URL originale : https://books.openedition.org/pur/71705

2. La lecture de la presse en ligne
L’appropriation des contenus d’actualité au défi de la technique
p. 57-83
Texte intégral
1La numérisation des contenus d’actualité bouleverse l’économie de la presse mais aussi les pratiques culturelles, à commencer par l’acte de lire1. En effet, la presse en ligne ne se réduit pas ou plus à la simple transposition des informations d’un média à l’autre : elle est devenue un média à part entière, qui possède ses propres modalités de production, de circulation et de réception. Le télescopage entre culture imprimée et logique informatique confronte les émetteurs et les récepteurs à un aggiornamento du « contrat de lecture2 » hérité de la presse traditionnelle. Celui-ci déborde le contenu rédactionnel pour englober une pluralité d’énoncés et d’énonciateurs, depuis les articles de la rédaction jusqu’à la production amateur, en passant par les blogs journalistiques et les liens hypertexte vers d’autres supports. Cette polyphonie fragilise davantage les frontières entre le compte rendu et le commentaire, l’information et le divertissement, le professionnel et l’amateur. De même, le multimédia rend possible la coexistence entre différents régimes sémiotiques (texte, son, image, vidéo), et favorise ainsi l’émergence de nouveaux « formats » journalistiques3.
2De nombreuses voix s’élèvent pour souligner les menaces engendrées par cette mutation, qui accentue le recul des quotidiens payants4. Certes, la diminution et le vieillissement des lecteurs de quotidiens payants précèdent l’essor de la presse en ligne5. Mais celle-ci intensifie la concurrence sur le marché des audiences et des annonceurs, et favorise une consommation utilitaire et volatile, pouvant fragiliser le lien entre les supports et leurs lecteurs. Ces critiques sont condensées par un glissement sémantique significatif, à savoir le passage du « lecteur » (figure valorisée) au « visiteur » (artefact statistique), et par extension de la « page lue » à la « page vue », du travail interprétatif au déchiffrage visuel. D’ailleurs, les mesures d’audience indiquent une contraction du temps consacré à la lecture des actualités. Globalement, la consultation d’un journal imprimé dure entre 25 et 35 minutes6. Par contraste, les statistiques du panel de Médiamétrie, au mois de novembre 2011, montrent que les internautes passent en moyenne, sur tous les sites médias, moins de cinq minutes par jour à la consommation des actualités, et y feuillettent de trois à huit pages, à raison de moins d’une minute par page7.
3Cependant, les écarts à ces moyennes sont importants et les usagers peuvent aussi se rendre sur plusieurs sites d’information. Ces moyennes agrègent les consommateurs occasionnels et les gros lecteurs, occultant l’hétérogénéité des publics. Ce biais est accentué par les carences de la recherche dédiée à la presse en ligne. Selon la recension effectuée par Éric Dagiral et Sylvain Parasie8, le dynamisme des travaux sur les aspects techniques, organisationnels ou économiques de ce nouveau média contraste avec la rareté des études auprès des publics. De surcroît, celles-ci se caractérisent par un double tropisme : d’une part, une prédilection pour l’enquête par questionnaire ; d’autre part, une focalisation sur le journalisme participatif et partant sur les contributeurs les plus investis, au détriment des lecteurs ordinaires. Or, « la majorité des internautes ne contribuant pas, les recherches portant sur le journalisme citoyen sont loin d’épuiser la connaissance du public de l’actualité en ligne9 ».
4Dès lors, on se placera du côté des lecteurs pour observer les modalités d’appropriation de la presse en ligne, dans ses dimensions matérielles, techniques et textuelles. Plus précisément, on interrogera les manières de lire les actualités en ligne, à mi-chemin entre le dispositif des interfaces et les dispositions des lecteurs. Suivant la tradition socio-sémiotique, la lecture suppose une coopération entre les producteurs et les récepteurs, sur la base de conventions supposées partagées10. Ces règles tacites structurent tant les choix éditoriaux et rédactionnels, en amont, que le travail de sélection et d’interprétation, en aval ; elles correspondent à un système d’attentes et d’anticipations, constituées pour et par l’acte de lire. Or, les modalités du lire ne vont plus de soi s’agissant d’un média fondamentalement hybride, qui représente à la fois une continuité et une rupture avec la presse imprimée, en termes de support matériel, de fonctionnalités techniques et de conventions d’écriture. Ce qui soulève une série de questions : le développement des journaux en ligne reconfigure-t-il les manières de lire, et, plus largement, les conditions d’accès à l’information ? Comment les lecteurs procèdent-ils pour sélectionner et interpréter, mais aussi pour relayer, commenter voire produire les contenus d’actualité ? Ou encore :
« Qu’en est-il du contrat de lecture lorsque celle-ci devient navigation, exploration, découverte, repérage, mais aussi “butinage”, annotation et sélection associative, voire re-structuration dans des ensembles non séquentiels et non narratifs de nœuds d’informations inter-reliés, plutôt qu’un cheminement linéaire ou logique dans un texte11 ? »
5Pour y répondre, on s’appuiera sur des entretiens individuels semi-directifs, effectués en 2010 auprès de dix-sept lecteurs recrutés de proche en proche, et de trois contributeurs contactés sur lemonde.fr. Le corpus se compose pour une moitié d’hommes et pour l’autre de femmes, qui se répartissent de façon équilibrée entre les différentes classes d’âge. En revanche, il fait la part belle aux fractions urbaines les mieux dotées en termes de certification scolaire et de niveau de revenu, à commencer par les cadres supérieurs et les professions intellectuelles. Cette surreprésentation introduit un biais : certes, elle reflète la prépondérance des catégories sociales favorisées parmi les lecteurs de la presse en ligne12, mais ce déséquilibre est en train de s’atténuer13. Au moment de l’enquête, les lecteurs interviewés consomment les sites de presse essentiellement à partir d’un microordinateur fixe ou portable. Seuls cinq d’entre eux utilisent parfois un téléphone mobile à cette fin, et aucun ne dispose d’une tablette numérique ou d’une liseuse électronique.
6Les entretiens sont exploités par une analyse à la fois verticale et transversale. Dans ces récits de pratique, on prêtera une attention particulière aux « significations d’usage14 » : cette notion désigne les représentations et les attentes subjectives s’agissant des nouvelles technologies, et leur traduction dans les usages effectifs. L’intérêt mais aussi la limite de ces récits de pratique est de solliciter la réflexivité des lecteurs sur une pratique ordinaire, et, à ce titre, largement impensée. Dans la continuité des travaux consacrés aux implications du support matériel dans la production et la réception des textes15, on démontrera que la numérisation des contenus d’actualité reconfigure sensiblement l’expérience de lecture. D’abord, on présentera les pratiques informationnelles des enquêtés et leur distribution sociale. Ensuite, on insistera sur le degré de familiarité avec la culture imprimée pour expliquer les variations observées dans l’expérience de lecture. Enfin, on interrogera l’appropriation des nouveaux formats et des dispositifs d’auto-publication, pour évaluer leur impact sur le contrat de lecture.
La structure de la consommation
7Avant de détailler les manières de lire, il importe de décrire les pratiques informationnelles, à savoir les supports de presse consommés, les combinaisons médiatiques privilégiées, et leur distribution en fonction des propriétés sociodémographiques des enquêtés. Leur consommation se répartit pour l’essentiel entre quatre segments de l’offre, fréquentés de façon régulière ou occasionnelle. D’abord, dix-sept lecteurs consultent les supports établis, c’est-à-dire les sites de presse émanant des médias traditionnels et qui bénéficient à ce titre d’une légitimité, à l’instar du figaro.fr, de liberation.fr ou du monde.fr. Ensuite, onze enquêtés fréquentent les « infomédiaires16 ». Ce néologisme désigne l’ensemble des acteurs de l’internet qui intègrent à leurs services la diffusion de contenus d’actualité (fournisseurs d’accès à l’internet, hébergeurs de comptes, moteurs de recherche, agrégateurs de contenus, portails généralistes ou spécialisés). De même, onze lecteurs se tournent vers les supports alternatifs, qui se caractérisent par des formats innovants (lepost.fr) et/ou par un parti-pris politique ou idéologique (mediapart.fr, rue89.com). Enfin, les supports spécialisés sont consommés par onze enquêtés, en fonction de leurs centres d’intérêt personnels (lequipe.fr, telerama.fr, les blogs sur la mode), professionnels (les sites relatifs au BTP) ou politiques (nosdeputes.fr).
Les principes de sélection
8La consommation des informations en ligne répond à trois principes de sélection. Le premier est celui de l’accessibilité. L’internet est valorisé comme un moyen de s’informer à moindre coût, grâce à des ressources disponibles facilement et gratuitement (« Un clic et j’ai mon info17 »). Lorsque ce principe est poussé à l’extrême, il n’y a pas sélection, entendue comme un choix positif, mais consommation indexée sur les opportunités offertes (« Je me refuse à payer pour lire les journaux18 »). À plus forte raison pour les lecteurs les moins intéressés par les contenus d’actualité : leur consommation procède essentiellement de l’exposition accidentelle à la faveur des infomédiaires, situés au carrefour de nombreuses activités en ligne (« Je suis tout le temps sur internet, donc je vais voir plus facilement sans le vouloir, par-ci par-là19 »). À l’opposé, la sélection s’effectue à partir de la crédibilité, qui fonctionne comme un critère normatif pour évaluer et discriminer les sources d’information. Dans ce sens, la prévalence des supports établis tient autant à une stratégie de sécurité, au profit des sites de presse « hyperconnus20 », qu’à la transposition sur l’internet des habitudes de consommation préexistantes.
