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Un siècle de leçons d'histoire

 | 
Évelyne Héry

3e partie. La réforme impossible

Chapitre VIII. Les équilibres rompus

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Géographique :

France

Texte intégral

1Relativement aux mutations de l’identité tant du savoir de référence que de l’enseignement secondaire, mutations qui créent les conditions d’une recomposition de la discipline, attendue depuis déjà plusieurs années, le rajustement en 1957 des programmes et des procédés apparaît bien modeste. Car si l’évolution de la discipline se fait dans la continuité des questionnements qui l’ont traversée depuis sa constitution, le débat historiographique et la poussée de scolarisation accrue dans la décennie 1960 se conjuguent pour réactiver la question sous-jacente de toutes les réformes : quelle histoire enseigner et comment l’enseigner pour qu’elle soit adaptée au public scolaire auquel elle est destinée, c’est-à-dire, à une autre échelle, quel savoir pour quelle société ?

  • 1 Fourastie (J.), « Les besoins en personnel qualifié », L’Éducation nationale, n° 5, 1er fév. 1962, (...)
  • 2 On trouve la synthèse de ces différents travaux dans la brochure de Louis CROS. CROS (L.), Dépense (...)
  • 3 « La réforme de l’enseignement », I, Esprit, n° 215, juin 1954. II, n° 223, fév. 1955, p. 177-231.
  • 4 Lepiney (G.), « L’explosion scolaire », Esprit, n° 309, sept. 1962, p. 197-217.
  • 5 Prost (A.), « L’école et la famille dans une société en mutation », in L.H. Paris (dir.), Histoire (...)

2Après la période de l’entre-deux-guerres marquée par une relative stabilité du corps social que reflète celle de l’enseignement secondaire, la société française se remodèle. Le mouvement qui s’inscrit dans quelque vingt années de croissance démographique et économique rejaillit sur l’évolution du système scolaire scrutée notamment par la commission Le Gorgeu1 constituée en novembre 1951 pour inventorier les besoins en enseignants et constructions dans le cadre de la préparation des second et troisième plans. En 1962 le rapport général de la Commission de l’équipement scolaire, universitaire et sportif du Commissariat général au IVe Plan (1962-1965), dit rapport Poignant, commenté dans de nombreuses publications2, rend compte non seulement du changement d’échelle des établissements secondaires – le premier article du numéro de la revue Esprit de juin 1954 consacré à la réforme de l’enseignement rédigé par Paul Fraisse titre « Crise de croissance » et le second en février 1955 « À l’échelle de la masse3 » – mais des mutations sociologiques. Les élèves du cycle long de l’enseignement du second degré n’appartiennent ni aux mêmes couches sociales ni à la même société que leurs aînés4. Alors que l’acculturation était acceptée par les élèves les plus éloignés des codes culturels de l’enseignement secondaire comme un moyen de promotion, ce qui conférait à la culture dite générale une valeur sociale élevée, elle devient de plus en plus contraignante parce que l’univers mental des jeunes s’est profondément modifié5. La radio, la musique, les idoles de la chanson ou du cinéma, les sorties, toutes les sollicitations que rend possibles la libéralisation de la société, jusque dans le cadre de la famille et de l’école, mobilisent plus les adolescents que les vers latins ou les tragédies classiques sur lesquels leurs parents avaient passé leurs longues heures d’étude.

3Cette distinction du temps pensé par l’élève, le temps des études et le temps de la vie, place l’histoire dans une position inconfortable car, estampillée du sceau du savoir à apprendre, elle est en outre connaissance d’un passé dont l’intérêt pragmatique apparaît aussi peu transparent que celui des langues mortes. Pourtant, l’entendant comme une culture permettant de construire une « attitude nouvelle » au monde présent, les historiens peuvent avoir la prétention d’en faire une discipline qui apporte une réponse aux interrogations des adolescents et réclament qu’elle ait les moyens de remplir sa fonction d’éducation sociale. C’est pourquoi la prise en compte par les programmes du renouveau historiographique est beaucoup plus qu’une réactualisation des contenus. Elle est lourde d’enjeux éducatifs.

  • 6 Citron (S.), « Pour l’aggiornamento de l’histoire et de la géographie », BSPHG, n° 206, oct. 1967, (...)

4On peut dès lors supposer qu’en ne portant pas atteinte aux cadres traditionnels de l’histoire scolaire de crainte que des modifications importantes n’entraînent une dégradation de l’enseignement, les changements de programmes ne règlent aucun des problèmes essentiels. Les dysfonctionnements, à savoir l’écart entre la recherche et le savoir enseigné et le fait que la question de l’utilité de la culture historique surgisse de nouveau, provoquent des tensions au sein de la corporation historienne et des milieux éducatifs. Alors qu’elles s’exacerbent à partir de 1965 par suite des tâtonnements de la réforme du second cycle, des voix s’élèvent pour souligner l’urgence d’un examen de conscience collectif et la « mise à jour6 » de la discipline par l’adéquation de ses finalités et de ses moyens. Dans le sillage des événements de 1968, la réflexion sur la discipline, à laquelle, pour la première fois, les élèves sont associés, ouvre de nouveaux chantiers.

Des leçons en double décalage

Avec les orientations de la recherche historique

5Dans la mesure où les contenus scolaires ont continué, après les réformes de 1959 et 1963, à être organisés autour de la problématique de l’enchaînement des faits dans le court terme, hormis dans les deux derniers trimestres des classes terminales, l’histoire enseignée est restée sur une voie dont celle de la recherche a de plus en plus divergé. En effet, alors que ces programmes, d’autant moins rénovés que l’esprit dans lequel ils étaient enseignés n’avait guère changé, restent en vigueur jusqu’au début des années soixante-dix, l’éclosion de travaux nouveaux dans l’historiographie française se poursuit à un rythme rapide, notamment dans la deuxième moitié des années 1960, accentuant l’écart naturel causé par les différences d’élaboration et de fonction des deux savoirs.

  • 7 Braudel (F.), Conférence prononcée en 1936 au Brésil, Grammaire des Civilisations, Arthaud-Flammar (...)
  • 8 Le Goff (J.), Une vie pour l’histoire, Paris, La Découverte, 1996.
  • 9 Ibid., cet exemple est un de ceux choisis par Jacques Le Goff pour préciser l’usage qu’il avait fa (...)
  • 10 Ibidem, p. 140. Jacques Le Goff note que l’ouvrage a été utilisé comme livre du maître ou manuel d (...)

6La question de la mise à jour du savoir scolaire s’est posée dans toute sa complexité aux contemporains, car s’il y a matière dans la recherche historique à insuffler dès la fin des années cinquante la rénovation de l’enseignement, l’institution, à l’heure des choix, ne peut faire fi des considérations pédagogiques. Une grande partie, par exemple, de la thématique de l’histoire économique labroussienne n’était pas enseignable dans le second degré. F. Braudel, lui-même, a mis en garde contre le risque d’oublier que « de l’activité historique à l’activité didactique, il y a comme un passage d’un cours d’eau à un autre7 » et a souligné que, moins que toute autre, l’histoire enseignée ne peut se priver de raconter et de mettre en scène des hommes en chair et en os. Le problème de la transposition dans l’enseignement des recherches les plus récentes est un difficile problème méthodologique auquel se heurtent alors certains des historiens les plus actifs des Annales, comme l’illustre notamment le cas de Jacques Le Goff. Chargé par les éditions Bordas d’écrire un manuel de quatrième, classe où, conformément aux programmes de 1957 était enseigné le Moyen Âge, il a eu l’occasion de commenter cette expérience et d’expliquer son relatif échec : « C’est alors que j’ai ressenti combien il était difficile de prétendre à la fois renouveler les orientations et le contenu de l’enseignement scolaire de l’histoire et vulgariser pour les jeunes élèves les résultats de la recherche, même s’il ne pouvait être question d’en faire le manuel scolaire des Annales8 ». Comme le manuel de F. Braudel sur les civilisations, celui de J. Le Goff n’évite pas, en 1962 une lecture de l’histoire trop complexe et étrangère au connu des élèves – l’élection d’Hugues Capet était par exemple mise en perspective avec la conversion de Vladimir, prince russe de Kiev9 –. Il s’attaque surtout à ce qui est le mieux ancré dans la tradition scolaire, la chronologie des événements politiques. Mais cette démarche qui fait partie des moyens déployés par l’école des Annales pour asseoir son hégémonie dans un secteur qui lui résiste encore s’avère trop ambitieuse10.

  • 11 Braudel (F.), « Histoire et sciences sociales. La longue durée », AESC, n° 4, oct.-déc. 1958, p. 7 (...)
  • 12 L’Histoire sociale, Sources et méthodes, colloque de l’ENS de Saint-Cloud, 15-16 mai 1965, Paris, (...)
  • 13 Mayeur (J.-M.), « Histoire et programmes », L’histoire et l’historien, Paris, Arthème Fayard, 1964
  • 14 Braudel est président du jury de l’agrégation d’histoire de 1950 à 1955. S’il imprime sa marque au (...)
  • 15 Citron (S.), « L’agrégation », Esprit, n° 215, juin 1954, p. 929.
  • 16 Braudel (F.), « Rapport de l’agrégation », BSPHG, n° 130, mars 1952, p. 268.

7En outre, au début des années 1960, la corporation historienne ne constitue pas un front unanime, gagné aux problématiques de l’histoire structurale et du temps long, dont la diffusion est au demeurant récente si l’on prend comme repère l’article de F. Braudel dans les Annales ESC « Histoire et sciences sociales. La longue durée11 ». La confrontation entre les historiens des Annales et ceux qui placent l’événement au cœur de l’histoire est encore aiguë, comme en témoignent les controverses du Colloque d’histoire sociale en 196512. Un clivage non moindre s’effectue entre les marxistes et ceux qui refusent de lier l’explication historique à une philosophie de l’histoire. C’est dire que, lorsqu’autour des années 57-60 les programmes ont été fixés, le débat historiographique est ouvert13. Or, les jurys des concours de recrutement sont eux-mêmes les espaces de ces influences contradictoires14. La nécessité institutionnelle d’adapter une ligne commune pousse au compromis qui brouille un peu plus les cartes et conduit à la voie moyenne entre l’histoire « traditionnelle » et l’histoire « nouvelle », compromis perceptible dans les sujets, les prestations des candidats qui « bachotent le Malet-Isaac » mais parcourent quelques thèses « à la mode15 » et dont, note F. Braudel au début des années cinquante, « la plus grande préoccupation est de ne pas se compromettre16 ».

8Sans minimiser les difficultés que supposait le rapprochement de l’histoire scolaire et de la recherche, inconcevable également sans une politique de recyclage des enseignants, le choix de la stabilité des contenus ferme à l’histoire scolaire un certain nombre de pistes que les partisans de la réforme de la discipline et du système éducatif jugeaient, après la seconde guerre mondiale, possible – et souhaitable – d’explorer. L’abandon, aussi déguisé soit-il d’une histoire des civilisations qui soit celle des hommes à travers le temps, s’accompagne de renoncements cumulatifs qui remettent en cause les finalités mêmes de la discipline.

  • 17 Gal (R.), « Recherches sur l’enseignement de l’histoire », Le Courrier de la recherche pédagogique(...)

9Le premier de ces renoncements concerne l’introduction d’une approche globale des phénomènes historiques, permettant de les saisir de façon interactive dans leurs racines et leurs manifestations. Le découpage figé des programmes, l’adjonction des chapitres d’histoire économique et sociale au corpus ancien morcellent pour les élèves la connaissance et constituent un obstacle à la formation du sens historique. À partir de l’exemple de l’esclavage, R. Gal entreprend, en revanche, de vérifier expérimentalement que le fait de suivre l’évolution d’une question jusqu’à nos jours, la condition des noirs libérés et la question raciale, laisse des traces plus profondes17. Mais, bien qu’elle converge avec l’importance accordée dans les apprentissages aux centres d’intérêt des élèves, une telle innovation dans l’organisation des programmes, dont la proposition a été plusieurs fois reprise, a toujours buté sur l’opposition histoire chronologique – histoire thématique, même lorsque dans l’esprit de ses auteurs, il n’est pas question de sacrifier la trame chronologique.

  • 18 Aries (P.), « L’histoire des mentalités », in Le Goff (J.), La nouvelle histoire, Paris, éd. Compl (...)
  • 19 Goubert (P.), Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730, Paris, SEVPEN, 1960.

10En ne retenant pas l’option de manier différentes échelles temporelles et spatiales dans l’étude des situations historiques, grâce à une nouvelle périodisation des programmes, l’histoire scolaire, en fait, s’expose à un appauvrissement croissant de sa matière. L’histoire des populations, celle « des humbles et du collectif18 » auxquelles se consacrent les monographies novatrices de la recherche historique dans les années 1960 comme celle de Pierre Goubert19, reste, au niveau scolaire, tributaire de la chronologie politique, surtout pour les périodes moderne et contemporaine. Par exemple, dans les programmes de seconde et de première de 1959, l’histoire de la société française, insérée dans les sous-chapitres d’une histoire des régimes, fait l’objet d’une étude parsemée et prend la forme d’une nomenclature semblable à celle qu’A. Thalamas déplorait déjà en 1907. Or cette brisure, antinomique avec le mouvement propre à l’histoire sociale, est accentuée par la réforme de 1963 qui comprime les programmes du premier cycle.

  • 20 Leuilliot (P.), « Défense et illustration de l’histoire locale », Annales ESC, t. 22, 1, janv.-fév (...)
  • 21 L. François signale en 1951 à titre d’exemple que vingt chapitres sur trente et un d’un manuel de (...)
  • 22 Les circulaires du 17 février 1969 et du 7 septembre 1971 fixent les conditions dans lesquelles se (...)

11De même, bien qu’à plusieurs reprises, l’intérêt de l’histoire locale ou régionale ait été souligné, non plus parce qu’elle est un moyen d’enseigner l’histoire générale, mais parce qu’elle est « l’histoire même de l’invisible quotidien20 », elle n’entre toujours dans les cadres scolaires qu’à titre d’anecdote ou d’illustration. L’hypertrophie de l’histoire nationale reste, en effet, caractéristique de la structure des programmes21. Le sort qui en résulte pour l’histoire locale révèle combien les impératifs de l’enseignement historique sont plus politiques que culturels. Quelle place l’histoire locale peut-elle occuper dans une étude du passé ordonnée pour renforcer l’identité nationale, sinon celle que lui assignaient les républicains, mieux faire connaître la petite patrie pour mieux faire aimer la grande ? Et s’il a bien fallu concéder quelques chapitres à l’histoire des nations les plus turbulentes du monde du second xxe siècle, le système éducatif français, jusqu’en 1971, n’a guère accordé les moyens de consacrer du temps à cette histoire particulière22.

  • 23 Morazé (C.), « Culture et humanisme, Les leçons de l’histoire », Cahiers Pédagogiques, 1er janv. 1 (...)
  • 24 Meynier (A.), « Rapport sur les épreuves écrites du baccalauréat », n° 167, oct. 1960, p. 27.

12Dans ces conditions, on peut douter de l’impact scolaire d’une histoire qui, s’affirmant comme celle des hommes et des sociétés, puisse aider les élèves de tous horizons, entrant alors plus nombreux au collège, à partager une mémoire où chacun reconnaisse les traces de son propre passé et de l’histoire collective et, dans un contexte de mutations techniques inégales pour toutes les populations du globe, à prendre conscience de la relativité des conditions humaines à leur environnement. Plus largement, se délitait le projet ambitieux de faire de l’histoire une discipline de synthèse, fondatrice d’un humanisme entendu comme une intelligence des situations, que dessinaient L. Febvre et C. Morazé23. Soutenu par l’institution quand G. Monod était directeur de l’enseignement du second degré, il cédait le pas au traditionnel récit factuel aux cadres intangibles qui avait à tel point façonné les représentations que l’opinion l’identifiait à l’histoire. La Régionale de Rennes fait ainsi remarquer dans le Bulletin qu’il y a toute une éducation à faire vis-à-vis des parents si on veut promouvoir les habitudes de réflexion en histoire24.

  • 25 Braudel (F.), La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, A. Colin (...)
  • 26 Bourraux (J.), « L’histoire et la géographie en seconde et en première », Cahiers pédagogiques, n° (...)
  • 27 Citron (S.), « L’histoire et la géographie à la recherche d’une synthèse de l’éducation moderne », (...)

13Enfin, une dernière direction n’est pas prise, celle d’une plus grande interdisciplinarité, et à défaut d’une ouverture à la sociologie et à l’économie que les conflits de pouvoir rendaient improbable, comme l’atteste la longue – et inutile – résistance de la Société des professeurs d’histoire et de géographie à la mise en place d’une section économique dans le second cycle, une plus grande liaison des matières représentées dans les études secondaires. La première est celle qui s’institue entre l’histoire et la géographie. Pratiquée par une partie des géographes français et les historiens des Annales25 – elle transgresse difficilement le cloisonnement institutionnel des horaires, des programmes et des examens. Cependant, le mixage apparaissant souvent pertinent aux enseignants qui estiment gagner du temps et de la cohérence, notamment dans les apprentissages méthodologiques26, la pression des professeurs du second cycle sur l’Inspection générale, au sein de laquelle L. François soutient l’entreprise, consiste à en faire reconnaître le principe au moins dans les classes terminales. Dans cette optique, plusieurs plans de restructuration des programmes, associant l’étude des civilisations et des grandes puissances dans une initiation au monde contemporain, sont préparés, comme celui de Suzanne Citron, professeur au lycée pilote d’Enghien, présenté classe par classe dans les Cahiers pédagogiques27, qui s’insère dans une perspective plus large de décloisonnement des disciplines scolaires, tandis que, comme nous l’avons signalé ci-dessus, des enseignants tentent l’expérience dans leur classe.

  • 28 « La coordination, sciences, langues, lettres », Cahiers pédagogiques, n° 66, fév. 1967, p. 122-13 (...)

14L’esprit de spécialité prévalant en effet dans chaque discipline, aucune réforme ne fait de la coordination des programmes un objectif prioritaire. Dans ces conditions, les autres formes de collaboration interdisciplinaire avec les professeurs de littérature ou de philosophie dont rendent quelquefois compte les Cahiers pédagogiques28 restent rares. Si les obstacles ont été surtout institutionnels, la crainte d’une dilution de l’histoire qui se serait traduite par une perte d’influence a quelquefois bloqué le dialogue. Par exemple, la concertation avec les philosophes sur le concept de civilisation, à la veille de la mise en œuvre des nouveaux programmes, n’a pas débouché sur des actions pédagogiques concrètes. Là encore, l’intérêt d’enrichir la discipline par des échanges avec les autres sciences sociales n’a pas dépassé la sphère où les historiens s’affirmaient les maîtres du jeu, la VIe section de l’École pratique des hautes études. La discipline, fidèle à sa stratégie défensive, restait à l’abri de ses frontières.

