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La diplomatie romaine, l'autre instrument de la conquête

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Claudine Auliard

Quatrième partie. L'élargissement des pratiques diplomatiques. De la prise de Véies à la fin des guerres samnites (396-290)

Chapitre XI. Le jeu diplomatique entre paix et négociation

Texte intégral

  • 1 Comparer le tableau ci-dessous avec le tableau XVIII, p. 139.

1Les données quantitatives traduisent peu de différences de l’usage de l’outil diplomatique entre les deux premiers siècles ; en revanche, les contenus des contacts entre Rome et ses multiples interlocuteurs évoluent très sensiblement, donnant de la diplomatie romaine une image à la fois plus complexe et surtout plus opportuniste. Au ve siècle, les missions ayant pour objectif d’obtenir des informations et des aides représentaient presque la moitié des contacts ; entre 396 et 290, ces objectifs ne représentent plus que 15 % du nombre des échanges1. La paix et la négociation deviennent les fonctions très majoritaires des échanges (avec 70 % du total des actes), notamment au cours des 30 dernières années de la période puisque, entre 320 et 290, puisque cinq contacts sur six mettent en œuvre des négociations ou traitent des conditions de paix. Seul le nombre des missions en relation avec la guerre reste à peu près semblable à celui du siècle précédent.

Tableau XXXIX. – Les objectifs de la diplomatie au ive siècle.

Tableau XXXIX. – Les objectifs de la diplomatie au ive siècle.

2Une évolution si nette traduit nécessairement un nouvel usage de la diplomatie. Avant même la conquête de la Grande Grèce, le pouvoir romain semble désormais utiliser des fonctions diplomatiques de plus en plus diversifiées afin de l’associer plus étroitement à la conquête et à la mise en œuvre de la domination romaine.

L’affaiblissement des fonctions d’aides et d’informations

  • 2 Les missions d’informations de 383 et de 297 sont ainsi mandatées par trois cités (AD 2023 et 2124 (...)

3Le nombre des missions liées à l’information et à l’aide chute de façon spectaculaire, passant d’un total de 62 au cours du siècle précédent à 24, alors que la proportion d’actes multiples est tout à fait comparable et ne modifie pas l’évaluation de cette forte diminution2. En outre, le contenu des démarches attestées est nettement moins diversifié : précédemment, nous avions identifié des demandes d’aides frumentaires, religieuses, militaires et même juridiques ; au ive siècle, les démarches adressées à Rome se répartissent essentiellement en deux catégories, des missions d’informations dénonçant les agissements des voisins et ennemis, et des demandes d’aide militaires.

Tableau XL. – La réduction des fonctions d’aides et d’informations.

Tableau XL. – La réduction des fonctions d’aides et d’informations.
  • 3 AD 2016. Voir infra p. 227, le caractère très singulier de cette démarche.

4La seule proposition d’aide extérieure reçue par Rome est venue de Marseille en 389 : elle apportait une contribution destinée à payer en partie la rançon aux Gaulois3. Enfin, trois demandes seulement ont été formulées par Rome, qui plus est dans le seul domaine où il ne peut en être autrement, celui des demandes d’aides religieuses.

Le nouvel usage de l’information

  • 4 Comparer les tableaux XX, p 143, et ci-dessus : dix missions contre 23 au siècle précédent.
  • 5 En 342, Tite-Live les qualifie abusivement de colonies romaines (Liv., 7, 42, 8). Norba est une co (...)
  • 6 AD 2051 E1 et E2. Liv., 8, 1, 1.
  • 7 Voir la chronologie dans le tableau de la page précédente.

5La forte chute du nombre des missions d’informations par rapport au siècle précédent doit avoir nécessairement des origines multiples4. En premier lieu, Rome, en élargissant son emprise sur les peuples voisins, a modifié le statut de nombreuses cités ou peuples, de sorte qu’ils n’ont plus à apparaître dans notre inventaire. Dans le Latium, seules peuvent encore figurer avant 338, les colonies latines, comme Norba et Setia5. Victimes d’incursions des Privernates en 342, les deux cités en informent les Romains dès 3416. La chronologie des missions d’information révèle les origines probables des modifications de l’usage de l’information : non seulement aucune mission n’est identifiée durant les troubles des années 370 (plus largement encore, entre 382 et 353), mais en outre, durant la deuxième moitié du siècle (entre 341 et 300), aucune information n’est transmise aux Romains sur les mouvements ou menaces de ses voisins7.

  • 8 « Ita placide ab senatu responsum est ut minus credi de criminibus, quia nollent ea uera esse, app (...)
  • 9 Contra, J. Bayet estime que l’expression « déguise le néant de l’information historique » (Tite-Li (...)
  • 10 Une guerre déclarée sans envoi de fétiaux ni de légats (Liv., 6, 22, 2-5). Voir le paragraphe suiv (...)
  • 11 Liv., 7, 19, 6-7. AD 2038.
  • 12 Liv., 7, 27, 5-6. AD 2044.

6Des lacunes d’aussi longue durée peuvent également être la conséquence des démarches de 383. Cette année-là, trois cités latines (Tusculum, Gabies et Labicum) envoient à Rome des délégués chargés d’informer Rome des incursions des Prénestins sur leur territoire. « Le Sénat répondit avec une tranquillité qui laissait voir que son refus de croire à ces griefs n’était que le désir qu’ils ne fussent pas vrais8. » Une réponse si dilatoire masque bien maladroitement la volonté des sénateurs de ne prendre aucune décision9. Il faudra une lettre du consul au Sénat, dès l’année suivante, annonçant l’appui des Prénestins à Velitrae, pour entraîner une réaction : un sénatus-consulte déclare la guerre à Préneste10. Les trois cités, qui avaient informé Rome de l’agression quelques mois plus tôt, ont probablement été affectées par le mépris avec lequel leur propre information avait été traitée. En tout état de cause, on constate qu’il faut attendre trente ans pour que les Latins envoient une nouvelle mission informer le Sénat de l’agitation des Volsques11 – une mission dont le contenu a été cette fois-ci entendu, puisque la guerre est immédiatement déclarée. De la même façon, en 346, la guerre contre Antium est décidée dès que les Latins eurent informé Rome de l’attitude de la cité volsque12. De fait, en 353 comme en 346, les conditions intérieures sont assurément plus favorables à l’écoute des informations apportées par les alliés qu’en 384-383, dans le contexte de la sédition de Manlius.

  • 13 AD 2070.
  • 14 Le contraste est flagrant dans le tableau XL, page précédente.
  • 15 Liv., 7, 30, 1. AD 2045.

7Les Latins n’étaient pourtant pas seuls à pouvoir informer les Romains ; c’est plus sûrement le mode de fonctionnement même de ces missions qui est en cause – ou tout au moins sa transposition par la tradition. Lorsqu’en 327 par exemple, les Campaniens mandatent des missions chargées de demander l’aide de Rome, il n’est nullement fait mention de l’apport d’informations13. Ainsi, entre 343 et 320, alors que quatre cités et peuples demandent des aides militaires à Rome, aucune information n’aurait simultanément été fournie14. Un tournant semble donc pouvoir être daté précisément de la mission de Capoue en 343. Son objectif est ainsi présenté par Tite-Live : « Le peuple campanien nous a envoyés en ambassade auprès de vous, sénateurs, avec la mission de vous demander pour toujours votre amitié, pour aujourd’hui votre assistance15. » La menace samnite a nécessairement été évoquée, mais il est troublant de constater le changement sémantique, précisément lors de cette mission. Le lien entre l’apport d’information, la demande d’assistance et la sollicitation d’une amitié n’est même plus formulé et, pour la première fois, l’accent est mis exclusivement sur un point : la demande d’alliance, explicitement associée à la demande d’aide. Désormais, l’apport d’un soutien militaire semble donc conditionné à l’intégration du demandeur au nombre des alliés officiels de Rome.

8De fait, à partir de 343, la plupart des demandes d’aides (à l’exception des Étrusques, provisoirement) vont désormais être traduites en termes identiques. Le changement du rapport des forces en Italie à partir du milieu du siècle a pu inciter les interlocuteurs à annoncer plus ouvertement leurs motivations réelles, mais c’est vraisemblablement la tradition annalistique qui, après 343, a choisi d’afficher sans détours les sollicitations des cités ou des peuples demandeurs. Que la tradition ait, sur ce point, transcrit la réalité ou non est d’une certaine façon secondaire : l’essentiel est que dorénavant, les interventions romaines devront être considérées comme les réponses à des sollicitations extérieures, formulées explicitement par des cités ou des peuples qui en acceptent la condition (une condition également clairement affirmée) : entrer dans l’alliance romaine.

  • 16 AD 2054 et 2063. La mission des Samnites doit d’ailleurs être identifiée à la fonction guerre (voi (...)
  • 17 Liv., 8, 2, 12 AD 2054.
  • 18 Strab., 5, 3, 5. AD 2063. La démarche aurait finalement abouti à un traité (voir le paragraphe con (...)

9Ce mode de fonctionnement n’est assurément pas applicable à des interlocuteurs dont le rapport des forces avec Rome n’est pas assez favorable. Ainsi les démarches des Samnites en 341 ou celle d’Alexandre d’Epire en 332 ne pouvaient pas être identifiées à de simples recherches d’informations ; elles sont donc assimilées à des manifestations d’agressivité à l’égard de Rome16. Lorsque les Samnites cherchent à savoir pourquoi Rome n’interdit pas aux Latins et aux Campaniens leurs incursions sur le territoire samnite, Tite-Live concède que « leur requête reçut une réponse ambiguë car il répugnait au Sénat d’avouer que les Latins n’étaient plus sous le pouvoir de Rome17 ». De la même façon, la démarche d’Alexandre le Molosse, accusant Rome de soutenir les pirates tyrrhéniens, est présentée comme une requête qui ne permet pas d’assimiler cette mission à une demande d’information18. Ces glissements sémantiques traduisent à l’évidence une radicalisation des relations de Rome avec ses voisins : à partir du milieu du siècle, les peuples soumis peuvent et (surtout) doivent fournir les informations dont Rome a besoin ; en revanche, les cités, peuples ou souverains qui ne sont pas encore dans la mouvance romaine ne peuvent demander ou fournir des informations que dans un contexte d’agressivité (comme les Samnites ou Alexandre) ou de soumission anticipée (avec l’exemple emblématique de Capoue).

Marchandages et ravitaillement

  • 19 Comparer les tableaux XX et XL (p. 139 et 222).
  • 20 En 492, 433 et 411 (voir le tableau supra p. 139).

10La disparition des demandes de ravitaillement, si nombreuses au siècle précédent, traduit également l’évolution désormais rapide vers une domination de Rome sur l’Italie19. Sa main mise sur l’Italie centrale et sur l’Etrurie lui ont apparemment permis de garantir son ravitaillement, sans achats de blé à l’extérieur, grâce à la coopération obligée des nouveaux alliés étrusques, latins et herniques. La disparition des démarches ayant pour objectif officiel d’assurer le ravitaillement semble en effet coïncider avec la victoire définitive sur Véies. Bien que nous n’ayons pas de certitudes quant à la capacité des productions étrusques à pallier les insuffisances des productions romaines dès 396, il semble que les pénuries aient disparu. Rappelons qu’à trois reprises au siècle précédent, des missions avaient été envoyées en Étrurie pour y acheter du blé et y avaient obtenu un résultat positif20 ; on ne peut donc exclure que l’Étrurie ait pu assurer au moins une partie des besoins de Rome.

  • 21 Liv., 5, 31, 5. B. Amat-Séguin, Diodore XIV, 113 : une catastrophe climatique à l’origine des péré (...)
  • 22 Liv., 5, 48, 1-5 ; 6, 20, 15-16. C. Virlouvet, op. cit., p. 13.

11Au ive siècle, nous n’avons trace que de trois crises frumentaires, au début du siècle, essentiellement liées à des calamités naturelles : en 392, une épidémie de peste et une grave sécheresse21, une autre épidémie en 390 (aggravée, il est vrai, par le siège des Gaulois) et enfin en 383 une dernière peste est mentionnée22. Les mentions très rapides de Tite-Live ne permettent pas de savoir de quelle façon furent résolus les problèmes nés de ces circonstances particulières ; il n’est en tout cas jamais fait mention d’envoi de missions sénatoriales. Qui plus est, aucun acte diplomatique de la décennie 392-383 ne fait référence à l’accaparement de productions agricoles aux dépens des voisins italiens. Après 383, et jusqu’aux dernières années du siècle, aucune épidémie, aucune sécheresse, aucune situation militaire ne semble avoir engendré de disette. Les progrès décisifs de Rome contre les Volsques, puis en Campanie – deux zones également sollicitées pour l’approvisionnement au siècle précédent – ont probablement permis de mettre la main sur une partie au moins des productions de ces régions.

  • 23 AD 1056, 1059 et 1062.
  • 24 Liv., 8, 2, 4. AD 2052C1.
  • 25 Liv., 9, 36, 8. Voir les références dans l’index des actes au n° 2094.
  • 26 AD 2106 C1 et 2108 C1.
  • 27 Liv., 9, 45, 4. AD 2112.
  • 28 Liv., 10, 5, 8. AD 2118 C1.

