Chapitre XIII. Le ciel breton, demain : essai de météorologie religieuse*
p. 201-221
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Texte intégral
1Quel sera le visage religieux de la Bretagne au xxie siècle ? Poser cette question à un historien, c’est une autre manière de lui demander si le catholicisme, qui a longtemps passé pour une composante naturelle du paysage breton, est aujourd’hui en voie d’extinction, en « crise terminale », comme l’assure Emmanuel Todd1. C’est aussi, de toute évidence, se tromper d’interlocuteur. Il faudrait consulter un voyant ou un astrologue, ou, plus sérieusement s’adresser à un sociologue, les spécialistes du présent étant assez enclins à rechercher les signes précurseurs du futur qui s’élabore sous leurs yeux. Mais interroger un historien, décidément, non. Son métier l’a habitué à ensevelir les siècles qui s’en vont plutôt qu’à augurer des traits de ceux qui s’annoncent. Et si on insiste, il est tenté de répondre par une boutade. On se souvient sans doute qu’au temps où le journal La Croix arborait sur sa « une », à gauche du titre, un crucifix triomphant, les fidèles lecteurs de ce quotidien catholique pouvaient aussi y lire chaque jour la devise rassurante « Stat Crux dum volvitur orbis » : la Croix, comprenons par extension l’Église, demeure ferme pendant que le monde tourne et change. L’idée peut se défendre en bonne théologie, mais on n’en est pas quitte pour autant. Au regard du profane, le monde change, certes, mais l’Église avec elle, et La Croix n’y échappe pas, qui peine à renouveler son lectorat. Nous voilà embarqués. Et puisque j’ai finalement accepté, en toute imprudence, de répondre à cette question, je commencerai par examiner les problèmes de principe que j’ai rencontrés en y réfléchissant. J’évoquerai ensuite, pour mémoire, quelques-unes des prophéties explicites ou implicites qui ont été formulées au cours du xxe siècle sur l’avenir de la religion en Bretagne. Je n’en serai que plus à l’aise pour suggérer alors, à mes risques et périls, ce que me semblent être les trois lignes de force de l’évolution prévisible dans les années qui viennent.
Préalables
2Problèmes de principe, et non pas simples précautions oratoires. Le propre de l’historien, c’est de venir après, de construire un discours sur ce qui précisément est passé. Position confortable sans doute : il sait la fin de l’intrigue, alors que ceux dont il parle ignoraient, eux, quand ils agissaient, comment les choses allaient tourner. Position dangereuse aussi : le risque n’est pas mince de glisser de l’analyse compréhensive au jugement rétrospectif, de souligner à bon compte l’aveuglement des uns et la perspicacité des autres. L’exercice du métier apprend à éviter ce travers, mais il rend du même coup sensible à l’incertitude de ce que Reinhart Koselleck a nommé « l’horizon d’attente » du passé2. Le futur que les acteurs de l’histoire pouvaient imaginer était, selon les cas, largement ouvert ou étroitement limité : il a rarement été conforme à leurs prévisions. J’ai passé un certain temps à étudier l’aventure des chrétiens progressistes, dont toute la réflexion, au temps de la guerre froide, était commandée par le postulat du triomphe inéluctable du communisme : c’est une expérience qui vaccine contre la tentation des prédictions péremptoires3.
3Pourtant l’histoire, dit-on volontiers, donne des leçons dont on peut tirer profit pour le présent et pour l’avenir. C’est bien pourquoi on l’enseigne, d’ailleurs. À l’ignorer, on se condamnerait à refaire les erreurs de nos prédécesseurs. Mieux encore, ne révèle-t-elle pas, au moins sur la longue durée, des lois générales qui auraient une valeur paradigmatique ? Les historiens d’aujourd’hui sont peu enclins à entrer dans ces vues. L’effondrement du communisme a porté un coup très dur à la pensée marxiste, et, plus généralement, aux grands modèles explicatifs. Sans oublier l’enseignement de Fernand Braudel, qui invitait à ne pas dissocier l’écume des jours du mouvement profond de l’océan des siècles, on est redevenu plus sensible à la force de l’événement, à la capacité des hommes à modifier ce qui semble être leur destin. Qui nierait que Jean XXIII, « ce gros homme qui fut un grand pape », comme disait Madeleine Delbrêl4, a profondément infléchi, à la surprise générale, le cours de l’histoire du catholicisme contemporain ?
4L’heure est donc au doute, mais aussi à la relativisation. Plus que jamais, les historiens ont conscience de partager les préjugés de leur époque. Les questions qu’ils posent sont celles de leur temps. Elles orientent une lecture du passé qui se modifie à mesure que les problèmes se déplacent. Le réel que l’histoire prétend représenter « cache, derrière la figuration d’un passé, le présent qui l’organise », expliquait Michel de Certeau5. À la limite, si l’on s’en réfère à Paul Veyne, le discours historique ne serait qu’une succession de croyances, utiles sans doute, fragiles et éphémères assurément6. En fait, il n’y a pas de leçons de l’histoire, il y a des leçons d’histoire que chaque génération élabore au gré de ses intérêts et au hasard de ses préoccupations. S’en convaincre ne rend pas forcément sceptique, mais invite au moins à la modestie.
De bons esprits se détournent de l’histoire, écrivait Henri Brunschwig. Ils sont déçus de n’en recevoir aucune directive. Mais l’histoire n’a jamais prétendu donner des « leçons ». Ceux qui s’y acharnent, qui invoquent les événements du passé pour en tirer des conclusions valables pour l’avenir, n’agissent pas en historiens. L’histoire, elle, n’enseigne que le bon usage du doute7.
5À la fin du xixe siècle déjà, les historiens de l’École méthodique, dont on sait qu’ils se proposaient de fonder une histoire scientifique, étaient bien conscients des limites intrinsèques de cet objectif. On le voit bien à leur réaction lorsqu’un disciple d’Auguste Comte, Louis Bourdeau, publia en 1888 un Essai critique sur l’histoire considérée comme science positive, dans lequel il assignait aux historiens la tâche d’établir « les lois qui président au développement de l’espèce humaine », ce qui permettrait, augurait-il, non seulement de comprendre le passé mais aussi, les mêmes causes produisant les mêmes effets, de prévoir l’avenir8. « L’histoire, lui répondit Gabriel Monod, ne sera jamais qu’une science descriptive opérant sur des éléments toujours fuyants, en mutation et en devenir perpétuels. Tout au plus pourrait-on la comparer à la météorologie9. » Météorologie : l’image est suggestive. Je la reprends volontiers parce qu’elle traduit bien, je crois, le type de crédibilité que je peux revendiquer pour les considérations qui vont suivre10.
6Écartons donc les objections de principe. Il en reste une qui tient aux faits. Est-il bien judicieux d’examiner le problème qui nous occupe à l’échelle de la Bretagne ? En d’autres termes, l’espace breton a-t-il encore, du point de vue religieux, une singularité suffisante pour qu’on lui envisage un avenir particulier ? Il y a cent ans, cette question eût été incongrue. La Bretagne apparaissait alors comme un bastion catholique et une terre d’élection du cléricalisme. Tous ses départements ont connu des incidents graves au moment des inventaires consécutifs à la loi de séparation des Églises et de l’État. Ils constituaient alors, avec les autres départements du grand Ouest, un môle de résistance à la politique de laïcisation11. Il y a soixante ans encore, sur la carte de la pratique religieuse de la France rurale dressée par le chanoine Boulard, la Bretagne figurait parmi les zones de chrétienté. Bien sûr, tout n’est pas si simple. Les opérations de 1906 se sont passées en bien des endroits dans le calme, voire dans l’indifférence. Les comportements recensés en 1947 variaient sensiblement d’un canton à l’autre : la ferveur côtoyait la tiédeur, parfois le détachement, et à y regarder de plus près, comme on l’a fait lors des enquêtes diocésaines des années cinquante, on retrouvait les lignes de fracture socioculturelles entre les anciens « pays » bretons12. Mais l’image est là, ancrée dans les esprits : feiz ha Breiz, foi et Bretagne, ont partie liée.
7Gabriel Le Bras, initiateur de la sociologie religieuse en France, a longtemps insisté sur cette singularité régionale :
Il existe en France, écrivait-il en 1936, des blocs de pratiquants, où brillent des groupes plus fervents, et des blocs conformistes, où des groupes moins soumis tendent au paganisme intégral. […] Le type de la première catégorie nous est offert par le Léon. Il y a là un peuple préoccupé par l’idée de la mort, posté à l’extrême pointe de l’Occident, profondément évangélisé, encadré par un clergé nombreux et des familles traditionalistes. Est-il surprenant que dans le doyenné de Ploudalmézeau, sur 15 260 habitants recensés, on n’en connaisse que 298 en âge de communier et qui s’abstiennent des Pâques ? […] Presque tous les facteurs de conservation sont réunis dans le Léon. Mais c’est la rencontre de la majorité d’entre eux qui explique la conservation relative de l’Ouest […]13.