15En se renouvelant moins vite que la recherche, l’histoire enseignée s’en est éloignée de plus en plus. Elle s’est fixée sur la ligne définie par les programmes où les professeurs pouvaient reconnaître ou l’histoire qu’ils avaient déjà enseignée ou celle qu’élèves, ils avaient apprise. Sans doute le passage de relais entre les générations que représente toute transmission d’un savoir, dont la fonction est de rassembler, voire de cimenter, une communauté, ne s’accommode-t-il pas d’une rupture épistémologique ? Mais faible était aussi la réceptivité du corps enseignant aux travaux historiographiques nouveaux, même à la fin des années 1960, au-delà des milieux proches de l’Université – ne vaudrait-il pas mieux dire de certaines personnalités de l’Université –, ou des hommes et des femmes qui, engagés dans un combat qui souvent n’était pas seulement celui de l’histoire, mais celui de l’école et de la société, ont choisi de s’informer, voire de se former seuls. Car le débat autour d’une histoire qui, plus interprétative, donne aux élèves les moyens culturels d’une plus grande lucidité rencontrait la question des transformations de l’enseignement du second degré.

Avec les mutations des années de la croissance

  • 29 Prost (A.), Éducation, société et politiques, Paris, Le Seuil, 1992.
  • 30 Bayet (G.), cité par le président de la Société des professeurs d’histoire à l’assemblée générale (...)
  • 31 « La bataille des humanités », Esprit, n° 215, juin 1954, p. 830-839. Le n° 215 est consacré à la (...)
  • 32 Prost (A.), Éducation, société et politiques, op. cit.
  • 33 Hubac, Lettre au ministre, BSPHG, n° 178, octobre 1962.

16Les nombreux projets de la IVe République, puis les réformes elles-mêmes de la structure du premier cycle datant de 1959 et 1963 et instituant un tronc commun à tous les élèves scolarisés au collège, ont actualisé, comme l’a montré Antoine Prost29, l’opposition de deux conceptions de la culture scolaire qui s’était déjà manifestée lors de l’unification de l’enseignement classique et moderne en 1902 et du vote de la loi de la gratuité des études secondaires, c’est-à-dire à chaque fois qu’a été envisagé, pour des nécessités économiques l’élargissement social du recrutement des lycées et collèges. Les uns considèrent, en effet, qu’ouvrir le secondaire à un plus grand nombre d’élèves ne signifie pas le brader et que sa vocation est de dispenser la culture générale qui fonde le rayonnement intellectuel de la France. « Démocratiser l’enseignement secondaire n’est pas le rabaisser mais élever au contraire à l’enseignement le meilleur tous ceux qui peuvent en profiter », déclare par exemple G. Bayet, président de la Société des agrégés30. Les autres, convenant que la qualité intellectuelle ne saurait être remise en question, estiment que le changement d’échelles et de structures doit être accompagné d’une modification des contenus et des méthodes afin de compenser par l’instruction les inégalités socio-culturelles et de donner à chacun, quelle que soit son origine sociale, les moyens de parvenir au plus haut degré de qualification compatible avec ses aptitudes. Ce faisant, ces derniers poursuivent l’œuvre inachevée aux lendemains de la Libération. Or, alors que le débat dont se font l’écho des revues comme l’Éducation nationale ou Esprit entraîne, dans les milieux éducatifs et politiques, le rebondissement de la « bataille des humanités31 » ou de la campagne contre la surcharge des études, le Bulletin de la Société des professeurs d’histoire et de géographie n’en porte pas la trace, comme si la question des contenus d’enseignement n’avait jamais été posée en termes d’enjeux sociaux, alors que cette réflexion était la plus à même de donner aux finalités de responsabilisation et de formation de l’élève des contours précis. Est-ce le souci de ne pas mêler les passions partisanes à l’étude « objective » du passé, la peur que se désagrège la corporation, ou simplement un défaut d’analyse et d’anticipation si l’on admet que, jusqu’à la fin des années cinquante, l’effet de masse de la scolarisation est peu perceptible32, toujours est-il que le fait que la Société tienne à ignorer un paramètre essentiel de la définition du savoir scolaire revient à aborder la réforme de la discipline de façon conservatrice. Malgré ce silence, ses positions sont nettes. Elles se dévoilent à l’annonce de la réforme de 1963 et de l’unification des programmes des enseignements court, technique et long. R. Hubac informe le ministère que la Société est favorable à ce que « chaque enseignement garde sa spécificité33 ». Les motions se succèdent, exprimant l’inquiétude des enseignants devant le retour aux deux cycles, toujours aussi honni. De façon constante, la référence des vœux se situe du côté de l’enseignement long et continu de l’histoire, organisé chronologiquement sur sept ans, au mépris du nombre important de trajectoires scolaires plus courtes.

17En effet, une grande partie du corps de l’enseignement du second degré est encore, après la seconde guerre mondiale, portée à mesurer la culture générale à l’aune de celle du bachelier, identifiée elle-même à l’ensemble des connaissances propres à chaque spécialité qui est enseignée durant sept ans. Pour les professeurs d’histoire, cela signifie que leur rôle est en priorité la transmission du savoir codifié par les programmes de façon à doter les élèves de la connaissance de la totalité du passé, rôle qui exige des compétences dont ils ne sont pas prêts d’accepter la dépossession. En ce sens, la Société des professeurs d’histoire et de géographie incarne l’« esprit secondaire » au même titre que la Société des agrégés, et que les groupes d’intérêt, politiques ou non, favorables à ce que l’orientation des élèves se fasse par une discrimination établie sur le niveau des connaissances et à ce que les exigences restent élevées en termes de savoir, de travail et de mérite. Avec le flux des élèves et celui des professeurs d’enseignement général, la hantise de la primarisation du secondaire émerge de nouveau. La dégradation des conditions d’enseignement liée à la vague de scolarisation exacerbe les réflexes de défense et le repli sur les positions occupées dans des temps plus glorieux.

  • 34 Allain (J.-C.), « Horizon mille neuf cent… pour l’enseignement de l’histoire dans le second degré  (...)
  • 35 Dubois (P.), « Une mise en garde supplémentaire », BSPHG, n° 206, oct. 1967, p. 82-84.

18Face à ces attitudes, l’alarme sonne dans la tribune libre du Bulletin ou dans les Cahiers pédagogiques et prend, sous des plumes virulentes, la forme d’un règlement de comptes contre l’association rendue responsable, dès 1963, d’avoir entretenu la routine et provoqué l’immuabilité des contenus de l’enseignement. Les attaques les plus sévères dénoncent l’incapacité qu’a eue la Société d’aborder la réforme avec des arguments contraignant les enseignants à la « subir34 ». Elle a livré un combat perdu d’avance, celui contre le retour aux deux cycles, s’est épuisée à défendre des horaires, a consenti, faute d’avoir pris l’initiative des propositions, à des allégements improvisés et sans cohérence35.

  • 36 Limbour, « Rapport du président à l’assemblée générale », BSPHG, n° 190, fév. 1965, p. 382.
  • 37 BSPHG, n° 192, juin 1965, p. 747.
  • 38 Ibid.

19La situation de l’enseignement historique fait en effet l’objet de diagnostics pessimistes, même s’ils proviennent de sources différentes. À l’assemblée générale du 11-11-1964, la présidente fait part de sa crainte que l’enseignement sorte « disloqué » des remaniements en cours et remercie les inspecteurs d’empêcher de leur côté le « naufrage36 ». Les professeurs, quant à eux, font état du sentiment d’être des « amuseurs » ou des « enquiquineurs37 ». L’image de la discipline n’est pas plus positive dans le public puisque la Régionale de Montpellier rapporte par exemple que les professeurs d’histoire ont mauvaise réputation et évoque la ténacité de ces représentations38.

  • 39 Labal (P.), « Crise de notre enseignement », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 67-68.
  • 40 Ces préoccupations avaient conduit à la proposition d’unifier le programme d’histoire et de géogra (...)

20Il résulte de cette situation que certains traits de l’enseignement historique contrastent dans les années soixante de plus en plus avec le mouvement général des études où se dessinent trois lignes de force ; l’une face à l’implosion du savoir va vers l’allégement des programmes, l’autre vers l’instrumentalisation croissante des connaissances, la dernière enfin vers la modernisation des formes de médiation du savoir. Or il n’est pas certain, les initiatives individuelles mises à part, que l’enseignement de l’histoire ait été clairement engagé sur ces voies, puisque la structure des programmes continue à faire de l’histoire la caricature de l’encyclopédisme du second degré. Avec la réforme des programmes de collège en 1963 et la mise en œuvre de l’histoire des civilisations dans les classes terminales, les protestations des professeurs contre la surcharge s’amplifient. « Si nous voulions être fidèles à l’enseignement reçu en faculté, – enseignement qui nous avait séduit – les programmes devenaient infaisables à moins de tricher, c’est-à-dire de convier les élèves à compléter l’enseignement donné au moyen de leurs livres ou d’expédier en quelques leçons schématiques les parties du programme jugées par nous les moins intéressantes ou les moins actuelles39 », écrit un enseignant qui, comme la plupart des rédacteurs des tribunes libres place le débat sur le terrain de la qualité et de l’efficacité de l’histoire enseignée40.

  • 41 BSPHG, n° 190, fév. 1965, p. 390.
  • 42 Cf. supra, note 67, p. 399. Nous avons complété avec le rapport de Vasseur (L.), « Que pensent les (...)
  • 43 Ibid., p. 89.
  • 44 Ibid., p. 91. Cette remarque fait partie des conclusions que l’enseignant dégage des réponses et v (...)

21Le malaise est suffisamment général pour que l’assemblée plénière de la Société des professeurs adopte le 11 novembre 1964 un vœu demandant que l’Inspection générale rédige une circulaire indiquant que le programme n’est qu’un cadre général dans lequel l’enseignant a la liberté d’organiser son enseignement41. Elle ne peut en effet guère ignorer que l’encyclopédisme des programmes fait l’objet de sévères critiques des élèves et parents, voire de l’opinion publique. Ainsi, selon une enquête réalisée en juillet 1966 par la SOFRES. auprès de 2 000 personnes dont 862 enfants d’âge scolaire, bien que les trois-quarts ne sachent pas en quoi consiste la réforme de l’enseignement, la surcharge des programmes est un avis partagé et 15 % affirment qu’une trop grande part de ce temps est consacré à l’histoire de l’art et à l’enseignement historique. Les enquêtes réalisées auprès des élèves par certains enseignants apportent les mêmes informations42. Même lorsque les élèves consultés déclarent « aimer » les cours d’histoire, ce qu’ils condamnent est la distorsion entre l’horaire de la matière et l’ampleur des programmes, les cours menés au pas de course, le « gavage » auquel ils sont soumis depuis la sixième. Interrogés sur les améliorations qu’ils souhaiteraient, les élèves de cinq classes du lycée Thiers de Marseille se prononcent à 60 % pour une diminution des programmes43. Or la constatation selon laquelle l’intérêt des élèves ne s’éveille pas aussitôt qu’un sujet est abordé et qu’il convient de s’y attarder pour qu’ils se l’approprient plaide en faveur de l’allégement des contenus44.

  • 45 « Communication de la Régionale de Montpellier », BSPHG, n° 190, fév. 1965, p. 747.
  • 46 Pic (R.), « Nos lycéens et l’histoire », Cahiers pédagogiques, n° 6, fév. 1957, p. 25. L’enquête a (...)
  • 47 « Instructions officielles », BOEN, n° 45, 16 déc. 1954, p. 3159-3168.
  • 48 Pic (R.), « Nos lycéens et l’histoire », Cahiers pédagogiques, n° 6, 15 fév. 1957, p. 25.

22En outre, plus l’histoire enseignée se réduit en effet à une série de faits rapidement survolés, plus elle ne mobilise que la mémoire. L’enseignement de l’histoire est encore, dans les années soixante, mnémotechnique et quelle que soit l’évolution qu’il ait pu connaître, elle n’est pas suffisamment perceptible à l’opinion publique pour que celle-ci s’affranchisse des représentations antérieures. Le professeur d’histoire reste « le faiseur de têtes pleines45 », et parmi les élèves qui ne s’intéressent pas à l’histoire, un des motifs invoqués est qu’ils sont forcés de l’étudier. « J’aimerais bien trouver quelque plaisir à étudier l’histoire mais il m’est absolument impossible d’aimer cette matière. Si les programmes étaient moins chargés et qu’il n’y ait point d’examen en fin d’année, il me semble que peu à peu je prendrais goût à l’histoire46 ». Ces réponses, en apparence banales, posent en fait un problème grave. Elles indiquent que l’histoire souvent n’est étudiée que par obligation scolaire et qu’en raison des formes de son enseignement, elle ne suscite pas une véritable curiosité. C’est une sanction sévère. L’enseignement ne parvient pas, comme y engageaient les Instructions officielles de 1954, à « développer chez tous nos disciples le goût de la lecture, le désir de fréquenter les musées, le respect des vieux papiers et des vieilles pierres, la curiosité pour le passé dans la mesure même où elle facilite l’intelligence du présent47 », sinon pour une minorité d’élèves, trois par exemple sur les trente de la classe de philosophie interrogée48.

  • 49 Baumont (M.), « À propos de la culture historique de quelques bacheliers », Information historique(...)
  • 50 Ibid., p. 223.
  • 51 Rebérioux (M.), « L’enseignement de l’histoire et de la géographie et la formation de l’esprit log (...)
  • 52 Rebérioux (M.), « La formation des maîtres », intervention au colloque de Sèvres de mars 1968, BSP (...)

23Enfin les connaissances acquises par mémorisation sont très fragiles. Par exemple, le questionnaire construit par un professeur de Lettres supérieures en 1957 pour évaluer la culture historique de ses élèves, questionnaire qui relève d’ailleurs d’une conception très datée de celle-ci, puisque toutes les questions sont purement d’ordre factuel ou chronologique : « Connaissez-vous les souverains français du xiiie siècle ? Énumérez les régimes successifs de la France entre 1780 et 1950 », le conduit à conclure que les bacheliers n’ont rien retenu de ferme ni de précis. « Un tel était grec ; tel autre doit être un artiste49 ». Même si on admet que ce type de sondage est très ambigu, parce qu’il reproduit ce qu’il décrie et que, en ce cas précis, une bonne nomenclature suffisait à répondre correctement aux questions, on comprend que le professeur se soit interrogé sur l’utilité de l’enseignement de l’histoire quand trente-neuf élèves sur les soixante de sa classe « peuplée de champions de la culture gréco-latine50 » ont été incapables de ne rien associer au nom de Périclès. Car on peut considérer que cette connaissance appartient au registre de celles qu’il revient à l’enseignement secondaire de mettre en place, étant entendu que les outils de la culture historique regroupent également l’apprentissage d’une méthodologie et de modes de raisonnement. Madeleine Rebérioux, en exposant comment à partir de l’étude des causes et des conséquences l’histoire contribue à la formation de la pensée logique51, ouvre dès 1952 des pistes fécondes à l’instrumentalisation de la connaissance historique et, sans doute, comme elle le soulignera plus tard, plus pertinentes que le parti pris pédagogique d’enseigner une histoire uniquement explicative du présent52.

  • 53 Vasseur (L.), « Que pensent les élèves de l’histoire et de la géographie ? », BSPHG, n° 157, oct. (...)
  • 54 COQUERELLE (P.), « L’histoire et nos élèves », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 46.
  • 55 Plandé (R.), « Réflexions sur nos disciplines », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 33-35 (...)

24Encore encyclopédique et mnémotechnique, l’enseignement de l’histoire se départ mal d’un aspect obsolète. À l’heure où l’essor des techniques et des sciences déplace les centres de gravité des études de l’enseignement du second degré, certains élèves reconnaissent s’intéresser à l’histoire pour « ne pas paraître trop bête » pour « tenir sa place dans une conversation53 » ; l’un d’eux écrit même « l’histoire permet de parler dans un salon54 ». Enseignement inutile, superflu, signe de distinction d’une mondanité désuète, que de sources de doute et de désarroi pour les professeurs d’histoire, même si les plus perspicaces voient dans ces réactions l’expression d’une société mystifiée par sa croissance et de l’apparente banalisation de la culture55.

  • 56 « L’utilisation de la documentation dans l’enseignement d’histoire », l’Éducation nationale, 12, d (...)
  • 57 Ferro (M.), « Le film, une contre-analyse de la société », in Faire de l’histoire, Nouveaux objets(...)
  • 58 Reinhard (M.), L’enseignement de l’histoire, Paris, PUF, 1957.

25L’enseignement voit notamment poindre dans les années de la croissance un nouveau défi, celui de la télévision. Fait de société dans la mesure où de nombreux foyers font l’acquisition d’un téléviseur, la télévision est utilisée, au sein de l’institution scolaire, comme une des techniques nouvelles de l’enseignement, prenant en quelque sorte le relais de la radiophonie scolaire et proposant comme celle-ci des émissions ponctuellement exploitables, qu’elles aient été réalisées ou non par l’Éducation nationale. Ainsi l’enquête sur la documentation de septembre 1957 n’omet-elle pas de la mentionner parmi les sources audiovisuelles56. La lecture des images mobiles, qu’elles soient projetées sur petit ou grand écran, fait donc partie des apprentissages méthodologiques du travail sur documents, bien que le document filmique, obtenu après montages et trucages, soit perçu comme un document imparfait, suspect, voire indésirable pour l’historien dans l’univers mental duquel il trouve difficilement place, comme l’a montré Marc Ferro57. L’ouvrage de M. Reinhard porte la trace de ces réserves ; l’exploitation des émissions y est conçue comme un complément qui montre des lieux, des documents, et le professeur en contrôle l’impact58, tandis que celui de P. Maréchal Initiation à l’histoire par le document propose des grilles d’analyse novatrices.

  • 59 Aymonnier (H.), « Enseignement de l’histoire et télévision », Letonturier (L.-P.) et Ngokim (F.), (...)
  • 60 Poinssac-Niel (J.), « Le message audio–visuel », Cahiers pédagogiques, n° 66, fév. 1967, p. 44 à 5 (...)

26L’équipement des foyers français complexifie la question de l’usage scolaire de la télévision par laquelle les professeurs d’histoire sont au premier chef concernés. La télévision produit en effet, de 1953 à la fin des années soixante, un nombre important d’émissions historiques, dramatiques dont la plus suivie est, de 1956 à 1966, La caméra explore le temps ou films de montage pour l’histoire du xxe siècle. En outre, bien des programmes, les actualités, les débats, voire les jeux, mobilisent des références au passé. Cela signifie que les professeurs sont conduits à se situer par rapport à un phénomène de civilisation qui offre aux élèves des images de la réalité humaine et sociale qui télescopent celles des cours d’histoire. La télévision, en tant que productrice d’histoire, concurrence l’enseignant sur le terrain où il est censé être le plus utile et exceller, celui de donner aux élèves le goût de l’histoire, d’en susciter l’intérêt, parce que l’image filmique crée de façon plus efficace que la parole un effet de réalité et de vérité. L’inquiétude grandit donc parmi les enseignants qui s’interrogent sur la division des rôles entre le professeur et la télévision59, dans des formes assez proches de celles du début du siècle marqué par la promotion du manuel. Mais, cette fois, le combat leur paraît beaucoup plus inégal, voire perdu d’avance. Le succès de l’histoire télévisée auprès du grand public, contrastant avec l’image que ce dernier garde souvent de l’histoire scolaire, ne manque pas d’aviver l’opposition du corps professoral qui ne reconnaît guère d’autre culture que la culture livresque. Cependant, les enseignants favorables au renouvellement de la discipline proposent d’utiliser la télévision comme un outil supplémentaire de connaissance, mis à profit pour développer le sens critique. Responsables de la formation civique de l’élève, ils inscrivent à leurs fonctions celle de former le téléspectateur, en lui apprenant à lire l’image et à canaliser l’information60.

