Introduction
p. 17-34
Texte intégral
1Novembre 1999. 50 000 militants d’horizons politiques divers convergent vers Seattle pour protester contre le sommet de l’OMC. Une partie des activistes se répartit en groupes affinitaires et tous optent pour une « diversité des tactiques ». Les affrontements avec la police sont violents, les images des combats de rue font le tour du monde. Les militants s’auto-attribuant la responsabilité de l’échec des négociations de l’OMC, le contre-sommet est rapidement érigé en victoire des manifestants sur la mondialisation. D’autres contre-sommets font suite à celui-ci : contre le FMI, la Banque mondiale, les sommets européens, les G7/G8, les forum économiques de Davos ou l’OMC. Seattle est alors rétrospectivement considéré – par les militants comme par les médias – comme le point de départ de la vague de contestation de ces instances supranationales1.
2Seattle n’est pourtant pas la première mobilisation de militants contre une instance supranationale2. Ce n’est pas non plus la première fois que des associations, des ONG, des syndicats, des organisations de courants politiques différents s’associent autour d’une même revendication3. Les formes d’organisation ont été, elles aussi, un peu trop rapidement qualifiées de novatrices : c’est le cas des « groupes d’affinité » dont l’existence est ancienne dans les courants anarchistes4, mais aussi du concept de « diversité de tactiques ». La proclamation de son prétendu caractère novateur et la systématisation de la contestation des sommets supranationaux vaut au « mouvement de mouvements » d’être baptisé. Le mouvement « antimondialisation » (devenu par la suite « altermondialisation5 ») est né.
3Et avec lui, un nouvel objet de recherche et de nouvelles approches scientifiques. La question de la nouveauté du mouvement altermondialiste est une des dissensions qui clivent ces différents courants : l’approche du « surgissement de l’inédit » fait face à celle de l’analyse généalogique du mouvement6. Comme le rappelle Annie Collovald, « le thème de la nouveauté est lui-même très ancien »7, et cette dispute entre tenants de la nouveauté et ses contradicteurs rappelle fortement celle qu’alimenta le concept de « Nouveaux Mouvement Sociaux8 ». Toujours est-il que l’approche généalogique de l’altermondialisation se penche sur l’objet en tenant compte de ses racines politiques. Certains chercheurs s’intéressent, par exemple, aux contestations des sommets des G7 (1985 en Allemagne, 1996 en France, etc.)9 qui ont été organisées avant le contre-sommet de Seattle (1999), mais aussi avant la création d’ATTAC en France (1998). D’autres s’interrogent sur les similitudes des événements altermondialistes et des concerts organisés pour l’annulation de la dette du tiers-monde en 198910 ; d’autres encore voient dans les grèves de 1995, en France, les germes de la contestation de la mondialisation néolibérale11.
4Au-delà des mobilisations, l’héritage de mouvements sociaux antérieurs est lui aussi mis en avant par les tenants d’une approche généalogique qui y voient des phénomènes de rémanence, c’est-à-dire de réveil de structures militantes dormantes12. C’est le cas notamment des « nouveaux mouvements sociaux » (NMS ci-après) des années 1970-198013, mais aussi, par exemple, du mouvement de grèves de l’hiver 1995 pour le cas français. Ces héritages ne signifient pas uniquement transfert d’idées, de revendications, de répertoires d’action, mais aussi des transferts de militants dont les parcours viennent converger dans l’altermondialisation.
Étudier les altermondialistes : une sociologie de l’infiniment petit
5Notre démarche s’inscrit dans le cadre de ces études de type généalogique. Elle montre les continuités qui existent entre l’altermondialisation et les configurations organisationnelles antérieures. Profitant de l’apport évident de l’approche généalogique, nous prenons garde toutefois d’éviter le danger qui lui est inhérent : celui de la dérive vers une interprétation ex-post, c’est-à-dire le risque d’attribuer rétrospectivement et à tort un sens, ou certaines caractéristiques, à un événement.