9Les enquêtés combinent volontiers l’accessibilité et la crédibilité. En effet, ils plébiscitent les supports établis, gage de sérieux, sans pour autant consentir à payer pour obtenir l’intégralité des informations et des services proposés : un quart d’entre eux souscrivent un abonnement payant, tandis que les trois-quarts se contentent d’un accès restreint. Parmi les onze lecteurs occasionnels, sept d’entre eux privilégient tant les infomédiaires que les supports établis. Les lecteurs réguliers, au nombre de neuf, consomment une grande variété de supports, qu’ils soient issus de la presse traditionnelle ou coextensifs à l’internet, neutres ou partisans, généralistes ou spécialisés. Cependant, toutes les sources d’information ne sont pas compatibles. Parmi les onze lecteurs de supports alternatifs, la consommation des supports établis est la règle, la lecture des infomédiaires l’exception. Pour ces lecteurs exigeants, le cumul entre presse traditionnelle et pure players permet de satisfaire une recherche de pluralisme, grâce à des formats innovants, des sujets originaux et des prises de position tranchées. Autant de propriétés antinomiques avec les infomédiaires, à savoir le segment de l’offre où les logiques de retraitement, d’info-divertissement et de dépolitisation sont les plus marquées.
10On nommera adressage le troisième principe de sélection, suivant les travaux qui insistent sur le lien étroit entre pratiques informationnelles et réseaux de sociabilité21. On entend par là les informations en ligne reçues par l’entremise d’un tiers, que ce soit à titre personnel ou parmi un collectif. Leur valeur réside dans cette intentionnalité communicationnelle, puisqu’elles sont désignées à l’attention voire explicitement recommandées par un destinateur identifié. Plus le degré d’interconnaissance entre l’émetteur et le récepteur est élevé, plus la valeur de l’information augmente. C’est dire que les liens proches ou électifs possèdent un pouvoir de prescription, et fonctionnent comme un aiguillon pour sélectionner les supports et les contenus d’actualité. Par exemple, Christelle, professeure des écoles de 32 ans, tend à éviter les contenus vidéo, hormis lorsqu’ils proviennent de son réseau relationnel. (« Parce que là je me dis ça m’est adressé. ») De même, Cyril, fonctionnaire de 32 ans, désigne le réseau social Facebook comme un facilitateur pour se diriger dans une offre pléthorique :
« Le problème c’est qu’il faut arriver à sélectionner, et c’est toujours un peu compliqué. Et, de ce point de vue-là par exemple, il y a un outil comme Facebook, où les gens s’envoient des liens, par rapport à des articles. En général, on a des amis qui connaissent un peu, avec lesquels on partage certains goûts, certaines opinions, certaines valeurs, et du coup j’hésite pas à mettre un article qui m’a touché. Et eux me renvoient aussi vers des sites, que je n’aurais pas connus autrement. Ca c’est plutôt intéressant. » Entretien avec Cyril, 32 ans, cadre dans la fonction publique.
11À un degré supérieur, l’influence des réseaux de sociabilité favorise une délégation du travail de sélection. C’est le cas pour Céline, productrice musicale de 35 ans, qui privilégie le réseau social Twitter pour suivre l’actualité. Elle reçoit les nouvelles relayées par une quarantaine d’individus, recrutés de proche en proche ou repérés sur un critère d’audience. C’est à partir de cette présélection qu’elle s’informe, à mi-chemin entre actualité sérieuse, sujets « décalés22 » et billets humoristiques. Certes, Céline reste attentive à la provenance des nouvelles relayées, pour évaluer leur crédibilité. Mais, n’étant fidèle à aucun support de presse, elle s’informe dans une large mesure à travers le filtre de ses sociabilités électroniques, qui font office de gatekeeper en lieu et place des journalistes.
Les combinaisons médiatiques
12Les pratiques informationnelles en vigueur sur l’internet ne se réduisent pas à la sélection opérée entre les différents supports de presse. En effet, elles s’inscrivent dans une « écologie informationnelle » plus vaste, c’est-à-dire à l’intérieur des agencements effectués entre les différents médias23. Parmi les combinaisons médiatiques observées, on distinguera quatre modalités : une logique de cumul, variable selon le caractère complémentaire ou redondant des sources d’information, et une logique de substitution, qui oscille entre un usage intensif et une consommation opportuniste de la presse en ligne.
13D’une part, cinq lecteurs, parmi lesquels quatre réguliers (Aurore, Cyril, Ghislain, Lilian) et une occasionnelle (Aurélie), conservent une prédilection pour la presse imprimée ou la radio. L’internet fonctionne comme un complément, pour diversifier les sources d’information et approfondir les nouvelles obtenues hors ligne, au moyen des sites de presse français mais aussi étrangers, des pure players ou des supports spécialisés. Ces lecteurs, partagés entre leur attachement pour les médias traditionnels et leur goût pour la presse en ligne, manifestent la propension des individus les plus intéressés par les contenus d’actualité à croiser différentes sources d’information, pour exploiter leur complémentarité24. Cette logique de cumul prend une forme différente pour cinq lecteurs occasionnels (Alexis, Christelle, Delphine, Lucie, Mélanie). Ceux-ci utilisent la presse en ligne comme un supplément. Elle représente une source d’information secondaire par rapport aux autres médias. Dans ce sens, elle vient suppléer (par défaut) ou redoubler (par redondance) le suivi de l’actualité, effectué le plus souvent hors ligne.
14D’autre part, six gros lecteurs (Didier, Georges, Guy, Rémy, Soraya, Tristan) s’inscrivent dans une logique de substitution : l’internet est devenu, pour eux, le moyen par excellence pour suivre l’actualité et rechercher des informations. La lecture de la presse en ligne, par sa fréquence et ses potentialités, entérine le recul voire l’abandon des habitudes de consommation préexistantes. C’est le cas des enquêtés dont le goût pour la presse quotidienne s’est peu à peu déplacé de l’imprimé vers l’écran. Loin d’un tel engouement, quatre lecteurs occasionnels (Adrien, Céline, Élodie, Vincent) partagent un intérêt moyen voire faible pour les contenus d’actualité. Partant, l’internet constitue une ressource providentielle pour satisfaire une consommation opportuniste, faisant la part belle aux infomédiaires ou aux supports spécialisés consacrés à la consommation et aux loisirs. Il se substitue sans difficulté aux sources d’information traditionnelles.
La distribution sociale des pratiques informationnelles
15La consommation et, plus largement, les usages de la presse en ligne varient en fonction des propriétés sociodémographiques des lecteurs. D’une part, le niveau de diplôme et le statut socioprofessionnel sont des paramètres déterminants. On sait que les catégories sociales les plus favorisées sont celles qui s’intéressent le plus à l’actualité (notamment sur les sujets de portée générale) et qui mobilisent le plus l’internet pour s’informer25. De surcroît, elles sont les mieux dotées en termes d’équipement, mais aussi de compétences techniques, pour utiliser les nouvelles technologies et exploiter leurs potentialités26. En l’occurrence, la propension à diversifier les sources pour comparer les faits et leur traitement, à approfondir les informations, à consulter l’expertise critique des spécialistes, ou encore à se sentir habilité pour prendre la parole, est l’apanage des lecteurs les plus diplômés, et tout particulièrement des professions à composante intellectuelle (cadre supérieur, enseignant, psychologue). Didier, chômeur de 42 ans doté d’un CAP d’électricien, fait figure d’exception parmi les lecteurs et les contributeurs réguliers. Son implication dans le débat public en ligne trouve son principe dans des connaissances informatiques, en qualité d’amateur et de dépanneur occasionnel, mais aussi dans un degré élevé de politisation, en faveur de l’extrême gauche.
16D’autre part, la fréquence de consommation dépend de la phase du cycle de vie. Les gros lecteurs (et à plus forte raison les contributeurs réguliers) se recrutent majoritairement parmi les individus au chômage, en fin de carrière ou à la retraite, tandis que les lecteurs de moins de 30 ans partagent une consommation occasionnelle. Les premiers disposent d’un budget-temps supérieur aux seconds pour se consacrer aux pratiques de loisir. En outre, ils se distinguent par un fort intérêt pour la vie politique. Or, il existe un lien étroit entre le degré de politisation et l’intensité des pratiques informationnelles : « les citoyens les plus impliqués dans la vie de la cité tendent à davantage s’informer sur l’actualité sociale et politique que les autres27 » ; ils consomment davantage la presse quotidienne, les émissions politiques télévisées, mais aussi les journaux en ligne. D’ailleurs, dans cette enquête, les lecteurs de plus de 50 ans sont les plus nombreux à lire les supports alternatifs, à savoir le segment de l’offre le plus politisé.
17Enfin, le genre influence la fréquence et le contenu de la consommation. Au demeurant, les hommes lisent davantage que les femmes la presse quotidienne en général, et l’actualité politique en particulier28. Dans le cas présent, on compte sept hommes contre deux femmes parmi les lecteurs réguliers de la presse en ligne, tous genres confondus. Plus spécifiquement, les trois-quarts des hommes consomment les supports et les contenus centrés sur l’actualité politique, économique ou sociale, contre près de la moitié des femmes. Cette sexuation des pratiques informationnelles concerne également les interventions en ligne : parmi les contributeurs, il y a six hommes, qui privilégient les discussions politiques, et deux femmes, dont les prises de parole portent sur des pratiques de loisir (la bande dessinée et la cuisine) ou des préoccupations professionnelles (les véhicules électriques).
La lecture contrariée : l’hypertrophie du support matériel
18L’appropriation de la presse en ligne ne se réduit pas à la consommation des supports et des contenus, elle-même fonction de la position occupée dans la structure sociale29. Pour détailler plus avant ses modalités et ses déterminants, on prêtera attention aux manières de lire, c’est-à-dire aux opérations constitutives de la lecture et aux conditions concrètes de son déroulement. Prendre pour objet la lecture, c’est se confronter à une pelote conceptuelle, tant cette notion varie dans sa compréhension et son extension30. On retiendra ici trois acceptions, étroitement liées : une expérience sensori-motrice, en termes de position corporelle, d’activité manuelle et de déchiffrage visuel ; un décodage du matériau signifiant, à savoir le travail cognitif de compréhension et d’interprétation ; une médiation privilégiée pour actualiser les informations et les connaissances en sa possession.
19Depuis les travaux pionniers de l’histoire culturelle sur le livre imprimé jusqu’aux recherches actuelles sur le texte électronique, on sait que la lecture est tributaire de la matérialité des supports. Lire la presse en ligne, c’est évoluer dans un environnement de lecture caractérisé par la profusion des ressources disponibles, et par la complexité des opérations requises pour s’approprier ces mêmes ressources. Ce qui suppose de maîtriser tout ou partie des « formats matériels et techniques de l’information31 ». On entend par là les modes opératoires imposés par le dispositif technique, pour trouver et manipuler un support ou un contenu, mais aussi les conventions de lecture projetées dans l’usage des interfaces et le décodage des textes. Les travaux consacrés à la « lecture électronique32 », notamment dans le champ de la psychologie cognitive, insistent sur les compétences d’usage et les « habiletés cognitives33 » requises par cette activité, et, à défaut, sur les difficultés rencontrées par les lecteurs.