12En revanche, au cours des dernières décennies du siècle, un certain nombre de démarches mentionnent des clauses frumentaires inclues dans des accords diplomatiques. Cette pratique avait déjà été mise en œuvre au début du ve siècle, précisément avec Véies et les Èques23, mais depuis 467, aucune clause frumentaire n’a été mentionnée au moment de l’établissement des différents accords ou traités conclus entre Rome et ses interlocuteurs. Dès 341, le consul L. Aemilius Privernas exigeait des Samnites trois mois de vivres pour son armée contre l’autorisation d’aller demander la paix auprès du Sénat24. À la fin du ive siècle, les marchandages sont identiques, ils portent toujours sur des quantités assez limitées, également destinées à l’armée. En 310, la mission exceptionnelle du frère (ou du demi-frère) du consul auprès des Camertes Ombriens débouche sur un accord qui met à la disposition des Romains des vivres pour trente jours25. En 306, les Herniques, puis les Samnites, sont également mis à contribution : les premiers obtiennent une trêve contre du blé pour deux mois, les seconds une paix pour trois mois de vivres26. Lorsqu’en 304, le consul P. Sempronius Sophus fait une démonstration de force chez les Samnites pour s’assurer de l’absence de conflits dans la zone, ces derniers s’empressent de lui fournir des vivres, permettant ainsi le renouvellement du traité27. Enfin, en 301, le dictateur M. Valerius Maximus exige des Étrusques qui veulent aller à Rome demander la paix le paiement « d’une année de solde pour son armée et des vivres pour deux mois28 ». Ces exigences ne paraissent d’ailleurs pas très lourdes et semblent liées plus aux conditions militaires (plus précisément le ravitaillement de l’armée) qu’à d’éventuelles pénuries dans la cité même de Rome, sur lesquelles nous n’avons effectivement aucune trace.

  • 29 Liv., 5, 32, 5. AD 2006.
  • 30 Respectivement les actes 2106C1, 2108C1 et 2129.
  • 31 L’exemple des cités étrusques en 294 (AD 2125, 2126 et 2127).
  • 32 Liv., 9, 43, 10. AD 2108C1.

13Des marchandages d’ordre financier complètent assez fréquemment les réquisitions agricoles et quelques-uns paraissent plus substantiels que les prélèvements de vivres. Comme les réquisitions frumentaires, la plupart sont mis en œuvre par les consuls en contrepartie de l’autorisation des demandeurs à être reçus par le Sénat. Certains marchandages ont été en outre directement imposés par le Sénat : Volsinies doit ainsi payer un an de solde en 391 pour obtenir une trêve29. En 306, les Herniques ne payent que deux mois de solde, alors que la même année, les Samnites doivent payer la solde d’une année pour l’armée ; enfin, en 293, les Falisques sont taxés encore plus lourdement en fournissant, outre la solde pour un an, 100 000 lingots de cuivre30. Dans quelques cas, les peuples demandeurs doivent également fournir des tuniques aux soldats31. Tels sont désormais les prix à payer pour obtenir le droit de négocier avec les sénateurs. Même s’il ne s’agit, en quelque sorte, que d’une anticipation des exigences habituellement imposées par Rome après une victoire, ces procédés, en devenant quasi systématiques, révèlent l’urgence pour les Romains à vouloir tirer un profit immédiat de leurs victoires et de la position de demandeurs de leurs interlocuteurs. Puisque de facto ils reconnaissent la prééminence de Rome, ils doivent accéder à ses exigences avant d’aller plus loin dans la négociation – même si les armes romaines n’ont pas encore établi une supériorité définitive. L’exemple déjà cité des Samnites en 306 est en ce sens significatif : ils acceptent de fournir « trois mois de vivres, une année de solde et une tunique pour chaque soldat32 » pour négocier une paix qui n’est en vérité qu’une suspension des hostilités qui reprennent dès 298.

Les demandes et propositions d’aides

  • 33 Comparer les tableaux XX et XL (p. 143 et 226).
  • 34 En 313 (AD 2093) et 292 (AD 2131 et 2132).

14Le nombre de démarches faisant officiellement référence à des demandes d’aides au cours de ce siècle diminue sensiblement par rapport au siècle précédent, avec 12 demandes contre 20, pour ne comparer que les démarches ayant des objectifs équivalents (aides militaires et religieuses)33. Les contenus des demandes d’aide des ve et ive siècles sont en effet assez dissemblables : Rome ne sollicite plus aucune aide, ni auprès des Italiens, ni auprès d’aucune autre puissance. Les seules démarches officiellement accomplies sont les demandes d’aide religieuse, deux consultations de l’oracle de Delphes et l’unique mission à Épidaure34. Alors que les deux premières consultations de Delphes avaient pour origine des problèmes religieux, la démarche de 313 a (comme celle de 398) est directement en rapport avec un problème militaire : comment battre les Samnites en 313 ? Mais, quels que soient les motifs des consultations, les conseils de l’amphictyonie sont à chaque fois favorables aux envoyés romains.

  • 35 Justin, 43, 5, 9-10 : « Ob quod meritum et immunitas illis decreta et locus spectaculorum in senat (...)

15Dans le sens inverse, Rome ne reçoit aucune proposition d’aide au cours du siècle. Un seul soutien est proposé par une mission diplomatique venue de Marseille, en 389. En revenant de Delphes, des légats marseillais avaient rapporté la nouvelle de la prise de Rome par les Gaulois. Les Marseillais prennent alors le deuil et envoient une ambassade proposer de compléter la rançon demandée – une proposition dont on suppose qu’elle fut acceptée puisque, selon Trogue-Pompée (notre seule source), « en reconnaissance de ce bienfait, on les exempta de tout charge, on leur assigna dans les spectacles une place parmi les sénateurs et l’on conclut avec eux un traité à droits égaux35 ». Autant de privilèges exceptionnels renforcent considérablement les liens entre les deux cités et, pour la première fois, est évoquée la conclusion d’un foedus aequum, dont on peut s’étonner qu’aucun annaliste ne s’en fasse l’écho. Était-il si difficile pour la tradition romaine de reconnaître l’aide financière apportée par les Marseillais ? Cette démarche constitue, il est vrai, un cas tout à fait unique ; il n’a aucun équivalent dans l’histoire diplomatique de Rome. Les seuls apports de numéraire dont témoignent nos sources sont soit des cadeaux diplomatiques offerts à Rome, soit des butins, soit des réquisitions imposées après des victoires.

  • 36 Liv., 6, 10, 6-9. AD 2021D1 et D2. Sur la réaction du Sénat, voir supra p. 235 et le paragraphe su (...)

16L’absence de propositions d’aide militaire à Rome confirme le durcissement des relations de Rome avec les peuples italiens. Les rivalités deviennent de plus en plus rudes avec les peuples encore libres et ceux qui sont déjà soumis n’ont plus à proposer ; ils ont seulement l’obligation de fournir les contingents qui leur sont réclamés. Le changement de ton est perceptible dès 386, lorsque Rome envoie au conseil de la Ligue latine et aux Herniques des légats demander pourquoi les contingents militaires n’ont pas été fournis, la formule utilisée est celle d’une réclamation (rerum repetitio) : il ne s’agit plus de demander de d’aide, mais d’intimer un ordre. Cette mission relève alors de la fonction-guerre de la diplomatie et non plus d’une demande d’aide comparable aux demandes formulées au cours du siècle précédent36.

  • 37 AD 2007, 2015, 2018E1 et E2.
  • 38 La demande de Capoue est l’acte 2050E1. Les demandes suivantes sont celles de Suessula, des Aurunq (...)

17En revanche, les demandes d’aides extérieures se multiplient au fur et à mesure que la puissance politique et militaire de Rome s’affirme et, dans cette catégorie de démarches, l’évolution est particulièrement sensible. Au cours de la décennie qui suit la victoire sur Véies, des cités étrusques, à trois reprises, appellent les Romains à leur secours : Clusium en 391, Sutrium en 389 et en 386, Nepete également en 38637. Puis les difficultés internes de Rome autour des lois liciniennes suspendent pour un temps ces types de demandes ; les voisins de Rome étaient probablement informés de l’incapacité dans laquelle se trouvait la cité de répondre à des appels à l’aide. On peut cependant émettre l’hypothèse que l’annalistique a volontairement occulté ces demandes parce que Rome ne pouvait y donner suite. La demande d’aide de Capoue en 343 marque la reprise de ces sortes de démarches et plusieurs sont formulées entre 343 et 32738. Rome apparaît désormais la seule alternative aux deux dernières puissances encore indépendantes dans la péninsule : les Samnites d’une part, les Grecs de l’Italie du Sud d’autre part. Plus encore que le nombre de ces démarches, leurs résultats confirment de façon éclatante la montée en puissance de Rome et l’évolution de son attitude dans ces formes particulières d’interventions.

  • 39 Voir l’index des actes aux n° 2007 et 2008.
  • 40 Liv., 6, 3, 2. AD 2015.
  • 41 Liv., 6, 9, 3-4. AD 2018E1 et E2.

18Au siècle précédent, les Romains paraissaient parfois hésiter à répondre positivement aux sollicitations venues de cités ou de peuples étrangers ; la victoire sur Véies marque de ce point de vue encore un changement décisif. Les appels à l’aide vont désormais être attentivement écoutés et pris en considération. La réponse à l’appel de Clusium fut encore hésitante ; Rome se contentant de l’envoi d’une mission diplomatique, la fameuse mission des Fabii39. Les conséquences désastreuses de leur mission ont peut-être contribué à convaincre les Sénateurs de la nécessité de ne pas se limiter à une riposte diplomatique, mais de répondre au plus près à la demande exprimée – c’est-à-dire, une intervention armée. Les appels suivants reçoivent en effet des réponses d’une toute autre envergure : dès 389, la demande d’aide de Sutrium est suivie d’un ordre sénatorial donné à Camille de « secourir les Sutriens dès que possible40 ». De la même façon en 386, le Sénat lui demande de délaisser la guerre qu’il menait contre Antium pour porter immédiatement secours à Sutrium et Nepete contre les Étrusques41.

  • 42 J. Heurgon, Capoue préromaine, p. 173.
  • 43 AD 2065. R. Bloch et C. Guittard, Tite-Live, VIII, soulignent que les Lucani ne doivent pas être c (...)
  • 44 Liv., 8, 25, 3. AD 2074 E1 et E2.

19La décision de porter secours à Capoue était assurément plus délicate à prendre, en raison de l’existence du traité antérieur qui liait Rome aux Samnites. Les embarras de la tradition disent assez les difficultés rencontrées pour tenter de justifier la réponse à cette démarche. L’argumentaire des légats de Capoue présenté par Tite-Live est qualifié par J. Heurgon de « casuistique impudente réussissant tant bien que mal à réconcilier les intérêts du peuple romain avec la morale internationale42 ». Dans cet épisode, la demande d’aide n’apparaît officiellement qu’après la deditio puisque, dans un premier temps, les Capouans sont sensés être venus seulement pour négocier amitié et alliance avec les Romains. La falsification de cette procédure peut-être rapprochée, avec quelques variantes, de la démarche des Volsques de Fabraternum et de Luca en 330 qui se mettent sous la protection de Rome (in fidem reciperentur) afin d’obtenir son aide également contre les Samnites – bien que ces cités volsques ne soient pas allées jusqu’à faire leur deditio43. Cependant, la pratique initiée par les Capouans fait des émules : en 326, un an après le début de la deuxième guerre samnite, les Lucaniens et les Apuliens proposent leur alliance à Rome et « promettent des armes et des guerriers44 ». L’objectif officiel n’est donc plus l’aide, mais les deux peuples demandeurs ont inversé en quelque sorte la procédure habituelle des demandes d’aides, en promettant une aide militaire en cas de conclusion d’alliance. Les échanges auxquels sont associées des demandes ou des propositions d’aides deviennent de plus en plus variés et fournissent la preuve des capacités remarquables de la diplomatie romaine à exploiter toutes les formes de sollicitations dont elle devient l’objet.

Des déclarations de guerre exceptionnelles

  • 45 Comparer le tableau ci-dessous avec le tableau XXI, p. 152 : 20 actes liés à la guerre au ve siècl (...)

20Le ive siècle figure parmi les périodes les plus riches en événements exceptionnels dans l’usage de la diplomatie lors des déclarations de guerre. Plus que leur nombre – légèrement supérieur à celui du siècle précédent45 –, les contenus et les contextes de ces démarches sont particulièrement riches. La diversité géographique des puissances qui envoient ou qui reçoivent ces sortes de missions fournit la preuve de l’extension des champs d’intervention de Rome. Ce n’est plus seulement auprès des voisins immédiats que ces démarches sont effectuées, mais auprès de multiples cités et peuples de la péninsule.

Tableau LXI. – Le renforcement de la fonction de guerre.

Tableau LXI. – Le renforcement de la fonction de guerre.

Encore quelques déclarations de guerre à Rome

21L’évolution favorable à Rome des rapports de force en Italie se traduit formellement à travers la forte diminution du nombre des cités ou des peuples qui osent encore formuler ouvertement des menaces de guerre ou déclarer la guerre aux Romains : seuls les Gaulois, les Samnites et Tarente ont eu cette audace. Bien que les guerres n’aient jamais cessé, les initiatives en ce domaine ne doivent plus (officiellement tout du moins) relever que de la diplomatie romaine. Aussi les rares initiatives extérieures sont-elles celles que la tradition n’a manifestement pas pu dissimuler et elles sont exceptionnelles à plus d’un titre.

