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Guingamp sous l'Ancien Régime

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Annaïg Soulabaille

1re partie. Guingamp dans la Bretagne

Chapitre II. L’économie guingampaise

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Géographique :

France

Texte intégral

1L’économie guingampaise a peut-être souffert du manque d’ambition de ses élites.

Les secteurs qui dominent

2L’économie guingampaise se caractérise par trois activités majeures : le textile, le cuir et le commerce.

L’activité textile

  • 1 Marchand drapier natif du bourg de Sainte-Croix mais demeurant, à la date de sa déposition, au mou (...)
  • 2 Hervé ne précise aucune date, disant seulement que, marié depuis plus de 16 ans (au moment où il d (...)
  • 3 En l’espace de dix ans, Adrien Pitôt avait vendu au maître du Bois de la Roche « pour la somme de (...)

3Le faubourg de Sainte-Croix se fit une spécialité du « commerce de Berlinge et de laine » que la plupart des paroissiens pratiquaient : sur les 126 capités recensés en 1737, au moins 35 sont fileurs de laine, 23 tisserands et 26 cardeurs. En 1766, l’industrie textile y est toujours vivace et bien représentée car sur un total de 103 capités, on compte 40 « écardeurs », 19 tisserands et 9 fileuses de laine. Il faudrait ajouter les marchands drapiers qui débitaient leur marchandise dans la cité et en tiraient d’importants profits : citons en 1668-1720 Robert Le Page, François Cocquart, Marie Gardegam, Jacques Boessy et son épouse Isabeau Fallegan, Allain et François Pitôt, Pierre Derrien, Guillaume Fallegan sieur du Penquer ou Toussaint Riollay et son épouse Elisabeth Cailleté. Ces marchands de draps n’étaient pas les derniers venus : le 13 février 1696, Allain Pitôt, également lieutenant de Sainte-Croix, mariait sa fille de 17 ans, Jacquette Pitôt dame de la Villeblanche, à François Le Menez sieur de Kerdeleau âgé de 22 ans, conseiller du roi et miseur de la communauté de ville de Carhaix où il était domicilié. Ces marchands (appelés parfois « fabriquants ») contrôlaient la production toilière ou drapière, en amont et en aval, c’est-à-dire qu’ils fournissaient les fils de lin et de chanvre et la laine aux artisans locaux. Ensuite ils récupéraient le produit fini et se chargeaient de le commercialiser. Le témoignage de plusieurs particuliers apporté le 22 septembre 1657 sur les diverses activités auxquelles s’était livré de son vivant le seigneur du Bois de la Roche René du Liscoet permet de mieux évaluer le rôle de ces marchands. Le seigneur du Bois de la Roche – dont le domaine s’étendait essentiellement sur les paroisses de Bourbriac et de Coadout – faisait acheter par un homme de confiance « de la laine en gros qu’il […] faisait rendre de plusieurs villes comme de Tréguier, Pontivy, Saint Paul [de Léon] et autres » puis la vendait au détail « tant aux habitants de Sainte-Croix que autres qui en voulaient acheter ». Une année, il chargea Roland Stephan1 de lui acheter 300 livres de laine à la foire de Lantreguier et 300 autres à la foire du Folgoët (en Léon). Stephan reçut également l’ordre d’aller, toujours dans le même but, à Morlaix, Lannion et Lesneven. Le marchand drapier François Nedellec rendit le même service pendant 9 à 10 ans. Son « traité d’embauche » passé « a condition verballe » avec René du Liscoet stipulait qu’il devait toucher « le neufiesme denier » du profit sur la revente des laines. Le trafic était alors fructueux puisque dans une seule année, par ce seul moyen, Nedellec fit un profit de 120 livres. Une fois entré en possession de toute la laine en gros, le seigneur la vendait par petites quantités (il la pesait lui-même) à divers particuliers, notamment à ceux de Sainte-Croix. René du Liscoet faisait aussi acheter du fil aux marchés de la région pour le délivrer ensuite (toujours au poids) aux tisserands afin qu’ils en fissent des toiles marchandes qu’il vendrait après aux villes circonvoisines. Au nombre des « clients » du maître du Bois de la Roche figure Michel Hervé, drapier de Sainte-Croix. Au cours des années 1640-16452, il lui acheta plusieurs fois de la laine jusqu’à la somme de 300 livres. Il allait chercher et prendre la marchandise au manoir du Bois de la Roche puis, de retour à Sainte-Croix, la débitait chez lui. Henry Le Ploaz de Sainte-Croix eut aussi affaire au même seigneur comme le pelletier Adrien Pitôt qui de son vivant lui acheta pour plus de 2 000 livres de laine chaque année3 qu’il revendait au détail à des drapiers de Sainte-Croix. Les témoignages précisent que le seigneur du Bois de la Roche « donnait et prêtait de l’argent aux drapiers dudit Sainte-Croix sur le gage de leurs draps en faveur de trois sous par aulne de profit par chaque aulne » ; ce qui signifie qu’il « tenait » les drapiers.

4Dans les premières années du xviie siècle, l’activité textile bat donc son plein à Sainte-Croix : la Berlinge est très prisée par la population alentour au même titre que les « toiles de lin, quatremarches, tirtaines et ballins ». En 1618, Godefroy Bobony sieur de Kergilouars (ou Kerguillouart) était parvenu, à force de « grand trafic de toiles » et d’un train de vie modeste, à accumuler une richesse de plus de 20 000 livres. L’activité textile demeure encore suffisamment vivace et attractive dans la seconde moitié du xviie siècle pour qu’en décembre 1665 le marchand bourgeois guingampais François Bodin sieur de Lermo remette à son confrère Charles Michel sieur de Kermouster la somme de 1 500 livres tournois pour être employée « soubz six semaines en aschapt de toilles » destinées à être commercialisées. La halle de Guingamp, et notamment « l’allé des gros draps de Ste Croix du costé de l’allée des toilliers » ou « l’allée des merciers et drapiers du costé de l’allé des boullangers », reste très fréquentée. En janvier 1672 Pasque Bourdin, « marchand toillier demeurant au fauxbourg de Trautrieu », loue pour cinq ans « un estal a toillier soubz l’allée des toilliers en la halle de ceste ville » pour la somme annuelle de 13 L 10 s, tandis que les Guingampais Jullien Frontrau et sa femme Françoise Cadoret prennent en sous-ferme un étal dans l’allée des toiliers en échange de 18 livres par an.

5On sait que l’activité textile était aussi présente dans les faubourgs de Saint-Sauveur et Saint-Michel et dans la paroisse Notre-Dame : filandières, tailleurs, fileurs et fileuses, tisserands, marchands de draps et de laine sont attestés un peu partout à Guingamp tout au long du xviiie siècle. Mais à cette époque, la production textile locale n’a plus l’ampleur du début du siècle précédent. Et l’arrivée à Guingamp, à la fin de l’année 1730, de « trois Anglois […] venus pour y etablir une manufacteure de toutte sorte d’etoffes » ne changera rien. La fabrique de draps des Anglais ne tiendra pas ses promesses et disparaîtra assez rapidement. Le 15 février 1741, l’abbé de Rays recteur de la ville de Guingamp, constatait « l’extreme misere » des « pauvres artisants » tels que « les tailleurs, cordonniers, tessiers, fileurs de laine et autres de cette espece », condamnés à souffrir « le plus faute de trouver à travailler ». L’industrie textile employait encore de la main-d’œuvre mais cette dernière s’était réduite et appauvrie : le 26 juillet 1773, Yves et Pierre Le Mignot, fileurs de laine de Sainte-Croix, « n’estant pas en estat de pouvoir payer » la somme de 185 livres due à Rolland Cormier du Meidic domicilié à Notre-Dame, mais « desirant neantmoins y satisfaire », durent lui céder « tous leurs droits et pretentions au fond et en la proprietté de deux pieces de terres roturieres » situées à Bourbriac.

6L’activité textile continue quand même d’être présente dans les foyers guingampais qui possèdent rouets à filer, dévidoirs, quenouilles, tamis, poches de toile, plusieurs livres de lin et de chanvre… Dans le faubourg de Trotrieux Tourquelenic, on continue à blanchir du fil et à le lessiver avant de l’exposer à l’air libre dans le jardin.

7Certaines familles font même fortune dans le commerce des draps et toiles, accumulant les capitaux au point de porter le titre de négociants. En 1770-1780, Jacques Onfray sieur de la Painnière et son épouse Marie Berlivet deviennent propriétaires de deux hôtels particuliers situés l’un au bourg noble de Sainte-Croix (acheté 15 000 livres) et l’autre sur le martrait à Notre-Dame de Guingamp (acquis pour 6 228 livres) et consentent de nombreux actes obligatoires. Il est vrai que les pièces de toiles ou de draps sont encore très estimées au xviiie siècle, allant jusqu’à faire l’objet de vols : le 23 novembre 1770, le journalier Guillaume Le Ponthou, demeurant rue du Pot d’argent à Notre-Dame de Guingamp, déclara que la veille, entre les six et neuf heures du soir, « tendis [qu’il] prenoit son heure de recréation pour causer chez un amy voisin [nommé Yves Dufain] en attandant d’aller se coucher », on trouva le moyen « d’enfoncer et de faire ouverture réelle de son armoire, dans la quelle il y avoit [notamment] une piece de toille blanche dite toille de Leon, la quelle [fut] enlevé ». Ce n’était pas la première fois qu’il était victime d’un semblable larcin : neuf mois plus tôt, il s’était fait voler « une piece de toille dit de Pedernec contenant soixante neuff aulnes » que lui avait confiée Jeanne Le Bihan de Pédernec.

  • 4 Marie Tanguy est la femme de Gabriel Toulhoët, matelot embarqué depuis 1755 mais dont elle est san (...)

8Au xviiie siècle à Guingamp, il faut distinguer les marchands de Berlinge des (riches) marchands drapiers et toiliers. Les premiers ne sont pas dans une situation enviable, « le plus riche d’entreux [gagnant] à paine de quoy payer ses subsides et l’entretient de son cheval » indispensable pour « aller courir les foires de la Basse Bretagne ». En revanche, les marchands drapiers qui vendent des étoffes du pays breton (la Ratine de Josselin, la Berlinge) et d’ailleurs (les draps de Rouen ou de Vire par exemple) sont aisés : en 1748, la veuve Kerninon Guyomar et son fils sont taxés 81 livres. Les marchands de draps de soie sont nombreux dans la paroisse Notre-Dame : citons dans la seconde moitié du xviiie siècle, le couple formé par Yves Le Graët et Elisabeth Monroq (ou Morocq), Claude Utinel et son épouse Marie Souvestre, ou encore Marie Guéry veuve de Jan-Baptiste Guyomar de Kerninon. Les marchands de toiles non plus ne font pas pitié, étant « du moins suivant les apparences, un peu aizés ». Mais, l’activité textile a perdu de sa superbe. Les cardeurs de laine sont « obligés de faire le mettier de mannœuvre pendant la moittié de l’année pour subsister », les tisserands produisent une « quantité de pauvres » (le plus « riche » ménage n’a pas plus de 30 livres de biens) occasionnant ainsi « des pertes considérables aux habitants par le deffaut de payement des loyers qu’ils occupent et qu’ils abandonnent quelque fois à la moittiée de l’année n’ayants aucun domicile certain et se retirant dans quelque saison que ce soit dans les endroits ou ils croient trouver quelqu’avantage ou de quoy s’occuper ». Nombreux sont les fileurs et fileuses de laine comme Marie Tanguy ayant dû quitter leur paroisse pour aller chercher de l’ouvrage ailleurs : partie en 1757 de « la ville de Brest ou elle filoit pour vivre », elle se rendit à Plounevez (évêché de Tréguier) « ou elle [fila] pour le proffit » de Jan Denès pendant deux à trois mois jusqu’au 16 mars 1758, puis alla à Guingamp pour y « chercher de l’ouvrage4 ». Les tailleurs d’habits n’ont pas un meilleur sort, « leur pauvreté [égalant] leur ignorance » et leur « peu d’habileté » n’attirant guère la clientèle. Il faut les regarder « comme simples gens de journée et par consequent peu aisés ».

