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Marie-Claude Pingaud

Introduction

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Géographique :

France

Texte intégral

Validation de la monographie

1La monographie communale, qui fut longtemps l’outil essentiel des recherches en ethnologie et sociologie rurales, considérée même un temps comme « carrefour épistémologique » de l’histoire des sciences sociales, serait depuis les premières années de la décennie 1980-1990 « passée de mode », soupçonnée à la fois de n’être qu’un « objet naturel » trop chargé d’affect pour accéder à une légitimation scientifique, et un pôle de spéculations idéologiques hasardeuses (Chiva, De village en village, 1992). En 1968 déjà P. Bourdieu stigmatisait les monographies de village qui, « objets spontanés des sciences sociales », dépourvus d’une « réalité sociologique » soutenue par l’élaboration d’une problématique, n’aboutissaient qu’à « la désignation » de groupes sociaux relevant du sens commun. (Le métier de sociologue, 1968, p. 60, note 2).

  • 1 Property, production and family in Neckerhausen (1700-1870), C.U.P, 1991.

2Une inflexion relativement récente de la recherche en sciences sociales, combinant les perspectives et les méthodes de la micro-histoire et de l’anthropologie, a réhabilité l’analyse à petite échelle. Parmi d’autres historiens adeptes de cette orientation, D. W. Sabean rappelle, en se référant aux principes de F. Braudel, que « la validité de l’échelle dépend de la nature des questions qu’on se pose1 ». L’œuvre qu’il mène à bien justifie la représentativité sociologique d’une monographie de village : à partir du dépouillement à la fois thématique et statistique de sources notariales et judiciaires, à la mesure des événements et comportements s’inscrivant dans les cycles de vie individuels, il conduit une analyse fine des structures gouvernant parenté et propriété dans une société villageoise du Wurtemberg qui dès lors apparaît, par la pertinence et l’originalité des conclusions, comme un modèle de l’évolution des transferts familiaux de propriété en société paysanne à succession égalitaire, dans le Nord européen, du xviie au xixe siècle.

3Il est reconnu aujourd’hui que dans le champ européen la monographie, tournant désormais les écueils de l’impossible exhaustivité, de la description répétitive, de la typologie stérile, se justifie quand elle relève d’un projet conciliant les problématiques de l’ethnographie et de l’histoire. La perspective comparatiste est à la mesure de la mise en corrélation efficiente des données multiples recueillies, de la cohérence du discours qui les interprète, exigences nécessaires à la présentation de significations partielles, transitoires, progressant vers une tentative de synthèse.

  • 2 B. Lepetit, « De l’échelle en histoire », J. Revel, Jeux d’échelle, Gallimard-Le seuil, 1996, p. 8

4L’échelle choisie peut varier, mais doit en premier lieu rechercher la pertinence entre « le niveau d’organisation à étudier » et « le niveau d’information possible2 ». Aux questions et propositions initiales qui élaborent l’objet de la recherche doit s’ajuster son inscription dans un espace et une période déterminés ; l’application de propositions, procédures et outils spécifiques aux champs de l’histoire et de l’ethnographie confère à cet artefact valeur d’objet de connaissance.

  • 3 J. Revel, « Micro-analyse et construction du social », in Jeux d’échelle, op. cit., p. 26

5Autrement dit, on peut accorder valeur heuristique à la tentative d’ordonner, à partir d’une prolifération de référents factuels et relationnels, la complexité des relations vécues par individus et familles autour des normes et des pratiques de l’accès à la terre, dans un groupe enraciné où la mémoire commune transmet les injonctions du droit, la pression du notaire retenant toutes déviations et excès d’individualisme. En dépit de la part irréductible de contradictions, d’incertitudes et de « restes », le projet apparaît pertinent de mettre à jour un ajustement logique de conduites et de représentations, une élaboration éthique et dynamique de société localisée. Ainsi se trouve réhabilitée, au niveau conceptuel, la monographie de commune : « ce que l’expérience d’un individu, d’un groupe, d’un espace permet de saisir est une modulation particulière de l’histoire globale3 ».

Le territoire

  • 4 À St Germain, on est plus restrictif encore : « Mortagne c’est là-haut vers le nord, ça touche à L (...)
  • 5 La province ne devrait son identité qu’à la courte apogée des comtes du Perche, les Rotrou– xie-xv(...)

6Saint-Germain-de-la-Coudre est une grande commune – 2561 ha – située au cœur du Perche (fig. 1), région de transition entre plaine de Beauce et bocage bas-normand. Ce « pays », longtemps indépendant au Moyen Âge sous l’autorité rivale des comtes de Mortagne et de Bellême, rattaché plus tard au « gouvernement du Maine-et-Perche », se trouve aujourd’hui partagé entre les départements de l’Orne, de l’Eure-et-Loir, de la Sarthe et du Loir-et-Cher. Les habitants du sud-est de l’Orne, autour de Mortagne et Bellême, définissent cette aire comme « le vrai Perche »4, mondialement réputé au siècle dernier pour l’élevage du cheval de trait, et tiennent pour des marges le Perche-Gouët à l’est, et le Perche vendômois au sud5.

7Deux vallons confluents articulent le relief de la commune. Celui de la Coudre, sur lequel s’est établi le bourg, descend du Nord au Sud, et c’est la direction de cet affluent que reprend la Même, venant du nord-ouest, après leur jonction au centre du territoire. L’ancienne voie de passage nord-sud suivait la rive droite du val creusé par la Coudre, traversant la Même au gué de Villiers, gardé au xvie siècle par un manoir fortifié dont restent des vestiges dans la ferme actuelle. La route nationale de Bellême à La Ferté-Bernard suit à peu près ce tracé ; dans sa traversée du bourg elle devient la Grande Rue, formant carrefour quand la rejoint la route départementale venant du Theil, chef-lieu du canton (fig. 2).

