Desktop versionMobile version

Les primaires ouvertes en France

 | 
Rémi Lefebvre
, 
Éric Treille

Première partie. Adoption et règles du jeu

1. La fabrication partisane des primaires socialistes ou la codification d’une nouvelle règle du jeu électoral

Éric Treille

Full text

  • 1 « Les primaires : une voie de modernisation pour la démocratie française. De l’expérience socialis (...)
  • 2 « Terra Nova peut légitimement revendiquer la paternité intellectuelle de la primaire en France », (...)
  • 3 « Les promoteurs de la primaire socialiste ont quelques regrets sur son déroulement », Le Monde, 2 (...)

1Les procès en paternité peuvent parfois être source d’avancées politiques. En dressant un bilan1 très positif de l’exercice des primaires socialistes organisées en 2011 – « coup d’essai et coup de maître » –, la Fondation Terra Nova ne se contenta pas de rappeler le rôle qui fut le sien2. Les promoteurs de cet exercice innovant de démocratie partisane exprimèrent aussi des « regrets sur son déroulement » : la campagne réellement compétitive fut trop courte, les primaires n’ont jamais vraiment pu prendre sur le terrain et surtout, n’ont véritablement commencé qu’au lendemain du premier débat télévisé, c’est-à-dire très tardivement3.

2Ce premier constat établi à chaud, quelques semaines après le plébiscite de François Hollande par les sympathisants socialistes, par la Fondation qui avait nourri intellectuellement l’acculturation du principe des primaires américaines en France peut légitimement surprendre. Le pari d’organiser une grande consultation « ouverte et populaire » a pourtant été gagné par le PS. 2 860 000 électeurs se sont ainsi exprimés le dimanche 16 octobre 2011. La victoire a enfin conféré selon les mots mêmes du candidat désigné « la force et la légitimité pour préparer le grand rendez-vous de la Présidentielle ». Ce constat peut également inviter à mesurer le travail qui a été réellement accompli pour codifier cette nouvelle règle du jeu électoral et par là même à mieux comprendre pourquoi dans ces lectures apparemment contradictoires se sont aussi profilés de vifs affrontements qu’a pu faire oublier le succès de la consultation.

  • 4 Sur les primaires fermées de 2006, voir Dolez B., Laurent A., « Une primaire à la française. La dé (...)
  • 5 Le principe des primaires est ainsi inscrit dans les statuts du PS. Selon l’article 5.3.1, « le ca (...)
  • 6 Grunberg G., « Malgré les critiques, la primaire est bien une avancée démocratique », Le Monde, 28 (...)
  • 7 Dammame D., « Les précédents. L’enjeu de la qualification », Politix, no 20, 1992.
  • 8 Lefebvre R., Les Primaires socialistes. La fin du parti militant, Paris, Raisons d’agir, 2011, p.  (...)
  • 9 Contrairement au modèle américain où les primaires sont régulées par les autorités publiques fédér (...)
  • 10 Tribune, « À gauche, la machine à perdre est de retour », 24 janvier 2011.

3En effet, en s’imposant d’abord en 2006 sous une forme « fermée4 », puis plus sûrement dans un cadre « ouvert » en 20115, la procédure des primaires n’a pas seulement désigné pour le PS une nouvelle profession de foi démocratique6. Elle a également créé un « précédent7 » qui a profondément bousculé l’institution partisane. En créant un droit permettant à l’ensemble des Français de choisir le candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2012, le PS a durablement transformé l’espace politique des luttes électorales. La machinerie socialiste est sortie des frontières du parti. Le clivage traditionnel entre management des votes militants et management des votes citoyens s’est effacé. La figure du sympathisant détrône désormais symboliquement celle de l’adhérent. Mais dans le même temps, le PS ne s’est pas complètement résolu à accepter son « désarmement organisationnel8 ». Tenues à ciel ouvert, les primaires ont continué à relever du fonctionnement interne d’un parti politique9. Exercice démocratique innovant, elles devaient aussi consacrer sans réelle compétition la candidature de Dominique Strauss-Kahn. Synonymes de mobilisation citoyenne, elles ne devaient pas tourner, selon Jean-Christophe Cambadélis, proche du directeur du Fonds monétaire international, au « brouhaha bavard10 ».

  • 11 Libération, 14 décembre 2010.
  • 12 Sur la mutation des modalités de représentation, voir Gaxie D., La Démocratie représentative, Pari (...)
  • 13 Sur la transformation des votes d’investiture, voir Nay O., « Les règles du recrutement politique. (...)

4C’est donc la fabrication erratique de ce « système électoral qui n’existe pas11 », selon la formule de Christophe Borgel, Secrétaire national aux élections, que nous souhaitons étudier. En permettant de conquérir des votes qui ne sont pas que militants, tout en s’affranchissant en grande partie des formes dictées par le suffrage universel, les primaires ont créé un standard politique hybride, mi-partisan, mi-électoral qui réinterroge durablement la mise en œuvre matérielle de la démocratie représentative12 et la fin du monopole des partis politiques sur les candidatures et les investitures13.

  • 14 Cinalli M., « Primaires à l’italienne », Revue française de science politique, vol. 57, no 2, 2007
  • 15 Sur la présidentialisation du PS, voir Grunberg G., Bergounioux A., L’Ambition et le remords : les (...)

5Nous souhaitons ainsi montrer que les primaires socialistes n’ont pas seulement inventé un modèle inédit de sélection des candidats. S’inspirant à la fois des méthodes initiées par Barack Obama et de l’exemple italien14, elles résultent aussi de l’adaptation de la pratique américaine à la culture française du fait majoritaire. Les primaires se sont ainsi affirmées à la fois dans et à côté du suffrage universel15. Dans leur portée politique, elles ont offert la possibilité aux candidats, selon l’expression d’Arnaud Montebourg, « d’enjamber la logique des partis », notamment au travers des médias. Dans leur agencement matériel, elles se sont pleinement inscrites dans le jeu partisan, soulignant les résistances à l’abdication du PS devant le sacre des sympathisants. Résultats d’une véritable opération d’autorégulation partisane, elles ont souligné les efforts constants de l’appareil socialiste et de ses dirigeants pour aménager l’exercice de la consultation au mieux de leurs attentes.

  • 16 « Une déclaration de candidature n’est pas un rite partisan, un passage obligé, un calcul tactique (...)
  • 17 Sur les limites de l’introduction des primaires dans l’exercice des investitures aux élections mun (...)

6Certes, les primaires ne sont plus un « rite partisan16 » comme l’a souligné François Hollande. Constamment interrogées par les candidats eux-mêmes, partagés entre tenants d’une « maîtrise du processus » et partisans du dépassement même de la structure partisane, elles ne sont pas pour autant apparentées, par pure analogie, à une simple adhésion aux institutions et aux règles d’organisation du scrutin de la Ve République. Synthèse de ce mouvement faussement contradictoire, elles ont permis de trancher « hors » du parti la question de « l’absence de leadership » – mais seulement cette question de la désignation du candidat à l’élection présidentielle17 – sans jamais nier le jeu des équilibres internes et le travail de domestication des effets politiques de cette innovation technique.

  • 18 Expression empruntée à la Fondation Terra Nova.

7On s’efforcera alors de mettre en valeur ces tensions en revenant d’abord sur le cheminement politique qui a permis la mise en œuvre de ce « scrutin républicain à l’américaine18 », puis sur l’organisation matérielle du vote à l’épreuve de la conduite des candidats.

Un scrutin républicain à l’américaine

Le scénario Terra Nova ou l’invention d’une nouvelle démocratie partisane

« Quel que soit le candidat, elles seront un booster évident. » François Lamy

  • 19 Ce rapport fut dans un second temps transformé en livre, voir Ferrand O., Montebourg A., Primaire. (...)
  • 20 Duhamel O., Ferrand O., Pour une primaire à la française, Terra Nova, Paris, août 2008.

8Le 18 juin 2009, en remettant à Martine Aubry, Première secrétaire du PS, un rapport intitulé « Pour une primaire ouverte et populaire19 » visant à transformer le mode de désignation du candidat socialiste à l’élection présidentielle, Arnaud Montebourg, Secrétaire national à la rénovation, engageait officiellement son parti dans la voie des primaires. Co-rédigé par le strauss-kahnien Olivier Ferrand, président de la Fondation Terra Nova, think tank proche du PS – déjà co-auteur avec Olivier Duhamel d’un premier rapport remarqué sur l’introduction de primaires en France20 –, ce texte y détaillait une procédure inédite de sélection.

  • 21 Des voyages à Washington auprès du Parti démocrate et des équipes de campagne de Barack Obama avai (...)

9S’inspirant principalement du modèle américain et de la victoire de Barack Obama face à Hillary Clinton dans les primaires démocrates de 200821, ce rapport présentait ainsi deux grandes innovations. La première a concerné le périmètre politique. Les primaires doivent être ouvertes à l’ensemble des sympathisants socialistes et jouer le rôle d’un « outil de réunification » de l’ensemble des partis de gauche. La seconde a visé les modalités de vote. Le rapport a proposé un système électoral intitulé : « la République du vote présidentiel », c’est-à-dire un scrutin uninominal à deux tours, enrichi d’un tour éliminatoire. Cette proposition dans l’organisation pratique du scrutin, directement inspirée de l’exemple américain, était l’innovation la plus importante du rapport : doit ainsi être organisée une consultation longue, contradictoire et coopérative étalée sur plus de cinq mois, débutant par une phase de quatre mois d’exposition des programmes, suivie d’un premier vote éliminatoire, puis d’un second tour pour les candidats ayant dépassé le seuil de 5 % des voix, puis d’un troisième tour précédent ce que les auteurs avaient nommé : la « grande primaire ». Une finale aurait alors opposé les deux derniers candidats au mois de juin 2011. Enfin, une convention dite de « réunification » construite toujours sur le modèle américain serait venu clore l’exercice de démocratie partisane.

  • 22 Selon Olivier Ferrand, « sans règles précises, on a des primaires permanentes et sauvages qui anni (...)
  • 23 Le Monde, 7 octobre 2011.

10Prenant acte des fractures apparues lors de la désignation de Ségolène Royal en 200622, puis lors de l’élection de Martine Aubry comme Première secrétaire du PS avec seulement 42 voix d’avance sur sa rivale, le rapport proposait alors un principe d’action reposant sur « des agrégations successives et non sur des divisions figées ». À l’issue d’un véritable marathon électoral, devait non seulement sortir un candidat mais également une « machine à rassembler ». L’ambition du projet était donc très forte. Elle dépassait la seule désignation du candidat socialiste à l’élection présidentielle et visait de fait à répondre par le biais d’un tiers à la « crise de leadership » que traversait le PS depuis la défaite de Lionel Jospin en 2002. Comme le soulignait alors Arnaud Montebourg, « plutôt que de rénover le parti de l’intérieur, on a choisi l’extérieur23 ».

  • 24 Le Figaro, 25 août 2009.

11Cette proposition de « codification à froid » de la sélection du candidat socialiste à l’élection présidentielle a reçu un accueil mitigé. Si les plus réticents ont commencé à évoluer, à l’image de Laurent Fabius (« je pense, qu’on y soit favorable ou pas, que les primaires sont devenues inévitables24 ») ou encore de Bertrand Delanoë, aucun responsable socialiste, à l’exception de son concepteur, ne s’était pour autant rallié au scénario proposé. Trop complexes dans leur déroulé et surtout trop ambitieuses dans leur méthodologie, les primaires version Montebourg ont été dans un premier temps enterrées, provoquant alors chez ce dernier un vif ressentiment qui a failli se transformer en démission.