8Depuis, tout cela s’est effondré, à Ploudalmézeau comme dans l’ensemble de la Bretagne. Un sondage réalisé en 1996, à l’occasion de la venue du pape Jean-Paul II à Sainte-Anne-d’Auray, indique qu’environ 14 % des Bretons assistent à la messe chaque semaine14. Ce taux reste supérieur à la moyenne nationale, tombée en dessous des 10 %, mais la tendance est bien à « un alignement sur la situation générale de la France », comme le reconnaissait dès 1992 l’archevêque de Rennes, Mgr Jullien15. Le basculement s’est produit au cours des années soixante et soixante-dix, lorsque les jeunes, en particulier, ont déserté les offices : à Ploudalmézeau, 90 % des 20-24 ans étaient encore assidus à la messe dominicale en 1957 ; ils n’étaient plus que 20 % en 1973, 8 % en 197916. À l’échelle de la région en 1996, 41 % des plus de 65 ans mais seulement 4 % des 18-24 ans se rendent régulièrement à l’église17. Le catholique pratiquant en Bretagne ressemble de plus en plus à son homologue français : il se fait rare et il se fait vieux.
9Il y a pourtant de bonnes raisons de s’interroger sur l’éventuelle résurgence d’une spécificité religieuse bretonne. Les mêmes sondés qui témoignent en 1996 de leur détachement à l’égard des observances ecclésiales, attestent leur attachement à leur religion d’origine : ils sont 80 % à se déclarer catholiques18. La persistance de ce sentiment d’appartenance n’est pas à négliger alors que se manifeste de plus en plus en Bretagne, à travers un mouvement culturel en plein renouveau, une conscience identitaire forte. Qui sait si feiz ne rimera pas à nouveau avec Breiz, si l’on n’observera pas un certain retour à la foi de nos pères, da feiz hon tadou koz ? La question mérite au moins d’être posée.
Scénarios passés du futur
10Ce n’est pas pour ajouter un préalable, mais par réflexe d’historien, que je crois nécessaire de faire un détour par les prophéties passées. Qu’a-t-on dit, au cours du xxe siècle sur l’avenir de la religion en Bretagne ? L’enquête, à ma connaissance, n’a pas été faite. Elle vaudrait pourtant la peine. Au prix de patients dépouillements dans les revues savantes, les publications institutionnelles, les feuilles militantes, la presse d’information, mais aussi les œuvres de fiction, qui sont souvent les plus révélatrices de l’esprit d’une époque, on récolterait sans doute une étrange moisson de prévisions fanées, où l’on verrait se côtoyer les affirmations péremptoires et les supputations prudentes, les rêves les plus fous et les cauchemars les plus sinistres. En glanant, par défaut, quelques épis ici ou là, et en regardant au-delà de la Bretagne, on s’aperçoit très vite que la matière se distribue en deux grands ensembles. Le premier, que je n’évoquerai ici que pour mémoire, relève de la littérature rationaliste et laïque, qu’elle soit d’esprit libéral ou d’orientation marxiste. Les pronostics des enfants de Renan et des héritiers de Marx ont oscillé entre une approche polémique, qui espérait venir à bout du cléricalisme au terme d’un combat résolu, et un regard clinique, qui décrivait le déclin inévitable du catholicisme, miné par ses contradictions internes et piégé par la modernité qu’il s’épuise à domestiquer19. « Tout n’y est pas faux, remarque Émile Poulat, mais à peu près rien ne s’est passé comme ils l’avaient imaginé20. »
11Le deuxième ensemble provient des milieux catholiques, qui ont largement développé un discours eschatologique rejoignant, d’une certaine façon, les prédictions de leurs adversaires, mais en inversant leur signification : les épreuves de l’Église n’annonçaient pas sa fin mais celle du monde qui la combattait, la catastrophe finale ou le salut in extremis par la grâce de Dieu et la conversion des égarés21. Rien n’exprime mieux cette hésitation entre apocalypse et nouvelle chrétienté que la comparaison de deux romans d’anticipation à succès écrits au début du xxe siècle par le prélat anglais Robert-Hugh Benson. Le premier, Le Maître de la Terre, imaginait la victoire des forces du mal et s’achevait sur la fin du monde22.
J’ai essayé, expliquait plus tard l’auteur, d’esquisser la forme que risquerait de revêtir l’état religieux, politique et social de nos pays européens dans un avenir plus ou moins proche, pour peu que dussent se prolonger indéfiniment les tendances présentes de ce qu’on appelle la « pensée moderne » ; et de cette intention est résulté un livre tout sincère, mais dont on m’a dit à plusieurs reprises qu’il avait produit un effet déprimant sur un certain nombre de lecteurs chrétiens, accoutumés à envisager l’avenir sous une lumière plus optimiste.
12D’où le second livre, La Nouvelle Aurore, développant, disait-il,
la seule autre hypothèse qui me paraisse possible – l’alternative exactement opposée – et qui toujours d’ailleurs, elle aussi, a conservé pour moi un degré presque égal de probabilité. Car rien absolument ne nous empêche d’espérer que, tôt ou tard, dans cinquante ans ou au bout d’un siècle, le courant désastreux de que nous appelons aujourd’hui la « pensée moderne » se trouvera enfin enrayé, pour être remplacé désormais par une reprise du glorieux courant de cette « pensée ancienne » qui a subi triomphalement l’épreuve des âges, et qui, dès aujourd’hui, est en train d’être « redécouverte » un peu partout, par des personnes bien plus « modernes » encore que tous nos « modernistes23 ».
13Mais revenons à la Bretagne et arrêtons-nous à quatre dates, qui nous fourniront autant d’exemples de ces prophéties contrastées issues des milieux catholiques. Transportons-nous d’abord le 8 septembre 1913 au Folgoët, au cœur du Léon, où le traditionnel pèlerinage, qui fait suite, cette année-là, aux travaux du quatrième Congrès marial breton, rassemble plus de 400 prêtres et quelque 100 000 fidèles. Pour la circonstance, qui est aussi celle du vingt-cinquième anniversaire du couronnement de Notre-Dame du Folgoët, l’épiscopat breton est « au complet », selon le mot de l’évêque de Quimper, Mgr Duparc24. Et même plus, puisqu’à ses côtés figurent non seulement Mgr Dubourg, archevêque de Rennes, Mgr Morelle, évêque de Saint-Brieuc, Mgr Gouraud, évêque de Vannes, et Mgr Rouard, évêque de Nantes, mais aussi Mgr Pichon, archevêque coadjuteur de Port-au-Prince, témoin de la fécondité missionnaire des diocèses bretons. Tous les discours dénoncent la politique de laïcisation menée par la République et célèbrent, comme Mgr Duparc, « l’union du peuple et du clergé25 », ciment de la résistance bretonne et gage d’une victoire future. « Soyez catholiques sur la place publique et partout, prêts, s’il le faut, à lutter jusqu’au sang pour la cause de Dieu. Pas de traîtres parmi vous ! », martèle Mgr Dubourg26. Mais c’est Mgr Gouraud qui enfonce le clou en affirmant fortement, dans son allocution de clôture, le lien indéfectible entre l’identité bretonne et l’appartenance religieuse :
La Bretagne sera catholique ou elle ne sera pas. Tout son passé religieux est fait de surnaturel ; tout son passé politique et national également. Le peuple breton est un peuple de croyants. […] Il doit rester croyant, sous peine de disparaître. En vain chercherait-on ailleurs l’explication de son esprit. C’est en vain qu’on alléguera le caractère singulier de la race, que l’on invoquera la force de l’atavisme, que l’on vantera la puissance d’un passé assez vigoureux pour se survivre après quinze ou vingt siècles ; tout cela est trop mélangé à d’autres éléments pour suffire à expliquer l’unité et la force du tempérament et des sentiments. Sans exclure aucune de ces causes, il faut reconnaître que les éléments primitifs ont été confirmés, enrichis ou même transformés par un élément postérieur et plus fort, par un élément divin que le christianisme a créé. C’est à ce point que le Breton qui a cessé d’être religieux paraît à tous comme un déraciné ; il a perdu le plus beau de sa race, il est sorti de son orbite nationale27.
14À ce moment, le sentiment qui domine est bien celui d’une chrétienté bretonne indestructible, défiant victorieusement ceux qui s’acharnent contre elle.
