; les échanges de nouvelles fondées sur la BBC sont fréquentes133. Ceci est vrai pour toute l’année 1940, mais à partir de 1941 les autorités françaises en particulier s’efforcent de lutter contre cette situation en interdisant l’écoute de la BBC par une loi du 15 octobre 1941, mais cette loi « a eu pour effet d’accroître les difficultés qu’il y a à connaître l’état exact de l’opinion, en ce sens qu’elle a mis fin à tous les commentaires que provoquaient ces émissions »134 ! Mesurer l’influence de la BBC est toutefois possible lorsque celle-ci donne des consignes : arrêt de toute activité, de toute circulation pendant quelques minutes, voire pendant une heure ou au contraire invitant à manifester. Le 11 mai 1941 à Rennes, de l’aveu des autorités d’occupation, une grande partie de la population, des étudiants et les élèves les plus âgés ont manifesté en plein centre135. Parfois des arrestations se produisent comme le 31 octobre 1941, pour avoir suivi les consignes d’arrêt de 5mn données par le général de Gaulle136.

  • 137 C’est la première fois que le préfet décide d’interner des manifestants gaullistes. BMF - RW 35/ 1 (...)

107Une manifestation d’envergure s’est déroulée à Rennes pour le premier anniversaire du bombardement allemand du 17 juin 1940. Malgré la fermeture du cimetière de l’Est à Rennes et la présence de gendarmes et de policiers, trois cents à quatre cents personnes ont déposé des gerbes et entonné La Marseillaise ; le commandant de gendarmerie Guillaudot refuse, malgré les ordres du préfet, de charger la foule qui se dirige vers la préfecture et se disperse après avoir crié « vive la France ! vive de Gaulle ! ». Bilan : cinq personnes sont envoyées au camp d’internement de Châteaubriant tandis que deux jours plus tard, le commandant Guillaudot est muté d’office à Vannes137. Ces actes prouvent qu’il existe bien un courant d’opinion hostile à l’occupant et en partie hostile au régime de Vichy, et cela dès le début de l’Occupation.

108Des actions plus radicales se font en ordre dispersé : aide aux prisonniers de guerre détenus dans les casernes cherchant à s’évader, camouflage d’armes abandonnées par les soldats lors de la débâcle. Commencent aussi les premières formes de sabotage par des isolés, hommes ou femmes, en fonction de leur possibilité, le plus souvent sur les lieux de travail ; les ateliers SNCF, les chantiers dans les diverses villes en sont le théâtre : réparations mal faites, lenteur dans l’exécution, « pertes » de pièces, d’autres sont des sabotages stricto sensu comme des sabotages de freins sur les trains, des coupures de câbles téléphoniques. C’est un sabotage de ce type qui vaut à Marcel Brossier, mécanicien, d’être le premier fusillé du département le 17 septembre 1940.

109Entre l’hostilité latente et l’hostilité agissante, organisée, il existe un monde car il faut franchir le pas séparant l’acte-réflexe de l’action organisée dans le but de se battre jusqu’à la Libération, action clandestine, dangereuse, mais la Résistance organisée peut s’appuyer sur un cercle de sympathisants. De 1940 à 1944, ce cercle s’élargit et contribue au succès de ses actions.

Caractères généraux de la Résistance organisée

110Par son organisation, sa chronologie, la Résistance d’Ille-et-Vilaine ne présente guère d’originalité. Ici comme ailleurs en zone occupée se créent des groupes de résistance d’abord indépendants puis reliés à des réseaux ou à des mouvements. Tous ceux de zone occupée y sont représentés, mais pas tous dans les mêmes proportions.

111— Une domination relative des organisations liées au PCF

  • 138 Cf. ci-dessus les chapitres 1 et 2.

112Ce qui caractérise la résistance départementale, c’est la force des organisations liées au PCF dans un département pour le moins peu réceptif à l’idéologie communiste138. Dans le courant de l’été 1940, les militants communistes renouent les contacts entre eux en partie à cause de la démobilisation de certains d’entre eux, du redémarrage de la vie économique et quotidienne après plusieurs mois de désarroi, d’incertitude. Ces contacts s’effectuent d’abord entre anciens militants.

  • 139 BMF - RW 35/1254 : Kriegstagebuch : Anlagen-Ordner ; Berichte und Belege, Lagebericht zum 23. Sept (...)
  • 140 c’est-à-dire la population entrée dans la Résistance bien avant le 6 juin 1944 ; cf. La Résistance (...)

113Pendant cet été 1940, des sections des Jeunesses communistes se reconstituent ou se créent, surtout à Rennes. Des tracts et des inscriptions célèbrent l’URSS, dénoncent le régime de Vichy, non sans une certaine ambiguïté en raison du pacte de non agression germano-soviétique139. Cet effort de restructuration se prolonge avec la création de groupes de l’OS (Organisation spéciale de combat) à Rennes et à Saint-Malo en janvier 1941 qui s’ouvrent à des non communistes. La création sur le plan national du FN (Front national de lutte pour l’indépendance de la France) en mai 1941, puis dans les mois qui suivent celle des FTPF (Francs-tireurs et partisans français) les rendent plus ouvertes aux non communistes. Ces deux organisations dominent la résistance départementale puisqu’elles regroupent environ 46 % de la population résistante du département telle qu’on peut la recenser140. Ces organisations liées au PCF s’étendent bien au-delà de leurs cercles habituels.

  • 141 Dans les départements voisins des Côtes-du-Nord et du Morbihan, la domination du FN et des FTPF se (...)
  • 142 Leur formation est longue et coûteuse ce qui explique l’importance attachée à leur rapatriement.
  • 143 Huguen (Roger), Les réseaux d’évasion d’aviateurs en Bretagne (1940-1944), Rennes, thèse de 3’ cyc (...)

114Quant aux autres résistants, un tiers d’entre eux œuvre dans les divers réseaux et à peine un cinquième dans les mouvements non liés au PCF141. La création de ceux-ci est le résultat de réseaux antérieurs d’amitié, de relations professionnelles, etc. Le tiers des résistants du département s’est retrouvé dans des réseaux, principalement de renseignement et d’évasion d’aviateurs alliés c’est-à-dire des réseaux qui répondent aux besoins les plus anciens des Alliés. Les premiers sont évidemment les réseaux de renseignement en raison de la situation stratégique de la côte, de la présence à Rennes d’une forte densité de troupes d’occupation ; pour les réseaux d’évasion d’aviateurs142, Rennes est le point de passage obligé vers la côte nord de la Bretagne143 ; les côtes d’Ille-et-Vilaine avec la présence de Saint-Malo, de l’île de Cézembre trop surveillées ne peuvent remplir la même fonction. Enfin, les réseaux d’action n’apparaissent qu’à la fin de 1943 et ne peuvent guère se développer à cause de la répression. Les mouvements non communistes réunissent moins de membres que les organisations précitées essentiellement parce qu’ils s’implantent plus tard dans le département ; créés de toute pièce sous l’occupation, ils ne disposent pas d’un réseau pré-établi comme les organisations nées du PCF, ni d’une aide extérieure comme les réseaux.

  • 144 En octobre 1941, 50 personnes du même réseau sont arrêtées dans la région de Fougères ; en mars et (...)

115Toutes ces organisations connaissent à peu près la même évolution chronologique : une phase de croissance en 1940-1942 malgré des arrestations en série144, une vigoureuse poussée en 1943 et au printemps 1944 au moment même où les organisations collaborationnistes déclinent. Ce rythme est légèrement différent selon les organisations ; les « civils » (réseaux et mouvements) s’accroissent surtout en 1942 et 1943 et les organisations de lutte armée (FTPF, AS, FFI) connaissent une forte progression en 1944 afin de préparer le débarquement et de harceler de plus en plus les troupes d’occupation. Après le débarquement du 6 juin 1944, les effectifs des groupes de résistance principalement FFI et FTPF (qui ne fusionnèrent jamais complètement) augmentent rapidement sans que l’on puisse véritablement dire dans quelles proportions, les chiffres étant aléatoires. Les résistants intensifient la lutte armée au moment même où la Milice se développe. Cette concomittance ne peut que rendre plus explosive la tension existant entre résistants et miliciens qui atteint alors son paroxysme dans le cadre de la guerre franco-française.

