Les mémoires policiers, 1750-1850
|Deuxième partie. Écrire pour réformer la police
La maréchaussée idéale : Les Essais historiques et critiques sur la maréchaussée de Cordier de Perney, 1788
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FranceTexte intégral
- 1 F-J. Guillotte (ou Guillautte), Mémoire sur la réformation de la police de France, 1749, J. seznec(...)
- 2 Afin de ne pas alourdir le texte et les notes, nous désignerons désormais cet ouvrage sous le titr (...)
- 3 C’est la raison pour laquelle je citerai assez abondamment le texte.
1Parmi les mémoires et ouvrages écrits par des officiers de maréchaussée sur les questions de police, deux seulement ont connu une certaine notoriété. Le plus célèbre est sans conteste le Mémoire sur la réformation de la police de France, rédigé en 1749 par François Guillotte, exempt de la maréchaussée d’Île-de-France et inspecteur du marché aux chevaux1. Le second, essentiellement connu au sein de la gendarmerie actuelle, porte un titre programme : Essais historiques et critiques sur la maréchaussée, suivis d’un plan d’amélioration pour cet établissement, qui offrant une épargne d’un ou même deux millions sur la dépense annuelle, le rend cependant susceptible d’un service infiniment plus utile et plus considéré2. Cet ouvrage de 279 pages fut publié en 1788 de manière anonyme par un certain C. de P., lieutenant-colonel. Destiné « aux seuls gens en place qui peuvent influer sur le sort de la maréchaussée, ou qui sont intéressés à l’amélioration de cet établissement, et des personnes qui portant un œil observateur sur toutes les institutions publiques mettroient la maréchaussée au nombre de celles dont la société doit se promettre le plus d’avantages et ne craindroient pas d’en faire un instant l’objet de leur attention », l’ouvrage fut tiré en un nombre volontairement réduit d’exemplaires, ce qui explique sa quasi disparition du domaine public. Il semble que l’unique exemplaire consultable soit la photocopie effectuée par le service historique de la gendarmerie à partir d’un exemplaire privé, l’exemplaire de la BNF ayant disparu3. Si ces Essais semblent avoir été largement ignorés lors de leurs parutions, depuis leur redécouverte, voici une quinzaine d’années, ils rencontrent dans la gendarmerie un certain succès dû à la manière dont l’auteur présente l’institution, au ton employé et aux projets proposés. Ce sont aussi ces points qui font son intérêt pour l’historien.
2Ces Essais recoupent, en effet, les quatre aspects des écrits administratifs définis en introduction par Vincent Milliot : la récapitulation ; la proposition de l’amélioration d’aspect précis, à travers la critique des ordonnances de 1769 et 1778 ; dépassant la simple demande d’aménagements ; la vocation corporatiste, en l’espèce la défense de la maréchaussée. Cette originalité tient à la personnalité de l’auteur et au fait que sa réflexion s’inscrit dans un vaste mouvement de demande de réformes émanant des officiers du corps. Le résultat est la description de la maréchaussée telle qu’elle est, selon l’auteur, et telle qu’elle devrait être. Au-delà, nous est aussi livrée une conception très personnelle de la police.
Présentation générale de l’ouvrage
L’auteur
- 4 P. Brouillet « Papillon vrai défenseur de la maréchaussée ? », Revue de la gendarmerie nationale, (...)
- 5 Sur cet officier, outre l’article cité ci-dessus, voir P. Brouillet, La maréchaussée dans la génér (...)
- 6 Essais…, p. 24 : allusion aux unités de Sedan, Metz, Sarrelouis et Pont-à-Mousson ; p. 37, l’exemp (...)
- 7 1 m 1782. Cordier de Perney fait clairement allusion à ce mémoire au début des Essais, p. 1 : « Il (...)
- 8 shd, Yb 722 et Ye 5437, Musée de la gendarmerie nationale, NMx, pièce I. Essais, p. 5.
- 9 Essais, p. 155 et 156.
- 10 Essais, p. 37.
- 11 Essais, p. 45.
3Il n’est pas besoin d’insister sur la nécessaire présentation de l’auteur d’un tel ouvrage. Trompé par les initiales et sans être allé vérifier plus avant, le possesseur du dernier exemplaire de ces Essais 4 les a attribués à Jean Charles Papillon, dernier prévôt général de la compagnie de l’Île-de-France5. Une lecture attentive de l’ouvrage exclut pourtant une telle attribution, l’auteur se référant en permanence aux unités de la compagnie de Lorraine et expliquant qu’il a été obligé de quitter non seulement la maréchaussée mais aussi la France6. Cet auteur n’est pas inconnu pour autant. Derrière les initiales C. de P. se cache un certain Cordier de Perney dont le premier mémoire manuscrit à l’origine des Essais se trouve au SHD7. Aprés avoir servi neuf ans comme cadet au Royal Allemand, Cordier commença sa carrière dans la maréchaussée comme exempt commandant la brigade d’Épinal. Le 20 mai 1775, il acheta l’office de lieutenant de Sarreguemines auprès de Jean-François-Trouard Riolle, maire de la ville de Pont à Mousson qui avait acquis l’office pour son frère, Charles-Trouard. Pour cet achat Cordier emprunta six mille livres au trésorier général de l’artillerie et s’engagea à payer les neuf mille livres restantes dans les douze ans suivant. En cas de démission ou de décès, cette somme devenait immédiatement exigible. Or, trois ans plus tard à peine, le 9 septembre 1778, Cordier fut destitué pour des raisons que nous ignorons mais qui semblent avoir été sa propension à se heurter, peut-être même physiquement, aux autorités8. À la suite de son renvoi, il quitta le royaume, vraisemblablement pour échapper à des poursuites ou à ses créanciers, et trouva du service dans l’armée d’une principauté allemande9. Malgré cette fin de service peu glorieuse, dont il rendait responsable les intendants et le bureau des maréchaussées10, Perney resta attaché à l’institution dans laquelle il avait espéré faire toute sa carrière11, tout en conservant un fort sentiment d’injustice qui se ressent dans les notes ajoutées au manuscrit originel.
Maréchaussée et réformes
- 12 Pour la période 1720 et 1790, j’ai répertorié entre cinquante et soixante écrits divers : mémoires (...)
- 13 Sur le rôle important joué par les Maréchaux de France dans les réformes et la gestion du corps, v (...)
- 14 P. Brouillet La maréchaussée dans la généralité de Paris., op. cit., p. 215 et suivantes.
- 15 Pour le contexte, le détail et les résultats de toutes ces réformes voir P. Brouillet, La maréchau (...)
- 16 Essais, p. 5.
4En 1773, Lorsque Cordier prit la plume il n’était ni le premier, ni le dernier à le faire. À partir des années 1750 s’engagea au sein de la maréchaussée un vaste mouvement de réflexion sur les moyens d’améliorer à la fois le service et les conditions matérielles du personnel de l’institution. Entre le milieu du siècle et 1790 plus de quarante mémoires12, rapports ou propositions furent adressés au bureau des maréchaussées ou émanèrent de ce même bureau ou du tribunal des Maréchaux de France, chefs « naturels » du corps13. La plupart se contentent d’aborder un point particulier, critiquent les ordonnances successives réformant l’institution ou proposent des améliorations ou modifications très précises, tournant en général autour des problèmes matériels et financiers du personnel. Cette demande de réformes fut consécutive à la prise de conscience par le personnel, notamment officier, de la maréchaussée qu’il exerçait un métier spécifique, les liens avec la judicature étant de plus en plus lâches et ceux avec l’armée n’étant pas clairement établis14. Le personnel s’exprima d’autant plus facilement qu’il s’y crut autorisé par la succession des réformes qui touchèrent le corps dans les trente dernières années de l’Ancien Régime : 1760, 1768 puis 1769, 177815. Ces réorganisations de l’institution, si elles améliorèrent sensiblement les aspects matériels et transformèrent les maréchaussées en un corps unifié nettement militarisé, ne réglèrent pas des points importants sur lesquels portaient les demandes : l’assimilation totale de la maréchaussée aux troupes réglées, la rédaction d’un code commun à toutes les unités, la destination précise de la maréchaussée. En raison de leur rédaction étalée sur un temps très long, les Essais offrent la particularité d’être un condensé, bien que le terme soit sans doute mal approprié pour un ouvrage aussi volumineux, de toutes ces réflexions. Le plan de l’ouvrage en est une preuve. La première partie est un historique des maréchaussées du xe au xviiie siècles. La deuxième partie, la plus longue, consiste en un examen détaillé des principales ordonnances concernant la maréchaussée parues entre 1720 et 1769 ; en fait, il s’agit surtout d’une critique article par article de l’ordonnance de 1769, à laquelle ont été rajoutées quelques remarques concernant l’ordonnance de 1778. La troisième partie est un plan raisonné d’amélioration de l’organisation et du service. Enfin, la quatrième partie offre « une esquisse du code général qu’il conviendroit d’adapter à la Maréchaussée16. » Au total, Cordier nous offre une description de la maréchaussée telle qu’elle était en 1788, ou du moins tel qu’il la voyait, et telle que, selon lui, elle aurait dû être.