20Pour appréhender ce nouveau médium, les lecteurs interviewés mettent en œuvre un ensemble de routines, c’est-à-dire des « formes de consommation ritualisées34 ». D’une part, ils s’en tiennent à un répertoire (toujours plus ou moins) restreint de supports de presse, consommés de façon répétée. Ces pratiques itératives sont favorisées par les modes d’indexation, qu’ils soient manuels (les raccourcis créés par le classement parmi les « favoris ») ou automatiques (l’historique des systèmes de navigation ou des moteurs de recherche). Elles permettent de se familiariser avec les conventions de lecture en vigueur sur chaque support, à commencer par la structuration des informations. D’autre part, la consommation d’un site de presse se déroule selon un script à peu près identique d’un lecteur à l’autre : d’abord, une lecture d’écrémage, c’est-à-dire un aperçu d’ensemble pour sélectionner les informations dignes d’intérêt ; ensuite, la lecture proprement dite des contenus sélectionnés, modulée en fonction de l’intérêt éprouvé mais aussi des contraintes situationnelles35 ; enfin, éventuellement, une recherche de compléments d’information, à commencer par l’activation des liens hypertexte.
21À chaque étape, la lecture est potentiellement perturbée par l’environnement dans lequel elle prend place. Jusqu’à douze lecteurs témoignent, parfois avec insistance, des difficultés posées par l’hypertrophie matérielle, technique et textuelle du dispositif. Loin de toute transparence, le support matériel complique la sélection, le décodage et l’approfondissement des contenus.
La sélection : une information à la carte ?
22Dans le travail de sélection, il y a une carence d’éléments directifs permettant de localiser les contenus et d’évaluer leur intérêt. Le premier écueil réside dans l’organisation visuelle des informations. Les lecteurs valorisent volontiers la structuration ante-chronologique (du plus récent au plus ancien) et thématique (par rubriques) des sites de presse. Mais ils sont souvent déstabilisés par leur mise en page foisonnante, rendue possible par une capacité de stockage virtuellement illimitée, et caractérisée par la coexistence de contenus (rédactionnel, bandeaux publicitaires, petites-annonces, espace dédié aux abonnés) et de formats (texte, son, image, vidéo) hétérogènes. Ce foisonnement est accentué par les modes de présentation. La presse imprimée s’appuie sur une « rhétorique de l’espace36 », qui consiste à juxtaposer les informations pour les mettre en relief. Par contraste, la presse en ligne tend à présenter les contenus de façon symétrique ou sous forme de liste, et ainsi à les fondre dans un ensemble uniforme. De façon significative, les lecteurs éprouvent le besoin d’ouvrir et de superposer les contenus au fur et à mesure, pour ne pas oublier chemin faisant les informations sélectionnées et leur localisation :
« Je suis obligée d’ouvrir des onglets sinon j’ai déjà oublié l’article que je devais lire, qui était dix lignes plus haut, qui n’est plus finalement dans mon cadre d’ordinateur. Donc, j’ouvre des onglets de tous les trucs que j’ai envie de lire, [en riant] et d’un seul coup je me retrouve avec vingt onglets ouverts. Mais c’est comme ça que je fonctionne, j’ouvre des onglets, pour pas zapper, parce que sinon j’oublie. Or je sais que c’est des choses que j’avais envie de lire, et j’oublie, mon attention elle est de quelques secondes, elle est vraiment très courte. » Entretien avec Céline, 35 ans, productrice musicale.
23En second lieu, le volume des articles est un critère déterminant dans le travail de sélection. Historiquement, la constitution de la page comme unité discrète rend possible une perception immédiate des informations disponibles. Cette opération est souvent impossible sur la presse en ligne : à cause de sa taille réduite, la fenêtre de l’écran impose un scrolling vertical pour visualiser l’intégralité d’un article. En réaction, les lecteurs prêtent une attention accrue aux titres, chapeaux et intertitres pour faire leur choix. Mais les attentes sont souvent déçues, les sites de presse faisant la part belle à une titraille tape-à-l’œil. Pour les gros lecteurs, l’hyperbole semble devenue une loi du genre. Ils font chorus pour affirmer que, quel que soit le support, les titres sont davantage « vendeurs » sur l’édition en ligne que sur l’édition imprimée :
« Alors des fois on se lance dans un texte, et puis on s’aperçoit qu’en fait on en a rien à foutre, parce qu’on ne savait pas ce qu’il y a derrière. Les titres, en plus, bon bah ils valent ce qu’ils valent. Ils sont un peu marketing aussi, il faut le reconnaître, c’est normal.
D’accord, des titres marketing. Donc ils peuvent vous induire en erreur, ou survendre une information ?
Ouais, ouais, ouais. Ou ils vendent autre chose à quelqu’un d’autre que ça intéressera, mais pas… Bon ben, moi, il faut que je déroule quatre écrans, pour me dire [imitant] pfff, pfff, j’en avais rien à cirer ! » Entretien avec Georges, 60 ans, retraité.
24Dans cette mêlée, les alertes, les newsletters ou les flux RSS ne sont pas d’un grand secours. Ils sont le symbole d’une sélectivité accomplie, au sens où ils permettent une veille systématique indexée sur les préoccupations personnelles ou professionnelles. Mais cette vision utilitariste occulte leur potentiel invasif voire intrusif. En effet, parmi les enquêtés ayant programmé des alertes, nombre d’entre eux se sont rapidement ravisés, devant le rythme effréné des envois. De même, trois lecteurs reçoivent des alertes ou des newsletters qu’ils n’ont jamais demandées. Leur pouvoir de sélection a été neutralisé, à la faveur de la complexité sinon de l’opacité du dispositif technique.
La lecture d’écran au détriment de la compréhension
25La lecture des informations sélectionnées se heurte à la matérialité du support. Tout d’abord, en termes d’ergonomie, le micro-ordinateur et sa « quincaillerie37 » (écran, clavier, pavé tactile ou souris, tour, branchements) font obstacle au confort de lecture. L’usage d’un écran vertical « d’abord associé à une lecture fonctionnelle et utilitaire38 » est propice aux contractions musculaires, en particulier pour les lecteurs intensifs. De surcroît, la luminosité de l’écran et la faible résolution de l’affichage imposent un effort accru dans le déchiffrage visuel des graphèmes. Cet inconvénient affecte la vitesse de lecture, mais aussi la compréhension des textes39. C’est dire que le support technique se rappelle facilement à la conscience des usagers, au risque de freiner leur entrée de plain-pied dans la lecture.
26Puis, les normes de lisibilité constitutives de la culture imprimée font souvent défaut à la lecture d’écran. Telles les conventions de mise en page, elles structurent la production et facilitent la réception des textes. Historiquement, ces « organisateurs textuels40 » ont permis l’automaticité des mécanismes de la lecture, et ainsi son accélération. Or, si le design des interfaces répond à des standards professionnels, la lecture d’écran ne dispose pas encore de normes de lisibilité suffisamment stabilisées et partagées. Dans ce contexte, les lecteurs sont parfois déroutés par la structuration des sites de presse. Le cas échéant, ils doivent procéder par tâtonnements et faire des hypothèses sur leur mode d’emploi, c’est-à-dire sur leurs conventions de lecture.
27Enfin, le mouvement de la lecture d’écran est plus discontinu que linéaire. Au demeurant, le micro-ordinateur permet de superposer plusieurs activités, et, partant, il favorise une lecture entrecoupée par des déplacements de l’attention sur les tâches menées conjointement. Plus spécifiquement, cette discontinuité est causée par l’enchevêtrement entre la manipulation des interfaces, permettant d’agir sur le document et son environnement, et le décodage des textes. Puisque l’espace du texte est la fenêtre et non plus la page, le « fenêtrage » (à savoir le réglage des dimensions et de la coexistence des fenêtres) est une activité inhérente à la lecture d’écran41. Pour Guy, retraité de 63 ans, cet aller-retour constant entre les interfaces et les textes engendre une lecture à éclipses :
« Ça, ça me semble constitutif de ce type de lecture, parce que, on a l’image qui… De toute façon, concrètement, soit on fait défiler… je dirais ligne à ligne avec la petite flèche, soit on fait par pages. Bon. Mais de toute façon ça fait quand même… bon il faut faire défiler, même quand on fait par pages ça fait plusieurs pages, enfin un article un peu conséquent fait plusieurs pages. Et ce geste-là induit que l’œil se promène. L’œil se promène et il ne… On ne fait pas du mot à mot, et à supposer qu’on fasse une lecture mot à mot, on perd, parce que les retours arrière sont quand même moins faciles que sur le papier, et on perd la continuité. » Entretien avec Guy, 63 ans, retraité.
28Ce phénomène est accentué par les sollicitations visuelles qui viennent perturber la lecture, à commencer par les messages publicitaires présentés sous forme d’images fixes ou animées (« En plus, les gens du marketing sont forts maintenant, même sur lemonde.fr il y a des paires de seins qui se traînent, ça clignote, enfin, pfff, pour capter l’attention ils sont forts, on a du mal à se concentrer42 »). De même, les liens hypertexte sont autant de bifurcations possibles, encourageant une lecture discontinue. Ils confrontent les lecteurs à des arbitrages permanents entre le contenu actuel et les informations potentielles.
29Pour huit lecteurs, ces désagréments voire ces nuisances ont une incidence sur la compréhension des informations. Le manque de confort, la perte des repères matériels et visuels, le zigzag permanent entre les interfaces et les textes, les pollutions attentionnelles, les digressions de la lecture hypertexte : ces facteurs conjugués handicapent la construction du sens. Ces enquêtés tendent à associer la lecture d’écran à un survol précipité et superficiel. À l’opposé, la lecture profonde suppose idéalement l’impression des articles, afin de rétablir les repères matériels et visuels, et ainsi de maximiser la compréhension (« J’ai besoin d’imprimer pour mieux imprimer43 »). Pour Guy, lecteur-contributeur régulier sur lemonde.fr et mediapart.fr, la lecture d’écran équivaut à une « peau de banane », au sens où elle s’avère particulièrement propice aux contresens :
« À un moment on s’était posé la question avec mon épouse de ne plus prendre Le Monde papier.
