Chapitre XXXVII. Crazy Horse, 2011
p. 367-373
Texte intégral
Alexandra Vladimirovna, en regardant Natalia, songea qu’il y a un type de beauté puissant, obstiné, sur lequel les dures conditions de vie ne peuvent rien. Tout était beau chez Natalia : son cou, sa jeune poitrine, ses bras harmonieux, dénudés presque jusqu’aux épaules. « Un philosophe sans le savoir », pensa Alexandra Vladimirovna.
Vassili Grossman, Vie et destin, III, 1151.
1Inventé en 1951 par Alain Bernardin (1916-1994), le Crazy Horse appartient aujourd’hui à un consortium belge dirigé par Philippe Lhomme. Son administration générale a été par lui confiée à Andrée Deissenberg, venue du cirque du Soleil. L’établissement a choisi de célébrer en 2011 son soixantième anniversaire avec Désir, un spectacle conçu par Philippe Decouflé, assisté de la direction artistique d’Ali Mahdavi.
2La vie parisienne qualifie le Crazy Horse de véritable ou vénérable institution. Et c’est en effet en prenant ce mot à tous les sens où il aime l’employer que Frederick Wiseman a réalisé son film. Au sens commun d’un microcosme avec ses codes, ses règles, ses hiérarchies et surtout ces individus qui la peuplent et lui donnent une âme : le Crazy Horse, ses actionnaires, sa direction, sa troupe de danseuses. Mais selon cette autre définition aussi qui lui est plus personnelle : le cinéaste aime appeler institution « tout endroit où plus de trois personnes font le même travail pendant plus d’un mois [18] ». Sa propre équipe donc, mais aussi la communauté temporaire qui se forme autour de la production de Désir, le spectacle que le cinéaste et ses deux assistants ont été invités à filmer.
3Alain Bernardin mit en place les codes supposés intangibles pour une revisitation chic du strip-tease. La tradition exige un ensemble de tableaux chorégraphiés pour de belles femmes dont la nudité est toujours cachée et exaltée en même temps par l’habit de lumières. La révolution périodique la confortera de ses trouvailles techniques et des audaces techniques de ses effets spéciaux, à l’étonnement renouvelé de son gibier de passage. Hier des mondains de la capitale et des touristes américains, aujourd’hui des Français toujours pour moitié environ et de plus en plus d’hommes d’affaires russes et chinois.
4Du point de vue des nationalités au moins, l’évolution est semblable des deux côtés de la rampe de scène. Car Alain Bernardin est en fait un homme d’affaires, mais à l’ancienne, habité d’un zeste de folies et en quête d’une filiation noble :
Pas de plumes. Pas de parure extravagante. Je travaille sur le corps des femmes comme ont travaillé les sculpteurs ou les peintres. En somme, j’aurais voulu être Modigliani.
5Et comme les mythes l’exigent de tout créateur, d’une main de fer il mena ses innombrables modèles. Aussi opposé que possible à quelqu’un qui pourtant rêva sans doute beaucoup de lui, un certain Cosmo Vitelli, patron du Crazy Horse West, pauvre cabaret, pauvre troupe, obsédé de classe et de paraître, habité sans doute d’une véritable grandeur d’âme, un rêve à en mourir dans Meurtre d’un bookmaker chinois (1976) de John Cassavetes. Après tout, Alain Bernardin choisit comme lui le lieu et le moment de sa propre mort.
6Mais la légende est loin. Après plusieurs années de stagnations et de querelles entre héritiers, le Crazy Horse doit redevenir un lieu mythique et lucratif à la fois sous la pression de ses actionnaires, qui ont certainement payé fort cher leur acquisition puisque le contrat interdit à quiconque de révéler le montant de cette transaction. Voilà les filles prises en mains par le chorégraphe et danseur Philippe Decouflé, bien connu pour ses mises en scène d’événements en 1989 à l’occasion du Bicentenaire de la Révolution française, en 1992 les cérémonies des Jeux Olympiques d’Albertville ou en 2007 la parade à Paris à l’occasion de la Coupe du Monde de rugby. Un autre personnage de la vie parisienne, le photographe et danseur Ali Mahdavi, lui apporte son concours comme directeur artistique. Le film se charge de montrer plus précisément les différents rôles, confusions et répartitions.