La maréchaussée telle qu’elle est
Un corps ancien et utile
5Comme la plupart de ses camarades servant dans la maréchaussée, quel que soit leur grade, Cordier constatait la décadence d’un corps ancien, prestigieux à l’origine, car militaire, oublié et méprisé malgré son utilité. C’est la raison pour laquelle les Essais s’ouvrent sur un historique qui a une double fonction : justifier l’existence du corps ; prouver que les ministres successifs l’ont laissé à l’abandon en le coupant notamment de ses origines.
- 17 Cette construction se rapproche de celle, traditionnelle, qui divise les dynasties royales en race (...)
- 18 Essais, pp. 14-15.
- 19 Essais, p. 26.
6La première source de la légitimité de l’existence de la maréchaussée était son ancienneté, que Cordier faisait remonter à 1160, date traditionnellement retenue depuis par la gendarmerie nationale comme date de fondation. La maréchaussée était issue de quatre souches. Deux avaient disparu rapidement car elles n’étaient que les gardes du Connétable et des Maréchaux17. Les deux autres, constituées des compagnies attachées aux baillis et celles des prévôts des maréchaux, avaient périclité très vite, d’une part parce que le pouvoir avait laissé la nomination du personnel subalterne à la diligence des chefs, d’autre part parce que la vénalité ainsi introduite en raison de la cupidité des prévôts et baillis avait été officialisée en 1629 et toujours maintenue. Or la vénalité avait été à l’origine de la perte du caractère militaire de la maréchaussée, les prévôts préférant embaucher des gens solvables plutôt que de vrais militaires. Ainsi, en 1720, la maréchaussée était-elle composée « de bourgeois sans courage, sans discipline, sans désintéressement, et d’officiers probablement d’une trempe proportionnée… Cette troupe n’avait-elle plus du militaire que l’honneur d’avoir été mis sous le commandement des Maréchaux de France »18. Si la réforme de 1720 avait permis de redonner à la maréchaussée une partie de son lustre et de son efficacité d’antan, elle s’était vite révélée insuffisante et il avait fallu en 1760, puis en 1769 remettre l’ouvrage sur le métier. Cordier, bien que très critique, se plaît d’ailleurs à reconnaître que des avancées importantes avaient eu lieu entre le début du siècle et l’ordonnance de 1769, qui venait « très à propos pour remettre en vigueur quelques bonnes dispositions de celle de 1760 qui étoient oubliées, et pour introduire un peu de cet esprit de tenue et d’émulation, d’après l’exemple des autres corps dont la maréchaussée commença à rougir de se trouver si différente quant elle auroit dû être leur modèle, puisqu’elle a le rang et l’ancienneté sur eux19 ».
- 20 Sur ces compagnies voir les diverses histoires de la maréchaussée : J. lorgnier, Maréchaussée, His (...)
- 21 Essais, p. 29.
- 22 Essais, p. 33 à 42.
7Outre son ancienneté, la maréchaussée était respectable parce qu’utile à la fois au gouvernement et aux citoyens, en raison de sa mission de maintien de la tranquillité et de la sûreté publiques, liée à l’exercice de la justice prévôtale. L’importance croissante de cette mission civile avait cependant participé au déclin du corps parce qu’elle en avait éloignée les nobles et les militaires ; parce qu’elle avait été partagée entre plusieurs unités similaires mais d’inégale valeur, les compagnies de robe courte, de vice-baillis et vice-sénéchaux concurrençant la maréchaussée20 ; parce qu’enfin, elle avait transformé la maréchaussée en une juridiction aux compétences trop incertaines pour qu’elles puissent être valablement exercées21. Le principal problème était donc de permettre à la maréchaussée de remplir ses missions qui pouvaient et devaient même être précisées et étendues, première notion à traverser tout l’ouvrage22.
- 23 Essais, p. 33.
8Ainsi en 1773, la maréchaussée était-elle une institution aussi « ancienne que respectable » ; dont la « composition et les fonctions » auraient dû « la mettre au rang des troupes les plus utiles » mais qui depuis la malheureuse époque « de 1629 où commença sa dégradation, par l’abus de la vénalité et les conséquences funestes qui en résultèrent, & encore par la complication des devoirs dont la plupart cessoient d’être honorables, & par la médiocrité des traitements… » avait perdu tout prestige, tout respect et ne rendait plus les services que l’on pouvait attendre d’elle23. De surcroît peu avait été fait pour remédier à cette situation.
Une institution mal composée et mal dirigée
- 24 En fait il s’agit de l’ordonnance du 27 décembre 1769, dont l’application commença en 1770.
- 25 Essais, p. 33.
9« On a du remarquer combien peu l’édit de 1720 avoit été propre à réparer tant de désordres, & que l’ordonnance de 1770 24 n’y avoit pas suppléé d’une manière encore assez efficace 25… » À en croire Cordier, les différentes réformes du xviiie siècle n’avaient donc pas permis de réformer le corps en profondeur.
- 26 Essais, p. 141.
- 27 Essais, pp 67-69.
- 28 Ordonnance du 27 décembre 1769, article II et Essais, p. 53 et suivantes.
- 29 Essais, p. 55.
- 30 Essais, pp. 59-65.
10Il ne peut être question ici de reprendre une par une toutes les critiques faites par Cordier, d’autant que le seul commentaire des ordonnances de 1769 et 1778 occupe 88 pages, soit près du tiers de l’ouvrage. Le premier souci de Cordier était la mauvaise composition du corps, c'est-à-dire à la fois son organisation générale et le statut de son personnel26. La dispersion des unités, si elle avait son intérêt, empêchait une réelle surveillance et un réel commandement des officiers. De plus, elle ne permettait pas la création d’un véritable esprit de corps27. Quant au personnel, les modalités de recrutement réelles ne permettaient pas d’atteindre les deux objectifs fixées par les ordonnances : donner une composition convenable au corps ; procurer des retraites et récompenses aux officiers, bas-officiers et soldats28. Les chefs étaient donc « peu capables ou étourdis, faux, durs, hautains, toujours occupés de leur propre avancement, & manquant de crédit pour obtenir les moindres grâces à ceux qui servent sous leurs ordres, ou les soutenir dans les tracasseries29 ». Un tel constat n’empêcha cependant pas Cordier d’acquérir une place de lieutenant. Outre les problèmes de condition de temps de service exigés et la modicité du traitement des officiers de maréchaussée, cette situation était le résultat de la faveur qui régnait dans la désignation des officiers, système qui perdura après la suppression de la vénalité. Le recrutement des cavaliers et bas-officiers n’était pas mieux assuré dans la mesure où il était laissé à la disposition des prévôts. Enfin, le recrutement péchait par la qualité des gens qui acceptaient de servir dans le corps, les conditions faites étant insuffisamment attractives sauf pour des gens possédant des biens ou des ressources autres que leur traitement30. C’est la raison pour laquelle Cordier défendait la possibilité pour le personnel d’exercer un second métier, alors que dans le même temps il prêchait la professionnalisation.
- 31 Sur ces aspects, P. Brouillet La maréchaussée dans la généralité de Paris au xviiie siècle, op. ci (...)
