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Geoffroy de Montalembert (1898-1993)

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David Bellamy

Deuxième partie. Une carrière politique sous trois Républiques

Chapitre VII. Dans la Deuxième Guerre mondiale

Texte intégral

11940 devait être l’année du renouvellement de la Chambre et Montalembert avait travaillé en vue d’assurer sa réélection. Ce fut finalement l’année de la guerre et de la défaite. C’est la manière dont il les accueillit et se comporta face à ces événements terribles qu’il convient de suivre avec attention. À l’orée de ses quarante ans, le député d’Yvetot dut prendre des décisions et des positions dont le poids pouvait, et finalement devait, être lourd de conséquences sur sa carrière politique.

2La complexité de cette période oblige à quelques précautions. Il ne peut être question de résumer l’attitude d’un député de 1940 à quelques votes, voire au seul scrutin, certes significatif, du 10 juillet. Voir sous quelle forme il se représente la guerre, dont on sent de plus en plus la menace à partir de 1938, avant sa déclaration et pendant les mois qui précèdent la campagne de mai-juin 1940, puis le sens qu’il donne à l’effondrement militaire éclaire le choix fait lors de la séance décisive qui balaie la IIIe République. Outre cela, il y a d’autres scènes à observer que Paris, Bordeaux ou Vichy. Dans sa circonscription, en 1939 et 1940, le député d’Yvetot poursuit son action dans un sens qu’ont réorienté les événements et leurs retombées sur les populations (mobilisation, réquisitions…). Cette activité locale devient même le lieu essentiel de l’exercice des responsabilités du notable à partir de l’été 1940. On assiste ainsi à une rétractation de l’espace dans lequel il s’est jusqu’alors illustré. Ce recentrage met le maire d’Ermenouville en face de choix non moins importants qu’à la Chambre en raison des attentes des populations. Dans une période où l’insécurité et l’effondrement des repères publics habituels entraînent un mouvement vers les notables traditionnels et les anciennes élites restées sur place, il est l’objet de sollicitations nombreuses. C’est pris entre ces réalités, le cours du conflit, l’orientation que prend le régime de Vichy et ses convictions personnelles, que Geoffroy de Montalembert doit trouver une position.

1939-1940 : la défaite et la chute de la République

3L’observation, à Paris, des débats de la Chambre et, dans l’abeille cauchoise, des thèmes des articles du député d’Yvetot montre la montée de la pression des affaires extérieures dans le débat politique.

  • 1 ADSM 160J170.
  • 2 Notes préparées en vue de cette conférence publique. ADSM 160J34.
  • 3 Lettre du 12 octobre 1938. ADSM 160J170.

4À la Chambre, il vote la confiance au gouvernement Daladier au lendemain des accords de Munich ainsi que le projet de loi qui l’autorise à prendre des décrets-lois pour redresser la situation du pays. Sa position sur les accords est marquée par une satisfaction critique de l’issue de la crise, une lucidité inquiète quant à l’avenir et la dénonciation d’erreurs qui ont mené la France là où elle en est. Ainsi, le 1er octobre 1938, il écrit à l’abbé Delannoy, curé d’Annappes : « “Tout est bien qui finit dans la Paix”, car on ne peut pas dire “qui finit bien”. Il est incontestable que c’est une défaite, pacifique si on veut, mais qui nous montre qu’un peuple qui s’abandonne à la paresse, au manque de volonté et aux discussions fratricides, est voué à des échecs de plus en plus graves. Puissions-nous faire un examen de conscience sévère et puiser, dans cette blessure d’amour-propre, la force nécessaire au relèvement du pays1. » Dans les jours qui suivent, il organise une réunion publique à Yvetot pour expliquer la situation à ses électeurs. Il leur dit que le président Daladier a bien fait de signer mais qu’il ne pouvait pas faire autrement. Il s’agit en fait d’une reculade parce que la France n’était pas prête pour agir différemment. Il explique que si le pays a été acculé à ces accords, c’est parce que, depuis 1918, ses dirigeants n’ont pas eu le courage de regarder lucidement la situation et d’empêcher l’Allemagne de travailler à la renaissance de sa puissance. On a oublié « l’effort des morts », dit-il, on a oublié de faire en sorte que la France reste forte : « Nous n’avons pas pris garde au moral de notre pays, à son idéal2. » Et il critique en particulier le gouvernement du Front populaire qui, avec les 40 heures, a freiné le réarmement français. Il condamne la politique d’apaisement menée par Aristide Briand et Gustav Streseman dans la décennie précédente : « Je ne crois pas à la sincérité de l’Allemagne. Les Allemands de Streseman c’étaient les Allemands du Kaiser et les Allemands du Kaiser ce sont les Allemands de Hitler. » Il rejoint très clairement les reproches exprimés par François de Wendel à ce sujet. Il est, en sus, assez pessimiste sur les perspectives d’avenir des relations franco-allemandes. Il écrit ainsi à l’un de ses oncles : « Nous voilà sortis en effet d’une grave crise, mais l’avenir reste sombre et je me demande si nous n’aurons pas encore, d’ici peu, de graves difficultés à surmonter3. »

  • 4 Lettre du 9 avril 1940. ADSM 160J153.
  • 5 Idem.
  • 6 Idem.
  • 7 Idem.

5À ses yeux, depuis la paix de Versailles, la France a vécu sur une confiance dangereuse dans les traités ; elle a laissé l’Allemagne retrouver sa puissance, au point qu’il estime que le pays doit « préparer la “revanche” par la guerre au besoin, afin de prouver que nous avons été battus depuis 1919 ». « La vérité est qu’on ne base pas sa vie de ménage sur un contrat de mariage, fut-il merveilleusement établi. Si le ménage craque ce n’est pas la faute du contrat, c’est le fait des “incidents de la vie” qui rompent les textes. Seuls, les maris complaisants ou les femmes du genre “bonne sœur” croient ou veulent faire croire – c’est plus facile – à la vertu des contrats. La France a été, depuis 20 ans, “genre bonne sœur”. Aujourd’hui, elle semble comprendre. Pour être, de nouveau, “grande dame”, elle a besoin de faire oraison, peut-être, toilette surtout4. » Montalembert aurait souhaité, qu’après la victoire de 1918, la France ne s’endormît pas. Et d’exposer les caractères d’une politique étrangère selon son goût, dynamique et conquérante. Cette « realpolitik » aurait dû cultiver, dans la jeunesse, les germes d’un « moral viril […], d’une vie intense, rude, énergique » et « apprendre, dans les écoles, quelles étaient les frontières françaises en 1812 et mentionner qu’il n’y a aucune raison pour que nous ne les obtenions pas dans un avenir quelconque5 ». Au lieu de cela, « on s’est ingénié, dans les églises, dans les temples, au Parlement, dans les élites, à nous entretenir du Passé, de notre rôle historique, à nous inciter à faire du sentiment et de l’idéal »6. L’urgent est maintenant de se préparer au plus vite au conflit, sans se presser d’entamer les opérations « pour des blessures d’amour-propre ». Ce qu’il exprime en termes ludiques : « Se laisser prendre des pions, puisqu’on ne peut faire autrement, et préparer ses “dames”7. » On est donc bien loin d’un pacifisme à tout prix puisqu’il s’agit seulement de maintenir la paix en attendant d’acquérir la force de remporter la guerre. Et il insiste sur la nécessité de mener une politique de temporisation en appelant la venue, à la tête du pays, d’un « Fabius Cunctator moderne ».

  • 8 J.O., Compte rendu des débats…, séance du 1er mars 1940, p. 409-410.