9En l’espace d’un siècle, l’activité textile à Guingamp s’est beaucoup dégradée, un peu à l’image de l’allée des toiles dans la halle de la cité : le 28 septembre 1748, elle est « remplie d’immondices et de salleté le public se servant des dittes halles comme de latrines et lieux commodes ». Cela entraîne « une infection et une puanteur insuportable » et des boutiques désertées « par les marchands de toille qui n’y peuvent tenir ». Ajoutons que « les etaux de la ditte allée sont tres degradés et [qu’] il en manquent une moitié ». De toute évidence, le commerce des textiles ne faisait plus autant recette qu’autrefois !

L’industrie du cuir

  • 5 Se reporter à l’article de Jean-Pierre Leguay, « Guingamp au xve siècle », MSHAB, tome LVI, 1979, (...)

10À l’époque moderne Guingamp se distingue par une « industrie » du cuir très dynamique depuis au moins le xve siècle5. On dénombre toujours beaucoup de cordonniers, bourreliers, selliers, tanneurs, corroyeurs et pelletiers. La cordonnerie notamment suscite des vocations parmi la jeunesse de la cité et des environs. La sellerie et la bourrellerie ne laissent pas non plus indifférents, surtout à une époque où le cheval est utilisé pour toutes sortes de travaux et comme moyen de transport. Il est très présent en Bretagne, en particulier dans la région de Guingamp où les foires et marchés consacrés en partie ou en totalité à cet animal sont nombreux. Plus d’un sellier guingampais joua les maîtres d’apprentissage comme François Langlois. Les pelletiers étaient moins nombreux mais leur métier leur donnait satisfaction : on se souvient d’Adrien Pitôt faisant affaire avec le seigneur du Bois de la Roche.

11L’importance de l’élevage à proximité immédiate de la cité et alentour explique cette « industrie » du cuir.

12Comme ceux qui débitent et vendent des produits textiles, les marchands et artisans du cuir sont sujets à la coutume : tout cordonnier étalant sous la halle de Guingamp doit verser deux sols tournois à chaque foire fleurie – sauf s’ils sont plusieurs à jouir du même étal – tandis que pour chaque cuir et peau vendus, les tanneurs doivent payer un denier. Mais ils ne sont pas tous logés à la même enseigne : en tant que sujets des nobles bourgeois de la communauté de ville, les tanneurs du faubourg de Trotrieux Lambert ne doivent que mi- coutume sur les cuirs et peaux.

  • 6 Les meubles et effets se résument à un bois de lit à quenouille garni de sa couette et traversier (...)
  • 7 Le maître sellier donnait procuration générale sur ses affaires au couple qui se chargerait d’enca (...)

13L’activité du cuir fut moins florissante à la fin du xviiie siècle. En mars 1789, le cahier de doléances de la ville de Guingamp indique que « la marque du cuir a tellement porté atteinte à ce genre de commerce que les taneurs de cette ville […] observe qu’avant son establissement il y a environ 29 à 30 ans, ils etoient plus de trente fabriquants aissées et que depuis le nombre en à diminué au point d’estre reduit à deux forts et deux médiocres ». Déjà en 1748, la « profession » était qualifiée de « mediocre pour ceux qui l’[exerçaient] à Guingamp, la plupart des tanneurs et corroyeurs ne pouvant alors êtres reputtés que compagnons de six ou sept d’entreux qui leurs fournissent de l’ouvrage pour subsister ». Les cordonniers et savetiers n’étaient guère mieux lotis : « presque touts sy on en excepte 3 ou 4 tout au plus qui subsistent à l’abry de leur profession, sont reduits à l’aumône et ne vivent les trois quarts du tems qu’a l’abry de la charité faute de travail qui leur manque souvent ». Jouan Parantoine (ou Paranthoen) en fait partie : en août 1740, ce cordonnier « ataqué et affligé des ecrouelle mal incurables » est dans une « extraime necessité ». Les selliers éprouvent aussi des difficultés car ils sont plus occupés « a des racommodages » qu’à faire montre de leur habileté au travail : alors qu’en juin 1684 le défunt Prigent Cherpantier (dit la Roze) avait des biens estimés à 223 L 15 s et était créancier de 196 L 6 s, en février 1772 Guillaume Foucaut ne possédait que 49 L 10 s de meubles et effets6 : depuis deux ans hors d’état de pouvoir travailler, « estant desnués des biens de la fortune, et caduque par ses infirmittés et son grand age », « il seroit a la derniere mandicitté » sans le secours de ses enfants (Jacques Foucaut, l’un des prêtres de l’église Notre- Dame et Janne Foucaut) qui acceptent « de le nourir soigner et entretenir ». Mais il y a des exceptions : en juin 1752, le maître sellier Julien Hamon avait « réussi » même s’il n’était plus « en estat de se soigner non plus que d’agir a ses affaires ny de veiller a ses interetz attendu son grand age, la paralisy […] et autres infirmités ». Il possédait assez de biens pour payer chaque année la somme de 500 livres à son fils et à sa belle-fille pour « le garder chez eux pour le nourir soigner, vettir, blanchir et entretenir tant sain que mallade pendant le reste de sa vie7 ». Il était ainsi assuré, jusqu’à la fin de ses jours, d’être nourri « au pain de fromant, […] souppes freiches tous les jours, bonnes viandes au pot et a la broche vin cidre ».

14De même, tous les tanneurs guingampais du xviiie siècle ne se trouvaient pas dans une situation critique, voire désespérée. Certains, à l’image de Jacques Labat, se distinguaient par une (insatiable) soif d’acquisitions de maisons, terres, rentes et jouaient le rôle de prêteurs d’argent, avançant des sommes pouvant atteindre plusieurs centaines de livres. Les artisans et les marchands de cuir n’étaient donc pas tous à plaindre.

15Cependant les moins aisés avaient intérêt à éviter les problèmes. En octobre 1766 le marchand tanneur Henry Le Tinevez, de Trotrieux Tourquellenic, dut avoir quelques sueurs froides en apprenant la requête déposée contre lui par Anne Huon, une habitante de son quartier âgée de 24 ans. Elle demandait qu’il fût condamné à « se charger de l’enfant dont [elle] accoucheroit comme etant de son fait » [à lui Le Tinevez] et à lui payer la somme de 300 livres « pour droit de gezine dommages et interets ». Mais il n’avait pas l’argent nécessaire. Finalement, il se sortira plutôt bien de ce mauvais pas, ne devant verser que 75 livres.

  • 8 Ils sont alors respectivement âgés d’environ 11 ans et demi, 10 ans et demi, et 9 ans.
  • 9 En 1663, Pierre Hamon s’acheta d’ailleurs une paire de souliers neufs et quelques « nippes » (pour (...)

16L’industrie du cuir et toutes les activités s’y rapportant engendraient donc pour ceux qui les exerçaient des fortunes diverses. Pourtant, la population locale leur fournissait du travail : le 25 février 1661, le notaire Pierre Hamon demandait au maître sellier Prigent Cherpantier de lui accommoder un baudrier ou une sangle « avecq du fil d’argent » et le 4 avril suivant, Hamon faisait remonter ses souliers gris par le cordonnier appelé la Forest. Les cordonniers ne devaient pas chômer quand on pense au grand nombre de souliers usés par chacun (on marchait beaucoup sous l’Ancien Régime). Le 12 septembre 1629, l’avocat de Lantréguier Jan Hamon (père de Pierre) engagea Louise Le Vally de Pleumeur Gautier pour 7 L 10 s en argent, six aulnes de toile à mouiller, un bas et deux paires de souliers ; le 1er octobre suivant, elle touchait 5 s 10 d pour faire « rhabiller » ses souliers et teindre un cotillon de toile et le 7 novembre elle recevait une paire de souliers neufs. Les enfants usaient aussi beaucoup de souliers : entre août et décembre 1682, messire Marc Antoine de la Boëssière seigneur de Lannuic et Anne Le Brun achetèrent pour leurs trois garçons nommés Bertrand, Toussaint et Marc Antoine au moins sept paires de souliers8 ; en avril, mai et août 1683, il fallut procurer une nouvelle paire de souliers à Toussaint et une en juillet à Bertrand. Les vendeurs de souliers et les cordonniers avaient fort à faire car « touts les gents de condition et les bourgeois aizés » ne se faisaient pas « chausser à Rennes et dans les grandes villes9 ».

17On ne peut évoquer l’« industrie » du cuir sans mentionner le rôle joué en aval par les bouchers. Ils fournissaient en grande partie les tanneurs et corroyeurs en peaux vertes ou brutes (expressions pour désigner la dépouille de l’animal de boucherie). Le 11 mai 1754, Guillaume Jegou et son épouse Janne Le Goff, marchands corroyeurs du faubourg de Trotrieux, versèrent la somme de 356 L 10 s aux héritiers d’Yves Le Moal (marchand boucher guingampais décédé) « pour le prix de deux cent peaux de moutons » que le défunt leur avait vendues et livrées peu avant sa mort. À la même époque, le marchand tanneur Marc Le Turquis avait acheté 131 peaux de veau en poil (autre terme désignant la dépouille de l’animal de boucherie) à Ollivier Liguistin et Janne Evenou, couple marchand boucher de Pontrieux. Des bouchers allaient « hanter » certaines foires pour y vendre « leur cuire », comme Hyacinthe Le Gras de Ploubezre et François Le Divich de Lannion qui se rendirent à la foire Sainte-Catherine de Guingamp le mardi 25 novembre 1727 : Le Divich avait eu besoin du concours de « quatre chevaux quy luy avoint servy à porter des paûx de vaches et beûfs a ladite foire ». Des bourgeois fournissaient aussi les tanneurs et les corroyeurs en peaux de bêtes : le 20 février 1630, Françoise Bocher, épouse de Jan Hamon avocat de Tréguier, recevait 32 sols de la part de Marie de Lannoy paroissienne de Pleubian pour la moitié de la peau de sa vieille vache.

18L’élevage pratiqué autour de Guingamp, le passage du Trieux, le va-et-vient des voyageurs, marchands en tous genres et gens de guerre se déplaçant à pied ou à cheval, sont autant de facteurs explicatifs de la naissance, du développement et de la durable présence de l’activité du cuir à Guingamp.

Le commerce des vins

19Le commerce des vins est une autre activité prépondérante à Guingamp sous l’Ancien Régime. Déjà en 1488, la cité apparaissait comme une ville où les marchands ne « marchandaient » que des vins. L’activité était de bon rapport notamment parce que les prétextes à boire ou à offrir à boire étaient nombreux.

  • 10 L’épreuve du tir se déroulait à Guingamp sur le Champ au Roy.

20Outre les cas déjà signalés (supra, p. 27-28), citons le tir « au Joyau et papegault de l’arc » : en 1670, le règlement de l’épreuve stipule que le roi du papegaut jouira « du debvoir d’impot et billot de cincquante pippes de vin à la manniere accoustumée » et que le jour même de l’abat du joyau il fera « rendre au camp douze potz de vin et douze pain aux officiers et archers10 », sans compter les collations et soupers arrosés de vin qu’il offrira durant son année de « règne ».

21On récompensait aussi des individus, pour service rendu ou menus travaux, en leur offrant de la boisson alcoolisée. En 1536-1537, la Communauté de ville fit transporter « deux quartes de vin » au couvent des Dominicains pour avoir prêché dans la cité durant l’année. En 1659, pour faire « curer les lattrines de [leur] petite maison » à Tréguier, Pierre Hamon et sa mère dépensèrent 31 livres « non compris le vin et l’eau-de-vie » offerts aux cureurs. Quant à « l’incendie arrivée en cette ville [de Guingamp] le 8 de ce mois » de septembre 1776, il en coûta à la communauté 72 livres « pour recompenser les charpentiers, couvreurs et autres ouvriers qui s’etoient portés avec courage a arrêter les progrès du feu et dix huit livres pour la barrique de cidre qu’on leur delivra pour les defatiguer après l’extinction de l’incendie ».