11Mal composée la maréchaussée était aussi mal payée, mal logée, mal habillée et mal montée même si Cordier reconnaissait que l’ordonnance de 1778 avait apporté de sensibles améliorations dans tous ces domaines. Il suit là la majorité de ses camarades qui estimaient qu’une des principales tares de la maréchaussée était sa pauvreté31.
- 32 Essais, pp. 117 et suivantes. La réforme de 1769 avait, en effet, modifié le système initial qui a (...)
12Enfin, le service était incorrectement assuré, d’une part parce que le corps était actionné par de trop nombreuses personnes, d’autre part parce que les brigades étaient trop éloignées les unes des autres et inégalement composées32.
- 33 Essais, pp. 61-64.
- 34 Essais, p. 108.
13Toutes les critiques de Cordier sont loin d’être fondées. Il est clair que sa diatribe contre les officiers jointe à sa longue défense des exempts est directement liée à sa situation au moment où il rédige son premier mémoire33. De même, lorsqu’il accuse la Cour de s’être emparée de l’argent des masses destinées à la remonte, il se fait le colporteur de ragots et laisse percer sa rancœur34. En revanche, Cordier pointe de vrais dysfonctionnements, par exemple la quasi impossibilité de contrôler le service effectué ou les difficultés à faire appliquer les ordonnances sur le logement.
Un corps délaissé aux mains des bureaucrates
- 35 Essais, pp. 37-38, idée reprise pp. 142-143.
- 36 Essais, pp. 37-39, p. 142 : « on ne peut pas se dissimuler que c’est du fond de ce bureau que cett (...)
- 37 Essais, pp. 33-34.
- 38 Essais, p. 142.
14Cette situation déplorable dans laquelle se trouvait la maréchaussée était une conséquence de son abandon par ses chefs naturels. Les intendants et leurs subdélégués, les magistrats de tous ordres, les officiers municipaux eux-mêmes avaient fini par mettre la main sur l’institution et la dirigeaient à leur guise et selon leur bon vouloir : « Si vous avez le malheur de déplaire à un Subdélégué, à un Procureur du roi, c'est-à-dire de ne pas avoir à plier sous eux, le premier retire tous les bénéfices à votre brigade, & vous suscite toute sorte de tracasseries, le second entreprend sur vos opérations : tous deux vous contrarient sans cesse, & font tant qu’ils indisposent tout le monde contre vous. Les officiers municipaux ne vous laissent pas plus de sécurité : ce n’est que prétention, refus, lésine, orgueil & cabale de toutes parts35. » Cordier s’en prend surtout à tous ceux qui décident sans rien connaître de l’institution et surtout de la pratique du métier. Ainsi, les secrétaires d’État de la Guerre ne pouvaient intervenir efficacement car les commis du bureau des maréchaussées, qui n’avaient aucune connaissance réelle du corps, imposaient leur point de vue36. Choiseul lui même, « ministre célèbre qui avoit introduit cet esprit de réforme dans tous les corps qui lui paroissoient dignes d’attention, n’a pas daigné s’occuper assez de la maréchaussée pour la bien connoitre, & qu’il en aura abandonné le sort aux bureaux de ce département dont quelques uns des principaux commis n’avoient aucunes notions militaires ou pratiques sur la maréchaussée, & les autres n’en avoient que celles qu’ils avoient puisées dans la vieille routine de ce corps bien qu’il eut fait quelques progrès vers la restauration. » Et d’insister en note : « C’est à peu près dans les mêmes circonstances qu’a été rédigée l’ordonnance de 1778, à l’exception qu’il ne se trouvoit alors dans les bureaux de la maréchaussée aucun sujet qui ait servi dans ce corps37. » Le praticien qu’est Cordier est donc fondé à critiquer des décisions inapplicables, prises par des gens incompétents. C’est à ce titre qu’il reprend son ouvrage dix ans après avoir quitté la maréchaussée, pour proposer les réformes à apporter : « comme l’ordonnance de 1778 ne paroit pas à beaucoup près, avoir tout prévu ni porté cet établissement au point d’utilité & de considération dont il est susceptible, je me vois entraîné par l’impulsion de mon zèle à proposer encore une fois quelques changemens pour la maréchaussée, résultat de mes réflexions et de mon expérience, pendant 20 années que j’ai pratiqué ce service, ou que ses progrès ont été l’objet de mes vœux & de mes méditations38 ».
La maréchaussée telle qu’elle devrait être
Un corps militaire, fruit de l’expérience
- 39 Essais, pp. op. cit.
- 40 Essais, p. 155. « Ce plan n’était d’abord, je l’avoue, qu’une simple spéculation de ma part : aujo (...)
15Pour preuve de son sens pratique, Cordier commence sa description de la nouvelle maréchaussée par les missions confiées au corps, desquelles il déduit l’organisation à donner à la nouvelle maréchaussée, de manière à assurer le meilleur service possible au moindre coût39. Lorsqu’il propose ensuite une modification de l’implantation des unités et des modes d’action, substituant à la surveillance organisée à partir des brigades, une organisation régimentaire casernée dans des villes et un service alternant tournées et temps de garnison, il justifie cette organisation par l’expérience acquise dans la principauté allemande où il sert depuis son éviction de son ancien corps40.
- 41 Essais, p. 149, 150, 152, 154, 159221 et 222.
- 42 shd, 1 M 1782.
- 43 Essais, p. 160.
- 44 Essais, p. 145-152, 163, 164, 184-186 et 153.
16Les considérations budgétaires le conduisent à proposer deux organisations différentes selon le nombre d’unités sédentaires maintenues : soit une nouvelle formation dénommée gardes d’État pour partie à pied, pour partie à cheval ; soit le maintien d’une maréchaussée réduite de moitié et complétée par un corps de chasseurs provinciaux. Pour preuve des économies réalisables, de nombreux tableaux fournissent le détail de ces deux types de formation, leur coût exact et leur distribution territoriale41. De même, le mémoire manuscrit est accompagnée de deux cartes, l’une présentant la situation des brigades d’Alsace, de Lorraine et des Trois Évêchés telles qu’elles étaient distribuées en 1773 ; la seconde, l’organisation territoriale des mêmes unités dans la nouvelle configuration des gardes d’État42. Ces deux cartes sont citées dans les Essais mais n’ont pas été ajoutées à l’ouvrage43. Tout est donc fait pour prouver le côté éminemment pratique des propositions : Cordier n’est ni un rêveur ni un faiseur de projets, du moins le pense-t-il. C’est ce qui donne tout son poids à son innovation majeure : l’assimilation totale de son nouveau corps aux troupes réglées. Gardes d’État comme chasseurs provinciaux sont enrégimentés, prennent rang dans l’ordre des troupes immédiatement après la gendarmerie, les grades et appellations sont ceux usités dans les troupes réglées, les gardes d’État ou chasseurs provinciaux ont droit aux mêmes récompenses, grâces et privilèges que les autres corps militaires, enfin, le nouveau corps servirait à la guerre, comme troupe légère chargée de la petite guerre44.
Un corps gratuit pour l’État
- 45 Essais, p. 166.
- 46 Essais, p. 166-182.
- 47 Essais, p. 188-191.
17Le second point auquel Cordier est sensible est l’amélioration du traitement et des conditions matérielles qu’il considère comme « un des grands moyens de ramener l’action & l’exactitude du service des gardes d’État, & d’introduire parmi eux cet esprit de désintéressement qui prévient tant de fautes et de bassesses »45. Outre le traitement fixe, les gardes d’État perçoivent un traitement casuel constitué de diverses primes : arrestations, visites sanitaires des chevaux, transmissions des ordres des autorités, vacations au compte des particuliers, amendes et confiscations décrétées par diverses autorités contre les délinquants arrêtés par la maréchaussée. S’ajoute à ces primes, le revenu des masses et passeports payants que Cordier propose de mettre en place et dont nous décrirons plus loin l’importance46. Ces revenus étaient complétés par tous les avantages en nature dont devaient jouir les gardes d’État : le logement et la mise en place de masses pour la remonte, l’habillement, l’équipement et l’armement, ainsi que par les profits communs c’est à dire les « gratifications et commissions lucratives » ; les amendes prononcées en faveur des brigades. Enfin, Perney s’occupait de créer une caisse de retraite soit en ponctionnant une partie du revenu des passeports, soit en augmentant à 6 deniers pour livre la retenue de 4 deniers pour livre déjà en vigueur, l’argent ainsi récolté étant placé sous la surveillance des conseils d’administration régimentaires. En contrepartie de cette augmentation de la retenue, chaque personnel percevait une retraite dont pouvait aussi bénéficier la veuve en fonction de la durée de service de l’époux et des circonstances de sa mort47. Au total, si le salaire fixe était modeste, ces diverses sources de revenus devaient apporter au nouveau corps une grande aisance financière, sans qu’il en coûta plus à l’État grâce à l’instauration des fameux passeports dont nous avons parlé.
