1 À propos d’une réévaluation critique de l’œuvre de Wittgenstein ; lequel, dans sa dernière période, « n’oppose plus le conçu et le perçu » : François Laplantine, Leçons de cinéma pour notre époque, Condé-sur-Noireau, Téraèdre Publishing/Éditions de la revue Murmure, octobre 2007, p. 66.
2 Cf. Alain Jaubert, Peinture et Cinéma, Paris, MAE com, 1992, p. 183-193 ; cité par Antoine de Baecque, dans son ouvrage Godard, biographie, Paris, Grasset et Fasquelle, 2010, p. 29.
3 Françoise Cloarec, Séraphine (La vie rêvée de Séraphine de Senlis), Paris, Éd. Phébus, 2008.
4 Idem, Chapitre 7 « Wilhelm Uhde », p. 65-84. Parmi les nombreux écrits sur Uhde et Séraphine (considérés séparément ou conjointement), il faut citer l’article de H. M. Gallot, psychiatre et écrivain qui a côtoyé l’artiste, « Séraphine, bouquetière “sans rivale” des fleurs maudites de l’instinct », in L’Information artistique, no 40, mai 1957.
5 Françoise Cloarec et Martin Provost s’entretiennent devant les toiles de Séraphine Louis, lors de l’exposition que le Musée Maillol lui a consacrée en 2008, l’année de sortie du film : voir l’un des deux bonus du DVD (Diapahana édition-TF1 vidéo, 2009). L’autre bonus est une présentation par Olivier Lorquin, Dr. du Musée.
6 Le terme d’aura est emprunté à W. Benjamin. Je reprends ici l’adjectif utilisé par Georges Didi-Huberman méditant sur la pensée du philosophe, en regard de l’œuvre de Marcel Proust et Paul Valéry. Parmi les références aux ouvrages de W. Benjamin : Sur quelques thèmes baudelairiens (1939) et Paris, capitale du XIXe siècle, le livre des passages. Voir G. Didi-Hubermann, chap. 7 « La double distance », in Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Critique », 1992, p. 103-123 (bibliographie de W. Benjamin explicitée p. 103-104).
7 W. Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Éditions Allia, 2006, (1re éd. 1936).
8 En 1982, avec Passion, Godard, composant de véritables « tableaux vivants », s’oriente plus résolument vers une esthétique de l’ekphrasis. Une esthétique déjà présente dans Pierrot le fou, aussi lorsque la caméra quitte la gravure de la jeune fille assise, pour capter Anna Karina réveillée par Jean-Paul Belmondo, et prenant une posture analogue ; sans parler de la mise en scène du Mépris, une façon affirmée de façonner ses personnages en relation à la sculpture (en 1963, soit deux ans avant Pierrot le fou). Voir Patrick Louguet, Sensibles Proximités, les arts aux carrefours, Artois Presses Université, 2009, chap. 1 « De la confrontation des esthétiques à une esthétique de la confrontation », p. 30-31. Voir aussi Suzanne Liandrat-Guigues et Jean-Louis Leutrat, Godard simple comme bonjour, Paris, L’Harmattan, coll. « Esthétiques », 2004, p. 126 ; Françoise Zamour, « Un instant qui tremble : Scorcese, Pasolini, Godard », in P.-L. Thivat (dir.), Peinture et Cinéma, Ligeia, no 77-78-79-80, juil.-déc. 2007, p. 101-110.
9 Senlis, 1914 – Chantilly, 1927 – Asile de Clermont, 1935 – Asile de Clermont, 1942.
10 Selon Dubuffet, l’Art brut regroupe des productions réalisées par des non professionnels de l’art […] œuvrant en dehors des normes esthétiques convenues (pensionnaires d’asiles psychiatriques, autodidactes isolés, médiums). Il le redéfinira souvent, cherchant à le distinguer de l’art populaire, de l’art naïf, des dessins d’enfants, créant même la Neuve Invention au sein de sa collection. « De l’art, donc, où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. » Voir J. Dubuffet, L’Art brut préféré aux arts culturels, 1949 (Manifeste accompagnant la première exposition collective de l’Art brut à la Galerie Drouin, reproduit dans Prospectus et tous écrits suivants, Paris, Gallimard, 1967).
11 On pense à la scène discrète (mais bienvenue) dans la maison de campagne de Wilhelm Uhde qui constitue une suite à une scène bien antérieure où, faisant le ménage chez lui, Séraphine découvre dans un carton un dessin de Picasso et s’y attarde un petit moment.
12 Braque, Derain, Douanier Rousseau, Marie Laurencin, Mangin, Picasso, Puy, Gertrude Stein, Vlaminck, font partie des artistes que Wilhelm Uhde collectionne dans les années 1910, contribuant à leur reconnaissance (jusqu’en 1914, il possède seize œuvres de Picasso dont treize toiles). Cf. F. Cloarec, op. cit., p. 70-71.
