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"Livre de mes Anciens grand pères"

 | 
Martine Barilly-Leguy

Deuxième partie. Une famille mancelle dans la tourmente du Grand Siècle

Chapitre VII. « Bon chrestien et bon catholique »

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France

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  • 1 Claude d’Angennes, évêque du Mans à partir de 1588, était présent au Concile de Trente et il a fon (...)

1Dans la capitale d’un diocèse dont l’évêque1 s’applique à faire respecter la réforme tridentine dès la fin du xvie siècle, les Manceaux adoptent assez vite les nouveaux préceptes de l’Église catholique, mais leur fidélité se teinte de la survivance de croyances traditionnelles et la vie quotidienne, quoique réglée par la religion, en reste empreinte. La mise en place d’une éducation et d’une pratique religieuses établies de plus en plus rigoureusement dans le pays n’en atténue pas encore la vitalité. Dans leur Livre, les Bodreau dénombrent les nouvelles installations religieuses qui témoignent du renouveau de l’Église ; ils évoquent les manifestations religieuses qui encouragent les catholiques dans leur piété, les processions générales qui rassemblent la ville entière derrière l’évêque et les abbés. Mais ils notent aussi des condamnations pour blasphème et relèvent quelques-unes de ces croyances.

La pratique religieuse de la famille Bodreau

  • 2 On peut dénombrer plus de quarante fêtes annuelles dans chaque paroisse : Reglement de monseigneur (...)

2La religion guide la conduite de chacun dans la vie afin de préparer son passage dans l’éternité. L’assistance à la messe, aux processions, aux prêches, l’attention portée à son prochain par les aumônes concédées, les prières régulières, sont autant de façons d’atteindre le but ultime qui est d’obtenir le salut de son âme. L’Église mancelle2 encourage les chrétiens à adopter une pratique plus soutenue en leur accordant davantage d’indulgences. À l’image de la grande majorité de leurs contemporains, les Bodreau conduisent leur vie en suivant les recommandations de l’Église catholique, mais ils demeurent très discrets sur leur pratique religieuse. S’ils la taisent dans leurs écrits, elle peut cependant se déceler à travers quelques-uns des événements de leur vie.

3Les premiers mots de Charles en 1663 mettent l’accent sur le fait que son père « est décédé en bon chrestien et bon catholique » [f°223] ; formule classique bien entendu, mais qui n’avait jamais été employée par les fils respectifs, ni pour Jehan, simplement « allé de vie à trespas puisqu’il plait à Dieu » [f°15v°] en 1582, ni pour le père de Jehan qui « mourut et le lendemain fut enterré au cimetière » [f°11v°] en 1576, ni pour Julian, seulement « décédé en sa maison » [f°96] en 1636.

  • 3 M. Dronne, La Réforme et les Protestants dans le Maine, Le Cannet-Rocheville, éd. Auteur, 1985, p. (...)

4Au moment des guerres de religion Jehan ne donne jamais son opinion et il s’applique à ne pas prendre parti. Dans ses relations, on relève quelques noms de personnalités, tels « Me Julian Barré recepveur du domaine du Roy » [f°2] ou le « sieur de La Roche Thomas » [f° 3], connues pour leurs sympathies huguenotes3, mais il ne dit pas s’il fait siennes les préoccupations religieuses de ces années-là. Si Jehan ne note aucun événement d’ordre religieux, il n’en est pas de même pour les trois autres auteurs. Son fils Julian porte un grand intérêt à l’activité croissante des communautés religieuses et son petit-fils l’avocat évoque les moments forts de la vie mancelle dus au rôle important du clergé. Charles est le seul à montrer d’emblée sa profonde religiosité et il affiche une foi catholique toute simple faite de certitude.

5Julian ne dit sa venue à l’église que s’il en est empêché ; ainsi, malade en 1625, il raconte qu’il a dû s’y « faire porter en une chaire par un long temps » [f°78v°]. Il tient donc à assister aux offices de sa paroisse. À chaque fois qu’il en a l’occasion cependant, il laisse voir la satisfaction qu’il éprouve à se rendre aux prêches des couvents et en particulier à celui des Cordeliers. Il y apprécie « les disputtes publicques faictes à la relevée de chacun jour » [f° 45] lors de la tenue de leur chapitre. Julien n’écrit rien de lui-même, mais en disant son admiration pour sa femme « grande aumosnière [ayant] de grandes vertus et perfections chrestiennes » [f°152], il veut retenir l’exemplarité de sa conduite religieuse. Au décès de sa mère, il avait déjà relevé l’assiduité des femmes qui « se tenoient compagnie en leurs dévotions et prières » [f°114].

  • 4 Si l’on en croit dom Piolin dans son Histoire de l’Église du Mans, tome vi, p. 347.
  • 5 M. Feuillas, article « Alexandre VII », dans F. Bluche, op. cit., p. 57.

6Sous le règne de Louis XIV, adoptant alors la prudence de leur aïeul au sujet de la Réforme, ni Julien ni Charles ne disent ce qu’ils pensent du jansénisme. Nous savons les liens et les affinités qui existent entre la famille Le Vayer et Julien, mais leurs relations amicales n’impliquent pas pour ce dernier d’éprouver quelque sympathie pour le courant religieux suivi par certains membres4 de la famille amie ; et Julien n’en laisse rien paraître. En revanche, le 7 juillet 1670, au baptême de l’un de ses filleuls, Charles lui donne le prénom d’Alexandre en insistant sur le fait – et c’est la seule fois où Charles justifie son choix – qu’il le nomme ainsi « en l’honneur de St Alexandre 7e pape » [f°247v]. Bien sûr, c’est à Alexandre VII, mort en 1667, qu’on doit la canonisation de Saint-François de Sales dont Charles se réjouit dans son Livre, mais on lui doit surtout5 la condamnation des Cinq propositions des Jansénistes et l’on peut se demander si Charles n’a pas voulu ici montrer son adhésion à la position papale.

« Le banc où nous nous mettons » à l’église

7Le 29 septembre 1607, meurt l’avocat Jehan Faissot. Depuis des années, il laissait son ami Julian Bodreau « se reti[er] » [f° 38] à son banc dans l’église de Saint-Benoît et c’est désormais le beau-frère de Jehan, le médecin Noël Péan sieur du Chesnay, qui en dispose. Ce dernier s’accorde avec Julian et ils obtiennent « provision de messieurs le lieutenant général et procureur du roy le nom en blanc » [f° 39]. Noël Péan n’en use pas et conseille à Julian de bailler la provision « par son advis à Me Pierre Berault advocat sieur des Masnières de présent procureur de ville » [f°39]. Le rôle relationnel du banc de l’église n’est pas négligeable. Julian s’ « accommode avec [Pierre Berault] audit banc duquel il [lui] a en ceste considération relaissé une moictié par promesse signée de luy » [f° 39 v°]. Dès lors, les Berault et leur fille Magdeleine, quoique demeurant paroisse Saint-Nicolas, suivent peut-être les offices aux côtés des Bodreau et de leur fils Julien. Et le zèle, dont Julian fait preuve pour obtenir la disposition de la moitié d’un banc de l’église Saint-Benoît, dénote autant son assiduité aux offices qu’une certaine volonté d’acquérir toute marque de notabilité.

  • 6 Marin Dominique Chesneau de la Drourie en conserve encore la clé à la fin du xviiie siècle.
  • 7 Pierre Bourgault est le mari de Marguerite Bodreau qui a hérité du banc de l’église en 1662.

8En 1607, le banc de l’église Saint-Benoît devient la propriété des Bodreau pour près de deux siècles6, mais il n’en est plus question qu’une seule fois dans le Livre lorsque Charles, notant l’inhumation de son fils, précise qu’il repose « proche la fosse de deffunct [s]on père où est à présent le banc à Mr Bourgault7 écheu en partage » [f°231v°]. Charles dispose aussi du banc de l’église d’Étival, banc « où nous nous mettons » [f° 236] écrit-il, et qui « apparten[ait] à la dame Piveron » [f°236], proche parente de sa femme.

  • 8 L. Chatellier, Le catholicisme en France, limites actuelles 1500-1650, Paris, CDU et SEDES, 1995, (...)

9Charles est aussi le seul des auteurs du Livre à dire sa pratique de ce qui, au xviiesiècle, « devenait mode d’acculturation catholique8 » : le pèlerinage.

Le pèlerinage à « La Sainte Larme de Vendosme »

  • 9 Testament de Jacques Bodreau passé le 27 janvier 1622 devant Me Jehan Roumé. Arch. dép. Sarthe cot (...)
  • 10 L. Châtellier, Le catholicisme en France, limites actuelles, Paris, CDU et SEDES, 1995, tome ii, p (...)
  • 11 R. Hanrion, Les pèlerinages en France, un guide d’histoire et de spiritualité, Paris, Le Félin, 19 (...)
  • 12 C. Port, Dictionnaire historique, géographique, biographique du Maine et Loire, Angers, Lachèse et (...)

10Si, dans son testament dicté en 1622, Jacques, le frère de Julian, demande qu’un « voiaige a Nostre Dame des Ardillers pres Saumur9 » soit fait, nous ne savons rien de plus sur la pratique du pèlerinage chez les Bodreau dans la première moitié du xviie siècle. En 1673, Charles « emène [s]a femme et [s]a fille » [f°255] à Fontevraud et il écrit qu’il s’arrête à Saumur. Dans quel but ? Il ne le précise pas, mais pourquoi aller à Saumur sans rien dire de cette ville, si ce n’est pour se rendre tout près de là au pèlerinage de Notre-Dame des Ardilliers dont le sanctuaire connaît alors un grand rayonnement10 ? On y prie pour la guérison de toutes les maladies et plus de cent trente miracles sont attestés11 entre 1594 et 1713. Il est possible également que Charles ait emmené sa fille maladive, âgée de treize ans, à Notre-Dame-de-Nantilly où l’on « apportait les enfants de nature chétive devant une image peinte sur les murs de la sacristie et qui représentait, vêtu en religieux, sous un froc noir, Saint Langouré12 » ; lieu que connaissait peut-être Charles puisque le grand autel était l’œuvre du sculpteur manceau Gervais de la Barre. Plus probablement, Charles et les siens cherchent-ils à quérir de nouvelles indulgences pour préparer leur salut éternel, ce que permet la participation au pèlerinage. Le Livre des Bodreau n’en relate qu’un seul et c’est Charles qui le raconte : il s’agit du pèlerinage à la Sainte Larme de Vendôme.

11« Le jour de la trinité 1669 j’ay esté avec ma femme à Vendossme adorer La Sainte Larme de nostre Signeur qu’il pleura sur le Lazare » [f° 246 v°].