  • 61 L’école parallèle est évoquée, lors du colloque franco-belge de Sèvres, par Robert Mandrou dans la (...)

27Certes, le débat relève essentiellement de la prospective mais l’amplification qu’il connaît est révélatrice des incertitudes qui pèsent sur l’avenir de la pédagogie traditionnelle. Le phénomène de l’« école parallèle61 » fait partie des nouvelles données de l’éducation.

  • 62 Ponsot (P.), « La croisée des chemins », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 69-71.
  • 63 Ibid., p. 69.

28Ces années de mutation placent l’enseignement de l’histoire à « la croisée des chemins », selon le titre d’une des communications aux Cahiers pédagogiques de 196762, présentée par la rédaction dans la rubrique « un renouvellement est-il nécessaire ? ». Selon le rédacteur de l’article, le statu quo que les professeurs d’histoire et de géographie, par l’intermédiaire de leur association, ont défendu au nom d’une certaine conception de la culture historique est de plus en plus incompatible avec un enseignement secondaire en cours d’éclatement et, « si les programmes et les méthodes d’aujourd’hui restent inchangés, la situation pourrira de plus en plus63 ».

  • 64 C’est pourquoi les critiques vont culminer en 1968 ; Cf. p. 379-381.
  • 65 À l’assemblée générale du 11 novembre 1963, le président de la Société déclare : « Qu’il me soit p (...)
  • 66 Les inspecteurs généraux d’histoire et géographie, « La qualification des professeurs », l’Éducati (...)

29Une grande part de ces affirmations sont exactes. Le milieu de la décennie 1960-1970 marque un tournant. La discipline s’affaiblit, entraînée dans le déclin de la culture classique. Sans doute les possibilités de rénovation ont-elles été bloquées par la politique globale d’éducation qui exprimait elle-même un choix de société64. Les instances dirigeantes de la Société des professeurs d’histoire et de géographie rendues coupables de n’avoir mené qu’un combat d’arrière-garde, se sentent, avec raison, de plus en plus contestées65. L’Inspection générale, quant à elle, juge utile de réagir collectivement à une lettre publiée dans l’Éducation nationale66 qui remet en cause l’attribution de l’enseignement de l’histoire à des professeurs spécialisés. De toutes parts, hors et à l’intérieur de la discipline, la critique fuse. Elle est toutefois à double tranchant puisque, rassemblant d’un côté les forces actives de la discipline, elle est l’arme de ceux qui, sur le bord opposé, songent à la démanteler en arguant de son inadaptation au monde moderne. Alors que la production historique française connaît un rayonnement remarquable, l’enseignement de l’histoire semble paradoxalement entrer dans une nouvelle période de crise.

Le temps des turbulences

Pour l’aggiornamento

  • 67 Rapport du président à l’assemblée générale du 11 nov. 1964, BSPHG, n° 190, fév. 1965, p. 382.

30À partir de 1965, l’exaspération grandit dans les communiqués du Bureau ou du Comité de la Société des professeurs d’histoire et de géographie et parmi les praticiens. La réforme du second cycle et la préparation des programmes qui en découle cristallisent les luttes d’influence. Alors que les historiens cherchent à maintenir les positions de la discipline, voire à les améliorer puisqu’ils considèrent avoir été pénalisés par la réforme des collèges67, les menaces qui pèsent sur les horaires et les programmes, particulièrement dans les sections scientifiques et techniques, se concrétisent.

  • 68 Lepiney (G.), « L’explosion scolaire », Esprit, n° 309, sept. 1962, p. 197-217 ; Natanson (J.), «  (...)
  • 69 « Le colloque de Caen sur la recherche et l’enseignement scientifique », l’Éducation nationale, n° (...)

31Depuis les travaux de la commission Langevin-Wallon, un des axes de la réforme éducative est, dans le cadre de la démocratisation de l’enseignement du second degré, la rénovation des études scientifiques de façon à ce qu’un nombre accru d’élèves s’y oriente et que la France résorbe ainsi son déficit en chercheurs et ingénieurs68. À partir de 1956, se consacre à ce programme l’Association pour l’étude de l’expansion de la recherche scientifique, fondée à partir du Comité du même nom. Sous le patronage de la revue politique, les Cahiers de la République, dirigée par Pierre Mendès-France, l’AEERS organise un premier colloque à Caen en novembre 1956 auquel l’administration centrale de l’Éducation nationale prend part en la personne notamment de Crémieux-Brilhac, conseiller technique au cabinet du ministre. Y est affirmée la nécessité de donner la priorité à l’enseignement scientifique et technique par une ventilation des programmes et des horaires de l’enseignement, telle que le nombre d’heures accordé aux sciences soit augmenté en moyenne de trois par semaine de la sixième à la troisième69.

  • 70 Le prix Jean Perrin créé pour couronner les meilleurs travaux est attribué en 1963 à Lépiney, Jacq (...)
  • 71 « Textes élaborés par la commission I du colloque de Caen », l’Éducation nationale, n° 808, 8 déc. (...)
  • 72 Ibid.

32Après avoir impulsé plusieurs projets de recherche relatifs à la démocratisation de l’enseignement et à la promotion de la recherche et de la découverte scientifiques70, l’AEERS organise en novembre 1966 un deuxième colloque sur les transformations de l’Université, elle-même en pleine croissance, au cours duquel les participants sont amenés à définir ce qu’ils attendent de l’enseignement du second degré71. Ceux-ci, essentiellement universitaires des établissements scientifiques ou enseignants acquis à la cause de la rénovation, chargés de responsabilités importantes au sein même de l’institution, demandent résolument que le volume des programmes de toutes les matières soit réduit de 30 à 50 % afin que les bases des élèves soient mieux assurées. Ils proposent que l’élève choisisse quatre matières principales parmi lesquelles figurerait obligatoirement le français et insistent sur la nécessité d’apprendre aux élèves des méthodes qui les forment à l’approche des problèmes quel qu’en soit le support, c’est-à-dire la discipline. « En d’autres termes, est-il précisé, la méthode générale doit être complètement opposée à celle qui consiste à les écraser sous un encyclopédisme que l’évolution des sciences et techniques ne fera qu’amplifier72 ».

  • 73 « Manifeste pour l’éducation nationale », Cahiers pédagogiques, n° spécial, avril 1963.
  • 74 « Le combat pour l’histoire », BSPHG, n° 180, juil. 1964, p. 671. J. Boutier et D. Julia citent le (...)
  • 75 Rapport de la Commission Lichnerowicz, Le Monde, 8 déc. 1966, p. 11. Cette commission, présidée pa (...)

33Rejoignant les revendications du mouvement pédagogique, comme l’atteste le numéro spécial des Cahiers pédagogiques condamnant l’encyclopédisme73, et celles de l’organisation « Défense de la jeunesse scolaire » composée d’enseignants, médecins et parents, ces propositions d’allégement de programmes font l’objet au niveau des associations de spécialistes de tractations serrées. D’une façon générale, l’évolution économique conférant à la formation scientifique une valeur sociale de plus en plus élevée, les représentants des matières scientifiques sont en position de force dans les discussions des projets de réforme et leurs intérêts entrent en concurrence avec ceux des disciplines littéraires. Ainsi, en 1964, la réduction des horaires d’histoire dans les sections scientifiques du second cycle suggérée par l’Association des professeurs de mathématiques et l’Union des Physiciens provoque-t-elle un vif émoi74. L’histoire et la géographie sont amalgamées à un bloc de « disciplines de culture générale » affecté de six heures d’enseignement, horaire dont chacune des disciplines fondamentales mathématiques et sciences physiques disposerait à elle seule. La commission sénatoriale de contrôle de l’enseignement constituée en avril 1966 établit des distinctions identiques75. Les matières de formation de l’esprit, selon le rapport remis au Sénat, sont opposées aux matières de mémoire, au nombre desquelles sont explicitement citées l’histoire, la géographie et les sciences naturelles. À l’heure où la création des sections A, B, C et D, prévue par l’arrêté de juin 1965 pour la rentrée 1967, rend urgentes les décisions, l’histoire et la géographie sont menacées.

  • 76 Rapport du président à l’assemblée générale du 11 nov. 1964, BSPHG, n° 190, fév. 1965, p. 382 sq.
  • 77 Circulaire du 16 décembre 1959, BOEN, n° 1, 7 janv. 1960, p. 26.

34Trois dispositions de la réforme de 1965 apparaissent d’emblée peu favorables à l’enseignement de l’histoire et de la géographie. Ces deux matières – et l’instruction civique – disparaissent des sections techniques des classes terminales, donc du baccalauréat – et leurs horaires sont allégés dans les classes scientifiques. Cette première mesure sanctionne l’échec de la politique de l’association de spécialistes, politique que la présidente résume en ces termes, identifiant la discipline à la Société : « Nous avons toujours tenu à être présent dans toutes les sections », sous-entendant avec les mêmes horaires et les mêmes programmes76. En second lieu, l’épreuve écrite d’histoire et de géographie est supprimée à tous les baccalauréats, rendant la « conquête » de 1960 bien éphémère77. Enfin, la création d’une section économique, la section B, marque la fin définitive des efforts déployés avec constance par les historiens pour s’y opposer et garder le monopole de l’enseignement des sciences sociales, depuis que le projet de la commission Faral avait débouché en 1953 sur l’ouverture à titre expérimental de classes de sciences économiques. Avec la nouvelle organisation, alors que la Société des professeurs avait récemment remis au directeur de la pédagogie de l’enseignement du second degré une esquisse de programme, les professeurs d’histoire et géographie souhaitant enseigner les sciences économiques se retrouvent sur les postes affectés à la section B en concurrence avec les professeurs des lycées techniques, titulaires d’une licence de sciences économiques ou du CAPET. Cette situation explique en partie que la revendication de fondre l’histoire, la géographie et l’instruction civique dans un ensemble de « sciences sociales » ait trouvé au cours de ces années soixante un écho particulier.

  • 78 Poinsot (H.), « La croisée des chemins », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 69-71.
  • 79 Stage sur l’enseignement de l’histoire et de la géographie et de l’instruction civique en Terminal (...)
  • 80 Rapport moral du président à l’assemblée générale du 11 novembre 1967, BSPHG, n° 209, fév. 1968, p (...)
  • 81 Monestier (L.), « Le sauvetage de l’histoire », BSPHG, n° 203, fév. 1967, p. 573-575.
  • 82 Casanova, Paris, Weyl, « Appel pour la défense de l’histoire », BSPHG, n° 206, oct. 1967,p. 76-79.
  • 83 Citron (S.), « Pour l’aggiornamento de l’histoire et de la géographie », BSPHG, n° 206, oct. 1967. (...)
  • 84 Rapport moral du président à l’assemblée générale du 11 nov. 1967, BSPHG, n° 209, fév. 1968, p. 51 (...)

35La dévalorisation des savoirs scolaires de culture générale que la concurrence des médias ne fait que renforcer offre l’occasion pour un certain nombre de professeurs d’histoire et de géographie, une « minorité agissante » comme l’écrit l’un d’eux78, d’appeler à une réflexion collective sur la mise à jour de leurs disciplines. Amorcée dans le Bulletin, elle se prolonge en 1966 dans le cadre de la préparation des numéros des Cahiers pédagogiques consacrés à l’histoire. L’audience de l’entreprise est elle-même significative. Quelque quatre-vingts articles, dont les auteurs sont quelquefois ceux qui envoient leur billet au Bulletin, sont parvenus à la rédaction des Cahiers. Celle-ci réalise donc deux numéros ; dans le premier consacré aux problèmes généraux de l’histoire, la question du renouvellement de la discipline constitue le tiers du dossier et le diagnostic de crise est formulé par certains. Le second, réservé aux méthodes, présente en même temps les lignes d’une transformation intérieure de la discipline. De l’ensemble de ces textes, un mouvement très net se dessine pour orienter les contenus du second cycle vers la compréhension des temps contemporains, présentée comme une des modalités de l’adaptation de la discipline à la demande sociale. L’Inspection générale adopte une attitude ouverte et favorable. Au stage de Sèvres, organisé en mars 1966 et consacré aux programmes de Terminales, l’inspecteur Crouzet demande aux professeurs de « se réadapter à une toute autre façon de procéder79 ». La possibilité de mixer les programmes des trois disciplines, histoire, géographie et instruction civique est approuvée ; les nécessités pédagogiques viennent à bout des habitudes universitaires de cloisonnement. La Société des professeurs d’histoire et de géographie procède elle-même à son autocritique. À l’assemblée générale du 11 novembre 1967, le président de la Société reconnaît que « beaucoup de temps a été perdu pour peu de résultats80 ». Il faut dire que les chroniqueurs de la tribune libre se font de plus en plus vindicatifs, expliquant le déclin de la discipline par la conception de son enseignement. « Les historiens sont les plus menacés par les réformes en préparation ; nous devons renouveler entièrement notre enseignement ou périr81 », déclare par exemple un professeur à la fin d’un réquisitoire violent contre l’encyclopédisme, tandis qu’en octobre un appel pour la défense de l’histoire est parvenu au Bureau national de la Société et à tous les collègues82. Dans ce même numéro, Suzanne Citron signe un article qui demande l’aggiornamento de l’histoire et de la géographie83. Les Annales le reproduisent dans la rubrique « Débats et combats » du premier numéro de l’année 1968, assorti de quelques lignes de Fernand Braudel dans lesquelles il fait part de son approbation. Cette publication, mais plus encore le moment où elle intervient, font de l’article de S. Citron, quelques mois avant mai 1968, une des bases du débat sur le renouvellement de l’enseignement historique, dans un contexte que le président de la Société des professeurs d’histoire et de géographie décrit comme le « temps des incertitudes et des discussions84 ». D’une façon plus large, les actions engagées au sein de la discipline sont relayées par un actif mouvement de rénovation animé par des professeurs qui interviennent soit à titre individuel, soit comme militants de mouvements pédagogiques. À ce titre, est essentiel le rôle d’Enseignement 70, groupe de recherches d’enseignants de toutes catégories qui, souvent venus au militantisme à partir de leur engagement à l’UNEF contre la guerre d’Algérie, souhaitent se situer à l’intersection de l’action et de la recherche pédagogique, et se fixent comme programme, depuis 1962, la révision des contenus de l’enseignement à partir d’une interrogation sur les besoins de la société contemporaine.

  • 85 « Les propositions de la commission de réforme », Le Monde, 4 avril 1967, p. 10.

36Cette effervescence rend la gestation des nouveaux programmes du second cycle difficile. Préparées par une commission consultative placée sous la présidence de P. Renouvin, réunissant les professeurs de l’enseignement supérieur F. Braudel et V. Tapié, les inspecteurs généraux F. Crouzet et L. François, des enseignants du second degré et J-M. D’Hoop le président de la Société des professeurs d’histoire et de géographie, les propositions ont été remises au ministère et rendues publiques au début du mois d’avril 196785. Elles sont toutefois, plus de six mois après, toujours sans réponse, alors que, dans les discussions avec le directeur de l’organisation et des programmes scolaires, la mise en application a été envisagée à la rentrée 1968 pour les classes de seconde. Le plan élaboré par la commission de réforme place l’étude du monde contemporain au centre des programmes du second cycle, du milieu du xixe siècle à nos jours. La classe de seconde est consacrée aux caractères généraux du développement des sociétés, des États et des relations internationales de 1848 à 1914, celle de première à une approche plus événementielle jusqu’en 1945, et plus structurale après la seconde guerre mondiale ; enfin l’étude des grandes civilisations du monde contemporain occupe la totalité de l’année terminale, histoire et géographie fusionnées. Par rapport à ceux de 1959, les programmes prévus représentent un substantiel allégement, tant du point de vue strictement chronologique puisqu’ils commenceraient dorénavant à ce qui était jusqu’alors le début du programme de première, que dans l’esprit qui les dicte. La commission a ainsi jugé utile de définir les questions que les professeurs devraient enseigner et les examinateurs poser afin d’éviter toute déformation provenant ou des situations de classe ou des examens. Elle fixe également un certain nombre de recommandations aux rédacteurs des manuels scolaires (pas plus de cinq pages de lecture pour chaque leçon) et demande que les travaux pratiques représentent un tiers du total des cours des classes terminales. Ne se contentant donc pas de rédiger le programme, elle pose des garde fous qu’elle signale comme indispensables à la réalisation de la réforme.

  • 86 « Les nouveaux programmes d’histoire et de géographie », Le Monde, 27 juin 1967, p. 12.
  • 87 Citron (S.), « Un manque d’audace », Le Monde, 27 juin 1967, p. 12.
  • 88 Citron (S.), « Pour l’aggiornamento de l’histoire et de la géographie », op. cit.

37Assez bien accueillie si l’on en juge par la correspondance que publie Le Monde, « un projet qui correspond aux vœux des professeurs86 », écrit un enseignant, la plate-forme peut paraître manquer d’audace dans la mesure où l’encyclopédisme n’est pas vraiment combattu. Tel est l’avis de S. Citron : « Proposer neuf civilisations c’est ne pas avoir voulu renoncer à un parcours exhaustif de l’espace contemporain. Dans les autres classes, on continue à obéir à la logique encyclopédiste sans tenir réellement compte de la scolarité concrète, de la durée des dialogues officialisés par les travaux pratiques et des facultés réelles d’assimilation des jeunes87 ». C’est pourquoi l’article pour l’aggiornamento se veut un appel à l’action en vue d’engager la mutation des deux disciplines, action pour laquelle la première échéance retenue est l’organisation d’un colloque sur « l’évolution des sciences humaines et son retentissement sur les enseignements88 ». La remise en cause de l’histoire et de la géographie prend appui en effet sur le caractère dénoncé comme anachronique de matières figées dans des délimitations épistémologiques qui datent de la fin du xixe siècle et l’analyse s’accompagne d’une critique radicale du système d’enseignement de la Troisième République. L’aggiornamento envisagé n’est pas seulement celui de l’histoire-géographie mais également celui des structures et des finalités éducatives. Aussi l’article porte-t-il doublement la marque de la décennie où il est écrit. Le mouvement intellectuel est au décloisonnement des savoirs et aux approches structurales et dans l’espoir d’une réforme imminente, la critique sociale prend une dimension nettement polémique. Adressé indirectement à l’Inspection générale, interpellée en dehors de toute considération hiérarchique au titre de spécialiste des deux disciplines, le message de S. Citron est entendu. Le colloque, organisé par la direction de la pédagogie de l’enseignement du second degré et l’Inspection, initialement prévu en mars, est reporté en décembre 1968, sous la pression de la Société des professeurs d’histoire et de géographie qui a demandé à être associée à la préparation et ouvre le Bulletin à la confrontation des opinions.