- 48 Essais, p. 177-178.
- 49 Essais, p. 176 et 179. Cordier estimait qu’au mieux la somme récoltée avoisinerait les quatre mill (...)
18Car la grande idée de Cordier était de faire établir des passeports payants obligatoires pour toute personne circulant dans le royaume. Le but était double : financer la nouvelle force de police, surveiller plus étroitement les déplacements de la population. L’établissement du passeport coûtait uniformément 15 sous, somme jugée modique car correspondant au prix commun de la journée d’un ouvrier. En revanche, le passeport n’était valable que trois mois pour un étranger et un an pour les nationaux qui avaient à circuler à plus de 10 lieues de leur domicile. Quant aux personnes s’écartant de moins de 10 lieues de leur domicile, elles devaient se faire établir un certificat, valable un an et coûtant 5 sous. Les passeports étaient établis par les officiers et brigadiers des gardes d’État au vu des renseignements fournis par les intéressés pour les étrangers, des certificats établis par les officiers de police du domicile pour les nationaux. Quant aux certificats, ils devaient être contresignés par les officiers et brigadiers des gardes d’État pour être valables. Cordier joint à son projet un modèle précis de passeport royal, pré-imprimé afin d’éviter les faux passeports et qui fournit les détails de l’itinéraire suivi ainsi que le signalement du porteur48. Au total, Cordier estimait que ce dispositif rapporterait à l’État au minimum deux millions de livres somme suffisante pour financer entièrement la maréchaussée ou les corps qui en tiendraient lieu49. Autant dire qu’une police dont le mode de financement était ainsi conçu devenait totalement indépendante sur le plan budgétaire, l’État ou les particuliers reversant aux gardes d’État les sommes dont ils avaient assuré la perception. Nul doute que ce système était un excellent moyen d’émulation pour le personnel, comme le pensait Cordier.
Un corps militaire aux missions clairement définies
- 50 Essais, p. 204-210.
- 51 Essais, p. 210-214.
- 52 Essais, p. 215-220.
19C’est peut être la raison pour laquelle, il insistait autant sur la nécessaire codification des modalités d’exécution du service et des missions du nouveau corps. Pour autant et de manière singulière pour quelqu’un qui se posait en praticien, c’est la partie la moins développée des Essais. Les devoirs et fonctions particulières des officiers ne sont donnés qu’à titre indicatif, Cordier reprenant largement ce qui existait déjà à son époque en attribuant chaque tâche à un des nouveaux officiers ou gradés qu’il proposait de créer et en adaptant les formes du service au cadre régimentaire50. Le seul point sur lequel il s’étendait un peu plus concerne les correspondances51. Il envisageait de mettre en place dans toutes les unités des feuilles pré imprimées que le personnel se contentait de remplir au cours du service, et qui servait à la fois de compte rendu et de moyen de contrôle ; en d’autres termes, il créait le bulletin de servie sous une forme rudimentaire. Chaque semaine, les lieutenants établissaient une synthèse de toutes les feuilles établies par les patrouilles de son ressort qu’il adressait à l’échelon supérieur. Au sommet de la hiérarchie, le commandant du régiment établissait une synthèse définitive adressée au secrétaire d’État de la guerre et à l’ensemble des unités du royaume. Quant aux revues et exercices, Cordier insistait sur leur aspect obligatoirement conformes aux règles dans les troupes : tout le cérémonial devait être militaire et les unités devaient savoir parfaitement manœuvrer52.
- 53 Essais, p. 223 et suivantes.
- 54 Essais, p. 224.
- 55 Essais, p. 241-267.
- 56 Essais, p. 267.
- 57 Essais, p. 267.
- 58 « Il est vrai que les principes actuels de la jurisprudence criminelle admettront peut-être diffic (...)
- 59 Essais, p. 270.
- 60 Essais, p. 271.
- 61 Essais, p. 268, 269 et 272 et suivantes.
20Pour achever son ouvrage, Cordier proposait l’ » esquisse d’un projet d’ordonnance en forme de code militaire, civil et criminel, à l’usage des gardes d’État et des chasseurs provinciaux ». Il s’agissait d’indiquer simplement « les principaux objets qui doivent y entrer afin de donner quelque idée de son utilité & engager à en désirer l’exécution »53. Ce code est bâti à partir des fonctions que remplissent les gardes d’État, Cordier distinguant de manière empirique la police militaire, la police administrative et la police judiciaire, ces notions n’ayant pas cours à son époque. Le code s’ouvre, ce qui n’est pas neutre, sur les fonctions qui ont rapport au militaire, alors même qu’en 1773 ou 1788, ces fonctions n’étaient pas prioritaires pour la maréchaussée. D’une part cela revient à réaffirmer, une fois encore l’ancrage de ce nouveau corps dans l’armée ; d’autre part, Cordier peut ainsi définir qui commande directement cette force de police et qui ne peut que la requérir. Les premiers sont, outre les Princes et ministres, les seuls chefs militaires : maréchaux de France, officiers généraux en activité, gouverneurs, commandants des provinces, commandants particuliers de villes, chefs et officiers du corps. La seconde catégorie de personnes n’est même pas détaillée54. Le titre second du code concerne les fonctions ayant trait au civil. C’est ici que sont répertoriées les missions accomplies journellement : tournées, contrôle des errants et de la population en général, police générale des campagnes et villages, surveillance des épizooties, police des incendies, des maisons de force, des prisons, des foires et marchés, des postes et messageries, des auberges, des grands chemins55. Enfin, le titre troisième concerne les fonctions qui ont rapport au criminel. Loin de traiter véritablement cet objet, Cordier pose la question du maintien de la juridiction prévôtale qu’il « a été question de retirer à la maréchaussée sous prétexte de la rendre totalement militaire »56. La critique ne manque de saveur sous la plume de celui qui depuis le début de son ouvrage ne cesse d’affirmer que ce sont les fonctions civiles de la maréchaussée qui sont à l’origine de sa décadence et qui s’efforce de créer un corps purement militaire. Il conclut cependant, que sans juridiction particulière les gardes d’État deviendraient « une troupe purement subordonnée, & à qui ? à tous les officiers de justice, même à ceux du 2e et 3e ordre qui la rejetteroient bientôt dans cette dégradation dont on a eu tant de peine à la tirer »57. En outre, il justifie, contre les avis du temps58, le maintien d’une juridiction sans appel pour les cas les plus graves et demande que la juridiction soit étendue à certains cas « civils ou mixtes en ce qui seroit relatif au service, aux fonctions des sujets de ce corps & à leurs personnes »59, en d’autres termes, que cette juridiction puisse se prononcer au civil lorsqu’un membre des gardes d’État est partie prenante dans un procès lié au service-rébellion, violences, etc. Non que Cordier méconnaisse les théories de Beccaria. Mais il reste convaincu, toujours au nom de l’expérience, qu’il est des crimes contre lesquels on ne peut sévir avec trop de sévérité. Pour lui la justice criminelle doit venger et prévenir les crimes60. D’une part un criminel endurci ou homicide s’est définitivement placé hors de la société ; d’autre part la peine des galères ne sert à rien car les forçats sont inutiles et coûtent beaucoup61. Cependant, la justice prévôtale doit être limitée aux cas extrêmes que Cordier réduit à six espèces : vol, assassinat et toutes violences commises sur les routes et grands chemins ; vols faits sur les foires et marchés ou avec effraction extérieure, attroupement ou port d’armes ; vagabondage et crimes commis par les vagabonds et sans aveu ; crimes, excès et violences commis par les gens de guerre ou à leur encontre ; embauchage et levée illicite de troupes aide à la désertion ; attroupements séditieux et populaires suivis de violences.