  • 145 Chancelier du BOA (Bureau des opérations aériennes), l’adjoint du DMR (Délégué militaire régional (...)
  • 146 Cf. ci-dessous chapitre 6, p. 263 et suivantes.
  • 147 Au nord du département. 16 fusillés au total.

116Or, les sept mois de 1944 sont à la fois ceux où le nombre de résistants augmente, mais aussi les arrestations dont celles de nombreux dirigeants. En février 1944 sont successivement arrêtés les dirigeants départementaux de l’AS, de Libération-Nord, du FN, puis en avril 1944, les nouveaux dirigeants de l’AS et de Libération-Nord, des dirigeants de réseaux, plusieurs dirigeants régionaux et nationaux le 25 avril 1944 à Rennes145. En mai 1944, c’est au tour du chef régional de Défense de la France Maurice Prestaut (Patro). Ces arrestations successives de responsables se répercutent sur l’action de la Résistance au moment du débarquement et sur le CDL146. Avec le débarquement, cette aggravation de la répression prend d’autres formes. Les maquis, infiltrés ou trop voyants, sont rapidement découverts et les milices assistées des Allemands les encerclent et fusillent sur place les maquisards comme à Broualan ou à Saint-Rémy-du-Plain147.

  • 148 Ci-dessous chapitre 6, p. 265.

117Malgré cette répression, la résistance départementale contribue à la Libération et à la passation de pouvoir entre les autorités vichyssoises et les autorités gaullistes148.

  • 149 voir aussi la 2e partie de La Résistance, op. cit. et mon article « op. cit. » dans RH2GM.

118— Des hommes et des femmes ordinaires ?149

119À travers la population résistante du département, on peut appréhender l’attitude de l’ensemble de la population face aux choix qui se posent à elle et percevoir la continuité ou non par rapport à l’avant-guerre. Les circonstances, les conditions économiques, sociales, politiques dans lesquelles se trouve chaque individu, sont également déterminantes.

  • 150 La prépondérance des jeunes a plusieurs causes : motifs psychologiques (sens de l’absolu et de ce (...)
  • 151 « à la fois moralisateur et fort » ; Prost (Antoine), Les Anciens Combattants, Gallimard, (col. «  (...)

120Cette population résistante est principalement une population jeune ; les 14-29 ans constituaient 45 % environ de la population résistante contre à peine le tiers dans la population adulte départementale. Cette jeunesse des résistants est d’autant plus remarquable qu’à peu près les mêmes tranches d’âge fournissent l’essentiel des prisonniers de guerre150. Deuxième remarque qu’attire l’étude de la composition par âge de cette population, c’est la part relativement importante de la tranche d’âge correspondant aux Anciens Combattants de 14-18. Cette assez forte présence des Anciens Combattants dans la population résistante pose en fait la question de la force du mythe Pétain auprès d’eux. Ils ne sont pas les thuriféraires systématiques du maréchal Pétain, contrairement à une idée répandue. Il est certain que Pétain incarne la Grande Guerre, que son régime représente un type de pouvoir voulu par certains d’entre eux, particulièrement par l’UNC151 mais cette orientation n’est pas du goût de tous les Anciens Combattants y compris à l’UNC puisque certains en ont démissionné pour cette raison. Même si bon nombre d’entre eux gardent une certaine confiance en Pétain, acceptant l’idée d’un Pétain bouclier de De Gaulle et de la France, la présence directe de l’occupant (et c’est là une différence essentielle avec la zone sud) fait dépasser ce sentiment et conduit à réagir contre l’occupant.

  • 152 C’est-à-dire de la population ayant déposé une demande de carte de CVR à l’ODAC. Mais combien de f (...)

121Cette population résistante est aussi une population dont les femmes ne sont pas absentes. Elles forment environ 12 % de la population étudiée152. Ce chiffre dont la valeur est relative, est cependant remarquable. Les femmes à la veille de la guerre sont loin d’être toujours reconnues comme des adultes à part entière. Dans le cadre du travail, les femmes d’agriculteurs et de commerçants ou artisans qui aident leur mari et font leur journée de travail, n’étaient pas reconnues (ou rarement) comme « exerçant une activité rémunérée », leur statut est souvent flou par rapport au monde du travail. Seules les femmes salariées (employées de bureau, ouvrières,...) ont un statut clair de travailleuses, mais ont légalement un salaire inférieur à celui des hommes ; quant aux femmes de la bourgeoisie, elles ne travaillent pas. De plus, les femmes sont mineures politiquement et quand par hasard l’une d’elles assiste à une réunion politique, le fait est suffisamment inhabituel pour que les rapports de police le signalent aussitôt. Mariées, elles sont mineures également n’ayant pas la libre utilisation de leurs biens et devant être autorisées par leur époux pour recevoir une succession. Le discours classique veut que la guerre 14-18 aurait émancipé les femmes ; c’est à mes yeux une idée reçue que la réalité concrète ne confirme pas. Certes, certaines sont chefs d’exploitation agricole mais le temps de conserver l’exploitation jusqu’à l’arrivée à l’âge adulte du fils aîné et n’oublions pas qu’elles le font le plus souvent sous la surveillance du tuteur de leurs enfants. Les tuteurs, les conseils de famille jouent un rôle considérable. Elles ne sont jamais pleinement chefs de famille. En fait, mariée, veuve ou célibataire, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la femme en France est une mineure politiquement, économiquement et n’a que rarement une vie pleinement autonome.

  • 153 Fourcade (Marie-Madeleine), L’Arche de Noé, Fayard, 1968, 716 p. mais cette méfiance ne s’exerce p (...)

122Dans un tel contexte, le fait de s’engager, de faire acte de résistance est un fait nouveau et important pour les femmes. Faire acte de résistance entre 1940 et 1944 en France, c’est accomplir un geste militaire ou (et) politique, c’est doublement incongru pour une femme. On assiste ici à une rupture qui ne s’opère pas sans qu’il s’exerce quelque étonnement, quelque méfiance153, mais elle est la caractéristique des femmes entrant dans la Résistance. C’est pourquoi, la proportion de femmes qui se déclarent comme résistantes est en définitive importante compte tenu des ruptures qu’elles doivent assumer.

  • 154 Cf. mon article « op. cit. » dans RH2GM, p. 42 et témoignages de Mmes Boudaliez, Deplantay, Moulin (...)

123Leur rôle est à la fois identique et différent de celui des hommes154.Rôle identique quand elles distribuent des tracts, convoient des aviateurs, participent aux réceptions de parachutage. Rôle différent quand elles assument des fonctions de secrétaire, d’agent de liaison (essentiellement d’ailleurs parce qu’au début les policiers français ou allemands se méfient moins d’elles), d’hébergement, de ravitaillement. Ce partage des tâches reflète la société de l’époque, mais aussi l’utilisation des compétences. Derrière ce respect de la norme sociale, une nécessité s’impose : ne pas se faire remarquer, paraître accomplir une tâche « normale » sous peine d’attirer le soupçon et de là la dénonciation. Elles sont arrêtées et déportées dans des proportions équivalentes à celles des hommes. Avec cette entrée dans la Résistance, leur place se redéfinit dans la guerre mais aussi peut-être dans la société. Les femmes, pour la première fois participent à la guerre à part égale ; pour la première fois de manière aussi importante y compris dans la bourgeoisie où l’héritage politique, socio-culturel n’y prédispose absolument pas. C’est incontestablement un phénomène nouveau : signe d’une émancipation à venir ?