6Les analyses généalogiques du mouvement altermondialiste ont pour l’instant surtout été menées pour retracer des filiations collectives et organisationnelles. Elles restent peu développées lorsqu’il s’agit de reconstituer des trajectoires militantes individuelles. C’est cette lacune que nous espérons combler en nous intéressant aux parcours d’individus qui permettent de suivre ces continuités militantes au niveau microsociologique. Olivier Fillieule et Philippe Blanchard se sont prêtés à cet exercice en utilisant une étude quantitative menée lors du Forum social européen de Paris, en 200314. Si un pan de notre matériau est lui aussi quantitatif, l’essentiel de nos reconstitutions de trajectoires repose toutefois sur des données qualitatives : des entretiens semi-directifs qui sont complétés par de l’observation participante lors de réunions et de mobilisations. L’observation des usages corporels, des discours, de la convivialité au sein des groupes, de la gestion et de l’exploitation des émotions sont ici essentielles pour comprendre, « c’est-à-dire expliquer complètement ce que les statistiques ne font que constater »15.
7En suivant dix-huit militants pendant cinq ans, nous avons fait le choix d’un niveau d’analyse, celui de la sociologie de l’infiniment petit. Un niveau d’analyse dans lequel l’action politique n’est pas une « action sans acteurs », pour reprendre les mots de Melucci16, et où le militant n’est pas un personnage abstrait, objectivé, une « chair à statistiques »17. Cette sociologie de l’infiniment petit prend deux formes dans notre cas : celle de l’étude de militants à l’échelon local d’une part, celle d’individus d’autre part.
8En nous plaçant à l’échelon local du militantisme, nous nous intéressons tout d’abord à un niveau souvent négligé de la sociologie du militantisme. Ces travaux tendent à être considérés comme des « travaux d’appoint, de caractère illustratif »18. Ce niveau local permet pourtant d’une part de se situer à un échelon réellement investi par le militantisme altermondialiste, ce qui paraît d’autant plus pertinent qu’une importante partie des altermondialistes revendiquent un fonctionnement horizontal et décentralisé. D’autre part, l’analyse de cet échelon nous permet de mettre en valeur les singularités locales souvent dissimulées par l’image d’unité et de cohérence volontairement renvoyée par les mouvements eux-mêmes19. Dans le cas du mouvement altermondialiste marqué par une grande diversité des origines militantes de ses participants, l’échelon local combiné à une approche microsociologique permet par exemple d’analyser les moments de crise et les mouvements de militants (spill-over, défections, etc.) en tenant compte des composantes présentes dans chacun des groupes. Nous verrons ainsi que les défections ou les réorientations militantes dépendent fortement des différents parcours des militants.
9Cette sociologie des trajectoires militantes ne veut pas se limiter à son objet – c’est-à-dire les individus – mais se pose en medium pour comprendre des phénomènes plus larges, comme celui de la réorganisation des structures militantes et du champ politique. Notre démarche ne se place pas en opposition aux analyses méso-ou macrosociologiques de l’altermondialisation, mais vise au contraire à les enrichir en examinant au plus près les flux de militants qui entrent et sortent du mouvement, les raisons de leur engagement et de leur défection, et leurs pratiques militantes. Nous faisons l’hypothèse que les entrées en politique et en altermondialisation répondent à des schèmes nationaux qui convergent vers un agenda international commun. Ce passage du national à l’international se fait grâce à une succession de mobilisations investies internationalement (les contre-sommets et les Forum sociaux). Les défections et distanciations du mouvement altermondialiste répondent quant à elles à un rythme similaire en France et en Allemagne et relèvent de causes analogues dans les deux pays : au niveau biographique, l’entrée dans la vie adulte des jeunes que nous avons étudiés marque une coupure dans leur trajectoire militante ; au niveau mésosociologique, l’institutionnalisation grandissante des organisations ATTAC et par conséquent d’une partie du mouvement altermondialiste des deux côtés du Rhin a également fortement influé sur les trajectoires des individus, tout comme les dysfonctionnements des petits groupes affinitaires qui ont mené à leur auto-dissolution.
10L’utilisation des données quantitatives recueillies dans le cadre de ce travail vient ensuite alimenter notre analyse de trajectoires biographiques et militantes : l’analyse statistique de parcours militants objectivés aide à re-situer nos données qualitatives dans un échantillon plus large de la configuration altermondialiste.