  • 25 Le Nouvel Observateur, 9 juillet 2009.

12L’Université d’été de La Rochelle de 2009 a rebattu les cartes internes. Grâce à un « petit pas des éléphants25 » et surtout par la reprise en main du sujet par la Première secrétaire, les primaires sont alors sorties de ce débat entre initiés. En promettant la rénovation du PS, de « A à Z, de C comme cumul des mandats jusqu’à P comme primaire », Martine Aubry a surtout pris tout le monde de court. Le projet n’était plus celui du seul Arnaud Montebourg, soupçonné d’avoir « privatisé » le thème. Il est devenu le projet du PS en son entier. En changeant de portage, le dossier des primaires a également changé de finalité. Le refus de la méthode proposée par Arnaud Montebourg recentra ainsi les débats socialistes autour de l’enjeu du choix de la technique de désignation et de sa codification. Lestées de leur dimension rénovatrice, chantier pourtant prioritaire confié à Arnaud Montebourg, les primaires n’ont plus été présentées comme un instrument destiné à moderniser la démocratie représentative. Elles sont revenues dans le champ ordinaire du fonctionnement d’un parti politique à la recherche d’une méthode efficace permettant de sélectionner son candidat.

13À la suite du discours de Martine Aubry, l’ensemble des dirigeants socialistes – même les plus critiques – ont basculé dans le projet des primaires citoyennes. Le PS allait donc organiser des primaires « ouvertes » à l’ensemble des électeurs de gauche, rompant ainsi avec le mode de sélection choisi en 2006. Ce ralliement de la direction nationale du PS a été approuvé par les adhérents socialistes le 1er octobre. Dans la foulée du vote ont été organisés dans cinq fédérations des tests grandeur nature pour évaluer la faisabilité de l’organisation du scrutin.

  • 26 Libération, 18 septembre 2009.
  • 27 Le livre consacré au Congrès de Reims, Hold uPS, arnaques et trahisons, écrit par Antonin Andrée e (...)
  • 28 Deloye Y., Ihl O., L’Acte de vote, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2008, p. 13.
  • 29 Alors que les primaires ont été ouvertes à tous les sympathisants socialistes, la production parti (...)

14Cette accélération soudaine du calendrier interne du PS n’avait cependant pas éludé toutes les difficultés. Premièrement : le caractère novateur des primaires tel qu’il avait été défendu par le rapport Montebourg était dilué dans un ensemble plus vaste. Martine Aubry avait en effet choisi de fondre le projet des primaires dans un texte comportant également la question du non-cumul des mandats, l’organisation des congrès et des instances, la création d’une Haute autorité et l’application de la parité, du renouvellement et de la diversité. C’était donc moins l’ouverture d’une nouvelle étape démocratique qui avait été alors proposée au suffrage des adhérents socialistes le 1er octobre 2009 que la clôture définitive de l’affrontement entre Martine Aubry et Ségolène Royal au Congrès de Reims. Véritable opération « demain propre26 », ce vaste plan anti-fraude a permis à la Première secrétaire du PS de contre attaquer27 et surtout de trancher la question du leadership socialiste en associant dans un même mouvement réforme des codes associés au « gouvernement de la conduite des élections28 » et propositions techniques de nouvelles civilités infra-partisanes, prouvant ainsi que, si le choix du représentant socialiste à l’élection présidentielle a désormais dépassé le seul cadre du parti, le contrôle de la structure restait toujours au cœur des préoccupations de ses dirigeants29.

  • 30 Le Monde, 7 octobre 2011.

15Deuxièmement : les militants socialistes n’ont validé qu’un principe électoral. Si les principaux dirigeants du PS se sont ralliés au projet de consultation ouverte, ce n’était pas encore le cas des cadres du parti, beaucoup plus rétifs à adopter ce changement de règle interne et à voir transformée la nature même de leur parti. Comme l’a alors souligné Christophe Borgel, Secrétaire national aux élections, « ça renâclait beaucoup. Les responsables considéraient que les adhérents étaient dépossédés de leurs droits. Il fallait prendre le parti de façon pédagogique et éviter la thématique “vieux parti, on va te bouger avec cette primaire !”30 ».

16Sortir la désignation du candidat socialiste à l’élection présidentielle de la seule logique du conclave d’appareil a donc nécessité un important travail « d’orthopédie sociale », pour reprendre la formule d’Alain Garrigou, c’est-à-dire d’accompagnement de ce changement afin de rendre compatible la réforme électorale avec les intérêts en présence.

« L’empowerment militant » ou le renouvellement partisan par la participation au vote d’investiture

« Certains sympathisants ne s’arrêteront pas au vote. Ils participeront à la campagne, organiseront des bureaux de vote, s’engageront auprès des candidats. » Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand

  • 31 Sur la notion de renouvellement partisan, voir Gibson R. K., Ward S., « Renouveler le parti ? Les (...)

17En concédant la tenue de primaires, Martine Aubry avait non seulement permis au PS de sortir de l’ornière du Congrès de Reims mais avait également relancé le débat – classique – sur la place des militants au sein de l’organisation et celui – plus récent – sur les stratégies de « renouvellement partisan31 » développées par les formations politiques.

18De fait, l’adoption du principe de primaires « ouvertes et populaires » était fondée sur un double constat d’échec : la défection des deux tiers des adhérents dits à « 20 euros » recrutés à l’occasion des élections présidentielles de 2007 et plus largement les limites des formes traditionnelles d’association au PS.

  • 32 Le Monde, 22 août 2006.
  • 33 Lefebvre R., Sawicki F., La Société des socialistes. Le PS aujourd’hui, Bellecombe-en-Bauges, Les (...)

19Si la procédure d’adhésion en ligne avait en effet permis à de nouveaux adhérents de participer à l’investiture du candidat socialiste – près de 85 000 adhérents prirent ainsi leur carte du parti, alors que celui-ci n’en comptait jusque-là que 120 000-, leur départ massif à l’issue du vote a été très mal vécu par le PS. Cette figuration extrêmement rapide de l’exit en politique avait alors contribué à réactiver les réticences exprimées en 2006 au moment de la décision de baisser les tarifs de l’adhésion, notamment la forte dénonciation de la catégorie dite des « socialistes hors sol32 » selon l’expression utilisée par le sénateur Henri Weber, proche de Laurent Fabius. Comme le rappelait également Jean-Luc Mélenchon, qui était en 2008 encore membre du PS, « avec la primaire socialiste, il n’y a plus de Parti Socialiste tel qu’on l’a connu. C’est plus un vote socialiste, c’est un vote citoyen qui instrumentalise la désignation du candidat socialiste ». Dans un sens opposé, ce refus de se convertir aux modes de fonctionnement et de sociabilité institutionnalisés dans le parti avait aussi souligné la disqualification de la forme partisane et de ses offres d’engagement, accréditant ainsi l’idée d’une « enclosure sociologique33 » doublée d’une sclérose organisationnelle alors même que l’injonction à l’ouverture du parti se faisait à l’approche de l’élection présidentielle plus pressante.

  • 34 Le mode d’emploi des primaires a prévu d’élargir les possibilités de vote aux mineurs, aux étrange (...)

20Prenant acte de ce profond renouvellement des manières de devenir membre du PS, le rapport Montebourg avait décidé d’aller beaucoup plus loin que la réforme de 2006 en faisant sauter le verrou de l’engagement : un nouveau droit était alors créé permettant à l’ensemble des Français34 de choisir le candidat présenté par le PS à l’élection présidentielle de 2012 sans obligation d’adhésion une fois le vote passé ou demande d’inscription dans une « normalité militante socialiste ». Seules deux petites conditions ont été néanmoins posées à la participation électorale de l’ensemble de la population : la signature d’une déclaration de soutien aux valeurs de la gauche et le versement d’un euro pour participer au financement de la campagne.

  • 35 Le trait le plus symbolique de cet égalitarisme fut la décision de demander un euro à chaque votan (...)

21Ce qui constituait avant 2007 le privilège exclusif des militants du PS et en 2007 celui de ses seuls adhérents, a donc appartenu en 2011 à chaque électeur, soulignant ainsi la porosité des frontières du parti et l’annulation des distinctions d’appartenance au profit d’un égalitarisme affirmé entre encartés et sympathisants35.

22Contrairement à 2006, le basculement pour les adhérents de leur propre conception de la militance socialiste ne fit pas réellement débat. Le projet de rénovation du PS fut ainsi approuvé le 24 juin 2010 à une très forte majorité de 76,9 %. Ce score significatif actait certes une totale « dépossession militante » de l’investiture socialiste et l’acceptation par ses membres du dépassement des frontières partisanes. Il rappelait aussi que la réforme des primaires n’a visé que le changement de la structure du corps électoral appelé à désigner le candidat socialiste à l’élection présidentielle et non la transformation de la sociologie interne du PS.

  • 36 Voir le numéro spécial consacré au militantisme au Parti socialiste de Recherche socialiste, 46-47 (...)
  • 37 Voir Olivier L., « L’identité militante socialiste en question. La démocratie directe au PS à l’ép (...)
  • 38 Pour une étude des usages partisans du cadre d’analyse de Jacques Ion, voir Lefebvre R., « Le sens (...)
  • 39 Voir Haegel F., « Un parti politique a-t-il besoin d’adhérents ? », La Revue socialiste, 13, 2003.

23En consacrant ce mode inédit de lien au parti – l’engagement sans adhésion –, les primaires ont de fait posé d’une nouvelle manière le débat déjà ancien36, impulsé dès le début des années 199037, sur « la redéfinition des pratiques militantes légitimes » au sein du PS. L’enjeu ne fut plus seulement de s’ajuster à la représentation dominante au PS d’un militantisme de plus en plus « distancié38 » mais de repenser l’offre d’un engagement facilité sans pour autant remettre en cause le statut et la place de l’adhérent socialiste39.

  • 40 Abeles M., « Les primaires ou le triomphe du sympathisant », Libération, 2 septembre 2009.
  • 41 Sur la remise en cause – réciproque – de l’attachement partis/adhérents, voir Dalton R. J., Partie (...)

24De fait, si pour rénover les formes de l’engagement partisan, le PS a favorisé l’élaboration de débouchés organisationnels à ces nouvelles demandes de militantisme, le droit accordé à l’ensemble des Français de participer à la consultation des primaires n’a été que l’un d’eux. Concilier la recherche d’autonomie et le fonctionnement collectif d’une organisation politique aurait supposé d’inscrire et de légitimer la singularisation des adhésions tout en brouillant les frontières partisanes. En reconnaissant ainsi statutairement ses sympathisants40 en tant que votants et plus seulement comme un élément – le moins fort en l’espèce – de la (dé) gradation des formes d’attachement partisan41, le PS a surtout permis de rejoindre dans un même cadre l’individuation des pratiques militantes et l’individualisation des représentations partisanes de l’engagement, dépassant ainsi le continuum électeurs, sympathisants, adhérents et militants forgé par Maurice Duverger.

  • 42 Offerle M., « Entrées en politique », Politix, no 35, 1996, p. 4.
  • 43 Voir notre contribution, « Désunions européennes. Le référendum interne du Parti Socialiste sur le (...)
  • 44 Sur la montée du poids des pressions externes dans la définition des modes d’investiture, voir pou (...)

