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Les primaires ouvertes en France

 | 
Rémi Lefebvre
, 
Éric Treille

Deuxième partie. La mobilisation des primaires

8. Les primaires : terrain d’expérimentation de l’innovation politique ?

Le cas de la campagne d’A. Juppé en 2016 : une mobilisation « scientifique » orchestrée par les data

Anaïs Theviot

Texto completo

  • 1 Le 3 mai 2016, le bureau politique du parti Les Républicains (en l’absence notamment d’A. Juppé, F (...)

1En novembre 2016, aura lieu la première primaire de la droite et du centre pour désigner leur candidat à la prochaine élection présidentielle française. Le principe de la « primaire de l’alternance » a été validé le 7 avril 2015 par le bureau politique de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) qui a approuvé la charte d’organisation : le scrutin aura lieu par bulletins papier (ou par vote électronique pour une partie des Français de l’étranger1) et sans procuration (pour éviter les risques de fraude), dans près de 10 000 bureaux de vote sur l’ensemble du territoire. Les électeurs, inscrits sur les listes électorales, devront signer « une charte de l’alternance » dans laquelle ils indiqueront « partager les valeurs de la droite républicaine et du centre » et s’engager pour « l’alternance afin de réussir le redressement de la France ».

  • 2 Ces propositions de primaire à droite ont d’ailleurs été récurrentes depuis les années quatre-ving (...)
  • 3 « Une primaire UMP pour valider la candidature Sarkozy : Copé dit non », Europe 1, le 26 avril 201 (...)

2Cette organisation ressemble en de nombreux points à la primaire citoyenne organisée à gauche, en amont de l’élection présidentielle de 2012. Pourtant, en 2011, plusieurs cadres de l’UMP avaient émis de fortes critiques à l’annonce de la tenue de cette primaire socialiste (et des propositions du député de la majorité H. Mariton2). Le 26 avril 2011, J.-F. Copé, alors secrétaire général de l’UMP, s’était clairement positionné contre ce scrutin : « Je pense que les primaires ne sont pas une bonne chose, parce que c’est une machine à s’autodétruire3. » Les cadres de l’UMP ont tenté de décrédibiliser l’entreprise socialiste, en insistant sur les désaccords entre les candidats. B. Apparu, secrétaire d’État au Logement, avait ainsi déclaré :

  • 4 « PRIMAIRE PS. L’UMP tente de relativiser le succès », le Nouvel Observateur, 10 octobre 2011.

« Les primaires du Parti Socialiste (PS) sont aussi intéressantes sur la forme que désespérantes sur le fond. Il s’agit incontestablement d’un succès médiatique. Le succès populaire est lui plus mitigé car on est loin des 4 millions espérés mais surtout ce qui comptera avant tout, c’est le succès électoral l’année prochaine4. »

3En commentant l’élection, les partisans de l’UMP cherchent à exister sur la scène médiatique et à recentrer l’agenda politique sur la campagne de 2012.

  • 5 Restier-Melleray C., Que sont devenues nos campagnes électorales ?, Pessac, Presses universitaires (...)

4Malgré les nombreux discours de dénigrement, la primaire socialiste a été jalousée par les équipes de campagne de N. Sarkozy, notamment concernant son supposé impact médiatique – renforçant alors les reproches récurrents à la presse de ne « pas suffisamment respect[er], lors de cette période longue et décisive de la précampagne, les règles de distanciation dans son traitement des “précandidats5” ».

  • 6 Au moment du vote, lors de la signature de la charte des valeurs de la gauche, il était proposé au (...)
  • 7 « 2012 : la bataille du Web », Le Monde, 12 octobre 2011.
  • 8 <http://www.lesprimairescitoyennes.fr/informatique-et-libertes>, consulté le 10 octobre 2012.

5La primaire a aussi permis au PS de parfaire sa base de données de sympathisants6. Après le premier tour du 9 octobre 2011, entre 30 et 50 % des participants auraient laissé leurs adresses e-mail « pour être informés de la suite de la campagne7 ». L’inquiétude des cadres de l’UMP de voir leur adversaire se constituer facilement une base de données de sympathisants à quelques mois de l’élection les a poussés à entamer une campagne de dénigrement autour du « fichage des électeurs ». Pour pallier à cette image négative, le PS a choisi de clarifier les modalités de constitution de bases de données, en insistant sur la dimension du volontariat : personne n’est forcé à communiquer son adresse-mail. Il est ainsi indiqué sur le site internet du PS, dédié aux primaires : « un fichier sera constitué sur la base du volontariat des électeurs qui laisseront leurs coordonnées et accepteront qu’elles soient utilisées pendant la campagne. Ce fichier est normalement exonéré de déclaration à la CNIL au titre du fichier des membres et correspondants des partis politiques, mais il sera néanmoins déclaré, pour plus de garanties8 ».

6Concernant le volet mobilisation, cette pré-campagne semble un atout pour les équipes de campagne afin de constituer un groupe de soutien dépassant le cadre partisan et de tester les dispositifs techniques. En 2012, certains membres de l’équipe web de N. Sarkozy font d’ailleurs un lien entre l’échec électoral et la non-tenue de primaire à droite :

  • 9 Baptiste Roynette, directeur du web à l’UMP. Entretien du 31 janvier 2013.

« Nous, je pense qu’il nous a manqué un peu de temps. Mais on a sorti des outils vraiment super pour la mobilisation, les badges et autres. Mais ce sont des trucs qui mettaient du temps. Le temps que les gens l’adoptent, comprennent. Et comme il y a tout le temps des évolutions… L’idéal c’est les Primaires, où tu avances et tu lances une structure et tu fais évoluer telle version, etc. Et nous, il n’y avait rien9. »

7La comparaison est récurrente avec l’équipe numérique du candidat F. Hollande qui, elle, aurait bénéficié de plus de temps ce qui lui aurait permis de tester ses dispositifs numériques :

  • 10 Ibid.

« Les réflexes que j’ai eus au bout d’un mois, j’aurais pu les avoir au bout de trois jours… C’est la montée en compétence qui se fait. Les équipes de Hollande n’ont pas dû avoir ce problème ! En un an et demi, ils ont déroulé, ils ont testé leurs outils, ils ont regardé comment ça réagissait, ils ont eu les primaires… Donc eux, ils avaient un temps long, le temps de voir, de tester10… »

8Les primaires, par leur format supposé hors des structures partisanes, seraient-elles un terrain particulièrement propice à l’innovation ? Au travers de l’analyse du cas de la campagne d’A. Juppé, nous souhaitons montrer que cette pré-campagne est, en partie, pensée comme une phase de tests pour affiner les techniques qui seront utilisées lors de l’élection présidentielle.

  • 11 « Ève Zuckerman, la botte secrète d’Alain Juppé dans sa campagne numérique », Numéra, 9 février 20 (...)
  • 12 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)
  • 13 Mabi C. et Theviot A., « La rénovation par le web ? Dispositifs numériques et évolution du militan (...)

9En partie pour faire oublier son âge – critique récurrente de ses adversaires –, l’ancien premier ministre met particulièrement en avant, dans sa communication, le numérique : annonce de sa candidature à la primaire le 20 août 2014 sur son blog, tweets personnels réguliers, envois de mails au moins une fois par semaine à ses sympathisants via la newsletter, commentaires de l’actualité sur son blog, usages de plusieurs comptes Facebook pour démultiplier les publics, etc. Sa directrice du digital se prête d’ailleurs facilement aux interviews des journalistes (et des chercheurs) et fait l’objet de plusieurs portraits11. Elle insiste notamment sur la dimension « scientifique » de l’organisation de la mobilisation autour du maire de Bordeaux : « On est dans une démarche très scientifique. On ne se lance pas tous azimuts dedans. On est dans un ciblage par rapport aux données qu’on a. Par exemple, le porte-à-porte est géré par le pôle digital car c’est de la récolte de données, de l’analyse de données, de la cartographie12. » La relation directe entre organisation du porte-à-porte et le volet numérique peut paraître contre intuitive si l’on appréhende ce travail de terrain dans une approche traditionnelle. Or, les modalités de ce porte-à-porte « à l’américaine », ouvert à tous au-delà des adhérents et visant à davantage d’efficacité et de rentabilité, s’avèrent bien éloignées des « manières de faire » passées et demandent de recourir à des bases de données d’électeurs pour cibler les portes à frapper13. Le travail besogneux de terrain se trouve ainsi minuté, rénové et orchestré par les techniques numériques.

  • 14 Nous sommes inscrites à la Newsletter d’A. Juppé.

10Cette enquête exploratoire repose sur l’analyse d’entretiens avec les membres de l’équipe de campagne d’A. Juppé en 2016 et ceux de Nicolas Sarkozy en 2012 afin de saisir les évolutions dans la représentation et les usages du web. Les contenus diffusés en ligne via des mailings listes14 ou proposés sur les sites et les réseaux sociaux gérés par l’équipe d’A. Juppé sont également étudiés.

11Nous verrons que le numérique apparaît comme un outil pour capter les non-adhérents et trouver ainsi de nouveaux soutiens hors du cadre partisan. L’ambition de la primaire est alors de multiplier les tests et les évaluations des dispositifs techniques afin de rationaliser la mobilisation des sympathisants, moins « corvéables » que les adhérents.