  • 13 A. de Rochambeau, « Voyage à la Sainte Larme de Vendôme », dans : Bulletin de la Société Archéolog (...)
  • 14 J.-B. Thiers, Dissertation sur la Sainte Larme de Vendôme, Amsterdam, 1751, p. xi de la dédicace à (...)
  • 15 J.-B. Thiers, Réponse à la lettre du Père Mabillon touchant la prétendue Sainte Larme de Vendôme, (...)
  • 16 Voir notre article intitulé « La Sainte Larme de Vendôme », paru dans le bulletin de Mémoires de l (...)

12Bien oublié de nos jours, le voyage à la Sainte Larme fut en effet très prisé à l’époque moderne. Au xviie siècle « des milliers de pèlerins accour[ent] au sanctuaire de la Trinité le vendredi du Lazare13 » car ce vendredi-là, celui qui précède les Rameaux, on célèbre la messe de la Larme de Jésus-Christ suivant l’office qui figure dans le missel de l’Église de la Trinité de Vendôme de 1536, dans les missels de Chartres de 1535 et de 1552 et dans celui du Mans de 1559. À partir de 1655, on reconnut qu’il « avait une fausseté pour fondement14 » et cet office fut retiré du missel manceau ; or, des années après cette suppression, la dévotion à la Sainte Larme semble encore bien populaire puisqu’elle provoque une vive indignation de la part de l’abbé Jean-Baptiste Thiers qui, curé de Champronden-Gâtines au diocèse de Chartres de 1664 à 1692, se plaint de voir sa « paroisse déserte en certains jours de l’année parce que la plupart de [ses] paroissiens s’en allaient ces jours-là à Vendôme à Madame Sainte Larme15 ». Devenu curé de Vibraye au diocèse du Mans à la fin du siècle, Jean-Baptiste Thiers engagera avec le Père Mabillon toute une polémique sur ce sujet16.

  • 17 M. Isnard, « Les miracles de la Sainte Larme et le bailli de Vendôme », dans Bulletin de la Sociét (...)

13L’on se rend à Vendôme dans l’espoir de recouvrer la vue car c’est « principalement pour les maux d’yeux que, par la suite d’un rapprochement assez naturel, la Sainte Larme [a] la plus grande réputation17 ». Or, Charles est borgne depuis sa tendre enfance, depuis ce jour des vendanges 1633 où, à l’âge d’un an, « la maladye de vérette le print qui lui a faict perdre un œil » [f° 92] ; comme pour beaucoup de ses contemporains, la petite vérole a laissé ses stigmates habituels sur le petit enfant : une affection oculaire et sans doute un visage grêlé.

  • 18 Nous avons utilisé les articles de Monsieur le marquis A. de Rochambeau, de Messieurs Isnard, Méta (...)
  • 19 Au musée de Vendôme existent encore des moules qui servaient à fabriquer des ampoules, dans lesque (...)
  • 20 Des baux de fermage des xvie et xviie siècles relatifs à ces ventes ont été étudiés par Fernand Bo (...)
  • 21 A. de Rochambeau, « Voyage à la Sainte Larme », dans Bulletin de la Société Archéologique du Vendô (...)

14Charles ne nous dit rien du déroulement de son pèlerinage, mais des érudits vendômois18 du xixe siècle, s’appuyant sur de rares documents d’archives, en ont reconstitué le modèle type. Plusieurs jours sont consacrés à ce pèlerinage : le vendredi du Lazare (4e dimanche de Carême), le dimanche de la Trinité, et les dimanches suivants jusqu’à la Saint-Jean. En 1669, c’est le dimanche de la Trinité que choisit Charles pour se rendre avec sa femme Marie dans l’église abbatiale de la Trinité où la visite a lieu. Après avoir assisté à la messe, les pèlerins, munis de petits objets19 de dévotion qu’ils ont achetés sur le parvis pour ce qui est des « ymages et binbelots20 » et à l’intérieur même de l’église pour les petits sachets de plomb aux armoiries de l’abbaye, défilent devant la relique exposée dans la nef latérale. La Sainte Larme est enfermée dans un fuseau relié par deux chaînettes d’or terminées par deux anneaux que le religieux chargé de présenter la relique enfile sur ses doigts « afin de retenir plus sûrement ce précieux joyau ; cette précaution n’est pas inutile car on a vu souvent des pèlerins essayer, dans un excès de ferveur d’avaler la sainte relique en la baisant21 ». Dans le but de contraindre les fidèles à passer un par un devant la relique, ce religieux se tient dans le chœur, à l’arrière d’un petit muret jaunâtre (construit en 1528 et toujours en place aujourd’hui). Composé de sept panneaux sculptés de larmes et de divers motifs, il comporte deux inscriptions, l’une en latin et l’autre en grec, signifiant :

Près du tombeau de son ami, le Christ
Autrefois a donné
En pleurant ce témoignage de l’amour
Et la larme de la douleur.

15Les inscriptions latines et grecques mettent l’accent sur la douleur du Christ devant la mort de Lazare ; et c’est le Christ exprimant le deuil de son ami que Charles vient adorer par l’intermédiaire de cette Larme. Élevé dans la religion catholique du milieu du xviie siècle, il sait qu’il n’y a pas de divin dans les images.

  • 22 Abbé de Vendôme, Histoire de la Sainte Larme den. Seigneur Jésus-Christ, Vendôme, Henri Hyp, s. d. (...)
  • 23 J.-B. Thiers, Dissertation sur la Sainte Larme de Vendôme, Amsterdam, 1751, p. xi.
  • 24 R. de Saint-Venant, Dictionnaire topographique, historique, biographique, généalogique et héraldiq (...)

16D’après un petit livre, écrit par l’abbé de la Trinité et ayant fait l’objet de nombreuses publications au xviie siècle, la relique du monastère est une des larmes que le Christ « pleura sur le Lazare » [f°246v°] et qui fut mise « dans le petit vase où l’on la voit encore à présent et [qu’un] Ange enferma dans un second vase un peu plus grand avec tant d’industrie que l’on peut facilement connaître que c’est l’ouvrage d’un Ange plutôt que d’un homme22 ». Apportée vers 60 à Marseille par la sœur de Lazare qui la légua à l’évêque d’Aix saint Maximin, la relique fut emportée à Constantinople au moment de l’effondrement de l’Empire romain. En 1042, elle fut remise par Michel Paphlagon, en remerciement du secours qu’il lui avait fourni en Sicile, à Geoffroy Martel comte d’Anjou et fondateur de l’abbaye de la Trinité de Vendôme. C’est du moins ce qu’affirment les abbés de Vendôme et ce que réfute l’abbé Thiers, démontrant « que la prétendue Sainte Larme de Vendôme est une des plus apocryphes, des plus fausses et des plus fabuleuses Reliques qui fut jamais23 ». La relique disparut au début du xixe siècle, piétinée par un citoyen zélé ou reléguée aux oubliettes par un clergé rigoureux, et il fut établi qu’elle n’était sans doute rien de plus qu’ » une ampoule de cristal de roche au milieu de laquelle tremblait une goutte d’eau24 ». Que d’espoirs se sont cristallisés au xviie siècle dans cette croyance ! Espoirs peut-être déçus pour Charles s’il était venu chercher à Vendôme autre chose que les indulgences données à chaque pèlerin et la joie de vivre pleinement sa foi au moment de l’apogée du renouveau catholique.

  • 25 N. Hermann-Mascard, Les reliques des saints, formation coutumière d’un droit, Paris, Klincksieck, (...)

17La vénération des saintes reliques – pratique religieuse très ancienne puis-qu’elle remonte aux premiers temps du christianisme – demeure très forte. Supports concrets de la religion, les reliques permettent aux fidèles d’approcher le surnaturel25, et afin d’encourager les paroissiens à suivre les cérémonies, des indulgences sont distribuées par l’évêque. Si l’ensemble des Manceaux leur voue un culte particulier, les Bodreau en parle cependant peu.

Les reliques mancelles

18Au Mans, parmi les nombreux saints implorés au xviie siècle, saint Julien, saint Bertrand et sainte Scolastique sont les plus honorés, et l’on aime en exposer les reliques.

  • 26 St Bertrand (585-623) est l’un des premiers évêques du Mans.

19Jehan n’écrit absolument rien au sujet des reliques mancelles qui sont cependant honorées de ses contemporains au xvie siècle. Julian évoque une fois « les chefs de Sct Jullien et Sct Bertran26 » [f° 20] promenés par les rues de la cité à l’occasion de la réjouissance de l’annonce de la paix de Vervins, et son fils Julien, décrivant la procession du 29 juin 1650, relève que, exceptionnellement, « le chef de Sct Julian [est] porté et sorti de l’enclos de la ville » [f°167]. En 1648, lors de la visite du général des Capucins, l’abbesse du Pré « fist ouvrir la chasse de Sct Julian » [f°126v°] par l’évêque du Mans et offrit « une partye d’os et relique du Sct » [f° 126 v°] à son hôte qui fut chargé de la remettre à l’église de sa ville natale en Sicile, église « fondée par un Comte du Maine qui fut roy de Naples et Sicille » [f°127]. Officialisé par un procès verbal dressé par l’évêque, ce geste remarquable atteste de l’importance accordée aux reliques, mais aucune autre mention directe n’est faite à leur sujet dans le Livre des Bodreau.

  • 27 Entre 1568 et 1670, c’est-à-dire pendant le temps de la rédaction des Bodreau, nous en comptons qu (...)
  • 28 Registre capitulaire de Saint Pierre la Cour, procession du mardi 31 mai 1583. Arch. dép. Sarthe, (...)
  • 29 Registre capitulaire de Saint Pierre la Cour, procession du dimanche 13 octobre 1669. Arch. dép. S (...)
  • 30 R. Triger, Sainte Scolastique, Montligeon, 1964, p. 148.