25Contrairement à la réforme de 2006 dominée par l’enjeu principal de l’adhésion et de « l’entrée42 » au PS, l’introduction de primaires « ouvertes et populaires » de 2011 a ainsi montré, comme pour les débats sur le TCE43 mais surtout comme le Parti démocrate américain, que le parti ne pensait plus l’économie générale de ses relations militantes déconnectée des enjeux électoraux44, avalisant ainsi sa transformation progressive en « parti électoral professionnel » selon la formule de Panebianco.

  • 45 Voir Ferrand O., Montebourg A., Primaire. Comment sauver la gauche, Paris, Le Seuil, 2009.
  • 46 Sur l’usage de la notion d’inclusivité au sein du Parti Travailliste, voir Faucher-King F., « L’im (...)
  • 47 Seiler D. L., Les partis politiques, Paris, A Colin, 2e édition, 2000, p. 188.
  • 48 Sur le développement de nouveaux modes d’association au sein des partis politiques, voir Scarrow S (...)

26Les primaires n’avaient donc pas seulement pour fonction de sélectionner un candidat. Elles actaient d’abord le constat d’échec d’un mouvement politique qui ne pouvait plus être un parti de militants45. Elles permettaient par là même de conjuguer des singularités militantes au pluriel en faisant varier – selon la juste expression de Susan Scarrow – le « degré d’inclusivité46 » du parti – même s’il n’était plus question d’adhésion, l’acte de vote en faveur d’un candidat à la candidature constitue toujours une affirmation d’une « préférence en public47 » et donc une identification partisane qui dépasse le cadre d’une proximité privée. Elles offraient surtout des opportunités de participation plus larges correspondants à la « diversification des modes d’affiliation » actuellement en cours au sein de la majorité des partis politiques occidentaux48. Principale novation de 2011, elles permettaient ainsi de donner corps à l’injonction de « mise en responsabilité choisie » des militants politiques déjà défendue avec succès par le Parti démocrate.

  • 49 Lazar M., « Leçons italiennes pour primaires françaises », Slate. fr, 1er septembre 2009.

27Le modèle italien et le modèle américain étaient ainsi mixés. La « jubilation participative49 » selon l’expression de Marc Lazar de plusieurs millions de votants (4,3 millions d’Italiens s’étaient rendus aux urnes en 2005 pour voter en faveur de Romano Prodi) avait pour but de se transformer en dynamique populaire. Un sondage BVA réalisé du 30 novembre au 1er décembre 2010 avait ainsi donné que 31 % des Français envisageaient d’aller voter si les primaires avaient lieu dimanche prochain. En ouvrant ses portes, le PS devait pouvoir recruter de nouveaux militants aptes à mobiliser les abstentionnistes selon le modèle de la « boule de neige » (« snow ball ») utilisé par les candidats aux élections primaires américaines.

  • 50 Le modèle des primaires n’a pas été le seul produit électoral importé des États-Unis par Arnaud Mo (...)
  • 51 Sur l’influence des campagnes menées par Barak Obama sur les techniques de mobilisation électorale (...)
  • 52 Comme le soulignait alors de manière critique Laurent Fabius, « les primaires vont introduire un c (...)
  • 53 « Autour de ce noyau militant remobilisé et aujourd’hui rodé à la défense du programme présidentie (...)

28Cet encouragement à un « empowerment militant50 » fortement inspiré de la campagne de Barack Obama (« Obama for America51 ») et clairement revendiqué par Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand dans leur rapport soulignait ainsi combien les techniques d’individualisation de l’engagement constituaient aussi une technologie de pouvoir. Au-delà de la proposition de redéfinir l’offre militante, la nouvelle organisation socialiste qu’ont dessinée les primaires a surtout visé à renouveler les modes de régulation internes en domestiquant les effets politiques d’une innovation technique. Avec l’ouverture de la désignation du candidat socialiste à tous les Français et le choix clairement assumé d’une « directisation » du lien partisan, c’était en effet l’autonomie fonctionnelle même du parti qui a été confortée52 puisqu’il s’agissait pour ses dirigeants d’assurer une continuité organisationnelle par-delà la porosité recherchée avec l’espace social et de transformer ainsi l’ensemble des participants de la sélection en acteurs de la campagne53.

La bataille du calendrier

« Ne pas abimer le candidat du parti » ou l’organisation matérielle du scrutin à l’épreuve des savoir-faire des candidats

« Oublions ces primaires dangereuses. » François Patriat

29Si le rapport Montebourg a su fixer un objectif, une méthode et un calendrier, seule la première question fut dans la réalité tranchée par voie militante. L’organisation pratique de la consultation ne les a jamais concernés et n’a pas fait l’objet d’un vote spécifique. Le PS a acté une conjoncture favorable à la constitution d’une norme civique partisane. Il n’a cependant pas fait arbitrer le choix des technologies électorales par les adhérents socialistes.

30Le choix du protocole juridique et procédural du vote d’investiture est en effet demeuré une affaire interne car, en adoptant le 1er octobre 2009 le principe des primaires, les adhérents socialistes ont en réalité délégué l’agencement matériel – et donc les moyens de peser sur le jugement des futurs électeurs du scrutin – à leurs dirigeants et par là même aux candidats.

31De fait, les primaires n’ont pas constitué une procédure électorale à part. À l’image des dispositifs de vote de la vie démocratique, elles ont aussi été le produit de contraintes et d’interdépendances. Les scrutins d’investiture n’échappent donc pas à l’invitation d’examiner les conditions et surtout les modalités de contrôle qui prévalent à l’arrêt à un moment donné d’un cadre électoral stabilisé.

  • 54 « Le PS a fait un choix, qui s’est avéré crucial pour le succès du scrutin d’octobre 2011 : celui (...)
  • 55 Haegel F., Sawicki F., « Résistibles et chaotiques, la présidentialisation de l’UMP et du PS », da (...)

32Si la charte d’organisation retenue par la direction socialiste a pu assez rapidement déployer les principaux instruments de la campagne en optant, par mimétisme54, pour le choix de la « centralité de l’élection présidentielle55 » – l’institution de la pratique des parrainages pour être admis à concourir, la tenue d’un scrutin à deux tours, le refus du vote électronique, le choix de bureaux de vote physiques ou encore la création d’une Haute autorité éthique, organe ad hoc chargé de la rédaction du code électoral des primaires et plus largement du respect de la bonne tenue de la consultation-, elle a cependant buté sur le règlement de la question centrale du calendrier électoral.

33Près de dix-huit mois ont ainsi été nécessaires pour formaliser et surtout pour fixer de manière définitive les modalités pratiques des primaires. Arnaud Montebourg a dû attendre le 1er juin 2010 pour pouvoir présenter son second rapport. Approuvé à la quasi-unanimité par le Bureau national du PS, il a été ensuite adopté par 77 % des adhérents socialistes le 24 juin et définitivement adopté par le conseil national du PS, lors de la Convention nationale de la Rénovation du 3 juillet 2010.

34De fait, partisans d’une désignation avant l’été et tenants d’un calendrier allongé se sont durement affrontés. Ségolène Royal a ainsi souhaité un dépôt des candidatures au mois de juin. Les proches de Dominique Strauss Kahn ont préféré septembre. Le choix de Martine Aubry s’est inscrit dans cet entre-deux. La clôture des candidatures a été finalement arrêtée le 13 juillet et le vote les 9 et 16 octobre.

35Le nombre élevé – et au final assez inattendu – de candidats à la candidature a expliqué pour partie l’entreprise de façonnage continu qui a caractérisé la codification des primaires. Ainsi, alors même que le PS n’avait pas encore choisi la date de clôture des inscriptions à la candidature, s’étaient déjà déclarés Manuel Valls, Ségolène Royal, Arnaud Montebourg, Pierre Moscovici et Gérard Collomb (candidats du courant strauss-kahnien avant que n’éclate le scandale du Sofitel de New-York), Daniel Le Scornet, ex-président des Mutuelles de France et Christian Pierret, maire de Saint-Dié, suivis peu après par François Hollande.

  • 56 Libération, 1er décembre 2010.
  • 57 Le Monde, 13 janvier 2011.

36Les primaires étaient alors devenues pour la direction socialiste une forme de « piège ». Comme le résuma André Vallini, proche de François Hollande, « le problème, c’est que la direction ne semble plus maîtriser le dispositif des primaires et il faut donc absolument le recadrer. À ce rythme, les primaires vont se transformer en machine infernale et bientôt en machine à perdre56 ». En réponse, le bureau national du PS adopta le 11 janvier 2011, après des mois d’incertitude, un échéancier des primaires afin de fixer des règles du jeu de la campagne. Avec un but premier : « ne pas abîmer le candidat et le parti » avant même l’ouverture de la campagne. Martine Aubry souligna ainsi, en conclusion de la discussion, que « la victoire (était) conditionnée par l’unité des socialistes57 ».

  • 58 Libération, 20 juillet 2010.

37Les primaires longues et contradictoires prônées par ses concepteurs, Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand, se sont alors transformées en dispositif court et en « confrontation indirecte comparative » selon l’expression de Richard Michel, président de LCP AN, utilisée en 2006 pour caractériser les débats organisées entre Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius. Surtout, la direction nationale du PS a choisi d’opter pour une organisation en catimini contredisant ainsi les ambitions de départ de reproduire selon Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand « les caractéristiques de la campagne officielle. Une campagne officielle de six semaines en deux tours. Une campagne réelle qui peut s’étaler sur quatre à cinq mois avec un dépôt des candidatures ouvert en juin58 ». Il n’y eut ainsi pas de grands meetings de confrontation, à l’image de celui qui s’était notamment tenu au Zénith le 26 octobre 2006 lors des premières primaires. Comme le souligna Stéphane Le Foll, le principal lieutenant de François Hollande, « nous n’avons pas intérêt à un grand barnum ». Benoit Hamon, porte-parole du PS et proche de Martine Aubry, rappela quant à lui que « l’objectif des primaires, ce n’est pas d’organiser une compétition féroce ».

38Le choix d’une solution intermédiaire – un vote organisé les 9 et 16 octobre – devait permettre de concilier ces deux stratégies opposées : une désignation tardive pour protéger le candidat – voire pour éviter un vote – et une désignation précoce pour l’installer.

39Dans les faits, elle n’a répondu à aucune de ces visions de campagne. Elle a même pu gêner l’ensemble des candidats, à la fois les partisans d’un vote avant l’été comme Ségolène Royal et François Hollande et ceux d’un vote à la rentrée comme Dominique Strauss Kahn. Comme en 2006 avec les candidatures de Jack Lang et d’Arnaud Montebourg, elle a même pu dissuader les candidatures de témoignage.

  • 59 Pour se présenter aux primaires socialistes, les prétendants ont dû recueillir : 5 % des parlement (...)
  • 60 20 minutes, 1er avril 2011.
  • 61 « Je devrais avoir honte ! », publicité parue dans Libération le 12 juillet 2011.

40En effet, seuls quatre responsables socialistes purent effectivement déposer leur candidature entre les dates du 28 juin et du 13 juillet 2011. Des « petits candidats socialistes » comme Christian Pierret ont ainsi été dans l’impossibilité d’obtenir un nombre suffisant de parrainages59 : « les primaires ont été confisquées par des candidats officiels auto-proclamés : elles sont devenues un petit jeu de société entre amis60 ». Daniel Le Scornet, autre candidat empêché, s’en était même ému dans la presse au travers d’une page de publicité61.

  • 62 Le Figaro, 15 juillet 2011.
  • 63 « Je suis candidat pour peu que le PS respecte ses engagements sur les sénatoriales et pour peu qu (...)