  • 155 Par référence au recensement de 1946.

124Troisième caractère essentiel de cette population résistante, sa composition socio-professionnelle. Les professions dominantes dans cette population (13 % chacune) sont les ouvriers, les employés du secteur public et les commerçants et artisans c’est-à-dire représentant une Résistance urbaine ; toutes trois sont surreprésentées par rapport à leur poids dans la population départementale155, même si d’autres sont également bien représentées comme la police et la gendarmerie. En revanche, les agriculteurs sont très peu nombreux (6 à 7 %) dans cette Résistance organisée, alors qu’ils représentent plus de la moitié de la population active départementale.

  • 156 Ci-dessus chapitre 2, p. 87-88.
  • 157 Les sources sont presque totalement muettes sur la CGT ; seul un représentant de la CGT apparaît a (...)
  • 158 Cf. ma communication « des otages de Châteaubriant au maquis : de la répression à la Résistance (1 (...)

125De toutes ces catégories, les ouvriers sont dès avant la guerre ceux qui ont le plus l’habitude du militantisme politique ou syndical. Leur engagement dans la Résistance plonge ses racines dans leurs luttes antérieures contre les ligues d’extrême-droite, contre le fascisme. La guerre civile espagnole les marque profondément parce que la presse locale en parle régulièrement156 et parce que le département accueille de nombreux réfugiés espagnols ; or, les réseaux de solidarité autour des Espagnols républicains fuyant la guerre civile et l’arrivée du franquisme, sont principalement liés aux organisations ouvrières et au monde laïque. À côté de ces causes anciennes, la condition ouvrière pendant la guerre s’aggrave avec du chômage ou au contraire un allongement de la durée du travail dans les entreprises classées S.-Betriebe, le blocage des salaires et la croissance du coût de la vie, les réquisitions, le STO contribuent aussi à une prise de conscience particulièrement forte chez les ouvriers. La mise en place de la Charte du Travail (octobre 1941) et la suppression des confédérations syndicales accentuent le mécontentement157. Pour tous les militants, l’exécution d’otages à Châteaubriant en octobre 1941158, celle des 25 communistes (presque tous ouvriers) à La Maltière en Saint-Jacques-de-la-Lande le 30 décembre 1942 ont des répercussions indéniables sur le comportement des ouvriers en Ille-et-Vilaine et expliquent leur forte présence dans la Résistance.

  • 159 Entretien avec M.Victor Janton et divers rapports de police.
  • 160 Entretien avec M.Victor Janton et ADIV -18 W 5.

126Les commerçants et artisans sont également très présents dans la Résistance de même que dans la collaboration. Avant la guerre, cette catégorie sociale est très sensible à l’évolution économique que ce soit l’exode rural, les aléas du tourisme sur la côte, la concurrence des grands magasins à Rennes. En même temps, beaucoup sont d’Anciens Combattants de 14-18. Les commerçants et artisans forment souvent l’auditoire des réunions de la droite classique, mais aussi du PSF159 comme des radicaux-socialistes. Partagés politiquement, inquiets sur leur avenir économique, attachés à la propriété et, comme Anciens Combattants, peu favorables à l’idée d’une guerre mais patriotes. Ces classes moyennes traditionnelles sont au cœur des événements des années trente que ce soit la crise économique, l’agitation nationaliste, l’anticommunisme. L’avènement du nazisme en 1933 est pour elles le début d’une période de déchirements entre leur patriotisme et leur anticommunisme. Avec l’installation du régime de Vichy et l’occupation du pays, elles doivent soit choisir l’anticommunisme ce qui les conduit à la collaboration soit laisser parler leur nationalisme les menant à la Résistance. Cette dualité et ces déchirements antérieurs à la guerre expliquent leur forte présence aussi bien dans la Résistance que dans la collaboration. Le choix de certains anciens membres du PSF appartenant à ces catégories sociales est éclairant. Parmi les dirigeants départementaux rennais d’avant-guerre, certains suivant l’exemple de Victor Janton s’engagent dans la Résistance tandis que d’autres non seulement accordent leur soutien au régime de Vichy, mais participent à des partis de collaboration160. La période même de l’Occupation a également joué dans l’évolution de leur attitude. Ces commerçants-artisans appartiennent pour la plupart à des réseaux et à des mouvements non communistes qui connaissent leur plus fort développement à partir de 1942. On peut penser qu’ils sont entrés dans la Résistance surtout à partir de ce moment-là, probablement déçus et conscients que désormais le régime de Vichy était bel et bien compromis avec l’occupant (quoique la poignée de main de Montoire aurait déjà pu le leur faire comprendre). En outre, c’est à partir de 1942 que les difficultés économiques, les difficultés de ravitaillement les touchent aussi même si certains profitent peu ou prou du marché noir. Ainsi la « double appartenance » des commerçants et artisans prend bien ses racines dans leurs positions d’avant- guerre. Leur ambiguïté est née de leur situation-pivot : dans la hiérarchie sociale, intermédiaire entre la bourgeoisie et la population ouvrière et agricole, dans l’économie, mais aussi dans le domaine politique et culturel où ils sont profondément imprégnés de leur passé d’Ancien Combattant.

  • 161 Cf. chapitre 4.
  • 162 Girardet (Raoul), Mythes et mythologies politiques, Seuil, (col. « Univers historique »), 1986, p. (...)

127Dans la résistance organisée, comparativement à leur place dans la population active, les agriculteurs sont peu présents ; beaucoup d’entre eux ont aidé la résistance en 1944 en hébergeant et ravitaillant des réfractaires au STO (en nombre croissant), des maquisards, des résistants venus des villes fuyant à la fois les bombardements et la répression croissante, mais rares sont ceux qui appartiennent à un réseau, à un mouvement et y prennent une part constante. Pour ces raisons, leur place est sous-estimée dans les sources. Jusqu’en 1943, l’activité des organisations résistantes se concentre dans les villes et sur la côte pour des raisons stratégiques. Avec le STO, les besoins de la Résistance évoluent. Elle veut aider les réfractaires au STO et avec le débarquement, elle mène une action de guérilla ; dès lors, les organisations de résistance se tournent vers les agriculteurs dont le rôle est surtout logistique. Cependant, la présence tardive et relativement faible des agriculteurs dans la résistance a des origines antérieures à 1939. Avant la guerre, il existe une coupure, une méfiance entre le monde urbain et le monde rural161. Cette atmosphère n’est pas à négliger pour comprendre l’attitude des agriculteurs vis-à-vis d’une résistance urbaine. D’autre part, leur mentalité collective est marquée par une idéologie traditionaliste, conservatrice et nombre d’entre eux sont des Anciens Combattants. Par leur comportement peu enclin à l’engagement politique, par la domination d’une idéologie conservatrice, les agriculteurs sont a priori plus préparés à accepter le régime de Vichy qu’à s’engager dans la Résistance ou la collaboration politique. S’il est une population auprès de qui le mythe de Pétain, Ancien Combattant, Sauveur de la France162 peut bien fonctionner, c’est celle des agriculteurs.

  • 163 En cette période de pénurie, une organisation unique peut paraître nécessaire dans le contexte du (...)
  • 164 La Résistance, op. cit., p. 202-205 et Levitre (Joseph), Jean Nobilet, paysan de France, Dinard, 1 (...)