  • 11 Quand ce n’est pas pour boire du vin, c’est pour consommer du cidre : le dimanche de la Pentecôte (...)

22Enfin, une simple rencontre dans la rue pouvait déboucher sur la fréquentation d’une taverne. Le 26 juillet 1650, « un certain jeune homme faisant […] sa demeure ordinaire » à La Trinité de Guingamp ayant rencontré Pierre Poirier « et un sien camarade surnommé la Paluce compagnon cordonnier en travaillants, scavoir ledit [Poirier] chez Henry Le Roy et la Paluce avecq la Forest maistre cordonnier audit Guingamp et ce d’entre leurs demeures sur le hault martray », le jeune homme « leur fit instance et les obligea comme par contrainte de luy aller bailler et paier un pot de vin » chez des taverniers qu’il « hantoit le plus souvent 11 ».

23On comprend dès lors que le vin ait été à l’origine de maints excès de langage et de brutalités. Un exemple significatif : c’est « après avoir beu quelques coups » chez le sieur Vatel hôte du Cheval Blanc à Notre-Dame le lundi 20 juin 1707, que « le nommé Gaillard apotiquaire […] esmeu de collere jurant blasphemant le Sainct Nom de Dieu » se jeta sur l’avocat maître Charles Bobony sieur de la Bourdonnaye – qui se trouvait à déjeuner dans l’auberge en compagnie de deux autres personnes –, « luy donna plusieurs coups » et le mordit « par une rage extraordinaire et plus que inhumaine […] au second doigt de la main droite » au point que le chirurgien dut couper le doigt du sieur Bobony.

24Les tavernes et les cabarets étaient nombreux. En février 1695, « les vins, cidres et bieres » se débitaient surtout « a Guingamp [dans] ses faux bourgs Saint Michel et les faillis champs ». Cela ne signifie pas que la ville close en était dépourvue mais, au xviiie siècle, les cabarets s’implantèrent de préférence extra muros, « au bout de [la] banlieue ou des bornes de l’etendue [des] octrois » afin d’échapper à ceux-ci. Ce n’était pas pour plaire à la communauté de ville qui destinait la recette des octrois « a la reconstruction [des] pavés » ou à l’entretien des ponts de la cité.

  • 12 Le vin est également du menu des hôpitaux où « les hôtes valides […] en bénéficient » largement, e (...)
  • 13 La Coutume accordait un délai de 24 heures à qui voulait déposer une demande d’annulation d’un act (...)

25Le vin était doté de certaines vertus curatives. En 1639, plusieurs taverniers et aubergistes guingampais tels que Pierre Cleusiou et Constance Derrien fournirent du vin aux malades et suspects de contagion12, l’eau étant considérée en pareil cas plus dangereuse que réparatrice en raison de son manque de pureté. Mais parfois il pouvait être utilisé comme un moyen malhonnête de parvenir à ses fins. En 1671, Yves Simon et sa femme Marguerite Merrien, marchands de Notre-Dame, l’apprirent à leurs dépens : le 10 août, François Bodin sieur de Lermo et Philippe Even sieur de Launay, receveurs de la seigneurie de Guingamp, se rendirent « en l’hostellerye du nommé Chasteau Neuff, ou ils manderent » le couple et là « appres avoir excessivement faict boire ledit symon, pour le rendre plus hardy et mins dans un estat [tel] qu’il ne scavoit plus ce qu’il faisoit [ils] luy adjugerent la ferme des coustumes quy se levent en la ville de Guingamp pour ledit temps de neuff ans et pour trois centz soixante livres par an et soixante quinze livres de commission quoy qu’elles n’eussent jamais esté affermées plus hault prix que deux centz soixante dix livres et en firent passer acte au cabaret ». Le lendemain, redevenu sobre et recouvrant tous ses esprits, Yves Simon se rendit devant les juges de la sénéchaussée pour demander l’annulation de l’acte ainsi que l’y autorisait l’article 295 de la Coutume de Bretagne13 !

  • 14 Le 11 juin 1711, la communauté de ville dut renoncer à réquisitionner un logement appartenant au s (...)

26Les marchands de vin étaient donc nombreux à Guingamp, la demande étant forte en ville et à la campagne. Dans la seconde moitié du xviie siècle, Jacques Le Brun sieur de Kerprat livrait aussi bien une hôtesse guingampaise comme Béatrice Seigneur que des particuliers demeurant à Plésidy ou à Gommenec’h. La vitalité de ce commerce devait aussi beacoup à la position géographique de la cité : située à un carrefour de routes empruntées par les voyageurs, marchands, gens de guerre, rouliers et voituriers divers, Guingamp avait tout de la ville de passage, jusqu’au « parc » hôtelier : elle disposait de plusieurs auberges et écuries qui, ajoutées aux cabarets et tavernes, répondaient aux besoins alimentaires et à l’hébergement des personnes de passage. Guingamp assurait le gîte et le couvert aux individus en « transit ». Or il fallait approvisionner ces différents établissements en boissons et particulièrement en vin14. Les religieux retirés dans les couvents représentaient aussi une clientèle non négligeable. Le 17 août 1681, les Cordeliers guingampais établis à Notre-Dame de Grâces se plaignaient car depuis plusieurs mois des voleurs s’introduisaient la nuit dans leurs celliers, prenaient leurs vins et cidres et s’enivraient presque tous les jours à leurs dépens. Les religieux dénoncaient le « vol de plus de deux pipes de vin d’Anjou » en seulement trois mois !

27Le commerce des vins attira beacoup de bourgeois. Certains en tirèrent d’importants profits : citons en 1650-1680 Ollivier et Pierre Allain, Catherine Le Goff et Jacques Le Brun. C’est d’ailleurs en grande partie grâce à la vente des vins que celui-ci pourra s’offrir une charge de conseiller secrétaire du roi près la chancellerie de Bretagne et accéder ainsi à la noblesse.

L’hôtellerie

28Les nombreuses auberges expliquent la bonne tenue du commerce des vins mais témoignent surtout du caractère de ville de passage de Guingamp. Certains prenaient juste le temps de se désaltérer et de se sustenter, d’autres y passaient une voire plusieurs nuits. La cité devait donc pouvoir les accueillir convenablement.

  • 15 Ce n’est pas innocemment que le sieur Margeot Vauguery se fit construire un hangar en 1787 : il de (...)

29Aux xviie et xviiie siècles, les auberges (maisons à enseigne dont le symbole permet de les distinguer plus aisément des autres maisons d’habitation) étaient une douzaine en activité : le Cheval Blanc (appelé l’hôtel de l’Empereur dans les années 1780), la Grand Maison, le Croissant, la Croix Rouge, l’Écu de France, le Saint-Louis, le Soleil d’Or, la Croix d’Or, le Pélican, le Lion d’Or, la Corne de Cerf, les Trois Rois ou encore « la Teste noire ». Ces établissements se regroupent de préférence dans certains secteurs de la ville (Carte 1, p. 58). Les auberges de faubourgs sont nombreuses parce qu’elles permettent aux voyageurs pressés de ne pas perdre trop de temps. Car les risques d’embouteillage aux abords immédiats des murs d’enceinte étaient réels : le 25 novembre 1779, jour de la foire Sainte-Catherine, un roulier resta « embarrassé jusqu’au midi, sans pouvoir s’en tirer, qu’en creusant profondément le pavé » au niveau de la porte Saint-Michel. L’incident causa aussitôt « le plus grand préjudice à la foire et arrêta le passage du Régiment de Lorraine, qui fut forcé de traverser, pour se rendre en ville, la rivière ». En juillet 1751, il existait au moins « sept auberges scittuées aux quartiers de Rustanc et de Terre Neuve ». Les auberges accueillaient aussi les animaux, en particulier les chevaux car l’activité était rentable15. En 1787, la capacité d’accueil de l’écurie de la Corne de Cerf était de 36 chevaux et celle de la Croix Rouge de 24 chevaux. Les aubergistes destinaient aussi certains de leurs locaux à l’entrepôt de marchandises déposées en garde par des particuliers souvent marchands : le 29 mars 1736, Yves Geffroy et sa femme Marie Serrandour, hôtes du Pelican, virent arriver chez eux « un voiturier dont ils ne [savaient] le nom [qui] leur rendit treize poids de fil crü et trois paires de soulliers de la part d’un nommé Guillaume Martin que lesdits Geffroy et femme ne [connaissaient] pas n’estant point dans l’habitude de descendre chez eux, lesquels fils et souliers [ils] ramasserent dans leur cellier ».

30Le nombre de chambres propre à chacune de ces auberges est difficile à établir. En 1760-1770, la Croix d’Or pouvait en compter six, la Corne de Cerf un peu moins tandis que le Cheval Blanc comprenait au moins six chambres (dont l’une appelée « le Paradis ») et une vingtaine de lits. Cette auberge était l’une des plus importantes de la ville si l’on se fie à sa valeur marchande (Tableau 1, p. 59). L’achat d’une hôtellerie représentait un lourd investissement : le capital exigé pour le Cheval Blanc correspondait à plus du double de la valeur de son mobilier (en mars 1762, l’inventaire des meubles du Cheval Blanc ajoutés à quelques effets personnels du couple Le Deuc-Cocherel montait à 6831 L 9 s 9 d). Seules des personnes aisées pouvaient s’en rendre acquéreurs : ainsi le marchand Jan Riollay sieur de Saint-Paul, le négociant en draps et toiles Jacques Onfray de la Painnière, et « noble maître Nicolas Guery sieur de Kereven procureur fiscal de Ste Croix senechal de St Sauveur conseiller du roy greffier hereditaire de la communauté de Guingamp ». Les propriétaires-tenanciers étaient rares. La tenue de l’auberge était souvent confiée à des « fermiers » ou locataires, en général un couple.

Carte 1 – Les principales auberges de Guingamp au xviiie siècle.

Tableau 1 – Achat-vente et ferme de quelques auberges à Guingamp aux xviie et xviiie siècles.

31Les auberges étaient très fréquentées par les marchands et les voyageurs mais aussi par les gens d’armes. On se souvient en 1644-1645 des capitaines irlandais « logés en la maison de mr Yves Le Quenquis ou pend pour enseigne le Sainct Louis ». Cette situation ne satisfaisait pas vraiment les aubergistes qui se disaient perdants à plus d’un titre : d’abord les gens de guerre ne payaient que le prix d’une chambre chez un particulier, donc moins cher qu’un civil ; ensuite en acceptant de loger des officiers, l’aubergiste pouvait être amené (faute de lits disponibles) à refuser de la clientèle ; enfin ses écuries étaient réquisitionnées alors que le logement des animaux assurait des bénéfices. Devoir refouler des hôtes prêts à payer la somme exigée, dans une ville de grand passage, conduisait à un manque à gagner pour les hôteliers. Les hôtelleries accueillaient aussi des personnalités en visite à Guingamp comme en 1633 le seigneur de Vaudurant, capitaine et gouverneur de la ville, qui logea chez Bernard Fadebry hôte de la Croix Rouge.

32Les auberges hébergeaient aussi des individus venus exprès à Guingamp pour affaires. En mai 1623, Thomas Bertho sieur de la Ville hosse, sénéchal et juge ordinaire de la cour du duché de Penthièvre au siège de Lamballe, arrive dans la cité pour « proceder au renable et faire proces verbal des edifices depandans de la seigneurye de Guingamp » et prend « logemant a la Maison ou pent pour enseigne la teste noire ». On pouvait traiter des affaires dans la salle de l’auberge : le 15 juillet 1648, le contrat de bail par lequel Ollivier Allain sieur des Poiriers devient fermier général et receveur de la terre et châtellenie de Locmaria est rédigé à l’hôtellerie de l’Écu de France où est descendu le seigneur marquis de Locmaria Vincent du Parc domicilié à Plouégat-Guérand.