6Faute d’en trouver un, il soutient Daladier et l’aiguillonne. Ainsi, en février 1940, lors de la discussion budgétaire concernant l’agriculture, il interpelle le gouvernement sur les mesures qu’il compte prendre pour organiser et développer la production agricole indispensable à la défense nationale. Préparer le pays en ce domaine lui paraît aussi incontournable qu’accroître ses réserves en armement. C’est un homme mobilisé pour le combat qui prend la parole : « Messieurs, partout, en tout, dans notre pays, il faut avoir l’esprit de guerre. Nous sommes en guerre et l’adversaire n’a pas démobilisé, que je sache8. » L’objectif de l’orateur est d’aider le gouvernement en lui proposant des mesures concrètes afin d’accroître la main d’œuvre dangereusement manquante dans les campagnes, sans pour autant affaiblir les unités qui doivent rester prêtes à défendre le sol national à tout moment.

  • 9 C’est le cas de Joseph Paul-Boncour au Sénat et de Léon Blum à la Chambre.
  • 10 À leur tête, Pierre Laval au Sénat et Gaston Bergery à la Chambre.

7C’est l’urgence de la préparation du pays qui fait encore que Montalembert vote, le 30 novembre 1939, le renouvellement des pouvoirs spéciaux au gouvernement et le 16 janvier 1940 la déchéance des élus communistes. Après la défaite finlandaise, au milieu de mars, le gouvernement est attaqué à la fois par les parlementaires qui lui reprochent de manquer d’énergie9 et par ceux qui estiment que la déclaration de guerre a été une faute10. Après avoir obtenu la confiance du Sénat, le gouvernement Daladier affronte, le 19 mars, une interpellation au Palais-Bourbon. Lors de ce scrutin décisif, Montalembert vote la confiance au gouvernement, mais l’abstention de 300 députés, les socialistes, quelques radicaux, une grande partie du groupe de l’Alliance démocratique et un tiers des membres de celui de la Fédération républicaine, entraîne la démission de Daladier. Le 22 mars, Paul Reynaud présente son gouvernement et affirme sa détermination à combattre. Il est investi par 268 voix contre 156. Le député d’Yvetot, comme la majorité de ses collègues de la Fédération républicaine, n’a pas voté la confiance. Le groupe a condamné la présence au gouvernement d’hommes de gauche qui, à ses yeux, ne peuvent être à même d’assurer le combat contre l’URSS et l’Allemagne alliées. Le soutien des socialistes à Reynaud et la présence de quelques uns d’entre eux à des postes ministériels indisposent profondément la droite qui dénonce un cabinet de guerre né de combinaisons partisanes. Le 19 avril, néanmoins, lorsque le même gouvernement demande la confiance à la Chambre, elle lui est accordée à l’unanimité des 515 votants, dont Montalembert. C’est l’unité et la cohésion nationale qu’il s’agit là de montrer.

8Jusqu’à la séparation de la Chambre, le 16 mai, soit six jours après le début des opérations sur le front franco-allemand, le député d’Yvetot a siégé au Palais-Bourbon. Il est pris ensuite dans la caravane de l’exode des pouvoirs publics, qui reflue devant l’avancée allemande avant de s’installer, quelques temps, à Bordeaux, emmenant avec lui son épouse et ses enfants.

  • 11 Des ardennes au pays de Caux. Histoire d’un escadron de chasseurs à cheval (10 mai-12 juin 1940), (...)

9À ce moment se situe un épisode qui marqua profondément Montalembert. Son village d’Ermenouville fut pris dans les très durs combats dits de la poche de Saint-Valéry-en-Caux. Ayant rompu le front de la Somme le 7 juin, les Allemands parviennent à franchir la Seine à Rouen le 10. L’aile droite de la Xe armée française et des unités britanniques se replient dans le pays de Caux mais sont vite dépassées. Rommel lance alors ses hommes en direction de la mer afin, par un nouveau coup de faux, d’enfermer les troupes alliées. Fécamp au sud et Dieppe au nord tombent. Entre les deux, 60 000 soldats français et britanniques sont enfermés dans une poche qui se réduit, peu à peu, autour du port de Saint-Valéry-en-Caux, où on tente d’organiser un embarquement, à l’image de celui de Dunkerque. Or, le village d’Ermenouville n’est qu’à quelques kilomètres et subit les coups de la bataille des 11 et 12 juin11. Il est une des têtes de pont installées autour du port et est défendu par un escadron du 12e Régiment de Chasseurs. Cinq fois, entre le milieu de l’après-midi et 3 heures du matin, l’ennemi tente de prendre le village. Le capitaine Ethuin parvient à en défendre la prise. Alors qu’à Saint-Valéry les chars allemands sont entrés au début de la journée du 12 et que le général Fortune a ordonné le cessez-le-feu, les combats se poursuivent à Ermenouville jusque vers 11h30. La moitié de l’effectif de l’escadron fut perdue dans ce combat, soit 12 tués, 14 blessés et 14 disparus. Des combats ont eu lieu autour du château et le village a été durement touché. Des maisons, l’école et l’église ont souffert. Les schrapnels ont haché plusieurs hêtraies. Les troupeaux sont décimés. Quatre habitants ont été tués et plusieurs autres blessés.

  • 12 Témoignages La Rochefoucauld et Klein.
  • 13 Ce sentiment explique sans doute le rapport ambigu qu’il entretint avec la commémoration de ces co (...)

10Montalembert fut tout au long de sa vie poursuivi par le regret de ne pas avoir été présent dans son village pendant ces heures difficiles12. Le souvenir de son père au milieu de ses populations lors de l’invasion allemande dans le Nord en 1914 lui rappelait qu’il n’avait pu, lui, être aux côtés de ses concitoyens au pire moment. Sur la route de l’exode, avec ses collègues de la Chambre, il avait laissé le pouvoir à son premier adjoint. Dans la représentation qu’il avait de son rôle de maire, élargie par une conception paternaliste de sa position, entrait le devoir d’être présent dans le danger afin de protéger ceux qui y étaient exposés. Sans doute, le comte de Montalembert eut l’impression de déchoir en étant absent du champ de bataille qu’était devenue sa commune. On a expliqué, en première partie, la prégnance du modèle nobiliaire chevaleresque dans son éducation. Être avec les habitants au milieu du feu eût été l’occasion de faire preuve de courage et de bravoure, c’est-à-dire de manifester un comportement spécifique13.

  • 14 Interview Thomas.

11Ayant atteint Bordeaux, le député d’Yvetot y rencontre Weygand, qu’il admire beaucoup, et lui demande son avis sur la poursuite de la guerre. Pour s’être rencontrés à plusieurs occasions chez François de Wendel, les deux hommes se connaissaient. Le commandant suprême des Armées lui affirme qu’en deux semaines les Allemands seront à Londres et parvient à le convaincre que la France est vaincue14.

  • 15 AN F/1cIII/1188. Montalembert joint à ce rapport des renseignements qu’il a obtenus, sans doute pa (...)
  • 16 Comme indiqué par Montalembert dans son rapport, le maire radical de Rouen Georges Métayer était r (...)

12Le spectacle de l’effondrement du pays, Montalembert eut l’occasion de l’examiner par un voyage qu’il fit en Seine-Inférieure dans les premiers jours de juillet 1940. En effet, le ministre de l’Intérieur, Adrien Marquet, le chargea alors d’une mission d’enquête sur la situation matérielle de son département et l’état d’esprit des populations. Montalembert saisit cette occasion de regagner la Normandie pour aller se rendre compte, au plus près de son village, des conséquences des combats et de la défaite. Il relate son périple dans un rapport de treize pages dactylographiées transmis au ministre après son arrivée à Vichy15. C’est très officiellement qu’il réalise cette mission avec des laissez-passer délivrés par les autorités allemandes. Il quitte Bordeaux le 29 juin, passe la ligne de démarcation à Châteauneuf-sur-Cher, traverse Gien, Paris puis prend la direction de Rouen via Mantes, Vernon et Pont-de-l’Arche. Il visite sa circonscription et le 8 juillet participe, à la Kommandantur de Rouen, à une rencontre entre les autorités d’occupation amenées par le Landrat Mayer Falk, le préfet Roger Verlomme et M. Poissant le maire de Rouen16.