128Or, la Révolution nationale prône le retour à la terre, défend les agriculteurs présentés comme les détenteurs des vertus traditionnelles (« La Terre, elle, ne ment pas »). La création de la Corporation paysanne en décembre 1940 correspond à l’idéologie corporatiste développée par le mouvement de Dorgères, dans les syndicats traditionnels d’agriculteurs et que l’on retrouve à la Chambre départementale d’agriculture. Dès lors, on retrouve les mêmes hommes à la Corporation paysanne départementale qu’à la Chambre d’agriculture d’avant-guerre. L’idéologie du retour à la terre, le corporatisme flattent les agriculteurs et ils peuvent penser que ce dernier est la meilleure solution à leurs problèmes propres163. Cependant, la pression croissante des prélèvements allemands et la diminution tout aussi constante du ravitaillement en outils, engrais, etc. entraînent à partir de 1943 une prise de conscience chez certains pour qui la Corporation paysanne devient un mal nécessaire, mais n’est plus un bien suffisant. Certains tout en continuant d’assurer des responsabilités à l’intérieur de la Corporation participent à la Résistance comme Jean Nobilet : ancien vice-président de la Chambre départementale d’agriculture, syndic départemental de la Corporation, membre d’un réseau d’action, il est arrêté le 27 novembre 1943 et meurt en déportation164. Signe supplémentaire que la frontière entre Résistance et vichysme n’est pas imperméable. Le pétainisme de la majorité des agriculteurs, au moins pendant les deux premières années d’occupation est le résultat de plusieurs facteurs (Anciens Combattants, exaltation des valeurs paysannes) qui se conjuguent pour ancrer les agriculteurs dans leurs convictions. Mais les difficultés croissantes du ravitaillement, le STO (Service du travail obligatoire), le déroulement de la guerre modifient leur attitude et leur perception de la Corporation paysanne et du régime de Vichy.

  • 165 Les autres catégories sociales sont également présentes mais ni plus ni moins que dans la populati (...)

129Pour les catégories sociales étudiées ici165, leur propension à aller vers la Résistance, vers la collaboration, vers l’acceptation du régime de Vichy est préparée par leur prise de position antérieure, par leur mentalité collective. Certes, il ne faut pas exagérer le caractère déterministe d’une telle analyse puisqu’après tout, elle ne porte que sur un petit nombre d’individus et sur un plus petit nombre encore pour chacune de ces catégories sociales ; les facteurs personnels sont parfois autant si ce n’est plus déterminants, même s’il existe une logique par rapport à l’avant-guerre. C’est là l’ambiguïté, la difficulté de percevoir la place réelle tenue par cette guerre à court et à moyen terme, sous l’angle du groupe et sous l’angle des individus.

130Si l’origine sociale des résistants est révélatrice de certaines continuités, l’implantation géographique l’est aussi. La répartition spatiale de la résistance montre des zones privilégiées (carte n° l4) : les villes (Dinard, Fougères, Redon, Rennes et Saint-Malo), le nord-nord-est du département et le sud-sud-est de l’Ille-et-Vilaine c’est-à-dire à peu près la « dorsale républicaine » (carte n°4 p. 51). En fait, la résistance précoce s’inscrit dans une culture politique républicaine dominante ; en ce sens, elle est l’héritière du patriotisme révolutionnaire et du républicanisme. Plus tard, elle se développe dans le nord-est du département et à l’ouest, comme si le souvenir du refus de la levée en masse en 1793 s’était transformé en refus de l’occupant.

Carte n° 14. Implantation de la Résistance organisée (1940- mai-juin 1944)

Carte n° 14. Implantation de la Résistance organisée (1940- mai-juin 1944)

131Le résistant d’Ille-et-Vilaine réconcilierait les deux cultures politiques de la région : la républicaine et la contre-révolutionnaire. Toutefois, c’est à nuancer car toute culture politique est évolutive et des événements forts comme l’Occupation accélèrent cette évolution et brouillent les pistes !

132Par certains aspects, le poids des facteurs culturels dans leur longue durée est un élément important pour comprendre l’implantation de la Résistance. S’il est vrai que cette répartition géographique de la Résistance renvoie à cet « événement-matrice » qu’est la Révolution française, cette explication n’est ni satisfaisante, ni suffisante. De même l’élément religieux est un indicateur complémentaire, mais qui n’est pas discriminant. Les autres facteurs (sociaux, économiques, etc.) ne le sont guère plus. Les outils de l’historien ne lui permettent pas d’aller plus avant dans la recherche des causes ; si la raison, les facteurs culturels peuvent contribuer à expliquer la Résistance, la part d’engagement volontaire individuel est telle qu’il existe aussi une part d’insaisissable dans ce « temps des passions » (F.-L. Closon) marquant aussi les limites du travail de l’historien.

133Temps des passions, temps difficile pour l’Ille-et-Vilaine comme pour la Bretagne et l’ensemble de la France. La société départementale n’a pas dans l’ensemble un comportement original par rapport à l’ensemble de la zone occupée. Toutefois par rapport à l’ensemble de la Bretagne, la Résistance y joue un rôle peut-être moins grand lors de la guérilla de juillet-août 1944 ; cela est dû à une Libération très rapide, au petit nombre de maquis (pour des raisons à la fois géographiques et stratégiques). Cette société départementale, en définitive, a fait des choix généralement conformes à son passé. Par ces choix, le temps de l’Occupation est plutôt celui de la permanence : permanence des notables, permanence des refus. Cette continuité par rapport aux choix antérieurs ne doit pas masquer que la guerre, au niveau individuel est un temps de rupture : les repères traditionnels n’existent plus, le travail doit parfois être arrêté, les liens coupés avec la famille et surtout les ruptures intérieures sont encore plus fortes.

134L’Occupation accentue les cassures à l’intérieur de la société française et fait rejouer la guerre civile franco-française avec les arrestations, les déportations. Toutefois, ces violentes oppositions sont-elles durables ? Cela confirmerait-il l’hypothèse du rejeu de failles anciennes ou la rupture ? Dans le premier cas, la guerre ne serait pas alors une rupture pour la société départementale, mais s’inscrirait dans la continuité par rapport à l’avant-guerre. Cela dépend des niveaux et angles d’interprétation ; on peut noter l’angle politique, socio-économique, culturel et, sous-jacent, n’apparaissant pas toujours au grand jour, le poids de la mémoire collective par rapport à cet événement-référence qu’est la guerre, renvoyant elle-même à cet autre événement-clé qu’est la Révolution, mais cette mémoire collective est-elle univoque ?

135Dans ce contexte, la période de la Libération (1944-1946/1947) peut se vivre comme une période de réadaptation ou de rupture.

Notes

1 Azéma (Jean-Pierre) et Bédarida (François) (sd), La France des années noires, 2 tomes, Seuil, 1993 et mon ouvrage La Bretagne dans la guerre, 1939-1945, Rennes, éd. Ouest-France/Mémorial de Caen, 1994,219 p.

2 Les rapports des préfets et sous-préfets pour l’année 1938/1939 ont disparu et n’existent ni aux Archives départementales, ni aux Archives nationales.

3 S’il approuve la conférence de Munich parce qu’elle «sauve la paix », dès le 16 octobre, le journal, après le discours de Hitler à Sarrebrück, prend position en faveur de l’effort pour préparer la guerre ; Chaigneau (J.-L.), L’Ouest-Éclair et le IIIe Reich (1932-1939), mémoire de maîtrise, Rennes 2, 1982, p. 556-557.

4 Cf. ceux énumérés dans les sources.

5 Les entretiens datent de la période 1975-1985.

6 Entretien avec Henri Fréville. Ils font venir des conférenciers comme Maurice Schumann, F.Gay, G. Bidault, A. Philip.

7 Winock (Michel), Histoire politique de la revue « Esprit », 1930-1950, Seuil, (col. « Univers historique »), 1975, p. 20 et suivantes.

8 Nicolas (Gilbert), La « drôle de guerre » vue par L’Ouest-Éclair, mémoire de maîtrise, Rennes 2, 1976.

9 Meynier (André), Les déplacements de la population vers la Bretagne en 1940-1941, Rennes, Les Nourritures Terrestres, (col. « Travaux du laboratoire de géographie de l’université de Rennes », n° l4), 1950, p. 9.