33Les personnes qui s’arrêtaient dans les auberges créaient parfois des problèmes à leurs hôtes. Pour preuve le gentilhomme Jan Tavignon sieur de Lostang descendu le 19 juillet 1725 à l’auberge du Pelican tenue par Yves Geffroy et sa femme Marie Serrandour : demandant crédit et l’hôtesse le lui refusant, il l’aurait injuriée et aurait menacé son mari de le transpercer à coups d’épée.

  • 16 Néanmoins, « ayante étée attendrie par ses larmes et ses discours », Marie Nicol « voulut bien […] (...)

34Les auberges n’étaient pas seules susceptibles d’héberger des marchands par exemple. Des particuliers s’adonnaient aussi à cette activité. Le 5 juin 1758, Marie Nicol, veuve de Gilles Le Berre âgée d’une soixantaine d’années et « logeante les marchands », avait dû refuser fin mars d’héberger « une femme en pleure [venue] demander à loger chèz elle une nuit » parce qu’elle n’acceptait de loger que des marchands16. Toutefois, l’enseigne d’une auberge jouait le rôle d’un signe de reconnaissance publique : grâce à elle le client potentiel repérait l’auberge d’assez loin et savait que l’enseigne lui garantissait en principe l’honnêteté des hôtes.

35D’une manière générale, les aubergistes travaillaient bien et avaient la possibilité de s’enrichir. Beaucoup n’avaient rien à envier aux marchands de toiles déjà considérés comme relativement aisés.

36Se trouvant à un carrefour de routes très empruntées, Guingamp était assez animée. L’agitation était à son comble les jours de foires et de marchés et lors des fêtes religieuses comme le Pardon de Guingamp le 4 juillet. Dès la veille, les pélerins affluaient, obligeant la communauté de ville à prendre des mesures « policières » préventives afin d’éviter tout accident et parer à tout désordre nocturne. Ces « rendez-vous » satisfaisaient les hôteliers dont les auberges étaient prises d’assaut.

37Les textiles, les cuirs, les vins et l’hôtellerie pouvaient s’avérer source d’enrichissement et pouvaient donc aussi contribuer au développement de la cité ; à condition toutefois que les détenteurs de capitaux ne se replient pas sur eux-mêmes mais qu’ils continuent à investir dans les différents secteurs de l’économie.

Des échanges relativement limités

38Qui dit production, achat et vente, dit échanges. Dans ce domaine les Guingampais se sont contenter le plus souvent de commercer avec la Bretagne, voire la Normandie.

La frilosité des détenteurs de capitaux

39Peu de Guingampais sous l’Ancien Régime pouvaient se targuer d’être de véritables négociants. Sans doute des individus tels que François Bodin sieur de Lermo et Pierre Allain sieur de Kercado appartenaient-ils aux couches supérieures du commerce et pouvaient prétendre jouer un rôle dans les échanges internationaux. Le premier présenté comme « bourgoix et banquier » de Guingamp était fortuné. En faveur du mariage de sa fille Marie en 1673 avec « messire Jan de Kersalliou seigneur de Kerouar […] conseiller du Roy et son lieutenant au siege de Lannion, demeurant en la ville dudict Lannion pour l’exercice de sa charge », il constitua une dot de 28 000 livres. Il avait donc les moyens financiers nécessaires pour se lancer, vers 1660-1680, dans le trafic des toiles et du vin. Mais cela se résume finalement à peu de choses. Même observation s’agissant du sieur de Kercado Allain : lui aussi qualifié de marchand (il commerce notamment les vins) et de banquier, il est à la tête d’une petite fortune mais il n’apparaît pas comme un homme trafiquant à tout va.

40Un autre marchand bourgeois guingampais possédait des capitaux suffisants pour commercer au loin et diversifier ses activités : il s’agit du sieur de Kerprat Jacques Le Brun. Comme le sieur de Lermo, il se rendit copropriétaire en 1672-1673 pour un quart du vaisseau « le Saint-Sébastien » à destination de Lisbonne. Mais sur le plan du marché international, il se limita au trafic du vin. C’est seulement par hasard si, en mai 1684, il est détenteur d’un contrat de grosse aventure correspondant à une part d’un quart dans un vaisseau pour Terre Neuve. Le sieur de Kerprat va toucher 25 % des bénéfices liés à la cargaison de morue du navire parce que le sieur Le Bré (demeurant à Pontrieux) lui devait 525 livres et qu’il lui rembourse une partie de sa dette en lui cédant ce contrat. À l’échelle locale, Jacques Le Brun s’intéressa au bétail. En vérité, la pratique du commerce n’était pour lui qu’un moyen de parvenir.

41D’autres marchands de la cité tentèrent l’aventure sur le marché international : en 1618 Godefroy Bobony sieur de Kerguillouart possédait une fortune supèrieure à 20 000 livres, accumulée notamment grâce au trafic des toiles fait à Saint-Malo et ailleurs. On peut penser que Charles Auffret, décédé accidentellement en octobre 1641 « dans les greve de Hillion » d’où il partait « pour son trafic a St Malo », commerçait peut-être avec l’étranger car à cette époque le port malouin est tourné vers le grand large.

  • 17 Son fils messire Yves du Liscoët seigneur de Coatmen épousera en 1662 Marie Allain fille de Franço (...)

42Des nobles fortunés pouvaient participer à la vie économique, d’autant que la Coutume de Bretagne les autorisait à trafiquer sans déroger. À Guingamp et dans ses environs, peu semblent l’avoir fait. Le seigneur du Bois de la Roche René du Liscoët 17 n’a trafiqué les laines, toiles, bêtes à cornes, blés, bois et suif qu’à visage couvert, avec l’aide de prête-noms et d’intermédiaires. Il a fait des bénéfices importants qu’il devait réinvestir en grande partie dans les mêmes secteurs d’activités mais il ne chercha pas à élargir son champ d’action, se contentant par exemple de vendre ses toiles marchandes à Morlaix et Saint-Malo où il était en relation avec des marchands tel que Nicolas Jac à Morlaix. Ces toiles étaient peut-être ensuite acheminées en Angleterre, important client des toiles bretonnes à partir de ces deux ports jusqu’à la fin du xviie siècle.

43Au xviiie siècle, les marchands et détenteurs de capitaux guingampais ne participent pas davantage au commerce international que leurs aînés. Ils sont pourtant nombreux à se parer du titre de négociants. Ainsi Guillaume Le Douaren qui, en janvier 1782, constitue une dot de 30 000 livres à sa fille Marie pour épouser maître Alexandre Buhot sieur du Launay, docteur médecin de Plougras. De même, Mathurine Onfray veuve de Rolland Guyomar sieur de Kerninon qui, en juillet 1771, a hérité de sa belle-mère de « son fond de boutique, de marchandises de drap et de soye en general tant ce qui [était] dans sa boutique que dans son magasin ainsy que tous les credits qui luy [étaient] dus vallant la somme » de 20 000 livres. La famille Guyomar est spécialisée dans le commerce des draps depuis au moins le début du xviie siècle. Il est donc naturel qu’en 1780-1790 Pierre Guyomar de Kerninon (fils de Rolland Guyomar et de Mathurine Onfray) exerçe à son tour la « profession de marchand de draps ». Ses affaires étaient bonnes car, en 1791, il se constitue une dot de 10 000 livres afin d’épouser la Briochine Mathurine Leuduger. À la fin du xviiie siècle, la famille Guyomar élargit son activité : le frère aîné de Pierre, Paul, est marchand de vin et possède à ce titre de nombreux magasins dans la cité ainsi qu’une clientèle composée en grande partie de cabaretiers de la ville.

44On pourrait encore citer les noms de Jacques Margeot sieur de Kerello et de François Migeot dans les années 1770-1780. L’appellation de négociant ne doit cependant pas faire illusion : rares sont ceux à Guingamp qui la justifient. Ils sont avant tout des marchands en gros qui se consacrent à une seule activité marchande (les draps et la soie ou les vins par exemple) et ne s’impliquent pas dans le commerce international. En fait, à Guingamp, est négociant tout marchand qui possède un peu de fortune. On peut quand même penser que Pierre Guyomar a eu l’opportunité de trafiquer d’autres marchandises que les draps, voire de prendre des parts dans un navire et de s’impliquer dans le commerce international : son beau-père était Claude Leuduger Formorel, négociant et armateur briochin.

45En fait, les rares fois où les marchands guingampais aisés s’engagèrent dans la trafic international, ce fut individuellement dans le cadre d’associations provisoires regroupant tout au plus quatre membres. Il n’y eut pas de regroupements en sociétés solides et durables. Cela a pu entraver leur participation au commerce au loin qui nécessitait de gros capitaux et une réelle prise de risques. C’est donc tout naturellement que la plupart des marchands et détenteurs de capitaux de la cité échangèrent avec le seul royaume de France, et d’abord dans la province de Bretagne.

Un cadre essentiel : la Bretagne

46La très grande majorité des marchands guingampais étaient modestes. Beaucoup ne fréquentaient que les marchés et les foires, n’hésitant pas à se rendre à plusieurs lieues de leur domicile pour y vendre leurs marchandises. « La foire de St Mathieu sur la montaigne de Brée » en septembre, attirait de nombreux marchands des environs : en 1718, Ollivier Le Moal, demeurant rue de Montbareil à Notre-Dame de Guingamp, s’y rendit « aveq de la marchandise de fruit » et Yves Le Gral avec de la mercerie. Le paroissien de Saint-Sauveur Martin Riollay s’y trouva « à vendre des chapaux » alors que Gabriel Le Caer, de Sainte-Croix, arriva dès les neuf heures du matin à la foire où « il estala sa marchandise de fil de laine dans la place ordinnaire de la vente d’icelle sur le haut de ladite montaigne de Brée au costé du midy de la chapele ». En juillet 1699, la marchande guingampaise Jacquette Le Bizec, veuve de Laurent Le Beuff, était à Pédernec « au pardon de Notre Dame de loc […] ou elle vendoit et debitoit des scerises et des noüe » ; « à cest effet elle [y] resta jusques a la nuit ». Ceux qui parcouraient les foires et les marchés (et les pardons) alentour avaient de quoi faire : il se tenait quasiment tous les jours de la semaine un marché dans les « villes et bourgs circonvoisins : le lundy a Pontrieux, le mardy a Plusunet, le mercredy a Treguier, le jeudy a Lannion, et le samedy a Guingamp », sans oublier « le vendredy a la Roche Derien ».

47Les Guingampais pouvaient aussi se rendre à Châtelaudren. En plus du marché ordinaire qui se tenait le lundi, la cité comptait quatre foires : le premier lundi de février, le lundi de la Pentecôte, le dernier lundi de juillet et le 28 octobre jour de Saint-Simon et Saint-Jude. Cette dernière foire était la plus ancienne et durait huit jours.

48On a déjà évoqué les foires de Lannion, Tréguier et Pontrieux, très suivies par les marchands guingampais et les autres habitants de la cité. Le 9 octobre 1715, l’assemblée de la communauté de Guingamp ne peut réunir tous les bouchers de la ville, « le plus grand nombre [étant] aux foires voisines » et ne revenant que le soir. En 1697, Françoise Macé, épouse de François Pitôt, s’était rendue à la foire de Tréguier et y avait acheté au sieur Sonnier, marchand de Morlaix, deux pièces de camelot plat d’une valeur de 40 livres ; en 1663 Pierre Hamon y avait acheté un habit d’étamine grise avec sa garniture pour la somme de 60 livres. Quelques marchands n’hésitaient cependant pas, pour les besoins de leurs affaires, à parcourir davantage de route. En 1683, le marchand de toiles et de dentelles Jan Fallegan sieur de la Lande fit au moins un voyage à Rennes, en avril 1716 le marchand de Sainte-Croix Pierre Le Creff se rendit à Brest « pour son commerce », tandis qu’en décembre Anne Fallegan, épouse d’Allain Pitôt marchand de laines de Sainte-Croix, se trouvait à Carhaix « pour ses affaires ».