Et malgré tout vous avez maintenu l’abonnement au Monde papier.
Ah bah heureusement oui, mais maintenant je me rends compte heureusement oui, oui. Parce que – alors là on est en plein dans votre affaire – parce que c’est pas la même lecture quoi, sur papier.
Est-ce que vous pourriez m’expliquer ça ?
Oui, oui. Eh ben la lecture sur internet c’est… c’est une peau de banane, c’est un nid à contresens, on lit en diagonale, on lit vite, on repère une idée, une phrase par-ci par-là, mais on ne… travaille pas sur la structure de l’article. Et on papillonne. […]
J’ai l’impression que vous me dites que la lecture est beaucoup plus superficielle…
Ah oui, superficielle, aléatoire, transverse… Et les risques de contresens, et j’en ai fait, je me suis rendu compte que j’ai fait des contresens. » Entretien avec Guy, 63 ans, retraité.
Les liens hypertexte : entre lecture didactique et survol erratique
30Les liens hypertexte rencontrés au cours de la lecture sont autant d’invitations à approfondir les informations et à enrichir ses connaissances. Cette lecture didactique est rendue possible par les ressources documentaires exceptionnelles des sites de presse, et, plus largement, de l’internet. Les enquêtés souscrivent à cette promesse encyclopédique, au sens où ils désignent volontiers la presse en ligne comme un moyen à part entière pour effectuer des recherches, qu’il s’agisse de (re)trouver une information précise ou de se documenter à partir de sources généralistes ou spécialisées. En deçà d’une recherche active, les liens hypertexte autorisent une lecture débridée, consistant à « s’abandonner à la “surprise” des liens44 ». Aussi décousue soit-elle, cette modalité de lecture permet de glaner des informations, mais aussi de découvrir de nouveaux supports ou contenus.
31Le terme de « navigation » s’est imposé pour désigner cette lecture hypertextuelle. Gorgé de significations positives, il met l’accent non pas sur le savoir disponible mais sur « l’action de l’usager comme constructeur de ses propres connaissances45 ». Il véhicule la figure idéalisée du lecteur intrépide, lancé à la conquête des eldorados et des richesses du monde virtuel. Mais ce terme équivaut à bien des égards à une notion-écran, en ce qu’il dissimule les conditions permettant à la lecture hypertextuelle de générer des effets de connaissance, en lieu et place d’un vagabondage erratique et amnésique.
32En effet, elle suppose une capacité à relier entre elles des informations décontextualisées. Le lecteur qui progresse de lien en lien est obligé, à chaque fois, de reconstruire mentalement les éléments contextuels permettant la compréhension des textes. Il doit également s’appuyer sur les indications para-textuelles pour identifier ce qu’il lit, mais aussi pour évaluer la crédibilité des sources d’information et ainsi sélectionner ce qui vaut d’être lu. C’est pourquoi la lecture hypertextuelle s’avère « cognitivement onéreuse46 » : elle exige un effort accru pour produire du sens et de la cohérence, à partir de fragments hétérogènes plus ou moins conformes aux normes du travail journalistique. D’ailleurs, lorsqu’elle n’est pas structurée par une recherche précise ou des centres d’intérêt marqués, elle se ramène à une errance dans un dédale textuel sans fil directeur, impulsée par une curiosité sans objet et perpétuellement insatisfaite (« On peut cliquer sur tout et puis ne plus savoir, très rapidement on ne sait plus du tout pourquoi on est venu ni ce qu’on fait47 »).
33Pour toutes ces raisons, l’approfondissement des informations au moyen des liens hypertexte est davantage le fait des lecteurs les mieux dotés en termes de certification scolaire et de statut socioprofessionnel. Pourtant, ceux-ci ne sont pas épargnés par les inconvénients de la lecture hypertextuelle. Aux effets de dé-contextualisation s’ajoute l’existence de chausse-trappes. Le lecteur tombe parfois dans un « cul-de-sac48 », dont il ne peut se dégager par les commandes de navigation. De même, sa curiosité n’est pas toujours récompensée :
« Est-ce qu’il vous arrive de cliquer sur les liens hypertexte ?
Peu. Je suis souvent déçu. Il y en a tellement. On tombe sur des trucs vraiment folklos quoi, ou des excités, ou des paranos. En fait… Mais ça ne veut pas dire que je ne le fais pas, je suis en quête d’un complément d’information, et je tombe sur ce que je viens de vous décrire, qui me déçoit. Donc peu, peu. Parce que, dans le panier de fruits qui est proposé derrière le lien hypertexte, il y a plein de trucs qui n’ont rien à voir. » Entretien avec Georges, 60 ans, retraité.
De l’imprimé à l’écran : la transposition des conventions de lecture
34La génération et la consolidation des pratiques de lecture supposent (toujours plus ou moins) une adéquation entre la structure de l’offre et l’horizon d’attente des lecteurs. Ceux-ci trouvent des satisfactions dans la consommation de la presse en ligne. À commencer par les amateurs de la presse quotidienne, passés de l’édition imprimée à l’édition en ligne de leurs supports favoris. Ils sont séduits par la continuité voire le mimétisme entre les deux versions (« Si j’y vais, c’est que la maquette me parle tout de suite49 »). Cette continuité leur procure un sentiment de familiarité et leur permet de trouver plus facilement leurs repères. D’ailleurs, elle est entretenue par les supports établis, qui prennent soin de réaffirmer leur identité sinon leur singularité : « Chaque page d’un site de presse révèle l’essence d’un journal “originel” qui fait entendre sa voix. […] Dans la presse en ligne, on observe une surenchère du “moi” du journal, qui est censée rassurer le lecteur sur la capacité, le droit du site à informer50. »
35Cependant, pour plus de la moitié des lecteurs interviewés, l’expérience de lecture est propice à des perturbations, tant dans la manipulation des interfaces que dans le décodage des textes. Il est important de noter que ces accrocs voire ces difficultés sont davantage accusés parmi les gros lecteurs. Puisque ceux-ci se composent majoritairement de personnes âgées, il serait tentant d’invoquer une fracture générationnelle et partant un défaut d’acculturation technique (« C’est pas de nos âges, ça51 ! »). Pourtant, les gros lecteurs possèdent des compétences techniques suffisantes pour s’engager dans une pratique intensive, et, pour certains, dans une production amateur. En revanche, on peut faire l’hypothèse que leurs difficultés proviennent, dans une large mesure, d’un défaut d’actualisation des conventions de lecture.
36Les gros lecteurs de journaux en ligne partagent tous, sans exception, un goût prononcé voire un attachement affectif pour la presse imprimée. Cette appétence se manifeste à la fois dans la consommation sur une longue période d’un ou de plusieurs quotidiens, et dans les significations d’usage : ils tendent à attribuer à la presse traditionnelle un rôle significatif dans leur trajectoire scolaire et professionnelle, mais aussi dans leur exercice de la citoyenneté et leurs prises de position. À l’évidence, cette familiarité avec la culture imprimée est une ressource pour s’approprier les informations en ligne. Mais elle suppose l’intériorisation de conventions de lecture étroitement liées à la matérialité du support, et potentiellement en décalage avec celles en vigueur sur l’internet. En effet, l’usage des nouvelles technologies ne se constitue pas ex nihilo mais « se greffe sur le passé52 », en référence à des techniques et des pratiques préexistantes. Dans ce sens, les gros lecteurs sont les plus disposés à projeter sur les sites de presse des cadres d’usage hérités de la culture imprimée, et pouvant s’avérer contre-intuitifs. C’est pourquoi ils sont d’autant plus sensibles à la perte des repères matériels et visuels, et d’autant plus désorientés par le caractère fondamentalement discontinu de la lecture d’écran, la structure foisonnante des interfaces ou l’organisation de la matière textuelle.
37C’est le cas notamment pour Aurore, enseignante de 54 ans. Cette lectrice régulière du monde.fr et d’ouest-france.fr fait preuve d’une bonne volonté culturelle en matière de sites de presse. Mais les journaux en ligne sont, à ses yeux, loin d’égaler la presse traditionnelle en matière d’écriture et de « puissance53 » stylistique, et elle éprouve un véritable vertige devant la lecture hypertextuelle, associée à une régression à l’infini. De même, Christelle, lectrice fidèle de Libération, se contente d’une consommation occasionnelle de l’édition en ligne du quotidien : ses compétences textuelles et son plaisir de lire sont contrariés par un mode de présentation jugé uniforme et préjudiciable à la mise en relief des informations. Par contraste, les lecteurs occasionnels insistent volontiers sur l’« espèce de confort complètement délirant54 » procuré par la presse en ligne, qu’il s’agisse de l’accessibilité des contenus, de l’ergonomie des interfaces ou de l’attrait des formats. Par exemple, Mélanie (étudiante de 21 ans) préfère le journal télévisé à la presse écrite (« La télé on a juste à écouter, alors que la presse je suis obligée de la lire, c’est un effort ça ») ; pourtant, elle consomme de temps en temps metrofrance.com et ouest-france.fr, dont elle apprécie le contenu et le design :
« Moi je trouve que pour mon âge, c’est bien. Le journal [metrofrance.com] me correspond, en fait. […] La forme est intéressante, c’est très illustré, enfin c’est tape-à-l’œil, c’est ce qui est susceptible de nous intéresser le plus. […] Par exemple en période de Noël, ils ont les pages cadeaux. Il y a des petits trucs comme ça, je trouve que… Enfin ça m’intéresse tout de suite quand je vais voir, parce que sur la une, on voit tout de suite “page 9” plein de choses. Enfin c’est vraiment… ça fait comme sur le portable quand j’ai mon application, c’est pareil sauf que je l’ai en journal. Et… je trouve que les premières pages c’est pour la grosse actualité, et après c’est des petits articles qui sont susceptibles de m’intéresser, comme sur la musique ou tel livre ou telle affiche cinéma, enfin je trouve que c’est bien. » Entretien avec Mélanie, 21 ans, étudiante.