Figure 2. Position de St Germain-de-la-Coudre dans le canton

Figure 2. Position de St Germain-de-la-Coudre dans le canton
  • 6 « Il y avait deux fêtes patronales, celle de la Pentecôte au Bas du bourg, celle du Haut du bourg (...)

8Là se dessine une place triangulaire aménagée vers 1970 en parking, qu’une rangée d’arbres sur un trottoir sépare du Monument aux Morts. C’est aujourd’hui un espace négatif, zone quadrillée pour le stationnement des voitures, où les poids lourds freinent bruyamment avant la traversée de l’agglomération. En 1955 encore cette place était le lieu des rencontres et des fêtes au Bas du bourg. L’auberge « Au Bon Laboureur », dans la période entre les deux guerres, « faisait une soixantaine de couverts les dimanches à la belle saison », « on y dansait le soir au son d’un piano mécanique » ; là s’installaient la « chaumière » du bal et les bans le jour de « l’assemblée6 », on y sautait les feux de la Saint-Jean, on y brûlait Carnaval à l’issue d’un défilé de masques et travestis peu apprécié par le curé.

  • 7 Les recherches menées par l’abbé Gehan, dernier curé résident, conduisirent à son dégagement ; deu (...)
  • 8 Ces informations figurent dans le manuscrit rédigé en 1857 par l’abbé Voiturier, « installé curé d (...)
  • 9 Dans le texte de l’abbé Voiturier il est précisé pourtant qu’« en 1729 on dépense 122 £ pour la ré (...)

9À l’extrémité nord de la Grande Rue, en remontant le cours de la Coudre vers Bellême, un moulin qui fonctionna jusqu’à la Première guerre, et l’abreuvoir public aménagé dans un évasement de la rivière attiraient les allées et venues des charrettes et des bêtes. Là débouchait, sur un plus petit carrefour, une rue perpendiculaire étroite et pentue descendant du Haut du bourg, desservant un noyau de maisons jointives coupé de ruelles et de jardinets autour de l’Église. Reconstruit au xviie siècle après un incendie, ce bâtiment repose sur une crypte plus ancienne7 ; le pied-droit de la voûte d’un porche et des soubassements de style roman témoignent de l’emplacement de l’hôtel seigneurial de St Germain au xve siècle8. Au flanc sud de l’église un dégagement élargit la rue : c’était le lieu du petit cimetière des enfants, désaffecté vers 1830. Cette placette ouvre sur la place St Nicolas, tout aussi exiguë, qui garde réputation de quartier des « belles maisons » de paysans riches et autres notables au début du siècle dernier, sans que personne se souvienne qu’il y eût là une chapelle dédiée au saint9.

10Il est fait état aujourd’hui encore de cette hiérarchie : « dans le Haut les gens sortent moins, sont plus réservés, que le Bas est vivant, c’est l’animation, ça circule ». Dans la rue étroite menant vers le Haut, en effet, les boutiques alignées dont les vitrines figurent sur les photographies prises avant 1950 ont disparu ; en dépit de la présence de l’Église, du proche presbytère habité par le curé jusqu’en 1986, de la Mairie et de l’école maternelle à son débouché, la rue de l’Église aux façades étroites et serrées ne s’anime qu’au rythme des horaires de l’école, de la messe du dimanche. Tandis que le Bas du bourg, avec la poste, le buraliste, le restaurant réputé, l’aire de stationnement, l’affairement autour des quelques commerces d’alimentation, voit passer du monde ; les rencontres piétonnières ne permettent pourtant, sur les trottoirs bordant la rue devenue route nationale, que des regroupements serrés.

11En arrivant à St Germain par le haut de « la côte du Theil », si dure à gravir à partir du bourg, nous dit-on, du temps des chevaux et des bicyclettes, on domine le val de la Coudre bordée de peupliers, le vieux bourg – le Haut – serré autour du clocher, l’agglomération du Bas agrandie des lotissements récents (1966, 1982), incluant une salle des Fêtes (1970), un terrain de sport et deux courts de tennis (1984) ; au long des routes partant du village, des antennes de maisons neuves progressent chaque année vers la campagne.

12Venant de l’ouest puis se dirigeant vers le sud après le confluent avec la Coudre, le val de la Même et ses rus affluents dessinent pentes et creux ; sur les versants aux vastes labours découverts, des vestiges de haies tracent des alignements tronqués, les pâtures à leur bas conservent quelques rangs de pommiers ; à l’ouest du territoire, au long du cours supérieur de la Même, des carrés de peupliers ponctuent la traînée des prés de fond, appropriés aux plus grandes fermes voisines ; à l’extrême sud persiste un paysage de bocage aux chemins sous couvert, aire de « terres maigres, à graviers », mal drainées et utilisées essentiellement en pâtures.

  • 10 Cf. M.-C. Pingaud, « L’eau rassembleuse du Perche », Ethnologie française, 1987, p. 381-400.
  • 11 On devine encore, encombrés de ronciers, quelques-uns de ces abris de planches, abandonnés dapuis (...)
  • 12 L’empierrement des chemins est longtemps l’objet essentiel des délibérations du C.M. ; dès 1836 il (...)