20Les reliques de sainte Scolastique, déposées au Mans depuis le Haut Moyen-Âge, sont très vénérées à l’époque moderne par les habitants qui lui imputent de multiples bienfaits et lui attribuent le salut de leur ville en 1562, lors des luttes religieuses. D’après les registres des Délibérations capitulaires de Saint-Pierre la Cour, nombreuses27 sont les processions au cours desquelles la châsse de sainte Scolastique est exposée, sous l’Ancien Régime. Or, les Bodreau en parlent très peu. En cent neuf années d’écriture de leur manuscrit, la descente de la châsse contenant les saintes reliques n’est signalée que deux fois alors que d’autres événements provoquant cette exposition sont décrits sans la mentionner. Jamais ils n’évoquent la pratique courante de l’organisation de processions « pro pluvia postulanda28 » ou « pour obtenir la cessation d’une sécheresse sans exemple29 ». Jehan et Charles ne parlent pas du tout de la sainte patronne du Mans ; seuls le notaire et l’avocat en font mention. À l’occasion de la procession générale qui se fait en actions de grâces de la paix de Vervins le 21 juin 1598, Julian écrit que « les chefs de Sct Jullien et St Bertran et la chasse Scte Scollastique » [f° 19 v°, f° 20] ont été portés par la ville. Le 21 juillet 1653, lors d’un terrible incendie, Julien reconnaît que « ledit ravage eust continué plus avant sans que Messieurs les chanoines de Sct Pierre portèrent en l’église des Minimes la chasse de Scte Scolastique » [f° 180]. Cette fois-là, tous les Manceaux « sans exception proclamèrent le miracle30 », y compris Julien qui cependant n’emploie pas le mot « miracle » même si, par honnêteté, il en constate l’effet.

21Les Bodreau demeurent donc très prudents à l’égard des prétendus pouvoirs des reliques. Seul Charles leur accorde un intérêt, mais leur vénération relève de plus en plus de ces multiples pratiques superstitieuses qu’un clergé instruit a beaucoup de mal à combattre.

Les signes divins

22Fidèles à la foi catholique suivant les préceptes de l’Église posttridentine, les Manceaux prêtent également l’oreille aux croyances qui persistent dans cette société peu instruite. Membres de l’élite intellectuelle de leur cité, mieux instruits et plus cultivés que la majorité des gens du Mans, les Bodreau sont confrontés, au hasard des manifestations incomprises du monde qui les entoure, aux croyances populaires et aux pratiques traditionnelles qui demeurent très vivaces.

  • 31 Laurent Joubert en 1578, Louise Bourgeois en 1617, François Mauriceau en 1668 ainsi qu’Ambroise Pa (...)
  • 32 N. Belmont, op. cit., p. 20.
  • 33 J.-B. Thiers, Traité des superstitions selon l’Écriture Sainte, les décrets des conciles, et les s (...)

23En octobre 1644, Julien note avec joie la naissance chez sa fille Marie « d’une fille laquelle est née aveq une petite taye sur la teste que on apelle coeffe et que l’on prend pour un augure et signe de bonheur » [f°116v°]. Le fait que l’avocat en fasse état n’implique pas la certitude qu’il y porte foi, mais indique simplement qu’il se réjouit avec toute la famille de ce « signe de bonheur ». C’est une croyance bien établie au xviie siècle, mais, considérée comme une superstition par l’Église, elle a provoqué de nombreux écrits tant de la part de médecins31 que de penseurs et de religieux. On estime, bien entendu, que la coiffe est une protection contre toutes sortes de dangers et, depuis le xvie siècle, « naître coiffé » se dit de quelqu’un à qui tout réussit. À l’époque romaine les avocats achetaient des coiffes de nouveau-nés aux sages-femmes afin d’assurer le triomphe de leurs causes32 ; c’est encore l’une des vertus la plus attribuée à ce phénomène et l’abbé Jean-Baptiste Thiers s’en offusquera33 à la fin du siècle. Est-ce la raison qui a incité Julien avocat à noter cela dans son Livre, ou l’a-t-il fait par souci de relater toutes les anecdotes de la vie familiale ? Sans doute s’est-on extasié de cette naissance autour de lui, mais la joie fut de courte durée car la petite Marie Gabrielle est décédée une semaine plus tard.

  • 34 B. Rigaud, Sommaire discours sur la vision et presage du comete qui premierement s’apparut environ (...)
  • 35 H. Drevillon, Lire et écrire l’avenir, Astrologie, prophéties et prédictions dans la France du xvi (...)

24Toutes les misères du temps ne sont pas acceptées ou subies sans que l’on ne tente d’en découvrir la cause afin d’en prévenir peut-être le renouvellement. Les phénomènes naturels inexpliqués intriguent, mais pour la grande majorité des hommes de l’époque moderne, tout n’est que volonté divine et Dieu les avertit en « envoy[ant] plusieurs et diverses admonitions par signes tant célestes que terrestres, comme il a dit en son evangile34 », ainsi que l’écrit Benoist Rigaud en 1577. Reste donc à reconnaître et à savoir interpréter ces signes. Au xviie siècle on cherche à deviner le futur par l’astrologie : lecture des signes ordinaires que sont les planètes et les constellations, et lecture des signes extraordinaires composés des monstres, des éclipses et des comètes35. Dans le Livre, deux observations de ces derniers sont relevées à plus d’un demi-siècle de distance par le notaire et son petit-fils Charles à propos du passage d’une comète mais leurs récits laissent apparaître une grande différence.

  • 36 P. De L’estoile, Journal du règne de Henri IV roi de France et de Navarre, avec des remarques hist (...)

25En 1607, Julian constate le phénomène de l’apparition régulière « par l’espace de X ou XII jours [d’]une estoille crineuse » [f° 39 v°]. La localisant « vers le septentrion » [f°39v°], il en précise la durée : « et paroissoit depuis les 7 heures du soyr jusques à neuf heures » [f° 39 v°], mais il n’en déduit aucune lecture de l’avenir. Sa description succincte rappelle celle de Pierre de l’Étoile au sujet de la même comète ; c’est une simple observation du phénomène. Mais le célèbre chroniqueur parisien montre aussi son dédain pour « les Philosophes et les Astrologues [qui] ne perdront pas cette occasion pour débiter leurs réflexions, leurs divinations, et leurs chimères36 ». Julian semble ne pas accorder plus de foi que son contemporain à ces croyances et il ne prend même pas la peine de les suggérer dans son Livre.

  • 37 Les premiers versets de chacun de ces deux psaumes sont identiques :
    « Yahvé, ne me châtie pas dans (...)
  • 38 B. Rigaud, op. cit., p. 10.
  • 39 H. Drevillon, op. cit., p. 93.
  • 40 A. Franklin, La vie privée d’autrefois, arts et métiers, modes, mœurs, usages des Parisiens du xii(...)
  • 41 En décembre 1680, eut lieu l’apparition de la comète de Halley.
  • 42 Il s’agit des Pensées diverses sur la comète que P. Bayle publia en 1682.
  • 43 Voltaire, Essay sur l’Histoire génerale, et sur les mœurs et l’esprit des nations, depuis Charlema (...)
  • 44 J.-B. Thiers, Traité des superstitions selon l’Écriture Sainte, les décrets des conciles, et les s (...)

26À l’inverse de son grand-père, Charles, décrivant une comète en 1664, laisse percer sa frayeur dans la description qu’il en donne. L’aspect du phénomène, qui « jette des petits fillets comme des raions de touts costés » [f°233v°], lui inspire la vision d’un châtiment divin, aussi écrit-il que « la queüe de la commette [est] semblable à une verge » [f°233v°], instrument de punition. Il s’empresse de prier « Dieu de détourner son ire » [f°233v°] et ajoute une phrase latine : « Domine in furore ne arguas me » [f° 233 v°] empruntée au psaume 37, chanté le vendredi saint lors de l’office des Ténèbres, et au psaume 6 37, récité par le prêtre lors de sa visite des malades. Le psaume 6 est le premier des sept psaumes de pénitence et s’intitule : « Imploration dans l’épreuve » alors que le psaume37 est destiné à une « Prière dans la détresse ». Besoin de faire pénitence, impression de vivre dans la détresse, c’est bien ce qui est exprimé dans les lignes écrites par Charles et, en observant la comète, il éprouve réellement le sentiment d’un châtiment divin. L’opinion courante selon laquelle ces signes « presagent et annoncent misères, pauvretez, calamités et tristes evenemens38 » est pourtant contestée par quelques-uns et « dès la fin du xvie siècle, le caractère surnaturel et la valeur miraculeuse de ces prodiges a été discutée, au même titre que celles des monstres et autres dérèglements de la Nature39 ». Mais, dans son Traité de la peste publié en 1620, le médecin Jean de Lampérière assure que les causes premières de ce fléau sont « les comètes, les feux follets, le tremblement des étoiles, le mauvais aspect des planètes et les tremblements de terre40 » et, au milieu du siècle des Lumières, Voltaire écrit que : « les idées superstitieuses étaient tellement enracinées chez les hommes, que les Comètes les effrayaient encor en 168041 » et il pense qu’ » il falut que Bayle écrivît, contre le préjugé vulgaire, un livre42 fameux43 », pour que la raison triomphe. En 1697, l’abbé Jean-Baptiste Thiers condamne ces superstitions après avoir montré combien les savants pères de l’Église s’en sont de tout temps préoccupé, et conclut son Traité des superstitions en disant que « la connoissance des choses à venir est particulière à Dieu [… et que] c’est une témérité insuportable aux créatures que de vouloir s’attribuer ce qui n’appartient qu’à leur Createur44 ».

27Charles se distingue donc de ses pères en accordant du crédit aux croyances populaires, alors que Jehan ne note même pas le passage de la comète en 1577, que Julian relate simplement une observation qu’il fait et que Julien ne signale aucun événement de ce genre.

  • 45 A. Le Corvaisier, Histoire des évesques du Mans, Paris, Cramoisy, 1648, p. 874.
  • 46 F. Balthazar De Bellême, manuscrit 15484 de la Bibliothèque de Rennes, p. 16

28Les moments de réjouissance, organisés par l’Église à l’occasion d’une béatification ou d’un jubilé sont nombreux. Julian a relevé la béatification du frère Félix, action publique et solennelle où l’évêque « donne témoignage de son éloquence45 ». Le 21 juillet 1626, c’est parmi la foule des Manceaux que Julian assiste à « la feste de la béatification » [f°82] du moine capucin au cours de laquelle « Msr Charles de Beaumanoir évesque du Mans a officié et presché » [f°82]. Frère Balthazar de Bellême écrit qu’il « prescha avec applaudissement aux Capucins du Mans a la beatification du B. H Fœlix46 ». Pour permettre une « grande affluence de peupple » [f°237] venu acquérir les indulgences nécessaires au salut éternel, « la jurisdiction cesse » [f°82]. Sur son tout dernier folio, malgré l’erreur qu’il commet dans la dénomination, Julien se réjouit de la béatification de saint François de Sales en 1662, tout comme son fils Charles qui décrit en 1666 la cérémonie de canonisation de l’évêque de Genève. Charles note encore, en 1670, « la feste de St Pierre d’alcantara » [f°240v°], un Franciscain espagnol mort un siècle auparavant et dont la béatification est fêtée au couvent des Cordeliers.

  • 47 M. Feuillas, article « Jubilé », dans F. Bluche, op. cit., p. 797.