Suivre les militants : une étude longitudinale
11Les études longitudinales et diachroniques sont rares, parce qu’elles exigent des moyens d’enquêtes lourds et dispendieux. Dans le sillage du numéro de la Revue française de science politique consacré aux « Devenirs militants20 » et de l’étude longitudinale menée par Anne Muxel sur l’entrée en politique de jeunes âgés de 18 ans en 198621, nous avons opté pour cette dimension et nous portons ici notre attention sur le changement chez les individus observés, sur les fluctuations de leurs trajectoires, autant dans leur vie personnelle que dans leur vie militante. L’analyse longitudinale se trouve ainsi au plus près du « mouvement à l’œuvre », de ses circonvolutions et de ses amplitudes. Elle met en relief l’imbrication de la continuité et de la mobilité dans les choix des militants22. L’étude longitudinale nous permet ainsi d’analyser le vécu militant dans sa longueur : les prédispositions au militantisme, le « passage à l’acte », les fluctuations et la multiplicité de l’engagement, la rétraction ou l’extension de celui-ci23.
12L’étude de trajectoires ne doit pas se résumer au rendu linéaire des carrières militantes (enrôlement, vie militante, défection), mais doit bien constituer une étude dynamique du militantisme dans toute son épaisseur. Elle permet de le confronter à la fois au parcours biographique des individus et au contexte politique. Elle rend également possible l’étude des défections dont les mécanismes restent peu étudiés24 et les stratégies de fidélisation employées par les organisations pour garder leurs militants, en les rétribuant – sinon matériellement, du moins symboliquement25. On ne peut en effet que difficilement approcher le renoncement au militantisme en dehors des études de terrain diachroniques, sauf à éplucher laborieusement les anciens fichiers d’adhérents des organisations et partir à la recherche des militants démissionnaires.
Dans les cuisines de la science… terrain et outils méthodologiques
13Nous avons donc suivi dix-huit trajectoires de jeunes en France et en Allemagne pendant cinq ans, militants d’ATTAC en France ou en Allemagne, d’INKaK, de VAMOS, d’AARRG ! !, de SPEB (Socialisme Par En Bas) ou de Linksruck26. L’essentiel de notre analyse repose sur des entretiens semi-directifs. Le danger de ce matériau est de faire de l’acteur un « idéologue de sa propre vie », comme l’a décrit Pierre Bourdieu dans L’illusion biographique27. Ce travers de l’analyse de récits biographiques ou d’entretiens mène souvent le chercheur à travailler sur des faits remodelés rétrospectivement par les interviewés. Pourtant, cette reconstruction, si elle est identifiée et analysée par le chercheur, ne se réduit pas à un biais méthodologique. Le phénomène de justification et de légitimation effectué par les militants a posteriori peut en effet constituer un objet de recherche de grand intérêt. Nous avons opté pour une approche diachronique : les dix-huit militants ont été interviewés à deux reprises à trois ans d’intervalle. Cette démarche diachronique permet d’interroger les militants sur des événements vécus peu de temps avant l’entretien et de réduire ainsi le risque de recueillir des récits ex-post, c’est-à-dire des récits de vie reconstruits a posteriori, restructurés de manière à donner de la cohérence à une série d’épisodes passés qui étaient en réalité désarticulés28. Ce recours à la reconstruction d’itinéraires est en effet relativement courant dans le rendu des conditions de l’entrée en politique, les militants n’hésitant pas à « justifier » ou « naturaliser » leur engagement, notamment lors de la rédaction de leurs mémoires (pour les plus anciens), comme l’a analysé le numéro de la revue Politix sur l’entrée en politique29.
Enquête exploratoire, enquête quantitative et première série d’entretiens
14L’étude empirique a débuté par une étude quantitative effectuée à un mois d’intervalle à l’été 2002, lors de l’université d’été d’ATTAC en France (Arles) et de la première Sommerakademie d’ATTAC en Allemagne (Marbourg) : 472 réponses ont été ainsi récoltées30. L’étude qualitative a consisté en une première série de dix-huit entretiens longs et semi-directifs à Paris, Berlin et Hambourg (2003). Le choix des groupes au sein du mouvement altermondialiste n’a pas été aisée. Les organisations ne s’affichent pas toujours comme étant « altermondialistes », mais leur participation aux événements du mouvement signe leur adhésion à la mouvance. D’autres organisations s’attribuent au contraire l’étiquette « altermondialiste » sans forcément participer au mouvement. C’est pourquoi, notre sélection des groupes ne s’est pas uniquement réduite à l’auto-attribution du label « altermondialiste » par les organisations, mais a reposé sur leur participation aux événements altermondialistes à l’échelle internationale (contre-sommets, Forum sociaux, etc.) doublée d’une présence active sur le terrain local que nous avons retenu (Paris, Berlin et Hambourg)31.