  • 46 Voir l’index des actes au n° 2009C1 et C2.
  • 47 AD 2008, un des incidents les plus commentés de l’histoire diplomatique (dix auteurs y font référe (...)
  • 48 Voir également le chapitre suivant pour le fonctionnement singulier des institutions lors de cet é (...)

22C’est en premier lieu le cas de la réclamation présentée par les Gaulois – une réclamation en tous points singulière46. Les épisodes qui précédent la demande de réparation des Gaulois sont essentiels à la compréhension du contexte de la démarche. Au cours de leur mission, les Fabii ont trahi ouvertement leur fonction d’ambassadeurs en prenant les armes contre ceux auprès desquels ils étaient envoyés47. Cet incident constitue le seul exemple de l’histoire diplomatique d’une faute unanimement attribuée aux légats romains. C’est également l’une des rares ambassades au cours de laquelle des interlocuteurs étrangers – qui plus est des barbares ! – accusent Rome de violation du droit des gens. En toute logique, nos sources auraient donc du présenter la réclamation des Gaulois comme la seule possible et même justifiée au regard du ius gentium. Or, non seulement les sénateurs rejetèrent la demande des Gaulois, mais ils escamotèrent leurs responsabilités en renvoyant la décision au peuple et en faisant nommer les Fabii tribuns militaires pour l’année suivante48.

  • 49 Liv., 8, 2, 12.
  • 50 Liv., 8, 2, 13.
  • 51 Liv., 8, 4, 10.

23En revanche, la tradition a probablement minimisé la forme et le contenu de la réclamation présentée au Sénat par les Samnites en 341, peu après le règlement du premier conflit. Alors que les Romains sont en butte au soulèvement des Latins et des Campaniens, les Samnites envoient une délégation se plaindre de l’incapacité des Romains à faire cesser les agressions des deux peuples censés être sous son autorité. Le Sénat n’osait reconnaître que les Latins ne lui était plus soumis et en outre, « il craignait par des reproches de se les aliéner tout à fait49 ». La justification de Rome était effectivement très surprenante, puisque non seulement le Sénat admet son impuissance, mais il avoue chercher à éviter d’envenimer ses relations avec ceux qui sont accusés d’avoir fait défection… L’argumentaire sénatorial est enfin complété par une analyse inouïe (à ce moment de l’histoire de la conquête) du foedus unissant Rome aux Latins : « Dans le traité avec les Latins, rien n’interdisait à ceux-ci de faire la guerre à qui bon leur semblait50. » L’argument a dû stupéfier plus d’un Latin ! On en a d’ailleurs la trace lorsque, l’année suivante devant l’assemblée des Latins, Annius de Setia utilise dans son discours la réponse faite aux Samnites : « Aux plaintes des Samnites contre nous, je le tiens de bonne source, le Sénat romain répondit en sorte de laisser facilement voir que lui-même n’exigeait plus que le Latium fut sous la domination romaine51. » L’incapacité de Rome à réagir face à la réclamation samnite a été, en toute logique, exploitée par ses ennemis du moment.

  • 52 Liv., 9, 14, 5. AD 2084.

24Situation unique également que celle de 320 (ou 314 ?) lorsque Tarente veut imposer son arbitrage aux Romains et aux Samnites en guerre et menace « celui des deux partis qui continuerait les hostilités de prendre contre lui les armes en faveur de l’autre »52. La menace est limpide, mais le consul Papirius n’en tient aucun compte et il continue ses opérations contre les Samnites, sans même envisager de réagir à la démarche de Tarente. Dans un autre contexte, cette initiative aurait pourtant pu constituer un prétexte de guerre très recevable ; mais en cette fin de siècle, accaparée par le conflit avec les Samnites, Rome n’a simplement pas les moyens d’exploiter la situation.

Rome demande réparation et déclare la guerre

  • 53 Liv., 5, 23, 12 – 24. Pour la paix, voir les actes 2002 et 2003 et le paragraphe consacré à cet ob (...)

25Les actes liés à la guerre sont encore assez nombreux et leur répartition couvre l’ensemble de la période ; pour autant les mentions des démarches ne traduisent toujours pas la réalité du nombre des conflits engagés ; ils restent très nombreux à n’être pas déclaré, tout au moins aucune procédure de déclaration n’a été conservée par la tradition. Ainsi, dès le début de la période, peu après la victoire sur Véies, les hostilités reprennent contre Capene, Faléries et les Volsques, sans aucune forme de réclamation ou de déclaration de guerre. Pourtant les Volsques, les Èques et les Capénates avaient obtenu la paix dès 395 et Tite-Live précise que seule Faléries restait en guerre53. Bien que la paix n’ait pas été scellée par un véritable foedus, la reprise du conflit contre les Volsques aurait du être accompagné de quelques précautions juridiques et religieuses.

  • 54 Liv., 5, 31, 6. La formule utilisée se limite à « Bellum inde duobus populis indictum. »
  • 55 Liv., 6, 22, 4. « ex senatus consulto populique iussu bellu Praenestinis indictum ».

26En 394 en revanche, l’affrontement avec les cités étrusques est, comme au siècle précédent, présenté avec un peu plus de précautions : l’origine du conflit est précisée – l’invasion du territoire romain par les Volsiniens et les Sappinates – et la déclaration de guerre aurait été prononcée. Cependant, ni la procédure suivie, ni le nom des intermédiaires ne sont indiqués par Tite-Live54. De la même façon, en 382, les conditions de la prise de décision de déclarer la guerre contre Préneste sont mentionnées : « Un sénatus-consulte provoqua un ordre du peuple qui déclarait la guerre aux Prénestins55 » ; mais nous ne savons rien des formes de la déclaration elle-même.

  • 56 Liv., 6, 2, 4.
  • 57 Liv., 6, 2, 14.
  • 58 Liv., 6, 3, 2.

27Grâce au rétablissement de la situation dès 389, Camille affronte les Volsques, les Èques et les Étrusques et la responsabilité du conflit est rejetée sur ces peuples, tous présentés comme menaçants : « Rome était en butte non seulement à la haine de ses ennemis mais encore au mépris de tel ou tel de ses alliés56. » Quelques distinctions sont néanmoins introduites par Tite-Live dans la présentation des événements : les Volsques ont déjà repris les armes, Camille peut donc les attaquer sans autre forme de déclaration puis, les ayant battu, il passa des Volsques aux Èques « qui eux aussi préparaient la guerre »57. Le fait de préparer la guerre devient donc désormais un motif suffisant pour justifier une attaque. On franchit ici un pas de plus dans l’élargissement de la notion de défense, en passant à une notion de guerre préventive dans laquelle la seule menace de la préparation d’un conflit (en outre non vérifiée) tient lieu de casus belli. Cependant la procédure suivie avec les Volsques ou les Èques n’est toujours pas applicable aux Étrusques, bien que des marchands aient témoigné d’une mobilisation. La décision de guerre n’est pas prise immédiatement, c’est seulement quand Sutrium – présentée comme alliée de Rome (une alliance non datée, non attestée) – lance un appel au secours au Sénat que la riposte est décidée avec l’envoi d’un dictateur. Dans ce cas également, aucune des formes de déclaration de guerre ne semble avoir été mise en œuvre58.

  • 59 Liv., 6, 33, 7-8.

28À travers ces épisodes, on voit se dessiner une stratégie diplomatique qui à elle seule peut expliquer le faible nombre des actes diplomatiques liés à la guerre. Les demandes d’aide, les appels au secours de cités ou de peuples tous présentés (sans qu’on en ait toujours la preuve) comme étant des alliés, servent dorénavant d’alibi juridique et diplomatique aux multiples interventions de Rome. Ainsi l’annexion de Tusculum a eu pour conséquence première la rupture ouverte avec les Latins et, en 377, l’appel au secours de quelques Tusculans justifie l’intervention armée immédiate, sans trace d’une déclaration de guerre en bonne et due forme59. La fonction-guerre de la diplomatie est alors en quelque sorte transférée dans la fonction des demandes d’aide.

  • 60 Liv., 6, 4, 7-8.
  • 61 Voir supra p. 227-228, l’échec de ces demandes d’aide (AD 2021D1 et D2).
  • 62 Liv., 6, 15, 7.

29En 388 prend place un autre événement d’importance lors de la campagne contre les Èques. Selon Tite-Live, les tribuns militaires « conduisirent une armée chez les Èques, non qu’il y eût guerre (car les Èques reconnaissaient leur défaite), mais par ressentiment, pour achever la ruine du pays et l’épuiser si complètement qu’il ne pût rien entreprendre par la suite60 ». Non seulement le motif de l’intervention n’est pas la défense, ni même la mobilisation des ennemis, mais le pouvoir romain semble admettre officiellement qu’il s’agit de les anéantir, afin de leur interdire toute velléité de revanche. Cet acharnement peut s’expliquer par l’inquiétude de Rome face à l’aggravation de la situation intérieure et aux menaces de défection des Latins et des Herniques61. L’échec de la mission n’avait en effet pas pu être exploité, en raison de la sédition de M. Manlius Capitolinus. Certains des arguments attribués à Manlius sont en ce sens très significatifs. Il aurait affirmé que : « Le Sénat trouvait (dans les Volsques) des ennemis aussi souvent que ses intérêts le demandaient62. » Reprenant des arguments amplement développés au ve siècle, Manlius dénonce clairement la capacité des Sénateurs à exploiter, en fonction de leurs besoins – mais aussi de leurs moyens – les comportements des voisins de Rome en les interprétant dans le sens qui leur convient.

  • 63 Liv., 7, 1, 4 : « Cum de industria omnia, ne quid per plebeeium consulem ageretur, proferrentur, s (...)
  • 64 AD 2029, 2030, 2032 et 2042.
  • 65 Ce n’est cependant qu’un bruit, non vérifié : « Gallici quoque belli fama increbrescebat » (Liv., (...)

30Les événements des années 385-381 confirment en partie cette accusation : durant ces années, les incidents (donc les motifs de guerre) contre les Latins se multiplient ; pourtant, le Sénat semble chercher à gagner du temps ; il renonce même à envoyer toute mise en demeure ou forme d’ultimatum qui imposerait une riposte rapide. L’outil diplomatique ne peut ici avoir aucune efficacité pour traduire ces atermoiements. La gravité du conflit patricio-plébeien justifie l’absence de décision d’entrer en conflit, de sorte que, au début de l’année 366, la défection des Herniques ne fut suivie d’aucune intervention : « Comme, à dessein, on ajournait toute initiative, pour empêcher que rien ne fût accompli par l’autorité du consul plébéien, il y eut une atonie totale et une inaction semblable à celle d’une suspension officielle des affaires63. » C’est seulement en 362 qu’une mission est chargée par l’intermédiaire de Fétiaux de demander satisfaction aux Herniques. Resurgissent alors des scrupules religieux dont on n’avait plus eu aucun témoignage depuis 406, au moment de la déclaration de guerre à Véies. Si la procédure est décrite avec tant de soin, c’est assurément parce que, pour la première fois, un consul plébéien va être chargé de diriger la guerre sous ses propres auspices. La mort du consul et la déroute de son armée enveniment le débat et expliquent que les engagements militaires postérieurs aient tous été précédés de demandes de réparation : en 361 contre Tibur, en 358 contre Tarquinies, en 357 contre les Falisques ou en 349 contre les Latins64. Une exception cependant confirme les différences entre les procédures utilisées, selon l’identité de l’ennemi : les opérations contre les Gaulois en 358, ne sont précédées d’aucune déclaration de guerre, puisqu’ils auraient pris l’initiative de la guerre65.

  • 66 Voir l’index des actes, les nombreuses références aux ambassades n° 2045, 2046 et 2047.
  • 67 Liv., 7, 32, 1. AD 2047.
  • 68 AD 2072 et 2073.

31À partir de 343, les guerres contre les Samnites mobilisent plus largement la diplomatie romaine. L’artifice de la deditio de Capoue constitue le prétexte de la réclamation envoyée aux Samnites, leur interdisant de toucher au territoire campanien qui était devenu romain66. Le rejet de la réclamation est suivi de l’envoi immédiat des Fétiaux, puis « la guerre leur fut solennellement déclarée67 ». Le respect si complet et incontestable de la procédure doit évidemment être rattaché aux interrogations issues des conditions de la deditio de Capoue. Les mêmes scrupules semblent reproduits lors de la déclaration de la deuxième guerre samnite, précédée également de deux missions, l’une par l’intermédiaire d’ambassadeurs, l’autre par celui de Fétiaux68. Les autres conflits mineurs (au regard de l’importance des guerres samnites) sont en revanche engagés sans que les formes de déclarations de guerre aient été respectées – tout au moins la tradition ne s’en est pas fait l’écho. Quatre exemples peuvent être cités : en 341, l’information transmise par Norba et Setia suffit à déchaîner la guerre contre Privernum accusée de rébellion et, en 340, la répression contre les Latins révoltés s’effectue sans aucune procédure préalable. De même en 336, la guerre contre les Ausones commence sous le prétexte qu’ils s’étaient alliés aux Sidicins, et enfin en 326 les Vestini sont attaqués parce qu’ils étaient passés du côté des Samnites. Aucun de ces engagements ne semble avoir été précédé de déclarations de guerre ou de demandes de réparations.