7Quant à la franco-américaine Andrée Deissenberg, native de Knoxville, le consortium alla la chercher au Canada où elle avait montré ce qu’elle savait faire avec sa résurrection et sa promotion du cirque du Soleil – qui, après Désir, a invité Philippe Decouflé et son Iris – afin de lui confier en 2006 celles du moribond Crazy Horse.
C’est un incroyable honneur pour le Crazy Horse d’avoir été saisi à travers le regard de Frederick Wiseman. Il fut le témoin discret et perspicace du travail de création, des frustrations, des doutes mais aussi de l’exaltation et des joie liées à celle-ci. Réinventer le Crazy était un réel challenge et Frederick Wiseman a su capter ces moments historiques avec tendresse et discernement.
8L’hommage rendu à cette nouvelle entreprise par la directrice dans le dossier de presse du film est réel. Frederick Wiseman reste constant dans la confiance, l’estime et l’écoute qu’il apporte à tous les individus dont il témoigne, quelles que soient leurs positions sociales, leurs apparentes limites intellectuelles ou morales, où même les divergences qu’on devine parfois mais dont il prend grand soin de ne jamais accabler les personnes. Cependant, en abordant cette troisième institution parisienne, après La Comédie-Française et La Danse / Le Ballet de l’Opéra de Paris, les désirs du cinéaste sont plus diversifiés et plus contradictoires.
9C’est d’abord, comme il l’avait dit à propos de la salle de Boxing Gym, l’occasion pour lui d’un luxe sans luxure, d’un amusement : s’offrir un décor, des lumières, des techniciens, un agencement, d’une sophistication dont il ne pourrait financer le premier projecteur : – « Le film a coûté cent quarante mille euros. Le budget déjeuner pour un film d’Hollywood. Mais il faut les trouver, c’est difficile, même pour moi. Ici, heureusement, Canal + m’a donné l’argent [85.zc]. » Et un ensemble d’actrices et d’acteurs hors de ses moyens, dont il comprendra vite qu’elles sont bien plus érotiques dans leurs loges, dans les pauses, dans les répétitions que le soir du spectacle sur la scène. À l’évidence porté par cette possibilité de réaliser les plus belles images de sa vie, comme issues de la grande école de Paul Jeffrey Sharits (1943-1993) ou même des inventions pionnières de Len Lye (1901-1980), après les étalonnages numériques utilisés dans La Danse, – est-ce le début d’une conversion ? – Wiseman adopte ici la caméra vidéo haute définition, magnifiant les lumières, les couleurs aux nuances patiemment comparées dans la palette par Philippe et Ali, les textures des matières, textile, plastique, plexiglas, miroirs, reflets narcissiques ou créateurs d’étranges monstres, enregistrant fidèlement arlequins kaléidoscopes, effets spéciaux, projections sur transparences, vertiges cinématiques venus tout droit du Optical Art. Et comme pour jouer ostentatoirement la modeste, la caméra ouvre et ferme le film sur de simples ombres chinoises, sésames sur l’univers des parallèles illusions.
10De même, si des envies esthétiques président aux plans très rapprochés des corps des danseuses, elles produisent de ces images de pur cinéma que ne verront jamais les spectateurs depuis leurs tables et leurs sièges : cuisses, jambes, croupes, dos cambrés jusqu’à leur disparition en vagues d’un océan ou en dunes d’un désert, pieds haut perchés dans des escarpins de Christian Louboutin, ou en groupes serrés de près. Toute cette grammaire du corps en morceaux que Wiseman avait déjà explorés dans le monde voisin de Model et dans la cellule à tout faire de Seraphita’s Diary se chargerait de l’irréalité bon enfant du dessin animé si elle ne figurait aussi la silencieuse résistance des corps qu’inexorablement le regard du créateur génial et amoureux, transforme en objet : Picasso assassinant Jacqueline Roque de ses yeux hallucinés, Le Portrait Ovale d’Edgar Poe, Rivette et sa Belle Noiseuse, Godard sa Nana / Anna Karina dans Vivre sa vie mais aussi dans sa vie. Ou ces cinéastes que cite ici même Ali Mahdavi : Federico Fellini à qui Giuletta Masina ne survécut que trois mois, ou le terrible R. W. Fassbinder dont on ne compte plus les victimes. Elles perdent ici jusqu’à leurs noms, pour ne plus répondre qu’à de violentes et interchangeables impositions : Lumina Klassika, Zula Zazou, Fiamma Rosa, Nouka Karamel, Zonnie Rogène, Volta Reine, Lady Pousse-Pousse, Loa Vahina, Jade Or, ou Psykko Tico, sans les citer toutes.