38Ainsi, la lecture d’écran ne se réduit ni aux propriétés sociodémographiques ni aux savoir-faire techniques des acteurs sociaux : elle dépend également des « itinéraires de lecteurs55 » à l’intérieur d’un continuum textuel extrêmement vaste, et, en particulier, du degré de familiarité avec la culture imprimée. Ce paramètre explique en grande partie les écarts observés dans l’expérience de lecture, entre d’un côté les consommateurs intensifs, à commencer par les membres des professions intellectuelles dont la pratique est adossée à des motivations et des compétences liées au métier exercé, et de l’autre les consommateurs opportunistes. Les premiers tendent à mobiliser en ligne des compétences et des conventions de lecture acquises hors ligne, au prix d’un « sentiment d’étrangeté56 » et de déconvenues répétées. Les seconds entretiennent un rapport nettement plus distant et utilitaire vis-à-vis de la presse écrite, qu’elle soit imprimée ou numérique, et, à ce titre, ils sont moins sensibles aux contraintes et aux modalités de la lecture d’écran.
39Certes, il est compliqué de faire la part des choses entre les difficultés effectives, confirmées par les dispositifs d’enquête expérimentaux57, et l’intériorisation d’une vulgate critique dirigée contre la lecture d’écran58. Contre l’illusion positiviste, on rappellera que l’entretien ne donne pas accès au rapport aux médias et aux supports, mais à « la relation (au compte rendu) de la relation59 », dans une situation énonciative particulière. Cela dit, la consécration de la lecture esthète comme « référentiel intériorisé60 » ou référence normative, tout particulièrement parmi les fractions de la population les plus diplômées et les plus cultivées, ne suffit pas à expliquer leurs difficultés face à la lecture d’écran. En deçà des représentations sociales et de leur performativité, on peut supposer que ces difficultés résident autant, sinon plus, dans des dispositions incorporées, c’est-à-dire dans des schèmes sensori-moteurs mais aussi dans un ensemble préétabli d’attentes et d’anticipations, pouvant se heurter à la structure de l’offre.
La lecture augmentée : nouveaux formats et auto-publication
40Parmi les propriétés distinctives de la presse en ligne, les formats innovants et les dispositifs d’auto-publication reconfigurent potentiellement l’expérience de lecture. Ils véhiculent la promesse d’une lecture augmentée, qu’il s’agisse de la diversité des sources d’information et des stratégies d’écriture, ou du passage du statut de lecteur à celui de contributeur. Dans le corpus étudié, cette promesse n’est pas toujours tenue, au sens où ces innovations font l’objet de réactions contrastées et d’appropriations différenciées. Elles intéressent d’abord et avant tout les lecteurs les mieux dotés en termes de ressources scolaires et culturelles, mais aussi les plus politisés. Le cas échéant, elles permettent de consolider le contrat de lecture61. On entend par là le lien établi entre un support et ses lecteurs, au moyen d’une structure énonciative à la fois distinctive et attrayante.
Le multimédia : une ressource à double tranchant
41Les sites de presse sont le foyer d’une évolution des « formats » journalistiques, entendus comme « un ensemble de conventions concernant les formes de l’information et qui sont spécifiques aux différents supports médiatiques62 ». Ainsi, le multimédia permet la coexistence voire l’intégration de contenus relevant de régimes sémiotiques distincts (texte, son, image, vidéo). Parmi les enquêtés, cette ressource est utilisée en priorité dans le cadre des pratiques de loisir, qu’il s’agisse de visionner des séquences sportives, de regarder des démos relatives au design ou à l’automobile, ou encore de partager des contenus humoristiques.
42Pour une minorité d’entre eux, les contenus vidéo appartenant au régime du « témoignage63 » nourrissent également un intérêt pour l’actualité politique, économique ou sociale. Ces vidéos tournées par des amateurs rompent avec les normes du journalisme traditionnel, pour proposer un récit à la première personne ayant vocation à dénoncer une situation préjudiciable. Elles permettent de se projeter au cœur de l’événement, tant par la puissance évocatrice de l’image que par le caractère incarné du récit. En outre, elles font entendre le point de vue des groupes sociaux subalternes, traditionnellement relégués à la marge de l’espace public ou enfermés dans des régimes de visibilité dépréciatifs. Ce mode énonciatif séduit tout particulièrement les lecteurs les plus politisés et les plus enclins à dénoncer le conformisme en vigueur dans les médias grand public, à l’instar de Didier. Ce sympathisant d’extrême gauche valorise les témoignages vidéo à teneur politique ou idéologique, produits par des amateurs et diffusés sur les agrégateurs youtube.com ou dailymotion.com, au motif qu’ils sont délestés de toute médiation journalistique, et, à ce titre, « beaucoup plus près de la vérité64 ».
43Hormis lorsque leur activation répond à des motivations précises, les contenus vidéo ne sont guère perçus comme un moyen d’enrichir les pratiques informationnelles. D’un côté, leur usage est tributaire des performances techniques de la bande passante et des terminaux utilisés, et souvent gâché par la mauvaise qualité du son ou de l’image. De l’autre, les lecteurs se disent facilement découragés par leur déroulement linéaire ou leur durée excessive. Ce qui revient à mettre en cause le mode de lecture lui-même : en passant du texte écrit au récit audiovisuel, le lecteur troque la liberté de « manipuler les données à discrétion65 » contre l’ordre séquentiel du récit et la cadence imposée par l’auteur. Enfin, le manque d’intérêt pour les contenus vidéo réside dans leur faible valeur informative : soit ils sont redondants par rapport aux contenus textuels, soit ils sont indexés sur une « visée de captation66 », au profit du sensationnalisme et de l’info-divertissement. Dans ce dernier cas, leur présence peut porter préjudice au contrat de lecture proposé par les supports établis. Lectrice régulière passée de l’édition imprimée à l’édition en ligne d’Ouest-France, Aurore interprète une vidéo humoristique intitulée « Écoute la chef ! », mettant en scène un ancien chef d’État et sa conjointe, comme une négation de l’identité du support et de sa vocation informative :
« Bon, il y a des vidéos sur le site d’Ouest-France. Et hier, je suis tombée sur une vidéo sur Chirac, et c’était très amusant parce que Chirac, il se fait réprimander par sa femme. Et c’est vrai que c’est marrant, quoi, à regarder. Mais je suis… […] J’étais sidérée en fait de voir ça sur le site d’Ouest-France, quoi. Je me suis dit, eux aussi ils s’y mettent, quoi. Ca fait penser à Canal +, ça fait penser au zapping de Canal +, quoi, c’est marrant, quoi. J’étais surprise. Ah, j’ai oublié de parler de la vidéo sur les sites internet. Je trouve que c’est… ben, pfff, les vidéos sur internet, c’est un peu ça, quoi, c’est très anecdotique, ça doit faire rigoler, c’est… […] C’est des trucs comme ça, quoi, en gros, c’est ça. C’est pas de l’info, ça. D’ailleurs, j’y vais rarement. La preuve, j’avais même pas vu qu’il y en avait sur le site d’Ouest-France. » Entretien avec Aurore, 54 ans, enseignante.
Les blogs : une extension du contrat de lecture
44Parmi les évolutions les plus emblématiques du genre informatif, les blogs tenus par des journalistes ou des spécialistes viennent compléter le travail de la rédaction. Ils se distinguent par une liberté accrue dans la sélection des informations et les modes énonciatifs, à la faveur de leur position médiane entre une publication hébergée par la rédaction et un travail d’écriture personnalisé. Dans le corpus étudié, jusqu’à six lecteurs (Cyril, Didier, Georges, Ghislain, Guy, Tristan) consultent régulièrement les blogs consacrés à l’actualité politique, économique ou sociale. Ils appartiennent aux catégories sociales favorisées (à l’exception de Didier) et partagent un goût pour les articles de fond et l’expertise critique, par opposition au rythme frénétique et aux formats réducteurs de l’actualité « chaude ». Ces attentes trouvent satisfaction dans les blogs journalistiques, en vertu de leur temporalité singulière, de leur spécialisation sur un ou plusieurs sujets connexes, et de leurs qualités stylistiques :
« Je regarde pas mal les blogs des journalistes. Parce que c’est des vrais articles de fond, là pour le coup on est plus dans l’actualité, on est sur du fond, et ils ont des plumes assez sympas. Et là, pour le coup, autant les journalistes je pense que leur métier est de plus en plus compliqué, autant au travers de ces blogs ils ont récupéré une liberté en termes d’écriture sur les sujets qui peuvent les intéresser. […] Ce que je trouve intéressant, c’est de pouvoir se raccrocher à du fond, à quelque chose qui explique. Ce qui était, ce qui faisait la qualité de journaux… ce qui fait la différence entre la presse écrite payante et les 20 Minutes, Metro, etc. C’est pas des dépêches AFP qu’on réécrit, c’est… On a une analyse sur le monde, on a une vision, une lecture du monde qui nous est proposée, qu’on aime ou qu’on aime pas, mais qui nous fait réfléchir, qui nous interpelle, qui nous donne matière à réflexion. » Entretien avec Cyril, 32 ans, cadre dans la fonction publique.
45À ce titre, les blogs journalistiques constituent un puissant levier pour consolider le contrat de lecture. À un premier niveau, ils condensent les qualités attendues sinon exigées du travail journalistique. Pour Ghislain, psychologue de 63 ans abonné à mediapart.fr, les blogs tenus par deux membres de la rédaction fonctionnent comme une métonymie de l’identité du support : ils symbolisent « l’esprit mediapart67 », à savoir un journalisme d’investigation et une indépendance revendiquée. De même, Georges (retraité de 60 ans) se rend régulièrement sur une dizaine de blogs hébergés par lemonde.fr, considérés comme un moyen privilégié pour approfondir l’actualité, et, au-delà, enrichir ses connaissances. Cumulant l’expertise et la pédagogie, ils permettent de comprendre les sujets les plus complexes, de déceler leurs enjeux sous-jacents, et ainsi de se faire une opinion, à l’instar du blog Démystifier la finance publié par Georges Ugeux :
« J’ai repéré des blogs, sur lesquels je vais, parce que je sais qu’il y a de grandes chances qu’ils aient traité la question que je me pose, eux-mêmes. Ils sont sur l’actualité, ils ont de la doc, ils ont de l’information, c’est leur job, comme Ugeux. Quoiqu’Ugeux… Enfin, mais, il faut écouter Ugeux, même si au fond c’est un fieffé requin de financier, mais il faut l’écouter parce que techniquement il lâche des trucs.
