Droits des enfants au XXe siècle
| ,Quatrième partie. Droit et droits
Le Comité des droits de l’enfant et le droit à l’éducation en Amérique latine (1989-2014)
Resumen
Le droit à l’éducation a été reconnu tout au long du XXe siècle à partir d’une série de traités internationaux. Malgré tout, lors de l’approbation de la Convention relative aux droits de l’enfant en 1989, ce droit s’est cristallisé synthétisant les obligations de l’État et le contenu de l’éducation. En Amérique latine, la ratification de la Convention a supposé la mise en place de changements dans les législations nationales et la modification des Codes de l’enfance en vigueur. Ces vingt-cinq dernières années, les pays d’Amérique latine ont dans l’ensemble respecté l’obligation de présenter des rapports au Comité des droits de l’enfant. L’objectif de cette contribution est d’analyser les observations émises par le Comité des droits de l’enfant au cours de cette période (1989-2013) à propos des rapports envoyés par les pays d’Amérique latine, notre centre d’intérêt portant essentiellement sur le droit à l’éducation. Dans le cadre du discours sur les droits de l’enfant, la conclusion la plus notable concerne le fait que les pays d’Amérique latine ont incorporé une rhétorique en accord avec l’approche des droits de l’homme, en revanche, la situation réelle de l’enfance est en contraste avec ce discours.
Texto completo
- 1 Cardona J., « La Convención sobre los Derechos del Niño : significado, alcance y nuevos retos », Ed (...)
1Le Comité des droits de l’enfant est l’organisme des Nations unies chargé du suivi de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant de 1989 (CIDE). Depuis 1991, il a émis des observations et recommandations après avoir analysé les rapports remis périodiquement par les États faisant partie de ce Comité. Il s’agit donc d’une voix qui fait autorité et qui est en prise directe avec la situation de l’enfance dans le monde. Le Comité est, à l’heure actuelle, composé de 18 experts indépendants, ils sont désignés par l’assemblée générale des Nations unies1. Le travail du Comité est complexe, il doit examiner les rapports des États membres sur la mise en œuvre des droits de l’enfant, il doit aussi examiner les rapports relatifs aux protocoles facultatifs et les rapports alternatifs des différentes ONG. Il se réunit à Genève, trois fois par an. Les membres du Comité, outre les travaux mentionnés ci-dessus, réalisent des sessions techniques internes préalables à chaque séance. L’aboutissement de ce travail est la publication des Observations générales sur l’application de certains articles de la CIDE dans lesquelles le Comité interprète son contenu.
2Dans cette contribution, nous analyserons le droit à l’éducation en Amérique latine en suivant le schéma d’interprétation proposé par Katarina Tomaševski. À travers cette analyse, nous pourrons démontrer la correspondance entre les budgets de l’éducation et la réalité de l’enfance dans les pays d’Amérique latine.
La mise en place de la Convention relative aux droits de l’enfant en Amérique Latine
- 2 Detrick S. (dir.), The United Nations Convention on the Rights of the Child, La Haye/Boston/Londres (...)
- 3 Instituto Colombiano de Bienestar Familiar, El Derecho del Bienestar Familiar, Bogotá, Avance Jurí (...)
- 4 Dávila P. et Naya L. M. (dir.), Derechos de la infancia y educación inclusiva en América Latina, Bu (...)
3De même que la majorité des pays occidentaux, tous les pays d’Amérique latine ont signé et ratifié la CIDE peu après 1989. En outre, il faut préciser que la majorité des pays n’a émis aucune réserve quant à ce traité, ce qui tend à montrer le consensus sur lequel s’accordent les pays de la zone qui avait déjà été montré lors des discussions autour des projets qui ont précédé sa rédaction définitive2. Les États d’Amérique latine ont suivi, dans la majorité des cas, le processus de mise en place de la CIDE et ils ont rendu leur rapport au Comité des droits de l’enfant, en vertu de ce qui est stipulé dans ce traité. Cette situation légale montre la disposition des États à incorporer les contenus de la CIDE à leurs législations nationales respectives, comme on peut le constater dans la multitude des codes de l’enfance en vigueur en Amérique latine3, dont la correspondance avec la CIDE n’est cependant pas toujours très bonne4.
- 5 Tous les rapports du Comité, réserves, ratifications, etc., auxquels nous faisons référence dans c (...)