Dépasser les « manières de faire » traditionnelles pour s’adapter à la modification du corps électoral, induite par la primaire

  • 15 Cet objectif affiché de démocratisation du parti dissimule des luttes internes, inscrites dans des (...)
  • 16 Cuturi V., Gozzo S., Sampugnaro R. et Tomaselli V., « Partecipazione alle primarie dell’Unione », (...)

12L’une des particularités de la primaire ouverte est de s’adresser à un groupe spécifique, dont les frontières paraissent pourtant labiles et peu connues : les sympathisants de la droite et du centre. L’exercice illustre la volonté « d’ouvrir » le parti15 et d’aller à la rencontre des Français non-adhérents. Comme lors de la primaire nationale italienne du 16 octobre 2005, ce format tente de rappeler à la participation ceux qui avaient décidé de prendre des distances avec le domaine politique et apporter ainsi une première expérience de participation politique à de nombreux citoyens16. L’usage du web apparaît un outil pertinent pour s’adresser à ce nouveau public et créer ainsi une « communauté » de soutien.

  • 17 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

13Mobiliser de nouveaux dispositifs techniques dans le jeu politique pour la primaire de 2016 nécessite de renouveler la vision négative du numérique à droite. Les membres de l’équipe d’A. Juppé cherchent ainsi à « faire sortir la droite d’une logique sur Internet dont la gauche s’est émancipée depuis longtemps17 ». Autrement dit, il s’agit de penser le web non seulement comme un outil de communication, mais aussi comme un outil stratégique de mobilisation et d’organisation du terrain hors-ligne. L’idée est de pouvoir mobiliser les sympathisants par une communication numérique intense et de les amener ensuite à participer à la campagne sur le terrain. L’appui politique apporté au pôle digital par A. Juppé et son directeur de campagne G. Boyer, féru de Twitter, permet de repenser les manières d’utiliser le web, en campagne électorale, à droite, en lien notamment avec la transformation du corps électoral.

Renouveler la vision du numérique chez les Républicains

14Le parti des Républicains, ex-UMP, a une image défavorable sur le web. Certains considèrent même ce parti comme « anti-Internet ». Cette association d’idées s’est construite au cours du quinquennat de N. Sarkozy, suite à de nombreux « ratés » sur la Toile, auxquels s’ajoute la conduite de mesures restrictives déplaisant à une majorité d’internautes (Hadopi).

  • 18 Venu du monde anglo-saxon, le format du lipdub a pris son essor en 2007 avec celui élaboré par Con (...)
  • 19 C. Lagarde est alors ministre de l’Économie (2007-2011).
  • 20 X. Darcos est alors ministre de l’Éducation nationale (2007-2009).
  • 21 E. Woerth est alors ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique (2007-2010)
  • 22 Pour le philosophe, ancien ministre de l’Éducation Nationale, ce clip est « dégoulinant de bêtise  (...)
  • 23 Samuel Laurent, « Le clip des jeunes UMP enflamme le web », Le Figaro, 10 décembre 2009 ; Samuel L (...)
  • 24 Commentaires d’internautes sur Twitter.
  • 25 <http://www.paperblog.fr/2627202/le-lip-dub-ump-la-blague-du-jour/>, consulté le 12 août 2013.
  • 26 Intitulés de blogs mis en avant par S. Laurent, dans son article : « Le clip des jeunes UMP enflam (...)

15À titre d’exemple, nous pouvons citer le lipdub18 des Jeunes Populaires de 2009 où des responsables politiques (par exemple : C. Lagarde19, X. Darcos20, E. Woerth21, etc.) et des militants de l’UMP chantent en play-back dans un clip vidéo sur la chanson, Tous ceux qui veulent changer le monde. Ce clip vidéo a suscité de nombreux commentaires émanant d’internautes et d’hommes politiques (même appartenant à l’UMP)22 afin de souligner le ridicule de ce type d’initiative qui décrédibilise le parti23 : « on n’avait jamais rien vu d’aussi bien depuis la Lambada » ; « ce n’est pas un lipdub, mais un lip-daube » ; « ils ont osé… ou comment un gouvernement peut se ridiculiser en une vidéo24 » ; etc. Sur les blogs, le ton s’avère similaire : « la blague du jour25 » ou « le lipdub raté des jeunes UMP26 ».

  • 27 Présentation des Créateurs de possibles, <http://www.lescreateursdepossibles.com>, consulté le 12 mars 2010 – il n’est désormais plus acce</http>
  • 28 « Tout le monde veut son mybarackobama.com », Meilcour.fr, blog politique, <http://www.meilcour.fr/polito/rseaux-sociaux-politiques-quelques-remarques.html> (consulté le 26 novemb</http> (...)
  • 29 Greffet F. et Wojcik S., « Parler politique en ligne », Réseaux, vol. 4, no 150, 2008, p. 19-50.

16Dans les ratés de l’UMP sur le numérique, on peut aussi évoquer l’échec des Créateurs de possibles, le réseau social de l’UMP, contraint de fermer un an après sa création en janvier 2010, alors que le parti y a investi près de 500 000 euros. Lors de son lancement, cette plateforme était présentée comme « une nouvelle manière de passer à l’action grâce à Internet : vous n’êtes plus spectateur mais véritablement acteur du débat citoyen27 ». Mais, ce réseau a rencontré des difficultés pour trouver son public : les adhérents ne se sentent pas concernés puisque la plateforme des Créateurs de possibles est construite pour donner la parole aux citoyens. Hors période de campagne électorale, un réseau partisan n’attire qu’un nombre très limité de non-adhérents. Les citoyens ont donc délaissé cette plateforme, préférant s’exprimer sur d’autres réseaux sociaux non encadrés par un parti politique, tel que Facebook. Il en découle une plateforme visant au débat, sans membre actif et donc sans échange : « ce site n’est pas un “réseau”, puisque les individus en sont absents28 ». Une vision tronquée du web peut être évoquée pour expliquer ce mauvais ciblage du public. En ligne, les discussions politiques entre citoyens non-militants ont souvent lieu, là où on ne les attend pas29. Les plateformes dédiées sont avant tout destinées aux adhérents ou à des publics fortement politisés et non aux citoyens lambda.

  • 30 L’UMP a acheté des bases de données commerciales du prestataire Yespleez pour diffuser des argumen (...)
  • 31 « L’UMP “spamme” les boîtes mails », Europe1.fr, 25 janvier 2012. <http://www.europe1.fr/Politique/L-UMP-spamme-les-boites-mails-919413/> (consulté le 8 mars 2016).
  • 32 Caroline Bruneau, « L’UMP utilise de nouveau le marketing politique », Le Figaro, 25 janvier 2012.

17Ces premiers échecs (lipdub, Créateurs de possibles) sont associés à X. Bertrand et à l’agence Isobar – dirigée par le publicitaire C. Lambert. Par la suite, la gestion marketing du web qui caractérise la mandature de J.-F. Copé à la tête du parti, n’améliore pas l’image de l’UMP en ligne. L’achat de bases de données commerciales30 pour diffuser des messages partisans s’est accompagné de fortes critiques des internautes qui se sentent « spammés31 » par l’envoi massif de mails non désirés : « le mailing de l’UMP s’apparente donc bien à une stratégie marketing équivalente à celle qui sert à vendre des yaourts et des couches-culottes32 » Les techniques de l’UMP pour constituer de bases de données sont fortement contestées. Il leur est reproché une vision trop commerciale ou opportuniste.

  • 33 La qualification d’une base de données se fait par l’ajout d’informations sociodémographiques, de (...)

18Dans le même temps, le ciblage de la communication électorale par l’exploitation des bases de données qualifiée33 n’était pas, ces dernières années, réellement pris au sérieux par les responsables politiques qui y voyaient un gadget supplémentaire. Ainsi, en 2007, T. Solère, directeur de la webcampagne de N. Sarkozy, mettait en doute l’impact de la réception d’un mail partisan sur le vote :

  • 34 Thierry Solère, directeur de la campagne numérique de N. Sarkozy en 2007. Entretien du 16 juin 201 (...)

« On est largement paré en termes de base de données. […] Je pense qu’on surévalue largement la portée de ce genre de choses. C’est un outil de communication. C’est comme envoyer un courrier par la Poste. C’est pas parce que vous envoyez un courrier, que vous mettez un tract dans une boite aux lettres et qu’on se dit : “Ah ! C’est pas possible. Ah bah voilà. Ca y est. Je vote Sarkozy.” […] Donc faut démythifier un petit peu tout ça. Garder les pieds sur terre, avancer et puis arrêter de se prendre la tête pour savoir si on a 100 000 ou 200 000 de plus, de moins. […] Le mail, enfin… Tout le monde est gavé de mails. Il suffit de voir les taux d’ouverture des mails. Donc on peut se dire qu’on a une base de trois millions, de dix millions34… »

19Cette faible croyance en l’apport des bases de données pour segmenter les publics et cibler ainsi la communication en ligne, n’a pas permis dans les temps « ordinaire » de la vie politique, c’est-à-dire hors campagne électorale, de poursuivre la compilation d’adresse-mails. Toutefois, certains membres de l’équipe de N. Sarkozy regrettent que le passage au pouvoir en 2007 n’ait pu se penser comme un temps fort dans la constitution d’une base de données beaucoup plus large, ne se limitant pas au premier cercle de sympathisants :

  • 35 Vincent Ducrey, membre de l’équipe web de la campagne de N. Sarkozy en 2007. Au moment de l’entret (...)