13Les habitants différencient « les hauts », « les côtes », « les fonds ». Témoins de la dénudation progressive du bocage pour l’extension des labours, les plus âgés évoquent les paysages de leur enfance, marqués par l’étagement des frondaisons, le maillage dense des haies, et la présence partout de l’eau10. Les deux rivières, sur lesquelles on avait établi, pour pallier l’insuffisance des ponts, des « planches » qu’empruntaient piétons et brouettes, alimentaient cinq moulins au début du xixe, et engraissaient les prés de leurs débordements saisonniers ; chaque cour de ferme ou de hameau avait sa mare et son puits ; partout surgissaient des sources qu’on utilisait comme lavoirs rudimentaires11, et plus anciennement comme douets, creux d’eau courante où l’on mettait le chanvre à rouir. Les haies vives, dont les preneurs de bail devaient assurer la taille en un cycle de 8 années, délimitaient aussi bien les labours que les surfaces en herbe ; les chemins voûtés de ramures se creusaient d’ornières toujours humides 12 ; les pommiers s’alignaient en égales rangées sur labours et pâtures, et des bois giboyeux cernaient les châteaux des communes voisines. « À 9 ans – dans les années 1930 –, je faisais la route à pied de Préval [commune limitrophe au sud] à “la Pommeraie” [lieu-dit situé sur cette rive, à mi-côte] voir mes grands-parents ; c’étaient que des chemins creux, on passait la rivière à gué là où il y a un pont maintenant ; le chemin vers la Pommeraie c’était entre des hauts talus, avec du beau charme, de la coudre. »

  • 13 « Dans le Perche le sol est montueux et très varié ; il renferme des terres argileuses, des sables (...)

14Se référant à un compartimentage du territoire dont les limites administratives ne sont soulignées que par la masse des bois du Theil à l’est, les plus âgés gardent l’image d’un semis de fermes et hameaux – il y a encore 120 lieux-dits écartés en 1926 – dont la hiérarchie s’accordait aux modulations du relief et à la qualité des sols13, aux « bons » et « mauvais coins » : les anciens domaines nobles et leurs « métairies » sont sur les « terres franches » de coteau, argiles et « grois » allégées de craie, tandis que les hauts sableux et les fonds mal drainés restent le lieu des « fermes maussades ». « On a toujours été dans les mauvaises campagnes », dit une agricultrice modestement retraitée qui a exploité successivement deux petites fermes de ces marges ; et un ouvrier de 45 ans évoque son enfance à la Volcanière [une ferme isolée au sud du territoire] que tenaient ses parents, « un coin perdu ». En ce temps l’incommodité des routes et des « chemins de champ » terreux, grossièrement empierrés, n’empêchaient pas pourtant les allées et venues de voisinage pour l’entraide, ni les rencontres « chez l’un chez l’autre jouer aux cartes aux veillées ».

La stricte égalité de la dévolution foncière

15L’appropriation familiale du sol, qui peut coexister avec une propriété communautaire, est un trait spécifique des sociétés paysannes de l’Europe de l’Ouest, et fonde un rapport d’identité entre famille et exploitation agricole ; la dévolution de la terre d’une génération à la suivante, établie selon des coutumes devenues règles de droit, est indissociable du système de filiation en place ; leur coordination donne forme spécifique à l’organisation d’ensemble et à l’évolution du groupe familial dans son environnement économique et social. Historiens et ethnologues du monde européen réduisent généralement les modes de transmission des patrimoines paysans à deux grands types, en dehors de l’indivision, et constatent au sein de chacun des nuances qui modulent la structure de l’unité domestique, les conditions de ses installations et le cycle de son développement.

  • 14 Si c’est une fille qui hérite, son époux entre « en gendre » dans « la maison » qui garde le nom d (...)

16La succession inégalitaire, ou transmission du bien des parents à un seul des enfants, est le mode coutumier des régions du centre et du sud-ouest français, qui se trouve largement appliqué encore, en dépit des prescriptions d’égalité du Code civil, durant la première moitié du xxe siècle. Dans les pays pyrénéens, le droit d’aînesse régit la succession et s’applique, selon les régions, soit en la seule faveur des fils, soit sans distinction de sexe ; en Auvergne, s’il y a carence de fils, l’autorité des parents leur permet de « faire un aîné » parmi leurs enfants. Dans les sociétés à dévolution unique, une « part du lion » qui va des deux/tiers à la totalité du patrimoine foncier, avec l’exploitation agricole qui le met en valeur, revient à un unique héritier au moment de son mariage. Il s’agit, en suivant la ligne agnatique, d’assurer la continuité de « la maison » – terres, bâtiments, réputation familiale –, dont la stabilité de génération en génération est signifiée par la permanence du patronyme14 ; les parents donateurs ne quittent pas « la maison », cohabitant avec le ménage de l’héritier, vite pourvu du futur héritier. Les filles sont dotées à leur mariage et rejoignent la maison de leur époux ; les fils cadets, s’ils n’épousent pas une héritière, quittent la maison avec le pécule que les parents leur consentent, ou bien y demeurent, célibataires, sans aucun droit sur la terre, comme aides familiaux.

  • 15 G. Augustins, « Esquisse d’une comparaison des systèmes de perpétuation des groupes domestiques da (...)

17Par sa vocation au partage, la transmission à égalité apparaît comme le mode opposé de ces « mécanismes de perpétuation des groupes domestiques15 » en vigueur sur le territoire français avant l’édiction du Code civil. On s’accorde à en reconnaître l’extension quasi-générale, sous l’Ancien Régime, dans une large moitié nord de la France, avec des inflexions juridiques et pratiques qui varient selon la Coutume propre à chaque « pays », et dont les habitants transmettent aujourd’hui une représentation vive. La dévolution divergente – avec indifférenciation de sexe et de rang dans la fratrie – a pour effet de diffuser la propriété hors de la seule ligne agnatique. Les diverses interprétations de la règle d’égalité permettent cependant, lorsqu’elle va de pair avec la succession unique sur l’exploitation familiale, des manipulations en faveur soit des fils, comme en Franche-Comté, soit de l’enfant célibataire resté sur la ferme à « finir » les parents, comme en Normandie.