4Avant 2011, tous les pays d’Amérique latine avaient présenté au moins un rapport au Comité, en 2012 et 2013 aucun pays de la région n’a eu à le faire. Les pays de la zone devront à nouveau le faire à partir de 2014 et 20155, cela concernera alors le Venezuela, la Colombie, l’Uruguay, le Brésil, le Chili et la République Dominicaine. S’ouvrira alors une nouvelle période, au cours de laquelle nous pourrons découvrir les changements dans la situation des enfants et adolescents grâce aux informations contenues dans les rapports et dans les observations du Comité. Il existe donc une certaine unité et une homogénéité sur la période des rapports que nous avons analysés.
- 6 Dávila P. et Naya L. M., Derechos de la infancia…, op. cit.
5Lors de ce processus de réformes législatives, l’acceptation de la CIDE a supposé une « rupture » avec le passé, en effet sa mise en place a promu une nouvelle conception des droits de l’enfant, dans un contexte de renouveau démocratique. Ainsi, la CIDE a supposé un renouveau de la protection des droits de l’enfant, dans la perspective des droits de l’homme mais cela a aussi entraîné une modernisation de l’État par rapport à la justice pénale des mineurs, processus déjà enclenché dans certains pays de la région6.
Bilan sur les droits de l’enfant en Amérique latine
6Pour réaliser le bilan des droits de l’enfant en Amérique latine, nous avons analysé les observations finales du Comité sur la période 2000-2012. Le résultat obtenu peut être résumé en cinq grandes préoccupations : manque d’harmonisation entre la législation nationale et la CIDE ; inquiétude quant au manque de définition des principes généraux de la CIDE ; persistance des mauvais traitements, abus et sévices corporels ; abus de la privation de liberté dans la justice pour la jeunesse, et peu d’informations diffusées sur les codes de l’enfance et la CIDE, outre le manque de formation des professionnels.
7Dans le premier domaine de préoccupation, il est surprenant de constater qu’au cours de la dernière décennie, tous les pays reçoivent des observations quant au respect de ce qui est prévu dans les codes ou lois intégrales de l’enfance. Ces observations font référence à la lenteur de la mise place des institutions prévues, comme les défenseurs des enfants (Argentine et Bolivie), au manque de coordination entre les différents organismes se consacrant à l’enfance (Costa Rica, Équateur, Salvador et Uruguay), ou encore parce que certaines lois relatives à l’enfance ne sont pas adaptées à la CIDE (Brésil, Colombie, Équateur, Salvador, Honduras, Mexique et Uruguay). Dans le cas du Pérou dont le rapport a été présenté en 2006, il est demandé d’abroger certaines lois contraires à la CIDE. Tout cela montre que la représentation de l’enfance sur le plan normatif est incomplète par rapport à la CIDE.
8Concernant les principes généraux, le Comité constate que des pays comme la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Nicaragua, le Paraguay, le Pérou et l’Uruguay ne sont pas spécialement sensibles au principe d’« intérêt supérieur de l’enfant ». Ce dernier demande une meilleure définition et une plus grande implication des professionnels. De même, le principe de « non-discrimination » ne s’applique pas au Costa Rica pour les enfants indigènes. Le Comité, lorsqu’il émet ces observations, se montre particulièrement prudent. Nous ne pouvons omettre que le Comité n’a pas le pouvoir de sanctionner.
9Concernant les mauvais traitements, abus et sévices corporels, que ce soit dans le cadre scolaire ou familial, le Comité fait référence aux cas de la Bolivie, du Brésil, du Costa Rica, de l’Équateur, du Honduras, de l’Uruguay et du Venezuela, avec une insistance sur les cas de la Bolivie et du Honduras. Cette insistance indique que la situation ne semble pas s’être améliorée dans ces deux pays, malgré les cinq ans écoulés entre les deux rapports. On constate que, malgré l’interdiction reprise dans la majorité des codes, son application n’est pas effective.
10La justice des mineurs est un autre point de préoccupation, surtout parce que les mesures « socio-éducatives » prévues dans les codes ne sont pas appliquées avec le volontarisme nécessaire et que l’on opte trop souvent pour l’internement ou la privation de liberté, comme cela se passe en Bolivie, en Équateur, au Nicaragua et au Pérou.
11Le Comité insiste pour que soient mises en place des campagnes d’information sur les codes et sur la CIDE, et que des professionnels soient formés dans le domaine de l’enfance (Brésil, Équateur, Honduras et Uruguay). Souvent, il semble que les propositions faites par le Comité ne parviennent pas à leurs destinataires, dans ce cas-ci, les professionnels qui travaillent dans le secteur de l’enfance.