  • 18 Ces foires étaient suffisamment importantes pour servir d’échéance de paiement : le 2 juillet 1632 (...)
  • 19 La municipalité répondra que « la grande majorité des habitants de Ste Croix [tenant] le commerce (...)

49À Guingamp, la place du Vally servait « de toute antiquité […] tant pour l’uzage de la ville que pour celuy des foires quy s’y [tenaient] principalement le 25 novembre […] jour de la Ste Catherine [et] le samedy du dimanche des Rameaux » jour de la foire Fleurie. Les foires de l’Assomption (à la mi-août), de la Madeleine (le 21 juillet), de Mai, de Saint-Michel (en octobre) et de Saint-Jean (le 23 juin) se déroulaient dans d’autres secteurs de la ville18 : par exemple la foire Saint-Michel, « l’une des plus importantes en raison de l’époque à laquelle elle avait lieu », se tenait sur la place entourant l’église de ce faubourg et la foire Saint-Jean se déroulait à Sainte-Croix. Les habitants de ce faubourg qui exerçaient « des commerces de differentes éspeces de marchandises et de denrées de premiere necessitée » n’avaient « pendant toute l’année que cette seulle foire dans leur endroit pour la vente de leurs marchandises et de leurs denrées. En tous autres tems ils [étaient] dans la necessité de les porter et rapporter à Guingamp et ailleurs. Ce qui leur [était] très couteux et très pénible ». Cette foire leur était d’autant plus précieuse que « dans les saisons d’hiver et de grandes eaux, leur quartier entouré de la rivierre de Trieux, se [trouvait] tellement inondé et submergé que personne ne [pouvait] y passer, même à cheval, sans courir des dangers et des perils évidents », obligeant « ceux qui habituellement y [passaient] de prendre d’autres routes ». Les paroissiens en éprouvaient « individuellement des pertes considérables sur leurs commerces ». La foire à proximité de leur domicile était donc pour eux « la seulle ressource […] pour s’en dédommager ». On comprend pourquoi, le 28 prairial an VI, les intéressés adresseront une pétition à la municipalité guingampaise à l’annonce que « ladite foire Saint Jean […] serait dorénavant et à commencer dès cette année, tenüe sur la place cy devant dite du Vally19 ».

50À ces foires on vendait du fil, des toiles, des vaches, des bœufs, des chevaux, des porcs, « des peaux et cuirs vers ». Comme « l’interrieur de la ville quy [était] fort etroit ne [pouvait] souffrir qu’on y [exposât] le betail et les cheveaux en vente », il fallait « les exposer a la place du Vally » qui n’était pourtant pas « d’une grande etendue ». Cette mesure répondait au double souci de libre circulation et d’hygiène. D’ailleurs, le 7 juin 1746, la communauté de Guingamp fit défense « a toutes personnes d’atacher leur chevaux les jours de marchés ny autres jours de la semaine audevant des maisons ny dans les lieux de passage de cette ville ».

  • 20 C’est aussi parce que le samedi était à Guingamp un grand jour de marché que les prisonniers conda (...)

51Le marché se tenait les mardi, jeudi et samedi, mais seul celui du samedi pouvait être regardé « comme un véritable marché et suffisant pour l’approvisionnement de la ville20 ». Le « Champ au Roy quy [était] d’une tres petite etendue » servait en tant que « place d’armes destinée pour l’exercice des habitants a tirer au papegeaut » et faisait fonction de « place de marché journallier et quotidien pour tout le lait et le beure qu’on [apportait] de la campagne pour la subsistance de la ville ».

52Certains étalaient leurs marchandises sous la halle, d’autres à l’extérieur. Cela ne se passait pas toujours sans heurt, notamment lorsqu’un marchand s’installait à la place occupée par un autre comme lors de la Saint-Michel 1646 : alors qu’Anne Follet, femme du cloutier Raoul Le Compte, posait depuis de nombreuses années son étal sur le martrait de Guingamp, le cloutier Arthur Le Guillec osa s’introduire « comme par force en ladite place » alors que la sienne était « de l’autre côté du ruisseau » sur le pavé devant « la maison ou pend pour enseigne le St Louis ».

53À côté des Guingampais, on note la présence de marchands d’horizons très divers qui pouvaient connaître de sérieuses difficultés. En 1729, des paroissiens de Bourbriac venus vendre du beurre sont agressés (et sérieusement blessés) par des cavaliers qui jugent leur marchandise trop chère. Le meunier de Guingamp a pu aussi faire fuir les marchands et les clients : le 1er juillet 1777, le meunier Jacques Urvoy obtient un arrêt dont les dispositions font « deffences a tous meuniers et marchands forains de porter des farinnes en ville a autres jours qu’aux jours de marchés et de les vandre a autres jours qu’au jour du marché et pendant le cours d’iceluy, ni à plus grande mesure que celle du godet ». Ces dispositions « ont tellement allarmés tous les meuniers voisins et les marchands de farinnes quils n’ont osés se presenter aux derniers marchés qui ont été fort deserts ». Le résultat est fâcheux car Guingamp, qui fait l’objet d’un « passage considerable pour Brest », doit être « dans tous les tems et a tous les instants approvisionnée ».

54Les marchés pouvaient encore être perturbés par des événements extérieurs. Ainsi en juillet 1675 : avertie des désordres arrivés à Châteaulin et Carhaix et prévenue des velléités de quelques agitateurs de venir à Guingamp « pour insulter, piller et brusler », la communauté de ville décide que chaque samedi de marché la milice fera la garde aux portes de Rennes et de Saint-Michel, tandis que les autres portes resteront fermées et que les officiers arrêteront les passants armés pour leur confisquer leurs armes qu’ils ne récupéreront qu’à leur sortie de la ville close.

55Les foires et les marchés étaient également l’occasion de faire affaire avec des marchands venus d’assez loin : citons le « marchant dit Almaury Raoul de Moncontour » qui acheta des cuirs à la foire Sainte-Catherine de Guingamp le 25 novembre 1727, ou ce marchand de Tours auquel l’avocat de Lantreguier Jan Hamon loua une boutique de sa maison en 1631 lors de la foire deTréguier.

56Mais de toute évidence les Guingampais commerçaient en priorité avec les gens de la région : Lannion, Saint-Gilles-les-Bois, Tréguier, La Roche Derrien, Plouisy, Morlaix, Coadout…

57Les relations d’échanges ne se limitaient pas à l’évêché de Tréguier. Les Guingampais entretenaient des liens avec Saint-Brieuc, Rennes, Saint-Malo, Dinan, Saint-Pol de Léon, Quimper, Paimpol, Sizun… Plusieurs Léonards étaient présents à Guingamp. En 1717 dans la rue Notre-Dame, on recense douze « Leonnois filottiers » dont six « dans la maison du sieur Lorain prestre ». En 1741, ils sont une douzaine dont « un Leonnais marchand filotier » chez le poissonnier Pierre Diridollo et « trois Leonnois marchands filotiers » chez le tisserand Gilles Chambrin. Les registres paroissiaux attestent également de leur présence : le 6 avril 1683 décéda « aagé denviron vingt et deux ans » Yves Le Goff de la paroisse de « Commanan » dans l’évêché de Léon, « surpris de maladie en cette paroesse et ville de Guingamp ou il estoit venu pour son traffic de fil ». Le 25 juin 1713, trépassait François Autret à l’âge de 18 ans, originaire de Sizun dans le diocèse de Léon mais « residant en cette ville [de Guingamp] pour son commerce de fil ». Cela prouve le réel maintien de l’activité textile à Guingamp au xviiie siècle et les liens économiques forts entre la cité et le Léon.

58Le milieu marchand guingampais entretenait des relations d’affaires nombreuses avec des marchands des autres évêchés de la Province. Mais la nature de certains commerces obligeait parfois à entrer en contact avec des gens d’affaires non Bretons, parmi lesquels les Normands occupaient une place privilégiée.

Des relations privilégiées avec la Normandie

  • 21 On observe le même phénomène dans d’autres villes bretonnes telles que Vitré, Fougères, Rennes et (...)

59Ces rapports très étroits existant entre la cité guingampaise et la province de Normandie s’observent à la lecture des registres paroissiaux (baptêmes, sépultures et surtout mariages). De nombreux Normands se sont installés à Guingamp. Des familles exerçant le même métier arrivèrent à peu près à la même époque dans la cité : c’est le cas des Dufain (ou Fain ou du Fein) et des Chenevier, cloutiers venus s’établir à Guingamp au début du xviie siècle. Pour ces « déracinés », ce pouvait être un moyen de ne pas trop se sentir seuls ni totalement perdus dans un « pays » étranger. Des membres de ces familles (les Boucheri par exemple) ont pu jouer le rôle d’éclaireurs, s’installant à Guingamp avant de voir arriver, quelques années plus tard, soit le reste de la famille, soit d’autres membres de celle-ci21.

60Certaines des grandes familles de la bourgeoisie guingampaise des xviie et xviiie siècles sont d’origine normande, implantées dans la cité bretonne au xvie siècle. Le berceau de la famille Landois est la paroisse Notre-Dame de Tinchebray dans le diocèse de Bayeux. Le marchand Regnault Landois aurait fait souche à Guingamp à la fin du xvie siècle, tandis que son frère Charles Landois, également marchand, resta dans sa paroisse natale. Cette famille fournira à la communauté de ville plusieurs maires et au moins un administrateur de l’Hôtel-Dieu. Les Moisan devaient aussi être regardés comme l’« une des plus belle et noble famille de Normandie ». C’est le père d’Arthur Moisan sieur de Kervégan qui après avoir abjuré l’hérésie (il était protestant) aurait quitté Rouen pour s’établir en Bretagne et s’y comporter comme l’« un des bons catholique de son temps ». C’est d’ailleurs Hélène, fille d’Arthur, qui en 1676-1677 sera la fondatrice du monastère de Montbareil à Guingamp, établissement destiné à être un « azile assuré pour retirer les pauvres ame [que le démon] avoit captivé dans ces fers ». Comme les Landois, les Moisan s’investirent pleinement dans la vie municipale, exerçant la charge de maire ainsi que celle d’administrateur des biens et revenus de l’Hôtel-Dieu. Cette origine normande commune favorisa leurs relations et les deux familles finirent par se rapprocher davantage encore par le biais du mariage : alors que le sieur de Kerpuns Etienne Landois épousa (en premières noces) Janne Le Goff en 1647, le sieur de Kervégan Arthur Moisan prit pour (seconde) femme en 1649 Catherine Le Goff sœur de la précédente.

61Les Adam, originaires de Saint-Lô dans l’évêché de Coutances, sont arrivés à Guingamp au début des années 1660. « Jean Adam marchant de drap de soye » épousa, en 1672, Catherine Illiou, ce qui lui permit de « tenir sa boutique et [d’] aschepter ses marchandises » et de s’imposer au sein de l’élite marchande guingampaise : Catherine Illiou était la fille de maître Jan Illiou et de Béatrice Seigneur, hôtesse dans la rue Notre-Dame qui lui constitua une dot comprenant 800 écus en argent et une chambre garnie de divers meubles. Par la suite, elle donna à nouveau « pareille somme de huict centz escus en argent » pour soutenir le commerce de son gendre. Jean Adam sut profiter de la bienveillance de Béatrice Seigneur : régulièrement, il se rendait avec son épouse chez sa belle-mère et « y beuvoient et mangeoient quand ils voulloient et la plus part du temps emportoient avecq eux des sommes d’argent blanc et solz marqués que ladicte Seigneur leur bailloit ».

62On pourrait encore citer « noble homme Jean François Got sieur de Pommainville docteur en medecine originaire d’Argentan en Normandie et habitué et établi en cette ville et parroisse [de Notre-Dame de Guingamp] depuis quelques années » qui épousa, le 14 octobre 1710, « demoiselle Anne Renée Claude du Lés dame de Closneuf », également paroissienne de Notre-Dame, et Vincent Aumont, marchand originaire de Notre-Dame de Coulouvray (diocèse d’Avranches) établi à Guingamp et marié, le 18 mai 1771, à Anne Pommera. En novembre 1777, il acheta l’auberge de la Corne de Cerf dont il devint l’hôte. Cette activité lui réussit assez bien.