41La seule exception à cette règle, la candidature du président du Parti radical de gauche, a d’une certaine manière davantage renforcé l’emprise partisane socialiste sur les primaires qu’elle ne l’a remise en cause. De fait, Jean-Michel Baylet a concouru à cette investiture non sans avoir paradoxalement affirmé « qu’il n’avait pas envie d’être candidat » et qu’il l’était « à la demande des instances » de son parti62. Sa candidature n’était en aucune manière apparue comme devant aboutir à une investiture effective. La proximité des élections sénatoriales où le PRG a obtenu des positions d’éligibles sur plusieurs listes conduites par des socialistes a plutôt laissé penser qu’elle avait pu servir de contrepartie. Comme l’a alors lui-même souligné le président du PRG, c’était une candidature « sous condition », catégorie nouvelle s’ajoutant à celle de candidature de « substitution » ou « par défaut63 ».

  • 64 Le Figaro, 23 mars 2011.
  • 65 Le Monde, 13 janvier 2011.

42Martine Aubry fut la seule candidate à réellement échapper aux conséquences négatives de ce choix calendaire. Suffisamment tardif, il repoussait l’entrée officielle dans la campagne. François Lamy, proche de Martine Aubry déclara ainsi : « on ne va pas faire les primaires avant l’heure64 ». Surtout, il a permis à la Première secrétaire d’éluder les interrogations sur sa propre candidature. « Vous aurez la réponse en juin » fut ainsi la phrase fétiche de Martine Aubry. Suffisamment précoce, il constituait également un obstacle dans la stratégie de Dominique Strauss-Kahn, candidat contraint par son statut du Directeur général du FMI. Jean Marie Le Guen, l’un de ses proches, fut ainsi « très sceptique sur la date de clôture qui implique […] une campagne interne démesurément allongée de trois mois, propre à ouvrir la porte à tous les dérapages65 ».

  • 66 Le Figaro, 19 avril 2011.
  • 67 Le Monde, 13 janvier 2011.
  • 68 Le Nouvel Observateur, 27 janvier 2011.
  • 69 Le Monde, 13 janvier 2011.
  • 70 Le Figaro, 11 mars 2011.

43Le temps utile des primaires officielles s’est donc avéré dans les faits extrêmement bref. Entre la date du dépôt des candidatures – du 28 juin au 13 juillet – et la date des votes – les 9 octobre et 16 octobre-, les postulants déclarés ont eu un peu plus d’un mois pour faire campagne. Comme le résuma Ségolène Royal, « il faut être prêt entre le 1er septembre et le 9 octobre66 ». Les lieutenants de Dominique Strauss-Kahn furent les premiers à critiquer ce choix calendaire. Jean-Christophe Cambadélis : « et après on fait quoi ? La tournée des plages et une étape du tour de France ? » Jean Marie Le Guen : « commencer une campagne présidentielle le 13 juillet en pleine période estivale est proprement surréaliste67 ». Leur objectif fut alors de gagner davantage de temps et de décaler le plus tard possible le début officiel de la campagne des primaires. Le scénario de campagne privilégié par les proches de DSK était celui « d’une annonce tardive suivie d’une campagne courte et rapide, façon blitzkrieg, qui ne laisse pas à la droite le temps de canarder le candidat pendant de longs mois68 ». À l’inverse, les proches de François Hollande ont estimé quant à eux qu’avec une « campagne trop courte, le débat (serait) atrophié69 ». Stéphane Le Foll était encore plus net : « DSK peut essayer de gagner du temps, mais il y a bien un moment où il devra se décider à parler70. »

  • 71 Le Monde, 26 septembre 2010.
  • 72 Deloye Y., Ihl O., L’Acte du vote, op. cit., p. 200.

44On le voit donc : comme l’affirma son concepteur Arnaud Montebourg, « les primaires sont un outil qui n’est pas contrôlable. Les résultats d’élections ouvertes ne sont jamais ceux que l’on croit71 ». La bataille du calendrier a ainsi souligné l’évolution de la fabrication des primaires au gré des conduites des différents candidats, qu’ils soient déclarés ou putatifs. En modifiant l’économie du système d’échanges socialiste, l’ouverture du vote à l’ensemble des Français n’a pas relégué l’emprise de l’appareil et de ses professionnels. Elle n’a fait que déplacer l’affrontement des différents candidats sur une nouvelle scène dans le choix de la meilleure « grammaire de la plus-value électorale72 » à adopter.

Ratification versus confrontation ou la tentation de la confiscation du scrutin

« Si ce pacte (de Marrakech) vise à étouffer les primaires ou à les transformer en un grand apéro géant, alors ce serait inacceptable », Manuel Valls.

  • 73 Guionnet C., L’Apprentissage de la politique moderne, les élections municipales sous la monarchie (...)

45Le vif débat engagé sur l’enjeu du calendrier a rappelé une évidence, souvent oubliée par la science électorale : l’introduction du pluralisme politique et le travail de mobilisation des candidats ne constituent pas à eux seuls les conditions nécessaires à « l’accoutumance avec les processus électoraux73 ». Tout juste pouvons-nous affirmer que les termes de la politisation au sein du PS ont pu prendre des formes différentes et que la compétition électorale a pu être l’une d’elles.

  • 74 « Cette décision, permettez-moi de la garder pour moi » a ainsi déclaré Dominique Strauss-Kahn, à (...)
  • 75 « N’a-t-elle pas redit devant 1 500 militants et cadres du parti réunis à Paris ce 28 mai pour ent (...)
  • 76 Selon Jean-Marie Le Guen, « si l’unité est la condition première de la victoire, alors François Ho (...)
  • 77 La proposition de Manuel Valls le 2 janvier 2010 de « déverrouiller les 35 heures » provoqua ainsi (...)
  • 78 Claude Bartolone a déclaré sur l’antenne de France Inter le 15 mars 2010 : « il y aura entente. Je (...)

46Le refus de candidats de s’engager dans la voie de la campagne74 alors que leurs concurrents immédiats avaient déjà fait ce choix, la vraie fausse intégration de la posture du candidat sous couvert de discours de la méthode comme ce fut le cas avec Martine Aubry – candidate non déclarée mais toujours Première secrétaire75, la dénonciation du fait même de se présenter alors que la procédure électorale reposait sur l’inscription de candidatures plurielles76, le refus du subjectivisme politique alors que la confrontation des idées a constitué un principe du débat77 ou encore l’annonce d’un Pacte dit de Marrakech scellé entre Dominique Strauss-Kahn et Martine Aubry78 n’ont ainsi pas empêché la procédure des primaires de suivre les différentes étapes de désignation définies par la direction nationale du PS.

  • 79 Les Inrockuptibles, 1er juin 2011.

47La raison de ces oscillations permanentes était liée à la nature même de la consultation. Le PS n’a pas su choisir entre primaires de ratification d’un candidat unique et primaires de confrontations entre plusieurs postulants, d’autant que les adhérents socialistes avaient déjà été sollicités pour choisir leur Premier secrétaire, à l’issue d’une féroce compétition entre Martine Aubry et Ségolène Royal. Comme l’a appelé un responsable socialiste, « c’est la fable du lièvre et de la tortue. Le début de l’histoire ne commence pas il y a quelques semaines mais au congrès. Martine Aubry est la première à être partie. Depuis, elle a déroulé les conventions, les forums. Elle suit son calendrier79 ».

  • 80 Le Figaro, 25 septembre 2010.

48Le premier – et l’un des plus critiques – à soulever l’enjeu sur de ce que devait être la nature même des primaires fut Claude Bartolone, proche de Martine Aubry et soutien de Dominique Strauss-Kahn. En déclarant en septembre 2010, « nous pourrions nous orienter vers des primaires de confirmation où j’espère des millions de Français viendront donner leur énergie à celui ou celle qui pourra permettre à la gauche de gagner80 », le président du conseil général de Seine-Saint-Denis ouvrait les hostilités entre les différents camps. Même en reconnaissant avoir mal choisi ses mots (« J’aurais dû parler de primaires de mobilisation »), il avait délimité avec précision le périmètre politique de la consultation populaire. Élargir le vote au-delà des seuls adhérents socialistes devait permettre de renforcer la légitimité du candidat désigné et de déclencher une dynamique électorale en amont de l’élection présidentielle. François Lamy, Directeur de campagne de Martine Aubry, n’a pas dit autre chose : « les primaires doivent servir à exposer les idées de nos candidats, pas nos divisions ».

  • 81 Libération, 26 novembre 2010.

49Cet encadrement du travail de sollicitation des suffrages des sympathisants socialistes n’a pas fait l’unanimité. Manuel Valls, premier candidat à s’être officiellement déclaré, a ainsi très vite mis en garde contre ce risque de transformer la nouvelle procédure de désignation en « primaires de confiscation ». Mieux : il visa directement les principaux protagonistes, en particulier Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn, coupable de former une alliance de circonstance contre les autres candidats. François Hollande a repris quelques mois plus tard les mêmes arguments : « une présidentielle, ce n’est pas un arrangement. On ne dit pas qu’on va être candidat parce qu’on aura mené telle ou telle négociation ou compromis81 ».

  • 82 « Il y a six mois, les socialistes craignaient que leur primaire passe pour un simple référendum d (...)
  • 83 Tribune : « La primaire populaire : un nouvel âge démocratique », Arnaud Montebourg et Olivier Fer (...)

50En inventant le néologisme de « coopétition », contraction de coopération et de compétition, Arnaud Montebourg, résuma bien toute l’ambiguïté de l’exercice82. Les primaires ont choisi « un juste milieu entre la primaire à l’italienne qui organise un vote sans réelle compétition pour fournir une force démocratique à un candidat connu d’avance et l’hypercompétition américaine qui s’étend sur plus de six mois83 ». En organisant à la fois la confrontation des idées et la mobilisation de l’électorat de gauche, la direction du PS n’a pas réussi à totalement éliminer les forces centrifuges qui s’étaient notamment déployées en 2006. Ses efforts constants pour « maîtriser le processus » ont ainsi souligné les difficultés de la procédure de désignation à se stabiliser.

  • 84 Le Figaro, 27 décembre 2010.

51La stratégie de campagne de Dominique Strauss-Kahn en a témoigné. Comme le rappela l’un de ses proches, « s’il revient, ce ne sera pas pour participer à des primaires mais parce qu’il aura été appelé par les Français comme de Gaulle en 195884 ». Cet appel au plébiscite n’eut finalement pas lieu. Le scandale du Sofitel le 15 mai 2011 brisa net sa candidature. Mais paradoxalement, la défection du directeur du Fonds monétaire international eut peu d’effets sur l’organisation pratique de la consultation. Le Pacte dit de Marrakech, c’est-à-dire la tentative de transformer l’exercice des primaires en vote de confirmation sans campagne préalable, ne vola pas en éclat. Il laissa Martine Aubry, seule candidate en lice du duo initial. Avec un changement notable cependant : la relance du « tout sauf Hollande » et la multiplication des appels aux anciens proches de Dominique Strauss-Kahn en faveur de Martine Aubry afin de « geler » le processus des primaires avant même son lancement officiel, voire de le suspendre définitivement.

  • 85 Sur le paradoxe des primaires comme facteur de « déprésidentialisation », voir Dolez M., « Le Part (...)