- 7 REDLAMYC, Estudio de balance regional sobre la implementación de la Convención sobre los Derechos (...)
12Le Réseau latino-américain et antillais pour la défense des droits de l’enfance et des adolescents (REDLAMYC)7 a dressé un bilan en définissant trois domaines d’analyse : avancées liées à la CIDE ; reculs ayant un impact sur les droits de l’enfant ; principaux problèmes liés au respect des droits de l’enfant. Ce bilan laisse entrevoir une conception généralisée selon laquelle les textes légaux sont suffisamment forts pour modifier la situation des droits de l’enfant. Cette ambiguïté est finalement entretenue par une rhétorique qui a, parfois, à voir avec les pratiques et politiques publiques. Dans ce sens, les réflexions finales de l’étude mentionnée sont insistantes : il faut passer du discours à l’action, en renforçant la capacité de mobilisation des mouvements sociaux des différentes enfances d’Amérique latine et construire collectivement un nouvel agenda pour renforcer les dispositifs de suivi et que l’investissement public soit à la hauteur du respect de la CIDE. Finalement, ce rapport reprend une série de recommandations qui tentent de pallier les problèmes liés au non-respect des droits de l’enfant en Amérique latine.
- 8 Dávila P. et Naya L. M., Derechos de la infancia…, op. cit.
13En outre, les recommandations de la CIDE ont produit des textes particuliers, comme les codes de l’enfance, pratiquement en vigueur dans toute l’Amérique du Sud. Ces textes permettent d’apprécier certaines situations problématiques vis-à-vis de la CIDE et le développement de certains aspects timidement abordés dans ce traité : prise en considération de l’enfant dès sa conception, présence des devoirs des enfants en lien avec un ensemble de valeurs patriotiques et de respect des parents et de l’environnement8.
Le droit à l’éducation en Amérique latine : vision comparée
- 9 Ibid.
- 10 Tomaševski K., « El derecho a la educación : panorama internacional d’un derecho irrenunciable », i (...)
14Jusqu’à présent, nous avons centré notre attention sur les cadres législatifs dans lesquels s’inscrivent les droits des enfants et des adolescents en Amérique latine. Analysons maintenant précisément la situation du droit à l’éducation, en suivant les mêmes sources. En effet, ce droit est déterminant pour jouir de la totalité des droits en tant que citoyens. Nous devons, malgré tout, rappeler que ce droit est relatif à deux textes internationaux : le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels de 1966 et la CIDE9. Nous préférons centrer notre attention sur les rapports du Comité des droits de l’enfant, ceux-ci étant plus larges. Pour l’approche théorique nous appliquons le schéma des 4 A de Katarina Tomaševski, qui permet d’analyser les différents indicateurs composant la jouissance du droit à l’éducation10. L’utilité de ce schéma est évidente, il s’agit d’instaurer toute une série de dispositifs qui concerne d’une part les obligations gouvernementales et, d’autre part, la liberté des parents afin de pouvoir élargir la mise à disposition des écoles (disponibilité) ; les différentes situations sociales et personnelles des enfants, pour y avoir accès (accessibilité) ; les objectifs éducatifs liés à l’approche des droits de l’homme (acceptabilité) et qui, en fin de compte, répondent à la diversité éducative des salles de classe (adaptabilité).
15Le schéma présenté ici permet de souligner les obligations des États, ceux-ci devant investir dans l’éducation, dans des infrastructures et leur entretien, tout en assurant l’accès aux petites filles, qui subissent la plus forte discrimination. Il n’est donc pas possible de permettre la discrimination ni dans les établissements scolaires, ni dans l’accès, que ce soit en raison d’une non-assistance ou de la situation professionnelle. De la même manière, l’État doit établir et appliquer des normes d’éducation qui permettent d’avoir une éducation acceptable vis-à-vis des droits de l’Homme mais qui s’adaptent aussi à la diversité culturelle.
Disponibilité et accessibilité : une école sans discrimination
- 11 Pour une étude actuelle et prospective sur la situation de l’éducation en Amérique du Sud : Unesco(...)
- 12 Tomaševski K., El asalto a la educación, Barcelone, Intermon-Oxfam, 2004.