63Beaucoup de Normands installés à Guingamp pratiquaient le commerce. C’est d’ailleurs grâce à cette activité que plusieurs d’entre eux finirent par s’établir et/ou prendre femme à Guingamp. Ainsi Jan Le Forestier « de la province de Normandie menant traffic de longuemain en ceste ville » de Guingamp qui épouse en novembre 1629 Guillemette Maleday du faubourg Saint-Martin. En novembre 1734, c’est « Pierre Picois agé de vingt sept an fils de Jacques Picois et Marie Des Bouillons ses pere et mere originaire de la paroisse de Coulouvray diocese d’Avranche habitué a Guingamp pour son commerce depuis plusieurs années » qui épouse Anne Robert.

  • 22 Le nom du colporteur normand prouve que des Bretons s’implantèrent en Normandie. L’émigration ne s (...)

64Les relations d’affaires entre les Guingampais et les Normands ne se démentirent jamais sous l’Ancien Régime. Quand ce n’étaient pas des marchands de la cité comme le sieur du Pont Jean Adam en 1672, le sieur Riollay en 1738 et le sieur Le Douaren en 1784 qui se rendaient pour les besoins de leur commerce aux foires « de Guibré » et « de Caen », c’étaient des colporteurs normands qui passaient par Guingamp : le marchand forain Jacques Le Breton22 en juillet 1722, André Navèz « marchand forin allant de bourg en ville pour sa subsistance et son entretient » en mars 1728. Les rapports n’étaient pas toujours amicaux : le marchand Guillaume Le Fel accusa Jacques Le Breton de lui avoir vendu et livré du savon « de nulle valeur et d’une qualité à être rejettée du commerce étant puant et composé de certaines drogues à empoisonner les linges » ; à ses yeux « les Normans tentent ordinairement à tromper tout le monde » !

65Concernant les types de trafics faits entre la cité bretonne et la Normandie, on constate que les draps et les cuirs normands étaient très appréciés des marchands guingampais. Les drapiers achetaient « de grosses etoffes comme Draps de Roüen [et] Vire » et les tanneurs s’approvisionnaient en gros cuirs (faits à partir des peaux de bœuf) « aux foires de Caen et de Guibrai », quand les marchands normands ne les apportaient pas eux-mêmes sur les marchés bretons. À Guingamp, les Landois et les Adam commerçaient la draperie et les Riollay (autres Normands d’origine) la draperie et la tannerie. Au xviiie siècle, de nombreux négociants normands sont les fournisseurs de marchands de draps guingampais. En juin 1772, Claude Utinel et son épouse Marie Souvestre achètent auprès de Jean Moullin, Noël Angot des Retours fils, Mathieu Fleury et Edmond Desmarz négociants à Falaise, de Louis Thillaye négociant à Lizieux et de Thomas Juvel marchand à Rouen. En novembre 1786, Yves Le Graët et sa femme Elisabeth Monrocq se fournissent chez Pierre Deneuville et Alexandre Foubert des Pallières, négociants à Lizieux.

66Outre du savon, des draps et des cuirs, les Guingampais faisaient venir de Normandie de la chaux. En 1629, la communauté de ville en commanda 44 barriques (pour réparer les murailles) à Jullien Hadelluc (ou Balluc) et Guillaume Grandé (ou peut-être Grandin). Les marchands livrèrent la chaux par bateau jusqu’à Pontrieux où la marchandise fut entreposée dans un cellier avant de gagner, par voie de terre, la ville de Guingamp. En 1744, les nobles bourgeois de la communauté traiteront avec deux fontainiers normands au sujet de « tuyaux de grès » destinés à la pompe de la cité.

67Les marchands de Guingamp avaient dans le royaume de France d’autres partenaires économiques. En août 1768, Bertrand Louvier, un Auvergnat de l’évêché de Saint-Flour, est présent à Guingamp « a la suite de son commerce de poile en arrin [poêles d’airain] ». En juin 1700, Elisabeth Lizot, veuve de François Joinet, devait de l’argent au sieur Rocher marchand à Tours. En octobre 1774, François Flajeul et Barbe Charlotin font aussi appel à des négociants de Tours : Antoine Desmazeries fils, Henry et Pierre Gouin et le sieur de la Droitière. Pour le vin, les Guingampais s’approvisionnaient surtout auprès des marchands de Bordeaux et de sa région (Blaye, Libourne…), même s’ils ne détestaient pas le vin nantais.

68Les Guingampais ont aussi fait appel à des artisans non-bretons pour l’exécution de certains travaux : ils louèrent les services d’Antoine Dobero, Poitevin d’une trentaine d’années et « sculpteur de profession » qui, le 5 octobre 1671, mourut à la suite « d’une chute en travaillant a l’autel de Notre Dame de Bon Secour ». Les échanges extra-provinciaux des Guingampais s’effectuaient donc avec une grande partie du royaume de France.

69Que la cité guingampaise et ses habitants aient beaucoup, et de longue date, commercé avec les Normands s’explique aisément. La proximité des deux provinces de Bretagne et de Normandie prédisposait leur population respective à entretenir des relations suivies. Située non loin du littoral et a fortiori d’un port, Guingamp pouvait facilement échanger par voie de mer avec des villes et paroisses normandes comme Avranches, Coutances, Saint-Lô, Vire, Sourdeval, Caen, Falaise, Lizieux ou Rouen. Guingampais et Normands étaient ainsi voués à unir leur destin. Les guerres de la Ligue ont sans doute contribué au rapprochement : Guingamp ne fut pas épargnée et, lorsqu’il fallut reconstruire, de nombreux Normands (parmi lesquels des cloutiers) firent souche dans la cité.

70Les « circuits » commerciaux empruntés par les Guingampais sous l’Ancien Régime s’avèrent finalement assez limités : la Bretagne et la Normandie étaient leurs principaux partenaires économiques. Leur implication dans le trafic à grande échelle fut donc rare. Quelle explication donner à l’effacement des marchands guingampais de la scène internationale ? On a laissé entendre un possible manque d’ambition lié à un goût du risque peu prononcé. Il faut aussi considérer les moyens de paiement utilisés par les Guingampais qui n’étaient peut-être pas suffisamment appropriés au commerce au loin.

Des techniques de paiement rudimentaires ?

71On constate que les techniques de paiement employées à Guingamp étaient à la mesure de l’échelle (et de l’importance en volume) des échanges, ce qui se traduit par une place prépondérante accordée au numéraire (sans pour autant exclure le troc) et des lettres de change au contraire peu usitées.

Les sources principales

72Les contrats d’achat et de vente, les contrats de mariage et les inventaires (notamment après décès) en témoignent. On les trouve essentiellement dans les minutes notariales, les registres d’insinuation d’actes et les dossiers de familles mais ils concernent seulement les xviie et xviiie siècles. Nous n’avons pas trouvé de documents relatifs aux techniques de paiement utilisées par les Guingampais au xvie siècle. On peut aussi regretter l’absence de livres de comptes de marchands : ils nous auraient permis entre autres d’étudier les méthodes de comptabilité en usage dans la cité. On aurait ainsi pu évaluer le degré de modernité de ces techniques et affiner notre perception des marchands guingampais d’Ancien Régime.

La place prépondérante des espèces métalliques

73Aux xviie et xviiie siècles, les monnaies d’argent et surtout d’or interviennent fréquemment dans les paiements effectués par les marchands et plus généralement par les habitants de Guingamp. Les louis d’or et d’argent, les écus d’or et d’argent, les pistoles d’or et les douzains reviennent souvent. Par exemple le 7 novembre 1631 Barbe de la Grève, veuve de Thomas Le Marec, achète un convenant à Lanrodec pour la somme de 390 livres qu’elle paie comptant « en pistolles d’or saize solz et douzaines ». En octobre 1656, Pierre Allain sieur de Kercado verse 8 000 livres tournois « en louys d’or et d’argent bons et de poidz suivant les editz ». Le 23 janvier 1675, le sieur de Launay Phelippe Even « bourgois et banquier demeurant en ceste ville close de Guingamp » paie 40 livres en louis d’argent à Jacques de la Bussière paroissien de Plouisy. En novembre 1761, les marchands tanneurs Henry Le Gars et Guillaume Riollay achètent à Rolland Le Gac de Lansalut, chevalier de Trévinal, la rente foncière de 350 livres due sur les moulins du duché de Rohan pour la somme de 7 000 livres « comptés et numerés en or et argeant au cours de ce jour » par les deux Guingampais.

  • 23 Les monnaies d’or souvent citées sont l’écu au soleil, le teston (déjà frappés aux xve et xvie siè (...)

74Le plus souvent, les transactions s’opèrent en or, en argent et en d’autres monnaies sur lesquelles les documents sont peu explicites23. Le 24 juillet 1628, le marchand guingampais François Le Goff achète pour 1176 livres tournois la maison noble du Murado à Plouagat, somme payée « en pistolles demye pistolles escus au solleil d’or bons et de poys vingt et un sol quattre deniers saize solz testons dousaines et autre bonne monnoye ayant cours suyvant les esdictz de sa Maiesté ». Le 1er janvier 1634, Nicolas Romoulin et son épouse Françoise Jegou font l’acquisition d’un convenant à Lanrodec pour le prix de 300 livres tournois versées comptant « en piezce de saize solz testons et autre monnoye selon l’edict du Roy ».

75Si l’or était bien présent dans les différentes opérations financières des Guingampais, la monnaie blanche l’était encore davantage. Citons par exemple, le 18 juin 1690, le marchand René Souvestre et sa femme Janne Le Compte achetant une tannerie 255 livres tournois dont ils payèrent 155 livres « aux especes d’escus blanq a soixante et deux sols pieces et demye escus de trante et un sols et autres menus monnoye ayant cours ».

76L’importance des espèces métalliques dans l’activité quotidienne des Guingampais, et notamment des marchands, se repère dans les quantités d’argent thésaurisées, soit en numéraire soit sous formes de bijoux et de vaisselle. Le 15 juin 1654, l’inventaire des meubles et papiers de défunt François Le Goff, vivant sieur de Kereven, atteste l’existence de divers objets en argent – parmi lesquels une douzaine et demie de cuillères, deux salières, une « gondolle » et une tasse – pour une valeur de 335 L 3 s. En juillet 1678, Pierre Hamon sieur du Pré possède « huict cullieres et xi fourchettes d’argent et quatre tasses aussy d’argent pezantz 6 marcz deux onces et demye de divers pouizons prises 150 L. » ainsi que des bagues et joyaux d’une valeur globale de 63 livres. Le 11 décembre 1691, il possédait chez lui, dans une armoire, une forte somme d’argent dont on ignore cependant le montant. En décembre 1762, l’hôte de l’auberge du Cheval Blanc Pierre Le Deuc fit procéder à « l’inventaire général des meubles et effets dependants de la communauté entre » lui et sa défunte épouse Marie Cocherel : l’argenterie – composée de 19 couverts, 4 cuillères à ragoût et d’une écuelle – fut pesée par Joseph Le Scanf orfèvre de la cité qui lui trouva un poids total de 16 marcs 6 onces et 2 gros ; le marc valant alors 46 L 18 s, le sieur Le Deuc possédait pour 787 L 9 d d’argenterie.

  • 24 Le 10 décembre 1672, Toussaint de Tuomelin demeurant à Plestin au manoir de Kerbourdon avait achet (...)

