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Experts et expertise judiciaire

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Frédéric Chauvaud
, 
Laurence Dumoulin

Troisième partie. La justice à l'aune de l'expertise

Introduction

Frédéric Chauvaud

Entrées d'index

Géographique :

France

Texte intégral

  • 1 Archives de Paris, D2U8/114-1881.

1Au xixe siècle, comme au xxe siècle, on demande aux experts de « posséder profondément des connaissances spéciales ». De la sorte, le savoir expertal justifie aux yeux de tous les acteurs le recours sans cesse croissant aux expertises. Le crédit des experts vient de leur savoir. Et pourtant certains experts ne se montrent-ils pas trop hésitants ? En 1881, Paul Descout ne peut répondre clairement à la question du juge d’instruction Jolly, « près le premier tribunal » de première instance du département de la Seine1. Un ouvrier plombier de la rue de Clichy a-t-il eu l’œil crevé à l’aide d’un tirebouchon « comme en ont les garçons de café ? ». Le coup a-t-il été porté de haut en bas, puis de gauche à droite avec un instrument piquant ? tranchant ? Comment faire pour ne pas se contenter de réponses évasives, demandent les juges ? De quelle façon faut-il s’y prendre pour asseoir un savoir expertal s’interrogent les spécialistes ? Ne convient-il pas de faire part de ses compétences ? Ne faut-il pas imposer de nouveaux domaines ? Créer une littérature de l’expertise ? Multiplier les signes qui attestent du poids irrésistible pris par les opérations d’expertise ? De la sorte le territoire expertal ne semble plus connaître de limites. N’est-il pas devenu possible de tout expertiser, y compris la pudeur ? Reste évidemment à rendre accessible le savoir des spécialistes. Il importe donc de suivre les stratégies déployées pour parvenir à cette fin, puis de s’attacher à la preuve par l’expertise. Si elle possède un statut ambivalent, elle appartient au « système des preuves ». La preuve expertale d’abord contestée semble s’imposer. Elle devient indiciale et pragmatique et finit, au civil comme au pénal, par conquérir le premier. Et pourtant n’est-elle pas soumise à de vives critiques ? Ne peut-on prétendre que la preuve est aussi un raisonnement ? Ne peut-on postuler que l’expertise n’appartient pas toujours à l’ensemble des preuves judiciaires ?

2Reste enfin à observer les relations entre les experts et les autres acteurs du procès. Mais auparavant, il importe de saisir la place prise par les experts et les expertises dans l’opinion publique. Ne sont-ils pas très vivement stigmatisés avec une forte poussée au milieu des années 1930 ? Quelles sont les « remontrances » les plus fréquemment adressées au monde des expertises, quel sens faut-il leur accorder ? Mais du général, il convient de glisser au particulier et de se rapprocher des experts et des juges afin de mieux saisir la nature du lien qui les unit comme les conquêtes discrètes de l’expertise et de l’expert qui semblent désormais occuper les premières places dans l’administration de la justice. Parvenu à ce stade, il importera de s’arrêter sur les représentations que les experts se font d’eux-mêmes et de leurs activités. Ne peut-on prétendre, malgré un fort sentiment de malaise et de grandes difficultés qu’on ne saurait nier, qu’un véritable culte est rendu aux auxiliaires de la justice qui ont contribué à imposer un idéal expertal ?

Notes

1 Archives de Paris, D2U8/114-1881.

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