52La référence au modèle gaullien de 1958 n’était donc pas que fortuite. En choisissant les primaires, le PS a opté – par mimétisme – pour le système électoral de la Ve République mais, dans le même temps – suite surtout à la mise hors-jeu de Dominique Strauss-Kahn –, pour une ouverture plus grande de la compétition électorale, notamment au sein des médias, laissant la possibilité à un outsider comme François Hollande de recueillir la majorité des suffrages. De fait, les primaires ont marqué les limites d’un simple effet de contagion des logiques institutionnelles. Car paradoxalement, elles ont également participé de la « partification85 » des systèmes représentatifs et de la reconnaissance du caractère éminemment hybride du régime de la Ve République, perceptible notamment dans l’usage que Martine Aubry a pu ou voulu faire de son statut de Première secrétaire et de la légitimité – même relative – qu’elle a pu ainsi acquérir devant les adhérents socialistes.

  • 86 « Puisque primaire a été prévue, primaire il y aura ! Chacun a bien le droit d’être candidat et en (...)
  • 87 Selon Jacques Urvoas, proche de François Hollande, « au second tour d’une élection, on élimine… Je (...)
  • 88 Le Figaro, 5 octobre 2011.
  • 89 Le Monde, 7 octobre 2011.

53Le protocole électoral mis en œuvre dans la phase finale de la préparation du scrutin a révélé les contradictions existantes au sein du PS mais, c’était aussi la force du système choisi, sa malléabilité. Les différents changements de position de François Hollande en furent une illustration forte. Suite à la défection de Dominique Strauss-Kahn, il fut ainsi l’un de ceux qui plaida le plus fortement en faveur des primaires alors même qu’il avait pendant toute la période de la précampagne opté pour une stratégie de dialogue direct avec les Français86. Puis, à l’approche du vote, devenu le favori des sondages, il suggéra, par l’intermédiaire de ses proches, à Martine Aubry de retirer sa candidature afin que le « rassemblement soit plus simple87 », reproduisant ainsi la stratégie dont il avait été victime au lancement des primaires, tout particulièrement au moment du Pacte dit de Marrakech. Cette proposition n’eut pas l’effet escompté. Des proches de Martine Aubry ironisèrent vite sur cette proposition de retrait : « on a aussi qu’à dire que François Hollande est désigné tout de suite ». Delphine Batho, porte-parole de Ségolène Royal, a choisi quant à elle la référence à la Ve République : « est-ce qu’on supprimerait le deuxième tour de la présidentielle88 ? » Conséquence directe de la défection de Dominique Strauss-Kahn, la compétition a repris, les rôles eux s’inversant. Comme le résuma Jean-Jacques Urvoas, « Hollande fait la campagne qu’aurait pu faire DSK, en rassemblant et en se gardant de toute attaque. Et Aubry fait la campagne qu’aurait faite Hollande, une campagne de deuxième, toute en coups retenus89 ».

54En cherchant ainsi à dissuader ses concurrents, François Hollande devenu selon ses propres termes « le favori de substitution » souligna surtout le risque d’entamer l’élection présidentielle par de mauvais résultats : soit être désigné de justesse par une faible majorité d’électeurs, soit – comme ce fut le cas lors du Congrès de Reims – être désigné après avoir été en seconde position au premier tour des primaires.

  • 90 Le Monde, 16 octobre 2011.
  • 91 Pour éviter les accusations de tricherie qui avaient marquées le Congrès de Reims, un triple systè (...)

55Le débat ratification versus confrontation ne fut jamais réellement tranché. Il fut jusqu’au bout, convoqué pour prémunir le PS du risque de « l’abîmement de son candidat ». Ainsi, à la fin de la campagne, suite aux propos de Martine Aubry sur la « gauche molle », la Haute Autorité indiqua dans un communiqué son souhait d’éviter « toute stigmatisation de l’un ou de l’autre (ce qui) revient à blesser une partie de l’électorat des primaires ». Si François Hollande se contenta alors de parler de « dérapage », ses proches utilisèrent quant à eux un langage moins policé, comparant la maire de Lille à Marine Le Pen. En réponse, Christophe Borgel, proche de Martine Aubry, rapprocha l’exercice des primaires socialistes des primaires américaines, relativisant ainsi la dureté de la confrontation : « c’est du chamallow guimauve par rapport au duel entre Hillary Clinton et Barack Obama qui, malgré sa violence, ne les a pas empêchés de se retrouver après la primaire démocrate de 2008 puis de gouverner ensemble. Le candidat en sort plus renforcé quand la primaire n’est pas une promenade de santé90 ». De même, à quelques heures du vote, de vifs débats ont eu lieu au sein du Comité national d’organisation des primaires, notamment sur le nombre de bulletins affectés par candidat ou encore sur la cartographie de l’implantation des bureaux de vote91.

  • 92 Sur la notion de démocratie de délégation, voir Olivier L., « Ambiguïtés de la démocratisation par (...)

56On le voit donc : si la démocratisation du PS s’est progressivement confondue avec son ouverture, l’une et l’autre ont d’abord été envisagées par la direction socialiste comme un moyen de surmonter ses blocages internes. La bataille calendaire qui a marqué la phase de « décantation » des primaires en a été le témoignage le plus fort. Pour maintenir son emprise sur l’investiture et limiter l’assouplissement des frontières entre le « dedans » et le « dehors » de l’organisation, le PS a alors fait le choix de déconstruire le processus de sélection de son candidat à l’élection présidentielle en plusieurs séquences : pour d’abord favoriser l’émergence de « présidentiables », puis mettre en place une procédure de filtrage des candidatures, adopter un projet commun et enfin sélectionner le candidat du PS au travers d’un vote ouvert aux sympathisants. Parmi ces quatre séquences, l’organisation socialiste n’a pu en maîtriser réellement que les trois premières. Ce qui est à la fois peu et beaucoup. Seule la dernière à proprement parler a pu faire l’objet d’une délégation effective92, même si, dans ce « partage des tâches » entre adhérents et non membres socialistes, il a appartenu au PS de continuer à « produire » ses candidats mais non plus nécessairement d’avoir aussi à sélectionner directement l’un d’eux.

  • 93 Sur l’enjeu du contrôle de l’organisation partisane, voir notre contribution avec Barboni T., « Du (...)
  • 94 Sur le PCF et la candidature de Jean-Luc Mélenchon, voir Mischi J., Le Communisme désarmé. Le PCF (...)

57Au final, les primaires citoyennes n’ont pas seulement constitué un exercice démocratique. Elles ont eu aussi pour but de consacrer un leader qui puisse défendre la marque socialiste. Bien loin d’une perte de monopole93, les primaires ont ainsi permis de garantir au PS d’être toujours représenté, indépendamment de celui qui allait porter ses couleurs, ce qui ne fut toujours pas le cas d’autres partis qui, à l’instar du PCF94, ont dû troquer l’affichage d’un étendard partisan contre une forme d’association avec d’autres organisations politiques.

Conclusion

  • 95 Sur la concurrence des mises en récit historiques, voir Rasmussen A., « Science et croyance. Les r (...)

58Comme tout événement politique majeur, les primaires socialistes ont favorisé le surgissement de nombreuses mises en récit95. Le registre de l’accomplissement démocratique fut le principal d’entre eux. En déplaçant 2 860 000 personnes dans les bureaux de vote spécifiquement mis à leur disposition, le PS avait ainsi réussi sa mobilisation citoyenne. La consécration de François Hollande par 56,38 % des suffrages avait également su faire oublier les vifs affrontements du Congrès de Reims et la faiblesse du leadership socialiste. Il avait enfin su faire passer sous silence la mise en œuvre des différents mécanismes partisans d’apprentissage qui avait marqué la codification de cette nouvelle règle du jeu électoral.

  • 96 Primaire au PS : l’improbable scénario, documentaire de Benoît Bringer et Pierre Tourdes, Canal +, (...)
  • 97 Le Figaro, 14 octobre 2011.

59Le succès des primaires n’a cependant jamais constitué un acquis. Une autre forme de narration aurait pu dominer la présentation du scrutin. Comme le résumait avec justesse le titre du documentaire de Benoît Bringer et Pierre Tourdes, l’histoire de cette consultation électorale a emprunté un chemin qui n’était pas écrit à l’avance. Elle avait suivi la trame d’un « improbable scénario96 ». L’importation du modèle américain des primaires est ainsi née dans les marges du PS et doit tout à la ténacité d’un groupe réduit d’outsiders comme Arnaud Montebourg ou encore Olivier Ferrand, le président de la Fondation Terra Nova mais également d’entrepreneurs de cause plus médiatiques comme le journal Libération et le magazine Le Nouvel Observateur. De même, l’innovation démocratique a été concédée avec forte réticence par Martine Aubry et devait surtout avoir pour finalité de clore définitivement la séquence ouverte par le Congrès de Reims. Jusqu’aux évènements du Sofitel de New-York, les primaires avaient pris la forme d’une procédure de confirmation au bénéfice de Dominique Strauss-Kahn, conformément au Pacte dit de Marrakech. Le très strict encadrement de la confrontation entre candidats, avant notamment son organisation plus médiatique, devaient également éviter, selon François Hollande, tout ce qui pouvait « dévaluer le vainqueur […] et qui deviendrait un boulet dans l’autre (présidentielle)97 ». Enfin, après la défection de Dominique Strauss-Kahn, évènement en soi de ces primaires, le scrutin devait être suspendu, voire annulé.

60L’audience recueillie par les débats télévisés entre les différents candidats à quelques semaines du vote, puis le nombre très important de sympathisants socialistes mobilisés lors des deux tours nécessaires à la désignation du postulant ont eu, d’une certaine manière, raison de ces essais de domestication partisane de la norme électorale et du travail d’aménagement du mode d’emploi du scrutin effectué par les équipes de campagne. Ils ne l’ont cependant pas totalement évacué.

  • 98 Lefebvre R., « Les primaires : triomphe de la démocratie d’opinion ? », Pouvoirs, no 154.
  • 99 Pour une relecture du cadre d’analyse proposé par Pierre Rosanvallon, voir Guionnet C., L’Apprenti (...)

61En raison du poids très fort des sondages dans la production médiatique du favori98, les primaires ont permis de résoudre temporairement la crise du leadership socialiste et de réguler les divisions internes. Mais en même temps, la nouvelle procédure de désignation n’a pas remplacé le mode d’organisation interne du PS et le jeu des arbitrages partisans, l’une par définition moderne, l’autre par logique archaïque. Deux légitimités concurrentes se sont dans les faits superposées et entremêlées. Le « vieux » a pu continuer à subsister au travers le « neuf99 ».

  • 100 Sur la permanence de ces modes de fonctionnement interne au sein du PS, voir Juhem P., « La produc (...)

62La proximité souhaitée avec le suffrage universel s’est ainsi heurtée à la prégnance d’un registre partisan de l’expression du lien électoral100. Loin d’être paradoxale, cette rencontre entre deux modèles de perception du politique a constitué une des clés pour comprendre à la fois les raisons de la facilité avec laquelle les technologies – et à la marge l’ensemble des principes – du scrutin ordinaire se sont diffusées et comment des catégories plus anciennes propres au PS ont pu perdurer et ainsi aider à renouveler les formes de la démocratie partisane.

  • 101 La désignation le 15 avril 2014 sans vote militant de Jean-Christophe Cambadélis comme Premier sec (...)