« C’est en termes de séquençage : on a complètement foiré l’arrivée au pouvoir. Moi, ma recommandation, c’est de récupérer ce qu’on a communiqué sur les 100 000 ou sur les 500 000 militants et de les transférer sur un serveur de l’Élysée pour rester en contact. Et là, je me suis heurté à des mecs qui m’ont dit non. C’est dommage, parce que quand Obama a gagné, il l’a fait et il a mis 13 millions d’emails sur le serveur de la Maison Blanche. […] C’est l’institution, c’est l’Élysée, faut pas salir l’institution. Faut arrêter quoi. Alors, à l’Élysée, ils ont 80 000 mails, alors qu’il y en avait 500 00035. »

20La résistance de certains cadres politiques à la croyance en l’efficacité des data n’a pas permis de promouvoir ces techniques. Elles n’ont finalement été utilisées que de manière artisanale.

Donner une impulsion politique au numérique avec A. Juppé

21En 2016, pour les membres de l’équipe d’A. Juppé, le numérique est pensé comme le pôle qui sous-tend l’ensemble de la campagne pour les primaires. Le numérique est ainsi considéré comme un pilier de la campagne, c’est pourquoi la directrice du pôle digitale a été la deuxième personne à devenir salariée de la campagne. Sa fonction était considérée comme essentielle pour orchestrer la mobilisation de façon pragmatique.

  • 36 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

« J’étais la deuxième recrue de la campagne d’Alain Juppé en tant que salarié. Ils ont tout de suite vu que c’était le digital qui sous-tend le reste. C’est le digital qui était la deuxième priorité en termes de recrutement. Je suis en contact avec 99 % des gens de la campagne car tout le monde a besoin du digital. […] ça sous-tend toute la campagne ; si on ne sait pas à qui on parle, où sont les gens ou qui pourrait nous soutenir, où quelles sont les positions dans quels coins… C’est les données digitales qui leur permettent ensuite de bien faire leur job36. »

  • 37 <http://www.al1jup.com/>, consulté le 12 mars 2016.

22Il faut dire que cela fait plus de dix ans qu’A. Juppé s’est saisi du numérique pour afficher ses prises de position politique au sein de son blog, intitulé « blognotes » (créé en septembre 2004)37. Dans l’article « pourquoi ce blog-notes ? » posté en décembre 2014 (qui n’est plus accessible actuellement), A. Juppé explique à l’internaute comment est née cette idée de se raconter en ligne :

  • 38 Données issues de l’aspiration du blog d’A. Juppé en 2010.

« Je n’étais pas, je l’avoue, un fana de la toile. Isabelle [sa femme] m’a convaincu que c’était un excellent moyen de garder le contact avec les autres. Et depuis trois ou quatre mois, je me suis piqué au jeu. Je constate avec bonheur que mes correspondants sont extrêmement divers : beaucoup de Bordelais, mais aussi des Français du bout du monde, beaucoup d’amis politiques mais aussi beaucoup de concitoyens qui, tout en ne partageant pas mes idées a priori, ont envie de débattre en direct. Bref, je suis devenu accro38. »

  • 39 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)
  • 40 De 2002 à 2004, G. Boyer est directeur de cabinet d’A. Juppé à la mairie de Bordeaux. Après un cou (...)
  • 41 Personne qui suit un compte sur Twitter.

23Sa directrice digitale confirme l’appétence d’A. Juppé pour la communication en ligne, même s’il n’est pas un expert des techniques de campagne usant des data. L’affichage de cette « aisance » du maire de Bordeaux sur la Toile a pour objectif de mettre en scène le candidat dans une posture de modernité. L’équipe de campagne cherche alors à distiller le message suivant : contrairement à ce que pourrait laisser penser son âge, A. Juppé n’est pas dépassé par les technologies de l’information et de la communication. Au contraire, il tweete lui-même et s’avère un des pionniers de l’expression politique en ligne via son blog : « En plus, il se prête complètement au jeu quand on a besoin de contenu vidéo, quels que soient les supports. Il n’y a aucune résistance de sa part, on fait tout ensemble39. » Par ailleurs, son entourage politique n’a pu que l’influencer pour user des innovations techniques. On peut citer G. Boyer, son actuel directeur de campagne, fidèle à A. Juppé depuis 200240, qui s’est fait connaitre sur la Toile par ses tweets incisifs et cinglants envers N. Sarkozy. Par exemple, le 21 septembre 2014, lors du passage de N. Sarkozy au 20 heures de France 2 pour annoncer son retour sur la scène politique, G. Boyer tweete : « Très intéressant le JT de TF1 ce soir. » Puis, il ironise sur les quarante minutes d’entretien : « Je croyais que France 2 TV avait supprimé la pub après 20 heures ! » En décembre 2014, il ne comptait que 4 000 abonnés sur Twitter. Le succès de ses tweets lui fait désormais dépasser les 12 000 followers41. Les conseillers politiques d’A. Juppé ont aussi une appétence particulière pour les réseaux sociaux et ont conscience de la portée potentielle d’une communication numérique bien maîtrisée sur les journalistes, leurs adversaires politiques – et par ricochet, les électeurs.

24Sous l’influence de son entourage technophile, le candidat A. Juppé donne une nouvelle impulsion à droite dans les manières de faire campagne en ligne. Son intérêt accordé au numérique apporte une certaine impulsion politique à ce volet et se traduit par une forme de reconnaissance pour les experts de la donnée. Cette valorisation permet une meilleure prise en compte des potentialités du web 2.0. Les équipes de communication presse et web travaillent de concert ; mais il existe toutefois quelques résistances internes, en raison de la nouveauté des dispositifs proposés par le pôle digital. Ainsi, la responsable de la stratégie numérique doit faire preuve de pédagogie auprès de collègues non spécialistes du web pour expliciter sa démarche et les objectifs visés.

  • 42 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

« Par exemple, on a fait un mail qui est envoyé de la part de Gilles Boyer, donc pas par Alain Juppé, avec un objet qui s’intitule : “où êtes-vous ?” On a eu un énorme taux d’ouverture, tout le monde a cliqué dessus. Taux de conversion aussi, énorme. Le mail a donc super bien marché. Mais j’ai fait beaucoup de services après-vente auprès de l’équipe de campagne. “Pourquoi j’ai reçu un mail de Gilles qui me demande où je suis ? je ne comprends pas.” ça répondait à un objectif très précis. Il y avait un certain nombre de personnes dans la base de données, on ne savait pas où ils vivaient. Donc on ne pouvait pas leur envoyer les invitations quand Alain Juppé se déplaçait dans leur département. Et donc on a complètement rempli cet objectif de qualification. Mais c’est passé par un “ouhaou, c’est quoi ce truc au sein de l’équipe”. Je dois faire preuve de pédagogie et ce n’est pas mon fort42. »

  • 43 Des expressions telles que « packager », « marketer », appartiennent au vocabulaire quotidien des (...)
  • 44 Schneier E. V., « Is politics a profession ? A new school says yes », PS : Political Science and P (...)

25Jusqu’à présent, à droite, comme à gauche (même si la figure de V. Feltesse, directeur du web de F. Hollande en 2012 et cadre du PS, peut relativiser cette assertion), les chargés du numérique étaient pensés comme des techniciens et non des stratèges politiques. Il est vrai que ce volet de la campagne demande la maîtrise d’outils et de terminologies spécifiques43 ; si bien que l’on voit apparaitre de nouveaux métiers politiques du numérique : Data Scientist, Data Analyst, travailleurs de la donnée, chargés de l’animation de communauté, etc. La spécialisation des professionnels de la politique s’accentue avec la nécessité de développer des compétences techniques44. Mais ces experts sont aussi, la plupart du temps, recrutés pour leur capital militant ou leur engagement politique. Les cadres du numérique – à la différence des « petites mains » faisant référence à des acteurs techniques tels que les programmeurs – se pensent comme des « stratèges politiques ». C’est le cas de la directrice du pôle digital d’A. Juppé qui souligne l’importance du message politique diffusé en ligne et l’intérêt pour l’expert de comprendre la portée et les enjeux de celui-ci afin de soumettre une stratégie adaptée en ligne.

  • 45 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

« On ne peut plus dire qu’il y a les informaticiens et les politiques de l’autre. Toutes les méthodes techniques dépendent de la qualité du message politique qui aura été envoyé. C’est de la stratégie de mobilisation politique. Je me considère comme stratège politique45. »

  • 46 En 2010, le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie avait lancé le concou (...)

26Toutefois, cette réflexivité politique autour de l’usage du web en politique, orchestrée par la directrice du pôle digitale d’A. Juppé, ne prévient pas totalement de « ratés ». La photographie du désormais fameux pas de danse d’A. Juppé, lors de sa visite d’une maison de retraite bordelaise, le 8 janvier 2016, a été largement commenté et détourné par les internautes sur les réseaux sociaux. Ce buzz46 peut être a priori pensé comme négatif car les détournements des internautes ont souvent ridiculisé le candidat aux primaires, mais ils ont aussi contribué à le rendre moins austère. Les experts politiques du numérique, bien que stratèges, ne peuvent prédire systématiquement les réactions des internautes, qu’elles soient positives ou négatives. Pourtant, ces professionnels cherchent à prévenir ce type de détournement et à prévoir, au regard du contenu des messages diffusés et du profil sociologique des destinataires, les réactions.