29L’année de grâce et d’indulgence, que représente le jubilé, revient tous les vingt-cinq ans depuis le milieu du xve siècle (pontificat de Paul II), mais il arrive que les papes accordent un jubilé pour célébrer leur avènement47. En décembre 1667, le « nouveau pappe Clément neufvième » [f°242] proclame l’ouverture du jubilé et, en la cathédrale mancelle, le prêche est assuré par un condisciple de Charles qui se flatte alors d’avoir été le « camarade d’escolle » [f°242] d’un « docteur en Sorbonne » [f° 242].

30Depuis plusieurs siècles, Le Mans compte de grandes abbayes construites dans ses faubourgs, mais totalement intégrées à la vie mancelle. Les abbés de ces établissements sont des personnages importants de la ville et Julian le montre bien lorsqu’il dit son inquiétude quelque temps après l’enterrement de l’abbesse du Pré en 1607. « Nota qu’il n’y a encores d’abesse quoy que soyt qui ayt prins possession » [f°38v°], écrit-il en marge du folio relatant son inhumation. Après le Concile de Trente, le renouveau catholique se concrétise dès le début du xviie siècle au Mans par de nombreuses installations d’ordres religieux.

Les ordres religieux « institués et établis »

  • 48 Les Jésuites sont refusés en 1618 par les Manceaux qui préfèreront confier leur collège aux Orator (...)
  • 49 La requête des Récollets de La Flèche désirant s’établir au faubourg Saint-Jehan est rejetée en 16 (...)
  • 50 Le 26 septembre 1642, l’établissement des religieuses Saint-Dominique est accordé par la ville à d (...)
  • 51 Les prêtres de la Mission au Mans s’installent en 1646 dans la Maison-Dieu de Coëffort. Arch. dép. (...)

31Tous les ordres religieux qui désirent s’installer dans la ville du Mans ne sont pas admis. Les Bodreau ne parlent pas des refus qui sont opposés à certains d’entre eux, tels les Jésuites48 et les Récollets49 par exemple, et seules quelques-unes des installations autorisées par la ville figurent dans leur Livre, mais certaines sont tues, telles celle des Dominicaines50 et celle des Lazaristes51. Ces deux dernières congrégations arrivent au Mans après le décès de Julian et son fils n’a pas cru utile de les enregistrer dans son Livre. Est-ce pour les auteurs une façon de dire ou pas leur approbation ? Devons-nous voir dans ce choix des informations une expression de leur opinion personnelle au sujet des décisions prises par la ville ? Remarquons tout de même que plusieurs enfants de la famille Bodreau iront faire leurs études au collège des Jésuites à La Flèche et que l’un des neveux du notaire, Michel Bodreau, entrera dans l’ordre des Récollets.

32Le Livre des Bodreau note l’arrivée des Capucins en premier, suivis par les Minimes, les Ursulines, et enfin les Visitandines. Ces implantations ont lieu au début du siècle et, même si elles se font sur plusieurs années, c’est essentiellement Julian le notaire qui les évoque.

  • 52 P. dom Piolin, op. cit., tome vi, p. 7.
  • 53 Délibérations du Conseil de Ville du 20 mars 1601. Cf. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, (...)
  • 54 A. Le Corvaisier, op. cit., p. 875.
  • 55 Délibérations du Conseil de Ville de 1618. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, dans Annuai (...)
  • 56 Ibid.

33« Durant plusieurs années, le chapitre avait appelé des Capucins pour prêcher à la cathédrale les stations du Carême52 » et les Manceaux expriment53, le 20 mars 1601, le souhait de voir cet ordre s’installer dans leur ville, proposant même de les « loge[r] et place[r] en une maison près le pressouer du chappittre paroisse St Vincent » [f°29] en attendant que leur couvent soit construit. Le 21 avril 1602, après une procession générale, « monseigneur Lepelletier grand doyen » [f°28v°] bénit leur croix que l’on garde à La Couture parce que la peste sévit dans la ville et que l’on attend « l’opportunité de la planter au lieu qui leur a esté donné et dédyé pour bastir leur monastère » [f° 28 v°]. En effet, le chapitre de la cathédrale a fait don au nouvel ordre manceau d’une « piècse de terre sise au dessus des Troys Maillets près Sct Vincent » [f°31v°]. L’évêque Mgr Claude d’Angennes est décédé l’an passé et « le siège épiscopal [est] vacant » [f° 31 v°], ce qui explique le rôle tenu par le grand doyen en avril, puis « par Mr Chappelet grand vicaire du chappitre du Mans » [f°31v°] qui se charge de la bénédiction de « la première pierre de l’église des capucins » [f°31v°], le 16 août 1602. Ce jour-là, affirme Julian, l’église des Capucins est « dédiée à Dieu en l’honneur de la Visitation de la Vierge de messieurs Sct Julian et Sct Françoys » [f° 32]. Et le 4 juillet 1612, l’évêque Charles de Beaumanoir dédie l’église des Capucins sous le vocable de la Visitation54. Après la vacance du siège épiscopal (de mai 1601 à janvier 1611), le nouvel évêque du Mans entérine l’acte du grand vicaire. L’édification des bâtiments s’éternise et, en 1618, douze charretées de pierres provenant de la démolition du château sont accordées55 aux Capucins pour la construction de leur couvent. La même année, les Minimes demandent la permission56 de s’installer au Mans et les paroisses y consentent.

  • 57 « À l’hôtel de l’Épichelière » selon P. dom Piolin, op. cit., tome vi, p. 60.
  • 58 A. Le Corvaisier, op. cit., p. 875.

34Dès 1618, l’ordre des Minimes est accepté par les Manceaux et ils ont « esté institués par Mr le Révérend évesque du Mans Charles de Beaumanoir » [f° 68]. Les Minimes avaient élu provisoirement domicile57 « au lieu des Arraines » [f° 68], mais en 1619 ils demeurent « en leur maison et couvent près des halles » [f°68]. Leur église « a esté commencé à bastir en 1624 et les fondemens prins » [f°80], écrit Julian alors qu’Antoine Le Corvaisier58 fixe le début de la construction en 1623 et dom Piolin en 1622. Sans doute ce dernier reprend-il les registres de l’Hôtel de Ville indiquant que, le 27 avril 1622, cent charretées de pierres du château sont allouées aux Minimes au prix de dix et douze sols l’unité. Il a fallu plus de dix ans à l’ordre de SaintFrançois-de-Paule pour être définitivement installé au Mans non loin de l’abbaye de La Couture. Aujourd’hui, une des rues les plus commerçantes du centre ville s’ouvre à cet endroit et perpétue le souvenir des moines en s’appelant « rue des Minimes ».

35Les Capucins et les Minimes sont des ordres mendiants, à l’image des Cordeliers et des Jacobins établis depuis le xiiie siècle au Mans. Au moment où ces ordres masculins prennent place en ville, Le Mans reçoit également une requête de l’ordre féminin des Ursulines.

  • 59 Délibérations du Conseil de Ville du 23 mars 1621. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, dan (...)
  • 60 La clôture stricte et les vœux solennels sont une exigence du Concile de Trente.
  • 61 Les chroniques de l’ordre des Ursulines recueillies pour l’usage des religieuses du mesme ordre pa (...)
  • 62 R. Bons, Les communautés religieuses de femmes au temps de la réforme catholique et des Lumières, (...)
  • 63 Délibérations du Conseil de Ville du 25 février 1623. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, (...)

36« Les filles Ursulines ont esté instituées et établies » [f°73v°] par l’évêque Charles de Beaumanoir, note Julian, « le sapmedy Xe apvril vigille de Pasques 1621 » [f°73v°]. Elles avaient adressé leur requête au conseil de ville59 qui, dès le 23 mars, avait donné son accord à condition que les religieuses s’engagent à instruire la jeunesse et à ne pas mendier. Quelques jours après la délibération du Conseil de Ville, elles sont « placées et enfermées60 en la maison qu’elles ont prise sittuée derrière l’église Sct Nicolas » [f°73v°]. Venues de Bordeaux et de Laval61 en janvier 1623, les Ursulines restèrent l’unique couvent de Sainte-Ursule dans le Maine62. Pour l’édifier, la ville63 leur attribua vingt charretées de pierres provenant de la démolition du château. De nos jours, l’office de tourisme y a établi ses bureaux de la rue Mendès-France.

  • 64 Madame de La Ferrière est la fille de René Froullay, comte de Tessé, et de Marie d’Escoubleau de S (...)
  • 65 Délibérations du Conseil de Ville des 7 et 9 mai 1632. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, (...)

37En 1632, « la dame de La Ferrière64 de la maison de Tessé » [f° 95] demande la permission de fonder un couvent dans la ville pour les filles de l’Ave Maria. Elle n’y est autorisée65 qu’à la condition d’en prendre tous les frais à sa charge. Au mois d’août 1634, les religieuses « ont esté receues en cette ville pour y demeurer et y establir un couvent » [f° 95] et elles « demeur[ent] au logis du deffunct sr de La Bataillère en attendant qu’elles trouveront une place et logis pour les habiter » [f°95], note Julian sur le dernier feuillet de son Livre. L’évêque Charles de Beaumanoir est absent et, ainsi que pour l’institution des Capucins trente ans plus tôt, c’est son représentant, alors « monsr des Chapelles grand doyen en l’église du Mans » [f°95v°], qui officie à sa place et « célèbre la messe en ladite maison où sont de présent lesdites religieuses » [f° 95 v°]. Dix ans s’écoulent avant qu’elles n’entrent « en leur monastère des halles » [f° 119]. Julian ne vit pas assez longtemps pour voir cette installation et c’est son fils Julien qui note leur prise de possession du terrain « qu’elles ont achepté de Bouricher bourgeois et y ont faict bastir le logement et enclos tel qu’il est qui a esté parfaict en six ou sept mois » [f° 119]. En cours de rénovation au début du xxie siècle, l’église de leur couvent s’élève aujourd’hui sur la place de la République d’où les halles ont disparu.

  • 66 Capucins : folios 28v°, 29, 31v° et 32 ; soient 47 lignes.
    Minimes : folios 68 et 80 ; soient 17 li (...)

38Les Bodreau ont écrit seulement dix folios pour dire les nouvelles installations religieuses dans leur ville, mais la phrase finale que le notaire rédige au moment de celle des Capucins, la première installation évoquée dans le Livre, résume l’attente qu’ils nourrissent à cet égard : « Dieu par sa saincte grace les veuille multiplier en nombre piété et science des saintes lettres » [f°29]. L’espérance de voir se répandre la connaissance et la foi catholique dans leur ville repose en partie sur l’action et l’exemple apportés par ces religieux. Peu de lignes66 (cent vingt-et-une) sont donc consacrées à ces installations religieuses, si importantes cependant pour la ville, et il faut qu’une querelle intérieure franchisse les murs de l’abbaye de La Couture et trouble la quiétude de la cité pour qu’en 1659 Julien écrive plusieurs folios à ce propos.