18Ainsi peut-on opposer, dans une France rurale ici sommairement partagée, les sociétés à « maison », où la totalité du patrimoine foncier et symbolique se transmet au long de généalogies dressées sur l’axe vertical de la ligne agnatique, et les sociétés « à parentèle », où la terre se divise et s’épand au travers de descendances déployées en éventail proliférant, chaque ménage y associant les héritages reçus des lignées de l’un et l’autre conjoints pour en redistribuer la masse en parts égales entre tous ses enfants.

19Sans évoquer l’inférence d’une histoire profonde ayant modelé chacun des grands groupes de population correspondant à ce découpage élémentaire des modes de transmission familiale, on peut considérer qu’un corps de règles lentement instituées formant Coutume s’est articulé à des traits écologiques spécifiques, aux techniques et aux modes d’échange assurant les ressources des habitants, adossant ses normes à des conceptions de la famille et de la propriété inspirées soit du droit franc, soit du droit romain, qui l’un et l’autre firent autorité dans le processus historique de l’occupation du territoire français.

20L’observation des sociétés paysannes pratiquant la succession à égalité dans les régions de l’Ouest français a suscité, pour une période contemporaine qui s’achève autour de la décennie 1970-1980, un ensemble de travaux d’anthropologie historique – M. Segalen pour le pays bigouden, G. Augustins pour le Morbihan, B. Derouet pour le Thimerais, T. Barthelemy en Basse-Bretagne, parmi d’autres. Tous attestent la règle d’égalité affichée, mais aussi les variations des pratiques et des temps d’attribution de l’héritage, dans des régions où prédominent le groupe domestique nucléaire (juxtaposé pourtant à des familles élargies dans le sud-ouest breton, par exemple), l’habitat dispersé ou semi-groupé, une petite et moyenne paysannerie exploitant en modes mixtes (propriété et fermage) aux côtés de gros fermiers gérant domaines nobles et bourgeois.

21Accordé aux normes directrices du Code civil, le mode d’héritage à égalité lui est bien antérieur dans le Perche ; on le trouve prescrit dès 1621 dans l’édiction des « Coustumes des pays, comtés et baillages du Grand Perche », en référence à la seule noblesse et en faveur des seuls enfants mâles, avec préciput à l’aîné, suivant la Coutume de Normandie. Dès que la coutume s’applique aux roturiers, l’effet de proximité du droit orléanoparisien conduit à l’inclusion des filles dans la répartition à égalité. La tendance nobiliaire à privilégier le lignage fait place à la bilatéralité qui caractérise le système de parenté cognatique et la prééminence de la lignée sur le lignage (pris ici au sens de descente par les mâles). Au terme de l’Ancien Régime, le fonds supportant l’exploitation familiale est ici morcelé en autant de lots strictement égaux – c’est-à-dire comportant une portion équivalente de chaque nature de terre – qu’il y a d’enfants, dans la perspective d’assurer à chacun une installation autonome ; un seul d’entre eux cependant, ordinairement un fils, est dans le même temps désigné successeur sur l’exploitation familiale par les parents. Ainsi la « générosité » du partage, qui démembre le fonds pour gratifier tous les enfants, se trouve contrariée par la restriction du successeur unique, dont la part est équivalente à celles de ses germains, mais comporte ordinairement le logis et des terres attenantes, supports du toponyme et de la continuité symbolique de la ferme familiale.

  • 16 Terme qui dans l’ancien droit français, avant que l’anthropologie ne l’applique à un groupe de fil (...)
  • 17 E. Le Roy-Ladurie, « Système de la coutume : structures familiales et coutumes d’héritage en Franc (...)

22Dans le Perche, point de « maison » conjoignant patronyme, patrimoine et installation pour un aîné de ligne patrilinéaire, mais la dispersion d’une fratrie de donataires à parts égales, qui doivent chacun fonder son propre groupe domestique. Dans sa forme rigoureuse, ce mode de transmission dénie toute autorité, ou même toute inclination aux parents, affaiblissant ainsi la figure de la filiation : « Père, mère, ayeul, ayeule ou autres ascendants [...] ne peuvent avantager leurs enfants l’un plus que l’autre. » En système égalitaire, la transmission des biens d’une génération à la suivante n’emprunte ni la voie resserrée de l’aînesse, ni celle des seuls enfants mâles ; les lignées des filles mariées, héritières à égalité avec leurs frères, et comme eux partenaires des échanges fonciers qui aménagent le partage, ont place entière dans les réseaux généalogiques qu’emprunte le cheminement des terres ; elles surchargent de progénitures parallèles à celles de leurs frères, mais portant un patronyme différent, « la continuité longue...du lignage16 » partant d’un couple d’ancêtres communs. Cette multiplication des héritiers correspond aux voies diffuses de la répartition des biens, à chaque succession, « en fonction des troncs, des branches et des ultimes bifurcations, rameaux et brindilles de la lignée17 ».

  • 18 J. Revel, « l’histoire au ras du sol », G. Levi, Le pouvoir au village, Gallimard, 1985, p. IX.