13Outre les indications qu’il contient sur l’état du pays et du département de la Seine-Inférieure aux premières heures de l’occupation ennemie, le rapport de Montalembert nous renseigne sur son état d’esprit. Il perçoit le poids de la présence allemande et note qu’à Paris « on ne respire pas librement ». Mais il note que les populations si éprouvées réagissent avec dignité. Il insiste particulièrement sur le fait que la vie a repris son cours et que partout les administrations et les responsables publics fonctionnent. De son entretien avec les autorités allemandes installées à Rouen, il retire qu’il est absolument nécessaire que les fonctionnaires de l’administration française reçoivent des ordres de Vichy pour poursuivre leur tâche, sous peine que les Allemands prennent en charge la gestion complète du territoire. Sa vision du conflit l’empêche de prendre la juste mesure des conséquences de la défaite militaire et de l’armistice du 22 juin. C’est ainsi qu’il demande au Landrat Mayer Falk si l’administration française va pouvoir rester autonome et qu’il signale, sans broncher, sa réponse positive. Il semble bien être convaincu qu’un pouvoir français peut continuer à s’exercer. Il va participer à son établissement.

  • 17 Interview Thomas.
  • 18 Idem. Voir également, D. Woronoff, François de Wendel, Paris, Presses de Sciences Po, 2001, p. 64 (...)
  • 19 Interview Thomas.
  • 20 Ce député compatriote de François de Wendel et membre du groupe de la Fédération républicaine lui (...)
  • 21 En référence aux années 1918-1940.
  • 22 Interview Thomas.

14Le 9 juillet, il n’est pas présent, à Vichy, lors de la séance au cours de laquelle les députés et les sénateurs doivent discuter du principe de la révision. La veille, Montalembert était encore à Rouen. Ce n’est ainsi que peu de temps avant le scrutin du 10 juillet qu’il parvient à Vichy, les pneus de la voiture ayant crevé plusieurs fois sur la route17. Il n’a que quelques heures pour décider de son vote. Autour de lui, les influences sont contradictoires. Son beau-père lui a enjoint de voter contre la remise des pleins pouvoirs à Pétain. François de Wendel est furieux de l’armistice, persuadé qu’il est que les Allemands ne parviendront pas à écraser l’Angleterre : « Hitler ne passera pas l’eau » dit-il à son gendre18. À Vichy c’est Odile de Montalembert qui relaie son père et reprend ses arguments : « Partons de là, partons de là. Il n’y a rien à faire sous ce régime là, avec l’ennemi, sous l’occupation. On ne pactise pas avec l’ennemi19 ! » Le 10 juillet, pourtant, Montalembert est des 569 parlementaires qui approuvent le projet de loi, suivant ainsi la pente naturelle des élus de la Fédération républicaine. En 1992, il explique ainsi son geste en reprenant certains des propos qu’il tint alors à son beau-père : « Je ne voterai pas pour laisser l’armée française se faire piétiner. Avec Pétain, on va remonter la France. Marin et Valentin20 sont d’accord. Avant 23 ans21, on aura foutu une trempe aux Allemands22. » Cet ancien combattant de la Grande Guerre, qui avait placé une grande confiance dans les chefs militaires français comme Weygand, qui vient de parcourir le pays paralysé par l’exode, est, comme beaucoup de ses concitoyens, sous le choc des événements. Il veut poursuivre l’objectif qu’il a exposé en 1938 : relever le pays et prendre une revanche. Sans doute, Pétain est alors le Fabius Cunctator qu’il appelait de ses vœux après Munich. Sa vision du conflit reste désidéologisée. L’Allemagne est l’ennemi. Il n’est pas question de se rapprocher d’elle. Comme en 1870-71, après la défaite, il faut arrêter le désastre pour viser la revanche. Ce ne fut pas sans douleur que Montalembert se démarqua ainsi de François de Wendel. « On avait une certaine difficulté à aborder cette question car il avait été meurtri du désaccord avec son beau-père » dit ainsi sa fille.

  • 23 Interview Thomas.

15Pris entre ses amis politiques qui s’engagent auprès du nouveau régime, dont les mots d’ordre rejoignent certains de ceux qu’il a défendus précédemment et les exhortations de son épouse à quitter la ville, Geoffroy de Montalembert s’exclame, en 1993, « Vichy, c’était intenable » avant de reconnaître que si Odile de Wendel ne l’avait forcé à partir, il aurait pu être « embarqué dans l’aventure23 ». Les Chambres ayant été ajournées par l’Acte constitutionnel n° 3 du 11 juillet 1940, il regagne Ermenouville.

Un exil intérieur très occupé

16De retour au milieu de ses concitoyens, Montalembert se trouve dans la situation qui avait été celle de son père, à la tête d’Annappes, sous l’occupation allemande. Il avait pu alors observer au quotidien son action, de réconfort et de défense des populations face aux exigences ennemies.

17Immédiatement, il est assailli par les demandes d’aides et d’interventions de toutes sortes de ses administrés. Cette situation n’est pas nouvelle. Dès la déclaration de guerre, on s’était tourné vers lui en masse. Ses archives attestent du grand nombre de personnes qui, soit par courrier, soit en visitant sa permanence yvetotaise voire en venant jusqu’à Ermenouville, s’adressèrent à lui. Trois sujets reviennent le plus fréquemment : les affectations spéciales, les permissions agricoles et les allocations militaires. Pour répondre à ces demandes, le député accumule de la documentation et se renseigne auprès des ministres et des administrations concernés. Le travail exigé par son secrétariat est alors considérable car le député entend répondre à toutes les sollicitations, dut-il décevoir son correspondant. Les fréquentes indications de sa main en marge des courriers montrent qu’il a regardé les dossiers attentivement. En général, le travail du député consiste à aider les demandeurs à constituer un dossier complet, à leur indiquer à qui s’adresser puis à intervenir pour favoriser l’obtention de l’allocation ou de la permission. Chaque étape de la procédure est suivie d’une lettre pour informer les demandeurs des démarches entreprises par leur député. Celle-ci peut être très longue et détaillée lorsque Montalembert donne des indications sur l’éventuelle raison d’un refus, les moyens de recours et comment il entend procéder pour favoriser une issue heureuse à l’affaire. Plusieurs courriers qui lui sont adressés illustrent le désarroi des demandeurs, qui souvent écrivent à Ermenouville en attendant beaucoup du député-maire, voire en désespoir de cause. Certaines demandes viennent des curés de paroisse, attestant ainsi la formation d’un réseau hiérarchisé de notables, vers lesquels les habitants se tournent.

  • 24 ADSM 160J43.

18Pendant l’occupation allemande, l’ex-député, qui vit de plus en plus retiré sur son domaine, voit arriver jusqu’à lui des sollicitations toujours nombreuses. Les sujets à traiter changent néanmoins. Les dossiers de demandes de libération des prisonniers de guerre remplacent ceux qui traitaient des permissions agricoles ou des allocations militaires. Ils sont particulièrement nombreux pour 1940 et 1941 : pour ces deux années, on en a retrouvé et distingué 187 mais il semble bien que le total fut plus élevé24. Un considérable travail de secrétariat a été mis en œuvre pour les traiter : classement alphabétique, courriers archivés, reproduits, interventions diverses, demandes de renseignements complémentaires, réponses multiples aux demandeurs, etc.