10 Phénomène que l’on retrouve dans toute la Bretagne ; meynier (A.), op. cit., p. 14 et Bougeard (Christian), Le choc de ta guerre dam un département breton : les Côtes-du-Nord des années vingt aux années cinquante, thèse d’État, Rennes2, 1986, ex. dactylographié, vol. 2 : p. 591-592.

11 10 avril 1938-20 mars 1940 ; Guy La Chambre y est ministre de l’Air. Il est l’un des inculpés du procès de Riom. Lors de la décision du gouvernement de Vichy de l’inculper avec d’autres «responsables de la défaite », il se trouve aux États-Unis d’où il revient spontanément ; Michel (Henri), Le procès de Riom, Albin Michel, 1979, p. 39 et 105.

12 Rescapées de l’écrasement de leur pays en septembre 1939, elles sont regroupées dans le Morbihan au camp de Coëtquidan pour reconstituer une troupe homogène. Quant aux Britanniques, certains stationnent à Rennes, d’autres à Redon.

13 Lacouture (Jean), De Gaulle, tome 1 : Le rebelle, Seuil, 1984, p. 33.

14 Meynier (A.), op. cit., p. 35.

15 Meynier (A.), op. cit., p. 65.

16 BMF - RW 35/1258 : Kriegstagebuch, Ordner A2, Berichte und Belege ( Oktober 1940-Januar 1941) - Lagebericht der Abteilung Stabsoffizier der Feldgendarmerie, 23. Oktober 1940 und 21.November 1940.

17 BMF - Kriegstagebuch (Februar 1941- Mai 1941).

18 OE, 24 juillet 1940.

19 L’Ouest-Éclair du 4 juillet a en sous-titre «journal quotidien régional » et non plus « journal républicain du matin ».

20 AN - F1 CIII 1156 : rapport du préfet du 19 juillet 1940.

21 AN - F1 C III 1156 : rapport du préfet du 2 octobre 1940.

22 En particulier le mémoire de maîtrise de Le Guennan (Marie-Claude), Les problèmes de ravitaillement à Rennes sous l’occupation (1940-1944), Rennes 2,1987,133 p. et Cépède (Michel), Agriculture et alimentation en France durant la Seconde Guerre mondiale, éd. Génin, 1961, p. 99-204, en attendant l’enquête en cours de l’IHTP.

23 Un seul existait auparavant et élargit son champ d’action, c’est l’ONIB (Office national interprofessionnel du blé) créé par le Front populaire et qui pour la première fois avait instauré un prix social à la production. Il devient en novembre 1940 l’ONIC (Office national interprofessionnel des céréales) ; il est opérationnel au 1er décembre 1941 en Ille-et-Vilaine. Sa tâche est de répartir les céréales entre les minoteries et d’effectuer les expéditions vers les autres régions (surtout la région parisienne) et vers l’Allemagne.

24 Le Nord, par exemple, est rattaché au gouvernement militaire de Bruxelles.

25 ADIV - 43 W 4 : rapport du préfet de juillet 1942 ; 43 W 2 : rapport du sous-préfet de Redon de février 1942.

26 AN-F1 CIII 1156.

27 ADIV - 43 W 2 : rapport du préfet.

28 Le Guennan (C.), op. cit., p. 49 et suivantes et ADIV - W : procès-verbaux des réunions de la commission de répartition du 19 décembre 1940 et 10 mai 1943.

29 Ce qui explique une certaine léthargie par rapport à la Résistance.

30 Même s’il est difficile de dire dans quelle proportion étant donné que la plupart des chiffres dont on dispose, sont faux.

31 ADIV - 43 W 54 : Bulletin hebdomadaire des Renseignements généraux (1-7 novembre 1943).

32 ADIV - 43 W 53 : Bulletin hebdomadaire des Renseignements généraux (24-30 août 1943).

33 cf. Frelaut (Bertrand), Les Nationalistes bretons de 1939 à 1945, éd. Beltan, 1985, 232 p.. L’Heure bretonne était un journal régionaliste, assez critique vis-à-vis de Vichy.

34 L’Heure bretonne, 28 septembre 1942.

35 En raison de la présence de bases navales dans ces départements.

36 Respectivement 274 et 175 tués, 172 et 188 blessés.

37 Telle celle qui tomba sur le cimetière du Nord à Rennes.

38 ADIV - 43 W 55 : synthèse journalière des RG le 8 mai 1944 ; 183 tués pour 2 800 habitants en 1936.

39 Ce bombardement est dû à une erreur de navigation.

40 Le 6 août 1944, deux jours après la libération de la majeure partie du département, le nombre de sinistrés totaux ou partiels est évalué à 25 000. ADIV - 134 W 41 : contrôleur régional des réfugiés et sinistrés au préfet d’Ille-et-Vilaine (6 août 1944).

41 ADIV - 134 W 41 : contrôleur régional des réfugiés et sinistrés (6 août 1944).

42 Meynier (Yvonne), Un lycée pas comme les autres, société nouvelle des éditions, 1962, 187 p.

43 Point de vue partagé par des résistants qui auraient préféré que sur la base des renseignements qu’ils transmettaient, ils puissent effectuer eux-mêmes des sabotages souvent plus efficaces. Entretiens avec Louis Petri (FTPF), Beaujean (Centurie), etc.

44 ADIV - 43 W 6 : rapport du préfet (mai 1943).

45 ADIV - 43 W 1 : préfecture régionale : rapport mensuel du préfet d’Ille-et-Vilaine (octobre 1941).

46 L’essentiel du charbon utilisé par le département était un charbon importé ; or, après le 15 juin 1940, le charbon anglais n’arrive plus, il provient désormais du Nord-Pas-de-Calais et à partir de 1943 du sud de la France, selon un rythme de plus en plus irrégulier.

47 Butler (M.-H.), « L’industrie fougeraise de la chaussure », dans A. Beltran, R. Frank et H. Rousso (sd), La vie des entreprises sous l’Occupation, Belin, 1994, p. 165.

48 ADIV - 43 W 133 : rapport du directeur régional des prisonniers de guerre, déportés et réfugiés du 6 février 1945. Ce rapport donne à cette date le nombre de prisonniers de guerre en captivité (18 500), de prisonniers de guerre transformés encore en Allemagne (1 800), de prisonniers de guerre rapatriés (7 500) soit au total 27 800.

49 BMF - RW 35/1254 : Berichte und Belege (Januar-September 1940) - 25. September 1940.

50 ADIV - 18 W6 : note de la préfecture du 25 mars 1943.

51 Encore faut-il qu’ils aient eu un « bon comportement » en captivité, sans tentative d’évasion.

52 Les chiffres nous ont été aimablement communiqués par Mme Butler, correspondante de l’IHTP- CNRS pour l’Ille-et-Vilaine.

53 D’après le tableau ci-dessus et selon le principe du retour d’un prisonnier pour trois ouvriers partis en Allemagne, le nombre de retours n’aurait pas dû dépasser 150 prisonniers de guerre. ADIV 18 W 6 : note de la préfecture du 25 mars 1943.

54 ADIV - 43 W 133 : rapport cité du 6 février 1945 et ADIV -18 W6 : note préfectorale du 25 mars 1943.

55 La seconde action Sauckel s’est principalement déroulée entre le 16 février 1943 et avril 1943, la troisième entre avril et octobre 43 ; pour les chiffres, à la différence de la version dactylographiée de ma thèse, je m’appuie sur l’excellent mémoire de maîtrise de Jouvin (Jasmyne), Le Service du Travail Obligatoire en Ille-et-Vilaine, Rennes 2, 1994, 149 p., qui a travaillé à partir de la série 146 W concernant le STO. Cf. également Bougeard (C.), « Les prélèvements de main-d’œuvre en Bretagne et leur intérêt stratégique », RU2GM, janvier 1985, p. 33-62.

