Des lettres au français
|Deuxième partie. La fin d'un monde ? 1959-1967
La fin d’un monde ? 1959-1967
Texte intégral
- 1 Jean Beaugrand, « Adaptation et renouvellement de l’enseignement du français », L’Éducation nation (...)
« Les modifications très rapides de nos conditions de travail vont nous obliger à revoir profondément les conceptions pédagogiques de l’enseignement du1. »
1Dans un article précurseur, publié en mai 1959 dans L’Éducation nationale, Jean Beaugrand invitait les professeurs de français à prendre la mesure des mutations qui affectaient l’enseignement de leur discipline. Appel alors complètement isolé. Dans les années 1960, les professeurs de lettres assistèrent, impuissants, à la redéfinition de leur cadre d’exercice, bien plus qu’ils ne travaillèrent à repenser l’enseignement du français dans ces conditions nouvelles.
2En effet, la réforme promue sous le ministère de Jean Berthoin en 1959 ouvrit un cycle de transformations institutionnelles qui remodelèrent durablement le système éducatif. La prolongation de la scolarité obligatoire à seize ans entérinait et accélérait la généralisation des scolarités post-élémentaires, modifiant du même coup la fonction de l’école primaire, désormais première étape d’un parcours scolaire appelé à se poursuivre dans d’autres établissements. Avec la réforme dite « Fouchet-Capelle » de 1963 se dessinait, dans le premier cycle, un nouveau mode de fonctionnement : celui de filières toujours distinctes, mais symboliquement implantées dans un seul et même établissement, le collège d’enseignement secondaire (CES), censé remplacer progressivement les collèges d’enseignement général – ex cours complémentaires – et les premiers cycles des lycées. Cette catégorie des « lycées » incluait désormais non seulement les lycées traditionnels, mais aussi les anciens collèges – classiques, modernes ou techniques – et les anciennes écoles nationales professionnelles, rebaptisées lycées techniques (voir annexe 1.2).
3L’architecture des études supérieures fut aussi complètement repensée. Cette refonte affecta les cursus destinés aux futurs professeurs de lettres. Elle commanda en amont une réorganisation du baccalauréat et des filières du second cycle, entraînant, dans ces classes, l’abandon de la distinction entre classiques et modernes : dès la seconde, c’était désormais en fonction de leur orientation, scientifique ou littéraire, que l’on répartissait les élèves – qu’ils fussent ou non latinistes – entre les différentes séries.
- 2 Louis Cros, L’Explosion scolaire, Paris, Comité universitaire d’information pédagogique, 1961.
4Sur le terrain, l’expansion rapide des lettres modernes déstabilisa la très classique Franco-Ancienne, concurrencée, à partir de 1967, par l’AFPF (Association française des professeurs de français). Mais qu’ils fussent classiques ou modernes, les professeurs de français devaient tous faire face aux classes surchargées et aux heures supplémentaires charriées par l’« explosion scolaire2 ». Nul ne songeait pour autant à sacrifier la tradition sur l’autel de la démocratisation. Dans le premier cycle, un aggiornamento modéré rencontra un large consensus. Dans le second cycle en revanche, les interrogations soulevées par la spécialisation précoce des élèves restèrent, à ce stade, sans réponse.
Notes
1 Jean Beaugrand, « Adaptation et renouvellement de l’enseignement du français », L’Éducation nationale, no 18, 14 mai 1959, p. 3.
2 Louis Cros, L’Explosion scolaire, Paris, Comité universitaire d’information pédagogique, 1961.
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