Sur les traders, ou ce genre de choses…
Oui, sur tous les outils financiers de truandage. Bon. Ugeux il est précieux, il ne s’en rend pas compte, il ouvre la porte de l’arsenal à tous les gens qui ne pensent pas comme lui. Il est bien. Mais ouais, ouais, ouais. Si j’ai un doute, j’attends, et je vais aller voir : qu’est-ce qu’a dit Ugeux ? » Entretien avec Georges, 60 ans, retraité.
46À un degré supérieur, cette écriture personnalisée est propice à l’instauration d’un lien étroit entre les blogueurs et leurs lecteurs. Celui-ci se manifeste par la connaissance nominative des journalistes ou des spécialistes, le suivi régulier voire assidu de leurs billets, l’identification de leurs idées et la valeur attribuée à ces mêmes idées. Il peut aller jusqu’à une correspondance, qu’il s’agisse d’échanges questions-réponses, de commentaires faisant suite à un article ou de messages de soutien en réaction aux critiques :
« Est-ce que vous faites une différence entre le fait de lire un article d’un journaliste du monde.fr, et le fait d’aller lire son blog ?
Ouais, ouais. Ouais, ouais. Il y a une espèce de familiarité, d’intuitu personae, qui s’est établie avec ces gens-là, en accord ou en désaccord avec eux, peu importe. Il y a un lien de confiance qui s’est établi, et qui est quasi… qui est quasi humain, au-delà des électrons qui les véhiculent. Le journal, il y a un peu de ça, mais c’est plus impersonnel. […] D’ailleurs ils font chier, [en riant] j’aimerais bien de temps en temps qu’ils me répondent, eux.
Vous leur laissez des…
Non. Si, quelquefois, dans une réaction, un encouragement : [imitant] “chapeau votre truc”, “bien l’information”. Oui. Ouais. Oui, oui.
Vous leur donnez des gratifications ?
De l’encouragement. Parce que quand je vois la marée d’injures qui débarque, il y a des moments, je me dis mais merde, c’est pas possible, on va pas les laisser tout seuls se prendre des claques quoi, alors on y va ! » Entretien avec Georges, 60 ans, retraité.
47Ce témoignage est emblématique de l’aspiration des lecteurs les plus fidèles à gommer les différences statutaires pour établir une relation de proximité avec les journalistes. Certes, l’intégration des lecteurs dans les journaux en ligne est tempérée par un rappel du sens des places, tant par la segmentation de l’espace et partant des positions discursives que par des recadrages explicites68. Néanmoins, cette relation davantage symétrique est encouragée par la structure énonciative des blogs, mais aussi par la possibilité donnée aux lecteurs de correspondre avec les journalistes, et au-delà de s’engager dans une production amateur.
Réagir, relayer, produire : la lecture interactive
48La lecture de la presse en ligne recouvre la possibilité d’intervenir à des degrés divers dans le débat public, en vertu des dispositifs de diffusion horizontale et d’auto-publication69. Ce qui suppose d’interroger la lecture interactive, qu’il s’agisse de lire les commentaires faisant suite aux articles, de relayer une information auprès de son entourage, ou de commenter voire de produire soi-même les contenus d’actualité.
49En premier lieu, les lecteurs font chorus pour fustiger les réactions publiées dans la continuité des articles. Ils réduisent l’explosion de la parole ordinaire à un bavardage stérile, oscillant entre « bureau des pleurs » et « foire d’empoigne ». Pourtant, les lecteurs sont souvent tentés de lire les derniers commentaires. Non seulement ceux-ci ont une fonction récréative, mais en outre ils donnent à voir les humeurs collectives, et au-delà la structuration du débat public. En effet, quatre lecteurs (Christelle, Georges, Tristan, Guy) tendent à faire un usage cultivé de cette parole dépréciée. Ils s’appuient sur la fréquence et le contenu des commentaires pour repérer les sujets les plus conflictuels, identifier les lignes de fracture entre les participants, et extrapoler le rapport de force entre les points de vue :
« Je me suis rendu compte que c’était de l’ordre de ce que je n’arrête pas de dénoncer, l’agitation, le superficiel, l’écume des choses. […] Cela dit, j’aime bien prendre la température des choses, et les réactions des lecteurs qui sont abonnés, ça donne un portrait quand même du lectorat, et un portait peut-être du monde, des gens qui m’entourent, que je trouve symptomatique parfois.
Comme une sorte de révélateur de l’état du débat…
Oui, d’un état de la société. Alors c’est toujours caricatural, excessif, mais c’est aussi pour ça que je regarde les réactions. Et d’ailleurs, souvent, j’ai senti des évolutions poindre dans les représentations mentales à travers ça. Par exemple la jonction entre les républicains purs et durs pro-laïcité, dont je me sens un peu faire partie, et les idées d’extrême droite, je l’ai sentie arriver avant que ce soit explicitement dit. » Entretien avec Tristan, 51 ans, enseignant.
50En deuxième lieu, quatorze lecteurs relayent des contenus d’actualité. Pour l’essentiel, il s’agit de mails adressés à titre personnel à des liens familiaux ou amicaux. Seuls quatre enquêtés privilégient les envois collectifs sur les listes de diffusion ou les réseaux sociaux. Le partage répond à trois motivations. D’abord, il est un moyen d’entretenir les sociabilités et de réaffirmer la force du lien, suivant une visée affective. Le transfert de contenus humoristiques ou d’informations censées intéresser le destinataire équivaut à une marque d’attention, ou un « petit clin d’œil70 ». Ensuite, il s’agit de sensibiliser autrui sur les problèmes actuels. Cette visée conative concerne les informations d’intérêt général, et, plus encore, les préoccupations des groupes professionnels, à commencer par les enseignants. Dans ce sens, relayer une actualité politique, économique ou sociale, c’est manifester une communauté de valeurs mais aussi d’intérêts. Enfin, le partage répond à une fonction promotionnelle. Il s’agit soit des amateurs ou des professionnels qui souhaitent plébisciter un événement culturel, soit des contributeurs désireux de valoriser leur travail d’écriture auprès de leur réseau relationnel.
51En troisième lieu, huit lecteurs interviennent à titre personnel sur les sites de presse, par des commentaires ou (à un degré supérieur) par la rédaction d’articles ou de blogs citoyens. Ils se recrutent parmi les catégories sociales favorisées, ou parmi les enquêtés les plus politisés ou les plus investis dans une pratique culturelle. Les contributeurs les plus actifs possèdent également un budget-temps élevé et un rapport familier à l’écriture71. Manifestement, cette tribune d’expression consolide leur attachement au support sur lequel ils interviennent, ainsi que leur sentiment d’appartenir à une communauté de lecteurs mais aussi de valeurs. Ce sentiment est d’autant plus vif qu’ils ne peuvent pas ou peu partager leur intérêt pour le débat public avec leur entourage proche. Dès lors, ils trouvent dans la presse en ligne une médiation idéale pour recruter des interlocuteurs, voire, pour les inactifs, une instance de socialisation :
« Alors moi, c’est pour ça aussi que je suis sur le Web, enfin surtout là, je le trouve plus sur mediapart, c’est… c’est de se retrouver quelque part. Moi, une fois que j’ai arrêté la pratique professionnelle, et puis je suis venu habiter à Paris pour tout un tas de raisons, et c’est vrai que je n’étais plus… J’ai l’impression d’être quelque part. Et que même si, bon je produis ce que je produis, pas beaucoup et tout, mais je suis dans un mouvement. Je suis… Sur [la loi] LOPPSI 2 c’était net ça. J’étais… j’ai un mouvement avec d’autres, bon qui étaient sur [la loi] HADOPI et tout ça, je n’avais pas trop suivi leur mouvement, leurs critiques, mais enfin j’avais un peu suivi, et bah dans LOPPSI 2 on s’est effectivement retrouvés, avec des gens comme ça.
Oui, il y a des connexions…
Qui se font, donc c’est ça qui donne un peu l’impression d’être quelque part. » Entretien avec Guy, 63 ans, retraité.
52Le contenu et les modalités de cette production amateur varient en fonction des motivations de ses auteurs. D’un côté, les chroniques de Cyril sur lepost.fr et celles d’Élodie (vendeuse en librairie de 22 ans) sur madmoizelle.com, à l’écriture personnelle et à la subjectivité assumée, répondent à une visée expressive. Elles leur permettent d’assouvir et de partager un goût voire une passion, respectivement pour la littérature et la bande dessinée. De l’autre, les interventions de Rémy et Tristan dans les fils de discussion du monde.fr, et celles de Soraya sur les forums consacrés aux technologies environnementales, se rattachent essentiellement à leur métier. Celui-ci a valeur de titre à parler pour fournir un témoignage de première main, démentir les contre-vérités et prendre position. Cette rhétorique des métiers confirme l’usage croissant de l’internet dans la circulation des savoirs professionnels et la mise en récit des collectifs de travail72. Enfin, les contributions à vocation citoyenne, notamment sur lemonde.fr et mediapart.fr, se détachent des préoccupations particulières au profit des informations d’intérêt général. Elles s’échelonnent de la réaction à chaud sur un large éventail de sujets, mêlant argumentation rationnelle et décharge émotive (Didier et Georges), à un travail de fond distancié et rigoureux sur des thématiques ciblées (Guy).
53Les contributions se distinguent par les sujets traités mais aussi par les stratégies d’écriture. Les auteurs sont quasi-unanimes pour ériger le journalisme comme une référence normative. Mais leurs manières d’écrire sont étroitement liées à leur position dans la structure sociale. Les contributeurs qui appartiennent aux classes populaires privilégient les formats les plus accessibles, qu’il s’agisse de l’écriture parlée (Élodie) ou des contenus vidéo (Didier). À l’opposé, les membres des professions intellectuelles prêtent une attention particulière à la puissance argumentative (Georges, Guy, Tristan) de leurs écrits. Entre ces deux pôles, Cyril se concentre sur la recherche stylistique, et mise notamment sur l’allégorie ou l’humour pour engager une réflexion en évitant le pensum. En somme, la plasticité des formes d’écriture, tant dans le travail journalistique que dans la production amateur, enrichit de façon substantielle l’expérience de lecture.