L’installation tumultueuse de la congrégation de Saint-Maur

  • 67 Encyclopædia Universalis, Paris, France S. A., 1968, tome xx, p. 1691.

39Autorisée depuis 1618 par Louis XIII, la nouvelle congrégation bénédictine mise sous le patronage de saint Maur qui, pensait-on, « avait fait connaître la Règle de Saint Benoît en France67 », est approuvée par le pape en 1621 et, au cours du xviie siècle, elle réussit à répandre la réforme bénédictine en France dans plus de deux cents abbayes.

  • 68 S. Menjot D’elbenne, Une émeute au Mans en 1659, Le Mans, Leguicheux-Gallienne, 1893, 16 p.
  • 69 Archives du département des Affaires Étrangères-Provinces de France, copie de la lettre de M. du M (...)
  • 70 Ms de la Bibliothèque de Rennes, écrit par le frère Balthazar De Bellême.
  • 71 Extrait des Papiers de M. Landel. Cabinet de M. le Vicomte Menjot D’elbenne. Papiers de M. de Lest (...)
  • 72 C. Morand, Histoire de la province du Maine par un chanoine de l’Église du Mans, manuscrit, tome i (...)
  • 73 P. dom Piolin, op. cit., tome vi, p. 272.

40Une affaire importante relative à cette réforme des abbayes bénédictines par la congrégation de Saint-Maur secoue la ville du Mans en 1659 et en 1660. Julien avocat montre un grand intérêt pour cette querelle monastique au même titre que de nombreux Manceaux qui y ont pris part en personne, mais très peu d’entre eux ont laissé des écrits sur ce sujet. À la fin du xixe siècle, le vicomte Samuel Menjot d’Elbenne en publie une relation68 de quelques pages. Pour cela, il s’appuie d’une part sur une lettre de l’évêque69, Mgr Philibert Emmanuel de Beaumanoir de Lavardin, envoyée au Cardinal de Mazarin, d’autre part sur le manuscrit70 rédigé par un Capucin témoin des faits, et enfin sur la découverte, dans les Papiers de M. de Lestang71, de quelques feuillets manuscrits écrits par un témoin anonyme, mais il ignore alors l’existence du Livre des Bodreau. Par ailleurs, le manuscrit du chanoine Morand évoque brièvement cet épisode72 de l’histoire du Maine et dom Piolin y consacre quelques lignes de son Histoire de l’Église du Mans73. C’est donc en lisant le Livre de famille des Bodreau que nous avons un témoignage contemporain et complet de cet événement.

  • 74 Le 30 juin 1636, le roi envoie deux hommes pour veiller à la bonne entente entre les anciens relig (...)
  • 75 Messire Eugène de Savoie, comte de Soissons, abbé commendataire de La Couture.
  • 76 S. Menjot D’elbenne, op. cit., p. 5.
  • 77 Arrêt du Conseil privé du 27 mai 1659, dans : Arrest de la Cour de Parlement pour les religieux de (...)
  • 78 Jean de Beaumanoir, comte d’Antoigné, a succédé à son père dans cette charge en 1654.
  • 79 P. dom Piolin, op. cit., tome vi, p. 272.

41Des moines bénédictins de la congrégation de Chezal-Benoît sont déjà présents à l’abbaye de Saint-Vincent lorsque, en 1636, la réforme mauriste s’y installe, non sans heurts74, mais Julian notaire n’en a rien noté dans son Livre. Il faut attendre vingt ans pour voir des moines réformés entrer à La Couture. Le 13 novembre 1656, l’abbé commendataire75 de La Couture signe un concordat avec les moines réformés de Saint-Maur, mais ce n’est que le 7 septembre 1657 que leur installation est effective, malgré l’opposition d’une poignée d’anciens « constamment et énergiquement soutenus par les habitants, le présidial et la maison de ville76 ». D’une part, le corps de ville reproche aux moines réformés d’être à la charge du public et d’autre part les anciens moines de La Couture jouissent d’une grande popularité due aux aumônes qu’ils prodiguent. Néanmoins, l’intégration semble s’être faite lorsque, à peine deux ans plus tard, « le jour des rogations de mai 1659, les anciens religieux de l’abbaye de La Coulture estant restés dans ladite abbaye pendant que les religieux de Saint-Maur estoient en procession fermèrent les portes de ladite abbaye » [f°191]. Les moines réformés se heurtent à un groupe d’habitants armés appuyant les anciens religieux et ils doivent se réfugier à l’abbaye Saint-Vincent. Ils en appellent au roi qui, une semaine plus tard77, « enjoin[t] au lieutenant général78 de rétablir [les réformés] » [f°191v°] avec l’aide de la ville, mais les anciens religieux ayant fait appel également, « il fut dit que sur leur opposition les partyes auroient audience et jusques à ce que toutes choses demeurassent en estat » [f°192]. Et de nouveaux arrêts du Conseil, l’un le15 juillet et l’autre le18 août79 tendant à réintégrer les moines réformés, sont vainement pris.

  • 80 L’auteur inconnu du manuscrit édité par S. Menjot d’Elbenne indique que les réformés lui [à M. Mor (...)
  • 81 Le 21 septembre selon le chroniqueur anonyme et le 22 selon Julien Bodreau.
  • 82 S. Menjot D’elbenne, op. cit., p. 6. Ces gens sont des « paysans déguisés en soldats ».
  • 83 Thomas Morent, marquis du Mesnil Garnier, maître des requêtes, alors intendant de Touraine, Anjou (...)
  • 84 S. Menjot D’elbenne, op. cit., p. 9. Dans sa lettre à Mazarin, l’évêque dit que Morant estime que (...)
  • 85 Nommé seulement par le chroniqueur anonyme.
  • 86 Moine de La Couture dont l’insolence fut considérée comme une action personnelle par l’évêque dans (...)
  • 87 S. Menjot D’elbenne, op. cit., p. 6.
  • 88 Ibid.
  • 89 « Sur les trois heures après midi » selon le manuscrit anonyme et « sur les onze heures » [f°195] (...)
  • 90 Disparue aujourd’hui.
  • 91 C’est-à-dire de 160 à 180 hommes.
  • 92 Appelés « faux frères » par l’auteur du manuscrit.
  • 93 D’après le chroniqueur anonyme. Le moine Nepveu est cité par Julien Bodreau qui le dit : « fils de (...)
  • 94 Cette action lui valut l’inimitié des Manceaux.
  • 95 Commune du canton de Sainte-Suzanne. Cet homme fait sans doute partie de la compagnie du prévôt de (...)
  • 96 Pierre Ragot est curé du Crucifix depuis 1653. Sous la cote 1 J 116 aux Archives départementales d (...)
  • 97 Les récits de Julien Bodreau et du chroniqueur inconnu s’accordent sur le déroulement.
  • 98 Auteur anonyme, op. cit., p. 16. Ou « dans le ventre » selon Balthazar de Bellême.
  • 99 « Le sieur Brossard, marchand » [f° 196v°].
  • 100 Auteur anonyme, op. cit., p. 16.
  • 101 S. Menjot D’elbenne, op. cit., p. 7.

42À la fin de septembre, « les religieux refformés de l’abbaye de Sainct Vin-cent […] voulant rentrer en la possession de l’abbaye de La Coulture [...] firent venir de Tours en ceste ville Mr Morent, maistre des requestes et intendant » [f°194v°], écrit Julien qui, désirant mettre l’accent sur la méthode de persuasion utilisée par les religieux, ajoute qu’ils lui « firent délivrer (comme le commun bruit est) dix mil Livres pour son voiage et mil Livres pour son segrétaire » [f°194v°]80. Julien se fait là l’écho de la rumeur publique : « comme le commun bruit est », et, s’il se rallie à cette opinion en la reprenant, il montre bien qu’il ne dispose pas de source assez sûre lui permettant d’affirmer son information. Arrivé81 au Mans avec une troupe composée d’une centaine de gens de pied82, l’intendant83 loge dans le faubourg « en l’hostelerie des Quatre-Vents en proximité des halles » [f°195], précisément, remarque Julien, près « du lieu ou l’incendie ariva la nuit mesme » [f°195]. Julien fait le lien entre les deux événements et suggère ainsi au lecteur de le faire. Le lendemain, mardi 23 septembre, l’intendant convoque les autorités municipales et leur ordonne de l’assister dans sa tâche « avec inionction de luy faire prester main forte par les habitans » [f° 195] afin de réintégrer les moines réformés à La Couture. La ville se soumet à ses ordres84 et l’intendant fait publier l’ordonnance au son des tambours, au palais et aux carrefours. Le sieur de Segrais85, prieur de La Couture, la reçoit mais le sieur Laigneau86 déchire les imprimés et « rosse le commissaire87 ». L’intendant, le procureur du roi, les échevins, les prévôts des maréchaux du Mans et de Sainte-Suzanne88 se présentent aux portes de l’abbaye, ou plus exactement à la porte du presbytère89 de l’église paroissiale90 de La Couture, et M. de la Rivière, conseiller du Roi au Présidial, les y attend pour verbaliser à l’intérieur du presbytère. Pendant ce temps, « les réformés [font] trouver environ de huit à neuf vingt91 hommes armés » ; une centaine de ces hommes commandée par trois moines réformés anciens92 de La Couture nommés Nepveu, Sallier et Guérin93, bloquent l’accès à la grande porte de l’abbaye pendant que les autres, conduits par Me Arnoul Pillon94, avocat des réformés, tentent d’escalader le mur de l’abbaye, « au derrière des murs de La Coulture vers le grand cimetière » [f° 195 v°]. C’est alors qu’un coup de fusil tiré de l’intérieur de l’abbaye tue un notaire de Blandouet95. Dans la panique qui s’ensuit, on abandonne le cadavre sur place jusqu’au lendemain soir et c’est le curé de la paroisse du Crucifix, le sieur Ragot96, qui l’inhumera. La foule épouvantée s’enfuit et, « au droit de l’hostellerye du Mouton97 qui est à l’embouchure de la rue à aller au grand cimetière » [f°196], le moine Nepveu « d’un coup de pistolet à brusle pourpoint98 » tue le marchand Jacques Olivier. Les gens se ruent sur le meurtrier qui tente de s’enfuir mais le beau-frère d’Olivier99 le remet au « commissère de la cour, Me Jean de la Rivière Sieur de Vert » [f° 197], qui l’emprisonne « sous la chapelle Saint-Bertrand100 » à l’abbaye de La Couture. Entre-temps, alors que l’intendant donnait l’ordre d’assaillir l’abbaye, « le doyen du présidial avait apporté un arrêt du Parlement favorable aux anciens moines101 » et le sieur Morent avait donné l’ordre d’obéir. Apprenant les exactions de la foule, ce dernier prend peur et s’enferme dans l’église paroissiale de La Couture avant de se réfugier pour la nuit à l’évêché d’où il se rendra à Touvoie pour voir l’évêque. C’est l’instauration d’un statu quo et les moines réformés retournent à Saint-Vincent.