15Le choix des deux capitales – Paris et Berlin – se justifie en raison de l’activité politique et militante plus importante de ces capitales par rapport aux autres villes de ces pays. La concentration des lieux de décision militants dans les capitales explique que les militants que nous avons interrogés aient été à plusieurs reprises les organisateurs d’événements altermondialistes nationaux et internationaux. Les échelles locales, nationales et internationales sont souvent entremêlées dans ces deux capitales. Les contre-sommets d’Évian et d’Heiligendamm ont par exemple majoritairement été organisés respectivement par les groupes de Paris et Lyon, et ceux de Berlin et Hambourg.
16Ce qui est vrai pour le paysage militant français et la forte centralisation de l’activité militante à Paris32, l’est moins pour l’Allemagne33. Plusieurs auteurs ont toutefois démontré le statut particulier de la capitale allemande dans le paysage militant national, son avant-gardisme et la plus grande radicalité de ses scènes autonome et d’extrême gauche34. Dans un chapitre consacré à l’évolution de la vie militante berlinoise, Dieter Rucht, Barbara Blattert et Dieter Rink montrent comment le Berlin-Ouest insulaire d’avant 1989 a favorisé la floraison de groupes anti-institutionnels et extra-parlementaires, alors que Berlin-Est a certainement davantage permis une certaine forme de militantisme pacifiste et « autonome » que d’autres villes de RDA. Cette base solide de lieux de militantisme a perduré au-delà de l’unification des deux Allemagnes. Et c’est cette unification qui a également retenu notre attention. En choisissant Berlin, nous nous sommes donné la possibilité de rencontrer des militants issus à la fois de l’ancienne RDA, et de la RFA d’avant l’unification. L’observation participante des groupes locaux d’ATTAC-Berlin a d’ailleurs révélé la prégnance toujours actuelle des socialisations politiques des Allemands issus de l’Est ou de l’Ouest. Hambourg constitue elle aussi un haut lieu de militantisme allemand, comme l’a notamment montré Joachim Raschke35, et est particulièrement réputée pour sa mouvance militante « autonome » et radicale. Aussi, nous avons décidé de choisir pour notre échantillon un groupe de la gauche radicale allemande hambourgeoise très impliqué dans le mouvement altermondialiste.
La sélection des militants
17Au sein des groupes et réseaux retenus, le choix des militants s’est ensuite porté sur les membres les plus actifs. Nous avons essuyé quelques refus de militants qui n’ont pas souhaité être interviewés dans les groupes AARRG ! ! et Linksruck, ce qui nous a amenée à interviewer des militants parfois moins « centraux » dans le cas de ces deux groupes. La sélection des activistes n’a pas été guidée par un souci exclusif de parité homme/femme parmi les militants interrogés. La surreprésentation des hommes dans l’échantillon est donc à l’image de leur « sur-présence » aux postes de pouvoir dans les organisations ou de leur plus grande inclination à diriger les réunions, à coordonner l’organisation d’événements ou d’actions36. Ce phénomène de la plus grande assurance des hommes dans le militantisme se retrouve dans l’attitude de deux des militantes interviewées : elles montrent une forme de disempowerment (ou déshabilitation) sous la forme de réticences à accepter les entretiens, au prétexte qu’elles n’avaient « rien d’intéressant à dire ». L’une d’entre elles a d’ailleurs refusé le deuxième entretien, exprimant à nouveau son sentiment d’incompétence ; justification doublée de celle de son manque de temps libre, lié à la difficile conciliation de sa vie familiale et de sa vie professionnelle.
Observation participante et deuxième série d’entretiens
18L’observation participante a été poursuivie jusqu’en 2006, avec une prise de notes ethnographiques systématique. Le groupe INKaK s’étant auto-dissous à deux reprises peu de temps après le début de notre terrain de recherches, il ne nous a été possible d’observer qu’un seul congrès public du groupe et une de leurs fêtes militantes, mais malheureusement aucune de leurs réunions internes. Socialisme Par En Bas (SPEB ci-après) ayant renoncé à ses activités militantes en dehors d’ATTAC en raison de son faible effectif, nous n’avons pas pu observer leurs membres en réunion en dehors des réunions d’ATTAC ou de VAMOS.
19L’observation régulière de l’ensemble des groupes et de leurs listes de diffusion électronique nous a permis de constater une distanciation progressive des militants interviewés en 2003 par rapport à l’altermondialisation. Nous avons donc pris la décision de procéder à une deuxième série d’entretiens avec les mêmes militants (en 2005 et 2006), voyant là l’occasion d’étudier des phénomènes de désaffiliation.