27L’importance accordée par A. Juppé et son directeur de campagne, G. Boyer, au numérique permet au pôle digital de bénéficier d’un appui politique et de légitimer ses actions en ligne et hors ligne.

Toucher les sympathisants

28Selon la directrice du pôle digital, ceux qui se mobilisent sur le terrain pour A. Juppé sont à 70 % des adhérents du parti des Républicains. L’ambition de la campagne numérique est de recruter de nouveaux soutiens qui ne seraient pas a priori intéressés par la politique. Contrairement à N. Sarkozy, le candidat A. Juppé compte sur les soutiens externes au parti pour gagner l’élection de la primaire en novembre 2016. Il cherche donc à recruter le plus largement possible des sympathisants – parmi les non-politisés, mais aussi ceux se positionnant à gauche sur l’échiquier politique.

  • 47 Romain Pigenel, responsable du pôle Influence au QG de F. Hollande pendant la campagne pour l’élec (...)

29Potentiellement, Facebook pourrait être un moyen de contacter les indécis, les abstentionnistes, les internautes non politisés, les citoyens de la « France profonde47 ». Mais il demeure complexe pour les partis politiques de sortir de l’entre-soi de ce réseau d’amitié. Par effet boule de neige, les partis politiques espèrent pouvoir toucher d’abord les partisans qui eux-mêmes vont diffuser l’information sur leur mur ; information alors rendue disponible à leur cercle d’amis non politisés. Les contenus humoristiques, facilement partageables, sont privilégiés pour toucher les Français non politisés :

  • 48 Medhi, équipe web de F. Hollande, pôle Influence. Entretien du 2 mars 2012.

« Quand les classes populaires vont sur Internet, c’est pour quoi ? C’est pour payer moins cher, pour regarder des vidéos qui font rire, regarder des chats qui descendent et qui tombent. Et donc il faut intégrer tout ça pour pouvoir faire un message qui puisse aller faire ça, mais qui soit politique sans l’être beaucoup. C’est ça Facebook. C’est compliqué48. »

30Le compte Facebook des « jeunes avec Alain Juppé » propose ainsi des contenus décalés.

  • 49 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

« Une bonne stratégie digitale, c’est aussi ce qu’il y a derrière et qui est pas forcément visible. Tourner en rond avec les gens qui sont déjà acquis, c’est le plus gros danger et rester toujours dans un entre-soi. L’objectif pour nous, c’est de parler à de nouveaux publics, d’aller au-delà des personnes qui sont déjà acquises, toujours dans la logique de pouvoir les faire s’activer sur le terrain. Les choses qui ne se voient pas, c’est le câblage qu’il y a derrière. Par exemple, quand on s’inscrit sur le site, c’est câbler pour que l’animateur du comité de soutien reçoive l’information et prenne contact avec vous et vous invite à venir sur le terrain. Comment est-ce qu’on passe de cet engagement en ligne, j’ai rencontré quelqu’un, je suis venue à une réunion publique, j’ai fait venir trois de mes amis. On est les seuls à avoir une vision intégrée d’une stratégie digitale intégrée, au service de la mobilisation sur le terrain et au final de l’objectif électoral49. »

31Pour concrétiser l’objectif de conquête de nouveaux publics, l’équipe d’A. Juppé ne se limite pas au digital. Le numérique est pensé comme une porte d’entrée pour les sympathisants dont la mission est ensuite de recruter dans leur entourage, sur le terrain, des nouveaux soutiens potentiellement non politisés. Le site internet de campagne fait le lien entre les sympathisants qui s’inscrivent en ligne et les adhérents sur le terrain, organisés sur le territoire en plus de deux cents comités de soutien afin d’orchestrer des actions hors ligne à l’échelle locale. N’importe qui peut d’ailleurs monter son comité de soutien (même s’il y en a déjà plusieurs dans la même circonscription). L’objectif est de multiplier les réseaux et d’éviter que ce soit uniquement les adhérents qui dirigent les comités de soutien. L’ouverture vers tous les soutiens possibles est le leitmotiv de la campagne d’A. Juppé.

  • 50 alainjuppe2017.fr (consulté le 16 mars 2016).
  • 51 Au PS, ces objectifs étaient séparés en deux plateformes distinctes : françoishollande.fr et toush (...)

32La stratégie adoptée pour le site de campagne d’A. Juppé, alainjuppe2017.fr, lancé le 5 janvier 2016, retranscrit cette volonté de mobiliser au-delà des adhérents. Aucune mention est faite au parti des Républicains et A. Juppé sur la homepage de son site s’adresse « aux Français » et non aux adhérents : « Des milliers de Français se sont déjà engagés auprès d’Alain Juppé. Rejoignez le mouvement50. » Cette plateforme propose un contenu à la fois institutionnel via la présentation du candidat et de son programme (avec les rubriques « Alain Juppé » et « Notre projet ») et de mobilisation (avec les rubriques « Agir avec Juppé », « Donner », « rejoindre »)51. En cette phase de campagne, les onglets de mobilisation sont toutefois davantage mis en avant que ceux sur le programme ou le candidat (l’internaute doit aller dans le menu pour en avoir connaissance alors que ceux de mobilisation sont directement accessible dès la page d’accueil). En effet, l’action est au cœur du site. Sa mission est de devenir une porte d’entrée dans la campagne et de faire exister le collectif non-partisan qui agit pour sa réussite. Il y a un refrain récurrent : pousser à l’action. Le numérique est considéré comme un outil pour inciter les sympathisants à agir en ligne ou hors ligne, que ce soit pour faire un don, recruter de nouveaux soutiens, relayer des messages sur les réseaux sociaux, fonder un comité de soutien, faire du porte-à-porte, etc.

  • 52 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

« L’idée, c’est d’inciter à l’action, notamment sur le terrain. C’est l’énorme différence entre j’ai un message, je l’envoie. Exemple concret, hier les Républicains ont envoyé un mail disant “Sarkozy a fait une interview dans Le Parisien, lisez-la”. pourquoi pas ? mais dans le cadre d’une campagne, notre objectif, c’est de construire un mouvement qui est porté par les volontaires. On dépend de notre capacité de mobiliser les gens sur le terrain. La campagne repose sur les volontaires. C’est une organisation à 99,99 % bénévoles. On dépend des Français s’ils veulent faire des dons, s’ils veulent diffuser telle information, s’ils veulent monter un comité de soutien et donc de recruter d’autres volontaires. Il faut créer un mouvement. Et le terrain, cela passe par des bonnes portes d’entrée en ligne : est-ce que l’on a diffusé sur les réseaux des messages pertinents, intéressants sur les réseaux et qui donnaient toujours la possibilité de s’inscrire rejoindre, de participer, ou est-ce qu’on a juste fait le buzz, est-ce que l’on a juste animé la communauté ? Est-ce qu’on a bien fait vivre cette communauté en ligne pour leur donner envie de participer, de passer à l’étape suivante selon une courbe d’engagement qui fait que l’on ne va pas demander à celui qui vient de s’inscrire de donner 300 euros. De vraiment remettre l’électeur au cœur du dispositif et de la stratégie, sinon les gens s’en vont52. »

33L’équipe digitale d’A. Juppé récuse une vision uniquement centrée sur la communication, sur les effets buzz et les batailles de tweets. La force du nombre reste mobilisée pour mettre en scène l’activisme en ligne. Mais les membres de l’équipe d’A. Juppé insiste sur la dimension stratégique du numérique et l’objectif final : la mobilisation hors ligne des électeurs dans les bureaux de vote en novembre 2016. Il faut dire que sur Twitter, A. Juppé fait rarement la course en tête : lors de leurs passages respectifs dans l’émission Des Paroles et des Actes sur France 2, N. Sarkozy avaient enregistré 86 000 messages postés sur Twitter, contre 57 000 lors du passage du maire de Bordeaux.

La Primaire : une période de tests ?

34La campagne pour la primaire semble être une phase de tests des innovations, présentées comme des réussites ailleurs. C’est notamment le cas de la plateforme américaine Nation Builder qui vise à coordonner l’ensemble de la mobilisation et de la communication via un logiciel unique. En 2016, plusieurs candidats à la primaire de la droite et du centre ont choisi cet outil pour rationnaliser leur campagne électorale, notamment à travers l’analyse de bases de données. Ces techniques de ciblage par les data sont particulièrement mises en avant par l’équipe d’A. Juppé.

Tester en France les pratiques américaines : Nation Builder, « Content Management System » phare des primaires à droite

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  • 56 Axel, responsable des réseaux sociaux au sein de l’équipe numérique de N. Sarkozy. Entretien du 28 (...)

35En période de campagne électorale, l’américanisation de la communication politique a fait l’objet de vives critiques notamment en Grande-Bretagne avec l’importation par les conservateurs (notamment M. Thatcher) des techniques américaines de campagne53. Déjà en 1976, M. Noir, alors responsable de la communication de l’Union des Démocrates pour la République54 (UDR) s’interroge sur les potentiels bénéfices de l’importation de techniques américaines, suite à la campagne victorieuse de J. Carter : faut-il « suivre l’exemple américain55 ? » Depuis, le parti des Républicains a répondu positivement à cette question, en affichant médiatiquement l’influence américaine à travers les visites de N. Sarkozy Outre-Atlantique lors de son mandat présidentiel. Les web-stratèges de sa campagne pour l’élection présidentielle de 2012 assument l’inspiration américaine car « c’est juste un signe d’intelligence56 » de vouloir importer en France ce qui marche ailleurs.