  • 89 Geoffroy (J.), Compte rendu du colloque franco-belge de Sèvres, 20-23 mars 1968, BSPHG, n° 212, ju (...)
  • 90 « Au lycée pilote d’Enghien, Renouvellement de l’enseignement de l’histoire et de la géographie », (...)

38Au printemps 1968, la recomposition de la discipline fait donc, depuis plus de deux ans, l’objet d’une réflexion de plus en plus ouverte et de propositions élaborées par les tenants de la réforme pédagogique. Par exemple, du 20 au 23 mars, au colloque sur l’enseignement de l’histoire, placé sous l’autorité conjointe de la France et de la Belgique, dont la direction générale de l’organisation des études avait déjà participé à la rédaction des Cahiers pédagogiques en 1967, est présentée la recherche expérimentale du lycée pilote d’Enghien relative au renouvellement des méthodes de l’enseignement de l’histoire89. Effectuée dans le cadre d’un contrat avec l’IPN et fondée sur le postulat que l’enseignement magistral est anti-éducatif, l’expérience consiste à insérer de façon systématique des activités dirigées dans l’horaire des classes confiées à différents professeurs du lycée durant l’année scolaire 1967-1968, afin d’évaluer quelles modifications des contenus, des méthodes et des perceptions de l’enseignement de l’histoire en résultent90. Ce faisant, la recherche n’est pas exempte de finalisme puisqu’elle est orientée de façon à établir ce qu’elle a postulé et à étudier, pour l’institution qui la commandite, la faisabilité d’un autre projet scolaire. Révélatrice de l’ambiguïté de recherches pédagogiques produites par et pour l’institution scolaire à qui elles ouvrent, en période de crise, les voies de l’alternance, elle illustre la capacité qu’a l’école de procéder elle-même aux réformes indispensables à son fonctionnement, lorsque cela devient le dernier recours.

  • 91 « Le plan d’Alain Peyrefitte sur la rénovation pédagogique », l’Éducation nationale, n° 854, 7 mar (...)

39Le plan de rénovation pédagogique, annoncé par le ministre A. Peyrefitte en février 196891, peut en sembler une autre modalité, puisqu’il se donne pour objectif de généraliser les principales méthodes modernes pratiquées isolément depuis « quelques dizaines d’années ». Toutefois la prévision de limiter leur mise en œuvre à la rentrée 1968 à un établissement du second degré par académie se situe très en deçà des attentes des partenaires du système éducatif qui se sont mobilisés en faveur d’un projet pédagogique résolument nouveau.

40S’il est patent que les principales questions sont posées quand la crise de mai éclôt, comme le montre le colloque d’Amiens dont il sera question plus loin, le mouvement va entraîner une amplification et une politisation de la remise en cause de l’institution universitaire et scolaire, des savoirs et des valeurs qu’elle véhicule. Dans la contestation de la société bourgeoise qui se développe dans les forums universitaires, l’histoire, déjà mise à mal par la critique structuraliste, est dénoncée comme un des instruments de la domination par lesquels la classe au pouvoir se perpétue et une des formes de l’aliénation culturelle. Qu’est d’autre l’historiographie dont se nourrit l’histoire scolaire qu’une légitimation des rapports sociaux par l’élite qui détient le monopole de la production du savoir ? Il faut renverser l’ordre des choses, c’est-à-dire donner aux minorités de tous ordres le droit d’écrire leur propre histoire et, sur le plan universitaire, par l’exercice du « pouvoir étudiant » et la cogestion, contrôler les programmes et les méthodes d’enseignement.

  • 92 Les Comités d’action lycéens sont issus des « Comités-Vietnam ». Certains localement étaient contr (...)
  • 93 Lecuir (J.), « L’histoire, la géographie et l’instruction civique à travers les livres blancs de m (...)
  • 94 Ibid., revendication du CAL du lycée Janson-de-Sailly, Paris.

41Cependant, les échos du discours tenu notamment par l’Union des jeunes communistes marxistes-léninistes, qui appelle à faire la révolution en abolissant d’abord les rapports de classe au sein de l’Université, retentissent peu à l’intérieur de l’institution scolaire. Certes, l’UJCML et les autres groupuscules gauchistes, comme la JCR, constituent l’avant-garde politisée des Comités d’action lycéens92, mais l’amplification du débat sur l’école tient plutôt à la prise de parole qui se produit spontanément dans les établissements. Or il émane de l’expression des lycéens, quels que soient les thèmes spécifiques d’une jeunesse en rupture de ban, une demande assez proche des revendications d’aggiornamento dans la mesure où ce que contestent les élèves est l’inadaptation de l’enseignement à la société moderne et la sclérose des méthodes pédagogiques. À travers la très grande diversité des opinions, se dégage une aspiration commune à une école qui épanouisse au lieu qu’elle assoupisse ou contraigne et à un enseignement ouvert sur la vie et l’actualité, « en relation étroite avec les problèmes contemporains93 ». C’est à un bain de jouvence que les jeunes veulent soumettre les disciplines scolaires, condamnant le cours magistral et surtout la relation d’autorité qu’il institue, rejetant les compositions et tout ce qui, depuis plus de deux décennies, était accusé de corseter l’éducation secondaire, mais aussi demandant à être les propres acteurs de leur savoir. « Il faut en finir avec le lycée snack-bar de la culture et avec l’élève consommateur qui digère passivement et solitairement une nourriture qu’on lui impose94 ».

  • 95 Ibid., p. 63-64.
  • 96 Ibidem, p. 60.

42Ainsi, loin d’envisager la suppression de l’histoire et de la géographie, les lycéens souhaitent-ils qu’elles leur soient enseignées pour d’autres fins et avec d’autres procédés. L’ouverture de l’école sur la vie passe pour ceux qui prennent la parole dans les CAL par une éducation qui prépare les engagements de demain. « C’est vrai : des jeunes gens s’interrogent ouvertement sur leur monde. Ils ne sont ni sourds, ni aveugles, ni muets. Ils cèdent à leur désir de mieux connaître, pour la mieux comprendre et en mieux parler, cette société dans laquelle ils vivent déjà et aux destinées de laquelle ils veulent participer activement dès demain. Ils s’interrogent aussi sur les moyens et les informations mis à leur disposition pour leur permettre d’acquérir cette maturité et cette lucidité sans lesquelles il est vain de prétendre assumer ses responsabilités dans la cité : ils s’inquiètent de l’enseignement qui leur est donné95 ». Cet extrait du journal du lycée de Libourne, exemple parmi d’autres de l’attente des jeunes, orientée vers une compréhension active du monde présent, en faisant écho au programme que C. Seignobos fixait en 1907, indique que le sentiment d’une défaillance de l’enseignement est partagé par tous ceux qui, adultes ou non, considèrent que la finalité première de l’histoire et de la géographie est de rendre possible cette compréhension. Mais les suggestions relatives à l’emploi des techniques audiovisuelles, aux visites « non seulement dans les musées, mais aussi dans les usines, quartiers, régions géographiques proches ou lointaines96 », le souhait d’organiser des débats sur des thèmes d’actualité ou des études de presse, de former des clubs d’information politique sont autant de propositions qui révèlent que l’enseignement de l’histoire et de la géographie se confond souvent avec une éducation civique rénovée et qu’en revanche, la spécificité de la connaissance historique n’est absolument pas perçue. Faut-il, au demeurant, s’en étonner, sachant qu’à aucun moment, les élèves, en classe d’histoire, n’ont eu l’occasion d’entrevoir les processus par lesquels se construit le savoir historique ?

43S’il n’est donc pas du tout certain que l’histoire et la géographie conservent leur configuration dans la culture politique qu’imaginent les élèves, dans l’immédiat, l’éclosion de parole provoque une réflexion salutaire et, au cours du mois, le débat se diffuse également dans la communauté enseignante. Les événements, montrant la fragilité des équilibres de l’institution, jusque dans la relation maître-élèves, un nombre croissant de professeurs jugent utile que soit modernisé le système scolaire. C’est dans cet état d’esprit, relativement ouvert à la réforme, que reprend à la rentrée 1968 la discussion des programmes d’histoire et de géographie du second cycle, à l’initiative de l’Inspection générale dont les fonctions ont été vivement contestées au mois de mai.

  • 97 Journée d’étude des programmes d’histoire, géographie et instruction civique, BSPHG, n° 214, déc. (...)
  • 98 BSPHG, n° 214, déc. 1968, p. 163.
  • 99 Rapport de l’assemblée générale du 11 nov. 1968, BSPHG, n° 216, 1969, p. 448. 39 participants se p (...)

44Deux mois avant la réunion du colloque de Sèvres, se dégagent lors de cette journée du 24 octobre 1968 des points d’accord et des divergences97. Deux propositions de principe semblent acquises ; la première porte sur le programme des classes terminales réservé à une étude strictement contemporaine où s’articulent étroitement histoire, géographie et instruction civique. La seconde concerne la nécessité d’alléger les programmes qui, malgré l’unanimité des enseignants, continuait de provoquer les inquiétudes des inspecteurs. Mais le débat achoppe sur la classe de seconde. Comment entendre l’étude du monde actuel ? Est-ce par une approche chronologique systématique des temps contemporains ou par l’étude des temps forts au cours desquels le monde contemporain s’est façonné, comme l’entend un projet novateur98 qui propose de rompre avec le temps court des traditionnels programmes afin que les élèves puissent saisir le jeu des forces profondes ? En fait, le consensus sur la classe de seconde est impossible parce que se focalisent là les divergences sur les finalités de l’enseignement de l’histoire. Sous-jacente à toutes les analyses, la question est occultée en tant que telle par une partie des enseignants et du corps d’inspection. Arguant de la nécessité de prévoir rapidement les nouveaux programmes pour éviter le pire, la majorité des intervenants refuse d’engager le débat en raison de ses implications idéologiques et se cantonne délibérément dans l’examen réformiste des contenus d’enseignement de leur discipline, pour éviter d’avoir à se déterminer sur la culture scolaire d’un enseignement secondaire de masse. Les divisions sont vivaces et filtrent même à propos de questions qui ne semblent que techniques. Par exemple, à l’assemblée générale des adhérents de la Société, l’annonce de la circulaire ministérielle selon laquelle les élèves présenteront au baccalauréat une liste limitative de sujets provoque le tollé de la moitié des participants99 alors que cette demande était à l’ordre du jour depuis dix ans – on en trouve l’évocation dans les Cahiers pédagogiques de 1957 – et que les élèves l’avaient formulée eux-mêmes en mai 1968.

  • 100 « Les journées d’études de Sèvres, BSPHG, n° spécial, 218, mai 1969.
  • 101 Ibid., p. 771-772. La requête est signée conjointement par les professeurs, les élèves et les insp (...)

45Dès lors, les points d’accord représentent un compromis dont les termes sont suffisamment généraux pour que chacun puisse les interpréter en fonction de ses propres opinions et pour que le ministre de l’Éducation nationale Edgar Faure dans le message inaugural du colloque de Sèvres en décembre les reprenne lui-même100. Ainsi, le ministre engage-t-il les enseignants à réfléchir au cours de ces journées aux moyens de délester les programmes de leur surcharge encyclopédique et de réaliser par leur enseignement une véritable initiation des jeunes au monde contemporain. Si, six mois après le mouvement revendicatif de mai, il ne peut guère tenir d’autres propos, les enseignants profitent de ces bonnes dispositions pour suggérer comme modifications concrètes, dès la rentrée 1969, l’instauration d’heures de travaux dirigés obligatoires et l’octroi aux enseignants de temps de concertation101.

46Les textes votés au cours du colloque en assemblée générale après avoir été élaborés par les commissions, à partir de la large consultation qu’avaient organisée la Société des professeurs et ses Régionales, traduisent une situation confuse. Réuni à l’initiative d’Enseignement 70, qui a sollicité et obtenu l’accord de l’inspecteur général L. François, le colloque rassemble soit des participants invités par l’administration centrale ou par l’Inspection générale, universitaires, auteurs de manuels, conseillers pédagogiques et enseignants pour lesquels le fait d’avoir été retenu est une reconnaissance de leurs qualités professionnelles, soit des membres d’associations ou des personnes œuvrant pour la rénovation. Composée de membres très divers – des élèves des lycées de Sèvres et de Saint-Cloud sont également présents –, l’assistance trouve difficilement un accord. Ainsi, le fait que la commission « programmes » ne parvienne pas à harmoniser ses positions sur les contenus, parce que la vieille querelle autour de l’enseignement chronologique ou thématique rebondit, rend-il inutiles les modalités de rédaction des programmes sur lesquelles s’était entendu l’ensemble des participants. De même, la commission « méthodes » parvient à établir des conclusions fermes et modérées sur la complémentarité des techniques d’enseignement, exposé, magistral ou non, travaux pratiques, et travail libre, c’est-à-dire recherches, visites et débats, mais ses propositions les plus novatrices, concernant notamment le travail en équipes, sont dans les faits subordonnées au remaniement des programmes. Tout aussi improbables sont les dispositions relatives au travail interdisciplinaire ou aux activités hors du cadre scolaire.

47En l’absence d’accord sur les programmes, parce qu’en amont, la définition de ce que doit être l’histoire en tant que savoir scolaire n’a pas été élucidée, l’aggiornamento, quelle que soit la forme qu’on lui donne, est dans une impasse. La plupart des vœux adoptés à Sèvres sont d’emblée condamnés à rejoindre ceux que les multiples assemblées générales de la Société des professeurs d’histoire et de géographie ont déjà déposés sur le bureau ministériel. Tandis qu’E. Faure a confié à F. Braudel le soin de réunir une nouvelle commission chargée de proposer d’autres programmes, on s’achemine vers un aménagement ponctuel de l’enseignement de l’histoire, acceptable par toutes les parties, où ne se sentent pas lésés les groupes de pression les plus impliqués dans la défense de la discipline et du corps, association de spécialistes ou syndicats.

  • 102 Lettre de Madame A. J…, professeur. Elle écrit à propos du lycée de Saint-Malo, où elle exerçait, (...)

48Or, dans le contexte politique de l’après-Mai, la possibilité de la rénovation, ajournée depuis vingt ans, s’estompe. Le renforcement de la majorité gaulliste aux élections de juin 1968 ne joue pas en faveur d’une politique éducative radicalement différente de ce qu’elle a été sous les autres ministères de la Cinquième République. Très vite, au cours de l’année scolaire 1968-1969, il apparaît que rassérénés par ce succès et le retour au calme, l’institution scolaire et les individus hostiles ou indifférents au mouvement de réforme procèdent comme s’il n’avait pas eu lieu. Sans doute faut-il considérer la diversité des établissements, des villes où ils sont implantés et des professeurs qu’ils emploient, même si la ségrégation sociale que provoque la localisation des lycées n’a pas dans les années soixante les dimensions qu’elle atteint aujourd’hui. Mais l’importance des antagonismes idéologiques qu’ont mis à jour les événements de 1968 ne s’est pas éteinte avec eux. Plus d’un enseignant est passé pour gauchiste aux yeux d’une administration locale dont le pouvoir était intact, parce que sa pratique, en fait antérieure aux événements de plusieurs années correspondait à des propositions qui avaient été exprimées en 68102. Certes, les enseignants traditionnalistes étaient, eux, accusés d’être réactionnaires, mais par une minorité de leurs pairs, et rarement par leur hiérarchie.

  • 103 Tribune libre, BSPHG, du n° 213, oct. 1968, au n° 220, oct. 1969. Rapport de l’assemblée générale (...)
  • 104 BOEN, 1969, n° 37, 2/10/1969, p. 3041-3046. Arrêté du 9 juin 1969.
  • 105 Citron (S.), Compte rendu de la recherche conduite au lycée d’Enghien, Cahiers pédagogiques, n° 87 (...)
  • 106 Ibid., p. 46.

49Aussi le désarroi a-t-il vite gagné les professeurs favorables à la rénovation. L’assemblée générale de la Société des professeurs d’histoire et de géographie en novembre rend cette inquiétude, perceptible également dans les colonnes du Bulletin103, et tenace puisque S. Citron note l’incertitude dans laquelle les enseignants abordent la rentrée 1969. Or, la publication, en septembre104, des nouveaux programmes d’histoire, de géographie et d’instruction civique pour les classes du premier cycle du second degré, applicables à la rentrée 1970 pour les classes de sixième et de quatrième, à la rentrée 1971 pour celles de cinquième et de troisième, confirme les craintes. D’une part, les nouveaux programmes diffèrent très superficiellement de ceux de 1963 et maintiennent selon les termes mêmes du texte officiel « le récit continu en longue période » où l’histoire constitue un tout homogène de la préhistoire à l’époque contemporaine ; d’autre part, en optant sans concertation pour la reproduction des programmes antérieurs, reproduction qui évite aux professeurs de procéder à la reconversion qu’auraient demandée des cadres inédits, l’administration casse la dynamique née du mouvement de mai 1968 alors que seule la mobilisation des enseignants pouvait peser en faveur des propositions de Sèvres. En même temps, le front apparemment uni des réformateurs se désagrège, comme en témoigne la polémique qui s’instaure entre S. Citron et l’inspecteur général L. François via les Cahiers pédagogiques105. Certes, l’Inspection précise que sera admise toute expérience tentée en dehors des programmes et L. François est lui-même connu pour avoir impulsé l’innovation. Mais condamnant autoritairement toute entreprise aventureuse en ces termes : « De 6 à 18 ans, il n’y a pas temps pour tout ni par n’importe quels moyens à chaque période de cet âge106 », l’inspecteur L. François tient en fait le discours-type des autorités pédagogiques qui, dans la conjoncture de l’après-Mai, navigue entre la nécessité du programme et l’importance des choix.

  • 107 Selon le compte rendu de la rencontre organisée par le CRAP pour la première fois en 1964, l’âge m (...)

50Au début des années 1970, les mouvements pour la rénovation pédagogique, bien qu’assez amers, ne désarment pas, considérant que, faute d’une réforme globale, chaque pas en avant compte. Tel est le cas des Cercles de recherche et d’action pédagogiques, fondés en 1963, composés d’enseignants qui entendent poursuivre l’action des pionniers de l’Éducation nouvelle ou d’Enseignement 70, déjà évoqué. À travers ces divers groupes rassemblant des professeurs souvent jeunes107, l’espoir de transformer l’Éducation nationale de l’intérieur survit. Parallèlement, pour des motifs multiples, l’agitation universitaire et lycéenne reste vivace jusqu’en 1974.

Quelle histoire enseigner ?