16Les recommandations du Comité concernent davantage les aspects de disponibilité réelle que les aspects législatifs. Le caractère obligatoire de l’école est entravé pour différentes raisons comme l’abandon et l’absentéisme scolaire, le manque d’établissements en zones rurales, ainsi que le caractère inadapté entre l’âge de fin de la scolarité obligatoire et l’âge minimum pour pouvoir entrer dans la vie active, comme cela se passe au Pérou par exemple, où l’âge minimum pour travailler est de 12 ans alors que l’éducation est obligatoire jusqu’à 18 ans. Concernant l’abandon et l’absentéisme scolaire, liés à l’échec scolaire et à la disponibilité de l’offre, le Comité a mentionné les taux élevés en primaire, notamment en Argentine, en Bolivie, à Cuba, au Chili, en Colombie, en Équateur, au Salvador, au Guatemala, au Mexique, au Nicaragua, à Panama, au Paraguay, au Pérou, en République Dominicaine, en Uruguay et au Venezuela. Par exemple, en 2010, le Comité a recommandé à l’Argentine de « prendre des mesures pour que les enfants puissent terminer leur scolarité ». Une des raisons de ce phénomène est que les enfants commencent à travailler, comme l’observe le Comité, entre autres pour le Honduras et le Pérou. Par ailleurs, l’abandon est surtout constaté auprès des enfants indigènes, des enfants d’origine africaine et auprès de la population rurale11. La gratuité est rarement mentionnée, bien que dans certains pays le droit à l’éducation suppose un surcoût pour le budget familial12.
17Toutes les observations formulées par le Comité ne sont pas négatives, il reconnaît la réussite de programmes mis en place par certains pays afin de diminuer l’absentéisme scolaire ou de favoriser l’assiduité à l’école, comme au Panama, en Uruguay ou en Bolivie. Le Comité loue également la réussite de l’inscription universelle en Uruguay et les progrès évidents du Venezuela, pays où l’éducation est une priorité gouvernementale.
18Pour résumer, l’objectif de l’accessibilité pour parvenir à une école pour tous et de qualité n’est pas encore atteint dans l’ensemble des pays de la région malgré ce que disent les statistiques. L’élément le plus notable est la grande disparité qui existe entre les pays mais aussi à l’intérieur de chaque pays. À ce sujet, être une fillette, appartenir à une minorité ethnique et/ou vivre en milieu rural entraîne une forte probabilité de recevoir une éducation de mauvaise qualité, voire de ne pas disposer d’une place à l’école. C’est ainsi que se confirme le principe, condamnable, selon lequel les enfants des pays pauvres reçoivent une éducation pauvre.
- 13 Sieminski G., Los Derechos de las Minorías a la Educación. Las recomendaciones de La Haya, Comisión (...)
- 14 Dávila P., Naya L. M. et Lauzurika A., « Las personas con discapacidad, el derecho a la educación y (...)
19De façon générale, la discrimination limitant l’accès réel aux écoles affecte surtout les petites filles, les enfants handicapés et les minorités ethniques13. Une « carte de la discrimination » des enfants handicapés en Amérique du Sud serait très éloquente à cet égard. Dans quasiment tous les pays, le principe de non-discrimination prévaut dans les législations nationales, avec différentes nuances (absence de politique d’intégration, excès d’institutionnalisation, manque d’information ou manque de formation des professeurs). Mais sur la question des enfants ayant un handicap, le Comité signale une situation plus négative que positive en Bolivie, au Brésil, au Costa Rica, au Guatemala, au Honduras, au Mexique, au Panama, au Pérou, en République Dominicaine, en Uruguay et au Venezuela. L’action de l’Argentine, du Chili, de Cuba, de l’Équateur, du Salvador ou encore du Nicaragua est par contre soulignée comme positive14.
20Quant aux minorités ou aux populations indigènes, la seule application du principe de non-discrimination éviterait une situation insatisfaisante. Les motifs de discrimination sont, dans la majorité des cas, ethniques ou linguistiques, propres aux minorités existantes dans les États membres où n’est pas respecté l’enseignement des langues minoritaires ou les droits des peuples originels. Corrélativement à tout cela, le Comité détecte des carences dans la formation des maîtres pour prendre en charge ces minorités linguistiques ainsi que dans l’élaboration de matériel didactique dans ces langues. Il souligne positivement les avancées qui se sont produites dans certains pays dans le cadre des programmes d’éducation interculturelle bilingue (Équateur, Nicaragua ou Panama) ; d’autres actions ont une portée plus limitée dans certaines régions (Bolivie, Colombie et Salvador) ou ont besoin d’être développées (Chili).