56 Ils ne passent pas automatiquement à la Résistance. Contrairement à une idée reçue, les réfractaires au STO n’ont pas alimenté directement les maquis ; c’est une petite minorité qui les a rejoints.

57 ADIV - 43 W 53 : synthèses journalières des RG de juillet 1943.

58 BAK - R 70 Frk 25, fol.l - Feldkommandantur 748 : Bericht fur eine französische Polizeiaktion am 19. Juni 1943 in Rennes (21. Juni und 23. Juni 1943).

59 ADIV - 43 W 6 : rapport du commissaire régional à la main-d’œuvre (septembre 1943).

60 ADIV - 43 W 53 : bulletin hebdomadaire des Renseignements généraux (14-20 septembre 1943).

61 BAK - Bestand und Zugang der Arbeitskrafte (13. Februar-3. April 1944).

62 Les sources ne permettent pas de distinguer la main-d’œuvre locale des autres, ni les requis des volontaires, ces derniers certainement en diminution.

63 cf. ma thèse de 3e cycle, op. cit., p. 210-213.

64 HAllS (Wilfred D.), Les jeunes et la politique de Vichy, préf. J.-P. Rioux, éd. Syros, 1988, p. 203-204.

65 La troupe de Bruz toutefois monte une pièce présentée clandestinement qui raconte les malheurs d’un prisonnier en Allemagne. Dénoncée la troupe est arrêtée, puis libérée ; cf. Erhel-Lamandé (Joëlle), Le déclin du théâtre rural lié aux mutations de son milieu : l’exemple de Bruz « Le Vau Gaillard », DHEPS, Rennes2, 1987, p. 74.

66 Poissel (Didier), Vie quotidienne sous l’occupation dans dix communes d’Ille-et-Vilaine (1940-1944), mémoire de maîtrise, Rennes2, 1986, p. 106.

67 Poissel (D.), op. cit., p. 107 et suivantes.

68 F. Ripert nommé le 2 novembre 1940, J. Quenette le 12 mai 1942, Ph. Dupart le 6 juillet 1943 et Robert Martin nommé le 24 janvier 1944.

69 Son départ est dû à une incompatibilité totale avec Laval de retour au pouvoir ; Fréville. (Henri), Archives secrètes de Bretagne, 1940-1944, Rennes, éd. Ouest-France, 1985, p. 128.

70 Sur le régime de Vichy, voir les mises au point successives de Paxton (R.), La France de Vichy, 1940-1944, Seuil, 1973, 375 p. ; Azéma (J.-P.), Bédarida (F.) (sd), Vichy et les Français, Fayard, 1992, 788 p. ainsi que La France des années noires, Seuil, 1993.

71 Fontanel nommé le 30 octobre 1940, Borderie le 14 septembre 1942, Dop le 27 novembre 1943.

72 Fourès le 30 octobre 1940, Hollard le 3 mai 1943.

73 Onfroy nommé le 30 octobre 1940, Perreau-Pradier le 10 août 1941, Voyle le 18 décembre 1941, Trouillé le 8 février 1942 et Feld-Lebas le 23 décembre 1942 ; Henry (Pierre), Histoire des préfets, NEL, 1950, 363 p..

74 Doueil (Pierre), L’administration locale à l’épreuve de la guerre, 1939-1949, Sirey, 1950, 402 p. + XVI.

75 Cela correspond à la politique qui a présidé aux nominations des membres de ces commissions c’est-à-dire dans les départements de droite « conserver la prépondérance des anciens conseillers généraux politiquement orthodoxes » ; Steel (James), Kidd (William) et Weiss (Daniel), « Les commissions administratives départementales », dans Le gouvernement de Vichy, 1940-1942, PFNSP, 1972, p. 59.

76 ADIV - 43 W71.

77 Cinq sont (pour le département) à gauche, radicaux-indépendants ou républicains de gauche ; l’un d’eux donne sa démission presque immédiatement.

78 Le maire de Saint-Malo Auguste Briand remplace Gasnier-Duparc, sénateur-maire radical-socia- liste, ancien ministre du gouvernement de Front populaire.

79 ADIV - 55 w 1 à 16 : situation des municipalités en 1940-1945.

80 ADIV - 43 W 74.

81 ADIV - 55 W 15 : situation municipale à Saint-Servan de 1940 à 1945.

82 Menacé par les Allemands, Chateau a dû fuir le 7 juin 1944.

83 À partir d’octobre 1943 et jusqu’à la Libération, il se fait régulièrement excusé aux délibérations du conseil municipal. AMR - Registre des délibérations du conseil municipal.

84 ADIV - 43 W 32 : rapports sur les associations secrètes ; mais ce dossier ne concerne que les publications d’août-octobre 1941.

85 Courtois (Stéphane), Le PCF dans la guerre, éd. Ramsay, 1980, 585 p., Azéma (J.-P.), Prost (A.), Rioux (J.-P.) (s.d.), Le PCF des années sombres, 1938-1941, Seuil, 1986, 317 p. et Les communistes fiançais de Munich à Châteaubriant (1938-1941), PFNSP, 1987, 439 p. ainsi que le numéro spécial de Communisme, 1993, n°32 sur le PCF de 1939 à 1941.

86 Ci-dessus chapitre 2 p. 104-105 et graphique n°3 p. 104 : « Les effectifs du PCF d’Ille-et-Vilaine (1923-1938) »

87 Telles sont les deux catégories distinguées dans les papiers officiels, mais avec de fréquentes confusions, volontaires ou non.

88 Toczé (Claude), Les Juifs en Ille-et-Vilaine de l’entre-deux-guerres à 1945, mémoire de maîtrise, Rennes2, 1987, 157 p. +annexes ; Kaspi (A.), Les Juifs pendant l’Occupation, Seuil, 1991, 421 p. et Cohen (Asher), Persécutions et sauvetages : Juifs et Français sous l’Occupation et sous Vichy, Gallimard, 1993,524 p.

89 Bonnet (Jean-Charles), Les Pouvoirs publics français et l’immigration entre les deux guerres, Lyon, PUL, 1976, 414 p. ;Schor (Ralph), L’opinion française et tes étrangers (1919-1939), Publications de la Sorbonne, 1985,761 p. et Laguerre (Bernard), « Les dénaturalisés de Vichy (1940-1944) », dans Vingtième siècle. Revue d’histoire, octobre 1988, p. 3-16.

90 Certains se sont faits recensés parce qu’ils se savent connus comme juifs, en particulier des commerçants ayant pignon sur rue.

91 Toczé (C.), op. cit.. p. 74-75.

92 Toczé (C.), op. cit., p. 88 et suivantes. L’auteur mentionne un seul cas de solidarité, de la part du président de la Chambre des métiers à propos d’un artisan maroquinier.

93 Toczé (C.), op. cit., p. 156.

94 Tels ces gendarmes qui apprenant que la personne juive qu’ils recherchent, est absente, font le planton ostensiblement devant la porte d’entrée de la maison, «oubliant» de surveiller la porte de derrière, de même qu’ils « oublient » de perquisitionner l’intérieur de la maison favorisant la fuite de l’intéressé ; Toczé (C.), op. cit., p. 137 et suivantes.

95 À la tête du journal Paul Hutin, directeur général du journal cède la place à Pierre Artur ; bon nombre d’éditions locales disparaissent, le rationnement en papier n’est pas étranger à cette mesure. Frévillë (H.), La presse bretonne dans la tourmente, Plon, 1979, p. 91-92 et p. 140 et suivantes.

96 Frelaut (B.), op. cit., p. 70.

97 Trois rédacteurs en chef se succèdent : Morvan Lebesque qui reste quinze jours, Ronan de Fréminville et Jos Jaffré à partir de mars 1941.

98 Frelaut (B.), op. cit., p. 70.

99 Frelaut (B.), op. cit., p. 72-73.

100 Didro (Yann) et Fouéré (Yann), L’histoire du quotidien « La Bretagne » et les silences d’Henri Fréville, Saint-Brieuc, éd. « Les Cahiers de l’Avenir », 1981, p. 104.