11Alors, mouche sur le mur durant onze semaines et dès le second jour, ce cinéaste les a aussi côtoyées en pied, ailleurs que sur scène ou en séances d’essais, enregistré leurs rires et leurs plaisanteries devant un bêtisier de télévision où les grandes étoiles de la danse russe se cassaient magistralement la figure, et leurs débats sérieux face à un Decouflé à la dérive : « Je ne peux pas créer dans ces conditions. » Soudain ces corps réunis au repos pensent et pensent bien. Quand un cinéaste croise enfin des femmes, elles savent à leur tour le reconnaître, témoigner après coup :
Loa Vahina. – On ne s’était jamais rendu compte qu’il tournait : on ne l’entendait pas, il était invisible. Il n’a pas seulement – et admirablement – restitué notre travail de danseuses. Il a aussi découvert quantité de particularités du Crazy que je ne connaissais pas.
Fiamma Rosa. – En quelques images, Wiseman nous fait comprendre les nécessités du budget d’une revue et les exigences de la création. Nous autres danseuses, n’avions pas conscience de ces données, même lors de nos réflexions en réunions de travail.
12Combien de critiques professionnels du cinéma, terrassés par ce film qu’ils ont reçu comme une débauche de croupes cambrées et de seins calibrés, n’auront pas eu cette lucidité, réservée à ceux et celles qui savent ce que travailler veut dire ?
13Histoire de demeurer civil et socialement admissible, dans la bonne tradition du faux chic pour riches et touristes, le spectacle s’appelle Désir, mais la vraie question est celle de l’expression et de la suggestion de différents fantasmes, des plus évidents aux plus clandestins :
- fantasmes du public qui doit trouver un suffisant appel pour dépenser tant d’argent. Une place debout au bar coûte aujourd’hui soixante-dix euros et un box privé VIP à partir de mille euros. Et qui consent à n’être ici que si le spectacle l’aide à dénier ou conjurer sa propre vulgarité pour la transcender en mythe sophistiqué et en inhibition lumineuse et sonore. La frustration est ici le principe et la théorie même du spectacle : « Tu prends le monsieur là, et tu le mets au 412. » Sans oublier d’acheter au passage les breloques et produits dits dérivés, et les photographies prises durant la soirée, immortalisant leur passage, aussitôt tirées par centaines sur des machines perfectionnées, semi-industrielles ;
- fantasmes du metteur en scène qui, sous l’idéal rationalisé de la création artistique, doit trouver en lui des pulsions en accord avec les axes de l’établissement. Culte du lesbianisme et de la masturbation, jamais d’hommes sur scène sauf dans des intermèdes réservés pour eux seuls (comme ici les frères jumeaux aux claquettes), c’est à ce prix que les femmes peuvent constituer la moitié séduite de l’assistance, au grand désarroi de Philippe Decouflé : « Contrairement à ce qu’on croit généralement, ces filles ne sont pas des cochonnes, elles n’aiment pas se toucher, dès qu’elles sont à ça (avec un geste indiquant environ dix centimètres) il y a comme un mur invisible. » Un mur profondément intangible qui finira toujours par arrêter ses propres velléités, lui imposer l’ordre et la philosophie des ressemblances : « Il faut de l’abandon », dit-il en voix off, « c’est une bonne idée, les yeux fermés ». Se rendant à cette logique close au point que, dans un entretien de presse, Andrée Deissenger, lui attribue le génie d’avoir touché à l’essence même de l’esprit de la maison, tout en étant profondément « révolutionnaire » – juste ce qu’il faut de transgressions étincelantes pour pouvoir employer les grands mots – puisque « travailler sur la frustration et le désir est la marque de fabrique du Crazy Horse ». Partir des femmes pour toucher les femmes d’abord, et seulement par elles emporter les hommes par les deux bouts. Fort intelligemment secondée dans la transmission de la loi par les excentricités matoises de son directeur artistique Ali Mahdavi formaté par les codes de la nuit et les références – « Saint-Laurent, Marlène Dietrich, Helmut Newton » – et situant modestement son apport vis-à-vis du créateur Decouflé : « La légitimité est à Philippe. Disons que je suis plus attentif que lui aux costumes et à tout ce qui touche à la mise en scène de “soi-même”. Reste à Decouflé, selon ses propres mots, à “chapeauter l’ensemble de la cohérence” » ;