19Le maire d’Ermenouville s’est saisi des cas de ses administrés mais, en plus, un nombre important de demandes lui a été adressé, souvent par des épouses démunies. Les lettres conservées sont ainsi souvent émouvantes. Écrites dans une langue et une orthographe fréquemment assez vagues, elles attestent néanmoins d’une recherche dans l’écriture et l’expression, d’une volonté de s’adresser correctement à une élite dont on attend aide et soutien. La conscience de la distance sociale est évidente et paraît être, pour certaines demandes, une assurance que l’action sera efficace. Dans un pays vaincu, occupé, divisé, où les circuits administratifs habituels – déjà très inaccessibles en temps de paix pour beaucoup des membres de la société rurale – sont rendus extrêmement confus par les événements, l’installation des services allemands et de filières de décision souvent inconnues, le grand notable local est investi d’une représentation nouvelle qui en fait l’ultime médiateur accessible. À un niveau inférieur, les curés et les maires de villages sont plus proches mais ne peuvent être qu’un échelon de transmission de la demande. L’ancien député, qui lors de son mandat a montré l’étendue de son influence, peut être, du moins le pense-t-on, véritablement efficace. On ne doit pas mésestimer, à lire les courriers qui lui sont adressés, le poids de l’image que certains de ses concitoyens se font de sa puissance sociale. Cette représentation, rassurante pour les demandeurs, reste sans doute bien floue mais en fait un être « qui peut », « qui sait comment faire », « qui a le moyen d’agir ». On ne peut s’empêcher d’aller jusqu’à considérer que, parfois, c’est une espérance d’intervention quasiment magique qui accompagne la sollicitation. On ignore comment il va s’y prendre, mais on croit qu’il est doté d’une « puissance » capable de faire aboutir la demande : « Je viens mettre tout mon espoir en vous et je viens vous prier d’être mon interprète auprès de ces messieurs de la kommandantur […] Oui,

  • 25 Lettre du 1er septembre 1940. ADSM 160J43.
  • 26 Lettre du 15 mai 1941. Idem. L’appel au « bon cœur » est récurrent dans ces courriers. L’expressio (...)
  • 27 Idem.

20M. de Montalembert, faites l’impossible, c’est une mère qui vous le demande et une épouse qui attend son premier bébé d’ici un mois25 » ; « Je compte beaucoup sur votre bon cœur pour le retour de mon mari et garde grande confiance en vous26. » D’où vient cette représentation ? Les événements tragiques de la guerre ont-ils ravivé les vieux fonds de la culture populaire qui, dans les moments de paroxysme de crise, accroissaient l’espérance de protection mise dans le « patron » local ? Quand celui-ci cumule une puissance matérielle, une fonction politique nationale, une habitude de se comporter en protecteur de la population, un titre et une origine aristocratique, ne correspond-il pas au mieux à la représentation idéale de celui qui peut sauver ? Certains propos trouvés dans les courriers de demande ne laissent pas d’interroger sur ce point. Le 12 septembre 1940, un habitant de Valmont lui écrit : « Je pense que vous avez entendu mon appel, appel à votre pouvoir, à votre humaine bonté, oui, vous qui disposez des moyens que nous n’avons pas, usez-en pour prendre en main notre cause27. »

  • 28 ADSM 160J43.

21On est dans l’impossibilité d’établir un pourcentage de « réussite » dans le traitement de ces demandes de libération car les renseignements manquent. Mais, celles-ci sont identifiables. Plusieurs cas de libération ont été relevés, comme celui de l’abbé Mache, le curé d’Ermenouville. La première pièce de son dossier, suivi attentivement par le maire, date d’août 1940. Le prêtre est libéré en juin 1943. Pour les libérations, Montalembert bénéficie de l’aide de son cousin Robert de Louvel-Lupel qui travaille au service des prisonniers du ministère de la Guerre. Il s’y occupe des demandes de libération et a accès directement au chef de cabinet de Scapini, voire à l’ambassadeur de France à Paris auprès des Allemands. Montalembert le rencontre très souvent et lui apporte en main propre les dossiers les plus susceptibles de réussite. Robert de Louvel-Lupel écrit ainsi à son cousin en avril 1941 : « Presque toutes les demandes de libération demandées sont en bonne voie. Les dossiers n’ont été pris que pour me faire plaisir. Mais ce sera long28. » Grâce à son aide, Montalembert sait la manière dont il faut présenter les dossiers, les éléments à mettre en avant, les circuits administratifs suivis par ceux-ci et apprend, à l’avance, les libérations à venir.

  • 29 ADSM 160J156.

22Au fur et à mesure que le conflit dure, les réponses de Montalembert à ces sollicitations laissent apparaître de plus en plus de difficultés. Les déplacements pour intervenir auprès des administrations s’avèrent compliqués et il doit limiter ses allées et venues. Surtout, les moyens dont il disposait pour se faire écouter et pour obtenir satisfaction dans les divers bureaux s’érodent. L’autonomie des services français s’amenuise considérablement et il faudrait, fréquemment, traiter directement avec les Allemands. Or, comme son père pendant le précédent conflit, il s’y refuse29.

  • 30 Idem.

23Délégué de la Croix-Rouge, Montalembert se préoccupe également de l’envoi de colis aux prisonniers. On redira comment son épouse joint à la sienne une activité sociale considérable pendant le conflit. La question du ravitaillement est bien sûr une des plus considérables en cette période. Jusqu’en décembre 1941 au moins, on a la trace de sa participation au Comité départemental de production agricole de la Seine-Inférieure, comme député. Il préside également, à partir de mars 1940, le Comité cantonal de Fontaine-le-Dun. Les archives concernant ce point forment des dossiers très épais. Il accumule les coupures de presse et documents officiels sur le prix des produits agricoles et sur les mesures concrètes liées au ravitaillement afin de renseigner les populations. Le maire d’Ermenouville se préoccupe de trouver de la nourriture pour ses administrés et écrit à des dizaines de grossistes à cette fin. La fourniture de pétrole et de charbon dans le canton est encore l’objet de ses soins. À Ermenouville, la mairie distribue des bons de délivrance de sacs de cinquante kilos de charbon pour les indigents et les familles de prisonniers. Enfin, Montalembert prend sur ses biens personnels pour aider les habitants qui s’adressent à lui. Dans ce domaine, il ajoute une aide privée à son action publique. Il leur fournit du bois de ses propriétés. Il met en place un système de bons avec des commerçants de Fontaine-le-Dun, Valmont ou Yvetot. Ceux-ci acceptent de donner aux personnes, qui se présentent munies de ces bons, la marchandise indiquée pour le montant offert. À la fin de chaque mois, il les règle. Ces bons sont distribués au château à ceux qui viennent demander de l’aide. Ils concernent exclusivement de la nourriture, des chaussures et des vêtements. Le montant de ces bons s’élève à 340 F pour novembre 1940, 305 F en décembre, 665 F en janvier 1941, etc. De plus, des bons supplémentaires ont été distribués à l’occasion de Noël aux Ermenouvillais dans le besoin, pour un total de 480 Francs30. Ce système reste néanmoins tributaire du ravitaillement. Au cours de l’année 1941, les commerçants ont de plus en plus de mal à satisfaire les porteurs de ces bons, eu égard aux restrictions.

  • 31 ADSM 160J122.