51La question des contenus de l’enseignement historique, bien qu’elle ne soit soulevée jusqu’en 1968 que par une minorité des enseignants, révèle combien perdure l’ambiguïté propre à l’histoire scolaire, celle d’un savoir qui existe dans les études secondaires en raison de l’utilité que la société lui prête, mais qui a, dans les représentations des professeurs chargés de le transmettre, valeur de connaissance absolue. En effet, même si le corps professoral se renouvelle, la formation universitaire est restée globalement analogue à ce qu’elle était avant la guerre et l’interrogation qu’une société peut conduire sur son propre passé et sur les conditions dans lesquelles elle élabore le savoir qu’elle produit ou qu’elle enseigne, reste bannie de l’Université. Bardée de règles et de précautions méthodologiques, la corporation croit produire une connaissance des sociétés passées auréolée du statut de vérité qui, parce qu’elle est vraie, appartient de facto au patrimoine culturel dont ses membres sont les gardiens. Cette conception explique que l’action de la Société des professeurs d’histoire et de géographie ait été essentiellement passéiste. Ce faisant, elle a joué un rôle de premier plan dans le maintien d’une histoire qui, implicitement, par les valeurs et les modes de pensée qu’elle véhiculait, conduisait davantage les élèves des lycées et collèges à se situer dans une continuité de civilisation que dans une société en mutation. Le pire paradoxe de l’enseignement de l’histoire des civilisations est justement de s’être inscrit dans ce schéma, alors qu’à l’origine, cet enseignement était prévu pour le rompre.

  • 108 Bourraux (J.), Enseignement 70, n° spécial, décembre 1969-janvier 1970, p. 15-16.

52Cependant, cette conception d’une histoire qu’on pourrait dire lisse s’effrite, d’une part, parce que des historiens, depuis M. Bloch ou L. Febvre, ont forgé les outils conceptuels d’une autre pratique de l’histoire, d’autre part – et surtout, car l’impact de leur réflexion met du temps à se produire – parce que l’évolution de la France dans les années des Quatrième et Cinquième Républiques, aux prises avec la décolonisation et un certain nombre de déséquilibres projetés au grand jour par la croissance, conduit des enseignants à travers une réflexion et un engagement personnel ou politique – au sens large du terme – à revisiter ce qu’ils enseignent et à combattre ce qui y relève de nouveaux dogmatismes. Ils se situent en cela dans le droit fil des réformateurs de la Troisième République qui assignaient à l’histoire la charge d’édifier l’esprit laïque de la jeunesse française. C’est aussi la même inspiration, adaptée à un contexte social profondément transformé, qui a commandé aux hommes de 1945, aussi confiants en la capacité de l’être humain à survivre aux entreprises d’anéantissement que ceux de 1900 l’avaient été en la science et le progrès intellectuel, de rechercher les voies d’une histoire plus explicative, plus globale, qui rende les élèves aptes à comprendre la société où ils vivent et à s’y insérer de façon active et non normative, c’est-à-dire à partir de choix librement construits. Le chemin menait à la remise en cause de l’enseignement historique traditionnel. Bridé par des programmes prisonniers du temps court et d’un espace resserré, accusé d’une part de sécréter le psittacisme et l’inertie, d’autre part de bloquer l’évolution du concept d’humanisme, il n’avait pas muni les élèves de la conscience de la relativité des situations humaines, bien que ce fût la fonction de l’histoire qui semblât la plus urgente aux lendemains de la seconde guerre mondiale. Ces critiques projetaient également au premier plan les procédés d’enseignement car, comme en fait état Jacques Bourraux, professeur au lycée de Dieppe, même lorsqu’on consacre plus de temps que vingt ans auparavant à enseigner l’inégale richesse du monde ou les tensions internationales, les élèves ne se situent pas d’emblée par rapport à ces données. « Ils les perçoivent comme irréelles ou comme fatales, en tout cas comme extérieures108 ». En effet, pour eux, cela fait partie du savoir scolaire, c’est-à-dire du savoir à apprendre, clos et inerte, « de la série continue des événements » mais ne fait pas l’objet d’une démarche réflexive. « La course au programme empêche de s’arrêter, de s’étonner, de se demander « comment se fait-il que… » et de découvrir dans le jeu des forces des décisions humaines, des options collectives ».

  • 109 Lecuir (J.), « L’histoire, la géographie et l’instruction civique », Les Amis de Sèvres, n° 2, jui (...)

53Or, l’opinion des élèves exprimée en 1968 étaye la cause d’une rénovation fondée en priorité sur l’acquisition d’une méthode d’analyse des situations historiques. À l’heure où les élèves réclament l’organisation de débats politiques dans l’enseignement, ils attendent de l’histoire qu’elle développe l’esprit critique, qu’elle apprenne à prendre position sur les problèmes actuels et jugent la pédagogie du cours magistral inadaptée à ces objectifs. Alors qu’au nom de la laïcité, une partie du corps professoral transmet un savoir aseptisé, certains jeunes gens soulèvent la question et n’hésitent pas à souhaiter que « tout professeur et particulièrement celui de français, d’histoire ou de philosophie, exprime loyalement ses opinions, laissant apparaître ses convictions politiques et religieuses, expose avec la même loyauté les opinions autres que les siennes à propos d’un même texte et d’un même fait » et « donne la liberté aux élèves d’exprimer la leur109 ».

  • 110 Ferro (M.), L’histoire sous surveillance, Paris, Calmann-Levy, 1985.
  • 111 R. Lafont, avec l’ouvrage La révolution régionaliste, Paris, Gallimard, 1967, signe le manifeste d (...)

54Paradoxalement, l’énumération des disciplines particulièrement concernées indique que leur dimension idéologique est intégrée dans la représentation qu’en ont les élèves, malgré tous les efforts de neutralité qu’a déployés l’école. Ainsi, les débats sur le savoir et la société, menés par ceux-là mêmes qui sont nourris de l’histoire traditionnelle, mettent-ils en 1968 en première ligne de la réflexion des questions que la majorité de la corporation avait occultées, mais qui vont dorénavant être de plus en plus difficiles à éluder. Dans une institution qui a choisi comme fin de transmettre « une mémoire unique et officielle, moulinée à partir d’un seul foyer110 », est-il possible d’enseigner une histoire qui fasse la place aux différences, à la diversification des lectures du passé, comme y engagent les démarches militantes consacrées à exhumer les mémoires populaires et régionales111 ? Si cette remise en question fait partie de ce qui va être diagnostiqué dans les années 1970 comme une crise de l’histoire, elle contribue surtout dans un premier temps à ranimer, parmi les instances dirigeantes, le spectre d’une discipline subversive et à les inciter à en contrôler l’influence.

55En effet, lorsqu’on constate que la plus grande partie des propositions faites entre 1965 et 1970 dans l’imminence d’une réforme scolaire et universitaire sont restées lettre morte, alors qu’au terme de longues discussions, les inspecteurs et les professeurs de la discipline avaient réussi à trouver un terrain d’entente sur des principes généraux, on peut s’interroger sur l’attitude du pouvoir de la Cinquième République à l’égard d’un enseignement qui s’était vu chargé quelques décennies plus tôt de l’éducation de la jeunesse française. Au fil des réorganisations, l’histoire qui subit les effets de la moindre audience de la culture classique et littéraire dans la société, semble de moins en moins faire partie des priorités éducatives. S’il n’est pas pertinent de mesurer le déclin de la discipline seulement en termes d’horaires comme le fait avec insistance la Société des professeurs, on ne peut nier que le dispositif institutionnel, en jouant la carte des disciplines scientifiques, a épousé le mouvement d’une société qui, préoccupée de profiter de la croissance, ne se tourne guère vers son passé, que pour y chercher un peu de dépaysement et d’exotisme, ce que la télévision excelle à lui offrir.

  • 112 Goubert (P.), « Libre opinion », Le Monde, 3 janv. 1967.
  • 113 Il s’agit de A. Lichnerowicz, professeur au Collège de France, qui dirige l’AEERS et préside de 19 (...)

56Il en résulte que, resituée à l’échelle du siècle, la baisse de l’influence de la discipline dans les études secondaires est incontestable. Elle laisse craindre aux contemporains que l’histoire ne soit définitivement reléguée au rang des matières accessoires. C’est dans ce contexte que s’élève la voix de Pierre Goubert112. Mettant nommément en cause, dans un propos libre et polémique, « le brain-trust mathématique et prospectif de L…113 », l’historien du Beauvaisis joue lui-même le rôle d’« empêcheur de dormir en rond », expression qu’il emploie pour désigner les historiens et qui sonne comme l’écho du message de L. Febvre, recommandant en 1947 de ne plus ronronner. En effet, P. Goubert, dans l’article qu’il remet au Monde, soulève explicitement l’enjeu sous-jacent à la proposition de l’allégement des programmes appliqué à l’enseignement historique. S’agit-il de réduire la part de l’histoire, parce que comme les autres enseignements dits de mémoire elle empiète sur les matières de formation de l’esprit ou au contraire, parce qu’elle aide à penser et à adopter une attitude critique sur la société ? S’il est certain que cette seconde mission a souvent été compromise par les pratiques les plus habituelles et les plus visibles de la discipline comme la leçon à apprendre et à réciter, le programme de la rénovation n’est pas exempt d’effets pervers que les contemporains n’ont pas toujours clairement mesurés. Une partie des suggestions de l’avant-garde pédagogique a fait le jeu d’intérêts radicalement opposés à ceux qui les avaient fait naître. Extraite de la problématique éducative et généreuse dans laquelle elle s’inscrivait, la proposition de fonder le choix des connaissances fondamentales sur le critère de leur utilité et de la capacité que l’élève a de les mobiliser aboutit en fait à réduire le savoir historique à une dimension étriquée, une sorte de savoir minimum dont le principe même est contradictoire avec la globalité et la complexité de l’action humaine dont rend compte l’histoire. De même, s’il était pertinent, dans une perspective d’adaptation à la demande sociale, de considérer les trois disciplines, histoire, géographie et instruction civique comme étroitement complémentaires, ce mouvement, tendant à fondre l’enseignement de l’histoire dans un ensemble de « sciences économiques et humaines », – ce que va officialiser la réforme faite par René Haby, ministre de l’Éducation sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing – se fait au détriment de la spécificité de la connaissance historique, de ses modalités d’élaboration et de ses finalités propres. Il est, en effet, discutable de limiter ces dernières à la seule insertion des élèves dans la société, surtout lorsque, comme le laisse craindre le détournement par l’institution du projet « apprendre à apprendre », elle est attendue de la flexibilité de l’individu. Dans une société où le principe de l’efficacité de l’acte de production s’étend au service public, comme l’attestent les actions patronnées par le ministère de l’Éducation nationale en matière de formation professionnelle, le sens de la rénovation éducative s’infléchit. Celle-ci n’est pas mise au service de la formation de l’individu, ce qui était son intention première, mais sert la cause du bon fonctionnement de l’école, c’est-à-dire de son adéquation aux exigences de la société de la croissance.

  • 114 De nombreux billets libres signalent que les professeurs sont « empêtrés dans ces contradictions » (...)
  • 115 Delmas (J.), « Travaux pratiques d’histoire », Cahiers pédagogiques, n° 3, 15 nov. 1954.

57Les professeurs ont-ils tous et toujours clarifié la question des enjeux de la discipline ? Beaucoup se sont laissé enfermer par la logique cognitive des programmes. Les plus convaincus de l’importance des apprentissages méthodologiques se sont heurtés aux exigences institutionnelles de la transmission de connaissances et à la difficulté dans les situations réelles d’enseignement, de concilier programmes et méthodes actives114. La corporation historienne se privait ainsi des moyens d’enrayer la perte d’influence qui menaçait la discipline. « Comment, écrit en 1954 un enseignant, oserions-nous revendiquer une place plus grande dans les horaires (et les examens) tant que nous n’avons pas donné un enseignement plus valable et fait nos preuves115 ? ».

58C’est ce cercle qu’a toujours cherché à briser le mouvement pour la rénovation pédagogique de l’histoire, c’est-à-dire celui qui, depuis qu’elle est devenue matière scolaire, a œuvré pour que, faisant moins appel à la mémoire et plus à l’intelligence, l’histoire scolaire forge la conscience du temps et de la collectivité, à quelque échelle qu’on les saisisse. Or les horizons peuvent paraître sombres pour les contemporains au début des années 1970 parce que les principaux problèmes soulevés par la mise à jour des contenus d’enseignement restent sans solution.

Les questions corollaires

La délimitation des programmes

59Toute réforme de l’enseignement de l’histoire qui se propose de développer la fonction formatrice de celui-ci passe nécessairement par une délimitation des programmes telle que la mémoire des élèves soit moins sollicitée que les divers modes de raisonnement. C’est pourquoi la difficulté de procéder à une véritable rénovation pédagogique de la discipline sans que les programmes soient modifiés conduit les partisans de la réforme à fixer la priorité sur ce plan.

  • 116 Decaunes et Cavalier, Réformes et Projets de réforme de l’enseignement français, de la Révolution (...)
  • 117 Le cas s’est trouvé avec l’arrêté ministériel du 23 novembre 1956, modifié en juillet 1957 (Cf. 3e(...)

60Aussi, à côté de la conception linéaire des programmes, ont émergé d’autres propositions reprenant les idées-forces de la commission Langevin-Wallon. « Les programmes doivent indiquer ce qui sera enseigné par cycle et par année, mais de façon large et souple, c’est-à-dire que la distribution dans le temps de leurs matières ne doit pas être trop stricte afin de ne pas contraindre par un compartimentage excessif l’élan de curiosité qu’il faut chercher à susciter chez les enfants… Ils ne fixeront pas non plus de façon irrévocable le détail des matières à enseigner car il est parfois préférable d’insister davantage sur une question que de se borner à les résumer toutes116 ». Cependant, si le ministère, prenant quelquefois lui-même l’initiative de la simplification des programmes117, juge que cette orientation est souhaitable pour mettre fin aux dysfonctionnements les plus criants du système scolaire et au mécontentement des parents, pour les partisans d’une transformation des études historiques, l’objectif premier est de combattre l’encyclopédisme de la matière. De la fin des années 1950 au début des années 1970, lorsque les nouveaux projets entrent en discussion, plusieurs solutions sont envisageables dont certaines reviennent remettre en cause la conception habituelle des programmes.

  • 118 Schnerb (R.), « Esquisse d’un plan de réforme pour les classes du second degré, BSPHG, n° 111, jui (...)
  • 119 Rebérioux (M.), « L’histoire dans le second cycle », Cahiers pédagogiques, n° 2, 1er nov. 1952, p. (...)
  • 120 Mayeur (J.-M.), « Histoire et programmes », L’histoire et l’historien, Paris, Arthème-Fayard, 1964

61La première, dont nous avons vu la préfiguration à la fin des années 1930, est celle de l’échantillonnage. Le programme est constitué d’un nombre réduit de questions, choisies pour leur pertinence scientifique ou didactique, voire les deux. C’est la solution qui paraît la plus raisonnable aux historiens qui veulent combattre l’accumulation de connaissances et le psittacisme. Proche de l’avis qu’avait exprimé M. Bloch, la suggestion d’organiser l’enseignement autour de moments privilégiés ou de situations exemplaires, alors qu’elle apparaît rarement dans le Bulletin – un projet présenté par R. Schnerb fait exception118 –, est exprimée au début des années cinquante par des correspondants des Cahiers pédagogiques, dans l’espoir de substituer à la « morne procession » dans le cours de l’histoire, le choix de sujets adaptés à l’âge des élèves et aux finalités de la discipline. Il peut s’agir par exemple de retenir « l’examen d’un problème historique », comme l’expose M. Rebérioux119 ou de construire les programmes autour de ce que J-M. Mayeur, citant la Révolution française, appelle « de grands massifs d’enseignement120 ».

  • 121 Communications du bureau, BSPHG, n° 149, janv. 1957, p. 156-157.

62Or, que l’initiative vienne de l’administration centrale de l’Éducation nationale, comme ce fut le cas en la personne de G. Monod en 1947, ou des enseignants, par exemple au colloque de Sèvres en décembre 1968, elle est vivement rejetée au nom de l’argument chronologique. Significative est l’opposition que rencontre en 1956 la décision du ministère d’inscrire une seule grande question au programme. L’épisode est relaté en ces termes par le Bulletin : « Ainsi, en classes terminales, on aurait eu le choix entre le Second Empire, ou la Troisième République de 1871 à 1914, ou la guerre de 1914-18 et ses conséquences. Personne n’avait pu discuter ce projet catastrophique… Il a fallu parer de toute urgence à ce danger… Monsieur l’Inspecteur général Troux a immédiatement élaboré un autre projet… Le travail fait dans ces conditions ne peut être parfait mais il a sauvé l’essentiel », c’est-à-dire le fil continu des événements121.

  • 122 Prost (A.), « Réflexions sur le contenu d’un enseignement rénové », Esprit, n° 309, sept. 1962, p. (...)
  • 123 Prost (A.), « Pour une nouvelle définition des enseignements », l’Éducation nationale, n° 1, 3/1/1 (...)

63La deuxième forme possible de la révision des programmes heurte cependant encore plus les habitudes. En effet, dans certaines des analyses de l’encyclopédisme, les causes en sont attribuées à l’adjonction d’enseignements de spécialité dont la logique est inverse de celle des études secondaires, celles-ci étant le cadre d’un enseignement général. Aussi importe-t-il pour briser la surenchère de savoir qu’entretiennent entre elles les matières, en raison de l’augmentation des connaissances scientifiques, de définir les programmes par rapport à l’objectif d’une éducation globale de l’enfant. C’est cette démarche qu’expose Antoine Prost dans la revue Esprit122. Il faut, écrit-il, « aller d’un système pédagogique aux disciplines particulières et non l’inverse ». Quelques mois plus tard, reprenant cette réflexion dans l’Éducation nationale123, il n’exclut pas que soient condamnés les enseignements en tant que spécialité et recherche les voies d’une harmonisation entre les disciplines parce que, face à un enseignement éclaté, « les enfants n’ont plus par leur milieu familial les moyens de faire la synthèse ».

  • 124 Colloque de Sèvres de décembre 1968, BSPHG, n° spécial, 218, mai 1969, p. 774.

64L’attention croissante portée aux apprentissages réels de l’enfant fait parallèlement progresser la notion d’objectifs dans l’éducation, non au sens behavioriste du terme mais en vue de déterminer à partir des points d’arrivée fixés pour un niveau de classe donné, voire un cycle, les contenus à enseigner. Cette approche qui prévaut au colloque d’Amiens inspire les travaux des participants du colloque de Sèvres en décembre 1968. Malgré des divergences nombreuses, ils réussissent à s’entendre sur le principe d’une rédaction des programmes réduite à « un libellé extrêmement succinct, se contentant de donner des objectifs124 » et ne précisant pas le découpage interne de la matière afin de laisser à l’enseignement la liberté de choisir son itinéraire. Mais la composition même du corps professoral, où augmentait la part des enseignants les moins qualifiés qui sont, comme nous l’avons signalé dans la deuxième partie, les plus friands de textes et d’instructions de cadrage, s’opposait pratiquement à ce type de proposition.