15Nous voici maintenant en 1931 : la Grande Guerre a eu lieu, la révolution bolchevique aussi. Rouvrons un petit livre que nous connaissons déjà, Les Trois contre Moscou, ce roman d’aventures pour les jeunes écrit par le chanoine René Cardaliaguet et publié cette année-là par les Éditions Spes, que dirigent à Paris les jésuites de l’Action Populaire. La première page du roman nous conduit à la Préfecture de Quimper dans la chambre de « Son Excellence Tchang Li Wang, gouverneur soviétique de la Bretagne ». Depuis deux ans, les Russes et leurs alliés chinois, maîtres de l’Europe entière, occupent la Bretagne et y font régner la terreur. Mais voici qu’à l’appel d’un vieil aristocrate léonard quelques jeunes militants formés naguère par l’Action catholique entreprennent d’organiser la résistance. Ils lèvent une petite armée, troupe de volontaires « digne des compagnons de Noménoé, des hommes d’armes de Richemont, des zouaves de Lamoricière », qui inflige à l’occupant ses premières défaites, suscitant la colère du maître du Kremlin. Après diverses péripéties, les insurgés libèrent leur pays, puis le reste de l’Europe et la Russie elle-même. La Bretagne a recouvré la liberté et la prospérité, un nouvel ordre international s’instaure autour d’un pacte de chrétienté unissant tous les États du vieux continent. Pour couronner le tout, le pape, revenu de son refuge dans les missions chrétiennes des forêts profondes du Congo, vient présider la fête mondiale des nations à Sainte-Anned’Auray28. Nous sommes en pleine utopie d’une nouvelle chrétienté surgie sur les décombres de l’État totalitaire.
16Sautons quelque cinquante années et retrouvons-nous en 1985. Vingt ans ont passé depuis le concile Vatican II et son immense espoir de réconciliation de l’Église et du monde moderne, et les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs : tiraillé par les interprétations contradictoires des textes conciliaires, ébranlé par la contestation soixante-huitarde, le catholicisme peine à digérer une crise interne qui a culminé au milieu des années soixante-dix. En 1985, donc, Le Courrier du Léon et du Tréguier, hebdomadaire d’inspiration chrétienne, fait paraître dans cinq numéros consécutifs une longue étude intitulée « Incroyance ». Elle est l’œuvre d’un prêtre finistérien de 62 ans, René Le Corre. Longtemps professeur de philosophie dans un collège brestois, il a été aumônier national-adjoint de la JEC de 1960 à 1965, affirmant sa solidarité avec Henri Nallet et la majorité de l’équipe dirigeante du mouvement au moment où ceux-ci se sont durement affrontés à Mgr Veuillot, qui leur reprochait leur engagement politique. Renvoyé dans son diocèse, il s’occupe depuis lors de la Paroisse Universitaire et des Équipes Enseignantes, autrement dit des « catholiques de la laïque » : un milieu suffisamment marginal pour qu’on y affecte un prêtre trop avancé. La crise de l’Église, assure-t-il à ses lecteurs, importe moins que le changement du monde et « la naissance d’un nouveau type d’humanité ». Les catholiques doivent prendre la mesure de ce qui leur arrive :
Nous ne sommes plus majoritaires en France ni en Bretagne. […] La culture chrétienne qui continuait à être le ciment de nos sociétés occidentales après la disparition du pouvoir de la chrétienté, cette culture s’en va à son tour. […] Autrefois tout le monde allait à la messe, on se relayait, on était tantôt de basse messe, tantôt de grand’messe. Beaucoup allaient aux vêpres, au rosaire. On disait la prière du soir en commun, la prière avant les repas, l’angelus, le chapelet. On allait au mois de Marie, aux rogations… « Mais où sont les neiges d’antan ? » Dans la paroisse où j’étais à partir de 1965, on célébrait cinq messes par dimanche, l’église était pleine, parfois archi-pleine : aujourd’hui on dit deux messes devant un public clairsemé.
17Lecteur de Michel de Certeau, René Le Corre explique que tout cela traduit moins la montée de l’incroyance que « la crise du croyable » et, par voie de conséquence, la recomposition des croyances. La foi ne disparaît pas. Elle s’exprime différemment, d’une manière déroutante et incontrôlable par l’institution ecclésiale : « On voit de plus en plus de gens qui ne sont pas “soumis”, “obéissants” aux commandements de l’Église (qu’ils ignorent) ; mais des gens qui prennent à l’Église ce qui leur convient et laissent tomber le reste. » Condamner cette évolution ne sert à rien. « Il faut vivre avec nos contemporains, il faut aimer notre contemporanéité », savoir reconnaître dans l’individualisme moderne, rebelle aux préceptes et aux interdits, une forme de libération qui rejoint l’idéal évangélique. Du reste, dans un monde où tout se vend et s’achète, où l’argent semble la seule valeur, les hommes continuent pourtant de se poser la « question fondamentale, celle du sens de la vie et de la mort ». Aux catholiques de savoir « être à la hauteur de cette exigence », en cheminant avec les autres au lieu de s’accrocher à des certitudes définitives, à des pratiques obsolètes et à des discours surannés. « J’ai perdu beaucoup d’illusions et j’ai beaucoup d’inquiétudes, conclut René Le Corre, mais je suis content de vivre aujourd’hui, curieux de l’avenir comme du présent, et toutes ces questions ne m’empêchent pas de goûter un certain bonheur29. » Il abandonnera bientôt le sacerdoce et s’éloignera de l’Église, témoin et agent, comme un certain nombre d’autres30, de l’effacement de la chrétienté, du passage à ce qu’Émile Poulat nommera dix ans plus tard « l’ère postchrétienne31 ».
18Arrêtons-nous enfin le 20 septembre 1996, à Sainte-Anne-d’Auray. 120 000 personnes attendent Jean-Paul II, premier pape de l’histoire à fouler la terre bretonne. Pour les faire patienter, Mgr Fihey, évêque de Coutances, s’adresse aux fidèles :
Cette nuit, dès deux heures du matin, j’ai entendu passer des groupes sous ma fenêtre. Et je me suis dit : « La marée se met en marche. » Et voilà que, aujourd’hui, maintenant, sous nos yeux, peu à peu, la foule grandit. Et cela me fait penser à la marée qui monte au Mont Saint-Michel. Eh bien, notre Église, elle est ainsi, elle grandit. Elle grandit peu à peu. Peut-être, comme la marée, ne le voyons-nous pas assez32 ?
19Même optimisme dans les propos de bienvenue de Mgr Gourvès à l’arrivée de Jean-Paul II. « Très Saint-Père, vous êtes à Sainte-Anne-d’Auray, vous êtes en Bretagne, terre de foi chrétienne comme votre Pologne natale », lance-t-il avant de brosser un tableau revigorant du catholicisme breton : les lieux de pèlerinages sont de plus en plus fréquentés, les monastères sont « bien vivants », les prêtres sont « sur la brèche jusqu’à la limite de leurs forces », « un grand nombre de religieux et religieuses, même âgés, sont présents sur le terrain », les laïcs « s’investissent généreusement, aux côtés des prêtres, dans l’animation des communautés chrétiennes et de groupes de jeunes, dans la catéchèse et la liturgie ». Autant de raisons d’espérer. « Est-ce à dire que nous sommes satisfaits de nous-mêmes et sans inquiétudes ? Non assurément… Nous avons nos fragilités », admet pourtant l’évêque de Vannes, qui énumère alors les signes d’affaiblissement de la vitalité d’antan. « Il y a ce qui meurt, ce qui naît et ce qui renaît, conclut-il. Nous sommes les héritiers de presque deux millénaires de vie façonnée par l’Évangile. Nous voulons être des bâtisseurs33. » En 1985, René Le Corre ne niait pas qu’il y eût encore du dévouement et du dynamisme dans les diocèses bretons, mais il lui semblait que les tendances lourdes induisaient un inévitable déclin. Dix ans plus tard, Mgr Gourvès inverse l’analyse et parie – il n’est pas le seul – sur le retour du religieux dans la société sécularisée.
20Permanence de la chrétienté, avènement d’une nouvelle chrétienté, effacement de la chrétienté, retour du religieux : voilà donc quatre scénarios passés du futur. Les deux premiers sont bien caducs : ils nous rappellent combien les faits peuvent démentir les prévisions ou les espérances. Les deux derniers restent à vérifier : à première vue, ils semblent contradictoires, mais il se pourrait qu’ils soient complémentaires. C’est du moins ce que je voudrais montrer en essayant à mon tour d’imaginer ce que pourrait être le paysage religieux de la Bretagne du xxie siècle.