23On peut rapporter les traits élémentaires définis précédemment pour les campagnes de l’Ouest français à la commune sur laquelle s’établit cette étude. Sur son territoire coexistent au terme de l’Ancien Régime grande propriété foraine baillée à long terme, et moyenne à très petite propriété paysanne exploitée directement, avec un supplément de parcelles prises en fermage. À chaque donation-partage dans cette petite et moyenne paysannerie, la dispersion des fonds à égalité entre tous les héritiers, inscrite dans l’acte, les engage en des opérations de regroupement permettant à quelques-uns seulement l’accession à une unité agricole viable. L’investigation laborieuse, dans les actes de successions, des attributions parcellaires dont bénéficie chacun des ayants-droit, et du foisonnement ordinaire, dans l’espace et le temps, des aménagements qui les modifient, justifiait de s’en tenir, dans la visée d’« exploiter intensivement [...] un objet de taille limitée18 », à l’échelle étroite d’un territoire communal.

24Au niveau du ménage paysan – le célibat est ici peu courant –, l’accession aux lots fonciers dévolus par la donation-partage de l’un et l’autre couples de parents s’insère dans la série des événements qui marquent le cycle de vie : alliance rapprochant les parentèles de l’un et l’autre conjoints, échelonnement des naissances parallèle à la série des activités et des installations, évolution du fonds approprié – origine des « entrées », destination des « sorties » – enfin à terme donation-partage entre tous ses enfants, ante mortem, du ménage de départ. Appréhender dans sa dynamique effective la reproduction économique et sociale des familles de la paysannerie locale exigeait d’élucider, à partir de la discordance créée par la dévolution unique de la succession sur la ferme familiale, corrélations et divergences entre les itinéraires des germains cohéritiers.

25Les indications transmises au long des entretiens par les ménages contemporains ont permis d’établir la base des réseaux généalogiques incluant six à sept générations antécédentes. Sur ce cadre parentélaire s’ordonnent toutes incidences concernant individus et groupes domestiques, notamment le mouvement fictif croisant attributions et retraits de lots fonciers en fonction des événements traversant les cycles de vie. Ce maillage fixe le premier niveau de comparabilité des itinéraires des ménages en regard de leurs positions relatives au sein de la parenté.

Les sources archivées

26Le « petit » espace géographique de la commune est le cadre d’une entité administrative qui, depuis l’établissement des registres paroissiaux, conserve les documents concernant son territoire et ses ressortissants. Ces inscriptions réfléchissent les formes de l’organisation collective et le contexte spatio-temporel de son processus d’évolution. La pluralité des réseaux de recension pourvoit chaque individu, en tous temps, d’une superposition d’identifications d’origine distincte se recoupant, centrée sur l’espace communal mais susceptible de le déborder. Ce même espace circonscrit les foyers où m’ont été rapportés, dans l’animation de la parole, du regard et des gestes, des fragments d’histoires de vies, des manières de penser et de se conduire aujourd’hui et autrefois.

27Corps de référence des reconstitutions généalogiques, l’état-civil, et auparavant les registres paroissiaux (où baptêmes, mariages et inhumations sont lisibles ici à partir de 1760), permettent de comptabiliser l’effervescence, jusqu’au milieu du xixe, de la vie et de la mort, de différencier l’âge et l’origine des conjoints, les activités qu’ils déclarent, celles de leurs parents et témoins. Dans les périodes, irrégulières, où se trouve mentionnée la résidence précise (le lieudit) du père déclarant une naissance, on peut relever la mobilité des ménages à l’intérieur des repères quinquennaux des recensements.

28Les listes nominatives des recensements de 1836 à 1954 ont été conservées à la Mairie, précédées d’un « Tableau de la population en l’an XIII » ; ces documents ont rejoint les Archives départementales en 1985. La série des recensements fournit tous les cinq ans la distribution des groupes domestiques dans les rues du bourg et dans chacun des écarts, mentionnant, à partir de 1851, les relations de parenté au sein du ménage et la profession du chef de ménage. Un nombre restreint de patronymes se trouve abondamment représenté au long des registres paroissiaux et jusqu’au premier tiers du xixe ; puis d’autres interviennent tandis que ceux qui prééminaient sous l’Ancien Régime disparaissent, enfin le stock s’élargit dès la fin du siècle quand les migrations s’étendent au delà de l’aire des communes proches. Ces listes nominatives exhaustives des habitants – à l’exception des périodes de guerre – ont permis de constituer un fichier de l’occupation des lieux-dits de 5 en 5 ans, de 1836 à 1982.

29Le croisement de l’état-civil et des recensements communaux met en place un cours démographique articulant le mouvement naturel de la population et la répartition évolutive des groupes domestiques. Ainsi se trouve confirmés les assemblages de parenté recueillis dans les entretiens, comblés les vides de la mémoire généalogique des habitants.

30Les registres des Délibérations municipales témoignent des « affaires » de la collectivité – procès pour empiétements de terrain, recrutement d’instituteurs, amélioration des chemins, secours aux pauvres ; les adresses aux autorités de tutelle en vue d’un mieux-être matériel y côtoient des manifestations modérées de citoyenneté nationale. La « politique au village » n’est saisie dans ce document qu’à travers des listes d’élus, avec certes notification des démissions, nouvelles élections et remplacements, mais sans commentaires des débats municipaux. Après le vote du suffrage universel, le pouvoir se partage entre les notables propriétaires et une catégorie moyenne d’agriculteurs et d’artisans de familles « ancrées », ces derniers davantage mentionnés comme responsables de fait des activités municipales, et médiateurs dans les affaires privées.