  • 125 Ces premières mesures d’allégement interviennent à partir de l’année scolaire 1965-1966, dans les (...)
  • 126 Coquerelle (P.), « L’histoire et nos élèves », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 46.

65Enfin, l’allégement des programmes peut s’envisager sous la forme de questions optionnelles. C’est cette dernière solution que, dans un contexte de mécontentement croissant des élèves et des professeurs, le ministère choisit en inscrivant, dans les classes terminales, des thèmes que les professeurs n’ont pas l’obligation de traiter125. Ceci revient à supprimer de facto, sauf quelques très rares exceptions, les sujets en question. Pratiquée par l’administration, cette forme d’allégement est la plus défavorable à l’image de la discipline, voire du système scolaire – puisqu’elle tend à accréditer l’idée qu’une part des connaissances inscrites au programme est complètement superflue. La pratique des options selon les sections révèle également la prégnance d’une conception selon laquelle l’histoire ne représente qu’un « supplément d’âme » réservé à certains élèves. Au demeurant, les lycéens étaient quelquefois les premiers à la comparer au dessin et à la musique126, ce qui, dans la hiérarchie des matières, la plaçait dans une position rédhibitoire.

  • 127 Joutard (P.), « L’enjeu de l’enseignement de l’histore », Après-demain, n° 318, oct.-nov. 1989, p. (...)
  • 128 « Rénovation ou programmes », Cahiers pédagogiques, n° 87, janv. 1970.
  • 129 Meynier (A.), « Rapport sur les épreuves écrites du baccalauréat », BSPHG, n° 167, oct. 1960, p. 2 (...)
  • 130 Ibid., p. 928 et 927.
  • 131 Latreille (A.), « L’examen », Esprit, 22e A, n° 215, juin 1954, p. 925-928.

66Cette pluralité de solutions montre combien le thème de la lutte contre l’encyclopédisme se prête à des interprétations didactiques divergentes. Récemment, le professeur Joutard, présidant une commission de réflexion sur les programmes contemporains, en pesait l’enjeu en ces termes : « Lutter contre l’encyclopédisme ne signifie pas supprimer des périodes, des espaces géographiques ou des réalités ; c’est réfléchir sur ce qui est pour chaque domaine, fondamental, important et accessoire, retenir les points forts et mieux hiérarchiser les connaissances127 ». C’est pourquoi remédier à l’encyclopédisme suppose nécessairement, par-delà toute nouvelle rédaction de programme, une réflexion théorique de chaque enseignant sur les contenus à enseigner et engage, en induisant des pratiques d’enseignement différentes, à dépasser le dilemme programme ou méthodes. Mais ceux-ci, dans le contexte des profondes mutations que connaissent les collèges des années soixante, sont posés comme antinomiques. Au numéro des Cahiers pédagogiques paru en 1970 sous le titre : « Rénovation ou programme128 ? », et concluant : « Le principal programme c’est de rendre les enfants plus intelligents », font écho les praticiens, pour lesquels les programmes constituent le premier verrou à lever pour élaborer tout projet pédagogique innovant et même, plus modestement, mener à bien la formation exigible en fin de scolarité. C’est cet enjeu que cerne la Régionale de Rennes, soulignant la grande faiblesse des compositions d’histoire aux épreuves écrites du baccalauréat, qu’elle explique par les conditions dans lesquelles l’épreuve est préparée : « Plus que jamais, il est évidemment impossible de mener de front l’apprentissage intellectuel, le seul vraiment efficace, avec l’acquisition des connaissances, si le programme de ces connaissances reste trop lourd. Plus de la moitié des. correcteurs, sans qu’on leur ait posé la question, déclarent inévitable un allégement des programmes129 ». Les élèves ne sont plus que des « bêtes à concours » invités depuis la sixième, « à monter d’échelon en échelon d’examens, – comme les perroquets130 ». Dans les plaidoyers en faveur des réformes, l’« examinite » du système scolaire et la complicité de la société qui ne voit dans les diplômes que des brevets d’élévation sociale sont vivement dénoncées131. Car, néfastes en termes de formation de l’élève, les examens, dans les faits, brident indirectement l’action de l’enseignant.

  • 132 « Déclaration finale du colloque d’Amiens », l’Éducation nationale, n° 858, 18 avril 1968. p. 14-1 (...)

67Le devenir du baccalauréat fait ainsi partie des questions annexées à celle des contenus. Les réformateurs proposent d’établir un bilan de fin d’études prenant en compte non seulement le niveau atteint par l’élève mais l’ensemble de sa scolarité132. Le dossier scolaire compose, dans cette perspective, la pièce essentielle du dispositif qui s’oriente vers une évaluation des aptitudes et des progrès de l’élève et renvoie en amont à l’organisation de la scolarité autour d’objectifs précis, fixés à l’élève qui devient, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, une alternative à la structuration traditionnelle du cursus scolaire par les découpages des disciplines.

  • 133 Monod (G.), « Conditions de la réforme », Esprit, 22e A, n° 215, juin 1954, p. 945-949.

68Repenser – et non remodeler – les programmes du second degré, comme y engageaient les hommes voyant en 1945 dans la victoire du monde libre, l’aube d’un monde nouveau, entraînait l’ébranlement de tout l’édifice scolaire. Seule une volonté politique pouvait faire aboutir un tel projet. En 1954, deux ans après avoir quitté la direction de l’enseignement du second degré, G. Monod, sans illusion sur l’avenir de la réforme qu’il avait tentée, mais continuant à défendre les idéaux qui étaient les siens depuis un demi-siècle, écrivait : « Toute réforme de l’enseignement doit être démocratique, c’est-à-dire inspirée par une volonté précise de justice sociale… Une pareille volonté, pour être efficace, doit être générale, dépasser les enceintes parlementaires, traduire l’intention de la Nation tout entière133 ». En 1970, pour les militants de la cause éducative qui gardent des convictions démocratiques intactes, cette réforme des études secondaires reste à faire.

69L’expérience de l’histoire des civilisations avait toutefois apporté la démonstration qu’une modification même importante des programmes ne suffit pas à transformer l’enseignement. Encore faut-il que les professeurs soient préparés à accueillir ces transformations. La même observation vaut pour l’adoption des méthodes pédagogiques nouvelles.

La formation des enseignants

  • 134 Avec la vulgarisation des travaux de C. Rogers grâce à André De Peretti et l’ARIP, Association pou (...)
  • 135 Rapport de la commission « méthodes », BSPHG, n° spécial, 218, mai 1969, p. 774-777.
  • 136 L’évocation de ces qualités n’est pas exclue du rapport de Braudel, mais il signale à l’attention (...)
  • 137 Rapport sur la formation des maîtres au colloque de Caen, l’Éducation nationale, n° 807, 1er déc. (...)

70La formation des maîtres constitue un des registres de toute réforme des études. Mais la pénurie d’enseignants à laquelle l’enseignement du second degré est confronté dans les années 1960 modifie les données du problème. En outre, le renouvellement du corps et l’hétérogénéité croissante de son recrutement s’accompagnent de l’évolution de la conception de la fonction enseignante. En effet, les recherches de la psychologie cognitive, celles de la didactique sur les modes de transmission et d’apprentissage du savoir et l’influence des pédagogies « non directives134 » conduisent à interroger la relation pédagogique traditionnelle et, en conséquence, à proposer un modèle de formation tel que l’enseignant soit capable d’élaborer des « séances de travail », selon le terme que la commission des méthodes du colloque de Sèvres en décembre 1968 emploie par opposition à celui de cours135. Car, comme nous avons eu l’occasion de l’établir dans la seconde partie, ni les études qu’ont suivies les maîtres de l’enseignement du second degré, même lorsqu’ils sont recrutés parmi les bacheliers, ni la représentation qu’ils ont du métier ne les préparent à ce rôle qui représente pour eux une dépossession du savoir et une perte d’identité. Ce trait est encore plus net en ce qui concerne les professeurs agrégés et certifiés, étant donné la dévalorisation des épreuves à caractère pédagogique dans la formation initiale et le fait que la réussite, d’abord du concours puis de leur carrière, mobilise les caractères traditionnels de l’excellence scolaire tels que la culture et la prestance136. Or, avec la scolarisation de masse dans le premier cycle des établissements du second degré et la prolongation de la scolarité obligatoire, le décalage culturel entre les enseignants et les élèves crée un dysfonctionnement pédagogique et social. C’est pourquoi les enseignants imposent la réforme de la formation comme un des thèmes centraux du débat scolaire. Elle tient dans le triptyque formation unique pour tous les maîtres, formation universitaire et professionnelle, formation initiale et continue, programme qui sanctionne en quelque sorte l’échec des dispositions adoptées en 1952, y compris l’organisation des CPR, où la préparation professionnelle a pris un caractère fortement disciplinaire et empirique137.

71En synergie avec l’Université où les études supérieures sont réorganisées par la mise en place des DUEL et DUES, le colloque de Caen, en novembre 1966, arrête les axes du nouveau dispositif. À partir des documents d’un groupe de travail de l’académie de Nancy animé par Jean Capelle, universitaire, ancien recteur et directeur général des programmes scolaires au ministère de l’Éducation nationale de 1961 à 1964, le colloque se prononce pour que l’État inscrive du nombre de ses missions le développement de la recherche pédagogique et pour que soient assurés à tous les enseignants une formation initiale incluant des enseignements de psychopédagogie et socio-pédagogie et un perfectionnement continu. À cet effet, le rapport final prévoit la création dans chaque université d’un institut interdisciplinaire d’études pédagogiques, institut de recherche prenant le relais des centres pédagogiques régionaux et des centres de formation des maîtres de CEG, d’une formation initiale incluant des enseignements de psychopédagogie et socio-pédagogie et d’un perfectionnement continu.

  • 138 Ibidem, p. 21.

72Quant à la formation professionnelle, adoptant explicitement comme modèle les critères à partir desquels les employeurs privés embauchent et promeuvent leurs cadres, les membres du colloque suggèrent à l’Éducation nationale de « réexaminer » sa politique de recrutement et d’avancement des maîtres138. Ils demandent que l’accès à la profession ne soit plus seulement établi à partir de critères académiques et que les candidats soient titularisés après une période probatoire plus longue que l’année de stage. Au cours de sa carrière, le professeur a le devoir de poursuivre cette formation par des stages de remise à jour des connaissances et de perfectionnement pédagogique. La formation continue est donc envisagée comme une obligation statutaire pour tous les enseignants, à charge pour l’État d’en assurer les moyens.

  • 139 Rapport de l’assemblée générale du 11 nov. 1966, BSPHG, n° 203, fév. 1967, p. 531. Motion 5 : « La (...)

73Le décalage entre ces recommandations et les besoins ressentis dans la pratique quotidienne du métier est frappant. Les enseignants font état de demandes précises, concrètes, limitées à leur discipline. Ils souhaitent en histoire la diffusion des travaux de recherche, de la documentation pour préparer leurs cours et des stages d’expérimentation pour l’utilisation des nouvelles techniques pédagogiques139. Or le colloque de Caen se situe dans la problématique de la réforme de l’Université et de la promotion de la recherche. Les représentants des disciplines scientifiques y jouent un rôle de premier plan et leurs préoccupations peuvent paraître plus productivistes qu’éducatives. La réflexion des participants s’inscrit également dans le contexte de la structuration des sciences de l’éducation en domaine de recherche et savoir autonomes, la préparation aux diplômes (licence et maîtrise) commençant dans trois universités à la rentrée 1967. En quelque sorte, le colloque de Caen légitime cette institutionnalisation par le type même de formation qu’il dessine et par le fait qu’il y pose comme préalable le développement de la recherche pédagogique.

  • 140 « Le Colloque d’Amiens », l’Éducation nationale, n° 858, 18 avril 1968, p. 9. Le numéro est consac (...)
  • 141 Extrait du rapport final de la commission D, op. cit., p. 36.
  • 142 Ibid.

74Les principaux attendus du colloque de Caen sont repris moins de deux ans après, lors du colloque d’Amiens réunissant plus de cinq cents participants autour des problèmes de l’école du second degré140. Précisant qu’ils reconnaissent la nécessité urgente, pour les maîtres de tous les degrés, d’une formation continue liée à la formation initiale, dont ils attendent la fin des divisions du corps enseignant et la naissance d’un nouvel état d’esprit – position qu’E. Lavisse, en d’autres temps, avait adoptée dans des termes identiques –, les membres du colloque d’Amiens tempèrent certaines des conclusions précédentes. S’il est réaffirmé que la formation initiale doit comporter deux aspects, la formation fondamentale et la formation professionnelle, conçue pour tous les enseignants sous la forme d’un stage de deux ans en situation de responsabilité et encadrée par des centres universitaires de formation et de recherche en éducation, il est précisé qu’une partie importante des connaissances théoriques en psychopédagogie doit prendre appui sur les conditions réelles d’enseignement, afin d’éviter de « fixer les futurs enseignants sur des stéréotypes injustifiés141 ». Cette première distance prise à l’égard des déclarations du colloque de Caen est complétée par une seconde à propos de la formation continue. Celle-ci doit être obligatoire et statutaire, mais elle doit également répondre aux besoins spontanés des enseignants et « échapper aux mesures de jugements et de notations142 ». Il s’agit par la formation permanente, librement consentie et intégrée au service, de rendre l’enseignant acteur et responsable de son perfectionnement au lieu de l’imposer en le décrétant facteur d’avancement. Matériellement, les actions de formation doivent en conséquence être souples, décentralisées en fonction des besoins sur les lieux de travail, favoriser la constitution d’équipes et rejaillir ainsi à long terme sur les pratiques, les enseignants transposant dans leurs classes les modalités de leur propre formation pour construire des situations d’apprentissage ajustées aux besoins de leurs élèves.

  • 143 Citron (S.), « Pour l’aggiornamento de l’histoire-géographie », op. cit.
  • 144 Suzanne Citron, lors du colloque de Sèvres en décembre 1968, propose que l’inspection générale se (...)

75Cette plate-forme rejoint les propositions faites dans le cadre de l’aggiornamento de la discipline. Plusieurs fois il a été souligné qu’une condition indispensable au renouvellement réside dans le recyclage systématique des enseignants, qui ne saurait toutefois se réduire à « des conférences en vase clos » faites par des spécialistes de l’éducation143. De nouveau examinée à Sèvres en décembre 1968, la demande de recyclage est approuvée par les enseignants d’histoire et de géographie. Toutefois les formes de son organisation ne sont pas nettement définies. Notamment, la question du rôle de l’Inspection générale dans la mise en place de la formation permanente est soulevée144. Malgré ces zones d’ombre, le fait que la majorité des enseignants ait pris conscience de la nécessité, voire de l’urgence, de la formation continue constitue un facteur important d’évolution. Les cartes sont dorénavant entre les mains du ministère qui doit allouer les moyens adéquats. En effet, les premiers stages de recyclage organisés à partir de 1966 en histoire-géographie reposent pour une large part sur la bonne volonté de la Société des professeurs et de ses Régionales qui prennent en charge les contacts entre professeurs de l’enseignement supérieur et de l’enseignement secondaire et l’organisation matérielle. Car, si la Société est attachée à la conservation des structures, elle n’a jamais renoncé à œuvrer, comme on l’a déjà noté à propos de l’introduction des documents dans la pédagogie, pour apporter des améliorations substantielles à l’enseignement, ce qui supposait souvent qu’elle remédiât, à partir de ses propres forces, aux insuffisances de la politique ministérielle. En matière de formation continue, la loi du 16 juillet 1971 laisse espérer une extension de ses actions.

  • 145 Lottin et Dejonghe, « L’étude du document dans la formation des maîtres », Cahiers pédagogiques, n (...)
  • 146 Cf. supra, 3e partie, chap. VII, p. 350-352.

76En revanche, sur le front de la formation initiale, les carences subsistent. Le stage pratique, conçu au début des années cinquante sur le modèle de l’imitation d’un professeur chevronné, incite plus à la reproduction qu’à la création. En outre, la préparation universitaire dans plusieurs facultés s’est dégradée en raison des conditions matérielles liées elles-mêmes à l’accroissement des effectifs. Ainsi, deux professeurs relatent-ils dans les Cahiers pédagogiques que, bien que le commentaire de documents ait été introduit en Propédeutique, l’efficacité est réduite avec des groupes de travaux dirigés de soixante, voire cent participants145. Or, écrivent-ils, il est vain de vouloir exploiter des documents en classe si la méthode n’a pas été assimilée à la faculté ou, pourrait-on ajouter, si une part croissante d’enseignants est démunie de formation historique, comme c’est alors le cas146. De même le renouvellement des savoirs scolaires est en partie subordonné aux enseignements reçus en amont. Les lacunes des élèves dans les domaines de l’histoire de l’art ou de l’histoire des sciences, pour ne pas reprendre l’exemple de l’histoire économique que les historiens des Annales citaient souvent, trouvent leur source dans celles des professeurs. C’est pourquoi une véritable réforme des contenus et des pratiques de l’enseignement secondaire, irréalisable sans l’implication des futurs enseignants, concernait directement l’Université. Or, dans le court terme, l’espoir de voir le ministère de l’Éducation nationale adopter les mesures que le colloque d’Amiens avait présentées comme urgentes s’éloignait. En 1971, les IPES, pépinière des professeurs certifiés, étaient supprimés, pour laisser place à la création d’instituts de formation des maîtres dont le projet avortait, et dans les années suivantes, s’engageait une politique de réduction du nombre de postes aux concours de recrutement.

  • 147 BSPHG, n° 219, juin 1969, p. 873. Est reproduite la lettre que le président a adressée au ministre (...)

77Non réglées, la question des programmes et celle de la formation restent des obstacles sur lesquels va buter l’élaboration des contenus du second cycle. De 1969 à 1973, se succèdent plusieurs projets éphémères. Un d’entre eux, préparé par une commission dont le ministère a confié la direction à F. Braudel reste sans suite, dans des conditions assez troubles, puisqu’il semblerait, selon le compte rendu fait par le Bulletin que F. Braudel ne se soit pas engagé dans ce travail autant que pouvaient le laisser espérer sa compétence et sa notoriété147.

  • 148 BOEN, n° 37, 2/10/1969, p. 3041-3046. Annexe I.

78Dans les faits, sont donc appliqués durant la décennie des années 1970 les programmes arrêtés en 1959, bien qu’ils aient été largement brocardés. En revanche, dans le premier cycle, la situation se stabilise sur la base de l’arrêté du 10 septembre 1969. L’enseignement de l’histoire, selon l’explication du programme rédigée par l’inspecteur L. François148, est organisé de façon à donner aux élèves la nécessaire notion de l’enchaînement chronologique des faits. La phrase formulée entre parenthèses, « l’étude des changements dans le temps n’est-elle pas l’essence même de l’histoire ? », énonce, contre les critiques, le bien-fondé de la structure d’un enseignement qui, par delà l’apparente stabilité de ses cadres temporels, se propose de saisir dans le passé les grands types de civilisation.