- 62 P. Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris au xviiie siècle…, op. cit., p 559 et su (...)
- 63 Ainsi, p. 168, sur la réunion de la caisse générale des maréchaussées à celle de l’extraordinaire (...)
- 64 Essais, p. 166-167. « L’ordonnance de 1778 a tellement amélioré leur traitement qu’elle est tombée (...)
- 65 shd, 1 M 1782.
- 66 P. Brouillet La maréchaussée dans la généralité de Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 170 et sui (...)
- 67 ad des Yvelines, E 3 186.
21Cette apologie de la justice prévôtale était un trait d’archaïsme au sein de la maréchaussée en 1788. Les officiers étaient certes partagés sur la question, mais les plus chauds partisans des réformes, notamment tous ceux qui souhaitaient une intégration complète de leur institution dans les troupes, se prononçaient en faveur du détachement de la justice et de la police62. Car, lorsque les Essais parurent certaines des propositions faites quinze ans auparavant avait été réalisées, notamment en matière d’administration, de traitement ou d’organisation, ce dont Cordier convenait parfois63, tout en continuant à se montrer critique y compris face à certaines avancées. Ainsi, trouvait-il scandaleux que l’on ait autant augmenté les traitements, alors même que le personnel du corps jugeait cette augmentation très insuffisante64. Quant à la militarisation du corps, elle avait été poussée au maximum de ce que souhaitait les différents ministres : mise sur un pied militaire, la maréchaussée ne pouvait devenir une troupe réglée. Déjà à la lecture du mémoire adressé par Cordier en 1775, la personne chargée de rédiger la présentation du texte au ministre s’était élevée contre la composition purement militaire proposée. Il était reproché à Perney, comme à tous les « officiers de ce corps qui font des spéculations, [de pêcher] toujours de deux manières : par l’importance extrême et l’indépendance qu’ils veulent donner à leur corps, et par le désir qu’ils ont qu’il puisse servir à la guerre »65. Lors de la préparation de la réforme de 1778, un projet qui se rapprochait par de nombreux points de celui de Cordier, notamment parce qu’il enrégimentait la nouvelle maréchaussée, appelée Légion de France, fut rejeté66. Le Garde des Sceaux, Hüe de Miromesnil s’opposa vigoureusement à toute militarisation totale de l’institution au motif que « les maréchaussées, relativement à leur constitution et à leur fonction, ne sont point militaires… Ce sont des officiers civils de robe courte. Ils n’ont que les titres et décorations militaires » ; de plus « charger des militaires des fonctions de police, de justice, de finance, c’est changer la constitution de l’État »67. Si, en 1773, Cordier avait eu tort pour le ministère, il n’est pas sûr que ses camarades ne l’auraient pas suivi dans ses critiques, sans pour autant approuver son plan de réformes. En 1788, il ne se trompait que sur certains souhaits de ses anciens camarades, qui partageaient majoritairement ses revendications corporatistes, sa défense de la situation de la maréchaussée vis à vis des autres administrations, son souhait d’une militarisation accrue du corps. Surtout, aucun n’aurait récusé la vision de la police qui transparaît dans cet ouvrage.
La conception de la police
22En effet, au-delà da la simple critique d’une institution et des réformes à y apporter, Cordier nous livre sa vision de la police, telle qu’il l’a vécue et telle qu’il la conçoit. Trois points essentiels peuvent être relevés.
La police est une pratique
- 68 Édit de mars 1720, préambule.
- 69 Ordonnance de 1760, préambule.
- 70 Ordonnance de 1768, article 14 ; ordonnance de 1769, article 16 ; ordonnance de 1778, préambule.
- 71 F.-J. Guillautte, Mémoire sur la réformation., op. cit., p. 96.
- 72 Essais, p. 140.
- 73 Essais, p. 139.
23La police est d’abord une pratique. Si les Essais peuvent par certains aspects être considérés comme une spéculation intellectuelle, celle-ci n’a jamais pour objet de définir ce qu’est ou ce que devrait être en théorie la police. Les officiers de maréchaussée, dans leurs écrits, ne perdirent pas de temps à discuter une notion qui ne figurait dans aucune ordonnance du xviiie siècle concernant leur institution. Dans tous ces textes, pour la rédaction desquels leur avis n’était pas sollicité, la maréchaussée est définie par ses ou sa fonction : en 1720, maintenir la tranquilité publique et contribuer à la facilité et à la sûreté du commerce, en arrestant par des punitions sévères le cours des vols, assassinats, crimes délits et malversations68 ; en 1760, rechercher les malfaiteurs et autres ennemis intérieurs de l’État, garantir les voyageurs de leurs entreprises, en tenant les grands chemins libres et assurés, observer les marches des troupes et veiller au bon ordre dans les fêtes et autres assemblées, et maintenir en toute circonstance la sûreté et la tranquillité publique69, enfin, plus largement, à partir de 1768, maintenir le bon ordre dans le royaume70. Si cette manière de définir la police correspondait à celle de Delamare ou de François-Jacques Guillotte, qui estimait « que la police d’une ville [n’était rien] sinon la surveillance d’un amas infini de petits objets minutieux sans laquelle les citoyens ne seraient ni sûrement ni commodément »71, elle ne revêtait cependant pas un caractère global : l’action de la maréchaussée ne s’exerçait que sur un nombre limité d’objets. Cette vision est aussi celle de Cordier. S’il définissait la maréchaussée comme étant en quelque sorte « une garde attachée à la conservation de l’État » qui devait « veiller sans cesse à tout ce qui peut intéresser sa sûreté, ou y maintenir le bon ordre »72, il en arrivait là après avoir récapitulé les « objets de service à remplir ». Il en comptait quatre : tenir les chemins libres, poursuivre et arrêter les criminels, empêcher la désertion et les désordres des soldats ; prêter main-forte à la justice73.
- 74 Essais, p. 266 – 267.
24Dans son projet de code, la démarche est identique. Il ne fixe pas de but général à son nouveau corps. Dire ce que doit être une bonne police consiste à énumérer toutes les missions susceptibles d’être confiées aux gardes d’État et la manière de les remplir au mieux. En matière de fonctions militaires, sont ainsi définies les règles d’intervention dans les villes de guerre, la manière de contrôler les soldats en semestre et les pièces qui doivent être contrôlées mais aussi la tenue de registres d’inscription de tous les garçons d’une taille supérieure à 5 pieds, susceptible donc d’être enrôlés. Mais c’est l’énumération des fonctions ayant trait au civil qui montre le mieux ce qu’était la police pour Cordier. Cette partie du code comporte dix-huit articles, donnés uniquement à titre d’exemple car « il est encore une infinité d’autres objets qui peuvent entrer dans la composition de ce titre »74. Nous avons déjà donné une énumération rapide des objets retenus par Cordier ; neuf d’entre eux sont désignés sous l’appellation de police de. Ainsi la police générale des campagnes consiste à faire appliquer les règlements concernant les épidémies, les épizooties et la morve. La police des incendies n’est, de manière très surprenante, qu’une police particulière des ravages causés par les bêtes féroces, les orages, la grêle et les inondations, dont elle constitue le sixième point. Les gardes d’État avertis d’un incendie doivent s’y porter pour y établir le bon ordre et la police convenable, c'est-à-dire faciliter, voire diriger les secours, protéger les maisons ouvertes et les effets sauvés. Cette action est complétée préventivement par le contrôle du stockage des produits inflammables près des maisons et, le cas échéant par l’entretien du matériel de lutte contre l’incendie : pompe à eau, seaux, crochets.
- 75 C’est cet aspect des critiques de Cordier qui explique, en partie, le succès rencontré par l’ouvra (...)