31L’inventaire du cadastre conduit dans un premier temps, à partir de la récapitulation statistique des cotes foncières aux dates successives de son élaboration (1837), du renouvellement des matrices et du plan (1913, 1957), enfin du terme de l’étude (1990), à une classification des tranches de propriétés et des catégories de propriétaires à ces mêmes dates. Sur chaque compte s’inscrivent en ordre chronologique entrées et sorties des parcelles identifiées par un nom et un numéro dans l’une des 14 sections du territoire, avec mention des comptes d’origine et de destination. Ce vaste tableau arithmétique virtuel déroulant 150 ans d’additions et soustractions retient d’année en année le cours des relations de droit entre les familles et les terres – à condition qu’on en déchiffre les inscriptions à travers l’irrégulière lisibilité des écritures, les biffures, renvois, surcharges et autres ratures. Les mutations parcellaires découlant d’une succession prennent sens quand on les rapporte à chacun des comptes des co-partageants, et corrélativement à leurs itinéraires. Appliquée à une succession de générations, cette comptabilité découvre la multiplicité des opérations intra – et intergénérationnelles autour de l’appropriation de la terre ; procédures complexes et modes de cheminement sinueux témoignent, pour un temps qui englobe les premières décennies du xxe siècle, du rapiéçage continu de génération en génération, après la dispersion de la donation-partage, des fonds des familles paysannes.

  • 19 Les minutiers des notaires déposés aux Archives départementales attestent la présence continue d’u (...)
  • 20 H. Medick et D. Sabean « Interest and emotion : essays on the study of Family History », C.U.P, 19 (...)

32Dans les minutes des notaires établis à St Germain depuis la fin du xviie siècle se trouvent accumulés, année par année, les actes validant en droit les divers modes et natures d’échanges relevant tant de l’économique que du social et du spirituel entre individus, ménages et groupes familiaux de toutes les catégories de la population19. Seuls les plus démunis, les plus errants n’ont pas recours au notaire ; échappent aussi à ce corpus les nombreux actes sous seing privé, s’agissant de portions de terre minimes. Les liasses des contrats de tous ordres passés chez le notaire du lieu depuis 1683 entassent une multitude d’événements traversant les cycles des ménages. Par la profusion et la diversité des opérations soumises à sanction juridique, par la minutie des références cernant personnes et objets, l’imbrication, le chevauchement, les effets dans le long temps des événements touchant individus et ménages, le corpus des minutes notariales figure la genèse ininterrompue des échanges contractuels animant, orientant, singularisant les destins ; il en apparaît comme « le code relationnel socialement ordonné, conjuguant les domaines du sentiment et de l’intérêt matériel20 ».

33Les sources notariales ne renseignent pas seulement sur les caractères juridiques, économiques et sociaux des échanges. On y relève un langage propre se rapportant aux spécificités de l’économie et de la société locales. Lexique des édifices, des outils et des tâches, toponymie de l’habitat et du parcellaire, logique syntaxique perpétuant celle de l’ancien droit provincial se rapportent, tout autant que la nature des recommandations d’usage qui encadrent l’acte, à un micro-système écologique et à des modes de mise en valeur de la terre indissociables de traits culturels établis. Les termes vernaculaires différenciant les unités agricoles – « petit bien », « bordage », « petite ferme », « ferme », « métairie », « domaine » –, en établissent la classification pertinente pour la société qui en use, et l’interdépendance ; de même les mots qui nomment métiers et statuts, qui explicitent le droit, relèvent de la nomenclature matérielle et idéelle du groupe, révélant ses manières de percevoir et d’utiliser son environnement.

  • 21 « Le fil d’Ariane qui guide le chercheur dans le labyrinthe des archives est celui qui distingue u (...)
  • 22 P. A. Rosental, « Construire le macro par le micro : Frédéric Barth et la “microstoria” », in Jeux (...)
  • 23 J.-P. Poisson, « Histoire des populations et actes notariés », Annales de démographie historique, (...)
  • 24 P.A. Rosental, op cit, p. 152.

34En feuilletant les liasses des minutes entassées jour après jour, c’est le nom qui, reconnu dans le stock devenu peu à peu familier des protagonistes de la scène communale, souvent calligraphié en ronde capitale aux pleins bien noircis, conduit le questionnement21. « Les trajets qui (en) partent [...] composent un tissu serré de correspondance entre les informations disponibles22 », nouant liens de consanguinité et d’affinité, découvrant par renvois, ricochets, imbrication des référents, les traces des installations, des activités, des phases d’appropriation ou d’abandon foncier d’un ménage ; autant d’indices se réfléchissant l’un l’autre, et dont le déroulement chronologique croisant lignées paternelles et maternelles édifie, « en une structure globale mais ouverte [...] les ensembles séquentiels des actes d’une vie, d’une famille sur plusieurs générations23 ». Répondant à l’un des objectifs de la micro-histoire, « ces histoires de familles, presque exclusivement reconstituées d’après les actes notariés, cherchent à mettre en lumière les éléments constitutifs d’un modèle24.

Un échantillon de familles

35Une étude exhaustive de la population communale a été écartée. Au cœur du xixe siècle son effectif dépasse 2000 habitants, le nombre moyen des héritiers est de 4 à 7 à chaque succession, pour des propriétés très parcellisées dont la grande majorité ramasse moins de 2 ha. La mise en scène de l’ensemble de la population communale durant une période biséculaire, qui aurait requis la constitution d’un fichier des familles à partir de l’état-civil, puis un traitement informatique coûteux, est apparu comme un outil d’investigation trop lourd.

  • 25 Les communes qui cernent St Germain, chef-lieu de canton durant la période révolutionnaire, sont m (...)