  • 149 Labal (P.), « Horizon mil neuf cent… X pour l’enseignement de l’histoire dans le second degré », B (...)

79La situation de la discipline présente une grande complexité dans ces années où les mutations les plus importantes depuis 1902 affectent l’enseignement secondaire et où élèves et professeurs proviennent de plus en plus d’horizons divers. Parce que l’histoire, telle qu’elle est enseignée, semble de moins en moins répondre à la majorité des contemporains, les bases du renouvellement de son enseignement font l’objet d’une réflexion longue et élargie, d’où se dégage un consensus minimum. Il ne peut toutefois occulter les divergences. Très nettement, deux lignes perceptibles depuis la genèse de la discipline s’affrontent. L’une privilégie l’acquisition des connaissances, l’autre celle des mécanismes opératoires. Or, le mouvement qui, compte tenu de l’évolution de la population des établissements secondaires, tend de plus en plus à faire de l’histoire scolaire un savoir instrumental est, pour les tenants de la connaissance, un appauvrissement inacceptable de la discipline, voire une démission de ses praticiens. Selon cette analyse, les mutations de l’enseignement de l’histoire ont pour fonction d’empêcher que les menaces qui ne sont pas seulement surévaluées pour des raisons corporatistes ne soient mises à exécution. Ainsi, la Société des professeurs d’histoire et de géographie impulse-t-elle activement le débat à partir de 1967 – par un réflexe de survie trop tardif disent certains de ses adhérents149 –. Pour les autres, en raison de l’échec de la réforme globale de l’enseignement secondaire et universitaire, la question de la définition même du savoir scolaire n’est pas réglée.

80Pendant ce temps, des enseignants ne renoncent pas à tenter l’impossible conciliation de la réalisation des programmes et d’une pédagogie propre à répondre aux besoins d’une génération nouvelle, sinon par l’âge, du moins par la culture. L’Inspection générale essaie de répondre à leurs difficultés en développant un discours sur la nécessité et l’importance des choix qu’elle avait déjà rôdé à propos des programmes du premier cycle. Mais ce discours n’est pas dénué d’ambiguïté, puisque l’Inspection générale confie en dernière instance, alors qu’il n’y a ni directives claires ni moyens supplémentaires, l’efficacité de l’action pédagogique aux professeurs. La reconnaissance de la possibilité du choix fait pourtant partie des avancées obtenues entre 1945 et 1970 par les enseignants qui refusent de présenter l’histoire déformée des aide-mémoire. Appliquée aux programmes de Terminales, cette latitude permet d’harmoniser l’histoire et la géographie, et dans toutes les classes, de conduire des études plus approfondies sur des thèmes retenus librement à l’intérieur des cadres chronologiques en fonction de l’intérêt des élèves ou du professeur et des ressources disponibles. Si la grande majorité des professeurs n’ose pas encore s’aventurer sur ces pistes moins balisées, le carcan des programmes est un peu assoupli.

  • 150 Reinhard (M.), L’enseignement de l’histoire, Paris, PUF, 1957.

81On peut toutefois se demander si cette orientation était suffisante pour conférer de nouveaux équilibres internes à la discipline, c’est-à-dire pour que la connaissance des faits historiques, entendus au sens le plus large du terme, forge chez les élèves un état d’esprit que M. Reinhard définissait comme « l’habitude de replacer les problèmes dans leur contexte et de les situer, et pour une part, de les expliquer par leurs antécédents150 ». Pourtant, bien plus que dans l’objectif d’adaptation à la société moderne, suffisamment intemporel et flou pour servir toutes les causes, l’identité de la discipline se situe dans cet apprentissage de l’analyse des situations historiques que la pédagogie exclusive du cours magistral rend difficile.

82L’évolution de la discipline, entre 1945 et 1970, se poursuit lentement par rapport aux mutations que les enseignants attendaient d’une véritable rénovation. La plupart des mesures adoptées sont en effet très en retrait des dispositions qui avaient accompagné la mise en place des classes nouvelles et constituent encore en 1968 la référence mythique de tous les projets d’un enseignement secondaire démocratique. Mais le fait que l’espoir soit pour certains si tenace n’indique-t-il pas que la réforme n’était pas complètement impossible ?

83Ne devrait-on pas penser que la réforme n’a pas été vraiment souhaitée parce que, jusqu’à l’alerte de mai 1968, ni pour les pouvoirs publics, ni pour la société, la rénovation des contenus ne s’impose ? L’enseignement secondaire semble remplir sa mission, celle de donner à la nation une élite de plus en plus large, dotée d’un niveau de culture satisfaisant pour les emplois ou les études auxquels il donne accès. La massification elle-même, qui atteint surtout les collèges, est un mouvement trop récent pour que tous les effets en soient vraiment perceptibles dans la culture et les comportements des élèves et les professeurs coulent globalement des jours paisibles dans leurs classes. Ceux qui essayent par leur action pédagogique d’impliquer les élèves dans l’élaboration d’un savoir actif et de leur donner les moyens de décrypter la complexité des transformations dont ceux-ci sont témoins, alors qu’ils se situent au cœur des réalités sociales, vont en fait jusqu’en 1968 à contre-courant. La révolution culturelle n’est pas faite. Les esprits ne sont pas mûrs et aucune urgence ne les incite à mûrir.

  • 151 Arrêté du 13 juillet 1973, BOEN, n° 29, 19/7/1973, p. 2219-2220.
  • 152 BOEN, n° 21, 25 mai 1972, p. 1449. Sont classées disciplines d’éveil, l’histoire, la géographie, l (...)
  • 153 L’arrêté du 7 août 1969 distingue pour l’enseignement primaire, les matières dites fondamentales e (...)

84Ainsi, ajournée en 1945, puis en 1968, la rénovation s’est même trouvée contrecarrée dans les années immédiatement postérieures à 1968. Dès 1969, l’Administration et l’Inspection générale ont canalisé les forces de renouveau qui avaient trouvé dans l’expression collective de 1968 un élargissement de leurs perspectives. On peut même penser que certaines dispositions institutionnelles, telle que celle instituant un allégement des programmes d’enseignement afin de dégager du temps pour des activités diversifiées151, ont eu cette fonction. Quant au fait de consacrer l’histoire et la géographie disciplines d’éveil par l’arrêté du 2 mai 1972 relatif aux horaires du premier cycle152, il est indéniable qu’il s’inscrit dans le droit fil des propositions que défendaient depuis vingt ans les mouvements pédagogiques. Restait à savoir comment on allait l’entendre. S’agissait-il de donner à l’éveil le même sens qu’à l’école primaire153, c’est-à-dire le développement de la curiosité et des potentialités de l’enfant, ou de faire éveiller, c’est-à-dire sortir de la nuit les pans de la connaissance demeurés en dehors de la culture scolaire, laissant une grande partie de la génération du baby-boom en quête de réponses aux questions qu’elle se posait ? Paradoxalement, la contestation lycéenne de mai 1968 montrait d’ailleurs que l’enseignement secondaire avait réussi à forger des têtes pensantes, capables de s’interroger.

  • 154 Brunold (C.), « L’orientation pédagogique dans l’enseignement du second degré », circulaire du 30 (...)

85L’évolution de l’enseignement historique est au début des années 1970 incertaine. Les leçons d’histoire s’orientent, dans un mouvement qu’accélèrent les turbulences de la conjoncture, vers l’acquisition de connaissances fondamentales dans le premier cycle et l’intelligibilité du monde contemporain dans le second. Mais, en même temps le fossé se creuse avec la recherche historique foisonnante et multiforme, tandis que la prise en compte des transformations sociales et culturelles du public scolaire n’est enregistrée qu’avec retard. La stabilité de l’enseignement de l’histoire est ébranlée, comme l’est celle de l’institution secondaire qui, faite pour l’élite, accueille des effectifs de plus en plus nombreux. Cette évolution remet en cause de longues traditions confortées par des décennies de prospérité et de rayonnement, dont la Société des professeurs d’histoire et de géographie garde plus ou moins consciemment la nostalgie. Or, la prégnance de ces traditions joue contre le changement mais l’ajournement du changement contribue à les rendre de plus en plus anciennes et à les ancrer encore davantage. Aussi l’enseignement historique ne réussit-il pas sa rénovation, bien que, pendant plus de vingt-cinq ans, des enseignants en aient porté le flambeau. S’il s’agit là d’une question de politique générale, on peut penser que l’attitude de la corporation a pesé dans cet échec. Les deux mouvements d’innovation, de 1945 au début des années 1950, puis dans la seconde moitié des années 1960, se sont produits en dehors de l’association de spécialistes, même si elle a eu l’occasion de les seconder, surtout à partir de ses Régionales. De même, le développement du travail sur documents, de l’autonomie de réflexion et de la prise de parole des élèves ne s’est pas généralisé dans la discipline et l’élan qui accompagnait les nouvelles expériences est souvent retombé parce qu’elles n’ont pas été clairement soutenues par la hiérarchie. Si, comme l’avaient signalé G. Monod et C. Brunold, aucune transformation n’était possible sans l’implication des enseignants154 dans leurs classes, celle-ci, seule, ne pouvait suffire à transformer le fonctionnement interne de la discipline. Elle pouvait tout au plus hâter l’évolution, l’institution avalisant généralement l’innovation quand elle a cessé d’en être vraiment une.

  • 155 l’Éducation nationale, n° 846, 11/1/1968, p. 17-24. Raison (P.), « Tout ne va pas si mal… », l’Édu (...)

86Alors qu’en 1945 tout paraissait possible et qu’en 1968 « tenter l’impossible » s’écrivait sur les murs, l’histoire des savoirs scolaires et, plus largement, celle des lycées et collèges durant toute cette période est celle d’une réforme qui n’a pas eu lieu. Cependant, l’infiltration de la pensée pédagogique, l’évolution lente des pratiques vers un cours auquel participent les élèves et l’élargissement du champ ouvert à la recherche historique transforment le paysage des traditionnelles leçons. Aussi, le sentiment de crise dont on a trouvé l’expression sous la plume de certains contemporains, fondé si l’on se réfère au déclin de la discipline et à son inadaptation partielle à la société des « Trente Glorieuses », est-il, dans les faits inégalement partagé. Sans doute est-ce la raison pour laquelle, dans le prolongement du dossier de l’Éducation nationale consacré à l’« histoire en question », un professeur entend informer les lecteurs de la revue que : « Tout ne va pas si mal dans notre enseignement de l’histoire155 ! ». On peut considérer que cette réaction résume assez bien le vécu et la sensibilité de la majorité des enseignants et a fortiori des élèves, même à la fin des années 1960. Dans les classes, l’enseignement se déroule loin des constructions théoriques et des batailles idéologiques dont il est l’enjeu.

Notes

1 Fourastie (J.), « Les besoins en personnel qualifié », L’Éducation nationale, n° 5, 1er fév. 1962, p. 5-7.

2 On trouve la synthèse de ces différents travaux dans la brochure de Louis CROS. CROS (L.), Dépenses et investissements nécessités par la planification de l’enseignement, Planification et enseignement, cycle de conférences IPN, 1962-1963, Paris, IPN, 1963. Une autre version en est L’Explosion scolaire, Paris, CUIP, 1962.

3 « La réforme de l’enseignement », I, Esprit, n° 215, juin 1954. II, n° 223, fév. 1955, p. 177-231.

4 Lepiney (G.), « L’explosion scolaire », Esprit, n° 309, sept. 1962, p. 197-217.

5 Prost (A.), « L’école et la famille dans une société en mutation », in L.H. Paris (dir.), Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, t. IV, Nouvelle Librairie de France, 1981.

6 Citron (S.), « Pour l’aggiornamento de l’histoire et de la géographie », BSPHG, n° 206, oct. 1967, p. 84-90.

7 Braudel (F.), Conférence prononcée en 1936 au Brésil, Grammaire des Civilisations, Arthaud-Flammarion, 1987, p. 15.

8 Le Goff (J.), Une vie pour l’histoire, Paris, La Découverte, 1996.

9 Ibid., cet exemple est un de ceux choisis par Jacques Le Goff pour préciser l’usage qu’il avait fait de la chronologie, p. 142-143.

10 Ibidem, p. 140. Jacques Le Goff note que l’ouvrage a été utilisé comme livre du maître ou manuel de DEUG et de licence !

11 Braudel (F.), « Histoire et sciences sociales. La longue durée », AESC, n° 4, oct.-déc. 1958, p. 725-753.

12 L’Histoire sociale, Sources et méthodes, colloque de l’ENS de Saint-Cloud, 15-16 mai 1965, Paris, PUF, 1967.

13 Mayeur (J.-M.), « Histoire et programmes », L’histoire et l’historien, Paris, Arthème Fayard, 1964.

14 Braudel est président du jury de l’agrégation d’histoire de 1950 à 1955. S’il imprime sa marque au concours, notamment par le choix des sujets, il ne se fait guère d’illusion sur la portée de son action. « Comment modifier l’agrégation de façon profonde si l’enseignement supérieur reste traditionnellement organisé, si, l’histoire économique, pour ne citer qu’elle, ne dispose que d’une seule chaire en France, si la licence et le diplôme restent enfermés dans leur forme ancienne, si la propédeutique subsiste telle qu’elle est, malgré tant de louables efforts ». BSPHG, n° 130, mars 1952, p. 269.

15 Citron (S.), « L’agrégation », Esprit, n° 215, juin 1954, p. 929.

16 Braudel (F.), « Rapport de l’agrégation », BSPHG, n° 130, mars 1952, p. 268.

17 Gal (R.), « Recherches sur l’enseignement de l’histoire », Le Courrier de la recherche pédagogique, n° 8, mars 1958.

18 Aries (P.), « L’histoire des mentalités », in Le Goff (J.), La nouvelle histoire, Paris, éd. Complexe, 1988.

19 Goubert (P.), Beauvais et le Beauvaisis de 1600 à 1730, Paris, SEVPEN, 1960.

20 Leuilliot (P.), « Défense et illustration de l’histoire locale », Annales ESC, t. 22, 1, janv.-fév. 1967, p. 157-162.

21 L. François signale en 1951 à titre d’exemple que vingt chapitres sur trente et un d’un manuel de cinquième et vingt-quatre sur trente et un d’un manuel de première de la collection Hachette sont centrés sur l’histoire de France. François (L.), « Histoire nationale, histoire universelle, histoire locale », I.H., 1951, n° 4, p. 157-159.

22 Les circulaires du 17 février 1969 et du 7 septembre 1971 fixent les conditions dans lesquelles sera assuré l’enseignement des langues et cultures régionales dans les classes du premier et second degré, conformément aux principes de la « loi Deixonne » du 11 janvier 1951. Cet exceptionnel temps de latence nous paraît être un des héritages les plus frappants de l’idéologie de la Troisième République. L’enseignement de l’histoire ayant été institué pour former la citoyenneté, l’histoire locale, fruit d’une historiographie souvent anti-républicaine, voire contre révolutionnaire, inspire une défiance rémanente. On peut même ajouter que celle-ci a été réactivée par les compromissions de certains mouvements régionalistes durant la période de l’Occupation allemande et le fait que l’État vichyste ait officialisé l’enseignement de l’histoire régionale.

23 Morazé (C.), « Culture et humanisme, Les leçons de l’histoire », Cahiers Pédagogiques, 1er janv. 1950, p. 19-22.

24 Meynier (A.), « Rapport sur les épreuves écrites du baccalauréat », n° 167, oct. 1960, p. 27.

25 Braudel (F.), La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, A. Colin, 1949.

26 Bourraux (J.), « L’histoire et la géographie en seconde et en première », Cahiers pédagogiques, n° 66, fév. 1967, p. 107-109.

27 Citron (S.), « L’histoire et la géographie à la recherche d’une synthèse de l’éducation moderne », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 72-73.

28 « La coordination, sciences, langues, lettres », Cahiers pédagogiques, n° 66, fév. 1967, p. 122-134.

29 Prost (A.), Éducation, société et politiques, Paris, Le Seuil, 1992.

30 Bayet (G.), cité par le président de la Société des professeurs d’histoire à l’assemblée générale du 4 nov. 1962, BSPHG, 22e A, n° 180, fév. 1963.

31 « La bataille des humanités », Esprit, n° 215, juin 1954, p. 830-839. Le n° 215 est consacré à la réforme de l’enseignement, après l’article introductif susdit de Paul Fraisse, « Crise de croissance ».

32 Prost (A.), Éducation, société et politiques, op. cit.

33 Hubac, Lettre au ministre, BSPHG, n° 178, octobre 1962.

34 Allain (J.-C.), « Horizon mille neuf cent… pour l’enseignement de l’histoire dans le second degré », BSPHG, n° 211, avril 1968, p. 745-754. Le terme subir est souligné par l’auteur de l’article.

35 Dubois (P.), « Une mise en garde supplémentaire », BSPHG, n° 206, oct. 1967, p. 82-84.

36 Limbour, « Rapport du président à l’assemblée générale », BSPHG, n° 190, fév. 1965, p. 382.

37 BSPHG, n° 192, juin 1965, p. 747.

38 Ibid.

39 Labal (P.), « Crise de notre enseignement », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 67-68.

40 Ces préoccupations avaient conduit à la proposition d’unifier le programme d’histoire et de géographie en classes terminales dans une initiation au monde contemporain, BSPHG, n° 193, oct. 1965, p. 54-60.

41 BSPHG, n° 190, fév. 1965, p. 390.

42 Cf. supra, note 67, p. 399. Nous avons complété avec le rapport de Vasseur (L.), « Que pensent les élèves de l’histoire et de la géographie ? », BSPHG, n° 157, oct. 1958, p. 86-91, établi à partir des réponses de cinq classes – quatrième, troisième, seconde, première et sciences expérimentales – du lycée Thiers de Marseille.

43 Ibid., p. 89.

44 Ibid., p. 91. Cette remarque fait partie des conclusions que l’enseignant dégage des réponses et va dans le sens des conclusions de la recherche pédagogique (Cf. supra).

45 « Communication de la Régionale de Montpellier », BSPHG, n° 190, fév. 1965, p. 747.

46 Pic (R.), « Nos lycéens et l’histoire », Cahiers pédagogiques, n° 6, fév. 1957, p. 25. L’enquête a été réalisée auprès de 30 élèves d’une classe de philosophie.

47 « Instructions officielles », BOEN, n° 45, 16 déc. 1954, p. 3159-3168.

48 Pic (R.), « Nos lycéens et l’histoire », Cahiers pédagogiques, n° 6, 15 fév. 1957, p. 25.

49 Baumont (M.), « À propos de la culture historique de quelques bacheliers », Information historique, 19e A, n° 5, nov.-déc. 1957, p. 222-223.

50 Ibid., p. 223.

51 Rebérioux (M.), « L’enseignement de l’histoire et de la géographie et la formation de l’esprit logique », Cahiers pédagogiques, n° 3, 15 déc. 1952, p. 217-219.

52 Rebérioux (M.), « La formation des maîtres », intervention au colloque de Sèvres de mars 1968, BSPHG, n° 211, avril 1968.