63On le voit donc : l’organisation de primaires « ouvertes et populaires » ne s’est pas traduite pour le PS par une dilution de son organisation partisane dans une communauté militante qui le transcenderait. La consécration ponctuelle de la figure du sympathisant illustre au contraire combien les formes de l’engagement dépendent toujours des conditions partisanes de sa production. Militer au PS sans être adhérent implique ainsi que ses membres acceptent, encadrent et, finalement, régulent cette « dépossession » de leurs prérogatives. En ce sens, les frontières partisanes ont certes été assouplies, mais en aucun cas abattues. Si les répertoires d’actions militantes ont pu largement s’ouvrir aux profanes, les modes de sélection des élites socialistes restent quant à eux toujours « partisano-centrés101 ».

64Dès lors, c’est bien la notion de contrôle partisan qu’il faut questionner. L’externalisation par le PS de la détermination de son leadership a certes ouvert la voie d’un engagement facilité, de telle sorte que les distinctions physiques ont pu s’annuler au profit d’une égalisation des prérogatives militantes entre adhérents et sympathisants, elle n’a cependant pas mécaniquement engendré un dessaisissement de la fonction de sélection du candidat à la présidentielle.

  • 102 Pûtz C., « La présidentialisation des partis politiques », dans Haegel F. (dir.), Partis politique (...)
  • 103 Ibid.
  • 104 Avril P., « Les primaires : un affaiblissement de la démocratie ? », Pouvoirs, no 154, 2015, p. 13 (...)
  • 105 Duhamel O., Les Primaires pour les nuls, Paris, First Éditions, 2016, p. 79.

65En proposant la tenue de nouvelles primaires en janvier 2017, le PS confirme ce trait saillant : l’investiture, même ouverte à des millions de votants, reste la « condition majeure pour assurer sa candidature102 ». L’invention américaine a ainsi été digérée par les formations politiques et n’a de fait que peu transformé le mode de fonctionnement de la Ve République. Malgré l’instauration du système des primaires, l’élection présidentielle française demeure plus que jamais un « suffrage partisan103 ». Les formations, de droite comme de gauche, continuent à remplir ou vouloir remplir la fonction systémique d’organisation de la sélection des futurs chefs d’État. C’est finalement tout le paradoxe des « primaires de la République présidentielle104 » : le développement de cette machinerie électorale spécifique – notamment dans ses dimensions matérielles, logistiques et financières – constitue une prérogative que seuls les partis sont en capacité réelle d’exercer. Pire : on peut même se demander, comme Olivier Duhamel, si « la candidature hors parti (n’)est (pas) plus difficilement concevable dans une primaire qu’à l’élection présidentielle105 ».

  • 106 Libération, 11 janvier 2016.

66Le sort de l’appel à la tenue d’une « primaire des gauches et des écologistes » peut en témoigner. Signé par un collectif de personnalités comme Daniel Cohn-Bendit, Michel Wieviorka ou encore Thomas Piketty, ce manifeste publié par le journal Libération le 11 janvier 2016 a certes permis d’imposer dans le débat public la nécessité de recourir à la mécanique d’un mode d’investiture ouvert au plus grand nombre. Le vœu des pétitionnaires de se « passer du tamis incertain des partis106 » a en revanche échoué, soulignant ainsi l’extrême difficulté d’organiser en France des primaires de coalition en dehors des cadres partisans, surtout s’ils sont fracturés et démontrent au grand jour leurs divisions.

  • 107 Dès 2014, des personnalités comme Julien Dray, proche du président de la République (cité par Le F (...)
  • 108 Pour obliger le PS à mettre en œuvre l’article 5.3.1 de ses statuts (« Au moins un an avant l’élec (...)
  • 109 Réunis le samedi 30 janvier 2016 à l’Assemblée nationale, près de 150 représentants de la gauche d (...)
  • 110 L’Obs, 21 janvier 2016.

67En effet, si le principe même des primaires est formellement inscrit dans les statuts du PS107, rien ne peut l’obliger à le mettre en œuvre dans les mêmes conditions que celles de 2011108, surtout si François Hollande décide de se représenter et qu’une des revendications des différents appels aux primaires – y compris internes au PS109 – repose sur le souhait de dissuader le président sortant de briguer un second mandat. Comme le souligne Jean-Pierre Mignard, le président de la Haute Autorité Éthique du PS, « la primaire ne peut provenir que du Parti Socialiste en application de l’article 4.6.2 du chapitre 6 des statuts du PS. C’est au conseil national du PS que revient la décision d’organiser une primaire110 ».

  • 111 Contrairement au modèle américain, les primaires françaises n’évoquent pas le cas des présidents s (...)
  • 112 Le Monde, 11 avril 2016.

68En cela, le projet d’une « primaire des gauches et des écologistes » a permis de mettre en lumière un impensé du scrutin militant de 2011 : l’absence d’indication dans les statuts du PS d’une éventuelle dispense de primaires qui pourrait être accordée à un président sortant111. Alors que Les Républicains ont clairement inscrit dans leurs statuts ce cas de figure, le PS n’a pas anticipé le scénario de la réélection d’un chef de l’État issu de ses rangs. Son Premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, a bien résumé cette tension : « jusqu’à présent, ce n’est pas le PS qui dicte au président de la République. Il passera par la primaire s’il le souhaite. Moi, je le souhaite. Mais à lui de décider. C’est dans le texte. Si vous lisez les textes du PS, c’est “si le président de la République le souhaite112” ».

  • 113 « Oui, il faut rassembler l’ensemble de la gauche et dès le premier tour cela vaudrait mieux. Je v (...)
  • 114 Jean-Christophe Cambadélis a ainsi estimé que le processus des primaires était « mal engagé. Cela (...)
  • 115 L’option d’un changement de statuts lors d’un congrès extraordinaire a été un temps envisagée par (...)
  • 116 Libération, 13 avril 2016.

69Face au spectre d’un nouveau 21 avril, l’enjeu pour le PS est donc moins de reproduire à l’identique le précédent de 2011 ou d’organiser des primaires de toutes les gauches - surtout si elles sont exclusives113 et dirigées contre le président sortant114 – que de protéger François Hollande. C’est paradoxalement l’échec annoncé du projet Notre primaire qui a permis au PS de délimiter à chaud les conditions de ses propres principes115 et de faire ainsi vivre ce qui est devenu pour lui un « mal nécessaire116 ». Après avoir refusé catégoriquement l’initiative portée par le journal Libération, puis fortement conditionné sa participation à un scrutin commun – « de Mélenchon à Macron » – et enfin acté l’impossible consensus entre les différentes parties prenantes – le PCF et EELV lors de leur congrès respectif des 5 et 11 juin –, le PS a alors été en capacité de créer la surprise en annonçant l’organisation de primaires ouvertes en 2017.

  • 117 Dans un premier temps, le conseil national du PS a voté le 9 avril 2016 une résolution suggérant « (...)
  • 118 François Hollande invité sur le plateau de France 2 le jeudi 14 avril a annoncé qu’il ferait conna (...)
  • 119 Un débat s’est ainsi engagé à la fin du mois d’août 2016 entre la direction du PS, soucieuse de «  (...)
  • 120 « PS : vers une primaire taillée pour Hollande », Le Monde, 19 et 20 juin 2016. Comme le souligne (...)
  • 121 Sur ce pari sur la défaite du candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2017, voir « La b (...)

70En proposant la tenue d’une consultation tardive117 – les deux derniers weekends du mois de janvier 2017 –, calée sur le calendrier préalablement fixé par le président de la République118 et aux contours volontairement restreints à la seule Belle Alliance populaire – la nouvelle coalition qui regroupe désormais le PS, le PRG et l’Union des démocrates et des écologistes (UDE) –, le PS a fait le choix d’un mode de présélection a minima qui respecte l’esprit des primaires de 2011 à défaut d’en épouser le cadre formel119. En cela, ces « primaires de l’unité », uniquement réservées à la gauche gouvernementale, doivent permettre au chef de l’État de bénéficier des effets ratificatoires d’un scrutin « taillé sur mesure120 », au parti de se donner une porte de sortie aux conditions d’organisation déjà formalisées dans l’éventualité où François Hollande ne souhaiterait pas se représenter et aux différents prétendants au leadership du PS – tout particulièrement au sein de son aile gauche – de mesurer leur influence interne en vue de l’après élection présidentielle dans un exercice consultatif proche du format d’un précongrès socialiste121.

  • 122 « Le PS a inventé la primaire, tout le monde l’a imité. Il a inventé la primaire pour un président (...)
  • 123 Libération, 18 et 19 juin 2016.

71En inventant ce qui pourrait être les premières primaires françaises pour un président sortant122, le PS confirme qu’une dynamique irréversible est désormais enclenchée. En 2017 comme en 2011, les primaires constituent ainsi une solution procédurale incontournable, hier pour départager des concurrents de manière transparente, produire un leadership incontesté et afficher un front uni face à Nicolas Sarkozy, aujourd’hui pour clarifier une ligne politique, rassembler une gauche divisée et relégitimer par la victoire un candidat, qui selon les mots mêmes du Premier secrétaire du PS, « n’est pas n’importe quel compétiteur123 ».

Notes

1 « Les primaires : une voie de modernisation pour la démocratie française. De l’expérience socialiste au renouveau citoyen », rapport présenté par la Fondation Terra Nova, 21 novembre 2011.

2 « Terra Nova peut légitimement revendiquer la paternité intellectuelle de la primaire en France », tribune « Vers la modernisation démocratique » par Olivier Ferrand, Libération, 5 octobre 2011.

3 « Les promoteurs de la primaire socialiste ont quelques regrets sur son déroulement », Le Monde, 22 novembre 2011.

4 Sur les primaires fermées de 2006, voir Dolez B., Laurent A., « Une primaire à la française. La désignation de Ségolène Royal par le parti socialiste », Revue française de science politique, 57 (2), avril 2007, p. 144-146. Voir également notre contribution, avec Barboni T. et Mermat D., « Made in internet. Les nouveaux adhérents du Parti Socialiste », dans Greffet F. (dir.), Continuerlalutte.com. Les partis politiques sur le web, Paris, Les Presses de SciencesPo, 2011.

5 Le principe des primaires est ainsi inscrit dans les statuts du PS. Selon l’article 5.3.1, « le candidat à la présidence de la République est désigné au travers de primaires citoyennes ouvertes à l’ensemble des citoyens adhérants aux valeurs de la République et de la gauche et co-organisées par les formations politiques de gauche qui souhaitent y participer ».

6 Grunberg G., « Malgré les critiques, la primaire est bien une avancée démocratique », Le Monde, 28 septembre 2011.

7 Dammame D., « Les précédents. L’enjeu de la qualification », Politix, no 20, 1992.

8 Lefebvre R., Les Primaires socialistes. La fin du parti militant, Paris, Raisons d’agir, 2011, p. 127.

9 Contrairement au modèle américain où les primaires sont régulées par les autorités publiques fédérées, le modèle européen, notamment italien, repose sur les seules organisations partisanes. Les règles organisant ces consultations de vote n’obéissent ainsi qu’à des caractéristiques privées. Sur cette opposition entre les deux systèmes de primaires, voir Meny Y., « Primaires : vertus (apparentes) et vices (cachés) d’une greffe américaine », Pouvoirs, no 154, 2015.

10 Tribune, « À gauche, la machine à perdre est de retour », 24 janvier 2011.

11 Libération, 14 décembre 2010.

12 Sur la mutation des modalités de représentation, voir Gaxie D., La Démocratie représentative, Paris, Montchrestien, 1996.

13 Sur la transformation des votes d’investiture, voir Nay O., « Les règles du recrutement politique. Pour une approche institutionnaliste de la sélection politique. L’exemple des candidats à l’élection régionale », Politix, no 44, 1998.