Fin de la civilisation paroissiale
21Dans le prolongement des réflexions de René Le Corre, j’incline à penser que la première chose qui nous attend, c’est la disparition de la civilisation paroissiale34. Elle se produit déjà sous nos yeux, et trois facteurs se conjuguent pour la rendre inéluctable. Le tarissement des vocations sacerdotales, particulièrement sensible depuis les années soixante, a eu pour conséquence la diminution rapide du personnel ecclésiastique. Le diocèse de Quimper, par exemple, disposait encore de 1 096 prêtres en 1955, mais il n’en avait plus que 548 en 1994 : deux fois moins en quarante ans. Le remplacement des générations n’étant plus assuré, le clergé a sensiblement vieilli. En 1999, on comptait 152 prêtres retirés du ministère sur un total de 470, soit un tiers des effectifs à la retraite, alors qu’on sait que dans la profession celle-ci ne se prend guère, en général, qu’à l’âge de soixante-quinze ans. L’état présent du clergé breton justifie donc qu’on lui applique les remarques formulées en 1991 par Jacques Maître à partir des statistiques nationales :
Quelles que puissent être les fluctuations futures par rapport aux données actuelles, l’ordre de grandeur du nombre des prêtres dans trente ans n’en dépendra pas. […] Les ordinations prévisibles ne peuvent modifier que faiblement la structure d’une pyramide d’âges où la part des prêtres ayant dépassé soixante-cinq ans, déjà considérable, va devenir l’essentiel sur un total en décroissance rapide. Le quadrillage ecclésiastique du territoire et de la population va se distendre considérablement, avec toutes les conséquences incontournables que ce processus va entraîner35.
22Depuis plusieurs années déjà, il n’est plus possible d’affecter un prêtre à chaque clocher. Tous les diocèses bretons ont en tiré les conséquences en entreprenant de remodeler leurs structures. Ils le font d’autant plus volontiers que l’évolution de la société entraîne une mobilité accrue des individus et une crise généralisée des instances territoriales de proximité : à cet égard, la fermeture d’une église obéit à la même logique que celle d’un bureau de poste ou d’une épicerie de village36. Mais les regroupements de paroisses et la mise en place d’équipes pastorales réduites opérant sur des territoires élargis ne font que repousser un problème proprement religieux : tôt ou tard, faute de prêtres, c’est la possibilité même d’un maillage ecclésiastique du territoire qui deviendra problématique.
23À cette crise de l’offre s’ajoute une raréfaction de la demande. J’ai déjà dit la désertion des offices dominicaux. Les rites de passage résistent mieux : d’après le sondage de 1996, 63 % des Bretons trouvent « très » ou « assez » important de se marier à l’église, 73 % de baptiser leurs enfants, 66 % de se faire enterrer religieusement, et ces pourcentages ne décrochent que de six à dix points si l’on isole l’opinion des 18-24 ans. Ceux-ci « ne pratiquent plus, mais ils ne veulent pas couper le cordon ombilical avec les “fondamentaux” de leur religion », commente Marcel Quiviger37. Le cordon ombilical, oui, on ne saurait mieux dire. Les 80 % de Bretons qui, en réponse au même sondage, persistent à se dire catholiques, alors que leurs pratiques et leurs croyances s’écartent nettement des prescriptions et de la doctrine de l’Église, manifestent un sentiment d’appartenance dont les motivations profondes sont sans doute analogues à celles que Frédéric Dard exposait naguère dans un passionnant dialogue avec Mgr Mamie, évêque de Fribourg. L’auteur de San-Antonio exposait qu’ayant élu domicile en Suisse, il avait reçu pour la première fois une feuille d’impôt religieux :
C’était stupéfiant, expliquait-il, pour moi, Français, qui, au plan religieux, avais toujours versé ce qu’on appelle chez nous, en France, le « denier du culte ». C’est-à-dire une obole absolument facultative et en tout cas minime. Recevoir brusquement un imprimé qui vous dit : « Monsieur, veuillez payer avant le tant, telle somme », cela fait bondir. […] [Un ami] m’a dit : « Tu n’es pas obligé de payer. Tu peux répondre que tu es catholique d’origine, mais que, en fait, tu es agnostique. C’en sera fini et tu n’auras plus d’impôt à payer. » J’ai réfléchi et vous ne pouvez savoir combien j’ai été éclairé sur moi, sur mes convictions, sur ma foi. Je ne suis pas pratiquant, je ne suis pas un catholique fervent hélas. Mais j’ai découvert que je préférais payer tout ce qu’on voudrait plutôt que d’abjurer ma religion en me déclarant agnostique. Ma religion, c’est mon enfance, mes racines, ma vraie nation38.
24Je suis bien d’accord avec Émile Poulat lorsqu’il écrit que « les catholiques comme ça, numériquement, ils pèsent lourd39 ». Mais, précisément, ils ont eu, eux encore, « une enfance catholique40 », ou au moins leurs parents ou leurs grands-parents l’ont eue. Que se passera-t-il dans une ou deux générations, quand les repères familiaux de cet héritage religieux ne seront plus des visages dont on se souvient mais de simples noms sur une pierre tombale ? Je m’interroge d’autant plus sur la capacité de survie de ce catholicisme culturel que le taux de catéchisation s’est effondré : dès 1989, il n’était plus que de 50 % dans le Finistère.
25On touche ici au troisième facteur qui contribue à cet effacement de la civilisation paroissiale, l’inadéquation entre l’offre qui demeure et la demande qui perdure. Le cas des obsèques est particulièrement éclairant, et il vaut la peine de s’y arrêter un instant, quand on sait le poids de la culture macabre en Bretagne, surtout dans sa partie occidentale41. Chacun peut constater que le monde moderne tend à cacher la mort, qu’il abandonne aux spécialistes. La géographie urbaine en témoigne parfois éloquemment, comme à Brest où le Centre hospitalier universitaire, le funérarium et le crématorium voisinent dans le même quartier excentré. Dans cette nouvelle configuration spatiale, le passage du défunt par l’église paroissiale de son domicile devient une gêne, matérielle et psychologique. Les convois funèbres se font discrets, les fourgons mortuaires abandonnent le noir pour un gris plus sobre. Au reste, il n’y a plus d’avis de convoi dans les journaux, mais des avis de décès, dans lesquels les références religieuses se font rares : 3 % en 1990 dans Ouest-France, contre 45 % encore en 1940 dans son ancêtre L’Ouest-Éclair42. En revanche, comme on l’a vu, la demande de funérailles religieuses reste forte. Mais la disette de prêtres obligera de plus en plus à confier aux laïcs la conduite des cérémonies, comme cela a commencé de se faire dans le Finistère en 1999. « Nous ne pourrons, évidemment pas, parler d’enterrements au rabais, assurait Mgr Guillon, interrogé par un journaliste. Je suis convaincu que la qualité des célébrations sera exactement la même43. » Qu’il ait tenu pourtant à l’affirmer montre bien le souci de répondre aux inquiétudes légitimes de l’opinion, qui voit, en quelque sorte, l’Église recourir à des amateurs au moment précis où les Pompes funèbres professionnalisent et diversifient leurs prestations.
Quand j’étais jeune débutant, confiait il y a quelques années le responsable de la communication aux Pompes Funèbres Générales, notre mission se limitait au domaine du « faire », de la technique : le choix du cercueil, du corbillard. Aujourd’hui, nous sommes amenés à nous intéresser au domaine de « l’être ». Être à côté des familles, les conseiller pour l’organisation de cérémonies de moins en moins codifiées, des cérémonies qui veulent « ressembler » au défunt et à l’image laissée par lui44.
26Notons bien ces derniers mots, qui montrent combien l’attente des familles, soucieuse avant tout de la mémoire des disparus, s’éloigne de plus en plus du message de l’Église, centré sur leur destin éternel. Il suffit de se promener dans un cimetière pour remarquer, au vu de l’ornementation des tombes les plus récentes, ce divorce rampant. Comment s’en étonner, d’ailleurs, quand on constate, plus largement, que le catholicisme persiste bien souvent à employer une langue de bois jusque dans les médias les plus modernes dont il se dote ? Indépendamment du discours, il y a un vocabulaire et un ton de curé, une sorte de sirop ecclésiastique dont même les laïcs les mieux intentionnés peinent à se défaire. Je suis tenté de penser que la popularité de Mgr Gaillot a moins tenu à ce qu’il disait qu’au fait que lui, au moins, parlait comme tout le monde. Et je laisse chacun méditer sur l’affligeante pauvreté esthétique de la liturgie ordinaire dans bon nombre de paroisses45. Les rites religieux traditionnels ne répondent plus à l’attente de la société festive d’aujourd’hui : l’effacement de la Toussaint par Halloween n’est que la dernière étape d’un détournement qui vide peu à peu les temps forts du calendrier chrétien de leur signification originelle. En Bretagne comme ailleurs, l’Église ne contrôle plus l’espace ni le temps, ni les consciences.