  • 57 Se référer au dossier de la Revue Française de Science Politique, « L’Étranger », vol. 59, no 4, 2 (...)

36Faire appel à une jeune franco-américaine de vingt-deux ans pour coordonner la campagne des primaires en ligne d’A. Juppé vise à mettre en scène l’inspiration des États-Unis. S’appuyer sur des pratiques « étrangères57 », mises en avant médiatiquement comme symboles de réussite, légitime la nécessité de recourir au numérique dans le jeu électoral et affiche la supposée modernité de la campagne.

  • 58 Pierre Chassat, directeur de la communication de l’UMP. Entretien du 1er mars 2012.

« On s’inspire de tout. On s’inspire de tout parce que c’est juste un signe d’intelligence. Quand il y a des trucs qui marchent, on regarde pourquoi ça marche, est-ce que c’est applicable en France, est-ce que ça aura un impact et est-ce que ce sera utile, est-ce que c’est faisable. Et à partir du moment où toutes ces conditions sont remplies, il faudrait être bête de ne pas essayer de le faire. Après, parfois, ça marche plus ou moins bien. Mais il faut… Évidemment on s’inspire de tout. Il n’y a pas de… Il n’y a aucun sectarisme, aucun a priori. On regarde. C’est juste du pragmatisme. Ça fonctionne. Ah pourquoi ? Comment ils font ? Est-ce que c’est faisable chez nous58 ? »

  • 59 « Moderniser la vie politique : innovations américaines, leçons pour la France », Rapport de la mi (...)
  • 60 Lees-Marshment J., Global Political Marketing, New York, Routledge, 2010, p. 122.
  • 61 « Parties can utilize a range of marketing tools including voter profiling, segmentation, micro-ta (...)
  • 62 Créée en 2004, l’agence BSD s’est formée à la suite de la campagne d’H. Dean. Quatre anciens emplo (...)

37En 2008, B. Obama disposait d’une base de données qualifiée, nommée Catalist, de « 140 millions d’Américains, avec jusqu’à 600 informations par personne59 », y compris leur origine ethnique, leur appartenance religieuse, leur affinité partisane, etc. Catalist a ainsi permis aux démocrates d’organiser en ligne une campagne porte-à-porte à la fois massive et ciblée sur les abstentionnistes, a priori favorables à ce parti : « les partis politiques peuvent utiliser une gamme d’outils marketing incluant le profilage d’électeur, la segmentation, le ciblage à une échelle micro et l’e-marketing pour développer leur communication60 [nous traduisons61]. » Ce ciblage de la communication a été rendue possible par l’usage d’outil de Content Management System (CMS), c’est-à-dire un logiciel servant à qualifier des contacts. Plusieurs agences de stratégies électorales se sont spécialisées sur l’usage des data en campagne, telles que Blue State Digital (BSD)62, Cambridge Analytica, Brixton, Nation Builder, etc. Favorisées par le Help American Vote Act, loi votée en 2002 qui met les données électorales à la disposition de tous, les sociétés spécialisées en big data électoral ont mis en avant l’intérêt pour les partis politiques de travailler les données des électeurs.

  • 63 <http://nationbuilder.com/>, consulté le 13 mars 2016.
  • 64 Jusqu’à présent, les outils de son concurrent, Blue State Digital, s’exportait davantage en France
  • 65 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

38Fondé en 2009 à Los Angeles par J. Gilliam, Nation Builder se décrit comme un « système d’exploitation de communauté63 » adapté aux ONG, aux associations, aux activistes, aux artistes, mais également aux partis politiques et aux acteurs institutionnels. Utilisé lors de la campagne de B. Obama en 2012, il a été employé aussi bien par le Labor Party australien que par Amnesty International, AirBnb ou Handicap International. Pourtant, ce CMS, explicitement proposé dans sa présentation en ligne, comme un outil de gestion de campagne n’a, jusqu’alors, que peu été utilisé en France64. On peut toutefois noter deux exceptions : la pré-campagne des primaires de P. Mennucci à Marseille en 2014, coordonnée avec cet outil par l’agence La Netscouade et la plateforme actuelle du parti Les Républicains. L’objectif de ce logiciel « tout en un65 » est d’organiser en ligne le militantisme de terrain : avec cet outil, les militants sont orientés vers des zones ciblées pour tracter ou faire du porte-à-porte et ne se déplacent plus de manière aléatoire. Le tarif varie entre 29 $ et 5 000 $ par mois en fonction des potentialités choisies.

39La stratégie digitale d’A. Juppé s’appuie ainsi sur Nation Builder et deux autres candidats des primaires à droite – François Fillon et Bruno Le Maire – l’ont aussi adopté. La directrice du pôle digitale d’A. Juppé a notamment été recrutée pour son expertise sur cet outil : elle l’a expérimenté lors de sa mise en place pour le parti des Républicains, mais aussi en période de campagne électorale, lors de la réélection du maire de Chicago Rahm Emanuel, en avril 2015. Le succès de ce CMS auprès des candidats aux primaires de 2016 repose sur la promesse de la combinaison de quatre fonctions au sein d’un même logiciel :

40– Nation Builder permettait de créer facilement un site web performant et attractif. Les médias sociaux sont fortement mis en avant sur cette plateforme et s’avère ainsi adaptée à une utilisation sociale et de mise en avant de l’action militante.

41– Nation Builder propose de construire quasi-automatiquement une base de données en croisant les informations fournies par les visiteurs du site et les données mises en ligne sur le compte Facebook et Twitter :

  • 66 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

« Pour chaque adresse-mail qui est dans la base, Nation Builder cherche automatiquement les comptes des réseaux sociaux associés et importe les informations publiques, c’est-à-dire la biographie Twitter et qui est ensuite rendue “cherchable”. Donc, on peut chercher tous ceux qui sont professeur dans leur bio Twitter pour cibler la communication sur l’éducation ; plutôt que d’aller leur demander quelle est leur profession, sachant que le taux de réponse est très faible. Cela permet d’enrichir énormément la communication et de la cibler au maximum66. »

42Les équipes de campagne disposent alors rapidement d’une base de données qualifiées de leurs sympathisants, même si celles-ci doivent souvent être retravaillées pour avoir connaissance de données non publiques en ligne.

  • 67 Partie du site internet qui n’est pas visible aux internautes, mais seulement aux administrateurs (...)

43– Nation Builder propose dans le backoffice67 du site plusieurs outils de donations sécurisés et de suivi des levées de fonds, intégrés au reste de l’écosystème communautaire.

44– La fonction de communication n’est pas non plus délaissée puisqu’il existe des nombreux moyens mis à disposition du gestionnaire de la base de données pour inciter ses sympathisants à l’action : SMS, mailings listes, tweets automatisés, messages vocaux laissés dans la boîte de tous les membres de la base de données, etc.

  • 68 Système simple de gestion de contenu (SGC) ou (Content management system (CMS) en anglais) libre é (...)

45Le passage du site d’A. Juppé de Wordpress68 à Nation Builder en 2015 a démultiplié les possibilités offertes en ligne, que ce soit en termes de personnalisation de la plateforme, mais aussi de gestion des données et des actions de terrain ou de récoltes de dons. Auparavant, les données récoltées par le site, telles que les adresse-mails des sympathisants s’inscrivant à la newsletter, n’étaient pas travaillées et croisées avec leurs informations personnelles, à disposition sur les réseaux sociaux. Désormais, l’idée est de repérer par exemple le lieu d’habitation de l’électeur pour l’inviter à un meeting dans sa région, son lieu de vote pour l’inciter à effectuer une procuration (si celui-ci n’est pas le même que son lieu d’habitation), ses centres d’intérêts pour lui adresser des e-mails thématiques, etc.

  • 69 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

« Nation Builder, c’est une plateforme qui est fait pour tout en un. On construit son site avec, on gère sa base de données avec – c’est la plus grosse partie – on envoie ses mails avec, et quand on est aux États-Unis, il y a une récolte de dons aussi. En France, cette partie est plus délicate car les règles ne sont pas les mêmes. Voilà, on a surtout ces trois parties-là, ce qui permet d’avoir une base de données intégrée. Par exemple, avant qu’on se mette sur Nation Builder, Alain Juppé était sur un Wordpress donc quand les gens s’inscrivaient, ça tombait dans un tableau Excel. Ce n’était pas traité et du coup ce n’est pas croisé avec les autres actions. Est-ce que cette même personne a déjà sonné de l’argent ? Est-ce qu’il a déjà participé à un évènement ? À partir de ce moment-là, si on n’a pas ça, on ne peut pas mettre en place une communication ciblée et personnalisée parce qu’on n’a pas une vision globale au niveau individuel du niveau d’engagement de chaque personne. Donc c’est impossible de cibler toutes les personnes dont on a l’adresse mail, mais qui n’ont pas encore rejoint un comité. Ou toutes les personnes qui sont avec nous sur Twitter et c’est qu’à ces personnes-là qu’on va envoyer un mail flash, vite “il faut twitter pour aller Juppé sur ce thème”. Plutôt que de l’envoyer à tout le monde quand les gens ne sont pas sur Twitter. Ça permet vraiment d’axer la communication sur chaque individu plutôt que d’envoyer un message général à tous ce qui fait que les messages ne sont pas ouverts, pas lus et les gens ne réagissent pas et au bout d’un moment quittent la campagne mail car ils sont contactés sur des choses qui ne les intéressent pas69. »

  • 70 Voir par exemple, au Royaume-Uni, le Data Protection Act de 1984 et la loi de 1978 sur l’informati (...)
  • 71 Bensamoun A. et Zolynski C., « Cloud computing et big data. Quel encadrement pour ces nouveaux usa (...)