13 André Rouillé dans son éditorial de la revue Parisart (revue présente sur l’Internet : NEWShebdo no 325 du 9 sept. 2010) à l’occasion de l’ouverture à Villeneuve d’Ascq du LaM (Lille art Métropole : Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut), fin septembre 2010. À la lumière de son propos, j’ajoute qu’avec l’expression de « primitivisme moderne », Uhde tente une catégorisation dégagée de toute péjoration.
14 Tel est le tour de force du Rembrandt Fecit 1669 de Jos Stelling (1977) : présenter de nombreuses toiles de Rembrandt en une première partie, pour s’en abstenir pendant la seconde, dès lors que le travail cinématographique sur les décors, les matières et textures des étoffes (draps, tentures et costumes), ainsi que la composition des couleurs et des éclairages, évoque irrésistiblement l’art du peintre hollandais.
15 On aura reconnu ici deux concepts-clés de la taxinomie deleuzienne. Voir le chapitre 6 « L’image-affection : visage et gros plan », in Gilles Deleuze, Cinéma 1, L’image-mouvement, Paris, Éditions de Minuit, 1983 (p. 125-144).
16 « À l’époque où Séraphine débute dans le métier de peintre et s’installe à Senlis, elle a plus de quarante ans et paraît déjà sans âge » : cf. F. Cloarec, op. cit., p. 49.
17 Pour ces gens là, de pauvre servante à « simple d’esprit », il n’y a pas loin !
18 D’aucuns, dont je ne suis pas, les qualifieraient de « maniaques » voire d’« obsessionnelles ».
19 On se souvient du mot quelque peu provocateur, mais ayant sa part de vérité, du sculpteur Jean Tinguely dans l’émission que la chaîne de télévision 7 (préfiguration d’Arte) lui avait consacrée, à l’occasion de sa grande exposition au Centre Georges Pompidou, (8 décembre 1988 au 27 mars 1989) : « La symétrie rend fou ! »
20 Dernière phrase d’un propos de l’actrice que F. Cloarec met en exergue de son livre, op. cit., p. 9.
21 Ibidem.
22 Sur la catégorie d’haptique, « une vue proche, tactile » : cf. G. Deleuze, Logique de la sensation, Francis Bacon, Paris, Le Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2002 (réed.), p. 14, p. 127-128 ; et ch. 17, « L’œil et la main », p. 145-151, p. 146 sp : « On parlera d’haptique […] quand la vue elle-même découvrira en soi une fonction du toucher qui lui est propre, et n’appartient qu’à elle, distincte de sa fonction optique. On dirait alors que le peintre peint avec ses yeux, mais seulement en tant qu’il touche avec les yeux. »
23 Sur la question du format des châssis, voir F. Cloarec, op. cit., p. 95.
24 Idem, p. 97. J’ajoute que probablement – et là serait l’un « des petits secrets » de Séraphine (comme elle se plaisait à le dire) – la durée de prise de la laque tenait, non seulement aux ingrédients d’une composition originale dans laquelle elle entrait, mais aussi aux décisions que prenait l’artiste de les introduire à tel ou tel moment de la confection de la toile.
25 Le film montre qu’avec le retour de Uhde dans les environs de Senlis, Séraphine a désormais les moyens de louer un vaste appartement dont l’une des pièces devient son atelier.
26 « Corps-propre », « chair de l’œuvre », sont des concepts que j’emprunte à Maurice Merleau-Ponty dans sa Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard/NRF, coll. « Bibliothèque des idées », 1971 (1re éd. 1945).
27 Notion condensée héritée de Louis Aragon. Jean Cocteau, avant Aragon, exprima la même idée en personnifiant l’art : « Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité. »
28 F. Cloarec, op. cit., p. 24 et p. 97.
29 S. Liandrat-Guigues, Modernes lâneries du cinéma, Le Havre, De l’incidence éditeur, 2009.
30 Ibidem.
31 Gaston Bachelard, L’Eau et les rêves (essai sur l’imagination de la matière), Paris, Éd. José Corti, 1965.
32 La langue française incite à dire le « tout-en-un ». Pour apprécier cependant à quel point un tel concept de « tout-un » est bien susceptible d’entrer dans l’esthétique des alliances que je revendique pour le film de Provost, voir l’essai heideggérien intitulé « LOGOS (Héraclite, fragment 50) » où il est question de l’En-Penta et du Penta-En, dans la pensée du présocratique : Martin Heidegger, Essais et conférences, Paris, Gallimard, coll. « Tel », trad. André Préau, 1988, p. 249-278 (1re éd. Gallimard, 1958).
33 J’évoque la pure résistance d’un végétal qui, au il des siècles, prend de plus en plus l’apparence du minéral – il en acquiert la puissance massive, sans même qu’il soit encore question de fossilisation.
34 Alain Chareyre-Méjan, chap. 21, « En quel sens nous sommes éternels ? », Essai sur la simplicité d’être, Toulouse, Érès Édition, coll. « 69 », 2010, p. 147-158.