25Cette affirmation du caractère essentiellement pratique de la police explique que seuls les praticiens peuvent connaître et comprendre ce qu’est un corps de police et ce qu’il doit être. Les hommes de bureau, ceux qui n’ont jamais agi, qui n’ont jamais été policier, ne sont pas habilités à définir la police et la manière de la faire car ils ne peuvent la connaître75. Ainsi, pour Cordier, la police devient un métier à part entière, qui ne peut être confiée qu’à des professionnels.
La police est une affaire de professionnels
- 76 Ainsi le très pratique vade mecum rédigé par un officier de la généralité de Paris à l’attention d (...)
26Assurer la sécurité, faire régner l’ordre et la tranquillité demandent de respecter un certain nombre de règles, donc des savoirs, mais nécessite aussi des savoirs faire et un savoir être. Les règles sont les codes et ordonnances qui régissent l’action de la maréchaussée. Les savoir faire, ce sont à la fois les règles de procédure à respecter en matière judiciaire, mais aussi les détails pratiques qui font réussir une enquête, qui permettent de démasquer un faux mendiant, bref, ce qu’il est convenu d’appeler « les ficelles du métier ». Pour que les premiers ne soient pas un obstacle à l’accomplissement des missions, un code était donc indispensable pour réunir tous ces éléments. Quant aux seconds, si Cordier cite plusieurs exemples de ses propres actions en tant qu’exempt ou celles de certains de ses camarades, il n’envisage pas de mettre en place une instruction ou de fournir au personnel de son nouveau corps, un guide de modèle pour les procédures. Pourtant certains officiers avaient rédigé, à l’intention de leurs subordonnés, de petits vade mecum au format de poche, qui contenaient, outre les règles à respecter, de nombreux exemples de procédures types que le cavalier pouvait se contenter de recopier76. Cordier n’y songe pas, dans la mesure où il semble que la seule formation qui vaille soit pour lui celle du terrain. De plus, la composition regroupée de son nouveau corps excluait que le cavalier nouvellement affecté soit livré à lui-même dans les premiers temps de son service, ce qui permettait de l’instruire. Le savoir être était fourni par le statut.
- 77 Essais, p. 65.
- 78 Essais, p. 140.
- 79 P. Brouillet, « Le corps le plus utile de l’État ou comment la maréchaussée se présentait à la fin (...)
- 80 P. Brouillet, « Les officiers de maréchaussée au xviiie siècle : entre judicature et épée », Cahie (...)
- 81 Les ordres ne pouvaient concerner que le service prescrit et être nécessairement donnés par écrit. (...)
27Pour Cordier, seuls des militaires pouvaient faire régner l’ordre car ils possédaient les indispensables vertus de désintéressement, de souci du bien public, de courage, de maîtrise de la force, indispensables pour faire correctement ce travail. Car assurer la sécurité du royaume et la sûreté personnelle de ses habitants était une « guerre continuelle, où chacun paye de sa personne & court des dangers plus fréquens & plus réels qu’à l’armée »77. La mission de gardes de l’État faisait des cavaliers « des sentinelles disposées sur toute l’étendue du royaume »78. C’était donc à tort que les troupes réglées méprisaient la maréchaussée qui menait la guerre contre l’ennemi intérieur au même titre que les troupes réglées aux frontières menaient la guerre contre l’ennemi extérieur. Cordier n’insiste pas cependant sur cet aspect, préférant arguer du caractère militaire immémorial de la maréchaussée, oublié et qu’il suffisait de rétablir pour que le corps retrouve son efficacité. Il s’éloignait ainsi d’une partie de ses camarades qui mirent systématiquement en avant cet aspect pour réclamer leur assimilation totale aux troupes réglées79. En revanche, il partage avec ses pairs l’idée d’une nécessaire affirmation du statut militaire de la maréchaussée ou des nouveaux corps proposés pour des raisons de considération sociale. N’étant plus défini par ses liens avec la justice qui jusqu’alors lui donnait légitimité et place dans la société, le professionnel de l’ordre public devait se rattacher à un autre modèle social, de préférence source de reconnaissance. Le rappel incessant du caractère militaire de l’institution et sa transformation en régiments participe de ce discours80. Enfin, l’ancrage dans l’armée permettait de soustraire les gardes d’État aux caprices des différentes autorités qui ne pouvaient plus actionner le corps que sur réquisition, comme nous l’avons observé ci-dessus. Parallèlement, Cordier proposait de donner au corps une place bien déterminée dans l’organisation militaire, de préférence en tête des troupes, ou au plus près des corps d’élite, de manière à éviter tout heurt et tout mépris de la part des troupes réglées. Corps de professionnels, intermédiaire entre la justice et l’armée, la police proposée par Cordier devait être indépendante. Elle se finançait elle-même, se gérait seule, déterminait les missions à accomplir et la façon de les remplir, s’inspectait. Cordier acceptait tout juste que cette force soit aux ordres du secrétaire d’État de la guerre et, plus largement des chefs militaires, mais c’était uniquement pour éviter une main mise autre que celle de l’armée, dont il espérait qu’elle serait légère et lointaine81.
Sur qui et comment agit la police ?
28Reste à déterminer contre qui combat cette police ? Qui est l’ennemi de l’intérieur et comment lutter contre lui ?
29Cordier ne modifiait pas fondamentalement les modes d’action de la maréchaussée. Ses gardes d’État ou chasseurs provinciaux alternaient patrouilles et services à la résidence, effectuaient les tournées, se rendaient aux foires et marchés. La seule différence consistait dans le regroupement d’unités dispersées en unités plus importantes qui rayonnaient sur un territoire plus vaste. En fait, Cordier imaginait un système intermédiaire entre celui des chevauchées en vigueur avant la réforme de 1720 et la dispersion du corps en petites unités isolées. Ce n’était donc pas de cette seule réorganisation qu’il attendait nécessairement l’amélioration des résultats du corps dans tous les domaines.
- 82 Essais, p. 171.
- 83 Essais, p. 180.
- 84 Essais, p. 180.
- 85 Essais, p. 255.
- 86 F.-J. Guillautte, Mémoire sur la réformation de la police, op. cit.
30Pour être efficace, il fallait connaître d’où venait le danger. Le premier, le principal ennemi, pour ne pas dire le seul, c’était l’errant, le voyageur, le vagabond non identifiable. La liberté d’aller et venir était, pour Cordier, la source de tous les maux, de tous les crimes : « on veut détruire en France la mendicité, la désertion, la fainéantise, le vagabondage, & prévenir les crimes qui en sont les suites ; mais on n’a peut-être pas assez fait attention que ces désordres sortent tous d’une même source ou sont entretenus par une même cause, qui n’est autre chose que cette liberté dont chacun jouit d’aller & de venir dans toute l’étendue du royaume sans que personne lui demande ou puisse du moins s’assurer positivement ce qu’il est, ce qu’il fait, d’où il vient, & où il va »82. L’instauration du passeport obligatoire et dont la délivrance était aux mains des gardes d’État permettait de résoudre ce problème. Cordier s’attendait à des récriminations de la part de « gens à coutre vue à qui l’on ne peut faire du bien que malgré eux » et qui « ne verroient sans doute que gêne et entrave dans le seul moyen de procurer la liberté & la sûreté communes, tandis que les gens sensés reconnoitroient dans ces dispositions un des plus puissants ressorts de l’ordre & de la sécurité publique »83. Il fallait donc faire le bonheur des gens malgré eux en s’appuyant sur la partie raisonnable de la population. Grâce au passeport et au contrôle qu’il permettait « une fille ne sera plus enlevée avec une heureuse témérité ; un fils libertin n’échappera plus par la suite à la correction paternelle. Un domestique inconstant, vicieux, ou fripon sera forcé de se contenir dans ses mœurs & ne pourra plus abandonner impunément son maître au milieu de ses travaux. Le fainéant n’exigera plus dans un endroit avec audace des secours qu’il imploroit humblement dans un autre. L’homme qui aura troublé l’ordre de la société d’une manière quelconque, ne pourra changer de lieux sous des formes et des noms empruntés ; enfin, le royaume ne sera plus l’asyle de tant de gens suspects, inutiles ou nuisibles »84. La police des auberges et des postes, celle des foires et marchés offrent autant de possibilité aux cavaliers de demander aux personnes présentes de justifier de leur identité. Enfin, le système de correspondance étend le contrôle à l’échelle du royaume. Le passeport ne permet cependant pas de connaître toute la population. C’est pourquoi il est complété et prolongé par les dénombrements qui permettent de ficher la population sédentaire, sous le double objet de la fiscalité et du contrôle social85. Par ce système, qui rejoint les préoccupations des économistes et des politiques de l’époque, Cordier ambitionne de connaître toute la population. Ce qui revenait à réaliser sous une autre forme ce que Guillotte avait envisagé86. Grâce à cette connaissance préalable ou immédiate, la police pouvait séparer facilement et immédiatement le bon grain de l’ivraie : seules les personnes capables de justifier leur identité étaient innocentes. Ce souhait d’une société transparente, lisible et compréhensible au premier coup d’œil n’était cependant pas une utopie : il découlait de l’analyse des difficultés rencontrées, notamment en enquête judiciaire, pour identifier formellement les coupables.