101 À la même date, La Dépêche de Brest est menacée de suppression par la Propagandastaffel ; le principal actionnaire en est V. Le Gorgeu, sénateur-maire de Brest révoqué peu auparavant. Des négociations entre les dirigeants des deux quotidiens aboutissent à un accord le 3 mars 1942 qui confie la direction politique et la rédaction en chef à Y. Fouéré et M. Rouault. La Dépêche de Brest introduit des articles spécifiquement liés à la situation politique bretonne, tandis que La Bretagne présente chaque jour un article de politique internationale. Chacun des deux journaux conserve sa zone de diffusion ; Fréville (H.), La presse..., op. cit. et Didro (Y.) et Fouéré (Y.), op. cit..

102 Le Nouvelliste de Bretagne continue de paraître mais son audience n’est pas comparable.

103 Parmi les plus récentes mises au point, Chélini (J.), L’Église sous Pie XII. La tourmente. 1939- 1945, Fayard, 1983 et en France, Montclos (X. de), Luirard (M.), Delpech (F.), Bolle (P.), Église et chrétiens dans la Seconde Guerre mondiale, PUL, Lyon, 1981 et les contributions de Renée Bédarida dans Vichy et les Français, op. cit. et dans Les Années noires, op. cit.

104 Fréville (H), Archives..., op. cit., p. 137-138. On a su après la guerre qu’il avait caché par exemple un avocat autrichien hostile au nazisme.

105 Mais jusqu’à quel point ce mythe a-t-il fonctionné ? cf. ci-dessous la 4e partie sur la Résistance p. 250.

106 Fréville (H.), Archives..., op. cit., p. 44.

107 ADR - 1 D : correspondance de Mgr Roques pendant l’Occupation. Les lettres conservées sont celles qu’il recevait, mais en cas d’échange de correspondance, il est possible de comprendre dans quel sens a répondu l’archevêque (par écrit mais aussi parfois oralement, peut-être par prudence), quelques annotations de sa main permettent de confirmer ces déductions.

108 ADR - 1 D : résumé de l’entretien de l’archevêque avec la Gestapo (sic) du 12 juin 1941. Extraits : L’archevêque demande : « Pourquoi la Jeunesse Catholique est-elle seule inquiétée tandis que les autres jeunesses peuvent exercer leur activité en toute liberté ? » Question posée deux fois, jamais de réponse. Archevêque : « Au moment où l’on parle tant de collaboration, votre façon d’agir ne saurait disposer favorablement ceux qui sont ainsi inquiétés » Réponse : « Nous ne voulons pas collaborer avec ceux-là ».

109 Contrairement à l’évêque des Côtes-du-Nord, Mgr Serrand. Bougeard (C.), op. cit., vol. 4 :p. 1598 et suivantes, Latreille (André), De Gaulle, la Libération et l’Église catholique, éd. Cerf, 1978, p. 54, 58 et 65 et Foulon (Charles-Louis), Le CDL d’Ille-et-Vilaine, mémoire de maîtrise, Rennes 2, 1970. Mgr Roques devient cardinal au lendemain de la Libération.

110 Sur ce terme, Ory (Pascal), Les Collaborateurs (1940-1945), Seuil, 1977, p. 10. Pour l’Ille-et- Vilaine, voir Butler (M.-H.), « La collaboration dans la préfecture régionale de Raines », dans Revue d’histoire de la Seconde Guerre mondiale, janvier 1980, p. 3-31 et une enquête sur les mouvements de collaboration en Ille-et-Vilaine datée de février 1982 dont elle a bien voulu me communiquer les résultats.

111 D’après l’enquête de M.-H. Butler citée ci-dessus. Les dates indiquées sont celles de l’entrée des individus dans les partis, groupes civils ou paramilitaires cités. Les effectifs donnés ne prennent pas en compte les éventuels « départs » de ces mouvements, ni le problème des adhésions multiples : certains individus peuvent être comptés deux ou trois fois, s’ils ont adhéré à deux ou trois mouvements.

112 Ci-dessous p. 253-254.

113 Commerçants et artisans sont également surreprésentés dans la Résistance ; cf. ci-dessous p. 256.

114 D’après les chiffres fournis par Mme Butler et le recensement de 1946. La différence de 8 individus avec le tableau précédent est liée à la prise en compte de la totalité des membres des organisations collaborationnistes alors que dans le tableau précédent sont omis des groupes ne comprenant que peu d’individus.

115 Butler (M.-H.), « op. cit. », p. 5.

116 OE, 20 avril 1942. Aucune archive officielle ne permet d’étayer ces chiffres qui semblent énormes eu égard aux habitudes locales...

117 Maurice Fourrier est arrêté en septembre 1942 et fait partie des 25 fusillés de La Maltière en Saint- Jacques-de-la-Lande, cf. ma thèse de 3e cycle op. cit., p. 48 et p. 62.

118 Butler (M.-H.), « op. cit. », p. 23.

119 Environ 190 personnes. ADIV - 43 W 53 : rapport des RG sur le groupe Collaboration en mai 1943.

120 Nicolas (Michel), Histoire du mouvement breton, éd. Syros, 1982, p. 95.

121 Deniel (Alain), Le Mouvement breton. 1919-1945, éd. Maspero, 1976, p. 256-276 et 290-303 et Nicolas (M.), op. cit., p. 93-96.

122 L’abbé Perrot, recteur de Scrignac (Finistère), directeur de la revue Feiz ha Breiz, est tué le 12 décembre 1943 par Jean Thépaut, FTPF de Scrignac ; cf. Guidet (Thierry), Qui a tué Yann Vari Perrot ?, éd. Beltan, 1986, 193 p. et Deniel (A.), op. cit., p. 295.

123 Cette croyance s’appuyait sur la production d’armes nouvelles qui devraient permettre à l’Allemagne de retourner la situation en sa faveur ; les Alliés eux-mêmes ont envisagé cette éventualité.

124 ADIV-43 W 207.

125 Ci-dessous et ma thèse de 3e cycle La Résistance en Ille-et-Vilaine, PUR, 1993, p. 259.

126 Les militants bretons pronazis restent constamment une infime minorité.

127 Cf. La Résistance, op. cit., p. 259.

128 Sur ce thème, je renvoie à La Résistance, op. cit. ; seuls quelques éléments clés sont rappelés, la problématique n’étant pas celle de l’histoire de la Résistance.

129 Par les témoignages, par l’étude des dossiers des Combattants volontaires de la Résistance (CVR) de l’Office départemental des Anciens Combattants ; pour la critique des sources cf. La Résistance, op. cit., p. 11-14, mon article « Sociologie de la Résistance : quelques aspects méthodologiques et leur application en Ille-et-Vilaine », dans RH2GM, janvier 1980, p. 33-74 et ma communication « Les débuts de la Résistance en zone occupée : essai de typologie », dans Mémoire et Histoire : la Résistance, sous la direction de Jean-Marie Guillon et de Pierre Laborie, Toulouse, éd. Privat, 1995, p. 161-170.

130 Ce jour-là, Paul Hutin, secrétaire général de L’Ouest-Éclair, et sa femme mettent à la disposition des employés une camionnette et une voiture pour gagner la côte. Huit, âgés de 19-20ans, en profitent. Le soir même près de Saint-Brieuc, ils entendirent l’appel du général de Gaulle ; ils s’embarquent le lendemain pour l’Angleterre et s’engagent dans les FFL. Entretiens avec G.B. et R. Leprince.

131 AN - F1 C III 1156 : rapports des préfets d’Ille-et-Vilaine (juillet 1940-décembre 1941).

132 Ce qui entraîne la fermeture des cinémas rennais du 8 au 11 juillet 1940 ; BMF - RW 35/1254 : Kriegstagebuch, Anlagen und Ordner, Abt.Ic, Bezirk B, Lagebericht zum 23. September 1940.