24Enfin, si l’aide matérielle est d’une primordiale nécessité en ces temps de guerre, Montalembert est également convaincu qu’il doit exprimer une parole pour réconforter et redonner de l’espérance à ses concitoyens. Il illustre ainsi à son tour une fonction que son père avait tant de fois remplie dans le Nord. Il saisit l’occasion des obsèques de soldats morts au combat et dont les corps sont rapatriés au fur et à mesure de la guerre. Ainsi par exemple, avec le discours qu’il prononce le 11 juin 1941 sur la tombe du soldat Francis Martel, mort en 1940, et enterré à Angerville-la-Martel. Ses paroles sont empreintes de patriotisme, de foi religieuse et d’un appel à l’espoir dans l’avenir du pays : « Depuis les tragiques journées de juin 1940, je n’ai à aucun moment pris la parole. Pour s’exprimer utilement, la pensée a besoin de liberté : sinon elle n’a ni âme, ni force. […] Aujourd’hui, en ces jours douloureux d’anniversaires cruels, pour la Patrie et pour nos familles éplorées, recueillons-nous donc auprès de nos glorieux morts. Auprès de François Martel. Comprenons son sacrifice, l’exemple qu’il nous donne. Soyons dignes de lui. Quelle est la consigne qu’il nous lègue ? Faire, comme il l’a fait, le devoir quotidien. “Servir” fut sa maxime. Servir ses camarades. Servir sa famille, sa Religion, son Dieu. Servir sa Patrie, même jusqu’à la mort31. » Suit une réflexion politique sur les causes de la défaite et de l’occupation : « C’est peut-être parce que trop inconscients et trop heureux, naguère, nous admettions difficilement une telle règle de conduite que de semblables malheurs se sont abattus sur nous. Peut-être, même à l’heure présente, certains se disent-ils encore : “À quoi bon ?” Le souvenir des fautes commises et des scènes lamentables les ont découragés. Quel doute sacrilège. C’est précisément pour mieux nous faire comprendre, pour nous “rehausser”, pour nous permettre de rétablir notre France que des braves comme Francis Martel sont tombés. » L’allusion à l’impréparation et à l’illusion de la paix dans l’entre-deux-guerres apparaît nettement. La condamnation de l’œuvre du Front populaire également. Les propos s’achèvent par l’expression de sa conviction que la France se redressera : « Ne pleurez pas comme ceux qui n’ont ni foi, ni espérance. Un jour viendra – les croyants le savent bien – où les séparations prendront fin […]. Un jour viendra, aussi, sur terre, nous en gardons l’espoir, où de si douloureux sacrifices trouveront leur récompense et de si lourdes épreuves, leur apaisement. Aux heures sombres que nous vivons succéderont des jours rayonnants. »

25Ainsi l’activité considérable de Geoffroy de Montalembert auprès des habitants de sa commune, de son canton et même de l’ensemble de sa région durant la guerre, a permis d’illustrer, une fois de plus, une culture politique fondamentalement aristocratique, faite de l’exigence de remplir le rôle naturel auquel sa représentation l’appelle, celui de protecteur des populations dont il sent avoir la responsabilité. Il le fait souvent au nom des mandats qui sont les siens mais il est évident que la justification de ce comportement a des racines beaucoup plus profondes que le service des électeurs.

26Les dernières phrases de l’oraison funèbre citée plus haut, où rédemption du pays et résurrection des morts se répondent, peuvent être comprises de multiples manières. Est-ce un plaidoyer en faveur de la Révolution nationale du maréchal Pétain, de sa politique de collaboration ? Est-ce l’expression d’un esprit de résistance à l’occupant ou/et à la France de Vichy ? Il importe donc de tenter de situer maintenant l’évolution politique de Geoffroy de Montalembert pendant le conflit afin d’éclairer ces propos.

Un patriote dans la guerre

  • 32 O. Wieviorka, Les Orphelins de la République. Destinée des députés et sénateurs français (1940-194 (...)

27L’historiographie est revenue des jugements abrupts nés d’un manichéisme outrancier vis-à-vis des parlementaires s’étant prononcés favorablement lors du vote du 10 juillet 194032. Les « Quatre-vingts » qui répondirent non au projet de loi ne furent pas en totalité ensuite des résistants et les 570 qui s’exprimèrent dans le sens contraire ne s’investirent pas tous, loin de là, dans la collaboration et le soutien au régime de Vichy. Les choix et les évolutions ne furent pas automatiquement déterminés par le vote du 10 juillet. Entre les acteurs et les idéologues de la collaboration et/ou de la Révolution nationale et les engagés dans la résistance active, tout un spectre d’attitudes existait ; ces attitudes étant modifiées par le cours des événements, plus rapidement chez certains que chez d’autres. Pour beaucoup d’élus, 1942 marque néanmoins une rupture. C’est tout l’intérêt de mener une étude relativement fine de parcours individuels que de dévoiler ces complexités et leur diversité.

28Pour tenter de cerner l’évolution de l’attitude de Montalembert, on dispose de son courrier, de la position qu’il prit vis-à-vis des créations du nouveau régime, des actes qu’il posa aux yeux de tous et, en creux, de tout ce qu’il ne fit pas, des organes auxquels il n’appartint pas. Enfin, la position en retrait de la vie politique qu’il prit est elle-même riche d’enseignements. Après le conflit, il s’exprima sur ses convictions durant ces années. Ces propos a posteriori doivent évidement être traités avec circonspection ; on verra néanmoins qu’ils sont cohérents avec son attitude pendant les événements.

  • 33 Mi-juillet, de retour à Ermenouville, il écrit ainsi à un correspondant : « Il faut mettre beaucou (...)

29Il ne fait pas de doute que dans son vote positif du 10 juillet 1940, le député d’Yvetot a voulu entériner l’armistice afin d’éviter un écrasement de l’armée française et dans l’espoir de voir se réaliser une œuvre de rénovation intérieure33, comme il la demandait depuis plusieurs années Montalembert considéra, au départ, avec une faveur certaine le nouveau régime. Mais, très vite, son patriotisme l’amena à prendre de plus en plus de distance puis à rompre avec la Révolution nationale et le maréchal Pétain.

  • 34 Au début de la guerre, il se rendit quelques fois dans ses propriétés de La Pouyade en Dordogne af (...)
  • 35 Lettre du 21 janvier 1941. ADSM 160J156.
  • 36 Dans le cadre d’un nouveau voyage à La Pouyade. ADSM 160J35. Ce fut sans doute son ultime séjour à (...)
  • 37 Rappelons qu’une entrevue avec le maréchal Pétain n’induisait en aucun cas une acceptation de la p (...)

30Comme beaucoup de ses collègues, il reconnaît la légitimité d’un régime qu’il a contribué à faire naître. Pour favoriser la défense de ses administrés, il noue des contacts avec l’administration nouvelle et par deux fois, au moins, se rend à Vichy. En janvier 1941, il dit revenir d’un voyage en zone libre34, au cours duquel il put « voir le Maréchal35 ». On ignore le cadre de cette rencontre. Ce n’est peut-être pas une coïncidence qu’il se soit rendu à Vichy alors que Laval vient d’en être évincé et que, sous l’égide de Pierre-Étienne Flandin, la politique de collaboration semble s’estomper et une tentative paraît s’amorcer de renouer des liens avec les parlementaires. On ne peut malheureusement en dire plus. Du 12 au 15 novembre 1941, il est à nouveau à Vichy36, mais ne signale pas de contact avec Pétain37.

  • 38 Décret du 9 novembre 1940, faisant suite à la loi Belin du 16 août 1940 sur les comités d’organisa (...)
  • 39 ADSM 160J35.

31Que Geoffroy de Montalembert ait partagé le maréchalisme de ses contemporains au début de la guerre est une évidence. Mais ce ne fut pas une attitude aveugle, un dévouement absolu ou une acceptation sans réflexion de l’action du chef de l’État. Ainsi, des critiques percent très vite sur la politique menée par Vichy. Le 17 novembre 1940, le Journal de Rouen publie, sous la plume de Michel Lafond, un article se félicitant de la récente dissolution du Comité des forges38. Montalembert adresse au directeur du journal une réponse très nette. Il critique la reprise des « bobards ridicules qui ont fait les beaux jours du Front populaire » et ajoute : « Ce que M. Blum n’avait pas osé faire, le Gouvernement du Maréchal Pétain et de M. Laval l’a réalisé d’un trait de plume. » À ses yeux, « ce n’est pas de nature à relever le prestige français à un moment où il n’aurait cependant pas besoin d’être encore diminué ». Parlant de son beau-père, il poursuit : « On peut se demander s’il est bien opportun de déboulonner cette personnalité industrielle lorraine au moment même où les habitants de cette malheureuse province sont chassés de leurs demeures et de leur sol39. » Certes, la nature politique de cette critique vis-à-vis de Vichy est à relativiser en raison des liens de parentés avec François de Wendel. Néanmoins, elle n’est pas la seule à attester l’attitude de plus en plus critique de Montalembert.