  • 69 AD 2083.

32Il faut enfin évoquer les conditions de la rupture de la pax Caudinum en 320 puisque, en tentant de restituer le consul Postumius aux Samnites, les Fétiaux accomplissent une démarche de réclamation et de restitution qui s’insère dans leurs fonctions de garants du respect des formes de la déclaration de guerre69. Au-delà du contexte historique de la rupture, certains arguments des débats rapportés par Tite-Live sont exemplaires. La fiction de la sponsio n’avait évidemment pas convaincu le général samnite Pontius ; aussi, lorsqu’il reçoit les Fétiaux, ses réponses sont cinglantes. Il accuse les Romains de n’avoir aucun respect de leurs engagements en ces termes :

  • 70 « Et semper aliquam fraudi speciem juris imponitis » Liv., 9, 11, 6-7.

« Aurez-vous donc toujours un prétexte pour ne pas tenir, quand vous êtes vaincus, le pacte (pactum) conclu… vous avez conclu la paix (pax) avec nous pour vous faire rendre vos légions prisonnières : cette paix, vous ne la ratifiez pas. Et toujours, à votre mauvaise foi, vous donnez quelque apparence de droit70. »

33Pour Pontius, il est assuré que la reprise des hostilités ne respecte en rien le droit de la guerre.

  • 71 À l’exception de tentatives quasi suicidaires, comme celle de la cité de Cantabris en 139, qui déf (...)

34Les conflits de la fin du siècle confirment le rôle de la diplomatie dans la fonction de déclaration de guerre : bien qu’en amont de la décision de guerre, la diplomatie reste encore présente, la mise en œuvre des procédures de déclaration devient progressivement plus sélective. Elles ne sont appliquées que lorsque les ennemis sont jugés importants (Étrusques ou Samnites par exemple) ou lorsque des scrupules liés à des considérations politico-religieuses surgissent. En revanche, avec les peuples plus anciennement soumis (les Latins) ou avec des barbares – forcément ennemis – (comme les Gaulois), il n’est pas nécessaire de prendre les précautions requises. Après la victoire définitive des Romains sur les Samnites, aucune cité, aucun peuple n’ose plus provoquer Rome, en lui envoyant des délégués chargés de missions assimilables à des déclarations de guerre71. Les réactions désespérées des populations face à la progression des armées romaines ont certainement été plus nombreuses que les rares témoignages ne le laissent entendre, mais il est probable que la diplomatie n’a pas eu à jouer un rôle officiel. Rome doit paraître désormais avoir décidé seule, quand et où, elle déclenche des hostilités.

Les équivoques des négociations

  • 72 Comparer les tableaux ci-dessous avec les tableaux VII et XXII (p. 94 et 159). 15 négociations dur (...)
  • 73 Les traités conclus après un affrontement pour établir un règlement pacifique sont analysés dans l (...)

35Au cours de ce siècle, les négociations sont nettement plus nombreuses qu’aux siècles antérieurs ; leur nombre a presque doublé entre le ve et le ive siècle, il représente désormais le quart des échanges. En outre, ces négociations touchent des cités et des peuples dont l’origine géographique se diversifie sensiblement72. Parmi les 40 négociations recensées, 14 sont conclues avec des interlocuteurs nouveaux et trois sont des contacts uniques. Les démarches ayant vocation à négocier peuvent être réparties en deux grands ensembles : 16 missions sont chargées de négocier une trêve ou d’obtenir le rétablissement d’une situation antérieure (en termes parfois agressifs), 24 démarches sont destinées à obtenir une alliance, une amitié ou l’établissement d’un traité (hors d’un contexte conflictuel73).

Tableau XLII. – Les ambiguïtés des négociations.

Tableau XLII. – Les ambiguïtés des négociations.
  • 74 Quelques exemples sont évoqués infra p. 243-244.
  • 75 Voir les références à l’AD 2008 dans l’index des actes.
  • 76 AD 2045 et 2094.
  • 77 Voir supra p. 226, le paragraphe consacré aux aides (AD 2016).
  • 78 Ces demandes de paix et leurs résultats sont analysés dans le paragraphe suivant.
  • 79 Néanmoins notre classification privilégie l’objectif premier, tel qu’il figure dans nos sources.

36La seconde catégorie peut sembler recouvrir un ensemble bien imprécis, mais elle se justifie par la nécessité de rendre compte d’une réalité de plus en plus équivoque et complexe. Le vocabulaire paraît fort ambigu74 et les résultats des missions s’éloignent plus fréquemment des objectifs affichés ; le contenu d’une démarche glisse ainsi de la négociation à la paix ou à tout autre objectif. Deux cas de figures se présentent : soit les résultats sont en de ça de l’objectif officiel, soit au contraire ils vont au-delà des objectifs connus ou affichés. Quelques exemples : la fameuse mission des Fabii auprès des Gaulois en 391 avait semble-t-il pour fonction de négocier leur retrait, mais les Fabii ont outrepassé amplement leur mission75 ; en 343, la demande d’alliance de Capoue se transforme en deditio ou en 310, les Camertes Ombriens acceptent, dès la première prise de contact, une alliance inespérée76. Certaines missions évoluent au contraire vers des négociations alors que leur objectif primitif en était assez éloigné. Ainsi les Marseillais, venus offrir leur aide à Rome lors de l’épisode gaulois, repartent avec un foedus aequum77 ; plusieurs demandes de paix (notamment les demandes présentées par des Étrusques) sont refusées pour n’accorder que des trêves de durées variables, de un à 40 ans78. Les décalages multiples entre objectifs et résultats effectifs rendent, d’une certaine façon, relativement artificielle la dissociation opérée entre négociations et démarches ayant vocation à établir des règlements de paix79. C’est probablement dans le registre de la négociation que la pratique diplomatique s’autorise les louvoiements les plus marqués.

Les trêves et tentatives de conciliations

  • 80 AD 2040 et 2041, des actes doubles, le consul renvoyant les légats au Sénat.
  • 81 Voir le tableau XLII page précédente. (AD 2101, 2102 et 2106C1.)
  • 82 Voir supra p. 229.

37Les trêves se répartissent chronologiquement en trois temps distincts qui illustrent l’évolution de la place dévolue à cette fonction. Premier temps, au moment du raid gaulois, trois trêves ont été négociées, dans des conditions exceptionnelles ; au milieu du siècle, des trêves sont accordées pour permettre le renvoi au Sénat des légats de Tarquinies et des Falisques et ils obtiennent la trêve (pour 40 ans) qu’ils étaient venus négocier80. Troisième temps enfin, avec la dernière décennie du siècle, trois autres trêves sont mentionnées avec Tarquinies, des Étrusques et les Herniques81. L’identité des interlocuteurs vaut d’être soulignée : ce sont essentiellement les Étrusques ou des cités d’Étrurie qui obtiennent des trêves tout au long du siècle afin d’aller à Rome tenter de conclure une paix, le plus souvent après avoir accepté les marchandages imposés82. En revanche, aucune trêve n’est accordée aux Latins, aux Èques ou aux Volsques ; dans ce domaine également, la radicalisation des rivalités en Italie centrale se traduit par une diplomatie adaptée à chacun des ennemis.

  • 83 Liv., 7, 22, 4. AD 2040 et 2041 (actes doubles).
  • 84 Les renvois sont devenus plus rares au ive (voir le chapitre précédent). Les légats ne demandaient (...)
  • 85 Tite-Live termine le tableau de la situation de Rome en 352 ainsi : « Du reste, à l’extérieur régn (...)

38Deux de ces trêves éclairent les conditions dans lesquelles la prise de décision s’opère avec certains peuples. En 351, les trêves accordées aux Falisques et aux Tarquiniens sont présentées comme étant la conséquence des dévastations opérées par les deux consuls patriciens de l’année, car « ils firent la guerre plus aux terres qu’aux hommes, par le feu et le pillage83 ». Les légats sont renvoyés par les consuls au Sénat qui leur accorde une trêve de 40 ans ; elle sera effectivement respectée jusqu’en 308. En dehors de l’usage de la procédure de renvoi au Sénat, le résultat positif de ces missions peut étonner à ce moment de l’histoire de la conquête84. L’agitation intérieure se maintient avec le problème des dettes, les nominations de deux consuls patriciens et celle du premier censeur plébéien ; mais les menaces extérieures restent faibles – à l’exception du front étrusque, précisément85. À cette date encore, c’est donc la situation intérieure qui seule peut justifier l’empressement de Rome à conclure de telles trêves.

  • 86 En 308 P. Decius Mus impose à Tarquinies de fournir du blé pour l’armée (AD 2101) ; en 301, le dic (...)
  • 87 Liv., 9, 43, 6-7 (AD 2106, avec une navette en trois temps). Cette deditio permet pourtant à Tremu (...)

39En revanche, les trois trêves accordées au cours des dernières années de la deuxième guerre samnite ont toutes à voir avec le conflit en cours. Tant que la supériorité des armes romaines n’a pas été affirmée, les magistrats en charge des opérations militaires acceptent à trois reprises des trêves d’inégales durées, marchandées contre des aides aux armées. Mais, dans ce contexte également, la diplomatie distingue fortement les Étrusques des autres peuples d’Italie. Tarquinies voit ainsi la trêve de 351 renouvelée pour 40 ans, de même d’autres Étrusques (sans autre précision) obtiennent une trêve pour deux ans seulement86. Le cas des Herniques est traité de façon tout à fait différente : certains Herniques ayant fait défection en s’alliant aux Samnites, une trêve leur est accordée, après marchandage, par le consul Q. Marcius Tremulus ; elle permet aux Herniques d’aller au Sénat tenter de négocier une paix, mais le renvoi de l’affaire au consul montre explicitement qu’une telle négociation n’est plus acceptable par le pouvoir romain. Le consul, dans des conditions d’ailleurs non précisées, reçoit alors la deditio des Herniques87.

40Les trêves ne sont pas utilisées par les Romains comme une simple suspension des hostilités ; elles s’intègrent dans le dispositif diplomatique utilisé par les consuls, mais également par les Sénateurs, pour intervenir ou non sur certains fronts. Rome joue ainsi sur tous les registres possibles : elle accorde, refuse, marchande ces trêves, suivant des stratégies subtiles qui font de cette fonction un véritable outil diplomatique.

Foedus aequum ou inequum ?

  • 88 Les traités renouvelés avec les Latins et Carthage sont assimilés à des démarches destinées à renf (...)
  • 89 AD 2115. La datation de 202 reste incertaine.

41Le paradoxe apparent de la diplomatie de cette période réside dans l’établissement de quelques traités d’égalité dans un contexte où le rapport des forces est pourtant de plus en plus favorable à Rome – tout au moins en Italie centrale. Quelques échanges s’apparentent assez nettement à de véritables négociations, en raison du rythme encore assez lent de la progression romaine dans certains secteurs nouveaux. Les réalités de la géopolitique du moment n’autorise pas encore Rome à imposer partout des alliances ou des accords inégaux. C’est assurément le cas du traité conclu avec les Samnites en 35488, mais c’est également le cas d’autres négociations menées par Rome jusqu’en 302, comme, par exemple l’accord entre Rome et Tarente qui détermina leurs zones d’influences89.

  • 90 Liv., 8, 25, 3 : « in fidem uenerunt, arma uirosque ad bellum pollicentes ; foedere ergo in amicit (...)
  • 91 Tarente…, p. 91.
  • 92 Les marchandages mentionnés dans le paragraphe précédent se déroulent dans un rapport de forces fa (...)
  • 93 Tout le chapitre 27 du livre 8 est consacré au récit de cette rupture. Sur la responsabilité des T (...)

42En 326, les conditions de la négociation de l’alliance avec les Lucaniens et les Apuliens représentent une situation tout à fait différente et nettement plus ambiguë. Pour entrer dans l’alliance de Rome, ces deux peuples « qui n’avaient eu jusqu’à ce jour aucune relation avec le peuple romain se placèrent sous sa protection et lui promirent armes et guerriers : un traité les fit donc recevoir dans l’amitié de Rome90 ». L’initiative a paru suspecte à plus d’un historien, mais nous pensons qu’il faut sur ce point suivre P. Wuilleumier : la tradition n’a certainement pas tout inventé de cet épisode91. La proposition d’aide évoquée par Tite-Live s’apparente à plusieurs démarches de nature semblable déjà évoquées, bien que toutes se soient déroulées dans un contexte fort différent92. Qu’un premier contact permette l’établissement d’un foedus (sur le contenu duquel Tite-Live ne fournit d’ailleurs aucune précision), accompagné d’une promesse d’aide militaire, n’est en effet guère vraisemblable. De fait, l’alliance est rompue la même année dans des conditions confuses, rapportées avec grand embarras par notre annaliste qui en attribue la responsabilité aux Tarentins93. En l’absence d’autres sources, il est assurément bien difficile de reconstituer les conditions réelles de cette négociation. La référence à la fides laisse à penser que le consul a pu jouer un rôle central dans cette affaire ; peut-être s’agit-il d’une simple tentative de rapprochement avec ces peuples qui se serait soldée par des promesses non tenues. Il est plausible en effet que les Tarentins, ayant été informés de cette prise de contact, aient fait pression sur leurs voisins les plus proches afin d’obtenir leur désengagement vis-à-vis de Rome. Quoi qu’il en soit, la version des faits présentée par Tite-Live est conforme à l’image que la diplomatie romaine doit donner d’elle-même à ce stade de la conquête : l’initiative ne pouvait être romaine ; les peuples étrangers sont nécessairement demandeurs.