- 87 B. Drilleau, La maréchaussée aux xviie et xviiie siècles, thèse de 3e cycle, Université de Haute B (...)
- 88 P. Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris., op. cit., p. 735.
- 89 shd, 1 m 1782, pièce 153.
31Contrairement à d’autres officiers, Cordier justifiait ce contrôle généralisé par la sauvegarde de l’État, plus que par celle de la société. Il posait ainsi le principe d’une police du prince, avant tout police d’ordre, telle que la souhaitait peut-être certains ministres mais telle qu’elle n’existait pas, du moins à cette époque. Entre les deux conceptions d’une maréchaussée bras armée de la monarchie, telle que la décrivent certains historiens87, et celle d’une maréchaussée au service direct de la collectivité, la monarchie ne trancha jamais faisant de l’institution ce que reprochait Cordier : un corps d’appoint à la disposition de tous88. La France de 1773 pas plus que celle de 1788 n’était mûre pour que soit accepté un système de contrôle aussi étroit des populations. Le système des passeports fut dénoncé avec force par le bureau des maréchaussée qui y voyait une atteinte intolérable à la liberté dont « les honnêtes gens ecclésiastiques, militaires, magistrats, commerçants et autres doivent jouir ; combien l’espèce d’inquisition que la maréchaussée exerceroit envers eux sur les routes pour la représentation de leurs passeports exciteroit de plaintes et combien les étrangers qui y seroient également exposés prendroient une opinion peu favorable de l’acceuil (sic) des français et de leur liberté qu’on vante. Ce n’est pas tout, les sédentaires même ne pourroient s’écarter de chez eux à une distance… il faudroit que le roy déployât toute son autorité pour assujettir ses sujets à une servitude si coûteuse et surtout si gênante. Il faudroit sans contredit un édit pour l’établir et il est aisé de sentir toute la résistance que les cours apporteroient à l’enregistrement d’une pareille loi »89. Si la monarchie souhaitait que l’ordre règne, elle ne désirait pas que ce fut à n’importe quel prix. Cordier le sentait sans doute qui faisait de ses gardes d’État une force quasi autonome.
La synthèse réformatrice de Cordier
- 90 Cordier ne fait référence à aucun mémoire. Tout au plus, cite-t-il un projet de code présenté par (...)
- 91 Ainsi la proposition de créer une Légion de France en lieu et place de la maréchaussée faite par l (...)
- 92 shd, 1 m 1782, pièce 153.
32Les idées de Cordier de Perney n’étaient pas particulièrement novatrices à l’époque où elles furent émises. Elles s’inscrivent dans la réflexion sur la police qui prend de l’ampleur en France dans les années 1750-1760. Ce qui fait l’originalité de son ouvrage c’est, au contraire, qu’il regroupe tous les types de discours ayant eu cours sur la maréchaussée entre les années 1770 et 1791. Sans être véritablement le porte parole de ses camarades, des écrits desquels il n’est pas sûr qu’il ait eu connaissance, Cordier reprend nombre de leurs idées90. Les critiques émises étaient largement partagées, les solutions proposées en rejoignaient d’autres émanant parfois de personnes étrangères à la maréchaussée91. De même la vision d’une police toute puissante, omnisciente et indépendante de tout pouvoir n’était pas propre à Cordier. Comme beaucoup de projet celui de Cordier ne vit pas le jour. Si nous en croyons les réflexions du bureau des maréchaussées, « les principes sur lesquels il a[vait] été rédigé [étaient] souvent en contradiction avec les opinions de ce qu’il y a[vait] de plus sensé et de plus expérimenté parmi les officiers de maréchaussée »92. Si Perney se félicite de voir certaines de ses propositions adoptées, elles l’ont été parce que demandées avec insistance par d’autres, notamment les inspecteurs.
33Il fallut attendre 1790 pour voir le problème de la définition de la police et de son organisation revenir sur le devant de la scène lors du débat sur la force publique. Les officiers de maréchaussée triomphèrent alors puisque leur corps, rebaptisé gendarmerie nationale, fut définitivement intégré dans l’armée. Mais, contrairement à ce que pensait Cordier, qui dut apprécier à sa juste valeur cette réforme tant réclamée, cette mesure visait à contrôler plus étroitement le corps, qui devenait certes la garde de l’État, mais devenait un instrument passif aux mains du pouvoir exécutif. C’est peut-être autant parce qu’il s’était fait le chantre d’une maréchaussée idéalement indépendante de tout pouvoir, que pour ses critiques sur les hommes de bureau qui gangrenaient l’institution que Cordier rencontre aujourd’hui dans la gendarmerie un écho qu’il n’avait pas rencontré de son vivant dans la maréchaussée.
Notes
1 F-J. Guillotte (ou Guillautte), Mémoire sur la réformation de la police de France, 1749, J. seznec (éd.), Paris, 1974, Sur Guillotte voir P. Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris au xviiie siècle (1718-1791). Étude institutionnelle et sociale, thèse de doctorat, ephe, 2002, 2e partie, chapitre I et répertoire biographique en annexe i.
2 Afin de ne pas alourdir le texte et les notes, nous désignerons désormais cet ouvrage sous le titre d’Essais.
3 C’est la raison pour laquelle je citerai assez abondamment le texte.
4 P. Brouillet « Papillon vrai défenseur de la maréchaussée ? », Revue de la gendarmerie nationale, n° 201, décembre 2001, pp. 112-115.
5 Sur cet officier, outre l’article cité ci-dessus, voir P. Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris au xviiie siècle…, op. cit., 2e partie, chap. 1 et répertoire biographique.
6 Essais…, p. 24 : allusion aux unités de Sedan, Metz, Sarrelouis et Pont-à-Mousson ; p. 37, l’exemple cité est celui de Toul ; p. 49 : « j’ai vu une brigade en Lorraine composée de gens… » ; p. 50 : « j’ai vu à Sierk, en 1772…, j’envoyai le cavalier à Metz… » ; p. iv : « il auroit cependant désiré que ces Mémoires pussent paroitre en France avec l’approbation d’un censeur ; mais demeurant hors du royaume, il lui étoit difficile de satisfaire à cette formalité. »
7 1 m 1782. Cordier de Perney fait clairement allusion à ce mémoire au début des Essais, p. 1 : « Il est à observer que ces Mémoires composées dès 1773, sont parvenues à la connoissance de M. le Comte de Saint-Germain et de ses bureaux dans les années suivantes. » Il semble, d’après le dossier, que le mémoire n’a été adressé à Versailles qu’en 1776. La fiche de présentation au Secrétaire d’État de la Guerre est jointe au dossier.
8 shd, Yb 722 et Ye 5437, Musée de la gendarmerie nationale, NMx, pièce I. Essais, p. 5.
9 Essais, p. 155 et 156.
10 Essais, p. 37.
11 Essais, p. 45.
12 Pour la période 1720 et 1790, j’ai répertorié entre cinquante et soixante écrits divers : mémoires, projets, vade mecum, historiques, dont cinq seulement rédigés entre 1720 et les années 1750.