Catholiques new look
27Est-ce donc la mort du catholicisme breton que j’imagine ainsi ? Non, mais la mort d’un certain catholicisme, oui, y compris sans doute de la variante conciliaire issue de Vatican II, prématurément vieillie. En revanche, et c’est ici que je rejoins d’une certaine manière le sentiment de Mgr Gourvès, il y a tout lieu de croire que le christianisme gardera une place non négligeable dans la configuration religieuse du xxie siècle. Mais ce sera dans des conditions nouvelles et sous des modes inédits. Le trait le plus accentué des recompositions en cours est l’individualisation des comportements. Nombre de nos contemporains se composent déjà une spiritualité à la carte. Ils bricolent leur croyance et choisissent leurs pratiques, se servant ici ou là sur un marché religieux marqué lui aussi par la mondialisation et les délocalisations46, sans se sentir tenus par les normes et les prescriptions des institutions auxquelles ils empruntent. Alors qu’ils sont 80 % à se déclarer catholiques, 56 % des Bretons estiment que l’Église n’a pas à prendre position sur les questions de morale sexuelle et de contraception47. On ne leur a pas posé de questions plus pointues sur des points de doctrine, mais on peut imaginer que leurs réponses eussent été du même acabit que celles de l’ensemble des Français interrogés en 1986 par la SOFRES : 80 % de catholiques déclarés, mais seulement 47 % croyant à la résurrection du Christ et 27 % à sa présence réelle dans l’Eucharistie48. Tous les sondages montrent ainsi la dissociation croissante entre les convictions et les appartenances. « Belonging without believing » ou « believing without belonging » : on peut en être sans y croire et y croire sans en être, selon les formules expressives de la sociologue britannique Grace Davie49.
28Cependant, cette tendance lourde au flottement individuel des attaches religieuses ne doit pas masquer le regain des phénomènes communautaires. « On assiste, selon Danièle Hervieu-Léger, à une efflorescence de groupes, réseaux et communautés, au sein desquels les individus échangent et valident mutuellement leurs expériences spirituelles50. » Ces groupes sont très divers. Ils peuvent être de forte ou de faible intensité, associer ici des convaincus et là des curieux, faire preuve de prosélytisme ou se réserver aux initiés, s’imposer des contraintes fortes ou les réduire au minimum, s’installer dans la durée ou rester dans l’éphémère : c’est précisément cette géométrie variable qui fait leur modernité et qui rend si difficile de les situer sur les anciennes cartes religieuses, structurées par les frontières des religions établies. Si certains participent de la galaxie des sectes, tandis que d’autres relèvent de ce que Françoise Champion appelle « la nébuleuse mystique-ésotérique51 », il en est encore qui s’intègrent aux religions établies, qu’ils revitalisent de l’intérieur. En témoigne par exemple le succès des groupes du Renouveau charismatique en Bretagne, région pionnière, il est vrai, puisque c’est, semble-t-il, à Brest que l’un des premiers rameaux français de cette mouvance d’origine américaine s’est acclimaté en 197152.
29Il arrive aussi que le rapport au religieux ne soit qu’un mode d’identification, attesté par une participation occasionnelle à tel ou tel pardon, pèlerinage ou rassemblement, et c’est ici que la question bretonne resurgit.
Les religions, écrit Danièle Hervieu-Léger, tendent à se présenter comme une matière première symbolique, éminemment malléable, qui peut donner lieu à des retraitements divers, selon les intérêts des groupes qui y puisent. Cette matière première est susceptible d’être incorporée à d’autres constructions symboliques, et en particulier à celles qui entrent en jeu dans l’élaboration des identités ethniques et nationales. Ainsi le patrimoine symbolique des religions historiques n’est pas seulement mis à la disposition des individus […]. Il est aussi disponible pour les réemplois collectifs les plus divers, au premier rang desquels on trouve la mobilisation identitaire des symboles confessionnels53.
30Se pourrait-il donc que le catholicisme trouve une nouvelle vigueur grâce à l’affirmation renouvelée de l’identité bretonne ? C’est possible, et c’est visiblement ce qui a motivé la retentissante lettre pastorale de Mgr Gourvès sur le renouveau de la culture bretonne54. Cependant, catholique et breton, ça fait deux fidélités, une de trop : comment choisir en cas de conflit ? Sans doute s’est-il trouvé, tout au long du xxe siècle, un certain nombre d’évêques, de prêtres et de laïcs soucieux de défendre la langue et la culture bretonnes, mais dans les limites d’un prudent régionalisme : l’abbé Perrot et d’autres ont su très vite ce qu’il en coûtait de franchir la ligne. Malgré le Bleun Brug, les rapports entre l’Église catholique et le mouvement breton ont été marqués par plus de malentendus que de connivences, et la perspective d’un national-catholicisme a rarement effleuré les dirigeants de Breiz Atao, plus portés à invoquer les racines celtiques que la tradition chrétienne : le choix d’un drapeau excluant l’ancienne croix noire au profit des seules hermines est tout à fait significatif à cet égard. Aujourd’hui, le mouvement breton, si puissant dans le domaine culturel, n’a pas plus de religion qu’il n’a de politique55. « Beaucoup de Bretons, remarque Fanch Morvannou, se revendiquent comme tels, sans rien d’autre, et en tout cas sans rien devoir à l’Église, et sans s’y rattacher56. » Qu’a-telle d’ailleurs à leur offrir ? L’abbaye de Landévennec, qui n’a pas su ou voulu se doter d’une liturgie en breton, a déçu bien des espoirs, et on peut se demander si la communauté du Minihi Levenez, fondée en 1984 par Job an Irien, survivra à son infatigable animateur.
31Que l’on aille vers une pulvérisation individuelle du religieux ou vers des formes nouvelles de communautarisme, il semble acquis que la gestion du ciel breton du siècle à venir échappera au contrôle de l’Église qui en avait traditionnellement la charge. Les figures du pèlerin et du converti, analysées par Danièle Hervieu-Léger, ont en commun d’être des métaphores d’une religion en mouvement, dont les adeptes répugnent aux situations stables, aux engagements pérennes et aux normes imposées de l’extérieur. Dans ce nouveau paysage religieux, essentiellement instable, dont les mobiles de Calder ou de Tinguely pourraient bien être le symbole annonciateur, le mode de validation du croire sera de plus en plus individuel, mutuel ou communautaire, mais de moins en moins institutionnel57. L’Église catholique y perdra sans doute sa capacité à maîtriser ses propres fidèles, mais aussi sa possibilité de contrôler le réemploi de ses valeurs et de son patrimoine.
Religion mod coz
32Il reste en effet à s’interroger sur la place que la société bretonne de demain fera à celle qui lui a si longtemps tenu lieu de religion historique, au point que, si l’on en croit Ronan Le Coadic, peu suspect d’apologétique, « ce sont bien des réminiscences de catholicisme qui rendent le lien social particulièrement fort en Bretagne aujourd’hui58 ». Cette place sera, à coup sûr, très relative. Achevant de perdre ce qui lui restait d’emprise sur la société, l’Église se trouvera cantonnée à l’espace de la vie privée ou aux manifestations publiques d’une association parmi d’autres, soumise, autrement dit, à un processus de sectorisation. Ramenée à cette position modeste, dépossédée de tout pouvoir social, réduite à un public de fidèles convaincus mais peu nombreux et encadrés par un clergé aux effectifs infimes, elle ne devrait susciter dès lors, dans l’opinion, qu’une indifférence polie ou une tolérance libérale. Dans ces conditions, l’anticléricalisme résiduel qui s’observe aujourd’hui devrait disparaître assez rapidement. Il trouve d’ailleurs une partie de son auditoire, voire de ses agents, dans les milieux catholiques : parmi ceux qui ont connu la période préconciliaire, le souvenir ranci de l’accumulation des obligations, du poids des interdits, du stress de la confession, nourrit un ressentiment qui devrait s’éteindre avec la génération qui le porte. L’anticléricalisme laïque, en revanche, celui qui se cultive en particulier dans le corps enseignant, pourrait s’avérer plus durable, en raison de l’importance du réseau des écoles libres en Bretagne. Il ne s’effacera que lorsque chacun aura pris conscience du véritable enjeu du dualisme scolaire, c’est-à-dire du fait que la plupart des défenseurs de l’école privée sont moins attachés à l’idée d’une éducation catholique qu’à la revendication libérale de la concurrence des établissements. Du reste, le clergé et les congrégations, également exsangues, ne peuvent plus apporter leur concours à des directions diocésaines qui peinent moins à définir le « caractère propre » de l’école catholique qu’à le faire mettre en œuvre par leurs personnels. Le dernier prêtre professeur du diocèse de Quimper est parti en retraite en 2000 : symbole éloquent pour un changement de siècle59. Une variante de cet anticléricalisme laïque se manifeste dans la réticence de certains professeurs d’histoire à enseigner ce qui relève à leurs yeux d’une histoire de religions qui n’aurait pas sa place dans l’école de la République, en particulier le chapitre sur les origines du christianisme en classe de Seconde. Chaque fois qu’il m’est arrivé d’être convié à des journées de formation sur ce thème, je soulignais qu’à vouloir exclure les questions religieuses des programmes d’histoire, on se condamnerait vite au chômage technique. Je faisais observer par ailleurs que l’une des conquêtes de Jules Ferry fut précisément d’établir, par la fondation de la section des Sciences religieuses de l’École Pratique des Hautes Études, la possibilité d’une étude laïque, et non plus confessionnelle, des religions60.