133 AN - F1 C III 1156 : rapports du sous-préfet de Fougères du 28 novembre et du 14 décembre et du préfet du 9 janvier 1941 ; BMF : RW 35/1254 : Kriegstagebuch : Anlagen-Ordner, Abt.Ic, Bezirk B, Bericht (11.-19. August 1940).

134 ADIV - 43 W 2 : rapport du préfet du 31 décembre 1941 ; BMF - RW 35/1264 - Kriegstagebuch - Ordner A5, Berichte und Belege (November 1941 - Januar 1942) : Lagebericht, Abt.Ic (16. September - 15. November 1941).

135 BMF - RW 35/1271 - Kriegstagebuch - idem (Februar 1941 - Mai 1941) : Lagebericht, Mai 1941.

136 ADIV - 43 W 2 : rapport du préfet de novembre 1941.

137 C’est la première fois que le préfet décide d’interner des manifestants gaullistes. BMF - RW 35/ 1263 : Kriegstagebuch : Ordner A4, Berichte und Belege. Lagebericht fur Zeit 11. Mai 1941 - 10. Juli 1941. Gilbert (Charles), Soldats bleus dans l’ombre : Maurice Guillaudot et ses gendarmes dans la Résistance, Les Sables d’Olonne, éd. Le Cercle d’Or, 1970, p. 19-30. Maurice Guillaudot fit passer dans la Résistance les gendarmes du Morbihan. Lui-même fut déporté.

138 Cf. ci-dessus les chapitres 1 et 2.

139 BMF - RW 35/1254 : Kriegstagebuch : Anlagen-Ordner ; Berichte und Belege, Lagebericht zum 23. September 1940 et RW 35/1258 : idem, Lagebericht fur die Zeit vom 21. September 1940 bis 20. Oktober 1940 ; AN - F1 C III 1156 : rapport du préfet du 7 novembre 1940.

140 c’est-à-dire la population entrée dans la Résistance bien avant le 6 juin 1944 ; cf. La Résistance, op. cit..

141 Dans les départements voisins des Côtes-du-Nord et du Morbihan, la domination du FN et des FTPF semble moins nette par rapport aux autres mouvements et à l’AS.

142 Leur formation est longue et coûteuse ce qui explique l’importance attachée à leur rapatriement.

143 Huguen (Roger), Les réseaux d’évasion d’aviateurs en Bretagne (1940-1944), Rennes, thèse de 3’ cycle, exemplaire dactylographié, 1116 p.

144 En octobre 1941, 50 personnes du même réseau sont arrêtées dans la région de Fougères ; en mars et septembre 1942, plusieurs membres de l’OS sont arrêtés et 25 d’entre eux sont fusillés le 30 décembre 1942 à La Maltière en Saint-Jacques-de-la-Lande. Voir La Résistance, op. cit., p. 31-33 et p. 74-77.

145 Chancelier du BOA (Bureau des opérations aériennes), l’adjoint du DMR (Délégué militaire régional de la région M, le chef du réseau Cohors-Asturies, l’adjoint du chef du SNM (Service national maquis) ; cf. La Résistance, op. cit., p. 248-251.

146 Cf. ci-dessous chapitre 6, p. 263 et suivantes.

147 Au nord du département. 16 fusillés au total.

148 Ci-dessous chapitre 6, p. 265.

149 voir aussi la 2e partie de La Résistance, op. cit. et mon article « op. cit. » dans RH2GM.

150 La prépondérance des jeunes a plusieurs causes : motifs psychologiques (sens de l’absolu et de ce fait refus total de l’occupant), motifs circonstanciels avec le STO même si celui-ci n’a pas été le principal « agent-recruteur » de la Résistance contrairement à une idée reçue.

151 « à la fois moralisateur et fort » ; Prost (Antoine), Les Anciens Combattants, Gallimard, (col. « Archives »), 1977, p. 222.

152 C’est-à-dire de la population ayant déposé une demande de carte de CVR à l’ODAC. Mais combien de femmes de résistants ont aidé leur mari, contribué à son action et n’ont pas fait de demande de carte de CVR ne jugeant pas nécessaire de la réclamer, ayant le sentiment de n’ « avoir rien fait », sauf d’avoir aidé leur mari comme elles pouvaient le faire dans d’autres moments de leur vie de couple? Celles-là, sans doute nombreuses, échappent totalement à l’historien.

153 Fourcade (Marie-Madeleine), L’Arche de Noé, Fayard, 1968, 716 p. mais cette méfiance ne s’exerce pas de la part de ceux qui sont sous ses ordres en France. Cf. son témoignage posthume du 11 août 1989, dans l’émission « Femmes dans la guerre », FR3/7 et les témoignages regroupés dans l’ouvrage tiré de cette émission Guidez (Guylaine), Femmes dans la guerre, 1939-1945, éd. Perrin, (« Terres des Femmes »), 1989, 346 p.

154 Cf. mon article « op. cit. » dans RH2GM, p. 42 et témoignages de Mmes Boudaliez, Deplantay, Moulin, B., Redouté entre autres.

155 Par référence au recensement de 1946.

156 Ci-dessus chapitre 2, p. 87-88.

157 Les sources sont presque totalement muettes sur la CGT ; seul un représentant de la CGT apparaît au CDL. La loi du régime de Vichy entraînant la dissolution des confédérations syndicales ne concerne pas les fédérations départementales ; pour cette raison, l’UD-CFTC d’Ille-et-Vilaine continue d’avoir des relations officielles avec le préfet jusqu’en 1942 sur la question des salaires. Mais la rupture est consommée définitivement le 22 novembre 1943 avec le refus du syndicat unique et obligatoire. Le président de l’UD-CFTC, Léon Grimault, continue dans la clandestinité une action résistante en particulier en diffusant Témoignage chrétien. Archives de l’UD-CFTC : résolution du 22 novembre 1942.

158 Cf. ma communication « des otages de Châteaubriant au maquis : de la répression à la Résistance (1940-1944) », dans Mémoires de la société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1989, p. 223-235.

159 Entretien avec M.Victor Janton et divers rapports de police.

160 Entretien avec M.Victor Janton et ADIV -18 W 5.

161 Cf. chapitre 4.

162 Girardet (Raoul), Mythes et mythologies politiques, Seuil, (col. « Univers historique »), 1986, p. 74, p. 90 et suivantes.

163 En cette période de pénurie, une organisation unique peut paraître nécessaire dans le contexte du moment afin d’assurer le ravitaillement des agriculteurs (outils,...) et des citadins et, le mieux est de la contrôler soi-même.

164 La Résistance, op. cit., p. 202-205 et Levitre (Joseph), Jean Nobilet, paysan de France, Dinard, 1946.

165 Les autres catégories sociales sont également présentes mais ni plus ni moins que dans la population départementale.

Table des illustrations

Titre Tableau n°34 : Évolution des disponibilités en blé (exprimées en quintaux)28
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Titre Tableau n°35 : Les résultats de la Relève en Ille-et-Vilaine (septembre 1942- février 1943)52.
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Titre Tableau n°36 : Le STO ou les 2e et 3e actions Sauckel en Ille-et-Vilaine55.
Légende (a) Ne différencie pas les STO des autres ni les affectations pour l’Allemagne et la France.
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Titre Tableau n°37 : Effectif ouvrier travaillant pour l’OT dans la région de Saint-Malo en 194361.
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Titre Tableau n°38 : Effectifs des partis de collaboration et des groupes paramilitaires111.
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Titre Tableau n°39 : Composition socio-professionnelle de la collaboration comparée à celle de l’Ille-et-Vilaine114.
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Titre Carte n° 14. Implantation de la Résistance organisée (1940- mai-juin 1944)
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© Presses universitaires de Rennes, 1996

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