14 Cinalli M., « Primaires à l’italienne », Revue française de science politique, vol. 57, no 2, 2007.

15 Sur la présidentialisation du PS, voir Grunberg G., Bergounioux A., L’Ambition et le remords : les socialistes français et le pouvoir : 1905-2005, Paris, Fayard, 2005.

16 « Une déclaration de candidature n’est pas un rite partisan, un passage obligé, un calcul tactique. C’est un moment où un candidat s’adresse à tout le pays. Il s’agit de prétendre à l’exercice de la fonction présidentielle et donc de délivrer une vision. Pas simplement une envie. » Libération, 12 janvier 2011.

17 Sur les limites de l’introduction des primaires dans l’exercice des investitures aux élections municipales, voir Lefebvre R., « La diffusion des primaires. Un processus domestiqué aux élections municipales », Revue politique et parlementaire, no 1070, mars 2014.

18 Expression empruntée à la Fondation Terra Nova.

19 Ce rapport fut dans un second temps transformé en livre, voir Ferrand O., Montebourg A., Primaire. Comment sauver la gauche, Paris, Le Seuil, 2009.

20 Duhamel O., Ferrand O., Pour une primaire à la française, Terra Nova, Paris, août 2008.

21 Des voyages à Washington auprès du Parti démocrate et des équipes de campagne de Barack Obama avaient ainsi permis de nourrir le travail de la commission multipartite présidée par Arnaud Montebourg et à laquelle avaient participé des représentants de tous les candidats potentiels.

22 Selon Olivier Ferrand, « sans règles précises, on a des primaires permanentes et sauvages qui annihilent le débat de fond ».

23 Le Monde, 7 octobre 2011.

24 Le Figaro, 25 août 2009.

25 Le Nouvel Observateur, 9 juillet 2009.

26 Libération, 18 septembre 2009.

27 Le livre consacré au Congrès de Reims, Hold uPS, arnaques et trahisons, écrit par Antonin Andrée et Karim Rissouli a provoqué une vive polémique au sein du PS entre les proches de Martine Aubry et de Ségolène Royal.

28 Deloye Y., Ihl O., L’Acte de vote, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2008, p. 13.

29 Alors que les primaires ont été ouvertes à tous les sympathisants socialistes, la production partisane des candidatures aux élections locales et nationales est restée le privilège des seuls adhérents socialistes, comme l’a souligné l’organisation en vue des élections municipales de 2014 de seulement six primaires ouvertes aux sympathisants (Aix-en-Provence, Béziers, Boulogne-Billancourt, La Rochelle, Le Havre et surtout l’exemple emblématique de Marseille).

30 Le Monde, 7 octobre 2011.

31 Sur la notion de renouvellement partisan, voir Gibson R. K., Ward S., « Renouveler le parti ? Les stratégies de campagnes et d’organisation en ligne des partis britanniques », dans Greffet F. (dir.), Continuerlalutte.com. Les partis politiques sur le web, Paris, Les Presses de SciencesPo, 2011.

32 Le Monde, 22 août 2006.

33 Lefebvre R., Sawicki F., La Société des socialistes. Le PS aujourd’hui, Bellecombe-en-Bauges, Les Éditions du Croquant, 2006, p. 154.

34 Le mode d’emploi des primaires a prévu d’élargir les possibilités de vote aux mineurs, aux étrangers militants socialistes et aux membres des partis partenaires de l’organisation de l’élection.

35 Le trait le plus symbolique de cet égalitarisme fut la décision de demander un euro à chaque votant, sans distinction de statut entre les simples sympathisants et les adhérents-cotisants du PS, même lorsqu’ils étaient organisateurs du scrutin.

36 Voir le numéro spécial consacré au militantisme au Parti socialiste de Recherche socialiste, 46-47, janvier juin 2009. Plus généralement, voir Matthieu L., « Un nouveau militantisme ? À propos de quelques idées reçues », Contre-temps en ligne, octobre 2008, disponible sur : <http://contretemps.eu/node/127>. Voir également notre contribution, avec Barboni T., « L’engagement 2.0. Les nouveaux liens militants au sein de l’e-Parti Socialiste », Revue française de science politique, vol. 60, 2010.

37 Voir Olivier L., « L’identité militante socialiste en question. La démocratie directe au PS à l’épreuve des procédures représentatives et délibératives », Recherche socialiste, no 46-47, janvier-juin 2009.

38 Pour une étude des usages partisans du cadre d’analyse de Jacques Ion, voir Lefebvre R., « Le sens flottant de l’engagement socialiste. Usages et effets de la démocratisation interne au PS » dans Lefebvre R., Roger A., Les Partis politiques à l’épreuve des procédures délibératives, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 115.

39 Voir Haegel F., « Un parti politique a-t-il besoin d’adhérents ? », La Revue socialiste, 13, 2003.

40 Abeles M., « Les primaires ou le triomphe du sympathisant », Libération, 2 septembre 2009.

41 Sur la remise en cause – réciproque – de l’attachement partis/adhérents, voir Dalton R. J., Parties Without Partisans, Political Change in Advanced Industrial Democracies, Oxford University Press, Oxford, 2002.

42 Offerle M., « Entrées en politique », Politix, no 35, 1996, p. 4.

43 Voir notre contribution, « Désunions européennes. Le référendum interne du Parti Socialiste sur le Traité Constitutionnel Européen de décembre 2004 », dans Cohen A. et Vauchez A. (dir.), La Constitution européenne. Élites, mobilisations, votes, Bruxelles, Presses de l’Université libre de Bruxelles, 2007.

44 Sur la montée du poids des pressions externes dans la définition des modes d’investiture, voir pour l’exemple nord-américain, Lawrence E., Donovant T., Bowler S., « The adoption of direct primaries in the United states », Party politics, vol. 19, 1, 2013.

45 Voir Ferrand O., Montebourg A., Primaire. Comment sauver la gauche, Paris, Le Seuil, 2009.

46 Sur l’usage de la notion d’inclusivité au sein du Parti Travailliste, voir Faucher-King F., « L’impact des procédures délibératives sur les congrès des partis politiques britanniques », dans Lefebvre R., Roger A. (dir.), Les Partis politiques à l’épreuve des procédures délibératives, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 200-2003.

47 Seiler D. L., Les partis politiques, Paris, A Colin, 2e édition, 2000, p. 188.

48 Sur le développement de nouveaux modes d’association au sein des partis politiques, voir Scarrow S. E., Beyond Party Members. Changing Approaches to Partisan Mobilization, Oxford, Oxford University Press, 2015.

49 Lazar M., « Leçons italiennes pour primaires françaises », Slate. fr, 1er septembre 2009.

50 Le modèle des primaires n’a pas été le seul produit électoral importé des États-Unis par Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand. Dans le prolongement de la démarche initiée par Guillaume Liegey, Arthur Miller et Vincent Pons, ils ont également ramené de leur voyage américain de nouvelles techniques de mobilisation destinées à mieux rationaliser les pratiques militantes et les outils de campagne électorale. Voir Lefebvre R., « Le porte-à-porte réinventé. Les conditions socio-politiques du réinvestissement d’un répertoire de campagne au Parti Socialiste », Journée d’étude « Faire campagne. Mobilisations, représentations et contestations », Sciences Po Aix, 6 mai 2011.

51 Sur l’influence des campagnes menées par Barak Obama sur les techniques de mobilisation électorale française, voir Pene C., « La nouvelle science électorale américaine », Revue Politique Étrangère, 2/2013.

52 Comme le soulignait alors de manière critique Laurent Fabius, « les primaires vont introduire un changement massif : désormais, c’est l’opinion qui fait le parti », Le Monde, 26 août 2009.

53 « Autour de ce noyau militant remobilisé et aujourd’hui rodé à la défense du programme présidentiel, la primaire a permis de faire entrer le Parti Socialiste en contact avec des cercles jusqu’alors insoupçonnés de sympathisants. […] Aux côtés de la mobilisation militante, une autre mobilisation est en train de naître, la mobilisation citoyenne. La primaire est l’occasion de drainer vers la politique des millions de sympathisants : beaucoup ne se contenteront pas de venir voter, ils se mobiliseront pour la campagne présidentielle. » Terra Nova, bilan des primaires de 2011, op. cit.

54 « Le PS a fait un choix, qui s’est avéré crucial pour le succès du scrutin d’octobre 2011 : celui de calquer le modèle des primaires sur celui des élections présidentielles en France et donc de rester le plus proche possible de la pratique électorale républicaine. » Les Primaires : une voie de modernisation pour la démocratie française, rapport Terra Nova, op. cit., p. 30.

55 Haegel F., Sawicki F., « Résistibles et chaotiques, la présidentialisation de l’UMP et du PS », dans Deloye Y., Deze A., Maurer S. (dir.), Institutions, élections, opinion. Mélanges en l’honneur de Jean-Luc Parodi, Paris, Presses de Sciences Po, 2014.

56 Libération, 1er décembre 2010.

57 Le Monde, 13 janvier 2011.

58 Libération, 20 juillet 2010.

59 Pour se présenter aux primaires socialistes, les prétendants ont dû recueillir : 5 % des parlementaires (soit 17 parrains) ou 5 % des membres titulaires du conseil national (soit 16 parrains) ou 5 % des conseillers régionaux ou conseillers généraux socialistes issus d’au moins 10 départements et 4 régions (soit 100 parrains) ou 5 % des maires socialistes des villes de plus de 10 000 habitants issus d’au moins 4 régions (soit 16 parrains).

60 20 minutes, 1er avril 2011.

61 « Je devrais avoir honte ! », publicité parue dans Libération le 12 juillet 2011.

62 Le Figaro, 15 juillet 2011.

63 « Je suis candidat pour peu que le PS respecte ses engagements sur les sénatoriales et pour peu que l’accord sur les élections législatives soit signé. » Le Parisien, 7 juillet 2011.

64 Le Figaro, 23 mars 2011.

65 Le Monde, 13 janvier 2011.

66 Le Figaro, 19 avril 2011.

67 Le Monde, 13 janvier 2011.

68 Le Nouvel Observateur, 27 janvier 2011.

69 Le Monde, 13 janvier 2011.

70 Le Figaro, 11 mars 2011.

71 Le Monde, 26 septembre 2010.

72 Deloye Y., Ihl O., L’Acte du vote, op. cit., p. 200.

73 Guionnet C., L’Apprentissage de la politique moderne, les élections municipales sous la monarchie de Juillet, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 120.

74 « Cette décision, permettez-moi de la garder pour moi » a ainsi déclaré Dominique Strauss-Kahn, à propos de sa participation aux primaires dans le documentaire « Un an avec DSK, au cœur du FMI » diffusé le 13 mars 2011 sur Canal +.

75 « N’a-t-elle pas redit devant 1 500 militants et cadres du parti réunis à Paris ce 28 mai pour entériner le projet qu’elle « prendrait (ses) responsabilités » pour qu’une candidature issue du PS « puisse accéder l’année prochaine à la présidence de la République » ?, Les Inrockuptibles, 2 juin 2011.

76 Selon Jean-Marie Le Guen, « si l’unité est la condition première de la victoire, alors François Hollande doit réfléchir à deux fois avant d’essayer de s’affirmer à titre individuel », Claude Bartolone déclara de son côté : « on ne va pas jouer les divisions juste pour avoir des primaires incertaines ». Le Parisien, 25 avril 2011.

77 La proposition de Manuel Valls le 2 janvier 2010 de « déverrouiller les 35 heures » provoqua ainsi des attaques très vives de l’ensemble des dirigeants socialistes.