43En ce sens, le récit de la démarche multiple des peuples italiens en 304, s’inscrit dans la même logique et permet de saisir toute l’ambiguïté du vocabulaire utilisé lors de ces échanges.

  • 94 Liv., 9, 45, 18. « … mitterent Romama oratores pacis petendae amicitiaque. His populis foedus pete (...)

« On triompha des Èques et leurs désastres furent un exemple pour les Marrucins, les Marses, les Peligniens et les Frentaniens qui envoyèrent des députés à Rome pour demander la paix et l’amitié. On accorda à ces peuples l’alliance qu’ils demandaient94. »

  • 95 Une deditio acceptée bien qu’il y ait eu combat ; des otages sont même livrés. Voir l’index des ac (...)

44En 304, le rapport des forces est plus favorable à Rome qu’en 326 ; il justifie cependant mal que ces quatre peuples en soient réduits à demander la paix, dans des conditions si imprécises. Trois des quatre peuples n’ont eu aucun contact avec Rome antérieurement et ils ne sont pas en guerre contre les Romains ; seuls les Frentani avaient, en 319, fait leur deditio au consul95. Un tel traité ne peut évidemment pas être assimilé à un traité d’égalité, mais le vocabulaire utilisé par la tradition annalistique laisse planer tous les doutes : les oratores sont demandeurs à la fois d’une paix, de l’amitié de Rome et d’un foedus… tout cela dans un contexte non belliqueux !

  • 96 Le foedus de 302 correspond à l’acte 2116. M. Humbert, Municipium, p. 226-233.

45À côté de ces négociations dans lesquelles la réalité du rapport des forces permet d’admettre qu’il y eut au moins un contact diplomatique, quelques traités d’alliance dissimulent plus maladroitement la réalité de la mainmise de Rome sur certaines régions situées à la périphérie du conflit central contre les Samnites. Elles étaient devenues stratégiquement si importantes que la fiction d’une forme de négociation devait être maintenue, au moins quelque temps. En vérité, plusieurs de ces accords ont une durée de vie si éphémère qu’ils en perdent une grande part de leur crédibilité. Comment expliquer en effet que les Vestini, par exemple, après avoir obtenu un foedus en 302 (officiellement sur leur demande), se soient alliés dès 299 aux Sabins afin de favoriser le passage des Samnites96 ? On comprend que, dans ce domaine également, les équivoques sémantiques servent principalement à masquer des réalités diplomatiques et politiques très éloignées d’une simple négociation.

De la négociation à la deditio

  • 97 J. Heurgon, Capoue pré-romaine, p. 169-180. Voir l’index des actes au n° 2045.
  • 98 Liv., 7, 30, 6 et tout le début du chapitre 30 pour l’argumentation générale.
  • 99 Liv., 7, 31, 1.
  • 100 Liv., 7, 31, 3 : « Ad ea princeps legationis – sic enim domo mandatum attulerant. » Rien ne permet (...)

46Le dernier exemple – le plus emblématique sans doute des capacités de la diplomatie romaine à se jouer des catégories – nous est offert par la transformation de négociation d’alliance et d’amitié en deditio. Cette capacité est illustrée avec éclat par la très célèbre démarche des Capouans en 343. Les travaux de J. Heurgon ont permis de dégager les motivations réelles de la cité campanienne, mais il nous intéresse ici de souligner le mode opératoire de la transformation de l’objectif diplomatique initial, ici pourtant bien identifié97. Tite-Live fait dire aux envoyés capouans, dès le début de leur discours, combien ils regrettent de n’avoir pas sollicité l’amitié de Rome au moment où ils n’étaient pas en danger, ils auraient alors pu établir un rapport d’égalité, « nous, les Campaniens… ne le cédons à aucun peuple, vous mis à part, pour la grandeur de notre ville et la fertilité de notre territoire98 ». Les longs développements de l’argumentation des légats auraient alors ébranlés les sénateurs, « pourtant, la fidélité aux traités prima la considération d’un aussi grand intérêt99 ». Le contraste dans le récit livien est particulièrement frappant, entre les longues arguties développées avant le refus sénatorial et la rapidité avec laquelle Tite-Live présente la décision finale de la mission des Capouans. « A quoi répliqua le chef de l’ambassade, en se conformant à la mission dont on l’avait chargé au départ… c’est pourquoi nous livrons le peuple campanien et la ville de Capoue100… » Aucun autre argument n’est plus alors avancé par les sénateurs, l’affaire est entendue.

  • 101 Op. cit., p. 170. Pour les négociations avec Naples et les Lucaniens, voir l’index des actes aux n (...)
  • 102 Il n’est pas utile de reprendre ici les arguments très convaincants de J. Heurgon p. 172-173.
  • 103 Voir notre article dans les Mélanges Monique Lévêque, p. 262-269.
  • 104 Flor., 1, 11 (traduction de P. Jal, CUF, 1967).
  • 105 D. Briquel, Rome, une république conquérante, Antiquités Sémitiques V, p. 138-140.

47Lorsque J. Heurgon analyse les conditions dans lesquelles se sont déroulés les événements qui ont permis le passage d’une proposition d’alliance à une deditio, il affirme que « dans un sens large nous reconnaîtrons volontiers que les Lucaniens se sont donnés à Rome, que Naples s’est donnée à Rome, et même que Capoue s’est donnée à Rome : ce qui est une façon complaisante de dire que Capoue a sollicité l’alliance de Rome101 ». Nous sommes, avec J. Heurgon, totalement convaincue que la tradition a falsifié le contenu de l’accord afin d’affirmer que la première guerre samnite était une guerre juste102 ; en revanche, il nous semble que le glissement sémantique opéré par l’ensemble de la tradition n’est pas neutre. Il s’inscrit au contraire dans une pratique mouvante et équivoque de la deditio qui avait débuté bien avant celle de Capoue en 343103. En imposant la fiction d’une deditio, les annalistes ont eu pour priorité de contourner les contraintes de l’antériorité du traité avec les Samnites. Le témoignage de Florus est sur ce point éclairant : « Un traité avec les uns et les autres avait été conclu, mais les Campaniens, par la remise de toutes leurs possessions, rendirent le leur plus sacré à nos yeux et le firent passer au premier rang104. » Dans ce contexte, la diplomatie a ouvertement pour fonction de valider une manipulation juridique sur laquelle la tradition elle-même paraît ne pas avoir été dupe – sans pour autant en être scandalisée. Peut-être faut-il penser, avec D. Briquel, que ces « entourloupettes juridiques » n’avaient pas aux yeux des Romains l’aspect immoral que nous leur donnons105.

  • 106 Liv., 9, 36, 7-8. Voir les références à l’AD 2094 dans l’index.
  • 107 Liv., 9, 41, 20. « Ocriculani sponsione in amicitiam accepti » AD 2104.
  • 108 Il s’agit de l’exemple cité par J. Heurgon (AD 2122).

48L’ambiguïté des accords prétendument négociés est également confirmée par les contacts établis avec les Ombriens et les Camertes. En 310, l’initiative des Fabii chez les Camertes aboutit à un traité d’alliance dans les conditions étranges que nous avons déjà évoquées106. Néanmoins, deux années plus tard, une l’offensive est lancée par Rome contre l’Ombrie et l’Étrurie. Rome impose alors une deditio aux peuples de la région, notamment aux Ombriens et à quelques Étrusques ; seuls les Ocriculani « reçurent la promesse d’être acceptés dans l’alliance romaine107 ». Aucune autre allusion n’étant faite à ce peuple, nous ne savons pas pourquoi ils reçurent ce traitement particulier, mais rien n’est dit non plus du devenir de cette alliance avec les Ombriens. De la même façon, il est bien difficile d’y voir clair dans la réalité du statut attribué en 298 aux Lucaniens108. Ils étaient venus prier

  • 109 Liv., 10, 11, 13 et 12, 1.

« les Pères de les prendre sous leur protection et de les défendre contre les attaques et les provocations des Samnites. Ils étaient prêts à livrer des otages… Tous les Pères sans exception étaient d’accord pour conclure un traité d’alliance avec les Lucaniens109 ».

  • 110 Op. cit., p. 170.

49J. Heurgon affirme curieusement « que le mot deditis ici ne signifie pas grand chose110 » ; nous pensons au contraire que les confusions entretenues par l’usage cumulatif des termes fides, foedus, deditio n’est pas sans signification.

50Le mode d’intégration à l’imperium Romanum est, en vérité, susceptible de prendre des formes diverses et surtout évolutives, de sorte que les références juridiques fournies par la tradition semblent incapables de rendre compte des pratiques réelles. La diplomatie romaine permet de glisser indifféremment d’une demande d’amicitia à un foedus ou même à une deditio ; en sens inverse, une deditio ne semble plus exclure un foedus ultérieur. En jouant sur ces différents registres – négociation, paix, soumission plus ou moins volontaire –, les sénateurs (ou la tradition, seule ?) semblent vouloir brouiller les pistes qui lui permettront, en temps utile, de mettre en exergue un des termes, selon ses besoins. Il n’est pas secondaire de souligner enfin que ces pratiques nouvelles sont postérieures précisément à la deditio de Capoue, lors de cette seconde moitié du ive durant laquelle la position de Rome en Italie se renforce notablement.

  • 111 Voir supra p. 229. D. Briquel, Rome, un république conquérante…, p. 133-139.

51Le nouveau rapport de forces autorise Rome à fixer unilatéralement les statuts conférés aux cités et aux peuples italiens. Aussi, quel que soit le résultat des négociations – qu’elles aient débouché sur des traités, des amitiés, des deditiones ou même seulement des trêves –, les accords obtenus ne constituent plus aux yeux du pouvoir romain des engagements définitifs ou même de longue durée. Désormais, selon les circonstances, c’est-à-dire selon les besoins de Rome, les moyens dont elle dispose et l’évolution de la situation géopolitique de ses interlocuteurs, les accords négociés peuvent être remis en cause, sans qu’aucune tentative de renégociation des conventions antérieures ne soit jugée nécessaire. Sans doute touche-t-on là les limites de la pratique diplomatique de Rome à ce moment de la conquête romaine. Au-delà des engagements internationaux (plus ou fortement attestés) et surtout de la volonté affichée par la tradition du respect des traités, on perçoit les difficultés éprouvées par l’annalistique pour tenter de concilier les contradictions entre les réalités géopolitiques et la version officielle de la conquête. Les manipulations dont les négociations font l’objet montrent, peut-être plus encore tout autre objectif diplomatique, combien il était tentant pour les vainqueurs d’exploiter le plus rapidement possible toute variation du rapport des forces. Cette exploitation commençait avec la récupération des butins ou les marchandages diplomatiques111, elle s’étendait aussi au mode d’intégration politique dans l’Empire. Les ajustements entre la réalité et la vision idéalisée de la conquête ont imposé des récits dans lesquels nombre d’invraisemblances en deviennent irréductibles.

La paix grâce à la diplomatie

52Alors qu’au ve siècle le nombre des actes diplomatiques liés à la paix est limité à 33, le ive siècle comporte au contraire la plus forte proportion de ces types de missions – les 73 démarches représentent presque la moitié des échanges de ce siècle.

Tableau XLIII. – L’amplification de la fonction de paix de la diplomatie.

Tableau XLIII. – L’amplification de la fonction de paix de la diplomatie.

53La répartition de ces actes entre les sous-objectifs de la paix signale d’emblée les caractéristiques principales de cette activité : on dénombre 24 deditiones et 31 demandes de paix (sans autre précision) ; ces deux fonctions totalisent à elles seules les trois-quarts de l’activité diplomatique liée à la paix au cours du siècle. Les renouvellements de traités sont deux fois plus nombreux qu’au ve siècle ; en revanche, aucune tentative d’arbitrage ne semble avoir été mise en oeuvre et on ne compte que trois rapprochements (la quatrième démarche auprès d’Alexandre ferait logiquement partie de cette catégorie, si tant est qu’elle ait existé). Enfin, deux paix ont été imposées à Rome, dans un rapport de forces très défavorable aux Romains, par les Gaulois puis par les Samnites.

Les deux paix imposées à Rome

  • 112 Voir dans l’index des actes les nombreuses références aux actes 2012, 2013, 2082 C1, C2 et 2083.

54Les deux démarches de cette nature identifiées au cours de ce siècle se situent dans un contexte très différent de celles des premières années de la République. Ces deux actes sont aussi marquants l’un que l’autre dans l’histoire de Rome : il s’agit de la paix imposée par Brennus, le chef gaulois qui, en 390, obtint la seule deditio connue que Rome aurait été contrainte d’accepter ; le second se déroule dans un contexte également très défavorable, lors de la sponsio des fourches Caudines en 321112.

  • 113 Liv., 5, 49, 1. AD 2012 et 2013.
  • 114 Liv., 5, 49, 2. Sur la réinterprétation des événements, voir M. Torelli, Il sacco gallico di Roma, (...)