  • 40 ADSM 160J45.
  • 41 ADSM 160J35.

32Le brouillon d’une autre lettre, non envoyée elle, au directeur du même journal, en mai 1941, signale également une prise de distance avec Vichy, en même temps qu’une certaine confiance gardée à Pétain. Montalembert y nie l’information publiée selon laquelle il aurait été présent à Vichy pour la fête du 1er mai et affirme vouloir se démarquer de la politique de l’État français. Précisant sa position critique, il dit rester inébranlable sur ses convictions de juin 1940, qu’il résume ainsi : « Admettre l’armistice dans l’honneur, pas davantage40. » Enfin, il refuse de croire que la renaissance de la France souhaitée par le maréchal soit la même que celle recherchée par les Allemands, comme l’a écrit le journal rouennais de Jean Lafond. Un an plus tard, un commentaire, en marge d’un article, indique que l’ancien député d’Yvetot a renoncé à une grande partie de son maréchalisme. Michel Lafond écrit dans le Journal de Rouen du 16 avril 1942 que Pétain avait depuis longtemps pressenti la crise du régime républicain et préparé le programme de sa révolution nationale. Sceptique, Montalembert note de sa main : « Il a cependant toujours été un très fidèle serviteur des gouvernements de la République française41. » La défiance a remplacé les espoirs de 1940.

  • 42 En Seine-Inférieure, seul le député havrais Albert Dubosc, du groupe de la Gauche démocratique, ra (...)
  • 43 Si, dans le principe, les cadres devaient être nommés selon une conception hiérarchique, dans les (...)
  • 44 Lettre du 17 novembre 1942. ADSM 160J156.
  • 45 ADSM 160J52.
  • 46 Lettre du 17 février 1943. Idem.

33Le député d’Yvetot ne s’engagea et ne fut appelé à participer à aucun des organismes nouveaux mis en place par l’État français. Il ne fit pas partie des 77 parlementaires nommés en janvier 1941 au Conseil national42. Son nom n’apparut pas non plus dans la Commission administrative départementale de la Seine-Inférieure lorsque celle-ci fut constituée en juin 1943. Quant à la Corporation paysanne, mise peu à peu en place à la suite de la loi du 2 décembre 1940, elle faisait quasiment obligation à tous les membres de la profession agricole de se regrouper au sein de ce syndicat unique corporatif. Grand propriétaire, Montalembert ne pouvait pas ne pas rejoindre la section d’Ermenouville. Il n’entend pourtant pas lui donner un rôle autre que d’organisation de la profession. Il refuse une interprétation qui ferait de l’adhésion l’expression d’un soutien idéologique au régime. Ainsi, il n’assiste pas à l’assemblée constitutive de la Corporation qui doit se tenir à Rouen le 26 novembre 1942. Il charge le comte Gaston du Doüet de Graville, grand notable cauchois, de voter à sa place pour l’élection du syndic régional43. Il ajoute : « Je tiens à vous préciser, par ailleurs, que la Corporation paysanne devant être exclusivement et uniquement une organisation corporative, je veux n’être associé à aucune manifestation ou motion pouvant revêtir un caractère politique quelconque44. » Refusant que son nom figure au bas d’un éventuel message de fidélité au chef de l’État, comme parfois les réunions de groupements nouveaux se faisaient le devoir d’en rédiger, Montalembert montre assez clairement la position critique qui est la sienne. Lors de la formation du syndicat local d’Ermenouville de la Corporation, personne n’acceptant le poste de syndic, le maire du village a dû se résoudre à occuper la fonction. Il prend alors le soin d’indiquer qu’il le fait, forcé par les circonstances et provisoirement45. De fait, il n’occupe ce poste que quelques mois. Lors d’une réunion pour élire le syndic cantonal, un délégué a exprimé son mécontentement qu’un ancien député occupe la charge de syndic local. Pour Montalembert, cette nouvelle manifestation d’hostilité envers les parlementaires de la Troisième République, encouragée par les journalistes de Vichy, est inacceptable. Il décide de se retirer et démissionne de sa fonction de syndic d’Ermenouville46.

34De plus en plus critique à l’égard des mesures prises par Vichy, trop peu sûr du reste aux yeux de l’État français pour se voir décerner une fonction nationale ou départementale, Montalembert s’est installé, assez rapidement, dans une position de retrait, puis peu à peu d’opposition.

  • 47 Décret du 29 juillet 1939.
  • 48 ADSM 160J45.
  • 49 ADSM 160J35.
  • 50 Op. cit., p. 203.

35Parmi les facteurs qui ont opéré ce changement, il est probable que la manière dont Vichy et ses propagandistes ont traité les parlementaires ait eu une part non négligeable. Dans les articles qu’il lit, toute attaque contre eux est relevée et souvent suivi d’une réplique rageuse en marge. Il stigmatise plusieurs fois la position dans laquelle sont maintenus les élus des anciennes Chambres et les accusations qui leur sont adressées. Il ne veut pour autant pas abandonner sa qualité de député. Officiellement, son mandat, comme celui de ses collègues, avait été prorogé jusqu’au 31 mai 194247, mais l’Acte constitutionnel n° 3 du 11 juillet 1940 avait ajourné les Chambres. La fiction de l’existence du Parlement avait été maintenue puisque, le 13 avril 1942, le député d’Yvetot recevait un courrier de la questure de l’Assemblée l’informant du changement de statut des Caisses de retraites et de pensions des Anciens Parlementaires – courrier auquel il répondait d’ailleurs par le refus de recevoir quoi que ce fût du pouvoir48. Montalembert se considère alors encore comme détenteur de sa fonction, tant que les électeurs ne l’ont pas confiée à un autre. Alors qu’un article de l’abeille cauchoise a imprimé l’expression « ancien député » à côté de son nom, il écrit en octobre 1942 à André Levasseur, son directeur, qu’il entend être encore considéré comme un député, cela « afin de conserver l’honneur de porter le titre que je dois à la confiance de mes concitoyens49 ». Olivier Wieviorka analyse cette attitude de respect du principe électif comme la marque d’un attachement à la culture républicaine et par conséquent l’expression d’une opposition à Vichy50. Cette interprétation trouve ici une illustration tant elle paraît cohérente avec ce que l’on a étudié précédemment de l’évolution de l’attitude de Montalembert.

  • 51 Témoignages La Rochefoucauld et Klein.

36Mais, dans son cas, ce qui fut bien la base essentielle du développement de ses critiques, de sa fronde, puis de son opposition à la politique de Vichy consiste en une haine absolu de l’Allemand, une volonté d’agir pour rendre plus difficile l’occupation du pays et la conviction, peu à peu clairement établie, qu’aucune action de relèvement national ne pouvait être réalisée sous la botte ennemie. Comment ne pas penser que l’influence de François de Wendel, relayée par son épouse, ne vint pas accélérer cette prise de conscience ? L’absence de courrier échangé entre le beau-père et son gendre pendant le conflit, dont on imagine la raison, n’a pas permis d’en trouver une trace, mais les liens et la complicité attestés entre les deux hommes par leurs proches51 renforcent cette hypothèse.

  • 52 Témoignage La Rochefoucauld.