78 Claude Bartolone a déclaré sur l’antenne de France Inter le 15 mars 2010 : « il y aura entente. Je suis persuadé qu’il y aura comme candidature celle de Dominique Strauss Kahn ou celle de Martine Aubry […]. Nous pourrions nous orienter vers des primaires de ratification ».

79 Les Inrockuptibles, 1er juin 2011.

80 Le Figaro, 25 septembre 2010.

81 Libération, 26 novembre 2010.

82 « Il y a six mois, les socialistes craignaient que leur primaire passe pour un simple référendum de ratification d’une candidature irrésistible. […] il y a trois mois, changement de décors, l’appréhension générale était que la primaire tourne à la bataille rangée… » Duhamel A., « Le paradoxe embarrassant de la primaire socialiste », Libération, 22 septembre 2011.

83 Tribune : « La primaire populaire : un nouvel âge démocratique », Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand, Libération 20 juillet 2010.

84 Le Figaro, 27 décembre 2010.

85 Sur le paradoxe des primaires comme facteur de « déprésidentialisation », voir Dolez M., « Le Parti Socialiste, les primaires et la (dé)présidentialisation du régime », Pouvoirs, no 154, 2015, p. 67-70.

86 « Puisque primaire a été prévue, primaire il y aura ! Chacun a bien le droit d’être candidat et ensuite il faudra se rassembler derrière celui ou celle qui aura été choisi pour aller vers la victoire. » Les Inrockuptibles, 25 mai 2011.

87 Selon Jacques Urvoas, proche de François Hollande, « au second tour d’une élection, on élimine… Je n’ai pas envie d’éliminer un socialiste ». Selon Bernard Poignant, « je voudrais que personne ne sorte de la primaire en vivant les résultats comme une humiliation », Le Figaro, 5 octobre 2011.

88 Le Figaro, 5 octobre 2011.

89 Le Monde, 7 octobre 2011.

90 Le Monde, 16 octobre 2011.

91 Pour éviter les accusations de tricherie qui avaient marquées le Congrès de Reims, un triple système de transmission des résultats fut ainsi prévu quelques jours avant le vote : par appel Audiotel, par documents papier et enfin par stylos numériques. Voir, « Au PS, la bataille des bulletins de vote », Le Monde, 22 septembre 2011.

92 Sur la notion de démocratie de délégation, voir Olivier L., « Ambiguïtés de la démocratisation partisane en France (PS, RPR, UMP) », Revue française de science politique, vol. 53, no 5, octobre 2003, p. 766.

93 Sur l’enjeu du contrôle de l’organisation partisane, voir notre contribution avec Barboni T., « Du principe de « coopétition ». Les primaires socialistes entre coopération et compétition », 11e Congrès de l’Association Française de Science Politique, section thématique « La production partisane des candidatures. Vers une démonopolisation ? », Fretel J. et Lefebvre R., (org.), 31 août 2011, Strasbourg.

94 Sur le PCF et la candidature de Jean-Luc Mélenchon, voir Mischi J., Le Communisme désarmé. Le PCF et les classes populaires depuis les années 1979, Paris, Agone, 2014.

95 Sur la concurrence des mises en récit historiques, voir Rasmussen A., « Science et croyance. Les récits de la mort de Gambetta », dans Juillard J. (dir.), La Mort du roi. Essai d’ethnographie politique comparé, Paris, Gallimard, 1999.

96 Primaire au PS : l’improbable scénario, documentaire de Benoît Bringer et Pierre Tourdes, Canal +, octobre 2011.

97 Le Figaro, 14 octobre 2011.

98 Lefebvre R., « Les primaires : triomphe de la démocratie d’opinion ? », Pouvoirs, no 154.

99 Pour une relecture du cadre d’analyse proposé par Pierre Rosanvallon, voir Guionnet C., L’Apprentissage de la politique moderne. Les élections municipales sous la monarchie de Juillet, Paris, L’Harmattan, p. 307.

100 Sur la permanence de ces modes de fonctionnement interne au sein du PS, voir Juhem P., « La production notabiliaire du militantisme au Parti socialiste », Revue française de Science politique, vol. 56, no 6, décembre 2006.

101 La désignation le 15 avril 2014 sans vote militant de Jean-Christophe Cambadélis comme Premier secrétaire par intérim en remplacement d’Harlem Désir nommé au poste de Secrétaire d’État aux Affaires européennes est une bonne illustration de la dissociation qui peut continuer à exister au sein du PS entre des appels à un approfondissement démocratique et la permanence de mécanismes de sélection fermés.

102 Pûtz C., « La présidentialisation des partis politiques », dans Haegel F. (dir.), Partis politiques et système partisan en France, Paris, Presses de Sciences Po, 2007, p. 334.

103 Ibid.

104 Avril P., « Les primaires : un affaiblissement de la démocratie ? », Pouvoirs, no 154, 2015, p. 133.

105 Duhamel O., Les Primaires pour les nuls, Paris, First Éditions, 2016, p. 79.

106 Libération, 11 janvier 2016.

107 Dès 2014, des personnalités comme Julien Dray, proche du président de la République (cité par Le Figaro du 16 avril 2014) ou encore Thierry Mandon, premier membre du gouvernement à intervenir sur le sujet (« une primaire à gauche est indispensable », Public Sénat, 18 novembre 2014), ont exprimé leur souhait de faire vivre les statuts du PS. Ils ont été suivis dans un second temps par Marie-Noëlle Lienemann (« Une primaire PS paraît inéluctable », Le Figaro 20 juillet 2015), Benoit Hamon (« Une primaire à gauche est nécessaire », RMC 11 novembre 2015) et plus largement par l’aile gauche du PS.

108 Pour obliger le PS à mettre en œuvre l’article 5.3.1 de ses statuts (« Au moins un an avant l’élection présidentielle, le conseil national fixe le calendrier et les modalités d’organisation des primaires »), trois militants socialistes ont ainsi déposé une requête en ce sens auprès du président du Tribunal de Grande Instance de Paris qui les a finalement déboutés le mercredi 15 juin 2016. Prenant acte de la décision du conseil national réuni le samedi 18 juin 2016 d’organiser des primaires en janvier 2017, ces militants n’ont pas souhaité faire appel. Dans son jugement, la 1re Chambre du TGI a souligné que la rédaction des articles des statuts du PS « apparaît contradictoire, ou du moins ambiguë ». « Au regard de ces équivoques, aucune obligation de résultat ne saurait dès lors être attachée à ces dispositions statutaires. » De même, elle confirme la « liberté d’action des partis politiques » : « en l’absence de cette contrainte statutaire, le choix de prolonger les négociations avec les autres formations politiques, qui doivent également répondre à leurs propres impératifs de calendrier, appartient aux instances de direction du Parti Socialiste, dont les exigences de la vie démocratique excluent qu’elles se voient imposer leur conduite par les tribunaux ».

109 Réunis le samedi 30 janvier 2016 à l’Assemblée nationale, près de 150 représentants de la gauche du PS ont voté à l’unanimité un texte appelant le PS à participer à l’organisation de primaires pour désigner le candidat de la gauche à l’élection présidentielle. Les signataires précisent également qu’il « n’y a pas de candidature automatique en 2017 » et que « la primaire n’est pas une option mais une obligation », Le Figaro, 1er février 2016.

110 L’Obs, 21 janvier 2016.

111 Contrairement au modèle américain, les primaires françaises n’évoquent pas le cas des présidents sortants, même si Arnaud Montebourg, pourtant à l’initiative de l’importation de ce mode de sélection, a pu déclarer que s’il « y a un président sortant, je pense qu’on évitera d’ouvrir le sujet » (Le Figaro, 16 avril 2014).

112 Le Monde, 11 avril 2016.

113 « Oui, il faut rassembler l’ensemble de la gauche et dès le premier tour cela vaudrait mieux. Je vais reprendre mon bâton de pèlerin et essayer de convaincre que si on veut une primaire, elle doit être sans préalable. J’appelle ceux des nôtres, qui ont d’autres relations que moi avec Jean-Luc Mélenchon d’essayer de le convaincre », a ainsi expliqué Jean-Christophe Cambadélis, Premier secrétaire du PS, lors du rassemblement des secrétaires de sections socialistes le dimanche 31 janvier 2016, Libération, 1er février 2016.

114 Jean-Christophe Cambadélis a ainsi estimé que le processus des primaires était « mal engagé. Cela peut être un moyen si tout le monde participe, s’il n’y a pas d’oukase envers untel ou untel, mais si c’est une primaire dans laquelle il ne peut pas y avoir le président de la République, autant dire que les socialistes auront du mal à y participer », Le Monde, 2 février 2016.

115 L’option d’un changement de statuts lors d’un congrès extraordinaire a été un temps envisagée par la direction nationale du PS avant d’être rapidement abandonnée en raison des fortes oppositions soulevées, notamment dans les rangs de la minorité socialiste.

116 Libération, 13 avril 2016.

117 Dans un premier temps, le conseil national du PS a voté le 9 avril 2016 une résolution suggérant « un vote durant la première quinzaine de décembre ». Dans un second temps, en réponse à l’échec de l’initiative de la tenue d’une « primaire des gauches et des écologistes », le conseil national du PS a décidé à l’unanimité le 18 juin 2016 d’organiser une consultation sur deux tours, les 22 et 29 janvier 2017, avec un dépôt de candidature entre le 1er et le 15 décembre 2016.

118 François Hollande invité sur le plateau de France 2 le jeudi 14 avril a annoncé qu’il ferait connaitre sa décision de se représenter « à la fin de l’année ».

119 Un débat s’est ainsi engagé à la fin du mois d’août 2016 entre la direction du PS, soucieuse de « s’inspirer » des modalités de vote de 2011 (Le Monde, 20 août 2016) et l’équipe de campagne d’Arnaud Montebourg, dénonçant les risques de « pastiche » de la précédente consultation (Le Journal du Dimanche, 21 août 2016).

120 « PS : vers une primaire taillée pour Hollande », Le Monde, 19 et 20 juin 2016. Comme le souligne François Kalfon, un proche d’Arnaud Montebourg, « on refuse cette idée marketing d’une primaire de la Belle Alliance. On veut une primaire de mobilisation en décembre et non une primaire de confiscation en janvier 2017 ».

121 Sur ce pari sur la défaite du candidat socialiste à l’élection présidentielle de 2017, voir « La bataille cachée pour le leadership du Parti Socialiste », Le Figaro, 19 août 2016.

122 « Le PS a inventé la primaire, tout le monde l’a imité. Il a inventé la primaire pour un président sortant, tout le monde l’imitera », a ainsi déclaré Jean-Christophe Cambadélis sur twitter le 19 juin 2016.

123 Libération, 18 et 19 juin 2016.

Author

Chercheur associé au CRAPE-Arènes. Ses travaux de recherche portent sur la démocratie partisane, la communication politique et le financement de la vie publique. Il a notamment publié « Primary colors. L’élection présidentielle à l’épreuve des primaires socialistes », in Maarek P. (dir.), La Communication politique des Présidentielles de 2012 : premières analyses, Paris, L’Harmattan, 2013 et avec Thierry Barboni, « L’engagement 2.0. Les nouveaux liens militants au sein de l’e-Parti Socialiste », Revue française de science politique, vol. 60, no 6, décembre 2010.

The text and other elements (illustrations, imported files) may be used under OpenEdition Books License, unless otherwise stated.

Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search