46La « science des data » requiert des données très précises qui ne se limitent pas à une adresse-mail. La directrice du pôle digital d’A. Juppé insiste sur la provenance de ces données : elles sont mises en ligne par l’internaute lui-même. En effet, la crainte est de se voir reprocher l’usage de données personnelles. Dans la plupart des pays européens70, la protection des données individuelles est bien plus importante qu’aux États-Unis, même si celle-ci s’avère obsolète par rapport aux possibilités techniques actuelles71. En France, pour protéger les données personnelles, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) – autorité administrative indépendante créée en 1978 – a mis en place des barrières légales. Il est ainsi interdit d’acquérir et de recouper des bases de données sans avoir reçu préalablement l’accord des personnes répertoriées dans ces fichiers.

47La primaire s’apparente alors à une phase de tests pour adapter les techniques américaines en France :

  • 72 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

« Quand je préparais sa campagne de ré-élection [du maire de Chicago], avant d’établir la stratégie de terrain, on regardait le pourcentage d’afro-américains ou de latinos dans chaque quartier de la ville afin de savoir quelle thématique et quel déploiement militant mettre en place. On reste tout de même dans cet esprit ultra data en France mais on est limité72. »

48Le cadre législatif français est en effet beaucoup plus strict. Aux États-Unis, il existe par exemple, dans les bases de données des partis politiques, un fichage par ethnie et religion qui semble difficilement transposable en France.

Une campagne « scientifique » ? Statistiques, tests et évaluations

  • 73 Extrait du document bilan sur la campagne web de F. Hollande produit par son équipe numérique à la (...)
  • 74 Ibid.

49Dans un document « bilan » rédigé post-élection présidentielle de 2012, les membres de l’équipe web de F. Hollande ont mis en exergue trois principes : « sur Internet tout est mesurable et quantifiable. Sur Internet, tout peut être corrigé, optimisé rapidement et facilement. Il s’agit ainsi de rechercher l’efficacité des actions menées73. » De ces trois principes, découlent deux objectifs : « 1 – Suivre la performance de chacune de nos actions afin d’améliorer/optimiser nos pages, nos dispositifs. 2 – Analyser l’évolution de nos tendances, le comportement de nos visiteurs, de nos membres afin de déterminer des “best practices” et ainsi progresser74. » L’ambition de ces nouvelles campagnes dites « scientifiques » est d’évaluer leurs effets sur l’électorat, en effectuant des tests afin de mettre en exergue les « bonnes » pratiques. La directrice du pôle digitale d’A. Juppé insiste sur la supposée scientificité de ces méthodes qui s’opposent à ce qu’elle dénomme le « pifomètre » politique :

  • 75 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

« On veut une logique d’incitation à l’action. Pourquoi faire ce mail ? À qui on l’envoie ? Est-ce que ça correspond à la cible ? On commence vraiment à avoir une stratégie guidée par les statistiques, comme aux États-Unis. On veut arrêter le pifomètre. Aux États-Unis on teste en continu, on ne reste pas sur des pseudos acquis […] Au lieu de prendre comme mesure de réussite, cinq personnes dans le bureau qui m’ont dit “j’aime bien ton mail”, je regarde en termes de pourcentage, sur une base beaucoup, beaucoup plus grande si tant de personnes ont réagi. C’est la différence entre le pifomètre et la statistique75. »

50Les pratiques « traditionnelles », considérées comme anciennes et archaïques, qui ne s’appuient par sur les compétences des travailleurs politiques de la donnée, sont dévaluées. La scientificité de ces nouvelles méthodes repose sur des statistiques qui estiment par exemple la portée d’un mail, en analysant le taux d’ouverture, de clic et de conversation, mais aussi des métriques négatives, telles que le taux de désinscription ou le nombre de personnes qui marquent les mails politiques comme spams.

  • 76 Ibid.
  • 77 Ibid.

51L’ambition est de réussir à envoyer des mails dits « optimisés », grâce à un système de tests A/B. Autrement dit, deux versions différentes de courriels sont envoyées à deux panels de sympathisants et un bilan est réalisé pour savoir laquelle des deux versions est la plus efficace (mails ouverts, clics sur la pièce jointe, réponse…) : « Si on veut envoyer le message final à l’ensemble de la base de données, on va envoyer le premier message à 10 % et le second message à un autre 10 % de la base. Et on attend de voir lequel des deux marche le mieux, soit en mesurant le taux de clics ou le taux d’ouverture. Et on va envoyer le message qui marche le mieux au 80 % restant76. » Cette fonctionnalité est d’ailleurs proposée par le logiciel Nation Builder. Le manque de temps dans une campagne électorale incite les experts français à s’appuyer sur des règles de « bonnes » pratiques qui ont été élaborées aux États-Unis, grâce à des tests de grande ampleur : « Je suis constamment imbibée des conclusions qui ont été tirées aux États-Unis où ils ont des moyens de testing, de tracking, bien plus importants que nous. Donc on va pas forcément faire tous les tests nous-mêmes. On va s’appuyer sur leur conclusion77. » Toutefois, la période des primaires permet aux équipes de campagne françaises de ne pas uniquement s’appuyer sur les pratiques étrangères, mais de réaliser aussi leurs propres expérimentations.

52Cette phase de test est d’ailleurs en cours au sein de l’équipe d’A. Juppé concernant le dispositif porte-à-porte. Les exercices en situation permettent de repérer quel message sera le plus percutant pour gagner des électeurs. Le contenu de l’interaction ne sera donc pas laissé à l’initiative de l’adhérent ou du membre du comité de soutien, chargé d’aller frapper aux portes. Le pôle digital est d’ailleurs en charge des formations auprès des comités de soutien pour les encadrer dans leurs échanges avec les électeurs sur le terrain. Rien ne semble plus laissé au hasard, tout est testé, calibré, évalué : cet encadrement est légitimé par l’efficacité de ces méthodes, justifiées à renfort de statistiques.

  • 78 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. En (...)

« Le pôle digital, ça inclut aussi des actions de terrain. Pour le porte-à-porte, on en est à faire des premiers tests. Il y a deux façons de faire. Il y a la façon de faire, comme on a toujours fait : je frappe à une porte, je dis quelques mots et je donne un tract. Est-ce que c’est efficace ? Il y a une autre façon de faire : je réfléchis à qui je vais parler. Il y a un ciblage au préalable. Je donne des objectifs précis à la personne qui frappe aux portes : est-ce que l’objectif c’est de persuader, de recruter des volontaires, d’aller faire voter ? On cible et la zone et le message. Ce qui fait la force du porte-à-porte, c’est la quantité. Mais c’est aussi la qualité de l’interaction. Ça se teste. Ça se travaille. Si on dit ça, comment les gens réagissent78 ? »

53Ces statistiques sont aussi utilisées par la directrice du pôle digitale pour justifier ces actions auprès des cadres politiques. Prouver « scientifiquement » que le travail des données a un impact sur la réception des messages de communication électorale et sur la coordination de l’activité militante justifie, dans le même temps, son expertise. La lutte pour la reconnaissance pousse ces experts du numérique à élaborer une rhétorique autour de la « scientificité » de ces campagnes modernes qui semble ainsi participer à la construction de l’identité professionnelle des métiers du numérique.

Conclusion

54Chaque primaire semble porter son lot d’innovations et d’expérimentations.

55En amont de la primaire socialiste fermée de 2006, face à la baisse des effectifs, le PS avait proposé une adhésion sur Internet à vingt euros. Cette première adhésion à faible coût (matériel et symbolique) était en soi une forme d’innovation, annonçant déjà les primaires ouvertes. En faisant baisser le coût des cotisations, il s’agissait d’une première réduction de l’écart entre sympathisants et adhérents qui s’est traduite par une arrivée massive de nouveaux adhérents pour voter à la primaire de 2006.

56Le 3 juillet 2010, lors d’une « convention nationale sur la rénovation » s’appuyant sur un rapport produit par A. Montebourg et O. Ferrand à destination de la première secrétaire M. Aubry, il a été décidé d’organiser des primaires ouvertes en 2011. Le titre de cette convention est bien significatif et met en avant la dimension réformatrice portée par ce nouveau mode de désignation du candidat à l’élection présidentielle. L’argument de l’ouverture du parti aux sympathisants, s’accompagnant d’un mouvement volontaire de mutation du lien d’adhésion, est orchestré par une partie des responsables, s’affichant comme des « modernisateurs ».

  • 79 Lefebvre R., « Le militantisme socialiste n’est plus ce qu’il n’a jamais été. Modèle de « l’engage (...)

57La primaire de la droite et du centre s’inspire largement de ces initiatives socialistes. On y retrouve la même organisation, le même principe d’ouverture et la même mise en scène de la rénovation du parti (qui se matérialise aussi par un changement de nom et de statuts). Toutefois, le rôle attribué à l’adhérent, dans les mythes partisans, est moins central chez les Républicains qu’au PS79. Le brouillage des frontières entre adhérent et sympathisant n’a pas ainsi fait l’objet des mêmes luttes internes. Certains candidats, tels qu’A. Juppé, compte d’ailleurs sur l’élargissement de l’électorat pour remporter la victoire en novembre 2016. Cette modification du corps électoral amène l’ancien maire de Bordeaux a testé et développé des outils numériques afin d’aller à la rencontre des sympathisants.