36Outil inadéquat, aussi, en raison de l’inclusion des communes limitrophes dans l’aire de mobilité ordinaire des groupes domestiques. Dans la petite région géographiquement homogène, le ru du Moire au sud-est du territoire de St Germain, et les bois du Theil à l’Est sont les seuls obstacles du relief contraignant les allées et venues avec les territoires immédiatement voisins, qui furent jusqu’à la Première guerre des réservoirs privilégiés de conjoints25. Vers cette aire élargie débordent fréquemment les déplacements des ménages paysans, en une mobilité à court rayon dont le tracé est fonction à la fois des choix matrimoniaux, de l’évolution du groupe domestique et de la position de ses fonds, du degré d’ouverture du marché foncier et/ou locatif. Une partie de la vie d’individus nés et/ou mariés dans notre commune peut se dérouler sur un territoire voisin, où s’échelonneront tout ou partie des naissances du couple. Quand l’installation se pérennise hors de notre commune, leurs descendants n’en restent pas moins, que leurs naissances figurent ou non à l’état-civil de St Germain, héritiers, à égalité avec ceux d’une branche restée sédentaire, d’un patrimoine familial ancré dans la commune d’origine de l’un et/ou l’autre des parents. La démarche liée à l’objet de l’étude impose donc de suivre le plus continûment possible les parcours des ménages dans l’espace où ils se déroulent, fût-ce hors de la commune : ainsi seulement on peut identifier un ensemble de co-donataires dans une succession, suivre le cours des échanges après un partage.

L’enquête ethnographique

37La quasi-totalité des habitants auxquels fut proposé l’intérêt de l’enquêtrice pour le groupe communal d’aujourd’hui et d’autrefois acceptèrent d’évoquer leur itinéraire de vie, et collaborèrent à l’assemblage de leur parenté connue, vivante et défunte. L’ancrage territorial de mes interlocuteurs n’avait pas profondeur identique. Les uns descendaient – sans toujours le savoir –, d’un ancêtre figurant dans le « Tableau de population de l’an XIII » conservé à la Mairie ; d’autres citaient, à partir de l’assertion d’une parente disparue, ou d’un document conservé, un aïeul plus lointain ; tandis que leurs voisins, enfants ou petits-enfants de « nouveaux venus » (des communes sarthoises toutes proches au tournant des xixe et xxe siècles, de Bretagne et des régions du nord dans les décennies suivantes), faisaient état de dynasties locales plus courtes.

  • 26 J’ai visité environ 120 foyers dont les habitants avaient passé tout ou partie de leur vie à St Ge (...)

38Le réseau large et touffu d’entretiens essaimant d’un foyer à un autre sur le territoire26 s’est enrichi d’informations rapportées par des ménages n’habitant plus la commune, mais ayant passé là une partie de leur vie. À l’inverse, bien des retraités ayant mené leur vie active ailleurs (la plupart dans la région parisienne), se sont réinstallés dans la commune ; ils évoquent un ancrage familial jalonné par les tombes dans le cimetière où ils ont « retenu leur place ». J’ai rencontré aussi, adressée par les uns aux autres, des descendants de « vieilles familles » de St Germain – attestées dans les documents du xixe siècle – définitivement installés ailleurs.

39Toute quête biographique se réfère à un passé hanté par le noyau familial d’origine : parents et grands-parents, frères et sœurs de chacun des conjoints du ménage, dont un ou plusieurs foyers se trouvent installés dans le voisinage, figurent dans l’évocation généalogique. Il s’agit aussi d’un présent où sont rapportées des trajectoires au moins entamées d’enfants, voire de petits-enfants. Ainsi les événements rapportés par les plus âgés chevauchent les parcours de quatre à cinq générations.

40La démarche ethnographique est en quête d’une dimension de réalité vécue transmise par la parole immédiate. Qu’ils allèguent une situation présente, ou se rapportent à une période passée, les fragments de vie livrés par la mémoire de mes interlocuteurs, inégalement précise et profuse mais remontant, pour certains, aux enfances du début du xxe siècle, ont fourni le matériau discontinu mais vif d’une histoire des individus et des familles dont les traces plus anciennes s’inscrivent dans les séries archivées. Les témoignages touchant les vies en cours, comme les traces de biographies achevées dont est gardé souvenir, ont toujours « lieu » et « temps ». Ainsi pour les plus âgés, qui en connaissent fort bien les actuels occupants, les toponymes restent indissociables des patronymes de familles installées là durant plusieurs générations et qui ne sont plus représentées dans la commune. Par ailleurs, si la périodisation du temps, au long des récits, varie selon l’âge du narrateur, tous mettent insistance à situer l’événement retransmis à la fois dans son contexte temporel d’émergence, et par rapport au temps actuel de la remémoration, pour que soit proféré essentiellement « le changement ».

Notes

1 Property, production and family in Neckerhausen (1700-1870), C.U.P, 1991.

2 B. Lepetit, « De l’échelle en histoire », J. Revel, Jeux d’échelle, Gallimard-Le seuil, 1996, p. 86

3 J. Revel, « Micro-analyse et construction du social », in Jeux d’échelle, op. cit., p. 26

4 À St Germain, on est plus restrictif encore : « Mortagne c’est là-haut vers le nord, ça touche à Longny, pas tellement de notre côté. »

5 La province ne devrait son identité qu’à la courte apogée des comtes du Perche, les Rotrou– xie-xve siècle – et, selon l’historien local R. Gobillot, à « l’architecture du sol » ; pour ce dernier, la véritable unité du Perche c’est sa coutume.

Figure 1. Situation de la commune dans le Perche

6 « Il y avait deux fêtes patronales, celle de la Pentecôte au Bas du bourg, celle du Haut du bourg en octobre avec les chevaux de bois tout contre l’Église ».