20Enfin, la participation à des groupes et projets de recherche français, allemand et européen nous a engagée dans des enquêtes de terrain complémentaires. C’est principalement le cas de deux études menées avec le CRPS (Paris 1) lors du contre-G8 d’Évian (juin 2003) et du Forum social européen de Paris-Saint-Denis (novembre 2003), ainsi que de l’observation du contre-sommet d’Heiligendamm (2007) avec un groupe de doctorants du Wissenschaftszentrum für Sozialforschung (Berlin). Ces enquêtes ont nourri notre travail de terrain, en approfondissant l’étude de trois événements altermondialistes37.
De l’entrée en politique à la sortie de l’altermondialisation
21Le mouvement altermondialiste a été présenté comme un renouveau du militantisme, son détachement de la politique traditionnelle nationale comme un palliatif à la crise de l’engagement des jeunes. En interrogeant un échantillon de jeunes militants altermondialistes français et allemand sur leur entrée en militantisme puis en altermondialisation, en les suivant dans leur parcours au travers du mouvement altermondialiste, nous questionnons ce renouveau du militantisme.
Première partie
22Dans une première partie, nous étudierons d’abord la composition sociale des échantillons retenus. Nous nous demanderons pourquoi les dix-huit jeunes que nous avons étudiés entrent en politique. Le rejet des partis dans la jeunesse ne semble pas les affecter dans un premier temps, puisque la moitié d’entre eux s’est d’abord tournée vers un parti avant d’envisager une autre forme d’engagement. À l’heure où l’ère des États forts décline et où les réseaux complexes croissent au sein d’une société internationale38, nous nous demanderons si le revirement de ces jeunes en faveur de l’altermondialisation peut s’expliquer par un malaise de la représentation politique nationale. L’étude EUYOUPART39 a en effet montré à quel point la perception de la politique des jeunes en France est avant tout négative40. Ce phénomène de défiance à l’égard des institutions politiques nationales – mais aussi internationales – a également été relevé lors du FSE de Paris-Saint-Denis en 200341. Nous questionnerons ainsi cette distanciation affichée vis-à-vis du cadre politique national et interrogeons le concept éclairant de rooted cosmopolitans, développé par Sidney Tarrow42, désignant des militants à la fois enracinés dans leur cadre national et simultanément engagés dans des réseaux inter-ou transnationaux.
Deuxième partie
23Dans la deuxième partie, nous nous pencherons sur les mouvements altermondialistes français et allemands en montrant leur ancrage dans le cadre politique et militant national. Nous analyserons la façon dont les jeunes dix-huit militants s’insèrent dans ces cadres et choisissent l’organisation dans laquelle ils vont devenir altermondialiste. En analysant l’attrait de ces jeunes pour l’altermondialisation, nous voyons que ce choix s’est en partie construit par opposition à leurs premières expériences politiques et qu’il a été bien davantage motivé par la forme de l’engagement que par les revendications altermondialistes. Le caractère transnational de l’altermondialisation sera lui aussi interrogé et laisse apparaître la prégnance des traits nationaux qui guident la construction des différents mouvements altermondialistes européens. En bref, nous montrons comment et pourquoi les jeunes que nous avons étudiés ont rejoint le mouvement altermondialiste dans des groupes de Paris, Berlin et Hambourg (entre 1998 et 2001) et dans quelle mesure ces trajectoires françaises et allemandes sont marquées par leurs contextes politiques nationaux. Parce que l’analyse de trajectoires individuelles doit être articulée à l’analyse de l’espace de leurs activités sociales43, nous montrerons que le chemin parcouru par ces jeunes militants au sein de l’altermondialisation est totalement dépendant de leurs autres appartenances organisationnelles passées et présentes. Enfin, l’analyse du mode de fonctionnement des groupes étudiés retiendra notre attention, ainsi que celle de leur structure, des pratiques militantes qui y ont cours, des réseaux qui y sont tissés et déployés, et des retombées de ce militantisme sur la vie personnelle des militants.