33Si l’anticléricalisme traditionnel semble voué à disparaître, il n’est pas exclu que se développe une nouvelle forme d’hostilité à l’Église. Président de la Conférence épiscopale française, Mgr Billé déplorait à Lourdes, en novembre 2000, le soupçon, la dérision et l’ostracisme qui frappaient, à son sens, la communauté catholique61. J’en ai pris personnellement conscience en janvier 1999, à l’occasion d’une exposition organisée dans les locaux de la bibliothèque de la Faculté des Lettres de Brest. L’artiste, Jean-Jacques Petton, considéré comme le chef de file du mouvement du « pinsé », qui récupère ses matériaux parmi les déchets abandonnés sur la grève, y présentait entre autres deux œuvres qui, au premier regard, se donnaient à voir comme un Christ sous perfusion et un ensemble de crucifix dans une poubelle62. Quelques étudiants catholiques, choqués par ces œuvres, en demandèrent le retrait, provoquant une vive polémique, largement relayée par la presse locale, qui déboucha finalement sur une solution de compromis. Les uns, de loin les plus nombreux, stigmatisaient la censure, l’atteinte aux droits de la création, l’intégrisme d’une « poignée d’offusqués63 ». Les autres, très minoritaires en effet, ne pouvaient admettre que la religion catholique fût tournée en dérision dans un lieu qui n’était pas une galerie d’art mais un espace de travail où la neutralité était de règle. Les premiers invoquaient la liberté, les seconds la laïcité : les acteurs jouaient à fronts renversés64. Mais, au-delà de la controverse, cette affaire me semble révélatrice d’une nouvelle conjoncture dans laquelle il arrive qu’une large partie de l’opinion, pourtant d’origine chrétienne, s’indigne quand des catholiques expriment leur foi et en exigent le respect, ce que nul ne conteste aux juifs ni – du moins jusqu’il y a peu – aux musulmans. Il se pourrait bien qu’à l’avenir la sectorisation de l’Église tourne à sa sectarisation, soit qu’elle adopte elle-même, de par sa réduction à « un groupement volontaire de croyants affichant ses conditions d’entrée », un profil que les sociologues qualifient de sectaire, soit que le regard porté sur elle chausse les lunettes du rapport parlementaire de 1995 sur les sectes. À considérer les critères de dangerosité à partir desquels ce rapport définit la secte, on pourrait demain fermer couvents et monastères65. On se trouverait alors dans une situation paradoxale où, par suite d’une conception sélective de l’inaliénable liberté de l’individu, on en viendrait à pouvoir s’associer pour n’importe quoi sauf pour vivre selon ses convictions, fût-ce en prononçant des vœux qui, somme toute, n’engagent que soi.
34En fait, il se pourrait tout aussi bien que le catholicisme régresse à ce point qu’il en devienne insignifiant. J’ouvre le précieux atlas réalisé par Jean Ollivro sur La Bretagne en l’an 2000 : diagnostic et tendances prospectives. Son propos, si j’en crois la préface écrite par le président du Conseil régional, est « d’apporter un éclairage complet et précis sur les grands enjeux qui se posent aujourd’hui à la société bretonne66 ». Je cherche la religion et je ne trouve rien, absolument rien. C’est étonnant, mais c’est ainsi. Il y a bien un chapitre sur l’identité culturelle bretonne, qui évoque la littérature, la musique, le théâtre et la promotion de la langue, mais la religion n’y figure qu’en creux, sans être jamais nommée, dans l’évocation du patrimoine architectural qui concourt à diversifier le tourisme régional. Ce traitement est un symptôme : s’il s’obstine à durer, le catholicisme risque de surprendre ou de gêner ; disparu, il sera recyclable. Les particuliers s’y emploient déjà, soit en récupérant à des fins décoratives les objets du culte ou les instruments de la dévotion abandonnés dans les greniers, soit en achetant dans les magasins branchés les nouveaux bibelots à motifs religieux. Dans son édition du 20 novembre 1999, à la rubrique « tendance », Madame-Figaro, bon indicateur de la mode bourgeoise, signale à ses lectrices que « la religion a envahi les boutiques. […] Mais attention, au deuxième degré, explique Valérie Broquisse. Les images pieuses, qu’elles soient chrétiennes ou orientales, doivent être kitsch. Les déclinaisons sont multiples. De la bougie Jésus au tee-shirt Vierge (à paillettes), en passant par les sacs Shiva ou Vishnu67. » Quelques pages plus loin, Brigitte Bardot confie qu’elle a « une tendresse sans limites » pour la Vierge Marie. « Je lui ai construit une petite chapelle à La Garrigue. Quand ça ne va pas, j’y vais, je prie, je médite, je lui parle, je l’engueule même de temps en temps ! Les curés, je n’y crois pas trop. Ma religion, c’est Dieu et moi. Je n’aime pas les intermédiaires. » Une photographie de l’intérieur de ladite chapelle nous montre une sorte d’autel encombré de croix, de statues et d’images pieuses, authentiques celles-là, qu’on imagine acquises chez les brocanteurs68. Mais l’avenir est surtout à une politique patrimoniale aux retombées économiques évidentes, qui trouvera ici un terrain privilégié. Introduisant une luxueuse plaquette sur le Patrimoine religieux en Bretagne, éditée en 1996 par les soins du Conseil régional, son président se félicitait que fût ainsi mis en valeur l’un des « domaines qui fondent la richesse culturelle et touristique de notre région69 ». L’émotion et la mobilisation qu’a suscitées en 1998 l’incendie de l’église de Saint-Thégonnec montrent bien qu’un large consensus existe sur la nécessité de cette préservation70.
35Pourtant des difficultés pourraient bien surgir, et on le voit déjà, quant à l’usage des édifices religieux. À mesure que les églises seront délaissées, faute de fidèles et parce que les petites communautés qui survivront auront naturellement tendance à se réunir, surtout pour des assemblées dominicales non eucharistiques faute de prêtre, dans des locaux moins glaciaux que ces grandes bâtisses trop onéreuses à chauffer, il apparaîtra de plus en plus incongru de laisser sans emploi des bâtiments appartenant aux communes et entrenus – pour les gros travaux – par les contribuables. La tentation sera grande d’y organiser des concerts ou des expositions, ou tout bonnement de s’y réunir pour diverses circonstances, ce qui ne serait jamais, finalement, que renouer avec les temps anciens où la communauté villageoise s’assemblait à l’église pour débattre de ses affaires. Depuis plusieurs années, un certain nombre de lieux de culte secondaires, qui ne servaient plus guère que pour un pardon annuel, sont le théâtre de manifestations culturelles estivales, à l’instar de celle qui présente des œuvres d’art contemporain dans les chapelles de la région de Pontivy71. Le problème – on l’a vu – tient à ce que le clergé, affectataire des lieux en vertu de la loi du 2 janvier 1907, exerce un contrôle de leur usage. En 1995, la commission diocésaine en charge de ces problèmes à l’évêché de Quimper donnait cinq avis défavorables sur les dix-neuf dossiers qui lui étaient soumis. Les motifs de rejet venaient des prestations envisagées par certaines chorales. « Le défaut des programmes proposés, expliquait la commission, ne tient pas seulement à l’inconvenance de telle pièce. Il tient à sa conception générale, qui prend la forme d’un pot-pourri, où une chanson de marin est suivie d’un Ave verum, puis d’un méli-mélo et d’un negro-spiritual. Il y a dans cette succession un manque de respect pour les pièces religieuses interprétées et pour le public. […] S’il s’agit seulement de se divertir ensemble, une autre salle conviendrait mieux72. » Ce type de litiges continuera sans doute d’être réglé au coup par coup, mais il n’est pas exclu que l’Église en vienne à désaffecter certains édifices, dont l’usage profane se trouverait facilité73.