77Au xviie siècle (et sans doute déjà au siècle précédent), le troc était pratique courante et concernait une partie voire la totalité de la transaction. Le soir du 26 juillet 1650, Pierre Poirier entra dans une taverne de la cité en compagnie de deux autres individus et dit aux hôtes « qu’il vouloit avoir la collation sur le gage de son manteau »« croiseau d’Angleterre doublé de revesche » – qui « valoit plus de huict escus » et que les taverniers acceptèrent. Le 27 novembre 1662, le marchand Jacques Le Brun devint propriétaire d’une rente foncière pour 150 livres qu’il paya comme suit : 60 livres en argent et 90 livres « pour le prix de deux bariques vin de Gascogne faite ce jour par ledit sieur de Kerprat auxdits vendeurs », Gilles et Sylvestre Le Roy de Gommenec’h. Le 23 mars 1672, Charles Michel et Marie Marescot, sieur et dame de Kermouster, achetèrent un « lieu » à Ploumagoar pour 401 L 2 s 3 d tournois dont ils payèrent 45 livres « en louis demys louis d’argent bons suivant l’edit d’a presant » et 221 L 2 s 3 d en livrant aux vendeurs « des marchandises de St Mallo de plusieurs espesse ». Le 9 mars 1679, le sieur de Belleverie maître François Hacquart acheta une maison 140 L 10 s tournois payée « en louys et demi louy d’argant et en bledz ». Le 13 janvier 1687, François Guyomar et son épouse Janne Guegan firent l’acquisition d’« un embas de maison scittué en cette ville de Guingamp » pour 240 livres tournois : ils versèrent 90 livres sous la forme d’une « enclume de fer et d’assier ä bigorne servant pour marechal ä son billot et afilloue24 ». Le troc n’intervenait guère au-delà de quelques centaines de livres et s’appliquait donc exclusivement à de modestes opérations financières. Dès lors que les transactions dépassaient 500 livres, les plus aisés faisaient appel au numéraire. Leurs ressources en « liquide » étaient réelles. En janvier 1767, Bertrand Pierre Joseph Le Brun, seigneur de Largoat, possédait, dans une armoire de sa chambre, un pochon en toile renfermant 840 livres en pièces de 6 livres et de 3 livres et une petite boîte de pin contenant un double louis de 48 livres et 32 louis d’or de 24 livres chacun, soit une somme de 816 livres. En août 1787, Pierre Chambrin, domicilié rue Notre-Dame, avait un coffre ferré dans lequel « dormaient » 1218 livres en écus de 6 livres contenues dans un pochon de toile d’étoupe et de chèvre, et 48 livres cachées dans un panier de clisse. En mai 1789, Mathurin Le Sage, hôte du Soleil d’Or, détient 1 100 livres dans un sac de toile entreposé dans une armoire et 300 livres dans un tiroir. Au xviie siècle, les réserves en numéraire du sieur de Kerprat Jacques Le Brun étaient plus importantes encore car le 5 avril 1656 il prêta 3 250 livres tournois à son beau-frère Claude du Parc seigneur de la Haye, et le 20 février 1661 il put verser comptant la somme de 4 500 livres tournois à un créancier du même seigneur.

78En dépit d’une prépondérance de l’argent « sonnant et trébuchant » dans le règlement des échanges, les versements en nature ne sont pas négligeables. Il était fréquent de payer un dû en cédant une (voire sa) maison, des terres ou des rentes parce qu’on ne pouvait satisfaire autrement son créancier. Certains marchands et bourgeois aisés ont d’ailleurs agi de la sorte parce qu’ils préféraient garder leur numéraire et se démettre plutôt de certains biens immeubles, attribuant ainsi une plus grande valeur à la monnaie « métallique ».

79De cette façon, les sommes d’argent versées à la signature d’un contrat d’acquêt s’avèrent souvent moins élevées que celles initialement prévues, simplement parce que le vendeur est redevable envers l’acheteur et que ce dernier n’a plus que la différence à payer. On citera en exemple le marchand boucher Hervé Le Goaz et sa femme Françoise Le Taconner de la rue Montbareil, achetant le 17 mars 1692 une maison située à Montbareil et vendue 450 livres par Huon Guernarpin, marchand boucher demeurant rue de Trotrieux Tourquellenic : ils ne versèrent que 310 livres car peu de temps avant Le Goaz avait vendu et livré pour 140 livres de « marchandise de moutons et aignon, à [Huon Guernarpin] et à deffuncte honnorable femme Issabeau Mahé sa compaigne […] sçavoir jusques à la concurance de la somme de cent livres avand la maladie dont ladite Mahé est morte et le restant pandant ladite malladie », argent que n’avait pas réglé Guernarpin.

80Cependant, même dans une petite cité marchande comme Guingamp, des transactions nécessitaient l’emploi d’autres instruments monétaires plus sophistiqués, surtout quand elles mettaient en scène les principaux acteurs de la vie économique et concernaient des sommes élevées.

La moindre part des formes de paiement en papier

81Billets, cédules et lettres de change, c’est-à-dire des instruments de paiement en papier, servaient aussi à régler une dette.

82Le 31 janvier 1675, le marchand de draps de soie Jan Lizot déclarait que le sieur de Kerbaezlaven Lachiver lui avait consenti une cédule de 65 livres. Le 19 avril 1764, le marchand épicier Yves Renaudin affirmait que son beau-frère Ollivier Léon devait à son épouse défunte deux billets de 100 et 75 livres. En octobre 1774, François Flajeul et son épouse Barbe Charlotin devaient plusieurs billets de quelques centaines et même milliers de livres à des négociants de Tours et de Falaise. Les billets et les cédules n’étaient pas l’apanage des marchands et leur montant pouvait varier de quelques livres (pas même une dizaine) à plusieurs milliers. L’exemple du sieur de Kereven François Le Goff est de ce point de vue frappant : déclarant, le 24 janvier 1640, devoir « par cedulle consentye puis les deux ans derniers [le 19 décembre 1638] a messire René du Liscoet seigneur du Bois de la Roche la somme de deux mille cinq centz cinquante livres », il obtint ensuite plusieurs cédules sur divers particuliers dont une en janvier 1652 « sur Michel Guiton de vingt livres » et une autre en juillet « sur le seigneur de Perien portant la somme de neuff cens quarante trois livres ».

83Les lettres de change n’étaient pas inconnues des acteurs économiques guingampais, notamment de ceux qui étaient amenés à commercer avec des places marchandes éloignées. Elles servaient à régler un achat mais aussi à récupérer des fonds pour opérer des ventes. Cet instrument monétaire facilitait les transactions à longue distance. Pourtant il semble avoir été d’un emploi moindre que les précédents. Que des marchands banquiers comme Pierre Allain de Kercado et François Bodin de Lermo au xviie siècle en firent maintes fois usage ne fait cependant aucun doute : leur activité les amenait à pratiquer la négociation des lettres de change. En septembre 1655, le contrat d’« aprentissage au faict du negosse de vin de Louis Allain » son neveu avec Louis de Leglise marchand de Bordeaux obligeait le sieur de Kercado à verser pendant quatre ans la somme de 250 livres, payable soit à Bordeaux, soit par lettre de change à Morlaix. À la fin du mois d’août 1669, le sieur de Lermo envoya à Rennes une lettre de change d’un montant de 150 livres à Pierre de Ploesquellec sieur de Kerpuns pour la vente de marchandises. Le 7 février 1673, traitant du futur mariage de sa fille Marie avec Jan de Kersalliou seigneur de Kerouar, François Bodin s’engageait à donner entre autres au jeune couple la somme de 7 000 livres « contenues en une lettre de change […] payable à l’ordre dudict seigneur de Kerouar ». Même les religieuses avaient recours à cette technique de paiement pour régler des achats : en 1758, les religieuses de Montbareil payèrent par une lettre de change les 250 livres dues à leur fournisseur rennais nommé Berland. On peut penser qu’elles agirent de même avec Fontemoing leur marchand de vin à Libourne et Fournier leur fournisseur de laine à Morlaix.

84Les marchands des grandes villes du négoce qui traitaient avec les Guingampais imposaient généralement leurs modalités de paiement. Lorsque le 14 décembre 1771, maître Yves Pastol et son épouse Marie Le Dereat, sieur et dame de Kermelin, achètent aux négociants nantais Paul Lormier et Marguerite Genû de la Bordière une maison située sur le haut martrait à Guingamp et des meubles s’y trouvant pour 6 000 livres, ils doivent se plier aux exigences des vendeurs qui réclament le paiement de la somme « quitte de fraicts a Nantes en argeant ou en lettres de change sur Paris à usance ». Cela pouvait être l’occasion pour les Guingampais de découvrir des techniques monétaires plus évoluées et de les adopter à leur tour.

  • 25 Les religieuses Carmélites ne furent pas les seules à subir les fâcheuses conséquences de la banqu (...)
  • 26 Il suffit de consulter les minutes notariales de Brunot (Arch. dép. Côtes-d’Armor, 3 E 6).

85Il paraît difficile de dater l’introduction de la lettre de change à Guingamp, les documents susceptibles de nous renseigner ne remontant pas au-delà du xviie siècle. On peut néanmoins avancer que déjà dans la première moitié du xviie siècle des marchands guingampais employaient cette technique de paiement. Mais on ignore s’ils parvinrent à la généraliser car la population faisait preuve d’une réelle méfiance à l’égard de toute forme de paiement en papier. En janvier 1715, Marc Antoine de la Boëssière, seigneur de Lannuic, reçoit de la part des religieuses du second monastère de la Visitation de Sainte-Marie de Rennes la somme de 6 000 livres « en espèces sonnantes d’or et d’argent sans billets de monnoye ny autre de pareille nature ». Le 21 février 1761, François Loysel et son épouse Guillemette Riollay prêtent la somme de 65 000 livres mais ne veulent être remboursés qu’« en un seul payement et en argeant effectif, et non en billets royaux, de banques ou autres de quelques natures ». En juillet 1776, les Carmélites exigent que la pension viagère annuelle de 400 livres, réclamée pour que la novice Claire de Cahideuc du Bois de la Motte puisse faire profession dans leur congrégation, soit versée « en argeant et non en billets de quelques natures ». Elles n’avaient pas oublié que, dans les années 1720, elles avaient « esté reduites à l’aumone par les rembourssements quy leurs [avaient] esté fait en billets de bancque, quelles n’[avaient] peû employer en aucun debouchement quelques soins quelles se [fussent] donnés25 ». On peut également citer Thérèse Le Meur, veuve de l’avocat maître François Le Gal de Menegal, le 23 avril 1778 : Gui Le Chevoir seigneur de Kergoff, de Goudelin, lui ayant demandé la somme de 2 400 livres « pour subvenir a ses affaires », elle lui accorde le prêt à la condition que le remboursement s’effectue « en argeant sonnant et non en billets ou papiers de quelques especes ». Au xviiie siècle, les Guingampais préféraient la monnaie « sonnante et trébuchante » et cela restait vrai en l’an IV et en l’an V26.

86La primauté accordée au numéraire, mais aussi le fait que le troc et les versements en nature aient perduré parallèlement au développement de techniques de paiement plus évoluées, peuvent s’expliquer par des échanges demeurés tout au long de l’Ancien Régime à un niveau et à une échelle peu élevés : les transactions effectuées par les Guingampais (marchands ou non) dépassaient rarement le millier de livres et les mettaient surtout aux prises avec des Bretons. Échanger modestement avec des individus qui l’étaient souvent tout autant n’a pas favorisé l’utilisation de moyens de paiement très sophistiqués car on pouvait se contenter de techniques monétaires « traditionnelles ». Cela dit, un Guingampais pouvait facilement adresser à un Morlaisien une lettre de change de 150 livres. Et même s’il entretenait des relations d’affaires dans une aire géographique limitée, rien ne l’empêchait de prendre à son compte des instruments de paiement plus perfectionnés et plus maniables. Mais inversement, ne serait-ce pas l’emploi et le maintien de formes de paiement déjà anciennes qui expliqueraient l’étroitesse géographique des circuits commerciaux guingampais ? Les espèces métalliques, plus encombrantes qu’un simple morceau de papier, représentaient un réel obstacle à des transactions à grande échelle. La lettre de change avait pour elle d’être d’une utilisation plus souple, elle pouvait circuler de mains en mains avec davantage de rapidité et aussi plus de sécurité. Sans aucun doute, les instruments de paiement en papier simplifiaient et donc stimulaient les échanges lointains. Mais encore fallait-il que les Guingampais acceptent de les adopter. Leur peu d’attrait pour des formes de paiement en papier est sans doute le signe d’un état d’esprit. La nouveauté suscite de la méfiance. Pour de nombreux Guingampais, billets, cédules et lettres de change n’étaient que des morceaux de papier. Faut-il pour autant y voir un refus de la modernité ? Sans doute que non, mais plutôt une lente adaptation aux nouveaux moyens de paiement, ce qui témoigne de la petitesse de la cité et de la faible envergure d’une majeure partie de ses acteurs économiques. Guingamp s’apparente à un centre d’approvisionnement et de redistribution pour la population locale et environnante, elle est une ville-marché. Les marchands aisés ne cherchent pas à commercer au loin mais à investir le produit de leur trafic dans la pierre et dans la terre, sources de profit aussi grand et moins risqué, pour vivre noblement. Signalons enfin qu’à Guingamp, il y avait de nombreux marchands de détail qui devaient exercer une seconde activité pour améliorer le quotidien. Les marchands susceptibles d’être mis en contact avec des techniques monétaires en papier étaient minoritaires. Ils ne pouvaient donc pas être très nombreux à en faire usage.