13 Sur le rôle important joué par les Maréchaux de France dans les réformes et la gestion du corps, voir P. Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris…, op. cit., p. 312.
14 P. Brouillet La maréchaussée dans la généralité de Paris., op. cit., p. 215 et suivantes.
15 Pour le contexte, le détail et les résultats de toutes ces réformes voir P. Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris…, op. cit., Ie partie, chapitre ii.
16 Essais, p. 5.
17 Cette construction se rapproche de celle, traditionnelle, qui divise les dynasties royales en races.
18 Essais, pp. 14-15.
19 Essais, p. 26.
20 Sur ces compagnies voir les diverses histoires de la maréchaussée : J. lorgnier, Maréchaussée, Histoire d’une révolution administrative et judiciaire, t I, Les juges bottés, Paris, 1998 ; Général larrieu, Histoire de la maréchaussée et de la gendarmerie des origines à la Quatrième République, Ivry-Maisons-Alfort, shgn-Phoenix éditions, 2002 ; P. Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris…, op. cit, 1e partie, chap 1.
21 Essais, p. 29.
22 Essais, p. 33 à 42.
23 Essais, p. 33.
24 En fait il s’agit de l’ordonnance du 27 décembre 1769, dont l’application commença en 1770.
25 Essais, p. 33.
26 Essais, p. 141.
27 Essais, pp 67-69.
28 Ordonnance du 27 décembre 1769, article II et Essais, p. 53 et suivantes.
29 Essais, p. 55.
30 Essais, pp. 59-65.
31 Sur ces aspects, P. Brouillet La maréchaussée dans la généralité de Paris au xviiie siècle, op. cit, p. 558 et suivantes et « Le corps le plus utile de l’État ou comment la maréchaussée se présentait à la fin de l’Ancien Régime », Sociétés et représentations, n° 16, Figures de gendarmes, sept 2003.
32 Essais, pp. 117 et suivantes. La réforme de 1769 avait, en effet, modifié le système initial qui avait cours depuis 1720 des brigades uniformément composée de cinq hommes pour créer ces brigades de cinq, quatre et trois hommes (article 35 de l’ordonnance du 27 décembre 1769). Cette mesure avait pour but d’augmenter le nombre d’unités sans augmenter considérablement les effectifs. L’ordonnance de 1778, revint à l’uniformité en alignant toutes les brigades à quatre hommes.
33 Essais, pp. 61-64.
34 Essais, p. 108.
35 Essais, pp. 37-38, idée reprise pp. 142-143.
36 Essais, pp. 37-39, p. 142 : « on ne peut pas se dissimuler que c’est du fond de ce bureau que cette grande institution a été constamment dirigée. Ainsi elle a dû l’être plus ou moins bien ou mal en raison de l’assortiment des sujets qui la composoient & qui se trouvoient plus ou moins intègres, actifs, instruits, honnêtes et bien intentionnés ».
37 Essais, pp. 33-34.
38 Essais, p. 142.
39 Essais, pp. op. cit.
40 Essais, p. 155. « Ce plan n’était d’abord, je l’avoue, qu’une simple spéculation de ma part : aujourd’hui j’en puis parler plus pertinemment, puisque je ne propose que ce que j’ai pratiqué ailleurs, & dont l’expérience de plusieurs années m’a assuré le succès. »
41 Essais, p. 149, 150, 152, 154, 159221 et 222.
42 shd, 1 M 1782.
43 Essais, p. 160.
44 Essais, p. 145-152, 163, 164, 184-186 et 153.
45 Essais, p. 166.
46 Essais, p. 166-182.
47 Essais, p. 188-191.
48 Essais, p. 177-178.
49 Essais, p. 176 et 179. Cordier estimait qu’au mieux la somme récoltée avoisinerait les quatre millions de livres, ce qui rendait la police totalement gratuite mais de surcroît rapportait à l’État.
50 Essais, p. 204-210.
51 Essais, p. 210-214.
52 Essais, p. 215-220.
53 Essais, p. 223 et suivantes.
54 Essais, p. 224.
55 Essais, p. 241-267.
56 Essais, p. 267.
57 Essais, p. 267.
58 « Il est vrai que les principes actuels de la jurisprudence criminelle admettront peut-être difficilement que la vie et l’honneur d’un homme restent à la merci d’un seul tribunal ». Essais, p. 267-268.
59 Essais, p. 270.
60 Essais, p. 271.
61 Essais, p. 268, 269 et 272 et suivantes.
62 P. Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris au xviiie siècle…, op. cit., p 559 et suivantes.
63 Ainsi, p. 168, sur la réunion de la caisse générale des maréchaussées à celle de l’extraordinaire des guerres ou p. 192, sur l’instauration d’une masse de remonte.
64 Essais, p. 166-167. « L’ordonnance de 1778 a tellement amélioré leur traitement qu’elle est tombée à cet égard d’une extrémité dans l’autre, au point que non seulement elle a augmenté les dépenses d’un demi-million, mais encore qu’elle a dû diminuer le corps de la maréchaussée. Consultez cependant les cavaliers de maréchaussée, ils vous diront qu’ils n’ont pas encore assez ».
65 shd, 1 M 1782.
66 P. Brouillet La maréchaussée dans la généralité de Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 170 et suivantes.
67 ad des Yvelines, E 3 186.
68 Édit de mars 1720, préambule.
69 Ordonnance de 1760, préambule.
70 Ordonnance de 1768, article 14 ; ordonnance de 1769, article 16 ; ordonnance de 1778, préambule.
71 F.-J. Guillautte, Mémoire sur la réformation., op. cit., p. 96.
72 Essais, p. 140.
73 Essais, p. 139.
74 Essais, p. 266 – 267.
75 C’est cet aspect des critiques de Cordier qui explique, en partie, le succès rencontré par l’ouvrage dans la gendarmerie actuelle. Les gens de la direction générale, qui fixent les grandes orientations et préparent les textes guidant l’action de la gendarmerie, sont, pour ceux du terrain, des faiseurs de projets qui ne connaissent rien à la vérité du service.
76 Ainsi le très pratique vade mecum rédigé par un officier de la généralité de Paris à l’attention de ses subordonnés, dans les années 1770. Musée de la gendarmerie. Sur cet ouvrage voir P. Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris…, op. cit., p. 318.
77 Essais, p. 65.
78 Essais, p. 140.
79 P. Brouillet, « Le corps le plus utile de l’État ou comment la maréchaussée se présentait à la fin de l’Ancien Régime », Sociétés et représentations, n° 16, Figures de gendarmes, sept 2003.
80 P. Brouillet, « Les officiers de maréchaussée au xviiie siècle : entre judicature et épée », Cahiers du cehd, n° 19, 2002.
81 Les ordres ne pouvaient concerner que le service prescrit et être nécessairement donnés par écrit. Essais, p. 224.
82 Essais, p. 171.
83 Essais, p. 180.
84 Essais, p. 180.
85 Essais, p. 255.
86 F.-J. Guillautte, Mémoire sur la réformation de la police, op. cit.
87 B. Drilleau, La maréchaussée aux xviie et xviiie siècles, thèse de 3e cycle, Université de Haute Bretagne, Rennes II, 1985 ; J. Lorgnier, Maréchaussée, histoire d’une révolution administrative et judiciaire, t 1 : les juges bottés, op. cit.
88 P. Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris., op. cit., p. 735.
89 shd, 1 m 1782, pièce 153.
90 Cordier ne fait référence à aucun mémoire. Tout au plus, cite-t-il un projet de code présenté par un inspecteur, Cambon, dont il a entendu parler. Essais, p. 136.
91 Ainsi la proposition de créer une Légion de France en lieu et place de la maréchaussée faite par le secrétariat d’État de la guerre en 1778, reprenait, sous une autre forme, une partie du projet de Cordier. Or ce projet porte la marque de Guibert. ad des Yvelines, E 3 192 et P. Brouillet, La maréchaussée dans la généralité de Paris au xviiie siècle, op. cit., p. 134.
92 shd, 1 m 1782, pièce 153.
© Presses universitaires de Rennes, 2006