37Ce patriotisme et ce rejet viscéral de l’occupation lui venaient d’abord de la culture politique familiale qui lui avait été transmise. Originaire du Nord, Montalembert fut fondamentalement un homme de la frontière, de la crainte de l’invasion. Ce point le rapprochait évidemment du lorrain François de Wendel. La lutte pour l’intégrité du territoire français et pour la grandeur du pays avait été celle de ses ancêtres les plus éloignés, de son père en 1870 et encore en 1914, la sienne pendant la Grande Guerre enfin. L’exigence de combattre pour le roi et pour le royaume s’était tout entière réfugiée, depuis l’écroulement de la lutte monarchiste, dans la nécessaire défense nationale. Sa fille précise que la rencontre de Montoire marqua une importante césure dans l’attitude de son père qui, à ce moment, s’aperçut que « Pétain n’était pas ce qu’il pensait52 ». Ainsi, le patriotisme fut bien l’élément décisif qui empêcha Montalembert de se rallier longtemps à Vichy.

  • 53 Lettre du 19 mai 1941. ADSM 160J156.
  • 54 L. Gervereau et D. Pechanski (s.d.), La propagande sous Vichy 1940-1944, catalogue de l’exposition (...)

38Il exprima souvent son attachement à la liberté de son pays. En mai 1941, il répond favorablement à l’invitation que lui adresse l’archevêque de Rouen, Mgr Petit de Julleville, aux fêtes Jeanne-d’Arc qui doivent avoir lieu dans sa cathédrale : « Je me ferai un devoir d’assister à cette cérémonie. La Sainte de la Patrie, libératrice de notre territoire, doit, en effet, être invoquée et priée plus que jamais en les heures si difficiles que nous vivons53. » Certes, le souvenir de Jeanne d’Arc fut instrumentalisé par la propagande de Vichy54, mais, la référence précisée à la « libératrice de notre territoire » signifie assez sûrement qu’il entend l’invoquer pour la libération de l’occupation contemporaine.

  • 55 Témoignage La Rochefoucauld et rapport du préfet Bonnet du 23 octobre 1944. ADSM 160J45.

39Face au déni de courage des parlementaires qui envahit la presse de Vichy, Montalembert va être en plusieurs occasions en position de montrer publiquement ses convictions patriotiques. Le 17 août 1942, la veille de la tentative de débarquement des Canadiens à Dieppe, les Allemands abattent un avion ennemi près de Saint-Valéry-en-Caux. Ils partent à la recherche du pilote qui, équipé d’un parachute, est tombé dans Ermenouville. La propriété de Montalembert est cernée puis perquisitionnée dans la nuit. Ne le trouvant pas, ils rassemblent la population du village, maire en tête, en demandant à celui-ci de traduire leurs exigences et leurs menaces à la population. Montalembert demande à ses concitoyens de faire leur devoir, expression par laquelle il veut signifier qu’il faut protéger le pilote, et répond aux Allemands que, cachée dans des tranchées de protection, la population n’a pu voir tomber le parachutiste. Le pilote abattu ne fut pas découvert et le maire d’Ermenouville profita de l’agitation provoquée peu après dans la région par le raid sur Dieppe pour organiser son évasion55.

  • 56 O. Wieviorka, op. cit., p. 285.
  • 57 Rapport du préfet de septembre-octobre 1943. AN F/cIII/1188.
  • 58 Entre le 5 et le 13 octobre 1943, les autorités allemandes procèdent à l’arrestation des maires de (...)
  • 59 Parmi ses co-détenus se trouve Jean Puech, maire de Neuville-les-Dieppe, arrêté pour s’être opposé (...)
  • 60 Le 19 octobre 1943, il reprend son courrier. ADSM 160J45.
  • 61 Rapport du préfet, AN F/1cIII/1188 et lettre de Montalembert à Madame Parmentier le 26 mars 1945, (...)

40Mais, ce sont les exigences de l’occupant concernant le STO qui vont provoquer la réaction la plus vive chez Montalembert. Olivier Wieviorka insiste sur ce « moment » décisif pour beaucoup d’élus. « L’instauration du Service du travail obligatoire catalyse les prises de conscience. Parce qu’elle révèle, bien sûr, l’ampleur des concessions que l’État français s’apprête à consentir. Parce qu’elle contredit, surtout, le devoir protecteur auquel tous les élus, on l’a vu, sont fermement attachés. Parce qu’elle offre, enfin, le moyen de s’opposer concrètement à un ennemi exécré, sans pour autant courir de risques inconsidérés56. » En février 1943, les classes 40-41-42 avaient été mobilisées pour le STO. Or, le 30 septembre, comme les autres premiers magistrats du canton de Fontaine-le-Dun, celui d’Ermenouville reçoit des instructions impératives lui enjoignant de désigner un certain nombre de requis destinés à des chantiers allemands de travaux militaires. Il oppose à cette exigence un refus absolu et prend l’initiative d’une protestation collective des maires du canton. Ceux-ci le suivent. Les réactions se multiplient chez les élus de l’arrondissement et au sein de la population, comme le préfet l’indique dans son rapport au ministre de l’Intérieur57. Le 11 octobre 1943, la gendarmerie allemande procède, avec celle d’autre maires58, à l’arrestation de Geoffroy de Montalembert qui est incarcéré à la prison Bonne-Nouvelle de Rouen59. Sa détention ne dure que quelques jours60, grâce à l’intervention du préfet régional André Parmentier61.

  • 62 L’autre demeure seigneuriale d’Ermenouville.
  • 63 Lettre d’un officier allemand à Montalembert, en 1950, qui lui dit avoir fait annuler provisoireme (...)

41À partir de l’automne 1943, le maire d’Ermenouville est plus qu’auparavant surveillé. Sa fille témoigne d’une situation très tendue dans les derniers mois de la guerre. Le château subit plusieurs perquisitions et, à l’occasion de l’une d’elle, au début de 1944, Montalembert se retrouve en garde à vue au cantonnement allemand du Mesnil-Geoffroy62. Un mandat d’arrêt a été délivré contre lui qui peut être exécuté à tout moment63. Il se considère alors en résidence surveillée dans son village. Dans les ultimes semaines de la guerre, sa fille se souvient qu’une valise était prête en permanence et que l’entrée du château était surveillée par le personnel, afin de permettre une éventuelle fuite précipitée du maire.

  • 64 Lettre du 27 novembre 1944. Les Montalembert entretenaient des liens amicaux avec le couple Bouffe (...)

42Ce sont donc bien les choix diplomatiques de Vichy qui ont constitué la faille essentielle entre l’État français et le député d’Yvetot. Son profond patriotisme et son absolu rejet de l’occupation allemande ne pouvaient rendre possible le maintien d’un accord donné en juillet 1940. Comme pour ses collègues parlementaires, c’est bien son attitude pendant le conflit qui éclaire le sens des intentions contenues dans le geste du 10 juillet. À ce qui lui semblait être la nécessité de souscrire à l’armistice, afin de sauver ce qui pouvait l’être de l’armée française, s’ajoutait un espoir de pouvoir mener un travail de redressement du pays, susceptible de parvenir à ce que le temps avait empêché sous Daladier : une France forte capable de s’opposer à l’Allemagne. Il faisait partie de ces parlementaires qui croyaient que Pétain préparait la revanche. Il ne fallut pas beaucoup de temps à Montalembert pour réaliser la naïveté de ses espérances. Il le reconnut d’ailleurs à la Libération, dans une lettre adressée à l’épouse de l’ancien préfet de Rouen René Bouffet : « J’avoue avoir toujours été effrayé de voir certains amis accepter des charges officielles au cours de l’occupation allemande et chaque fois que je l’ai pu, je me suis efforcé de leur faire comprendre que le devoir patriotique avait cessé d’être le devoir d’obéissance à un gouvernement indigne et traître au mandat qui lui avait été assigné par l’Assemblée nationale64. »

43Finalement, la position de Montalembert dans la guerre et sous l’occupation allemande fut avant tout marquée par le choix patriotique. C’est lui qui s’imposa aux tentations auxquelles le programme de la Révolution nationale avait pu le soumettre en raison de ses convictions. Ainsi, au sein même de son identité politique, des éléments distincts avaient pu se heurter, laissant deviner finalement lequel, de son attachement au sol national et de son projet d’organisation sociale, prédominait. La tradition aristocratique familiale et l’exemple de Geoffroy-Jules de Montalembert lui avaient octroyé les éléments susceptibles de l’amener, assez tôt, à ce choix. Là encore, les fondements les plus profonds de sa culture politique avaient été les plus solides repères.