Conclusion
54La montée en puissance de la presse en ligne dans l’ensemble des pratiques informationnelles suppose et impose de questionner la matérialité du support et ses implications73. En effet, les propriétés matérielles et techniques de l’internet, et par extension des nouveaux écrans, sont loin d’être neutres dans le rapport à l’information. D’une part, elles reconfigurent en profondeur les conditions de production et de circulation des nouvelles, à commencer par une réactivité accrue et la coexistence de temporalités multiples74. Cette évolution bouscule le contrat de lecture proposé par chaque titre de presse, en termes de modèle éditorial, de structure énonciative, et indissociablement de traitement journalistique. D’autre part, elles redéfinissent les régimes d’appropriation, et, plus spécifiquement, les modes de lecture des supports et des contenus d’actualité. Certes, les lecteurs interviewés tendent à transposer en ligne certaines habitudes de consommation préexistantes, c’est-à-dire à privilégier sur l’internet les supports fréquentés de longue date. Mais cette relative continuité s’agissant des supports consommés ne signifie pas, pour autant, que le contenu et au-delà les modalités de la lecture sont nécessairement les mêmes.
55L’internet représente un terrain propice pour la lecture extensive, inscrite dans un mouvement d’accélération séculaire, mais renforcée par le maillage de documents hétérogènes à la faveur des liens hypertexte et des modes de navigation75. Dans le même temps, les sites de presse sont le foyer d’une lecture augmentée, qu’il s’agisse de l’accessibilité des ressources en ligne, de la diversité des sources d’information et des formats journalistiques, de la possibilité d’approfondir tous les sujets ou d’intervenir dans le débat public. En particulier, les gros lecteurs de la presse imprimée trouvent dans les journaux en ligne les plus innovants ou les plus politisés une bouffée d’oxygène, dans un paysage médiatique jugé uniforme et aseptisé. Ces qualités attribuées aux sites de presse font écho aux satisfactions relevées par les travaux anglo-saxons inscrits dans la tradition des usages et gratifications76. Encore faut-il maîtriser les compétences et les conventions de lecture projetées dans les interfaces et les textes électroniques. Le passage d’une lecture linéaire à une lecture multidimensionnelle ne va pas de soi, dans la mesure où il « suppose de se déprendre des habitudes acquises77 ». Les témoignages obtenus confirment l’existence de continuités, mais aussi de ruptures, entre les cadres d’usage hérités de la culture imprimée et ceux construits pour et par les nouveaux écrans. C’est dire que l’appropriation des informations en ligne dépend autant des propriétés sociodémographiques des internautes, que des manières de lire intériorisées au contact de la presse traditionnelle et mises à l’épreuve par l’innovation technique.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Cette bibliographie a été enrichie de toutes les références bibliographiques automatiquement générées par Bilbo en utilisant Crossref.
Bibliographie
Baccino T., La lecture électronique, Grenoble, PUG, coll. « Sciences et Technologies de la Connaissance », 2004.
Bélisle C. (coord.), La lecture numérique : réalités, enjeux et perspectives, Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, coll. « Référence », 2004.
10.4000/books.pressesenssib.1081 :Bélisle C. (dir.), Lire dans un monde numérique, Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, coll. « Papiers », 2011.
10.3406/reso.1993.3621 :BoullierD., « Les styles de relation à la télévision », Réseaux, no 32, 1988, p. 9-44.
Canu R., Datchary C., « Journalistes et lecteurs-contributeurs sur Mediapart. Des rôles négociés », Réseaux, no 160-161, 2010, p. 195-223.
Charaudeau P., Le discours d’information médiatique. La construction du miroir social, Paris, Nathan, coll. « Médias et recherches », 1997.
Chartier R., « Du livre au lire », R. Chartier (dir.), Pratiques de la lecture, Paris, Éditions Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 1993 (1re éd. 1985), p. 79-113.
Chartier R., « Lecteurs et lectures à l’âge de la textualité électronique », G. Origgi, A. Arikha (dir.), Text-e. Le texte à l’heure de l’Internet, Paris, BPI, coll. « Études et recherche », 2003, p. 17-50.
Convert B., Demailly L., Les groupes professionnels et l’internet, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques sociales », 2007.
10.3917/res.160.0101 :Dagiral E., Parasie S., « Vidéo à la une ! L’innovation dans les formats de la presse en ligne », Réseaux, no 160-161, 2010, p. 101-132.
10.3917/res.160.0013 :Dagiral E., Parasie S., « Presse en ligne : où en est la recherche ? », Réseaux, no 160-161, 2010, p. 13-42.
Debras S., Lectrices au quotidien. Femmes et presse quotidienne : la dissension, Paris, L’Harmattan, coll. « Communication et civilisation », 2003.
10.3917/cule.095.0001 :Donnat O., Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique. Enquête 2008, Paris, ministère de la Culture et de la Communication / La Découverte, 2009.
Eco U., Lector in fabula. Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs, Paris, Éditions Grasset & Fasquelle, coll. « Biblio essais », 1985 (1re éd. 1979).
10.3917/res.143.0017 :Figeac J., « La configuration des pratiques d’information selon la logique des situations », Réseaux, no 143, 2007, p. 17-44.
Ghitalla F., Boullier D., Gkouskou-Giannakou P., Le Douarin L., Neau A., L’outre-lecture. Manipuler, (s’)approprier, interpréter le Web, Paris, BPI/Centre Pompidou, coll. « Études et recherche », 2003.
Granjon F., « Une approche critique de la fracture numérique. Champ de l’Internet, pratiques télématiques et classes populaires », M@rsouin, no 1, 2005, p. 1-10.
Granjon F., Le Foulgoc A., « Les usages sociaux de l’actualité. L’expérience médiatique des publics internautes », Réseaux, no 160-161, 2010, p. 225-253.
10.3917/res.170.0017 :Granjon F., Le Foulgoc A., « Penser les usages sociaux de l’actualité », Réseaux, no 170, 2011, p. 19-43.
10.3406/colan.2001.3089 :Jeanne-Perrier V., « Média imprimé et média informatisé : le leurre de la complémentarité », Communication et langages, no 129, 2001, p. 49-63.
10.1177/0267323111423375 :Jouët J., Vedel T., Comby J.-B., « Political information and interpersonal conversations in a multimedia environment : a quantitative and qualitative examination of information practices in France », European Journal of Communication, vol. 26, no 4, décembre 2011, p. 361-375.
10.3917/res.170.0045 :Le Hay V., Vedel T., Chanvril F., « Usages des médias et politique : une écologie des pratiques informationnelles », Réseaux, no 170, 2011, p. 45-73.
Mallein P., Toussaint Y., « L’intégration sociale des technologies d’information et de communication : une sociologie des usages », Technologies de l’information et société, no 4, vol. 6, 1994, p. 315-335.
Mauger G., Poliak C., Pudal B., Histoires de lecteurs, Paris, Nathan, coll. « Essais et recherches », 1999.
Patino B., « Transmettre, réagir, se souvenir : le journalisme sur l’Internet », G. Origgi, A. Arikha (dir.), Text-e. Le texte à l’heure de l’Internet, Paris, BPI, coll. « Études et recherche », 2003, p. 105-120.
Poulet B., La fin des journaux et l’avenir de l’information, Paris, Gallimard, coll. « Folio Actuel », 2011, (1re éd. 2009).
Rebillard F., Smyrnaios N., « Les infomédiaires, au cœur de la filière de l’information en ligne. Les cas de Google, Wikio et Paperblog », Réseaux, no 160-161, 2010, p. 163-194.
Rosado E., « Qu’est-ce que lire ? », C. Bélisle (dir.), Lire dans un monde numérique, Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, coll. « Papiers », 2011, p. 67-110.
10.3917/dec.vande.1999.01 :Vandendorpe C., Du papyrus à l’hypertexte. Essai sur les mutations du texte et de la lecture, Paris, La Découverte, coll. « Sciences et société », 1999.
Vedel T., « Les blogs et la politique : la démocratie en kit ? », X. Greffe, N. Sonnac (dir.), Culture Web. Création, contenus, économie numérique, Paris, Éditions Dalloz, 2008, p. 61-77.
Véron E., « L’analyse du “contrat de lecture” : une nouvelle méthode pour les études de positionnement des supports de presse », Les médias : expériences, recherches actuelles, applications, Paris, IREP, 1985, p. 203-229.
Annexe
Annexe
Renseignements sociodémographiques et consommation d’information en ligne


Professions et catégories sociales :
PCS - inférieure ; PCS ~ intermédiaire ; PCS + supérieure.
PCS construites à partir des données suivantes : profession exercée, niveau de revenu, profession des parents.
Notes de bas de page
1 Cette enquête s’inscrit dans une recherche sur les régimes de production et de réception des informations en ligne, menée par les laboratoires CARISM (IFP/université Paris 2) et SENSE (Orange Labs) dans le cadre d’une subvention du ministère de la Culture et de la Communication.
2 Véron E., « L’analyse du “contrat de lecture” : une nouvelle méthode pour les études de positionnement des supports de presse », Les médias : expériences, recherches actuelles, applications, Paris, IREP, 1985, p. 203-229.
3 Dagiral E., Parasie S., « Vidéo à la une ! L’innovation dans les formats de la presse en ligne », Réseaux, no 160-161, 2010, p. 101-132.
4 Voir notamment : Poulet B., La fin des journaux et l’avenir de l’information, Paris, Gallimard, coll. « Folio Actuel », 2011 (1re éd. 2009).
5 Donnat O., Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique. Enquête 2008, Paris, ministère de la Culture et de la Communication / La Découverte, 2009, p. 141-144.
6 Patino B., « Transmettre, réagir, se souvenir : le journalisme sur l’Internet », G. Origgi, A. Arikha (dir.), Text-e. Le texte à l’heure de l’Internet, Paris, BPI, coll. « Études et recherches », 2003, p. 107.