  • 102 « Arrest de la Cour de Parlement, pour les religieux de la Congrégation de Saint-Maur, ordre de Sa (...)
  • 103 Ibid.
  • 104 Ibid., p. 4.

43La procédure continue près de deux ans. Les « anciens religieux [sont] condamnés par arest de la chambre102 suivant les conclusions de Mr l’avocat général Talon » [f°212v°] à accueillir les moines réformés et à « leur restituer toutes les provisions titres et ornemens » [f°212v°], c’est-à-dire « les deniers, grains, vins, meubles et tous les deniers qui ont esté receus des fermiers103 ». L’avocat général Omer Talon considéra l’événement comme important par le fait « inouï104 » de l’insolence des anciens religieux de La Couture qui voulurent interdire aux religieux de Saint-Maur de passer un concordat avec l’abbé de leur abbaye. L’arrêt de la Cour de Parlement du 26 février 1661 stipule que les religieux anciens ne sont pas excusables car

  • 105 « Arrest de la Cour de Parlement, pour les religieux de la Congregation de Saint-Maur, ordre de Sa (...)

« depuis que la Congrégation de Saint-Maur a été mise en possession, l’arrêt du 12 janvier 1658 dit aux Anciens ce qu’ils doivent et peuvent faire, leur permettant seulement d’assigner la Congrégation [… et] cette violence ne peut être soufferte en justice105 » ;

  • 106 Selon Julien Bodreau, « Le samedy avant le dimanche des rameaux 2 jour d’Apvril 1661 » [f°212] et (...)
  • 107 Lettre du 26 septembre 1659. « La crainte du chastiment a redoublé l’aversion que la ville a toujo (...)

44en conséquence, les religieux de la congrégation de Saint-Maur sont réintégrés à l’abbaye de La Couture. Le procès-verbal de cet accord du 26 février 1661 est dressé par le lieutenant général Jacques Le Vayer et le 2 avril 1661106, les réformés « partirent en corps de l’abbaye Sainct Vincent » [f°212 v°], satisfaits sans doute, en cette symbolique veille des Rameaux, de montrer leur triomphe aux Manceaux qui ne les aimaient guère ainsi que l’écrit l’évêque à Mazarin107. S’il semble que l’auteur anonyme ait davantage conté cet événement par le menu, Julien apparaît ici comme un chroniqueur objectif qui donne l’essentiel à retenir jusqu’à l’épilogue survenu deux ans plus tard.

  • 108 Jacques du Jariel, sieur du Baril, est un ami de Mathieu Chesneau, un gendre de Julien. Le 26févri (...)
  • 109 « Arrest de la Cour de Parlement, pour les religieux de la Congregation de Saint-Maur, ordre de Sa (...)

45Durant ces deux années de procédure, des sanctions furent prises contre « le sieur du Baril Jariel108 conseiller et avocat du Roy et le sieur Godeau assesseur au siège de la provosté » [f°213] qui furent bannis du Mans par le roi le 2 février 1660 et tenus à résider l’un à Saumur et l’autre à Chinon parce qu’ils « soustenoient le party des antiens religieux de La Coulture contre les refformés de Sct Vincent » [f°198v°, f°199]. Me Jacques Le Jariel comptait un neveu parmi les anciens moines et « un fils que les refformés avoient déjetté » [f° 199] et l’oncle du sieur Godeau était un moine ancien. Julien clôt son récit par ce constat : « ce qui a causé beaucoup de scandale » [f° 199], mais nous ne trouvons pas d’autres échos de la façon dont les Manceaux reçurent cette affaire. Dans l’arrêt pris par la Cour de Parlement le 26 février 1661, figurent bien les noms de trois avocats demandant « que leurs enfants François Jarriel, François Barreau, Michel Tantost soient declarez Profez de l’Abbaye de La Cousture109 », mais il seront déboutés, un noviciat étant institué pour ces jeunes et l’octroi d’une pension étant accordé à ceux qui ne peuvent rester. Il n’est pas fait allusion au sieur Godeau qui, soutenant un moine ayant déjà fait profession, n’est pas dans le même cas. Lorsque, un an plus tard en mars 1661, ces deux Manceaux sont « rappelez de la relégation » [f°213] et reviennent au Mans, Julien leur prête un motif commun de soutien aux anciens en écrivant : « attendu qu’ils avoient deux enfans novices en l’abbaye resceuz un peu avant la refforme et qui n’avoient encor faict profession pour n’avoir l’age » [f°213v°]. A-t-il oublié que le sujet de leur réclamation n’était pas comparable bien qu’il eut entraîné un même soutien aux revendications des anciens moines, ce qui leur avait valu cette même peine ? Quoiqu’il en soit, il soulève ici la difficulté que rencontra la réforme catholique pour, à la suite du Concile de Trente, lutter contre les vocations forcées et, notamment, supprimer les oblats dans les monastères.

  • 110 « Factum pour Me Jacques Le Jariel, sieur du Barry, magistrat en la sénéchaussée et siège présidi (...)
  • 111 « Factum pour maistre François Le Jariel, clerc tonsuré, demandeur en enthérinement de Bref contre (...)
  • 112 Ibid., p. 2.
  • 113 « Factum pour Me Jacques Le Jariel, sieur du Barry, magistrat en la sénéchaussée et siège présidia (...)
  • 114 « Factum pour me Jacques Le Jariel contre frère François Le Jariel… », ibid. p. 7

46L’affaire n’était pas close pour la famille Le Jariel. En effet, Frère François Le Jariel, fils de Me Jacques Le Jariel et de dame Anne Masse, attentait encore un procès à ses parents à ce sujet en 1677. Me Le Jariel, sieur du Barry avocat en la sénéchaussée et siège présidial du Mans, désirant faire entrer son fils de onze ans à l’abbaye de La Couture, avait « traité de son ingrez avec les Prieur et Religieux de ladite abbaye110 » en 1655, mais, n’y ayant pas de place vacante, les parents du jeune novice durent payer une pension qui s’élevait alors à mille cinq cents livres111, somme qui devait être rendue si la profession n’avait pas lieu. Le 15 mai 1657, les moines de la congrégation de Saint-Maur, essayant d’établir la réforme à La Couture, décidèrent que les novices devaient « se retirer sans être admis à la profession112 ». Le Concile de Trente imposait l’institution d’un minimum de seize ans pour la profession monastique après un an de noviciat. François partit pour Angers dans une abbaye réformée où il déclara ne pas désirer être moine et dit que son père lui fit violence en le plaçant comme novice à La Couture. Mais, pendant le statu quo de La couture, « il fut avisé par un consentement commun que ces jeunes religieux qui demandoient à faire leur profession seroient reçûs à la faire113 » et que leurs pensions leur seraient réglées au même titre que celles des anciens religieux. Or, les religieux de La Couture reçurent l’enfant à faire profession à treize ans et les moines de la congrégation de Saint-Maur tentèrent de limiter les dépenses en « subornant » les jeunes et en leur faisant signer des actes de protestation contre leurs vœux. Ce fut le cas du fils de l’avocat manceau Me Jacques Le Jariel. Entré comme oblat à La Couture, il tente vingt ans plus tard de faire reconnaître la nullité de sa profession en accusant parents et maîtres et finit par quitter l’habit, rejeté de tous. Le procès de 1677 l’opposant à ses parents, conclut que ses plaintes « ne sont que les éfets d’un esprit blessé, d’une âme abandonnée du secours du ciel, qui cherche des excuses à son apostasie114 ».

47En ce siècle de reprise en main de la morale par l’Église catholique, il ne peut être admis de « jester le froc aux hortyes » [f°237v°], ainsi que l’écrit Charles en 1666 parlant de son filleul Charles Chesneau qui avait pris l’habit de Jacobin. Ces excès sont sans doute imputables à un certain durcissement de la morale.

Le durcissement de la morale

48Ce n’est qu’à partir de 1660 que le Livre contient quelques évocations de condamnations à mort ayant eu lieu au Mans. Les punitions publiques alimentent-elles davantage les conversations ? Sont-elles plus nombreuses ou interpellent-elles plus Charles que ses pères ? Jehan et Julian n’ont pas choisi de les retenir dans leurs écrits et Julien n’en note aucune jusqu’au 2 avril 1662, date de l’exécution d’un « blasphémateur ».

« Exécrable blasfémateur du nom de Dieu »

  • 115 R. Taveneaux, Le catholicisme dans la France classique (1610-1715), Paris, SEDES, 19, 1994, tome i(...)
  • 116 A. Lebigre, La justice du Roi, la vie judiciaire dans l'ancienne France, Paris, Complexe, 1995, p. (...)
  • 117 A. Furetière, op. cit., article « Blasphème ».

49Quelle autre punition que la mort peut être réservée à celui qui est « convaincu d’avoir proféré des blasfèmes exécrables contre Dieu la Vierge et les Saincts » [f°221] ? Le blasphème constitue alors « une véritable profession d’athéisme115 » qui risque d’entraîner la colère divine sur toute la communauté116. Mais Brindeau, le tailleur d’habits coupable, pensait-il mériter un tel supplice pour ses paroles proférées en public ? Il avait pourtant fait appel, mais la « sentence […] fut confirmée par arest qui fut exécuté » [f°221]. Aucun pardon n’est possible puisque « son corps bruslé et ses cendres jettées au vent » [f° 221] ne lui permettront jamais la rédemption espérée de tous les catholiques. Les Manceaux massés sur le parcours du calvaire de leur semblable ont dû être impressionnés par la sévérité de la peine, mais Julien, qui la décrit en avril 1662, ne donne pas son propre sentiment devant une telle condamnation. Nous ne pouvons savoir si, en choisissant de la noter dans son Livre, il accrédite le durcissement du règne de Louis XIV sur ce point ou si, au contraire, il veut montrer sa désapprobation devant cette punition suprême. Il bâtit son récit en assénant d’emblée que « le mardy 2 jour d’Avril 1662 a esté exécuté de mort un nommé Brindeau » [f°220v°] ; et ce n’est qu’après avoir décrit toutes les étapes du supplice qu’il donne en quelques mots le motif de l’exécution : « ledit Brindeau avoit esté convaincu d’avoir proféré des blasfèmes exécrables » [f°221]. Le blasphème est « un crime énorme qui se commet contre la Divinité par des paroles ou des sentiments qui choquent sa Majesté ou les mystères de la vraie religion117 » et plusieurs ordonnances de police en établissent les réprimandes. Quelques-unes sont conservées aux archives et elles datent des années de la rédaction de Charles. Celle du 13 novembre 1666 constate que trop de contraventions aux ordres royaux ont lieu et elle stipule que, en cas de blasphème, il sera encouru une peine

  • 118 Ordonnance de police du 13 novembre 1666. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 614.