87L’économie guingampaise des xvie, xviie et xviiie siècles s’alignait sur celle de la province bretonne à la fois productrice, exportatrice et importatrice de produits fabriqués (toiles et draps) et de vins, et productrice exportatrice de produits de l’élevage (cuir, suif, lard, beurre salé) et de céréales. Au xviiie siècle cependant, Guingamp rencontra des difficultés dans le domaine du textile, au même titre que l’ensemble de la Bretagne : le pouvoir royal s’étant attaqué à l’extrême fin du xviie siècle aux draps anglais qui alimentaient le royaume de France, et l’Angleterre ayant aussitôt répliqué par un « boycott » des produits français, parmi lesquels les toiles bretonnes, celles-ci perdirent leur précieux débouché. Mais l’activité textile guingampaise ne disparut pas car les draps fabriqués étaient surtout destinés à la clientèle locale. La « crise » qui frappa l’industrie textile bretonne fut donc moins lourde de conséquences à Guingamp que dans d’autres cités.

88Contrairement à d’autres Bretons exerçant le même type d’activités, les marchands guingampais furent peu enclins à s’aventurer dans le trafic au loin, se contentant d’approvisionner leurs concitoyens et la population alentour. Pour beaucoup, la pratique du commerce était d’abord un moyen d’accéder à la propriété foncière et terrienne qui seule les intéressait. Peu avaient l’esprit d’entreprise. La pierre et la terre étaient de bon rapport et ne présentaient aucun risque ; l’investissement était sûr et profitable ! Alors que le commerce au loin était dangereux : la piraterie en mer, les caprices de la météorologie et le contexte de la politique étrangère du pays rendaient incertaine la réussite d’une entreprise. Mais les marchands guingampais ne disposaient peut-être pas des capitaux suffisants pour risquer de tout perdre…

89À côté de cela, on peut se demander si l’environnement institutionnel guingampais joua toujours en faveur du développement de l’économie de la cité, si les conditions politiques locales étaient réunies pour permettre l’essor de la ville.

Notes

1 Marchand drapier natif du bourg de Sainte-Croix mais demeurant, à la date de sa déposition, au moulin du Bois de la Roche. Il est alors âgé de 64 ans.

2 Hervé ne précise aucune date, disant seulement que, marié depuis plus de 16 ans (au moment où il dépose en 1657), les faits qu’il va relater se sont produits « pendant les 4 ans subséquents [suivant] son mariage ».

3 En l’espace de dix ans, Adrien Pitôt avait vendu au maître du Bois de la Roche « pour la somme de trante milles livres de laine ».

4 Marie Tanguy est la femme de Gabriel Toulhoët, matelot embarqué depuis 1755 mais dont elle est sans nouvelles.

5 Se reporter à l’article de Jean-Pierre Leguay, « Guingamp au xve siècle », MSHAB, tome LVI, 1979, p. 124.

6 Les meubles et effets se résument à un bois de lit à quenouille garni de sa couette et traversier de balle, une mauvaise courtepointe, un ballin et deux linceuls, une armoire à deux battants de différents bois avec clef et clavure, un vaisselier avec son buffet, deux chaises, une petite table, une poêle d’airin, une mauvaise poêle à frire, un trépied, une crémaillère, une pelle à feu, trois écuelles de terre, une demi-douzaine d’assiettes d’étain, trois cuillères d’étain et trois fourchettes de fer, une marmite, une cuillère à pot de bois, un pot eau de fayence mesure de chopine, deux verres et deux bouteilles de verre noir.

7 Le maître sellier donnait procuration générale sur ses affaires au couple qui se chargerait d’encaisser les diverses rentes qui lui étaient dues et de prélever les 500 livres annuelles dessus.

8 Ils sont alors respectivement âgés d’environ 11 ans et demi, 10 ans et demi, et 9 ans.

9 En 1663, Pierre Hamon s’acheta d’ailleurs une paire de souliers neufs et quelques « nippes » (pour un coût total de six livres) à la foire de Tréguier.

10 L’épreuve du tir se déroulait à Guingamp sur le Champ au Roy.

11 Quand ce n’est pas pour boire du vin, c’est pour consommer du cidre : le dimanche de la Pentecôte en 1715, le notaire et procureur de la juridiction de Sainte-Croix maître Yves Morice fut accosté sur la place du Vally par Gilles Le Judec et François Festou qui finissaient de jouer une partie de boules. Ils lui proposèrent d’accepter une bouteille de cidre pour faire plus ample connaissance. C’est ainsi qu’ils se rendirent ensemble « chez le nommé Bonnet hoste demeurant au fauxbourg de Monbareil ou ils beurent quatre ou cincq pots de cidre tous les trois ».

12 Le vin est également du menu des hôpitaux où « les hôtes valides […] en bénéficient » largement, et plus encore les malades (A. Croix, La Bretagne aux 16e et 17e siècles…, p. 840).

13 La Coutume accordait un délai de 24 heures à qui voulait déposer une demande d’annulation d’un acte de ce genre.

14 Le 11 juin 1711, la communauté de ville dut renoncer à réquisitionner un logement appartenant au sieur de Saint-Paul Riollay : celui-ci en avait besoin « pour soutenir son auberge », sans compter que le logement était « occupé par ses meubles et qu’il y [avait] des boissons dont le transport [eut été] perilleux » (Arch. mun. Guingamp, BB 8). Le 20 décembre 1762, la cave de l’auberge du Cheval Blanc renfermait, entre autres choses : 4 barriques de vin rouge et un reste de barrique de vin blanc, un reste de barrique de cidre et 30 bouteilles de vin de Bourgogne.

15 Ce n’est pas innocemment que le sieur Margeot Vauguery se fit construire un hangar en 1787 : il devait lui servir à accueillir, chaque jour de marché, des chevaux appartenant à des marchands ou à d’autres particuliers qui payaient par attache la garde de leur(s) monture(s). Une façon commode d’améliorer le quotidien !

16 Néanmoins, « ayante étée attendrie par ses larmes et ses discours », Marie Nicol « voulut bien […] coucher cette femme » nommée Marie Tanguy.

17 Son fils messire Yves du Liscoët seigneur de Coatmen épousera en 1662 Marie Allain fille de François Allain et de Marie de la Grève sieur et dame de Keribou, et nièce de Pierre Allain sieur de Kercado (contrat de mariage daté du 10 mars 1662).

18 Ces foires étaient suffisamment importantes pour servir d’échéance de paiement : le 2 juillet 1632 un nommé de Becume sieur de Kergriossant (établi à Guingamp) devait verser à Marguerite de la Grève veuve de Jan Bachelier, la somme de 242 L 10 s le jour de la fête de la Madeleine à venir, et 150 livres à la Saint-Michel suivante (Arch. dép. Côtes-d’Armor, B 34, contrat insinué le 30 juillet 1632). Le 16 mars 1671, acquéreur de deux pièces de terre situées au Merzer pour 96 livres tournois, Jacques Le Brun promit de payer aux vendeurs 60 livres tournois « à la foire fleurie prochaine venante » et 36 livres tournois aux fêtes de la Pentecôte prochaine (Arch. dép. Côtes-d’Armor, B 78, contrat insinué le 31 mars 1671).

19 La municipalité répondra que « la grande majorité des habitants de Ste Croix [tenant] le commerce de Berlinge et de laine » – commerce qui les obligeait à « venir au centre de la ville vendre leurs marchandises, même les jours de foires » – ils n’étaient « donc nullement lésés dans la translation d’une seule foire au lieu commun ».

20 C’est aussi parce que le samedi était à Guingamp un grand jour de marché que les prisonniers condamnés à être fustigés par l’exécuteur de justice (le bourreau) se voyaient infliger leur peine ce jour là ; et pas n’importe où, mais autour de la halle, point névralgique de l’activité économique du centre urbain. C’est ainsi que dans la dernière décennie du xve siècle, Guillaume Le Guen fut condamné à être battu « à trois jours de samedi entour la cohue de la ville de Guingamp » (Arch. dép. Côtes-d’Armor, E 907, comptes de 1491 à 1494) ou que le 27 mars 1508 Yvon Ersel apprit qu’il allait être « un jour de samedi fustigé deux tours entour la cohue » de la cité (Arch. dép. Côtes-d’Armor, E 908). La justice pensait sans doute que plus il y avait de gens à voir ce genre de « spectacle », plus ils seraient nombreux à réfléchir aux conséquences qu’entraînerait pour eux la commission d’un acte illégal tel que le larcin.

21 On observe le même phénomène dans d’autres villes bretonnes telles que Vitré, Fougères, Rennes et Dinan dans la première moitié du xve siècle (H. Touchart, Le commerce maritime breton…, p. 159).

22 Le nom du colporteur normand prouve que des Bretons s’implantèrent en Normandie. L’émigration ne se faisait pas dans le seul sens Normandie-Bretagne ; elle se pratiquait aussi dans la direction inverse.

23 Les monnaies d’or souvent citées sont l’écu au soleil, le teston (déjà frappés aux xve et xvie siècles), le louis et la pistole qui est une monnaie espagnole. Les autres monnaies généralement utilisées sont le douzain, le denier et le louis d’argent. On pourra consulter A. Bigot, Essai sur les monnaies du royaume et duché de Bretagne, et lire les développements d’H. Touchart sur la monnaie dans Le commerce maritime breton…, p. 295 sqq.

24 Le 10 décembre 1672, Toussaint de Tuomelin demeurant à Plestin au manoir de Kerbourdon avait acheté à Robert de Keroignant et Marguerite de Kerléau, domiciliés à Botoha, le lieu et manoir noble de Kerversic situé à Tremel (trêve relevant de Plestin) pour la somme de 17 000 livres. Le jour de la vente, le seigneur de Kerbourdon avait payé au couple 300 livres sous la forme d’un cheval (Arch. Dép. Côtes-d’Armor, B 472).

25 Les religieuses Carmélites ne furent pas les seules à subir les fâcheuses conséquences de la banqueroute de 1720 : « ayant preché les Avant dans cette ville [de Guingamp] en l’année 1720 », le révérend père dominicain et prédicateur nommé Trogoff aurait dû recevoir 60 livres. Il n’en fut pas « payé attandû qu’il n’y avoit pas de fond en la caisse du miseur en ce tamps la », mais seulement des « billets de banque quy estoint pour lors decries ». Le Dominicain ne sera récompensé de sa peine qu’en 1727 !

26 Il suffit de consulter les minutes notariales de Brunot (Arch. dép. Côtes-d’Armor, 3 E 6).

Table des illustrations

Légende Carte 1 – Les principales auberges de Guingamp au xviiie siècle.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/8910/img-1.png
Fichier image/png, 746k
Légende Tableau 1 – Achat-vente et ferme de quelques auberges à Guingamp aux xviie et xviiie siècles.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/8910/img-2.png
Fichier image/png, 870k

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