55Lors du premier épisode, la tradition n’a pas pu nier la réalité et admet que Rome a subi effectivement la loi du vainqueur gaulois ; cependant les annalistes se sont attachés à en minimiser les effets en présentant une chronologie étrangement concentrée des événements qui suivirent. « Par un heureux hasard, ce paiement (de la rançon) innommable n’était pas terminé… quand le dictateur survient113. » En récupérant la rançon, Camille réfute la validité même du traité dont il affirme qu’il aurait été conclu « sans son ordre et par un magistrat subalterne114 ». En contestant le pouvoir de négociation du tribun militaire, Camille tente de gommer les conséquences qu’entraînait la reconnaissance de la défaite. Que, lors de cet épisode, aucune allusion ne soit faite à une sponsio peut surprendre car les conditions de la contestation du traité de 390 sont en vérité fort peu différentes de celles de l’épisode suivant, celui des fourches Caudines en 321. Le rapport des forces est également très défavorable aux armées de sorte que le consul doit reconnaître la réalité de sa défaite, mais c’est une autre structure qui refuse cette réalité.

  • 115 Op. cit., p. 178.
  • 116 A. Magdelain, Essai sur les origines de la sponsio, Paris, 1943. Ses positions sont toujours appro (...)
  • 117 Mais (voir supra p. 224) ces acrobaties juridiques ne choquaient peut-être pas les Romains.

56En effet, un seul élément du processus mis en oeuvre diffère entre 390 et 321 : les tribuns militaires qui avaient traité avec les Gaulois ayant agi sur ordre du Sénat, la remise en cause ne pouvait venir que du dictateur. En 321 en revanche, le consul ayant agi de sa propre initiative, c’est le Sénat qui doit inventer la fiction de la sponsio pour invalider l’engagement du magistrat, pourtant investi d’un imperium tout à fait régulier. J. Heurgon rapproche cet épisode de la deditio de Capoue, et il estime que la « difficulté juridique, relative aux conditions de la guerre juste… (a été) résolue de manière semblable, avec une subtilité qui sent la chicane115 » ; il y voit la même origine tardive, la version proposée par Valerius Antias116. Les deux subterfuges relèvent en effet de la même préoccupation de la part de la tradition : fournir des arguments juridiquement recevables afin que le bellum iustum semble avoir été respecté. Mais ces artifices, somme toute assez grossiers, risquaient bien de ne convaincre personne de la bonne foi des Romains ni au ive siècle, ni à la fin de la République, ni même aujourd’hui117 !

57Alors que les positions de Rome progressaient lentement en Italie, on peut s’étonner de la rareté des situations au cours desquelles Rome a été amenée à reconnaître son infériorité militaire ou politique. La plupart des ennemis rencontrés possèdent rarement une armée d’une incontestable supériorité, tandis que les Gaulois et les Samnites ont précisément une solide réputation dans ce domaine. Leurs affrontements avec Rome ont pu produire un déséquilibre des forces plus marqué qu’avec d’autres peuples, entraînant des défaites dont les conséquences sont mal compensées par ces démarches d’exception. Les peuples de l’Italie centrale qui s’opposèrent aux Romains avant et après les Gaulois et les Samnites n’avaient sans doute pas pu imposer un déséquilibre comparable et leurs victoires, pourtant bien réelles, n’impliquaient pas nécessairement la reconnaissance d’un rapport défavorable ponctuellement. Quoi qu’il en soit, les deux actes majeurs de cette nature, à ce moment de la conquête, veulent donner la preuve que Rome rejette désormais définitivement tout accord sanctionnant son infériorité. Les modalités de ce rejet étaient alors mal fixées – elles ont même plus sûrement été reconstituées par la tradition –, mais elles procèdent d’une volonté affirmée : la remise en cause de ce que l’ennemi pensait avoir acquis ou fait reconnaître.

Rapprochements et renouvellements des traités

58Les démarches destinées à renforcer les rapports existants avec des puissances extérieures ou à en établir avec de nouveaux interlocuteurs (par exemple, le cas unique des pirates des îles Lipari) présentent quelque intérêt car elles représentent une activité diplomatique relativement nouvelle au regard des pratiques antérieures.

  • 118 AD 2004.
  • 119 AD 2005.
  • 120 La traduction de G. Baillet, CUF, p. 47 s’éloigne trop du texte livien.
  • 121 J. Hellegouarc’h, Vocabulaire latin…, p. 51

59L’offrande du cratère d’or à l’Apollon de Delphes en 394 a pour fonction à la fois de respecter les engagements de Rome, mais aussi de renforcer les contacts favorables qui se sont établis, probablement depuis longtemps entre Rome et le clergé de Delphes118. En relation directe avec la mission à Delphes, les liens d’hospitalité noués avec les pirates des îles Lipari traduisent également la volonté de Rome d’établir de bonnes relations avec des interlocuteurs exceptionnels dans des circonstances également exceptionnelles119 : il fallait les remercier de leur courtoisie mais comment honorer des pirates ? Tout d’abord en en faisant une présentation valorisante : ils possèdent des magistrats, et celui qui a sauvé les légats romains, Timasithée, est en outre un homme plus proche des Romains que des siens120. En second lieu, en leur accordant les liens d’hospitalité ; le Sénat ne s’engage pas politiquement, mais reconnaît officiellement qu’ils peuvent bénéficier d’une forme particulière d’amicitia ou d’une sorte de récompense, donc de reconnaissance de leurs mérites – ou tout au moins de ceux de leur chef121.

  • 122 Liv., 7, 38, 2. AD 2049.
  • 123 AD 2109 et 3029.

60Autre démarche unique, celle de Carthage qui, en 343, vient offrir une couronne d’or de 25 livres aux Romains pour les féliciter de leur première victoire sur les Samnites122. Jusqu’à cette date, les échanges entre Rome et Carthage (tous présentés également comme relevant de l’initiative des Carthaginois) avaient eu pour fonction de renouveler l’alliance première. Ce sera encore l’objectif des deux contacts suivants, en 306 et 280123, avant la détérioration des relations entre les deux puissances qui n’est pas antérieure à la première moitié du iiie siècle. Cette démarche serait donc la seule à ne pas avoir pour fonction une renégociation directe des accords antérieurs, mais ses motivations sont clairement affichées : Carthage, en célébrant ainsi la victoire romaine, manifeste toute l’attention qu’elle porte aux modifications des rapports de force dans des zones où ses intérêts sont susceptibles d’être remis en cause.

  • 124 Polyb., 2, 18, 5.
  • 125 Voir supra p. 250-251.

61En 358, le renouvellement du foedus Cassianum se fait dans un contexte qui n’a plus aucun point commun avec celui des premières années de la République et ne peut, en aucune manière, recouvrir la même réalité politique. Polybe avait compris que, peu après la fin de l’épisode gaulois, les Romains avaient pu rétablir leur pouvoir et étaient devenus de nouveau les maîtres du Latium124. Le renouvellement du traité ne pouvait tromper les Latins ; ce sont d’ailleurs eux qui, moins de 10 années plus tard, en 349, provoquent la rupture en exigeant le rétablissement d’un véritable gouvernement fédéral – c’est-à-dire le respect du foedus aequum et non la soumission aux ordres de Rome. Avec la dissolution de la ligue latine, en 338, disparaît définitivement toute fiction de référence au mot foedus dans le cadre des relations avec les Latins. Désormais Rome impose ses décisions sans qu’aucun contact diplomatique soit établi avec ceux qui sont considérés comme des insurgés125.

  • 126 Liv., 8, 11, 15. AD 2058. M. Humbert, Municipium, p. 268.

62Le renouvellement en 340 du traité avec Lavinium est tout aussi factice. La cité, centre du culte fédéral latin, va bénéficier de ce traité qui sera renouvelé jusqu’à l’époque impériale — un traité dont la survie ne se justifie que par la volonté de maintenir le rite fédéral. Il ne sanctionne ni une paix mettant fin à des hostilités, ni une négociation entre les deux parties et encore moins l’octroi d’une autonomie politique et civique des Laurentins. Dans un contexte différent de celui du Latium, l’usage du terme foedus traduit une fiction qui n’a plus aucun contenu politique126.

La multiplication des deditiones

  • 127 AD 1109. Voir supra p. 165.
  • 128 Sur le rôle de Camille à Véies, voir p. 166.
  • 129 Voir le tableau XXIII, p. 158. Aucune deditio n’est mentionnée entre celle d’Antium (468) et celle (...)
  • 130 Ce sont les actes n° 2003, 2014 et 2017.

63Alors qu’on ne comptait que quatre deditiones au ve siècle, ce siècle connaît un usage bien plus considérable de cette pratique diplomatique si singulière. Une différence aussi nette traduit nécessairement un changement de grande importance, tant dans le rapport des forces qu’il suppose que dans la volonté du pouvoir romain d’avoir recours massivement à cette procédure. Il est utile de rappeler l’évolution à partir des événements liés à la prise de Véies. En 397 ou 396 – mais de façon certaine, avant la chute de la cité –, les Véiens avaient envoyé au Sénat une mission chargée de proposer la deditio de leur cité127. Le rôle personnel de Camille dans le refus de la deditio de Véies peut difficilement être mis en doute, tant sa personnalité domine toutes ces années128. Il est même possible d’émettre l’hypothèse que l’initiative prise par Véies ait inspiré à Camille (ou au Sénat) une certaine réactivation de la procédure de deditio, pratiquement tombée en désuétude au cours du v siècle129. Dans les dix années suivant la chute de Véies, Camille est en effet partie prenante lors de trois deditiones, celles de Faléries en 394, des Volsques en 389 et de Satricum en 386 qui se déroulent selon des modalités très différenciées130.

  • 131 Plut., Cam., 10, 7-8 (AD 2003C3). Sur la délégation à Camille (AD 2003C1), voir Liv., 5, 27, 11. J (...)
  • 132 Liv., 5, 27, 15.

64Faléries est en 394 assiégée par les armées romaines, mais le siège se prolonge, comme celui de Véies. Après l’épisode du maître d’école traître, qui projetait de livrer aux Romains les enfants de l’aristocratie de Faléries, la cité assiégée réclame la paix à l’unanimité (de l’aristocratie ?), selon Tite-Live, et veut se donner aux Romains. Une ambassade est donc mandatée auprès de Camille qui la renvoie au Sénat et, dans un troisième temps, le Sénat « renvoie l’affaire à juger et à régler par Camille, il leva une contribution sur Faléries et fit alliance avec tous les Falisques131 ». Dans ce contexte prit place en effet le premier marchandage opéré par les Romains dont Tite-Live également témoigne : « Pour payer la solde de cette campagne tout en exemptant le peuple romain de la taxe, c’est aux Falisques qu’on réclama de l’argent. La paix conclue (Pace data), l’armée rentra à Rome132. »

  • 133 Voir supra p. 239.
  • 134 C. I. L., 1, 2, p. 191. M. Humbert, Municipium, p. 152.
  • 135 Liv., 6, 8, 10. « Volsci abiectis armis sese dediderunt » AD 2017.
  • 136 Les colons sont envoyés dans le cadre du règlement de la sédition de Manlius. Liv., 6, 16, 2.

65La deditio des Volsques de 389 est présentée par Tite-Live comme étant la conséquence d’une victoire militaire décisive : Camille amène les Volsques à faire leur deditio ; la victoire ne fut cependant pas définitive, nous l’avons souligné133, puisque les Volsques reprirent le combat. Mais l’événement ne fut pas sans conséquence aucune : outre un triomphe pour Camille, l’acquis diplomatique permit de commencer le partage du territoire pontin134. En revanche, lors de la deditio de Satricum en 386, la référence à une deditio est plus suspecte, car la ville aurait été prise d’assaut, comme dans le cas d’une capitulation. Camille « escalada de tous cotés les murailles et prit la ville Les Volsques, mettant bas les armes, se rendirent à discrétion135 ». Néanmoins dès 385, elle reçoit des colons latins ; il y a donc tout lieu de penser que la cité n’avait pas été entièrement détruite l’année précédente136.

  • 137 C’est Camille qui renvoie la délégation au Sénat (AD 2024 puis 2025).
  • 138 Plut., Cam., 42, 1. AD 2027.
  • 139 Liv., 6, 29, 7-8 ; Eutrop., 2, 2 (AD 2026). M. Humbert, Muncipium, p. 155.
  • 140 A. Piganiol, Romains et Latins, la légende des Quinctii, MEFRA, 1920, p. 212-219. Sur le triomphe (...)

66Après avoir joué un rôle important lors de la deditio (camouflée en demande de paix) de Tusculum137, Camille, lors de la dernière campagne militaire en 367 aurait également reçu la deditio de la cité de Velitrae138. Contemporains de Camille, d’autres membres de la gens des Quinctii reçoivent des déditions. En 380, T. Quinctius Cincinnatus reçoit une deditio de Préneste, apparemment sans coup férir139, mais cette démarche est suspecte puisque rien de définitif ne fut acquis. Les hostilités reprirent dès l’année suivante. Cette deditio semble en outre artificiellement distinguée de la prise par la force des neuf autres villes qui permettent à T. Quinctius de triompher140. Quoi qu’il en soit, entre 397 et 367, Camille et sa gens semblent avoir eu un rôle déterminant dans la mise en place et l’usage massif de la procédure de deditio.