- les fantasmes des danseuses, car n’être pas cochonnes et porter des gants aux répétitions pour éviter de se toucher justement ne les empêche pas d’en être habitées, dans leurs corps et à leurs places. Même si le diable en ombres chinoises ouvre le film et s’apprête à conduire le bal, elles étourdissent surtout Wiseman – et nous avec – par une innocence et une routine édéniques à se promener nues dans les couloirs tandis qu’un vieil homme indifférent se faufile entre leurs corps pour leur apporter des casse-croûte dans un sac en plastique. Mais, tout de même, quel autre démon pousse ces colombes à se soumettre aux crocs d’une audition d’une rare cruauté où, en rang comme du bétail – Wiseman avoue avoir pensé à Meat (1976) en tournant cette séquence – elles consentent à se cambrer et à se tourner pour montrer leur croupe à de chuchotants Cerbères, avec l’évidente ambition de chercher davantage que de quoi vivre, dans ce microcosme dont elles savent, et désirent sans doute, la rigueur morale et la censure sexuelle ? Alors l’une d’elles peut murmurer, en russe : « Moi, je ne suis qu’une ombre et vous une clarté. » Ou quand l’une des filles-léopards regrette que le projecteur n’ait pas saisi le moment où elle tombait sur le sol de la cage de cordes pour se concentrer sur sa partenaire vivante : « On aurait pu voir ta mort ! », elle lui répond dans un souffle : « Éteinte », puisque leur vie rêvée n’est que lumière. Et toujours au fond la mise à mort de l’objet du désir, quand une femme entravée dans les liens descend lentement au fond de l’océan : « Se noyer est un bonheur », susurre la diseuse russe ;
- fantasmes enfin des actionnaires, d’enrichissement sans fin et de pouvoir maximal : « Le Crazy Horse ne ferme jamais », trouvant, eux, leur traduction dans la réalité, par la manipulation indirecte d’une douzaine de femmes nues déléguée à tous ces rêveurs, la maîtresse femme, les deux artistes en renom et le discret contrepoint des machinistes et de leurs treuils et cintres, tapis roulants, orgues à lumière, consoles, ordinateurs, mais attention : « Ils ne payeront jamais soixante personnes à ne rien faire. »
14La costumière et créatrice parisienne de lingerie de luxe Fifi Chachnil – malicieux détournement de Coco Chanel – incarne exactement cette médiation entre fantasmes et réalités. Dans son corps et dans sa voix même, elle est double. Habillée en écolière et parlant de façon enfantine lorsqu’elle s’adresse à l’une des filles de la troupe, pour lui expliquer qu’elle doit renoncer au beau tissu de la jolie robe qui n’existe plus dans la lumière et qu’il lui rend les fesses osseuses, alors que « l’idée est d’avoir de jolies petites fesses bien rondes », c’est en tailleur noir qu’elle menace Philippe Decouflé de démissionner s’il continue ainsi à changer d’idée toutes les semaines : « On ne déconne pas avec les filles toutes nues. » D’autant qu’avec tout ce travail qui est demandé aux vêtements, leur confection doit être solide pour résister au temps. Il faut l’entendre enfin dire avec aussi peu de ménagements : « Tu peux venir, Jérôme ? j’ai des difficultés à habiller cette dame. » En un mot, elle explique que si Make me crazy est le slogan de la maison et le mot d’ordre donné à Philippe Decouflé, elle ne lui reconnaît pas le droit de l’appliquer sur elle.