7 Les recherches menées par l’abbé Gehan, dernier curé résident, conduisirent à son dégagement ; deux grandes statues du xviie siècle furent mises à jour et placées dans le chœur de l’Église.

8 Ces informations figurent dans le manuscrit rédigé en 1857 par l’abbé Voiturier, « installé curé de cette paroisse le 4 juillet 1850 », texte conservé au presbytère, aimablement communiqué par l’abbé Gehan.

9 Dans le texte de l’abbé Voiturier il est précisé pourtant qu’« en 1729 on dépense 122 £ pour la réduire en grange, et on la passe au profit de la “fabrique” [...] en 1788 les habitants décidèrent qu’elle changerait de destination [...] pour dudit bâtiment faire une maison et une chambre pour le maître d’école ».

10 Cf. M.-C. Pingaud, « L’eau rassembleuse du Perche », Ethnologie française, 1987, p. 381-400.

11 On devine encore, encombrés de ronciers, quelques-uns de ces abris de planches, abandonnés dapuis les années 1960.

12 L’empierrement des chemins est longtemps l’objet essentiel des délibérations du C.M. ; dès 1836 il est décidé que « les chemins vicinaux de la commune seront mis dans un état de réparation complète ; tous les journaliers manquant d’ouvrage et les indigents de tout âge et sexe seront admis à amasser pierres et cailloux [...] sous la direction d’un Commissaire nommé [...] pour chacune des vingt divisions du territoire ». En 1912 encore, cependant, le Conseil déplore le défaut de moyens de communications sur l’étendue du territoire compris entre les rivières et les bois à l’est du territoire [...] « en hiver les communications sont impossible et les enfants sont des semaines entières sans aller à l’école ».

13 « Dans le Perche le sol est montueux et très varié ; il renferme des terres argileuses, des sables, des terres lames ou franches, ordinairement froides, des terres calcaires [...] nommées ici terres de grouas, des prés secs, des marécages, des plateaux s’abaissant en coteaux doucement inclinés ». Dureau de la Malle, « Description du bocage percheron, des mœurs et coutumes, des habitants, et de l’agriculture de M. de Beaujeu », Paris, 1823, p. 67.

14 Si c’est une fille qui hérite, son époux entre « en gendre » dans « la maison » qui garde le nom du père de l’héritière. Les ouvrages traitant du mode d’héritage inégalitaire figurent dans la bibliographie en fin de volume.

15 G. Augustins, « Esquisse d’une comparaison des systèmes de perpétuation des groupes domestiques dans les sociétés paysannes européennes », Archives européennes de sciences sociales, 1982.

16 Terme qui dans l’ancien droit français, avant que l’anthropologie ne l’applique à un groupe de filiation unilinéaire, implique l’ensemble de la descendance issue d’un couple d’ancêtres communs.

17 E. Le Roy-Ladurie, « Système de la coutume : structures familiales et coutumes d’héritage en France au xvie siècle », Annales, sociétés, civilisations, 1972 (4, 5).

18 J. Revel, « l’histoire au ras du sol », G. Levi, Le pouvoir au village, Gallimard, 1985, p. IX.

19 Les minutiers des notaires déposés aux Archives départementales attestent la présence continue d’une étude dans la commune de 1683 à 1956. De 1808 à 1913 sont enregistrés annuellement de 400 à 460 actes (478 en 1812 pour 420 ménages dénombrés dans la commune, 647 en 1872 pour 522 ménages, 640 en 1911 pour 440 ménages). Une minorité des actes concerne des non-résidents, qui peuvent néanmoins avoir des liens familiaux, une partie de leurs biens sur la commune ; cette intrusion se trouve compensée, au niveau statistique, par la soustraction des quelques actes concernant des terres de la commune passés chez le notaire d’une ville proche par des propriétaires notables.

20 H. Medick et D. Sabean « Interest and emotion : essays on the study of Family History », C.U.P, 1984, p. 13.

21 « Le fil d’Ariane qui guide le chercheur dans le labyrinthe des archives est celui qui distingue un individu d’un autre dans toutes les sociétés connues : c’est le nom », C. Ponti, C. Ginzburg, « La micro-histoire », Le Débat, déc 1981. Il convient d’associer à la référence du nom celle du (des) prénom(s), doubles durant tout le xixe. celui du père est attribué au fis aîné, celui de la mère à la fille aînée, celui des oncles et tantes aux enfants suivants : leur omission peut être cause d’erreur dans l’interprétation de l’animation généalogique.

22 P. A. Rosental, « Construire le macro par le micro : Frédéric Barth et la “microstoria” », in Jeux d’échelle, op. cit, p. 154.

23 J.-P. Poisson, « Histoire des populations et actes notariés », Annales de démographie historique, 1974, p. 51.

24 P.A. Rosental, op cit, p. 152.

25 Les communes qui cernent St Germain, chef-lieu de canton durant la période révolutionnaire, sont moins grandes et moins peuplées, et restent considérées comme ses satellites. A. Frémont (Paysans de Normandie, p. 72) différencie les communes bocagères à habitat totalement dispersé de celles où un « vrai bourg » attire le voisinage : notre commune fut, au dire de ses habitants comme de leurs voisins, le plus attractif du canton jusqu’au développement tout récent (1970) du chef-lieu.

26 J’ai visité environ 120 foyers dont les habitants avaient passé tout ou partie de leur vie à St Germain ; dans une trentaine de maisons l’intérêt des interlocuteurs pour leur histoire commune, et la fertilité des entretiens, m’ont incitée à des rencontres renouvelées.

Table des illustrations

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Titre Figure 2. Position de St Germain-de-la-Coudre dans le canton
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