53 Vasseur (L.), « Que pensent les élèves de l’histoire et de la géographie ? », BSPHG, n° 157, oct. 1958, p. 87. Réponses à la question 1 : Vous intéressez-vous à l’histoire ? Oui ; un peu, non; Pourquoi ?

54 COQUERELLE (P.), « L’histoire et nos élèves », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 46.

55 Plandé (R.), « Réflexions sur nos disciplines », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 33-35. Envisageant l’avenir de l’enseignement de l’histoire, l’inspecteur général conclut par ces termes : « Il convient de se préparer à répondre aux exigences d’un monde qui sa gourme jetée demandera d’autres nourritures. Il est encore temps d’y réfléchir ».

56 « L’utilisation de la documentation dans l’enseignement d’histoire », l’Éducation nationale, 12, déc. 1957, p. 4.

57 Ferro (M.), « Le film, une contre-analyse de la société », in Faire de l’histoire, Nouveaux objets, t. III, p. 236-237, Paris, Gallimard, 1974.

58 Reinhard (M.), L’enseignement de l’histoire, Paris, PUF, 1957.

59 Aymonnier (H.), « Enseignement de l’histoire et télévision », Letonturier (L.-P.) et Ngokim (F.), « L’aventure quotidienne de la télévision scolaire », Poinssac-Niel (J.), « Le message audio-visuel », Cahiers pédagogiques, n° 66, fév. 1967, p. 44 à 53.

60 Poinssac-Niel (J.), « Le message audio–visuel », Cahiers pédagogiques, n° 66, fév. 1967, p. 44 à 53. Cette position est reprise par Jacques Portes, dans le n° des Cahiers pédagogiques, « La télévision, fait scolaire », n° 80, fév. 1969.

61 L’école parallèle est évoquée, lors du colloque franco-belge de Sèvres, par Robert Mandrou dans la conférence : « Le métier de professeur d’histoire dans notre culture actuelle », BSPHG, n° 212, juin 1968, p. 871-872.

62 Ponsot (P.), « La croisée des chemins », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 69-71.

63 Ibid., p. 69.

64 C’est pourquoi les critiques vont culminer en 1968 ; Cf. p. 379-381.

65 À l’assemblée générale du 11 novembre 1963, le président de la Société déclare : « Qu’il me soit permis ici, de faire justice de l’accusation portée par certains, contre notre Société. Selon eux, nous serions des conservateurs, même des réactionnaires… Ce sont là des calomnies injurieuses pour nos collègues et notre Société ». BSPHG, n° 185, fév. 1964, p. 353.

66 Les inspecteurs généraux d’histoire et géographie, « La qualification des professeurs », l’Éducation nationale, n° 10, 7 mars 1963, reproduite avec pour titre « Le combat pour l’histoire », BSPHG, n° 182, juil. 1963, p. 629-631.

67 Rapport du président à l’assemblée générale du 11 nov. 1964, BSPHG, n° 190, fév. 1965, p. 382.

68 Lepiney (G.), « L’explosion scolaire », Esprit, n° 309, sept. 1962, p. 197-217 ; Natanson (J.), « Les exigences de la démocratisation », Ibid., p. 218-245.

69 « Le colloque de Caen sur la recherche et l’enseignement scientifique », l’Éducation nationale, n° 31, 8 nov. 1956, p. 10-12.

70 Le prix Jean Perrin créé pour couronner les meilleurs travaux est attribué en 1963 à Lépiney, Jacques Natanson et Antoine Prost pour leur projet de rénovation des structures de l’enseignement du second degré.

71 « Textes élaborés par la commission I du colloque de Caen », l’Éducation nationale, n° 808, 8 déc. 1966, p. 14

72 Ibid.

73 « Manifeste pour l’éducation nationale », Cahiers pédagogiques, n° spécial, avril 1963.

74 « Le combat pour l’histoire », BSPHG, n° 180, juil. 1964, p. 671. J. Boutier et D. Julia citent les termes du doyen de la Faculté des sciences de Paris, écrivant dans Le Monde du 10 avril 1964 : « On diminuera aisément le total des heures de cours en rendant secondaires les disciplines qui le sont vraiment. Par exemple, l’histoire… On peut lire un ouvrage d’histoire à vingt ans pour la première fois ». Boutier (J.), Julia (D.), « À quoi pensent les historiens », Passés recomposés, champs et chantiers de l’histoire, Paris, Éd. Autrement, 1995, note 1, p. 15.

75 Rapport de la Commission Lichnerowicz, Le Monde, 8 déc. 1966, p. 11. Cette commission, présidée par A. Lichnerowicz, mathématicien, examinait les possibilités d’allégement des programmes. Elle s’appuie sur les conclusions du rapport présenté au Sénat.

76 Rapport du président à l’assemblée générale du 11 nov. 1964, BSPHG, n° 190, fév. 1965, p. 382 sq.

77 Circulaire du 16 décembre 1959, BOEN, n° 1, 7 janv. 1960, p. 26.

78 Poinsot (H.), « La croisée des chemins », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 69-71.

79 Stage sur l’enseignement de l’histoire et de la géographie et de l’instruction civique en Terminales, BSPHG, n° 200, oct. 1966, p. 49-51.

80 Rapport moral du président à l’assemblée générale du 11 novembre 1967, BSPHG, n° 209, fév. 1968, p. 512-516.

81 Monestier (L.), « Le sauvetage de l’histoire », BSPHG, n° 203, fév. 1967, p. 573-575.

82 Casanova, Paris, Weyl, « Appel pour la défense de l’histoire », BSPHG, n° 206, oct. 1967,p. 76-79.

83 Citron (S.), « Pour l’aggiornamento de l’histoire et de la géographie », BSPHG, n° 206, oct. 1967. Publié dans les Annales ESC, janv.-fév. 1968, p. 136-143.

84 Rapport moral du président à l’assemblée générale du 11 nov. 1967, BSPHG, n° 209, fév. 1968, p. 512-516.

85 « Les propositions de la commission de réforme », Le Monde, 4 avril 1967, p. 10.

86 « Les nouveaux programmes d’histoire et de géographie », Le Monde, 27 juin 1967, p. 12.

87 Citron (S.), « Un manque d’audace », Le Monde, 27 juin 1967, p. 12.

88 Citron (S.), « Pour l’aggiornamento de l’histoire et de la géographie », op. cit.

89 Geoffroy (J.), Compte rendu du colloque franco-belge de Sèvres, 20-23 mars 1968, BSPHG, n° 212, juin 1968, p. 871-876.

90 « Au lycée pilote d’Enghien, Renouvellement de l’enseignement de l’histoire et de la géographie », l’Éducation nationale, 6 fév. 1969, p. 14-15. Le compte rendu a été exploité par S. Citron dans plusieurs revues pédagogiques, notamment les Amis de Sèvres, n° 2, juin 1969 ou les Cahiers pédagogiques, n° 87, janv. 1970.

91 « Le plan d’Alain Peyrefitte sur la rénovation pédagogique », l’Éducation nationale, n° 854, 7 mars 1968, p. 6-7.

92 Les Comités d’action lycéens sont issus des « Comités-Vietnam ». Certains localement étaient contrôlés par l’UJCML, mais le Comité-Vietnam national était tenu par les Jeunesses communistes révolutionnaires. L’UJCML et la JCR résultaient elles-mêmes de scissions au sein de l’Union des Étudiants communistes. Prost (A.), « Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France », L’école et la famille dans une société en mutation, t. IV, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1981.

93 Lecuir (J.), « L’histoire, la géographie et l’instruction civique à travers les livres blancs de mai - juin 1968 », Les Amis de Sèvres, n° 2, 1969, p. 55-67. Article élaboré à partir du fonds d’archives constitué par le groupe de recherches d’enseignants « Enseignement 70 ». Nous avons consulté également « Des lycéens nous parlent », Cahiers pédagogiques, n° 76 et le livre des CAL, Les lycéens gardent la parole, Paris, Le Seuil, 1968.

94 Ibid., revendication du CAL du lycée Janson-de-Sailly, Paris.

95 Ibid., p. 63-64.

96 Ibidem, p. 60.

97 Journée d’étude des programmes d’histoire, géographie et instruction civique, BSPHG, n° 214, déc. 1968, p. 160-164.

98 BSPHG, n° 214, déc. 1968, p. 163.

99 Rapport de l’assemblée générale du 11 nov. 1968, BSPHG, n° 216, 1969, p. 448. 39 participants se prononcent pour l’instauration de la liste, 37 contre ce « sabotage par elles-mêmes des deux disciplines » (+ 11 abstentions). Une de nos correspondantes nous a affirmé avoir été la seule des professeurs du département en 1969 à avoir mis à profit ce droit après qu’il a été accordé par la circulaire du 7 nov. 1968, BOEN, n° 40, 14 nov. 1968, p. 2991. Lettre de Madame A. J…, professeur au lycée Jacques Cartier, Saint-Malo, 1956-1986.

100 « Les journées d’études de Sèvres, BSPHG, n° spécial, 218, mai 1969.

101 Ibid., p. 771-772. La requête est signée conjointement par les professeurs, les élèves et les inspecteurs généraux réunis en journées d’étude à Sèvres.

102 Lettre de Madame A. J…, professeur. Elle écrit à propos du lycée de Saint-Malo, où elle exerçait, qu’on y voyait « facilement rouge ». Sa décision de renoncer aux fractions de point était considérée comme révolutionnaire parce que « ces choses-là avaient été quelque peu exprimées en 68 ».

103 Tribune libre, BSPHG, du n° 213, oct. 1968, au n° 220, oct. 1969. Rapport de l’assemblée générale du 11 nov. 1968, BSPHG, n° 215, fév. 1969, p. 445.

104 BOEN, 1969, n° 37, 2/10/1969, p. 3041-3046. Arrêté du 9 juin 1969.

105 Citron (S.), Compte rendu de la recherche conduite au lycée d’Enghien, Cahiers pédagogiques, n° 87, janv. 1970, p. 44-45.

106 Ibid., p. 46.

107 Selon le compte rendu de la rencontre organisée par le CRAP pour la première fois en 1964, l’âge moyen des participants se situait autour de trente cinq ans. « Rencontre sur la côte basque », Cahiers pédagogiques, n° 52, fév. 1965, p. 43. L’encart que de son côté fait paraître Enseignement 70 dans ce même numéro des Cahiers pédagogiques commence par l’expression « De jeunes enseignants… ».

108 Bourraux (J.), Enseignement 70, n° spécial, décembre 1969-janvier 1970, p. 15-16.

109 Lecuir (J.), « L’histoire, la géographie et l’instruction civique », Les Amis de Sèvres, n° 2, juin 1969, p. 66. Texte du lycée Claude Bernard de Villefranche-sur-Saône.

110 Ferro (M.), L’histoire sous surveillance, Paris, Calmann-Levy, 1985.

111 R. Lafont, avec l’ouvrage La révolution régionaliste, Paris, Gallimard, 1967, signe le manifeste des identités revendiquées et affirmées contre l’idéologie républicaine, patriote et jacobine. Le livre de Morvan Lebesque, Comment peut-on être breton, Essai sur la démocratie française, Paris, Le Seuil, 1970, offre une vision saisissante de l’histoire qui lui a été enseignée par un Breton qui se considère dépossédé de son identité (cf. le chapitre « l’enfer, privation d’histoire », p. 44-51).

112 Goubert (P.), « Libre opinion », Le Monde, 3 janv. 1967.

113 Il s’agit de A. Lichnerowicz, professeur au Collège de France, qui dirige l’AEERS et préside de 1962 à 1966 la Commission internationale sur l’enseignement des mathématiques.

114 De nombreux billets libres signalent que les professeurs sont « empêtrés dans ces contradictions » (sic). Il peut paraître arbitraire de citer une référence plus qu’une autre. On peut toutefois renvoyer à deux articles où le diagnostic de crise se fonde sur ce constat : Labal (P.), « Crise de notre enseignement », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 67-68 et Fourmigué (J), BSPHG, n° 220, oct. 1969, p. 101-102.

115 Delmas (J.), « Travaux pratiques d’histoire », Cahiers pédagogiques, n° 3, 15 nov. 1954.

116 Decaunes et Cavalier, Réformes et Projets de réforme de l’enseignement français, de la Révolution à nos jours, Annexe V, Paris, IPN, 1962.

117 Le cas s’est trouvé avec l’arrêté ministériel du 23 novembre 1956, modifié en juillet 1957 (Cf. 3e partie, Chap. VII).

118 Schnerb (R.), « Esquisse d’un plan de réforme pour les classes du second degré, BSPHG, n° 111, juin 1947, p. 159-161.

119 Rebérioux (M.), « L’histoire dans le second cycle », Cahiers pédagogiques, n° 2, 1er nov. 1952, p. 142-144.

120 Mayeur (J.-M.), « Histoire et programmes », L’histoire et l’historien, Paris, Arthème-Fayard, 1964.

121 Communications du bureau, BSPHG, n° 149, janv. 1957, p. 156-157.

122 Prost (A.), « Réflexions sur le contenu d’un enseignement rénové », Esprit, n° 309, sept. 1962, p. 246-268.

123 Prost (A.), « Pour une nouvelle définition des enseignements », l’Éducation nationale, n° 1, 3/1/1963, p. 5-6 ; n° 3, 10/1/1963, p. 5-7.

124 Colloque de Sèvres de décembre 1968, BSPHG, n° spécial, 218, mai 1969, p. 774.

125 Ces premières mesures d’allégement interviennent à partir de l’année scolaire 1965-1966, dans les classes terminales. (Annexe II de l’arrêté du 10 juin 1965) BOEN, n° 24, 24 juin 1965.

126 Coquerelle (P.), « L’histoire et nos élèves », Cahiers pédagogiques, n° 65, janv. 1967, p. 46.

127 Joutard (P.), « L’enjeu de l’enseignement de l’histore », Après-demain, n° 318, oct.-nov. 1989, p. 25-26.

128 « Rénovation ou programmes », Cahiers pédagogiques, n° 87, janv. 1970.

129 Meynier (A.), « Rapport sur les épreuves écrites du baccalauréat », BSPHG, n° 167, oct. 1960, p. 26-27, élaboré à partir de 38 réponses de correcteurs.

130 Ibid., p. 928 et 927.

131 Latreille (A.), « L’examen », Esprit, 22e A, n° 215, juin 1954, p. 925-928.

132 « Déclaration finale du colloque d’Amiens », l’Éducation nationale, n° 858, 18 avril 1968. p. 14-15. La proposition d’établir le bilan de fin d’études figure dans les numéros d’Esprit cités ci-dessus.

133 Monod (G.), « Conditions de la réforme », Esprit, 22e A, n° 215, juin 1954, p. 945-949.

134 Avec la vulgarisation des travaux de C. Rogers grâce à André De Peretti et l’ARIP, Association pour la recherche et l’intervention psychosociologique, la liberté d’apprendre devient un paradigme central de l’organisation des situations pédagogiques innovantes.

135 Rapport de la commission « méthodes », BSPHG, n° spécial, 218, mai 1969, p. 774-777.

136 L’évocation de ces qualités n’est pas exclue du rapport de Braudel, mais il signale à l’attention des candidats qu’« une bonne leçon est toujours le fruit d’un apprentissage ». Rapport d’agrégation d’histoire, BSPHG, n° 126, mars 1951, p. 260.

137 Rapport sur la formation des maîtres au colloque de Caen, l’Éducation nationale, n° 807, 1er déc. 1966, p. 17-22. La totalité des Actes du colloque est publiée dans le n° spécial de l’Expansion de la recherche scientifique, mai 1967.

138 Ibidem, p. 21.

139 Rapport de l’assemblée générale du 11 nov. 1966, BSPHG, n° 203, fév. 1967, p. 531. Motion 5 : « La Société des professeurs d’histoire et de géographie de l’enseignement public, réunie en Assemblée générale le 11 novembre 1966, demande que des stages d’information pratique et d’expérimentation très brefs mais intensifs permettent aux professeurs volontaires de se mettre au courant des techniques et de l’utilisation des appareils ». Cette demande s’inscrit dans la continuité des sollicitudes pour le matériel pédagogique que l’association a manifestées depuis sa fondation.

140 « Le Colloque d’Amiens », l’Éducation nationale, n° 858, 18 avril 1968, p. 9. Le numéro est consacré au compte rendu du Colloque. La totalité des actes a été publiée aux éditions Dunod en 1969.

141 Extrait du rapport final de la commission D, op. cit., p. 36.

142 Ibid.

143 Citron (S.), « Pour l’aggiornamento de l’histoire-géographie », op. cit.

144 Suzanne Citron, lors du colloque de Sèvres en décembre 1968, propose que l’inspection générale se charge de la mise en place et du fonctionnement de la formation permanente plutôt que de « consacrer la plus grande partie de son temps à inspecter les enseignants », BSPHG, n° spécial, 218, mai 1969, p. 807. Elle défend là une des positions caractéristiques du SGEN en mai 1968.

145 Lottin et Dejonghe, « L’étude du document dans la formation des maîtres », Cahiers pédagogiques, n° 66, fév. 1967, p. 30-31.

146 Cf. supra, 3e partie, chap. VII, p. 350-352.

147 BSPHG, n° 219, juin 1969, p. 873. Est reproduite la lettre que le président a adressée au ministre de l’Éducation nationale le 10 mai 1969 pour annoncer que la Société se retirait du groupe de préparation. Les termes restent très flous puisqu’il n’est question que de « buts et méthodes non clairement définis ». Cette interprétation nous a été confirmée oralement par Suzanne Citron, le 15 octobre 1996.

148 BOEN, n° 37, 2/10/1969, p. 3041-3046. Annexe I.

149 Labal (P.), « Horizon mil neuf cent… X pour l’enseignement de l’histoire dans le second degré », BSPHG, n° 211, avril 1968, p. 745-754.

150 Reinhard (M.), L’enseignement de l’histoire, Paris, PUF, 1957.

151 Arrêté du 13 juillet 1973, BOEN, n° 29, 19/7/1973, p. 2219-2220.

152 BOEN, n° 21, 25 mai 1972, p. 1449. Sont classées disciplines d’éveil, l’histoire, la géographie, l’instruction civique, la biologie et les sciences naturelles, le dessin, l’éducation musicale et les travaux manuels.

153 L’arrêté du 7 août 1969 distingue pour l’enseignement primaire, les matières dites fondamentales et celles d’éveil où « il n’est plus nécessaire, de six à onze ans, d’apporter à l’enfant des connaissances indispensables », puisque tous les élèves accèdent au collège.

154 Brunold (C.), « L’orientation pédagogique dans l’enseignement du second degré », circulaire du 30 mai 1952, BO, n° 22, 15 juin 1952, p. 1677-1684, reproduite dans l’Éducation nationale, n° 21, 19 juin 1952, p. 10 sq.

155 l’Éducation nationale, n° 846, 11/1/1968, p. 17-24. Raison (P.), « Tout ne va pas si mal… », l’Éducation nationale, 14/3/1968, p. 16-18.

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