  • 141 Pour l’analyse plus détaillée de ces deditiones, voir notre article dans les Mélanges M. Lévêque.

67Au cours de cette phase, sans doute décisive dans l’utilisation de cette procédure, quelques aspects retiennent notre attention. En premier lieu, c’est avec les Étrusques, les Falisques puis les Volsques que paraissent avoir été expérimentées, en quelque sorte, les différentes opportunités offertes par la deditio : la possibilité de la refuser, de l’accepter ou de la marchander ; ce qui apparente la procédure à une forme de négociation, très succincte, dans laquelle l’interlocuteur de Rome reconnaît son infériorité141. Enfin, la deditio offre la possibilité de valoriser la générosité romaine lors de la concession du droit de citoyenneté sans droit de vote. Bien qu’une deditio puisse masquer différents niveaux de soumission, elle a pu aussi représenter pour les vaincus un espoir au regard de l’exercice du droit complet du vainqueur généralement exercé sur les vaincus – à savoir, la réduction en esclavage ou la mort.

  • 142 La mission de 394 comporte trois temps : les Falisques s’adressent à Camille qui les renvoie au Sé (...)
  • 143 Le rôle des magistrats est analysé dans le chapitre qui suit, p. 251.
  • 144 Voir supra p. 73.

68Toutes les deditiones antérieures à 394 ont été reçues par des magistrats, à cette date, le Sénat est pour la première fois impliqué dans la prise de décision. Mais le mode de fonctionnement très majoritaire avant et après 394, donne aux magistrats une place centrale dans la procédure puisque le Sénat renvoie l’ambassade à Camille qui, in fine, prend la décision142. Camille, les autres membres de sa gens, comme la plupart des personnages de premier plan du ive siècle ont utilisé toutes les ressources d’une pratique de plus en plus modulable. Elle leur permettait d’assurer le prolongement diplomatique de leur supériorité militaire. Dès les dernières décennies du ive siècle, la diversité des rapports établis entre un peuple déditice et Rome fournit la preuve de la souplesse et de la capacité d’adaptation de cette pratique diplomatique. Les modalités d’application de la deditio étaient en effet fixées unilatéralement par les représentants de Rome, en dehors d’un cadre juridique ou institutionnel contraignant, comparable à celui qui entoure, en théorie la conclusion officielle d’un foedus143. De plus, parce qu’elle ne pouvait être utilisée que dans le contexte d’un rapport de forces favorable à Rome, le champ était libre pour les magistrats d’en donner les interprétations les plus aléatoires En effet, contrairement aux traités, pratiqués et connus de tous les peuples antiques, la deditio relevait d’une procédure probablement mal connue des ennemis de Rome. Ses règles et les modalités de son application – si tant est que de telles modalités aient été codifiées – devaient être inintelligibles pour la plupart de ses interlocuteurs. Seuls peut-être les Étrusques en connaissaient antérieurement l’usage puisque la deditio semble être issue de leur tradition144.

Des paix demandées ou imposées ?

  • 145 Supra p. 239.
  • 146 Voir supra le tableau XXXVIII p. 216 et la liste des actes pour les numéros d’ordre.
  • 147 Dans les deux cas, les imprécisions sont manifestes. Voir le début de ce chapitre, p. 242.

69En observant les imprécisions du vocabulaire utilisé pour rendre compte des négociations, nous avons déjà évoqué les équivoques, les ambiguïtés, les confusions manifestement entretenues par la tradition145. Le nombre également très élevé des imprécisions concernant les demandes de paix (31 démarches) impose de tenter d’en comprendre l’origine ou, plus sûrement, les origines. Bien que ces imprécisions se répartissent sur tout le siècle, elles sont nettement plus nombreuses après 321. Marquent-elles alors des progrès déterminants, c’est-à-dire l’instauration d’une paix durable ? Si la réponse est positive, les paix conclues dans les trois dernières décennies du siècle doivent logiquement correspondre aux derniers contacts avec les cités ou peuples concernés. Effectivement, les relations se terminent avec Tarquinies, les Herniques, les Èques, le Picenum, Pérouse et les Falisques146 et, dans les décennies postérieures, ces cités ou peuples respectent les paix établies. Cependant la moitié environ des interlocuteurs avec lesquels les Romains font la paix ont ensuite des relations diplomatiques avec Rome. Il faut donc en déduire qu’avec eux, les paix acquises ne furent pas définitives ou qu’elles n’ont permis que de stabiliser des situations militairement indécises, voire défavorables – comme lors des deux démarches de 390 et 321, analysées précédemment147.

  • 148 Voir supra le tableau XXXIX, p. 225.
  • 149 Liv., 5, 23, 12 : « legati a Volscis et Aequisuenerunt, impetrataque pax » AD 2001E1 et E2. Voir l (...)
  • 150 Liv., 5, 24, 3 : « Ea clades Capenatem populum subegit : pax petentibus data. » AD 2002.

70Lorsque des ennemis de Rome, en position d’infériorité temporaire ou définitive demandent la paix ou la reçoivent, les récits de la tradition fournissent plus ou moins de détails en fonction, semble-t-il, d’une part du statut et de l’origine des vaincus, d’autre part de la chronologie. Avant la deditio de Capoue, sept démarches ont été accomplies successivement par les Volsques, les Èques, les Capénates, Tusculum et Caere148. La première se situe aussitôt après le siège de Véies en 396 : « Des légats des Volsques et des Èques vinrent faire des ouvertures de paix149 » ; on la leur accorda plutôt pour laisser après les fatigues d’une si longue guerre du repos à la cité que parce qu’ils la méritaient. » Quel contenu avait cette paix ? Quelle demande fut réellement formulée ? Tite-Live, notre seule source, n’en dit mot. Le flou reste de mise lorsqu’il présente en 395, peu après cette mission, celle de Capène : l’armée de Servilius ayant dévasté la campagne, « ce désastre eut raison des Capénates : ils demandèrent et obtinrent la paix150 ». Si, comme le pense M. Humbert, cette paix a été obtenue en échange d’une partie de territoire, on ne peut pas élargir cette hypothèse aux Volsques ; cela signifie qu’à un an d’intervalle, des formules identiques ou voisines recouvrent des réalités très dissemblables. Avec Capène, la paix signale le début d’une intégration ; avec les Volsques, une simple interruption des hostilités.

  • 151 Voir dans l’index des actes les références à l’AD 2025. M. Humbert, Municipium, p. 155.
  • 152 Liv., 6, 26, 6 : « Pacem, quam nos praestitimus, eam a uobis petimus », AD 2025.
  • 153 Liv., 6, 26, 8 : « Pacem in praesentia nec ita multo post ciuitatem etiam impetrauerunt. »
  • 154 Liv., 7, 20, 8 : « Pax populo Caeriti data », AD 2039C1 et C2.

71En 381, la paix accordée à Tusculum, accompagnée peu après de l’octroi du droit de cité, est, en revanche, sans doute aucun, une deditio camouflée151. Devant le Sénat romain, le dictateur de Tusculum se serait ainsi exprimé : « La paix que nous avons offerte à votre avance, nous vous la demandons152. » La réponse des patres fut tout aussi lapidaire : « lls obtinrent sur le moment la paix et, bien peu après même le droit de cité153. » Les verbes petire ou impetrare ne fournissent aucune information permettant d’identifier avec précision le contenu réel de cette paix demandée puis obtenue ; ils ont plutôt pour fonction de ne rien dévoiler des conditions dans lesquelles la paix fut véritablement imposée. Un dernier exemple, encore différent, est fourni par celui de Caere dont l’incorporation dans la civitas romana est également présentée comme l’octroi d’une paix : « Aussi la paix fut-elle accordée au peuple de Caere154. » Ces exemples, par leur diversité, montrent à l’évidence que les approximations du vocabulaire utilisé lors de ces démarches, permettent surtout d’escamoter toutes sortes de statuts dont les bénéficiaires – si l’on peut dire –, vont progressivement découvrir les effets. Il resterait à tenter de savoir si les dirigeants romains ont, lors des entrevues diplomatiques, dévoilé clairement les réalités imposées, ou s’il ne s’agit que d’une volonté de la tradition de conserver la face cachée de ces paix multiformes. Chaque cas étant traité différemment, les paix concédées sans qu’aucun contenu juridique précisait été défini, ont alors pu évoluer vers toutes les variantes des formes de dépendance vis-à-vis de Rome.

  • 155 Liv., 8, 36, 11 : « His cladibus subacti Samnites pacem a dictatore petiere », AD 2077C1.
  • 156 Trois de ces missions sont doubles en 341, 325 et 306 (voir les AD 2052, 2077 et 2108).
  • 157 Liv., Per., 11, 5 : « Pacem petentibus Samnitibus foedus quarto renouatum est » AD 2133. Les autre (...)
  • 158 E. T. Salmon, Samnium and the Samnites, p. 255-279. D. Briquel, in F. Hinard, p. 282.

72Avec les guerres samnites, le contenu des démarches au cours desquelles les ennemis de Rome demandent la paix, semble évoluer sensiblement, malgré les silences de la tradition. Plusieurs demandes de paix formulées par les Samnites formulent sensiblement le même objectif, mais elles n’obtiennent que des trêves, comme en 325 : « Domptés par ces désastres, les Samnites demandèrent la paix au dictateur155. » La multiplication de ces missions prouve qu’aucune ne règle définitivement l’affrontement entre les deux puissances. Les variations des rapports de forces sont simplement traduites par l’intégration de plus en plus systématique de marchandages, mais, avant 290, rien ne fut acquis malgré les sept échanges qui traitèrent de la paix entre Romains et Samnites156. La dernière mission résume à elle seule toutes les ambiguïtés que nous avons soulignée. « Les Samnites demandant la paix, on renouvela, pour la quatrième fois, le traité avec eux157. » Certes, la perte de la deuxième décade de Tite-Live a pu nous priver de quelques informations plus précises, mais il est frappant de constater que la formule utilisée est aussi concise que dans les récits conservés. Enfin le renouvellement du foedus recouvre nécessairement une réalité fort éloignée de celui de 354 ; les Samnites sont certes des alliés, mais des alliés totalement soumis au bon vouloir de Rome158. La fiction du maintien du traité signale seulement que le territoire samnite ne fut pas annexé, mais il ne représente plus qu’une illusion d’alliance.

73La terminologie utilisée par la diplomatie devient toujours plus décalée par rapport aux réalités politiques et statutaires qu’elle est sensée traduire ; elle devient ainsi l’auxiliaire précieux des ambiguïtés que le pouvoir romain souhaite maintenir dans le cadre des nouvelles étapes de la conquête.

Notes

1 Comparer le tableau ci-dessous avec le tableau XVIII, p. 139.

2 Les missions d’informations de 383 et de 297 sont ainsi mandatées par trois cités (AD 2023 et 2124).

3 AD 2016. Voir infra p. 227, le caractère très singulier de cette démarche.

4 Comparer les tableaux XX, p 143, et ci-dessus : dix missions contre 23 au siècle précédent.

5 En 342, Tite-Live les qualifie abusivement de colonies romaines (Liv., 7, 42, 8). Norba est une colonie latine fondée en 492 (Liv., 2, 36, 6) et Setia en 382 (Vell. Pat., 1, 14). Il est probable que les Volsques de Privernum avaient réussi à rallier les deux colonies (M. Humbert, Municipium, p. 167).

6 AD 2051 E1 et E2. Liv., 8, 1, 1.

7 Voir la chronologie dans le tableau de la page précédente.

8 « Ita placide ab senatu responsum est ut minus credi de criminibus, quia nollent ea uera esse, appareret ». Liv., 6, 21, 9. AD 2023E1, E2 et E3.

9 Contra, J. Bayet estime que l’expression « déguise le néant de l’information historique » (Tite-Live, VI, p. 39, n. 4).

10 Une guerre déclarée sans envoi de fétiaux ni de légats (Liv., 6, 22, 2-5). Voir le paragraphe suivant.

11 Liv., 7, 19, 6-7. AD 2038.

12 Liv., 7, 27, 5-6. AD 2044.

13 AD 2070.

14 Le contraste est flagrant dans le tableau XL, page précédente.

15 Liv., 7, 30, 1. AD 2045.

16 AD 2054 et 2063. La mission des Samnites doit d’ailleurs être identifiée à la fonction guerre (voir le paragraphe suivant).

17 Liv., 8, 2, 12 AD 2054.

18 Strab., 5, 3, 5. AD 2063. La démarche aurait finalement abouti à un traité (voir le paragraphe consacré aux négociations), mais la plus grande prudence s’impose au sujet de ces contacts en raison des imprécisions de nos sources.

19 Comparer les tableaux XX et XL (p. 139 et 222).

20 En 492, 433 et 411 (voir le tableau supra p. 139).

21 Liv., 5, 31, 5. B. Amat-Séguin, Diodore XIV, 113 : une catastrophe climatique à l’origine des pérégrinations sénones en Italie péninsulaire, MEFRA, 99, 1987, 2, p. 823-846.