7 Voir le chapitre 5 de cet ouvrage : Ouakrat A., « La consommation d’information en ligne : un cadrage quantitatif ».
8 Dagiral E., Parasie S., « Presse en ligne : où en est la recherche ? », Réseaux, no 160-161, 2010, p. 13-42.
9 Ibid., p. 34-35.
10 Eco U., Lector in fabula. Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs, Paris, Éditions Grasset & Fasquelle, coll. « Biblio essais », 1985 (1re éd. 1979).
11 Bélisle C. (coord.), La lecture numérique : réalités, enjeux et perspectives, Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, coll. « Référence », 2004, p. 153.
12 Donnat O., op. cit., p. 149-151.
13 Voir le chapitre 5 de cet ouvrage : Ouakrat A., « La consommation d’information en ligne : un cadrage quantitatif ».
14 Mallein P., Toussaint Y., « L’intégration sociale des technologies d’information et de communication : une sociologie des usages », Technologies de l’information et société, no 4, vol. 6, 1994, p. 315-335.
15 Chartier R., « Du livre au lire », R. Chartier (dir.), Pratiques de la lecture, Paris, Éditions Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 1993 (1re éd. 1985), p. 79-113 ; Chartier R., « Lecteurs et lectures à l’âge de la textualité électronique », G. Origgi, A. Arikha (dir.), op. cit., p. 17-50.
16 Rebillard F., Smyrnaios N., « Les infomédiaires, au cœur de la filière de l’information en ligne. Les cas de Google, Wikio et Paperblog », Réseaux, no 160-161, 2010, p. 163-194.
17 Entretien avec Céline, 35 ans, productrice musicale.
18 Entretien avec Adrien, 40 ans, directeur de magasin.
19 Entretien avec Élodie, 22 ans, vendeuse en librairie.
20 Entretien avec Aurore, 54 ans, enseignante.
21 Granjon F., Le Foulgoc A., « Les usages sociaux de l’actualité. L’expérience médiatique des publics internautes », Réseaux, no 160-161, 2010, p. 225-253.
22 Entretien avec Céline, 35 ans, productrice musicale.
23 Le Hay V., Vedel T., Chanvril F., « Usages des médias et politique : une écologie des pratiques informationnelles », Réseaux, no 170, 2011, p. 45-73.
24 Jouët J., Vedel T., Comby J.-B., « Political information and interpersonal conversations in a multimedia environment : a quantitative and qualitative examination of information practices in France », European Journal of Communication, vol. 26, no 4, décembre 2011, p. 361-375.
25 Ibid.
26 Granjon F., « Une approche critique de la fracture numérique. Champ de l’Internet, pratiques télématiques et classes populaires », M@rsouin, no 1, 2005, p. 1-10.
27 Le Hay V., Vedel T., Chanvril F., « Usages des médias et politique : une écologie des pratiques informationnelles », art. cit., p. 51.
28 Debras S., Lectrices au quotidien. Femmes et presse quotidienne : la dissension, Paris, L’Harmattan, coll. « Communication et civilisation », 2003.
29 Voir le chapitre 1 de cet ouvrage : Comby J.-B., « L’orientation sociale des goûts en matière d’actualité ».
30 Rosado E., « Qu’est-ce que lire ? », C. Bélisle (dir.), Lire dans un monde numérique, Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, coll. « Papiers », 2011, p. 67-110.
31 Ghitalla F., Boullier D., Gkouskou-Giannakou P., Le Douarin L., Neau A., L’outre-lecture. Manipuler, (s’)approprier, interpréter le Web, Paris, BPI/Centre Pompidou, coll. « Études et recherche », 2003, p. 52.
32 Vandendorpe C., Du papyrus à l’hypertexte. Essai sur les mutations du texte et de la lecture, Paris, La Découverte, coll. « Sciences et société », 1999 ; Ghitalla F., Boullier D., Gkouskou-Giannakou P., Le Douarin L., Neau A., op. cit. ; Baccino T., La lecture électronique, Grenoble, PUG, coll. « Sciences et Technologies de la Connaissance », 2004 ; Bélisle C. (coord.), La lecture numérique : réalités, enjeux et perspectives, op. cit. ; Bélisle C. (dir.), Lire dans un monde numérique, op. cit.
33 Bélisle C. (dir.), Lire dans un monde numérique, op. cit., p. 32.
34 Granjon F., Le Foulgoc A., « Les usages sociaux de l’actualité. L’expérience médiatique des publics internautes », art. cit., p. 237.
35 Figeac J., « La configuration des pratiques d’information selon la logique des situations », Réseaux, no 143, 2007, p. 17-44.
36 Vandendorpe C., op. cit., p. 64.
37 Ibid., p. 174.
38 Bélisle C. (coord.), La lecture numérique : réalités, enjeux et perspectives, op. cit., p. 140.
39 Baccino T., op. cit.
40 Bélisle C. (dir.), Lire dans un monde numérique, op. cit., p. 125.
41 Ghitalla F., Boullier D., Gkouskou-Giannakou P., Le Douarin L., Neau A., op. cit., p. 164-168.
42 Entretien avec Georges, 60 ans, retraité.
43 Entretien avec Christelle, 32 ans, professeure des écoles.
44 Ghitalla F., Boullier D., Gkouskou-Giannakou P., Le Douarin L., Neau A., op. cit., p. 31.
45 Bélisle C. (coord.), La lecture numérique : réalités, enjeux et perspectives, op. cit., p. 166.
46 Vandendorpe C., op. cit., p. 245.
47 Entretien avec Ghislain, 63 ans, psychologue.
48 Entretien avec Guy, 63 ans, retraité.
49 Entretien avec Tristan, 51 ans, enseignant.
50 Jeanne-Perrier V., « Média imprimé et média informatisé : le leurre de la complémentarité », Communication et langages, no 129, 2001, p. 52 et 56.
51 Entretien avec Guy, 63 ans, retraité.
52 Mallein P., Toussaint Y., « L’intégration sociale des technologies d’information et de communication : une sociologie des usages », art. cit., p. 317.
53 Entretien avec Aurore, 54 ans, enseignante.
54 Entretien avec Adrien, 40 ans, directeur de magasin.
55 Mauger G., Poliak C., Pudal B., Histoires de lecteurs, Paris, Nathan, coll. « Essais et recherches », 1999.
56 Rosado E., « Qu’est-ce que lire ? », C. Bélisle (dir.), Lire dans un monde numérique, op. cit., p. 83.
57 Ghitalla F., Boullier D., Gkouskou-Giannakou P., Le Douarin L., Neau A., op. cit. ; Baccino T., op. cit.
58 À l’instar de l’article alarmiste publié en 2008 par l’essayiste Nicholas Carr, dans la revue The Atlantic, sous le titre « Is Google making us stupid ? What the Internet is doing to our brains ».
59 Boullier D., « Les styles de relation à la télévision », Réseaux, no 32, 1988, p. 15.
60 Rosado E., « Qu’est-ce que lire ? », C. Bélisle (dir.), Lire dans un monde numérique, op. cit., p. 90-96.
61 Véron E., « L’analyse du “contrat de lecture” : une nouvelle méthode pour les études de positionnement des supports de presse », art. cit.
62 Dagiral E., Parasie S., « Vidéo à la une ! L’innovation dans les formats de la presse en ligne », art. cit., p. 104.
63 Ibid.
64 Entretien avec Didier, 42 ans, chômeur.
65 Vandendorpe C., op. cit., p. 221.
66 Charaudeau P., Le discours d’information médiatique. La construction du miroir social, Paris, Nathan, coll. « Médias et recherches », 1997, p. 73-80.
67 Entretien avec Ghislain, 63 ans, psychologue.
68 Canu R., Datchary C., « Journalistes et lecteurs-contributeurs sur Mediapart. Des rôles négociés », Réseaux, no 160-161, 2010, p. 195-223.
69 Sur l’auto-publication et le partage en ligne, voir le chapitre 4 de cet ouvrage : Jouët J., Le Caroff C., « L’actualité politique et la participation en ligne ».
70 Entretien avec Christelle, 32 ans, professeure des écoles.
71 Vedel T., « Les blogs et la politique : la démocratie en kit ? », X. Greffe, N. Sonnac (dir.), Culture Web. Création, contenus, économie numérique, Paris, Éditions Dalloz, 2008, p. 61-77.
72 Convert B., Demailly L., Les groupes professionnels et l’internet, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques sociales », 2007.
73 Chartier R., « Du livre au lire », R. Chartier (dir.), Pratiques de la lecture, op. cit. ; Chartier R., « Lecteurs et lectures à l’âge de la textualité électronique », G. Origgi, A. Arikha (dir.), op. cit.
74 Patino B., « Transmettre, réagir, se souvenir : le journalisme sur l’Internet », G. Origgi, A. Arikha (dir.), op. cit.
75 Bélisle C. (dir.), Lire dans un monde numérique, op. cit.
76 Granjon F., Le Foulgoc A., « Penser les usages sociaux de l’actualité », Réseaux, no 170, 2011, p. 19-43.
77 Chartier R., « Lecteurs et lectures à l’âge de la textualité électronique », G. Origgi, A. Arikha (dir.), op. cit., p. 19.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
S'informer à l'ère numérique
Ce livre est cité par
- (2019) Sociologie d'internet. DOI: 10.3917/arco.scart.2019.01.0207
- Smyrnaios, Nikos. Marty, Emmanuel. (2017) Profession « nettoyeur du net ». Réseaux, n° 205. DOI: 10.3917/res.205.0057
- Greffet, Fabienne. Wojcik, Stéphanie. Blanchard, Gersende. (2014) S'engager dans la campagne présidentielle. Politiques de communication, N° 3. DOI: 10.3917/pdc.003.0025
S'informer à l'ère numérique
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
S'informer à l'ère numérique
Vérifiez si votre bibliothèque a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books.
Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque d’acquérir un ou plusieurs livres publiés sur OpenEdition Books. N’hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées : access[at]openedition.org
Vous pouvez également nous indiquer, à l’aide du formulaire suivant, les coordonnées de votre bibliothèque afin que nous la contactions pour lui suggérer l’achat de ce livre. Les champs suivis de (*) sont obligatoires.
Veuillez, s’il vous plaît, remplir tous les champs.
La syntaxe de l’email est incorrecte.
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3