« de 60 livres d’amende pour la première fois, appliquable un tiers au Roy, un tiers à l’Hospital General, et l’autre tiers au delateur […] et pour la seconde fois, sous peine de punition corporelle d’avoir les lèvres coupées, la langue percée, et de la vie s’il y eschet118 ».

50Il est décidé que cette

  • 119 Ibidem.

« ordonnance sera leuë et publiée d’année en année les premiers dimanches d’après la Feste Saint Martin d’Hyver, aux Prônes des Messes paroissiales des Eglises de notre Ressort, et signifiée à la diligence du Procureur Fischal, aux Hosteliers, Cabarettiers et Maîtres de Jeux119 ».

51Dès lors, personne ne peut s’étonner des conséquences de ses actes et de ses paroles. Au moment du renforcement de ces ordonnances de police, Julien n’est plus ; et il n’est pas certain qu’il y eut adhéré totalement. Charles, en revanche, semble rassuré par une justice implacable.

« Qui tue sera tué »

52Hommes de loi, tous deux avocats, Julien et Charles ont une idée précise de la justice. Cependant, si Julien se pose des questions, son fils semble considérer les faits plus simplement. L’anecdote suivante le laisse deviner. Le 29 octobre 1666, un meurtrier manceau profite de la tradition qui veut que, lors de l’entrée d’un nouvel évêque à Orléans, il existe « un privillège de délivrer les coupables de mort » [f° 239]. Le condamné se rend donc à Orléans où l’évêque le remet de sa peine. Charles s’offusque de ce pardon usurpé et il se montre rasséréné d’apprendre que, de retour au Mans, le coupable « a esté tué d’un grand coup d’espée au faubourg du Pré » [f° 239]. Ainsi, pour Charles, justice est faite car, écrit-il, il faut « faire voir que qui tue sera tué » [f°239]. Pour lui, les châtiments doivent être exemplaires et exécutoires. Il est tout à fait en accord avec la politique royale qui instaure une justice de plus en plus répressive.

Notes

1 Claude d’Angennes, évêque du Mans à partir de 1588, était présent au Concile de Trente et il a fondé le collège-séminaire du Mans dès 1599.

2 On peut dénombrer plus de quarante fêtes annuelles dans chaque paroisse : Reglement de monseigneur l’illustrissime et reverendissime evesque du Mans pour la solennité des festes de son diocèse. 19 janvier 1653, p. 4-7.

3 M. Dronne, La Réforme et les Protestants dans le Maine, Le Cannet-Rocheville, éd. Auteur, 1985, p. 23.

4 Si l’on en croit dom Piolin dans son Histoire de l’Église du Mans, tome vi, p. 347.

5 M. Feuillas, article « Alexandre VII », dans F. Bluche, op. cit., p. 57.

6 Marin Dominique Chesneau de la Drourie en conserve encore la clé à la fin du xviiie siècle.

7 Pierre Bourgault est le mari de Marguerite Bodreau qui a hérité du banc de l’église en 1662.

8 L. Chatellier, Le catholicisme en France, limites actuelles 1500-1650, Paris, CDU et SEDES, 1995, tome 2, p. 252.

9 Testament de Jacques Bodreau passé le 27 janvier 1622 devant Me Jehan Roumé. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 157/8.

10 L. Châtellier, Le catholicisme en France, limites actuelles, Paris, CDU et SEDES, 1995, tome ii, p. 251.

11 R. Hanrion, Les pèlerinages en France, un guide d’histoire et de spiritualité, Paris, Le Félin, 1996, p. 223.

12 C. Port, Dictionnaire historique, géographique, biographique du Maine et Loire, Angers, Lachèse et Dolbeau, 1878, p. 483.

13 A. de Rochambeau, « Voyage à la Sainte Larme de Vendôme », dans : Bulletin de la Société Archéologique du Vendômois, Vendôme, Lemercier et fils, 1873, p. 157.

14 J.-B. Thiers, Dissertation sur la Sainte Larme de Vendôme, Amsterdam, 1751, p. xi de la dédicace à Mgr de la Vergne Montenard de Tressan.

15 J.-B. Thiers, Réponse à la lettre du Père Mabillon touchant la prétendue Sainte Larme de Vendôme, Cologne, héritiers de C. d’Emond, 1700, art. XI, p. 129.

16 Voir notre article intitulé « La Sainte Larme de Vendôme », paru dans le bulletin de Mémoires de la S.A.S.A.S. de 1998, édité en 2000, p. 41-54.

17 M. Isnard, « Les miracles de la Sainte Larme et le bailli de Vendôme », dans Bulletin de la Société Archéologique du Vendômois, Vendôme, Lemercier et fils, 1880, p. 99.

18 Nous avons utilisé les articles de Monsieur le marquis A. de Rochambeau, de Messieurs Isnard, Métais, Nouël et Bournon, sur les conseils de messieurs Jean-Jacques Loisel et Jean-Claude Pasquier membres de la Société Archéologique du Vendômois.

19 Au musée de Vendôme existent encore des moules qui servaient à fabriquer des ampoules, dans lesquelles les pèlerins versaient un peu d’eau du Loir ou un peu de terre des alentours de l’église, et des médailles ; le pèlerin touchait la relique avec ces différents objets.

20 Des baux de fermage des xvie et xviie siècles relatifs à ces ventes ont été étudiés par Fernand Bournon et publiés dans F. Bournon, Documents relatifs au pèlerinage de la Sainte Larme de Vendôme, Vendôme, Lemercier, 1885, 8 p.

21 A. de Rochambeau, « Voyage à la Sainte Larme », dans Bulletin de la Société Archéologique du Vendômois, Vendôme, Lemercier et fils, 1873, p. 204.

22 Abbé de Vendôme, Histoire de la Sainte Larme den. Seigneur Jésus-Christ, Vendôme, Henri Hyp, s. d., p. 14. Bibliothèque de la S.A.S.A.S. coté 723.

23 J.-B. Thiers, Dissertation sur la Sainte Larme de Vendôme, Amsterdam, 1751, p. xi.

24 R. de Saint-Venant, Dictionnaire topographique, historique, biographique, généalogique et héraldique du Vendômois et de l’arrondissement de Vendôme, Bruxelles, Culture et Civilisation, tome iv, p. 62.

25 N. Hermann-Mascard, Les reliques des saints, formation coutumière d’un droit, Paris, Klincksieck, 1975, p. 403.

26 St Bertrand (585-623) est l’un des premiers évêques du Mans.

27 Entre 1568 et 1670, c’est-à-dire pendant le temps de la rédaction des Bodreau, nous en comptons quarante-trois.

28 Registre capitulaire de Saint Pierre la Cour, procession du mardi 31 mai 1583. Arch. dép. Sarthe, cote G 487 folio 176 v°.

29 Registre capitulaire de Saint Pierre la Cour, procession du dimanche 13 octobre 1669. Arch. dép. Sarthe, cote G 494 folio 56.

30 R. Triger, Sainte Scolastique, Montligeon, 1964, p. 148.

31 Laurent Joubert en 1578, Louise Bourgeois en 1617, François Mauriceau en 1668 ainsi qu’Ambroise Paré ont publié leur avis sur la question et Nicole Belmont les a analysés dans son ouvrage. Cf. N. Belmont, Les signes de la naissance, Paris, Plon, 1971, chapitre I.

32 N. Belmont, op. cit., p. 20.

33 J.-B. Thiers, Traité des superstitions selon l’Écriture Sainte, les décrets des conciles, et les sentiments des saints pères, et des théologiens, Paris, Antoine Dezallier, 1697, tome i, p. 367.

34 B. Rigaud, Sommaire discours sur la vision et presage du comete qui premierement s’apparut environ le commencement du moys de novembre 1577, que l’on voit encores à present, Lyon, 1577, in-8°, p. 7.

35 H. Drevillon, Lire et écrire l’avenir, Astrologie, prophéties et prédictions dans la France du xviie siècle (1610-1715), thèse de doctorat, sous la direction de Roger Chartier, Paris, EHESS, 1994, p. 6.

36 P. De L’estoile, Journal du règne de Henri IV roi de France et de Navarre, avec des remarques historiques et politiques du chevalier, C.B.A. et plusieurs pièces historiques du même tems, La Haye, chez les frères Vaillant, MDCCXLI, tome iii, p.436 et 437.

37 Les premiers versets de chacun de ces deux psaumes sont identiques :
« Yahvé, ne me châtie pas dans ton courroux,
ne me reprends pas dans ta fureur. »

38 B. Rigaud, op. cit., p. 10.

39 H. Drevillon, op. cit., p. 93.

40 A. Franklin, La vie privée d’autrefois, arts et métiers, modes, mœurs, usages des Parisiens du xiie au xviiie siècle d’après des documents originaux ou inédits, Paris, Plon, Nourrit et Cie, 1892, vol. 11 : « Les médecins », p. 28.

41 En décembre 1680, eut lieu l’apparition de la comète de Halley.

42 Il s’agit des Pensées diverses sur la comète que P. Bayle publia en 1682.

43 Voltaire, Essay sur l’Histoire génerale, et sur les mœurs et l’esprit des nations, depuis Charlemagne jusqu’à nos jours, s. l., s. éd., 1756, tome vi, p. 303.

44 J.-B. Thiers, Traité des superstitions selon l’Écriture Sainte, les décrets des conciles, et les sentiments des saints pères, et des théologiens, Paris, A. Dezallier, 1697, tome i, p. 246.

45 A. Le Corvaisier, Histoire des évesques du Mans, Paris, Cramoisy, 1648, p. 874.

46 F. Balthazar De Bellême, manuscrit 15484 de la Bibliothèque de Rennes, p. 16

47 M. Feuillas, article « Jubilé », dans F. Bluche, op. cit., p. 797.

48 Les Jésuites sont refusés en 1618 par les Manceaux qui préfèreront confier leur collège aux Oratoriens six ans plus tard. Cf. P. dom Piolin, op. cit., tome vi, p. 92.