36Mais on peut penser aussi que le tourisme trouvera son compte dans le maintien ou la réactivation ponctuelle d’activités proprement cultuelles. Dans un roman passionnant dont il situe l’action au début du xxie siècle, Jacques Neyrinck a imaginé un catholicisme moribond dans une Belgique au bord de la guerre civile entre Flamands et Wallons. Messe à Bruxelles, dans la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule :
« La grâce de Jésus Notre-Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit-Saint soient toujours avec vous. » Le père Jean avait gardé une voix forte […]. Un concert de voix éraillées lui répondit : « Et avec votre esprit. » Ces mots ne voulaient rien dire en eux-mêmes. Ils provenaient d’une époque révolue où les premiers chrétiens parlaient en grec. […] Tout le reste à l’avenant : que pouvaient exprimer les mots saint, Seigneur, Dieu, communion pour un Européen du xxie siècle ? […] L’assemblée pouvait bien compter deux cents personnes. Hormis la famille de Manuel [le sacristain portugais], il n’y avait ni enfants, ni jeunes. On ne voyait que des crânes lisses et des chevelures blanches, des cannes, des béquilles, des chaises roulantes, une assemblée de revenants célébrant leurs propres funérailles. Dans le fond de la nef, défilaient les groupes de touristes asiatiques qui prenaient le temps d’enregistrer une séquence de la cérémonie sur leurs caméras74.
37Fiction, dira-t-on ? Voire. À Plougar, près de Landivisiau, on a refait la Fête-Dieu comme autrefois, avec reposoirs, parcours fleuris et maisons décorées, assez pour attirer l’attention d’ArMen, la revue emblématique de la patrimonialisation de la Bretagne75. Dans les suppléments que les quotidiens bretons publient chaque été, on annonce les pardons à côté des fêtes de la moisson, des foires traditionnelles ou des rassemblements de vieux gréements. Au hasard des « bons plans » que Ouest-France suggère chaque semaine aux lecteurs de son édition dominicale, au cours de l’été 2000, je relève le « détour par le monastère de Beaufort, en Ille-et-Vilaine, où la vie a la douceur du miel et des confitures76 ». On l’a déjà vu à propos des chapelles restaurées, « le recul de la perception croyante se mesure à l’avancée de la perception esthétique », comme le remarquait Michel de Certeau, qui ajoutait qu’avec des prêtres et des évêques de plus en plus réduits au « rôle d’Indiens de l’intérieur », le christianisme était en voie de « folklorisation77 ». Je supposais tout à l’heure que le catholicisme breton pourrait bien disparaître peu à peu dans l’indifférence générale. Mais il est bien plus vraisemblable qu’on assistera à sa conservation organisée pour d’autres fins que les siennes. La sauvegarde du patrimoine religieux en vie, qui est aujourd’hui la préoccupation d’une association dynamique, la SPREV, organisant chaque été des visites guidées d’un certain nombre d’églises et de chapelles, pourrait être demain l’objectif d’Offices du tourisme en mal de renouvellement des attractions. Vieilles pierres, vieilles bannières, vieux curés : la religion mod coz, à l’ancienne.
38Sectorisation, ostracisation, disparition, patrimonialisation, folklorisation : j’hésite, finalement, entre ces cinq scénarios de l’avenir du catholicisme breton, qui ne sont d’ailleurs pas forcément exclusifs les uns des autres. On peut supposer une conjugaison des trois premiers, c’est-à-dire l’amnésie du christianisme dans une société définitivement désenchantée, à moins qu’elle ne soit réenchantée par de nouvelles formes de religion. On peut aussi envisager une combinaison du premier et des deux derniers, c’est-à-dire la survivance d’un christianisme minoritaire dans une société postchrétienne cultivant pour ses propres besoins la mémoire de son passé religieux. On peut même imaginer que ces cinq scénarios se succèdent dans un processus au bout duquel les espaces cultuels ne seraient plus que des espaces culturels : toutes proportions gardées, la cathédrale de Quimper aurait alors autant de valeur et aussi peu de sens que le Parthénon.
Notes de bas de page
1 Emmanuel Todd, La Nouvelle France, Paris, Seuil, 1988 : « Jusqu’au début des années soixante du xxe siècle, un catholicisme austère et efficace […] reste puissant, apparemment invulnérable, dans une constellation de bastions périphériques basques, rouergats, savoyards, angevins, bretons, alsaciens, franc-comtois. Entre 1965 et 1982, ces bastions mêmes sont pulvérisés par une révolution mentale […]. La destruction de l’autorité de l’Église dans ces bastions périphériques constitue une troisième crise du catholicisme français, que l’on peut considérer comme terminale, dans la mesure où les régions concernées étaient les dernières fidèles » (p. 237).
2 Voir Reinhart Koselleck, Le Futur passé. Contrbution à la sémantique des temps historiques, Paris, EHESS, 1990.
3 Yvon Tranvouez, Catholiques et communistes. La crise du progressisme chrétien, 1950-1955, Paris, Cerf, 2000.
4 Madeleine Delbrêl, Nous autres, gens des rues, Paris, Seuil, 1966, p. 318 (conférence donnée en septembre 1964 pour un cercle d’étudiants).
5 Michel de Certeau, Histoire et psychanalyse entre science et fiction, Paris, Gallimard, 1987, p. 71.
6 Voir par exemple Paul Veyne, Le Quotidien et l’intéressant, Paris, Les Belles Lettres, 1995.
7 Henri Brunschwig, L’Afrique noire au temps de l’Empire français, Paris, Denoël, 1988, p. 15.
8 Louis Bourdeau, L’Histoire et les historiens. Essai critique sur l’histoire considérée comme science positive, Paris, 1888, cité par Guy Bourdé et Hervé Martin, Les Écoles historiques, Paris, Seuil, 1983, p. 206.
9 Revue historique, 1888, n° 3, p. 385, cité par Guy Bourdé et Hervé Martin, idem.
10 Sans référence à Monod, Émile Poulat recourt à un vocabulaire analogue dans Poussières de raison. Esquisses de météosociologie dans un monde au risque de l’homme, Paris, Cerf, 1988 : « On peut trouver le néologisme hardi, il exprime bien ce qu’il veut dire : une sociologie de l’air du temps, regardant l’avenir et étudiant le ciel (c’est le moins pour une sociologie religieuse), sensible aux aires climatiques, à leur stabilité durable sur laquelle le volontarisme social a peu de prise, mais aussi aux modes saisonnières qui vivent ce que vivent les idées dans le vent, le temps d’un vent propice » (p. 9).
11 Jean-Marie Mayeur, La Séparation des Églises et de l’État, Paris, Éditions ouvrières, 1991, p. 182.
12 Voir Yves Lambert, Catholicisme et société dans l’Ouest. Cartes et statistiques, tome 1, Le xxe siècle, Rennes, INRA, 1980.
13 Gabriel Le Bras, « Premiers traits d’une carte de la pratique religieuse dans les campagnes françaises », Revue de Folklore français, tome VII, 1936, extrait repris dans les Archives de Sciences sociales des Religions, n° 43/1, janvier-mars 1977, p. 14-15.
14 Marcel Quiviger, « Les Bretons et la foi », dans Le pape en Bretagne, supplément au Télégramme de Brest et de l’Ouest, 17 septembre 1996 (sondage réalisé par l’institut TMO). Voir le commentaire de Ronan Le Coadic, L’Identité bretonne, Rennes, Terre de Brume Éditions/PUR, 1998, p. 405-408.
15 Mgr Jacques Jullien, « Dieu change à l’Ouest », La Croix-L’événement, 13 février 1992.
16 Voir Buhez, Les Bretons et Dieu, Rennes, Éditions Ouest-France, 1985, p. 35.
17 Marcel Quiviger, op. cit.
18 Ibidem.
19 Voir par exemple les analyses du penseur marxiste Gilbert Mury, Essor ou déclin du catholicisme français ?, Paris, Éditions sociales, 1960, qui comprend de nombreuses références à la Bretagne.
20 Émile Poulat, Où va le christianisme ? À l’aube du troisième millénaire, Paris, Plon-Mame, 1996, p. 16.
21 Voir l’essai suggestif de Paul Airiau, L’Église et l’Apocalypse du xixe siècle à nos jours, Paris, Berg International, 2000.
22 Robert-Hugh Benson, Le Maître de la Terre, Paris, Perrin, 1916 (1re édition anglaise : 1906).
23 Robert-Hugh Benson, La Nouvelle Aurore. Roman des temps futurs, Paris, Perrin, 1915, « Préface », p. VII-VIII (1re édition anglaise : 1911).
24 Mgr Duparc, cité par F.C., « Les fêtes du Folgoët. Le xxve anniversaire du Couronnement », La Semaine Religieuse du diocèse de Quimper et de Léon, 19 septembre 1913.
25 Mgr Duparc, idem.
26 Mgr Dubourg, ibidem.
27 Mgr Gouraud, « La mission mariale de la Bretagne », La Semaine Religieuse du diocèse de Quimper et de Léon, 26 septembre 1913.