  • 80 Réseau social qui s’adresse aux adolescents.
  • 81 La campagne de communication orchestrée autour de la sortie du deuxième livre programmatique d’A. (...)
  • 82 Audemard J. et Gouard D., « Les primaires citoyennes d’octobre 2011. Entre logique censitaire et i (...)

58En s’adressant tour à tour aux jeunes sur Facebook et Snapchat80, et aux plus âgés via la publication de livres programmatiques ou en accordant des interviews à des journaux papiers, les équipes d’A. Juppé démultiplie les possibilités de communication pour dépasser les frontières partisanes81. Les jeunes sont une des cibles récurrentes de l’équipe d’A. Juppé pour détourner les critiques sur son âge et le mettre en scène entouré de soutiens d’étudiants, mais aussi dans un objectif stratégique car ces derniers se sont peu déplacés lors des primaires citoyennes socialistes82. Le numérique est alors pensé comme un outil essentiel pour s’adresser à cette tranche de la population et gagner des voix. Des contenus spécifiques sont élaborés pour toucher les jeunes, notamment par la diffusion de vidéos humoristiques et décalées sur les réseaux sociaux, proposant une approche plus moderne et moins « institutionnelle » du politique.

59Au-delà de la diversité des lignes éditoriales possibles sur les dispositifs web pour toucher des publics distincts, le numérique est aussi utilisé dans la campagne d’A. Juppé comme un outil d’organisation de l’activisme hors ligne. Contrairement aux autres supports de communication, il n’est pas pensé uniquement comme un outil de diffusion de la parole du candidat. Le travail effectué sur les bases de données des sympathisants et plus largement, des électeurs, permet de cibler les portes à frapper, les quartiers dans lesquels le tractage sera le plus efficace, etc. L’ambition est en effet d’améliorer l’efficience des campagnes électorales, en segmentant les publics en fonction de leurs caractéristiques sociodémographiques, de leurs positionnements politiques et de leurs intérêts thématiques. Ce travail de cartographie et de ciblage des électeurs fait l’objet de nombreux tests lors de cette primaire, comme s’il s’agissait de roder les outils pour l’élection présidentielle de 2017 – impression renforcée par l’intitulé du site internet d’A. Juppé, alainjuppé2017. Le travail effectué sur la gestion et l’analyse des data pendant la campagne pour la primaire de la droite et du centre permet ainsi, à l’équipe d’A. Juppé, de mettre à l’épreuve les techniques employées aux États-Unis, en les adaptant au modèle français. En définitive, cette pré-campagne est pensée comme une phase de test des innovations venues d’Outre-Atlantique sur le territoire métropolitain, tout en relayant médiatiquement leurs usages afin d’insister sur le caractère novateur de la campagne des primaires.

Notas

1 Le 3 mai 2016, le bureau politique du parti Les Républicains (en l’absence notamment d’A. Juppé, F. Fillon et N. Kosciusko-Morizet), à la demande de son président N. Sarkozy, avait décidé, par 43 voix sur 47, d’abandonner le vote électronique au profit d’un vote papier classique, pour le 1,2 million de Français de l’étranger. Cette décision a entraîné un rappel à l’ordre de la Haute autorité chargée de l’organisation de ce scrutin. Le 17 mai 2016, le bureau politique du parti a voté à l’unanimité en faveur d’un « compromis », avec un scrutin mixte : soit par un vote papier, soit par un vote électronique. En juillet 2016, la Haute autorité pour la primaire de la droite a donné tort au bureau politique des Républicains en décidant que le vote serait uniquement électronique pour tous les Français de l’étranger.

2 Ces propositions de primaire à droite ont d’ailleurs été récurrentes depuis les années quatre-vingt-dix. Haegel F., « La primaire à l’UMP : genèse et enjeux », Pouvoirs, vol. 3, no 154, 2015, p. 89-98.

3 « Une primaire UMP pour valider la candidature Sarkozy : Copé dit non », Europe 1, le 26 avril 2011. <http://archives-lepost.huffingtonpost.fr/article/2011/04/26/2477622_une-primaire-ump-pour-validerla-candidature-sarkozy-cope-dit-non.html>, consulté le 17 mars 2011.

4 « PRIMAIRE PS. L’UMP tente de relativiser le succès », le Nouvel Observateur, 10 octobre 2011.

5 Restier-Melleray C., Que sont devenues nos campagnes électorales ?, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2002.

6 Au moment du vote, lors de la signature de la charte des valeurs de la gauche, il était proposé aux électeurs de remplir des formulaires les incitant à laisser leurs coordonnées afin d’être recontactés pour participer à la campagne pour l’élection présidentielle. Ces données personnelles ont été compilées pour renforcer la base de données socialiste des sympathisants.

7 « 2012 : la bataille du Web », Le Monde, 12 octobre 2011.

8 <http://www.lesprimairescitoyennes.fr/informatique-et-libertes>, consulté le 10 octobre 2012.

9 Baptiste Roynette, directeur du web à l’UMP. Entretien du 31 janvier 2013.

10 Ibid.

11 « Ève Zuckerman, la botte secrète d’Alain Juppé dans sa campagne numérique », Numéra, 9 février 2016. <http://www.numerama.com/politique/143247-eve-zuckerman-la-botte-secrete-dalain-juppe-poursa-campagne-numerique.html>.

12 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

13 Mabi C. et Theviot A., « La rénovation par le web ? Dispositifs numériques et évolution du militantisme au PS », Participations, vol. 1, no 8, 2014, p. 97-126.

14 Nous sommes inscrites à la Newsletter d’A. Juppé.

15 Cet objectif affiché de démocratisation du parti dissimule des luttes internes, inscrites dans des enjeux de courants et des stratégies politiques, favorables ou non à l’incorporation des sympathisants dans les prises de décisions du parti. R. Lefebvre questionne cette ouverture du parti lors des primaires qui « contrevient à sa culture organisationnelle et qui dévalue le militantisme ». Lefebvre R., Les Primaires socialistes. La fin du parti militant, Paris, Raisons d’agir, 2011.

16 Cuturi V., Gozzo S., Sampugnaro R. et Tomaselli V., « Partecipazione alle primarie dell’Unione », Quaderni dell’Osservatorio Elettorale, no 55, juin 2006, p. 159-193.

17 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

18 Venu du monde anglo-saxon, le format du lipdub a pris son essor en 2007 avec celui élaboré par Connected Ventures, une agence média américaine. Ces vidéos visent à témoigner de la créativité et de la bonne humeur qui règnent dans une entreprise, une université ou tout autre groupe de personnes. Elles sont souvent associées à une volonté de créer du buzz afin de bénéficier d’une promotion médiatique. Dans le cas de l’UMP, le buzz a bien existé, mais s’est avéré négatif.

19 C. Lagarde est alors ministre de l’Économie (2007-2011).

20 X. Darcos est alors ministre de l’Éducation nationale (2007-2009).

21 E. Woerth est alors ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique (2007-2010).

22 Pour le philosophe, ancien ministre de l’Éducation Nationale, ce clip est « dégoulinant de bêtise ». Samuel Laurent, « Le clip des jeunes UMP enflamme le web », Le Figaro, 10 décembre 2009.

23 Samuel Laurent, « Le clip des jeunes UMP enflamme le web », Le Figaro, 10 décembre 2009 ; Samuel Laurent, « Les jeunes de l’UMP votent dans un climat délétère », Le Monde, 21 août 2010 ; Laure Equy, « Pour “changer le monde”, le lipdub gratiné des jeunes UMP », Libération, 10 décembre 2010.

24 Commentaires d’internautes sur Twitter.

25 <http://www.paperblog.fr/2627202/le-lip-dub-ump-la-blague-du-jour/>, consulté le 12 août 2013.

26 Intitulés de blogs mis en avant par S. Laurent, dans son article : « Le clip des jeunes UMP enflamme le web », Le Figaro, 10 décembre 2009.

27 Présentation des Créateurs de possibles, <http://www.lescreateursdepossibles.com>, consulté le 12 mars 2010 – il n’est désormais plus accessible.

28 « Tout le monde veut son mybarackobama.com », Meilcour.fr, blog politique, <http://www.meilcour.fr/polito/rseaux-sociaux-politiques-quelques-remarques.html> (consulté le 26 novembre 2013).

29 Greffet F. et Wojcik S., « Parler politique en ligne », Réseaux, vol. 4, no 150, 2008, p. 19-50.

30 L’UMP a acheté des bases de données commerciales du prestataire Yespleez pour diffuser des argumentaires par mail. Yespleez est un prestataire, appartenant au groupe Come& Stay qui propose, à l’achat, des bases de données regroupant les coordonnées des internautes ayant accepté de recevoir des offres promotionnelles, habituellement commerciales. Sur le site, il est indiqué : « Le Groupe Come& Stay vous propose ainsi de vous accompagner dans votre Digital Relationship Management (qui pilote la performance de vos campagnes d’e-marketing et de social media) ».

31 « L’UMP “spamme” les boîtes mails », Europe1.fr, 25 janvier 2012. <http://www.europe1.fr/Politique/L-UMP-spamme-les-boites-mails-919413/> (consulté le 8 mars 2016).