Troisième partie
24La dernière partie de notre travail posera la question de la résistance et de la persistance du label de « nouveauté » d’un mouvement. Pendant combien de temps de jeunes militants restent-ils « enchantés » par les caractéristiques d’un mouvement, vendues au départ comme étant novatrices ? L’alternance d’engagement public et de repli sur la sphère privée44 des individus est-elle responsable du désintérêt observés chez les militants, trois années après le premier cycle d’entretien ? Nous considérerons l’évolution de leur militantisme et nous tenterons de comprendre pourquoi la plupart des militants que nous avons étudiés se sont éloignés du mouvement altermondialiste (autour de 2004-2005), pour des raisons qui tiennent à la fois à la dynamique de leur biographie, à la vie de leur organisation, à l’évolution du mouvement altermondialiste dans son ensemble et aux changements de configurations militantes et politiques nationales. Le croisement analytique de l’étude des trajectoires militantes et de celle des parcours biographiques des individus permet de tester l’hypothèse d’une alternance de « bonheurs privés et d’action publique » qui expliquerait la vague de défections altermondialistes observée aussi bien en France qu’en Allemagne à l’issue de notre travail de terrain45. L’allusion de certains militants à l’alternance de déceptions et de réenchantements dans leur rapport au politique amène en effet à s’interroger sur un possible phénomène de shifting involvement, c’est-à-dire d’intermittences de l’engagement. Par ailleurs, à un niveau méso-sociologique, nous questionnons l’hypothèse d’un changement des opportunités politiques consécutif au bouleversement du paysage politique et militant dû à l’essor rapide du mouvement altermondialiste. Nous nous interrogeons aussi sur l’institutionnalisation de certains courants altermondialistes qui ne répondent plus, de ce fait, aux attentes d’une partie de leur base militante. Les défections observées ne sont dans ce cas pas forcément des spillout (retrait du militantisme), mais davantage des spillover (reconversion, défection au profit d’un autre engagement militant), c’est-à-dire le basculement vers une autre opportunité militante présentant soudainement davantage d’intérêt46.
Présentation des organisations et réseaux étudiés
AARRG ! !
25Le groupe des Apprentis Agitateurs Réseau Résistance Global (AARRG ! !) a été fondé en janvier 2001 par des étudiants de l’École Normale Supérieure de Fontenay. Ces derniers avaient déjà à leur actif la création et l’animation d’une antenne syndicale de Sud-étudiants dans leur école. Ces militants sont à la recherche de nouveaux modes d’action et conçoivent leur groupe comme un laboratoire militant. Ils se réfèrent volontiers au MRG (Movimento de Resistencia Global), mouvement engagé dans les centres sociaux espagnols ou pour la défense des squats, mais aussi aux britanniques Reclaim the streets (RTS), dont l’activité a consisté en la réappropriation de l’espace public par les citoyens grâce à des actions directes (occupations, street parties, etc.).
26AARRG ! ! se donne alors pour objectifs d’organiser des actions spectaculaires, festives et non-violentes, le plus souvent à l’attention des médias. Ces actions se situent dans le cadre des luttes « pour une autre mondialisation », dans le courant altermondialiste du Pink & Silver Block (festif) et des Tute Bianche italiens (désobéissants). L’action d’AARRG ! ! s’oriente par la suite aussi vers le soutien des luttes des militants précaires. À l’actif des Aarrgonautes, comme ils se nomment eux-mêmes, on peut citer une action lors du Festival de Cannes pour les droits sociaux européens, le détournement d’une publicité d’agence de voyages renommée « deportation airlines » contre l’expulsion des sans-papiers, ou encore l’occupation d’un centre de recherche du génoplante d’Évry contre les OGM.
27Le fonctionnement d’AARRG ! ! se veut horizontal, sans hiérarchie et sans dépôt de statuts et de bureau en préfecture. Le réseau représente un peu plus de cent personnes et est (ou a été) présent à Paris, Marseille, Lyon, Aix, Besançon, Toulouse. Seul le groupe local de Paris nous a intéressée pour notre enquête, c’est-à-dire environ vingt militants actifs auxquels se joignent une autre vingtaine de sympathisants à l’occasion de certaines actions. Après deux ans d’activité, le groupe AARRG ! !-Paris s’est désagrégé mi-2003, suite à des dissensions internes.