15Derrière l’aisance du regard et la simplicité du côtoiement, Wiseman avance masqué. Interrogé sur ce qui avait pu l’amener à s’installer ainsi au Crazy Horse, il lui est même arrivé de répondre qu’après tout, à quatre-vingts ans, il commençait à avoir l’âge de ce genre d’expériences. Et s’il en est pour s’en tenir à ce piège grossier, comment se défendront-ils des autres que leur tend ce film ? Comme tous les films de Wiseman d’ailleurs, tant il est vrai qu’ils ne montrent pas directement ce qu’ils donnent à voir. Ce qu’il appelle les faits, nous savons qu’ils ne sont que des affleurements, et que nous demeurerons longtemps dans l’impossibilité de les pénétrer plus avant. Du moins collectivement, dogmatiquement ou d’une seule voix. Suffisamment de remarques ou d’incises au passage nous évitent pourtant de croire au double naufrage : celui de la vicieuse friponnerie de vieillard, celui de la fascination esthétique anesthésiant en lui toute compréhension, toute intelligence, forcément critique.
16Après La Comédie-Française ou L’Amour Joué (1996), dans le sillage duquel il tourna La Dernière Lettre sur la même scène, et La Danse / Le Ballet de l’Opéra de Paris (2009), Crazy Horse est le troisième volet d’une trilogie parisienne entièrement consacrée au monde du spectacle et de la scène. Pour autant le sujet n’est pas réservé à Paris, puisqu’il tourna à New York Ballet, et d’une certaine façon, Model et Seraphita’s Diary touchent à des microcosmes comparables. D’autre part, le traitement lui-même n’est pas aussi opposé qu’on veut souvent le dire. Ici comme chez lui, Wiseman ne cesse d’interroger l’institution, ses rouages politiques et économiques, ses contraintes et ses roueries, son travail, ses performances et ses réussites. Simplement, invité à Paris, la pudeur et la courtoisie de Wiseman l’ont certainement retenu dans les inductions ou les sollicitations concernant une terre d’accueil ou même d’heureuse adoption. Et dans le même temps, l’apprivoisement progressif des techniques et supports numériques a certainement accompagné une évolution plus contemplative de son regard. Après tout, l’homme a parfois le droit, dans cette ville qu’il aime – encore que le film ne soit sorti que dans dix-neuf salles en France –, d’en jouir sans être condamné à se soumettre à ceux qui exigent de lui conformité à leur préformation Wiseman, une caricature fondée sur une ignorance parfois encyclopédique de son œuvre.
17Voir et revoir Crazy Horse, c’est rencontrer une fois encore, à Paris comme à New York, l’un des piliers de toute son œuvre, le rapport shakespearien et beckettien entre théâtre et réalité, dont nous avons pu enregistrer les différentes étapes. De leur juxtaposition pure et simple des premiers films au dégagement progressif du didactisme dans de plus subtiles fusions, Wiseman a libéré son regard pour revenir au monde du spectacle pour lui-même, en le débarrassant de sa fonction de métaphore. L’homme de cinéma témoigne des jeux du théâtre dans les institutions sociales. L’homme de théâtre aborde ici encore l’illusion théâtrale, comme une expérience de vie, sans la charger outre mesure de la mission de nous aider à comprendre le vaste monde, ce dont plus de trente autres films ont su si bien s’acquitter.
18Il existe à Palerme, dans le jardin de l’église San Giovanni degli Eremiti, un arbre étrange : un seul tronc, mais deux branches maîtresses en partent, l’une donnant des citrons, l’autre des oranges. L’idée ne vient à personne d’expliquer l’une par l’autre mais, émerveillement du simple fait, tous peuvent constater la commune racine.
Tourné à Paris et au Crazy Horse en 2009. Photographie de John Davey. Présenté en avantpremière à Venice Days le 31 août 2011, puis dans différents festivals (Toronto, San Sebastian, New York) et en sortie en France le 5 octobre 2011. Durée : 134 minutes, couleur.
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