28 René Cardaliaguet, Les Trois contre Moscou, Paris, Spes, 1931, citations p. 9, 56.
29 René Le Corre, « Incroyance », Le Courrier du Léon et du Tréguier, 2, 9, 16, 23 février et 2 mars 1985.
30 Entre autres prêtres bretons témoins et analystes de cette migration, voir Émile Morin, Confession d’un prêtre du xxe siècle, Paris, Flammarion, 1991, et Jean-Pierre Bagot, Moi, prêtre breton, demande au pape…, Paris, Desclée de Brouwer, 2000.
31 Émile Poulat, L’Ère postchrétienne. Un monde sorti de Dieu, Paris, Flammarion, 1994.
32 Mgr Fihey, « La marée se met en marche », cité dans Le Pèlerinage de Jean-Paul II, numéro hors-série de Ouest-France, 21 septembre 1996.
33 Mgr Gourvès, « Nos vœux sont comblés », cité dans Le Pèlerinage…, op. cit., p. 15.
34 Voir les analyses roboratives de Danièle Hervieu-Léger, Catholicisme, la fin d’un monde, Paris, Bayard, 2003.
35 Jacques Maître, « L’évolution statistique du catholicisme depuis la Libération », dans Guy Michelat, Julien Potel, Jacques Sutter, Jacques Maître, Les Français sont-ils encore catholiques ?, Paris, Cerf, 1991, p. 41.
36 Voir Paul Mercator (pseudonyme d’un groupe de géographes), La Fin des paroisses ? Recompositions des communautés, aménagement des espaces, Paris, Desclée de Brouwer, 1997.
37 Marcel Quiviger, op. cit.
38 Mgr Pierre Mamie avec Frédéric Dard, D’Homme à homme, Fribourg, Éditions Martin Michel SA, 1984, p. 43-44.
39 Émile Poulat, Poussières de raison…, op. cit., p. 170.
40 Voir le beau livre de Jacques de Chalendar, Une Enfance catholique, 1920-1940, Paris, Fayard, 2000.
41 Voir Alain Croix, Fanch Roudaut, Les Bretons, la mort et Dieu, de 1600 à nos jours, Paris, Messidor/Temps Actuels, 1984 (« La mort est en Bretagne un élément culturel central, de même qu’elle est un élément central du catholicisme breton », p. 10).
42 Michel Lagrée, « La religion et la mort dans L’Ouest-Éclair », dans Michel Lagrée, Patrick Harismendy, Michel Denis (dir.), « L’Ouest-Éclair ». Naissance et essor d’un grand quotidien régional, Rennes, PUR, 2000, p. 181.
43 Yves-Marie Robin, « Funérailles : des laïcs plus présents », Ouest-France, 18 novembre 1999.
44 Joseph Berchoud, « Les traditions religieuses et la mort », Actualité des Religions, n° 21, novembre 2000, p. 52.
45 Voir les réflexions acides de Paul Winninger sur « le culte public », dans Le Droit et les institutions de l’Église catholique latine de la fin du xviiie siècle à 1978, Paris, Cujas, 1984 (« Au niveau des assemblées moyennes, de tout venant, on est effaré de retrouver, catholicité esthétique dérisoire, de Paris à Chicago, Buenos Aires ou Madras, les mêmes musiquettes sirupeuses ou sautillantes dérivées de Deiss ou Gélineau et mêlées au répertoire irlandais. N’est-ce pas la rechute dans l’insignifiance du xixe siècle ? Quel air avons-nous devant les chœurs orthodoxes, les psalmodies musulmanes ou asiatiques ? », p. 371). Voir aussi Claude Barthe, Reconstruire la liturgie, Paris, F.-X. de Guibert, 1997.
46 Voir Odon Vallet, Les Religions dans le monde, Paris, Flammarion, 1995.
47 Marcel Quiviger, op. cit.
48 Le Monde, 1er octobre 1986.
49 Grace Davie, « Believing without Belonging. A Liverpool case-study », Archives de Sciences sociales des Religions, n° 81, janvier-mars 1993, p. 79-89. Dans le même numéro, Roland J. Campiche, « Individualisation du croire et recomposition de la religion », p. 117-131. Voir encore Grace Davie, La Religion des Britanniques. De 1945 à nos jours, Genève, Labor et Fides, 1996.
50 Danièle Hervieu-Léger, Le Pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Paris, Flammarion, 1999.
51 Françoise Champion, « Les sociologues de la post-modernité religieuse et la nébuleuse mystique-ésotérique », Archives de Sciences sociales des Religions, n° 67/1, janvier-mars 1989, p. 155-169.
52 Josette Voiton, « Le Renouveau charismatique : un courant né à Brest en 1971 », Le Courrier du Léon et du Tréguier, 7 avril 1990. Pour une vision plus large, voir Olivier Landron, Les Communautés nouvelles. Nouveaux visages du catholicisme français, Paris, Cerf, 2004.
53 Danièle Hervieu-Léger, Le Pèlerin…, op. cit., p. 59.
54 Mgr François-Mathurin Gourvès, Le Renouveau de la culture bretonne : un défi pour l’Église, Vannes, évêché, septembre 2003.
55 Voir Francis Favereau, Bretagne contemporaine. Langue, culture, identité, Morlaix, Skol Vreizh, 1993 (« Le charme est sans doute définitivement rompu entre la foi – ou est-ce seulement l’Église… ? – catholique et la mouvance culturelle bretonne contemporaine », p. 195).
56 Fanch Morvannou, « L’Église et l’identité bretonne aux xixe et xxe siècles », inédit.
57 Voir Danièle Hervieu-Léger, Le Pèlerin…, op. cit., p. 177 et suiv.
58 Ronan Le Coadic, L’Identité…, op. cit., p. 418.
59 Jacques Chanteau, « Le dernier prêtre professeur a rangé son cartable », Le Télégramme de Brest et de l’Ouest, 20 juillet 2000.
60 Voir Émile Poulat, « Le développement institutionnel des sciences religieuses en France », dans Henri Desroche et Jean Séguy (dir.), Introduction aux sciences humaines des religions, Paris, Cujas, 1970, p. 79-98.
61 Pierre Tanguy, « Les temps sont rudes pour l’Église. À Lourdes, les évêques français parlent de catholicisme et société », Ouest-France, 5 novembre 2000.
62 Voir Sylvie Dammekens, L’Insignifiant à la plage : récupération et valorisation artistique d’objets échoués, DEA d’ethnologie, Université de Bretagne Occidentale, 2000. Pour l’auteur, le pinsé relève d’un « mélange de type new-age » (p. 37).
63 Steven Le Roy, « Œuvres retirées à la Fac : vernissage sous influence », Le Télégramme de Brest et de l’Ouest, 23 janvier 1999.
64 Voir la suite des articles consacrés à cette affaire dans Ouest-France et Le Télégramme de Brest et de l’Ouest entre le 22 janvier et le 2 février 1999, notamment Yvon Tranvouez, « Petton : réflexions sur une polémique », Ouest-France, 28 janvier 1999, et Jean-Jacques Petton, « L’artiste s’explique », Ouest-France, 2 février 1999.
65 Émile Poulat, « Sociologues et sociologie devant le phénomène sectaire », La Pensée, n° 316, octobre-décembre 1998, p. 93-106.
66 Josselin de Rohan, préface à Jean Ollivro, La Bretagne en l’an 2000 : diagnostic et tendances prospectives, Rennes, PUR, 2000, p. 3.
67 Valérie Broquisse, « Les objets du culte », Madame-Figaro, 20 novembre 1999, p. 22.
68 Interview de Brigitte Bardot par Marie-Claire Pauwels, ibid., p. 62.
69 Yvon Bourges, introduction à Patrimoine religieux en Bretagne, Rennes, Conseil régional, 1996, p. 3.
70 Voir Saint-Thégonnec. Naissance et renaissance d’un enclos, Brest, CRBC, 1998.
71 Voir Bernard Delhaye, « Un maillage culturel et artistique du territoire à travers ses composantes patrimoniales : l’art dans les chapelles ou l’espace partagé », dans Fanch Roudaut (dir.), Quel avenir pour nos églises ?, Brest, CRBC, 2005, p. 195-207.
72 « Commission diocésaine des manifestations culturelles dans les églises », Quimper et Léon : l’Église en Finistère. Bulletin diocésain, 25 juillet 1996.
73 Voir Yvon Tranvouez, « Vers un nouvel esprit de clocher ? », dans Fanch Roudaut (dir.), Quel avenir…, op. cit., p. 11-29.
74 Jacques Neyrinck, Le Siège de Bruxelles, Paris, Desclée de Brouwer, 1996, p. 74-75.
75 « La Fête-Dieu à Plougar », ArMen, n° 68, juin 1995, p. 36-39.
76 Ouest-France dimanche, 6 août 2000.
77 Michel de Certeau, Jean-Marie Domenach, Le Christianisme éclaté, Paris, Seuil, 1974, p. 18 et 24.
Notes de fin
* Catholica, n° 71, printemps 2001, p. 10-34.
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