22 Liv., 5, 48, 1-5 ; 6, 20, 15-16. C. Virlouvet, op. cit., p. 13.

23 AD 1056, 1059 et 1062.

24 Liv., 8, 2, 4. AD 2052C1.

25 Liv., 9, 36, 8. Voir les références dans l’index des actes au n° 2094.

26 AD 2106 C1 et 2108 C1.

27 Liv., 9, 45, 4. AD 2112.

28 Liv., 10, 5, 8. AD 2118 C1.

29 Liv., 5, 32, 5. AD 2006.

30 Respectivement les actes 2106C1, 2108C1 et 2129.

31 L’exemple des cités étrusques en 294 (AD 2125, 2126 et 2127).

32 Liv., 9, 43, 10. AD 2108C1.

33 Comparer les tableaux XX et XL (p. 143 et 226).

34 En 313 (AD 2093) et 292 (AD 2131 et 2132).

35 Justin, 43, 5, 9-10 : « Ob quod meritum et immunitas illis decreta et locus spectaculorum in senatu datus et foedus aequo jure percussum. » AD 2016.

36 Liv., 6, 10, 6-9. AD 2021D1 et D2. Sur la réaction du Sénat, voir supra p. 235 et le paragraphe suivant consacré à la guerre.

37 AD 2007, 2015, 2018E1 et E2.

38 La demande de Capoue est l’acte 2050E1. Les demandes suivantes sont celles de Suessula, des Aurunques et des Campaniens (AD 2057, 2062 et 2070).

39 Voir l’index des actes aux n° 2007 et 2008.

40 Liv., 6, 3, 2. AD 2015.

41 Liv., 6, 9, 3-4. AD 2018E1 et E2.

42 J. Heurgon, Capoue préromaine, p. 173.

43 AD 2065. R. Bloch et C. Guittard, Tite-Live, VIII, soulignent que les Lucani ne doivent pas être confondus avec les Lucaniens, ce sont les habitants de la cité volsque de Luca.

44 Liv., 8, 25, 3. AD 2074 E1 et E2.

45 Comparer le tableau ci-dessous avec le tableau XXI, p. 152 : 20 actes liés à la guerre au ve siècle, et 23 au ive.

46 Voir l’index des actes au n° 2009C1 et C2.

47 AD 2008, un des incidents les plus commentés de l’histoire diplomatique (dix auteurs y font référence).

48 Voir également le chapitre suivant pour le fonctionnement singulier des institutions lors de cet épisode.

49 Liv., 8, 2, 12.

50 Liv., 8, 2, 13.

51 Liv., 8, 4, 10.

52 Liv., 9, 14, 5. AD 2084.

53 Liv., 5, 23, 12 – 24. Pour la paix, voir les actes 2002 et 2003 et le paragraphe consacré à cet objectif.

54 Liv., 5, 31, 6. La formule utilisée se limite à « Bellum inde duobus populis indictum. »

55 Liv., 6, 22, 4. « ex senatus consulto populique iussu bellu Praenestinis indictum ».

56 Liv., 6, 2, 4.

57 Liv., 6, 2, 14.

58 Liv., 6, 3, 2.

59 Liv., 6, 33, 7-8.

60 Liv., 6, 4, 7-8.

61 Voir supra p. 227-228, l’échec de ces demandes d’aide (AD 2021D1 et D2).

62 Liv., 6, 15, 7.

63 Liv., 7, 1, 4 : « Cum de industria omnia, ne quid per plebeeium consulem ageretur, proferrentur, silentium omnium rerum ac iustitio simile otium fuit. »

64 AD 2029, 2030, 2032 et 2042.

65 Ce n’est cependant qu’un bruit, non vérifié : « Gallici quoque belli fama increbrescebat » (Liv., 7, 12, 7).

66 Voir l’index des actes, les nombreuses références aux ambassades n° 2045, 2046 et 2047.

67 Liv., 7, 32, 1. AD 2047.

68 AD 2072 et 2073.

69 AD 2083.

70 « Et semper aliquam fraudi speciem juris imponitis » Liv., 9, 11, 6-7.

71 À l’exception de tentatives quasi suicidaires, comme celle de la cité de Cantabris en 139, qui défia le consul en exigeant le retrait des légions (voir le volume ii à paraître).

72 Comparer les tableaux ci-dessous avec les tableaux VII et XXII (p. 94 et 159). 15 négociations durant la royauté et 20 au ve siècle.

73 Les traités conclus après un affrontement pour établir un règlement pacifique sont analysés dans le paragraphe suivant consacré à la paix.

74 Quelques exemples sont évoqués infra p. 243-244.

75 Voir les références à l’AD 2008 dans l’index des actes.

76 AD 2045 et 2094.

77 Voir supra p. 226, le paragraphe consacré aux aides (AD 2016).

78 Ces demandes de paix et leurs résultats sont analysés dans le paragraphe suivant.

79 Néanmoins notre classification privilégie l’objectif premier, tel qu’il figure dans nos sources.

80 AD 2040 et 2041, des actes doubles, le consul renvoyant les légats au Sénat.

81 Voir le tableau XLII page précédente. (AD 2101, 2102 et 2106C1.)

82 Voir supra p. 229.

83 Liv., 7, 22, 4. AD 2040 et 2041 (actes doubles).

84 Les renvois sont devenus plus rares au ive (voir le chapitre précédent). Les légats ne demandaient que des trêves, acceptées pour de longues durées.

85 Tite-Live termine le tableau de la situation de Rome en 352 ainsi : « Du reste, à l’extérieur régna un calme complet » (7, 21, 9). Sur les problèmes intérieurs, voir tout le chapitre 22.

86 En 308 P. Decius Mus impose à Tarquinies de fournir du blé pour l’armée (AD 2101) ; en 301, le dictateur M. Valerius Maximus marchande un an de solde et deux mois de blé (AD 2118 C1).

87 Liv., 9, 43, 6-7 (AD 2106, avec une navette en trois temps). Cette deditio permet pourtant à Tremulus de triompher, sans respect du droit triomphal (voir notre ouvrage, Victoires et triomphes, p. 80).

88 Les traités renouvelés avec les Latins et Carthage sont assimilés à des démarches destinées à renforcer l’état de paix garanti par le respect des traités existants (voir le chapitre suivant consacré à la paix, p. 245).

89 AD 2115. La datation de 202 reste incertaine.

90 Liv., 8, 25, 3 : « in fidem uenerunt, arma uirosque ad bellum pollicentes ; foedere ergo in amicitiam accepti » AD 2074 E1 et E2.

91 Tarente…, p. 91.

92 Les marchandages mentionnés dans le paragraphe précédent se déroulent dans un rapport de forces favorable à Rome.

93 Tout le chapitre 27 du livre 8 est consacré au récit de cette rupture. Sur la responsabilité des Tarentins, voir Liv., 8, 29, 1.

94 Liv., 9, 45, 18. « … mitterent Romama oratores pacis petendae amicitiaque. His populis foedus petentibus datum ». AD 2114 E1 à E4.

95 Une deditio acceptée bien qu’il y ait eu combat ; des otages sont même livrés. Voir l’index des actes au n° 2087.

96 Le foedus de 302 correspond à l’acte 2116. M. Humbert, Municipium, p. 226-233.

97 J. Heurgon, Capoue pré-romaine, p. 169-180. Voir l’index des actes au n° 2045.

98 Liv., 7, 30, 6 et tout le début du chapitre 30 pour l’argumentation générale.

99 Liv., 7, 31, 1.

100 Liv., 7, 31, 3 : « Ad ea princeps legationis – sic enim domo mandatum attulerant. » Rien ne permet pourtant de connaître le détail des consignes données aux légats.

101 Op. cit., p. 170. Pour les négociations avec Naples et les Lucaniens, voir l’index des actes aux n° 2076 et 2122.

102 Il n’est pas utile de reprendre ici les arguments très convaincants de J. Heurgon p. 172-173.

103 Voir notre article dans les Mélanges Monique Lévêque, p. 262-269.

104 Flor., 1, 11 (traduction de P. Jal, CUF, 1967).

105 D. Briquel, Rome, une république conquérante, Antiquités Sémitiques V, p. 138-140.

106 Liv., 9, 36, 7-8. Voir les références à l’AD 2094 dans l’index.

107 Liv., 9, 41, 20. « Ocriculani sponsione in amicitiam accepti » AD 2104.

108 Il s’agit de l’exemple cité par J. Heurgon (AD 2122).

109 Liv., 10, 11, 13 et 12, 1.

110 Op. cit., p. 170.

111 Voir supra p. 229. D. Briquel, Rome, un république conquérante…, p. 133-139.

112 Voir dans l’index des actes les nombreuses références aux actes 2012, 2013, 2082 C1, C2 et 2083.

113 Liv., 5, 49, 1. AD 2012 et 2013.

114 Liv., 5, 49, 2. Sur la réinterprétation des événements, voir M. Torelli, Il sacco gallico di Roma, I Galli e l’Italia, p. 226, 229.

115 Op. cit., p. 178.

116 A. Magdelain, Essai sur les origines de la sponsio, Paris, 1943. Ses positions sont toujours approuvées par D. Briquel, in F. Hinard, p. 271-273 et la bibliographie p. 961.

117 Mais (voir supra p. 224) ces acrobaties juridiques ne choquaient peut-être pas les Romains.

118 AD 2004.

119 AD 2005.

120 La traduction de G. Baillet, CUF, p. 47 s’éloigne trop du texte livien.

121 J. Hellegouarc’h, Vocabulaire latin…, p. 51

122 Liv., 7, 38, 2. AD 2049.

123 AD 2109 et 3029.

124 Polyb., 2, 18, 5.

125 Voir supra p. 250-251.

126 Liv., 8, 11, 15. AD 2058. M. Humbert, Municipium, p. 268.

127 AD 1109. Voir supra p. 165.

128 Sur le rôle de Camille à Véies, voir p. 166.

129 Voir le tableau XXIII, p. 158. Aucune deditio n’est mentionnée entre celle d’Antium (468) et celle d’Arténa (404).

130 Ce sont les actes n° 2003, 2014 et 2017.

131 Plut., Cam., 10, 7-8 (AD 2003C3). Sur la délégation à Camille (AD 2003C1), voir Liv., 5, 27, 11. J. Hubeaux, Rome et Véies, p. 302-313.

132 Liv., 5, 27, 15.

133 Voir supra p. 239.

134 C. I. L., 1, 2, p. 191. M. Humbert, Municipium, p. 152.

135 Liv., 6, 8, 10. « Volsci abiectis armis sese dediderunt » AD 2017.

136 Les colons sont envoyés dans le cadre du règlement de la sédition de Manlius. Liv., 6, 16, 2.

137 C’est Camille qui renvoie la délégation au Sénat (AD 2024 puis 2025).

138 Plut., Cam., 42, 1. AD 2027.

139 Liv., 6, 29, 7-8 ; Eutrop., 2, 2 (AD 2026). M. Humbert, Muncipium, p. 155.

140 A. Piganiol, Romains et Latins, la légende des Quinctii, MEFRA, 1920, p. 212-219. Sur le triomphe de Cincinnatus, voir notre ouvrage Victoires et Triomphes, p. 79.

141 Pour l’analyse plus détaillée de ces deditiones, voir notre article dans les Mélanges M. Lévêque.

142 La mission de 394 comporte trois temps : les Falisques s’adressent à Camille qui les renvoie au Sénat, mais le Sénat renonce à statuer (AD 2003C1-C2-C3).

143 Le rôle des magistrats est analysé dans le chapitre qui suit, p. 251.

144 Voir supra p. 73.

145 Supra p. 239.

146 Voir supra le tableau XXXVIII p. 216 et la liste des actes pour les numéros d’ordre.

147 Dans les deux cas, les imprécisions sont manifestes. Voir le début de ce chapitre, p. 242.

148 Voir supra le tableau XXXIX, p. 225.

149 Liv., 5, 23, 12 : « legati a Volscis et Aequisuenerunt, impetrataque pax » AD 2001E1 et E2. Voir l’index des actes pour d’autres commentaires.

150 Liv., 5, 24, 3 : « Ea clades Capenatem populum subegit : pax petentibus data. » AD 2002.

151 Voir dans l’index des actes les références à l’AD 2025. M. Humbert, Municipium, p. 155.

152 Liv., 6, 26, 6 : « Pacem, quam nos praestitimus, eam a uobis petimus », AD 2025.

153 Liv., 6, 26, 8 : « Pacem in praesentia nec ita multo post ciuitatem etiam impetrauerunt. »

154 Liv., 7, 20, 8 : « Pax populo Caeriti data », AD 2039C1 et C2.

155 Liv., 8, 36, 11 : « His cladibus subacti Samnites pacem a dictatore petiere », AD 2077C1.

156 Trois de ces missions sont doubles en 341, 325 et 306 (voir les AD 2052, 2077 et 2108).

157 Liv., Per., 11, 5 : « Pacem petentibus Samnitibus foedus quarto renouatum est » AD 2133. Les autres sources mentionnées n’évoquent pas directement la nature du traité.

158 E. T. Salmon, Samnium and the Samnites, p. 255-279. D. Briquel, in F. Hinard, p. 282.

Table des illustrations

Titre Tableau XXXIX. – Les objectifs de la diplomatie au ive siècle.
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Titre Tableau XL. – La réduction des fonctions d’aides et d’informations.
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Titre Tableau LXI. – Le renforcement de la fonction de guerre.
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Titre Tableau XLII. – Les ambiguïtés des négociations.
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Titre Tableau XLIII. – L’amplification de la fonction de paix de la diplomatie.
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