Acceptabilité et adaptabilité : des écoles respectueuses des droits de l’Homme
21Un des aspects ayant fait l’objet d’observations de la part du Comité porte sur la discipline scolaire qui, conformément à l’article 19 de la CIDE, oblige les États membres à prendre des mesures « contre toute forme de préjudice ou d’abus physique ou mental, négligence, mauvais traitements ou exploitation y compris l’abus sexuel ». Ce concept est également repris dans l’article 28 sur le droit à l’éducation qui mentionne que « les États membres adopteront toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que la discipline scolaire soit gérée de façon compatible avec la dignité humaine de l’enfant ».
22Le Comité recommande de mettre en place des mesures législatives et éducatives pour modifier les attitudes et les pratiques. Ainsi, dans certains pays, il existe une législation interdisant tous types de violence ou de maltraitance sur les enfants. C’est le cas en Bolivie, au Costa Rica, au Nicaragua, en République dominicaine ou au Venezuela, ce qui n’évite pas que dans la réalité des mauvais traitements se produisent. En effet, la majorité de la population considère qu’il est raisonnable ou acceptable d’appliquer une certaine discipline, incluant les mauvais traitements, que ce soit à l’école ou en famille. Dans ce sens, le Comité constate que les punitions corporelles au sein de la famille et à l’école sont une pratique acceptée par la population dans des pays comme le Brésil, l’Équateur, le Salvador, le Honduras, le Mexique, le Guatemala, le Paraguay, le Chili ou la Colombie. Dans certains cas il semble que les dispositions ne soient pas suffisantes pour modifier des comportements sociaux et scolaires issus d’une longue tradition.
23Le Comité est particulièrement sensible à la faible intégration des droits de l’homme dans l’éducation des enfants qui est, en particulier dans la formation des professionnels de l’éducation, la meilleure garantie du respect de la diversité dans l’éducation. La majorité des États reçoit des recommandations similaires, exprimées de la façon suivante : « Le gouvernement devrait étudier la possibilité d’incorporer la CIDE dans les plans d’études scolaires » à tous les niveaux de l’éducation.
- 15 Hodgkin R. et Newell, P., Manual de Aplicación de la Convención sobre los Derechos del Niño, Genève (...)
24Certains pays sont inquiets car on n’enseigne plus le respect des valeurs nationales, « les jugeant archaïques15 ». L’idée que souhaite transmettre le Comité est que toutes les personnes de toutes les cultures méritent la même estime et le même respect, outre le développement de politiques éducatives vouées à l’égalité des sexes, à une éducation pour la paix ou au respect de l’environnement. L’objectif est donc de parvenir à une éducation qui s’adapte à la diversité des sujets de droit à l’éducation où :
- 16 Tomaševski K., El asalto a la educación, op. cit., p. 260.
« La condition préalable à toute adaptation des enfants à l’école dite “normale” est remplacée par l’égalité du droit à l’éducation et l’égalité des droits de tous dans l’éducation. L’adaptation de l’éducation à chaque individu reste un rêve. Aucun pays au monde n’a mis en place des garanties effectives pour toutes les composantes de l’éducation basée sur les droits et pour toutes les catégories du genre humain16. »
25Cet horizon pourra être atteint si l’éducation trouve cet espace dans le domaine des droits de l’enfance.
Conclusions
26La tendance générale a été de mettre en place les principes et les contenus de la CIDE dans les législations internes des pays d’Amérique latine. Malgré cela, il existe un discours rhétorique qui s’appuie, dans la majorité des cas, sur la législation elle-même et qui est en contraste avec la réalité vécue des enfants et adolescents. De plus, le respect des droits de l’homme impose souvent des conditions démocratiques et des ressources financières qui en permettent le développement : ce point n’est pas toujours respecté. Il existe peu d’investissements économiques et une faible tradition de défense des droits de l’homme, que ce soit au niveau institutionnel de la protection de l’enfance ou au niveau de l’imbroglio administratif entourant l’application du droit à l’éducation.
