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Les primaires ouvertes en France

 | 
Rémi Lefebvre
, 
Éric Treille

Troisième partie. Sociologie électorale des primaires et approches locales

Sociologie électorale des primaires et approches locales

Texte intégral

1L’objectif des primaires est d’élargir l’assise tant électorale que sociale du processus de sélection des candidats. L’affaiblissement du recrutement militant et la faible représentativité sociale des adhérents ont délégitimé des procédures internes impropres à conférer une légitimité assez forte au candidat. Qu’en est-il au juste ? Avec près de trois millions de participants, la mobilisation électorale a été au rendez-vous en 2011 lors des primaires socialistes (même si l’absence de précédent rend l’évaluation hasardeuse). Mais qu’en est-il du profil sociologique des « sympathisants » enrôlés par les primaires ? Le PS a-t-il élargi la sociologie de sa base de désignation ? La procédure des primaires, inédite et complexe pour un électeur profane, est-elle parvenue à mobiliser au-delà d’un public politisé ?

  • 1 Audemard J., Gouard D., « Les primaires citoyennes d’octobre 2011. Entre logique censitaire et inf (...)

2Les enquêtes sur les primaires sont convergentes : les primaires de 2011 n’ont pas subverti les règles censitaires qui limitent l’accès des individus les moins dotés en capitaux économique et culturel au champ politique. Le taux de participation est inversement proportionnel au caractère « populaire » des territoires considérés. Le vote est plutôt urbain (7,9 % des votants aux primaires se concentrent à Paris alors que la population y représente 5 % de la population française et 4 % des inscrits). Les participants aux primaires sont plutôt masculins, âgés et issus de milieux sociaux favorisés. Les électorats des candidats présentent des caractéristiques plus ou moins marquées. À Montpellier, les propriétaires installés de longue date préfèrent François Hollande, les jeunes diplômés locataires optent plutôt pour Arnaud Montebourg, tandis que Ségolène Royal obtient ses meilleurs scores dans les quartiers populaires1.

  • 2 Voir De Luca M. « Les électeurs socialistes dans les primaires présidentielles à Paris », French P (...)
  • 3 Voir « Des primaires populaires ? Analyse de la participation à la primaire socialiste », Enquête (...)

3Les enquêtes montrent que la participation est d’autant plus forte que le niveau d’éducation de la population est élevé2. La participation atteint ses plus hauts niveaux dans les départements abritant d’importants pôles universitaires et des zones urbaines dynamiques économiquement. Elle est aussi fortement corrélée à la présence militante et à l’implantation municipale du PS. On peut aussi parler de la « reproduction d’affinités locales internes à l’appareil socialiste dans les choix des sympathisants3 ». Cette partie se propose d’affiner cette vue d’ensemble par d’autres études locales ou « par le bas ».

4Si les primaires constituent une procédure nationale, elle est appropriée localement par les candidats et leurs soutiens à travers leur travail de mobilisation électorale et par les électeurs qui ne se prononcent pas uniquement sur des enjeux nationaux mais aussi sur la base de logiques territoriales. Les primaires participent sans doute d’une re-centralisation de la vie politique et de sa présidentialisation accrue mais l’analyse des électorats des primaires montre aussi qu’elles obéissent à des ressorts territoriaux. Cette troisième partie apporte quatre éclairages sur la dimension locale des primaires à travers l’analyse des comportements électoraux et l’étude de la diffusion des primaires aux élections municipales de 2014.

5Laurent Olivier remet en cause à partir d’une étude sur la Meurthe-et-Moselle le caractère déterritorialisé des primaires et met en évidence le rôle des élus. La procédure des primaires est aussi un instrument de réactivation de la compétition territoriale pour l’appropriation de ressources partisanes locales et s’organise dans des territoires institués qui la façonnent. Julien Audemard et David Gouard, à partir de l’analyse des primaires socialistes à Montpellier, nuance la démocratisation produite par les primaires en en soulignant les effets « censitaires ». Ils comparent le vote aux primaires et celui à l’élection présidentielle. Pierre Mongaux montre, de manière proche, qu’à Amiens « le peuple de gauche » dans sa diversité n’est pas forcément au rendez-vous et que les électeurs de la primaire ne sont pas forcément des sympathisants socialistes. Rémi Lefebvre montre enfin que les primaires présidentielles de 2011 n’ont eu, en dépit de leur « succès » en 2011, qu’un effet d’entraînement limité au niveau local. L’emprise notabiliaire sur la sélection des candidats n’est pas remise en cause. L’ensemble des articles nuance au final les effets « démocratisants » des primaires tant sur l’électorat que sur le système politique dans son ensemble.

Notes

1 Audemard J., Gouard D., « Les primaires citoyennes d’octobre 2011. Entre logique censitaire et influences partisanes locales », Revue française de science politique, volume 64, no 5, 2014.

2 Voir De Luca M. « Les électeurs socialistes dans les primaires présidentielles à Paris », French Politics, Culture & Society, vol. 32, 2, 2014. 70 % des électeurs de la primaire enquêtés à Paris sont diplômés d’au moins la licence. Les chômeurs représentent moins de 3 % des électeurs.

3 Voir « Des primaires populaires ? Analyse de la participation à la primaire socialiste », Enquête CSA, novembre 2011 et la note 113 de la Fondation Jean Jaurès, décembre 2011 et Beauguitte L, Leviselli D., « Les primaires citoyennes de 2011 à Paris : un événement singulier, une géographie familière », Métropolitiques, 14 octobre 2015.

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