Notes

1 ADSM 160J170.

2 Notes préparées en vue de cette conférence publique. ADSM 160J34.

3 Lettre du 12 octobre 1938. ADSM 160J170.

4 Lettre du 9 avril 1940. ADSM 160J153.

5 Idem.

6 Idem.

7 Idem.

8 J.O., Compte rendu des débats…, séance du 1er mars 1940, p. 409-410.

9 C’est le cas de Joseph Paul-Boncour au Sénat et de Léon Blum à la Chambre.

10 À leur tête, Pierre Laval au Sénat et Gaston Bergery à la Chambre.

11 Des ardennes au pays de Caux. Histoire d’un escadron de chasseurs à cheval (10 mai-12 juin 1940), Amicale des Anciens du 12e Chasseurs, 62 p. dactylographiées, coll. privée.

12 Témoignages La Rochefoucauld et Klein.

13 Ce sentiment explique sans doute le rapport ambigu qu’il entretint avec la commémoration de ces combats. Certes, des manifestations eurent lieu dès la fin du conflit, mais il fallut attendre les cinquante ans de cet événement pour qu’un signe tangible de mémoire fût installé dans le village. Et c’est Montalembert qui en eut l’initiative. Le 9 juin 1990, un très lourd bloc monolithe de grès de 15 tonnes, sculpté par les cauchois Gérard et Pierre-Paul Ambroselli, fut inauguré par le sénateur-maire d’Ermenouville et d’anciens officiers du 12e R.C. à l’emplacement de l’une de leurs positions, face au château d’Arnouville.

14 Interview Thomas.

15 AN F/1cIII/1188. Montalembert joint à ce rapport des renseignements qu’il a obtenus, sans doute par le biais des réseaux de son beau-père, sur la situation des départements de l’Alsace et de la Lorraine.

16 Comme indiqué par Montalembert dans son rapport, le maire radical de Rouen Georges Métayer était revenu dans sa ville après l’arrivée des troupes allemandes mais avait été remplacé sur ordre de l’occupant par son premier adjoint Maurice Poissant.

17 Interview Thomas.

18 Idem. Voir également, D. Woronoff, François de Wendel, Paris, Presses de Sciences Po, 2001, p. 64 et suivantes.

19 Interview Thomas.

20 Ce député compatriote de François de Wendel et membre du groupe de la Fédération républicaine lui fit toujours grande impression. Interview Thomas.

21 En référence aux années 1918-1940.

22 Interview Thomas.

23 Interview Thomas.

24 ADSM 160J43.

25 Lettre du 1er septembre 1940. ADSM 160J43.

26 Lettre du 15 mai 1941. Idem. L’appel au « bon cœur » est récurrent dans ces courriers. L’expression indique qu’on est passé à un ordre de relations tout à fait différent de celui qui préside, habituellement, aux rapports entre un élu et ses concitoyens.

27 Idem.

28 ADSM 160J43.

29 ADSM 160J156.

30 Idem.

31 ADSM 160J122.

32 O. Wieviorka, Les Orphelins de la République. Destinée des députés et sénateurs français (1940-1945), Paris, Le Seuil, 2001.

33 Mi-juillet, de retour à Ermenouville, il écrit ainsi à un correspondant : « Il faut mettre beaucoup d’ordre dans la maison si nous voulons la rebâtir comme il faut. » ADSM 160J156.

34 Au début de la guerre, il se rendit quelques fois dans ses propriétés de La Pouyade en Dordogne afin de s’occuper de leur gestion.

35 Lettre du 21 janvier 1941. ADSM 160J156.

36 Dans le cadre d’un nouveau voyage à La Pouyade. ADSM 160J35. Ce fut sans doute son ultime séjour à Vichy. C’est ce que semble indiquer un courrier de septembre 1942. ADSM 160J156.

37 Rappelons qu’une entrevue avec le maréchal Pétain n’induisait en aucun cas une acceptation de la politique menée. On sait que François de Wendel, reçu par Pétain le 25 mai 1941, lui exprima clairement sa désapprobation.

38 Décret du 9 novembre 1940, faisant suite à la loi Belin du 16 août 1940 sur les comités d’organisation professionnelle.

39 ADSM 160J35.

40 ADSM 160J45.

41 ADSM 160J35.

42 En Seine-Inférieure, seul le député havrais Albert Dubosc, du groupe de la Gauche démocratique, radicale et indépendante, fut nommé au Conseil national.

43 Si, dans le principe, les cadres devaient être nommés selon une conception hiérarchique, dans les faits la Corporation parvint à obtenir le droit de pratiquer l’élection des cadres régionaux et locaux.

44 Lettre du 17 novembre 1942. ADSM 160J156.

45 ADSM 160J52.

46 Lettre du 17 février 1943. Idem.

47 Décret du 29 juillet 1939.

48 ADSM 160J45.

49 ADSM 160J35.

50 Op. cit., p. 203.

51 Témoignages La Rochefoucauld et Klein.

52 Témoignage La Rochefoucauld.

53 Lettre du 19 mai 1941. ADSM 160J156.

54 L. Gervereau et D. Pechanski (s.d.), La propagande sous Vichy 1940-1944, catalogue de l’exposition de la BDIC, 1990, p. 121-122 et G. Krumeich, Jeanne d’Arc à travers l’histoire, Paris, Albin Michel, 1993.

55 Témoignage La Rochefoucauld et rapport du préfet Bonnet du 23 octobre 1944. ADSM 160J45.

56 O. Wieviorka, op. cit., p. 285.

57 Rapport du préfet de septembre-octobre 1943. AN F/cIII/1188.

58 Entre le 5 et le 13 octobre 1943, les autorités allemandes procèdent à l’arrestation des maires de St-Pierrele-Vieux, La Gaillarde et Auppegard (idem).

59 Parmi ses co-détenus se trouve Jean Puech, maire de Neuville-les-Dieppe, arrêté pour s’être opposé au STO et qui mourut en déportation à Dachau en 1945. En 1948, Geoffroy de Montalembert accepta d’appartenir, comme membre d’honneur, au Comité Jean-Puech et des Martyrs de la Résistance. Il envoya 2 000 F pour financer le monument qui lui fut érigé dans sa ville. ADSM 160J45.

60 Le 19 octobre 1943, il reprend son courrier. ADSM 160J45.

61 Rapport du préfet, AN F/1cIII/1188 et lettre de Montalembert à Madame Parmentier le 26 mars 1945, ADSM 160J158.

62 L’autre demeure seigneuriale d’Ermenouville.

63 Lettre d’un officier allemand à Montalembert, en 1950, qui lui dit avoir fait annuler provisoirement l’exécution de ce mandat. ADSM 160J174.

64 Lettre du 27 novembre 1944. Les Montalembert entretenaient des liens amicaux avec le couple Bouffet. Appelant sa correspondante par son prénom et joignant à cette lettre privée une lettre destinée à être rendue publique afin d’aider à la défense de l’ancien haut fonctionnaire, on peut penser que Montalembert s’y exprime avec sincérité, face à une personne qui semblait connaître le fond de sa pensée sur l’occupation et le régime de Vichy depuis longtemps. ADSM 160J157.

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