27Si nous analysons la situation du droit à l’éducation en Amérique du Sud, nous pouvons constater que suffisamment d’indicateurs sont réunis pour affirmer que la disponibilité est discutable du fait d’un investissement trop faible dans l’éducation. C’est-à-dire que malgré le respect du caractère obligatoire de la scolarité ou de la gratuité, qui est de manière générale garanti, on observe certaines faiblesses, dénoncées par le Comité, sur des questions relatives à l’abandon scolaire dans ses différentes formes, ce qui tend à prouver un échec scolaire patent. Concernant l’accessibilité, celle-ci semble être peu garantie. On relève de très nombreuses recommandations et observations relatives aux diverses discriminations que subissent certains groupes de la population : les filles, les habitants des zones rurales, les peuples originels, les minorités ethniques et linguistiques ou les enfants handicapés. Ainsi, le droit à l’éducation, dans sa globalité, subit des manques importants en termes d’accessibilité que ce soit d’un point de vue économique ou géographique. Les obligations gouvernementales ne parviennent pas à couvrir l’offre des places d’école et lorsqu’elles y parviennent, elles ne sont pas en mesure de garantir que les enfants ne subissent pas de discriminations lorsqu’ils font valoir leurs droits dans l’espace scolaire.
28Par rapport à l’acceptabilité et à l’adaptabilité, à partir des deux autres éléments qui composent le schéma d’analyse du droit à l’éducation que nous avons utilisé, nous pouvons affirmer que des formes de discipline incompatibles avec les droits de l’enfant et ne garantissant pas que ces écoles soient acceptables se présentent dans certaines situations. De même, le Comité a émis des critiques sur l’intégration des droits de l’homme et de l’enfant dans les parcours scolaires. Enfin, l’adaptabilité semble un objectif lointain à atteindre car c’est encore aux enfants et adolescents de s’adapter à l’institution et non l’inverse.
Notas
1 Cardona J., « La Convención sobre los Derechos del Niño : significado, alcance y nuevos retos », Educatio Siglo XXI, no 30-2, 2012, p. 47-68. Jorge Cardona est membre du Comité des droits de l’enfant jusqu’à 2017.
2 Detrick S. (dir.), The United Nations Convention on the Rights of the Child, La Haye/Boston/Londres, Martinus Nijhoff Publishers, 1992.
3 Instituto Colombiano de Bienestar Familiar, El Derecho del Bienestar Familiar, Bogotá, Avance Jurídico Casa Editorial, 2009.
4 Dávila P. et Naya L. M. (dir.), Derechos de la infancia y educación inclusiva en América Latina, Buenos Aires, Granica, 2011.
5 Tous les rapports du Comité, réserves, ratifications, etc., auxquels nous faisons référence dans ce travail peuvent être consultés sur le site internet du Comité des droits de l’enfant : [http://www2.ohchr.org/spanish/bodies/crc/].
6 Dávila P. et Naya L. M., Derechos de la infancia…, op. cit.
7 REDLAMYC, Estudio de balance regional sobre la implementación de la Convención sobre los Derechos del Niño en América Latina y el Caribe. Impacto y retos a 20 años de su aprobación, REDLAMYC/Save the children, 2009.
8 Dávila P. et Naya L. M., Derechos de la infancia…, op. cit.
9 Ibid.
10 Tomaševski K., « El derecho a la educación : panorama internacional d’un derecho irrenunciable », in Naya L. M. (dir.), La educación, un derecho humano, Saint-Sébastien, Erein, 2005, p. 63-90 ; Tomaševski K., Human Rights obligations in Education. The 4-As scheme, Nimègue, Wolf Legal Publishers, 2006.
11 Pour une étude actuelle et prospective sur la situation de l’éducation en Amérique du Sud : Unesco, Situación educativa de América Latina y el Caribe : hacia la educación de calidad para todos al 2015, Santiago du Chili, OREALC, 2013.
12 Tomaševski K., El asalto a la educación, Barcelone, Intermon-Oxfam, 2004.
13 Sieminski G., Los Derechos de las Minorías a la Educación. Las recomendaciones de La Haya, Comisión de Derechos Humanos. Subcomisión de Prevención de Discriminaciones y Protección a las Minorías. Grupo de Trabajo sobre las Minorías. Tercer período de sesiones. E/CN.4/Sub.2/AC.5/1997/WP.3, 1997. Tomaševski, K., El asalto a la educación, op. cit.
14 Dávila P., Naya L. M. et Lauzurika A., « Las personas con discapacidad, el derecho a la educación y la Convención sobre los Derechos del Niño en América Latina », Revista Latinoamericana de Inclusión Educativa, no 4 (2), p. 97-117, [http://www.rinace.net/rlei/numeros/vol4-num2/art5.pdf].
15 Hodgkin R. et Newell, P., Manual de Aplicación de la Convención sobre los Derechos del Niño, Genève, Unicef, 2004, p. 479.
16 Tomaševski K., El asalto a la educación, op. cit., p. 260.
Índice de ilustraciones
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