49 La requête des Récollets de La Flèche désirant s’établir au faubourg Saint-Jehan est rejetée en 1630. Cf. 17e Registre des Délibérations de l’Hôtel de Ville d’avril 1630. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 242. En 1642, les Récollets veulent expulser les Cordeliers pour prendre leur place et la ville refuse. Cf. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, dans Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.

50 Le 26 septembre 1642, l’établissement des religieuses Saint-Dominique est accordé par la ville à dame Geneviève Marie de la Ferté. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, dans Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.

51 Les prêtres de la Mission au Mans s’installent en 1646 dans la Maison-Dieu de Coëffort. Arch. dép. Sarthe, cote G 739.

52 P. dom Piolin, op. cit., tome vi, p. 7.

53 Délibérations du Conseil de Ville du 20 mars 1601. Cf. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, dans Annuaire de la Sarthe, Le Mans, 1835.

54 A. Le Corvaisier, op. cit., p. 875.

55 Délibérations du Conseil de Ville de 1618. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, dans Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.

56 Ibid.

57 « À l’hôtel de l’Épichelière » selon P. dom Piolin, op. cit., tome vi, p. 60.

58 A. Le Corvaisier, op. cit., p. 875.

59 Délibérations du Conseil de Ville du 23 mars 1621. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, dans Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.

60 La clôture stricte et les vœux solennels sont une exigence du Concile de Trente.

61 Les chroniques de l’ordre des Ursulines recueillies pour l’usage des religieuses du mesme ordre par MDVP, Paris, Jean Henault, 1673, 1re partie, p. 204.

62 R. Bons, Les communautés religieuses de femmes au temps de la réforme catholique et des Lumières, Thèse de doctorat sous la direction de Monsieur le professeur Jean-Marie Constant, Université du Maine, 1996, p. 35-41.

63 Délibérations du Conseil de Ville du 25 février 1623. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, dans Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.

64 Madame de La Ferrière est la fille de René Froullay, comte de Tessé, et de Marie d’Escoubleau de Sourdis. Elle épouse Gabriel de Falaise, comte de La Ferrière, qui meurt en 1627. Cf. R. Baret, « Biographie mortuaire de Mme de La Ferrière », dans Province du Maine, 1962, p. 78-82.

65 Délibérations du Conseil de Ville des 7 et 9 mai 1632. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, dans Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.

66 Capucins : folios 28v°, 29, 31v° et 32 ; soient 47 lignes.
Minimes : folios 68 et 80 ; soient 17 lignes.
Ursulines : folios 73v° ; soient 15 lignes.
Visitandines : folios 95, 95v° et119 ; soient 42 lignes.

67 Encyclopædia Universalis, Paris, France S. A., 1968, tome xx, p. 1691.

68 S. Menjot D’elbenne, Une émeute au Mans en 1659, Le Mans, Leguicheux-Gallienne, 1893, 16 p.

69 Archives du département des Affaires Étrangères-Provinces de France, copie de la lettre de M. du Mans écrite à Touvoie le 26 septembre 1659.

70 Ms de la Bibliothèque de Rennes, écrit par le frère Balthazar De Bellême.

71 Extrait des Papiers de M. Landel. Cabinet de M. le Vicomte Menjot D’elbenne. Papiers de M. de Lestang, tome xiii, F°181.

72 C. Morand, Histoire de la province du Maine par un chanoine de l’Église du Mans, manuscrit, tome ii, p. 877.

73 P. dom Piolin, op. cit., tome vi, p. 272.

74 Le 30 juin 1636, le roi envoie deux hommes pour veiller à la bonne entente entre les anciens religieux et les réformés de Saint-Vincent. Le corps de Ville demande que les religieux de Saint-Maur fassent aussi les aumônes. Cf. Extraits des registres de l’Hôtel de Ville, dans Annuaire de la Sarthe, Le Mans, Monnoyer, 1835.

75 Messire Eugène de Savoie, comte de Soissons, abbé commendataire de La Couture.

76 S. Menjot D’elbenne, op. cit., p. 5.

77 Arrêt du Conseil privé du 27 mai 1659, dans : Arrest de la Cour de Parlement pour les religieux de la Congrégation de St Maur, ordre de St Benoist portant leur reintegrande et establissement dans l’abbaye de La Cousture du Mans, p. 3.

78 Jean de Beaumanoir, comte d’Antoigné, a succédé à son père dans cette charge en 1654.

79 P. dom Piolin, op. cit., tome vi, p. 272.

80 L’auteur inconnu du manuscrit édité par S. Menjot d’Elbenne indique que les réformés lui [à M. Morent] ont « baillé 10000 livres par consignation, avec promesse de lui en donner 20000, s’il les réintégroit et mettoit en possession ».

81 Le 21 septembre selon le chroniqueur anonyme et le 22 selon Julien Bodreau.

82 S. Menjot D’elbenne, op. cit., p. 6. Ces gens sont des « paysans déguisés en soldats ».

83 Thomas Morent, marquis du Mesnil Garnier, maître des requêtes, alors intendant de Touraine, Anjou et Maine.

84 S. Menjot D’elbenne, op. cit., p. 9. Dans sa lettre à Mazarin, l’évêque dit que Morant estime que la protestation publique d’obéissance obtenue dans la Maison de Ville est « une fourbe ».

85 Nommé seulement par le chroniqueur anonyme.

86 Moine de La Couture dont l’insolence fut considérée comme une action personnelle par l’évêque dans sa lettre à Mazarin.

87 S. Menjot D’elbenne, op. cit., p. 6.

88 Ibid.

89 « Sur les trois heures après midi » selon le manuscrit anonyme et « sur les onze heures » [f°195] selon Julien.

90 Disparue aujourd’hui.

91 C’est-à-dire de 160 à 180 hommes.

92 Appelés « faux frères » par l’auteur du manuscrit.

93 D’après le chroniqueur anonyme. Le moine Nepveu est cité par Julien Bodreau qui le dit : « fils de Mr Daniel Nepveu sr des Etrichez provost provincial du Mans » [f° 196v°].

94 Cette action lui valut l’inimitié des Manceaux.

95 Commune du canton de Sainte-Suzanne. Cet homme fait sans doute partie de la compagnie du prévôt de la maréchaussée de Sainte-Suzanne.

96 Pierre Ragot est curé du Crucifix depuis 1653. Sous la cote 1 J 116 aux Archives départementales de la Sarthe sont conservées quelques notes à son sujet : Claude de la Ronchère en relata la vie édifiante dès 1684, l’année qui suivit son décès, et cet ouvrage fut imprimé chez Hiérosme Olivier en 1684, puis avec des additifs en 1697. En 1697, Péan du Chesnay, 1er médecin de Mr frère unique du Roy, fit paraître un « mémoire de ce que plusieurs personnes m’ont dit dans la conversation touchant la vie de Mr Ragot et desquels je n’ay point pris de certificats ». En 1943, le chanoine René Baret édita son histoire.

97 Les récits de Julien Bodreau et du chroniqueur inconnu s’accordent sur le déroulement.

98 Auteur anonyme, op. cit., p. 16. Ou « dans le ventre » selon Balthazar de Bellême.

99 « Le sieur Brossard, marchand » [f° 196v°].

100 Auteur anonyme, op. cit., p. 16.

101 S. Menjot D’elbenne, op. cit., p. 7.

102 « Arrest de la Cour de Parlement, pour les religieux de la Congrégation de Saint-Maur, ordre de Saint-Benoist portant leur reintegrande et restablissement dans l’abbaye de la Cousture du Mans ». Cet « Extraict des registres de Parlement collationné à l’original, par moy conseiller Secrétaire du Roy, Maison et Couronne de France, et de ses Finances », fait par Mallebranche, est conservé à la Médiathèque Louis Aragon du Mans, cote Maine 468 et Théologie 1000.

103 Ibid.

104 Ibid., p. 4.

105 « Arrest de la Cour de Parlement, pour les religieux de la Congregation de Saint-Maur, ordre de Saint-Benoist, portant leur reintegrande et restablissement dans l’abbaye de la Cousture du Mans », p. 9.

106 Selon Julien Bodreau, « Le samedy avant le dimanche des rameaux 2 jour d’Apvril 1661 » [f°212] et selon Samuel Menjot d’Elbenne le 24 septembre 1661, ibid., p. 8.

107 Lettre du 26 septembre 1659. « La crainte du chastiment a redoublé l’aversion que la ville a toujours eüe pour les réfformés. »

108 Jacques du Jariel, sieur du Baril, est un ami de Mathieu Chesneau, un gendre de Julien. Le 26février 1648, il est le parrain de Jacques Chesneau, un petit-fils de l’avocat [f°128v°].

109 « Arrest de la Cour de Parlement, pour les religieux de la Congregation de Saint-Maur, ordre de Saint-Benoist, portant leur reintegrande et restablissement dans l’abbaye de la Cousture du Mans », p. 3.

110 « Factum pour Me Jacques Le Jariel, sieur du Barry, magistrat en la sénéchaussée et siège présidial du Mans et cy-devant son avocat aux mêmes sièges, et dame Anne Masse son épouse, défendeurs contre Frère François Le Jariel leur fils religieux profex de l’Abaye de la Coulture, demandeur en entérinement du récrit par luy obtenu en Cour de Rome le 20 septembre 1677 », p. 1.

111 « Factum pour maistre François Le Jariel, clerc tonsuré, demandeur en enthérinement de Bref contre Me Jacques Le Jariel sieur du Baril, antien conseiller et cy- devant avocat du roy en la sénéchaussée et siège présidial du Mans, et dame Anne Masse son épouse. Denis Choüet escuyer, conseiller du roy et son avocat èsdicts sièges et dame Marie Le Jariel son épouse. Et Me Jacques Le Jariel sieur de Verdelles, défendeurs », p. 1.

112 Ibid., p. 2.

113 « Factum pour Me Jacques Le Jariel, sieur du Barry, magistrat en la sénéchaussée et siège présidial du Mans et cy-devant son avocat aux mêmes sièges, et dame Anne Masse son épouse, défendeurs contre Frère François Le Jariel leur fils religieux profex de l’Abaye de la Coulture, demandeur en entérinement du récrit par luy obtenu en Cour de Rome le 20 septembre 1677 », p. 2.

114 « Factum pour me Jacques Le Jariel contre frère François Le Jariel… », ibid. p. 7

115 R. Taveneaux, Le catholicisme dans la France classique (1610-1715), Paris, SEDES, 19, 1994, tome i, p. 250.

116 A. Lebigre, La justice du Roi, la vie judiciaire dans l'ancienne France, Paris, Complexe, 1995, p. 128.

117 A. Furetière, op. cit., article « Blasphème ».

118 Ordonnance de police du 13 novembre 1666. Arch. dép. Sarthe cote 111 AC Le Mans 614.

119 Ibidem.

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