32 Caroline Bruneau, « L’UMP utilise de nouveau le marketing politique », Le Figaro, 25 janvier 2012.

33 La qualification d’une base de données se fait par l’ajout d’informations sociodémographiques, de renseignements sur les intérêts thématiques des électeurs et l’orientation de leurs opinions politiques par exemple. Il est aussi possible de qualifier les contacts par rapport à leur implication, leur réactivité, les thématiques cliquées, etc.

34 Thierry Solère, directeur de la campagne numérique de N. Sarkozy en 2007. Entretien du 16 juin 2011.

35 Vincent Ducrey, membre de l’équipe web de la campagne de N. Sarkozy en 2007. Au moment de l’entretien, conseiller internet du ministre de l’éducation, Luc Chatel. Entretien du 26 janvier 2012.

36 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

37 <http://www.al1jup.com/>, consulté le 12 mars 2016.

38 Données issues de l’aspiration du blog d’A. Juppé en 2010.

39 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

40 De 2002 à 2004, G. Boyer est directeur de cabinet d’A. Juppé à la mairie de Bordeaux. Après un court passage au Groupe M6, il redevient son directeur de cabinet en 2006 à Bordeaux, avant d’intégrer le cabinet du ministère de l’Écologie de mai à juin 2007. De 2010 à 2012, toujours auprès d’A. Juppé, il est conseiller politique au ministère de la Défense, puis au Quai d’Orsay. Il est actuellement le directeur de campagne d’A. Juppé et est considéré par les médias, comme son « bras droit ». Il se décrit d’ailleurs lui-même dans sa biographie sur Twitter comme : « Brasgauched’@alainjuppe ».

41 Personne qui suit un compte sur Twitter.

42 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

43 Des expressions telles que « packager », « marketer », appartiennent au vocabulaire quotidien des campaigners. Les acteurs politiques se sont approprié ce vocable et le mettent en avant comme un signe de modernisation du parti.

44 Schneier E. V., « Is politics a profession ? A new school says yes », PS : Political Science and Politics, vol. 20, no 4, 1987, p. 889-895 ; Aldrin P., « “Si près, si loin du politique” – L’univers professionnel des permanents socialistes à l’épreuve de la managérialisation », Politix, no 79, 2007, p. 25-52.

45 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

46 En 2010, le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie avait lancé le concours « Francomot » qui visait à inciter les étudiants et élèves à trouver des équivalents français à cinq termes anglophones : chat, buzz, tuning, newsletter et talk. Pour buzz, le mot retenu est celui de « ramdam ». La même année pourtant, le mot buzz est rentré dans le Larousse : « forme de publicité dans laquelle le consommateur contribue à lancer un produit ou un service via des courriels, des blogs, des forums ou d’autres médias en ligne. Par extension : rumeur, retentissement médiatique, notamment autour de ce qui est perçu comme étant à la pointe de la mode (événement, spectacle, personnalité, etc.) ».

47 Romain Pigenel, responsable du pôle Influence au QG de F. Hollande pendant la campagne pour l’élection présidentielle de 2012. Entretien du 11 octobre 2012.

48 Medhi, équipe web de F. Hollande, pôle Influence. Entretien du 2 mars 2012.

49 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

50 alainjuppe2017.fr (consulté le 16 mars 2016).

51 Au PS, ces objectifs étaient séparés en deux plateformes distinctes : françoishollande.fr et toushollande.fr ce qui avait d’ailleurs fait débat au sein de l’équipe numérique socialiste. L’idée était de dissocier la parole politique officielle et l’action de terrain afin de proposer des contenus plus décalés et humoristiques sur le site de mobilisation, dédié à l’engagement direct des internautes.

52 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

53 Vedel T., Comment devient-on président(e) de la République ? Les stratégies des candidats, Paris, Robert Laffont, 2007, p. 248.

54 L’UDR est le nom adopté de 1967 à 1976 par le mouvement gaulliste issu de la fusion de l’Union pour la nouvelle République (UNR, 1958-1967), et de l’Union démocratique du travail (UDT, 1959-1967), le rassemblement des gaullistes de gauche. L’UDR laissa la place en 1976 au Rassemblement pour la République (RPR).

55 Noir M., Réussir une campagne électorale : suivre l’exemple américain ?, Paris, Les Éditions d’organisation, 1976.

56 Axel, responsable des réseaux sociaux au sein de l’équipe numérique de N. Sarkozy. Entretien du 28 décembre 2012.

57 Se référer au dossier de la Revue Française de Science Politique, « L’Étranger », vol. 59, no 4, 2009.

58 Pierre Chassat, directeur de la communication de l’UMP. Entretien du 1er mars 2012.

59 « Moderniser la vie politique : innovations américaines, leçons pour la France », Rapport de la mission d’étude de Terra Nova sur les techniques de campagne américaines, 2009, p. 13. <http://www.tnova.fr/sites/default/files/terranova-rapportmissionus.pdf>, consulté le 24 octobre 2015.

60 Lees-Marshment J., Global Political Marketing, New York, Routledge, 2010, p. 122.

61 « Parties can utilize a range of marketing tools including voter profiling, segmentation, micro-targeting and e-marketing to inform their communication. »

62 Créée en 2004, l’agence BSD s’est formée à la suite de la campagne d’H. Dean. Quatre anciens employés sont à l’origine de cette organisation : J. Franklin-Hodge, National Systems Administrator, C. Johnson, Lead Programmer, B. Self, Data Architect et J. Rospars, Writer. Inscrite dans ce mouvement de partage des expertises numériques, cette agence réussit à se faire connaître rapidement, en mettant en avant la pluralité de ses compétences : allant du développement de sites internet à la gestion de base de données et fournissant également des conseils stratégiques. Pour les campagnes de 2008 et 2012, B. Obama a fait appel aux conseils de J. Rospars ce qui a contribué à la renommée de l’agence sur le plan international. <http://www.bluestatedigital.com/>, consulté le 16 mars 2013.

63 <http://nationbuilder.com/>, consulté le 13 mars 2016.

64 Jusqu’à présent, les outils de son concurrent, Blue State Digital, s’exportait davantage en France.

65 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

66 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

67 Partie du site internet qui n’est pas visible aux internautes, mais seulement aux administrateurs afin de gérer la mise en ligne des contenus.

68 Système simple de gestion de contenu (SGC) ou (Content management system (CMS) en anglais) libre écrit en PHP et souvent utilisé pour les blogs d’amateurs.

69 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

70 Voir par exemple, au Royaume-Uni, le Data Protection Act de 1984 et la loi de 1978 sur l’informatique et les libertés en France.

71 Bensamoun A. et Zolynski C., « Cloud computing et big data. Quel encadrement pour ces nouveaux usages des données personnelles ? », Réseaux, vol. 1, no 189, 2015, p. 103-121.

72 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

73 Extrait du document bilan sur la campagne web de F. Hollande produit par son équipe numérique à la demande du directeur du web du candidat socialiste. Ce document nous a été fourni par un membre de l’équipe de campagne numérique de F. Hollande. Il a par la suite été distribué à certains journalistes lors de l’Université d’été du PS en 2012.

74 Ibid.

75 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

76 Ibid.

77 Ibid.

78 Ève Zuckerman, directrice du pôle digital de la campagne d’A. Juppé pour les Primaires de 2016. Entretien du 3 mars 2016.

79 Lefebvre R., « Le militantisme socialiste n’est plus ce qu’il n’a jamais été. Modèle de « l’engagement distancié » et transformations du militantisme au Parti socialiste », Politix, no 102, 2013, p. 7-33.

80 Réseau social qui s’adresse aux adolescents.

81 La campagne de communication orchestrée autour de la sortie du deuxième livre programmatique d’A. Juppé, Pour un État fort, en janvier 2016 illustre bien ce déploiement sur tous les supports. Le jour de sa sortie en librairie, l’axe de fermeté sur les plans régalien et pénal défendu dans cet ouvrage est relayé par une longue interview du candidat au sein du Journal du Dimanche. Dans la même semaine, A. Juppé est l’invité du 20 heures de France 2, puis de la matinale d’Europe 1 pour accroître la visibilité de ses prises de position dans les médias traditionnels. La veille de la sortie de l’ouvrage, le 5 janvier 2016, A Juppé lance son site internet pour 2017, faisant suite à plusieurs minutes de questions-réponses avec les internautes sur Facebook. La sortie de cette plateforme est annoncée sur son compte Twitter : « En 2016 tout commence, ensemble construisons la France de demain. Rendez-vous sur [http://www.alainjuppe2017.fr]. »

82 Audemard J. et Gouard D., « Les primaires citoyennes d’octobre 2011. Entre logique censitaire et influences partisanes locales », Revue française de science politique, vol. 64, no 5, 2014, p. 955-972.

Autor

Docteure en science politique, rattachée au Centre E. Durkheim à Bordeaux, son travail de recherche développe une perspective sociologique du web politique. Elle a publié notamment « Des sites de campagne “masculins” ? Analyse comparative de l’expression en ligne des masculinités de F. Hollande et N. Sarkozy », Revue Française des Sciences de l’Information et de la Communication, 4, 2014 [en ligne] et « Qui milite sur Internet ? Esquisse du profil sociologique du “cyber-militant” au PS et à l’UMP », Revue française de science politique, vol. 63, no 3-4, 2013, p. 663-678.

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