ATTAC (France)
28ATTAC a vu le jour en France en juin 1998 à la suite d’un éditorial d’Ignacio Ramonet publié dans le journal Le Monde diplomatique en décembre 1997. L’acronyme ATTAC désignait au départ l’association pour l’Action pour une Taxe Tobin d’Aide aux Citoyens. À partir du moment où la Taxe Tobin est devenue une revendication relégable, l’acronyme a désigné l’Association pour une Taxation des Transactions financières pour l’Aide aux Citoyens. S’auto-définissant comme un mouvement d’éducation populaire, l’association organise des conférences, des réunions publiques et effectue un travail d’expertise. Les militants d’ATTAC sont également très engagés dans les Forum sociaux, qu’ils soient européens ou mondiaux, et participent par ailleurs aux contre-sommets. Une « branche jeune » s’est développée dans les universités sous le nom d’ATTAC-Campus. Certains groupes d’ATTAC tentent de renouveler leur approche du militantisme : un festival de cinéma est organisé tous les ans à Paris, d’autres groupes organisent des festivals notamment autour de questions alimentaires, l’initiative des « Chemins de la découverte » propose, elle, une approche ludique du militantisme à travers l’écriture, le théâtre, les arts plastiques, la musique et le jeu…
29La structure d’ATTAC-France est construite selon un schéma pyramidal. À l’époque de notre enquête, seuls un peu plus d’un tiers du Conseil d’Administration était directement élu par les adhérents. Deux réformes des statuts (2006 puis 2009) ont toutefois changé la donne : en 2006, les responsables élus par les adhérents sont passés de 12 à 24 sur un ensemble de 42 membres du CA (environ 57 %), puis ont atteint 21 membres élus par les adhérents (60 %) sur 35 membres en 2009. Sept « principes de fonctionnement démocratique » ont par ailleurs été adoptés cette année-là47. Ces décisions se posent fort probablament en réponse aux dysfonctionnements internes de l’organisation française qui ont atteint leur paroxysme avec la fraude électorale interne de juin 2006. L’autocratisme des deux premiers présidents a par ailleurs été l’objet de remous dans les rangs des militants d’ATTAC. Depuis, une coprésidence de l’association a été instituée à partir de 2009 (après une première expérience en 2006) grâce à l’article 7.1 des statuts qui permet l’élection par le Conseil d’un président ou de coprésidents.

Diagramme 1 – Évolution des effectifs d’ATTAC en France de 2001 à 201248.
30L’organisation est passée de 27 622 adhérents fin 2001 à 8 818 au 30 novembre 201249. Deux périodes marquent plus particulièrement la crise de croissance de l’organisation : celle du référendum pour le Traité instituant la Communauté Européenne (TCE) – en juin 2005, l’organisation comptait 20 000 membres, seules 5 445 personnes ont adhéré ou réadhéré en juin et décembre – et surtout celle qui a suivi la fraude électorale de 2006 – seules 1 727 personnes ont adhéré à ATTAC entre juin et décembre 2006.
ATTAC (Allemagne)
31Le réseau pour un contrôle démocratique des marchés financiers internationaux (Netzwerk zur demokratischen Kontrolle des internationalen Finanzmärkte) voit le jour en janvier 2000 à Frankfort, à l’initiative d’organisations développementalistes. En novembre 2000, ce réseau prend le nom d’ATTAC50. L’association qui se veut à mi-chemin entre « réseau, ONG et mouvement » attend le contre-sommet de Gênes avant de connaître un fort succès, essentiellement dû à l’importante couverture médiatique dont elle a bénéficié à cette occasion. C’est à la suite de son congrès fédéral d’octobre 2001 que l’association allemande connaît un véritable essor. L’activité d’ATTAC en Allemagne est similaire à celle de son homologue français. Elle consiste essentiellement en des réunions, des conférences, la participation à des Forum sociaux, qu’ils soient locaux, nationaux, européens ou mondiaux, ainsi qu’à des contre-sommets. Certains groupes d’ATTAC tentent de renouveler leur approche du militantisme : un sous-groupe d’ATTAC-Allemagne s’est par exemple spécialisé dans l’organisation d’actions (spectaculaires ou non), d’autres ont ouvert un café militant, un groupe de Berlin a allié conférences et théâtre une fois par mois au GRIPS-Theater…
32Au niveau fédéral, le fonctionnement d’ATTAC est plus horizontal que son homologue français. L’organisation n’a pas de président, mais un cercle de coordination (Koordinierungskreis) et un conseil (ATTAC-Rat), tous deux élus par un autre conseil (Ratschlag) composé par les militants individuels, les organisations, les commissions, les groupes de travail et le conseil scientifique. Le bureau d’ATTAC et son gérant (Büro et Geschäftsführer) n’ont qu’un rôle de « soutien » pour ces instances et pour les actions de l’organisation. Les effectifs d’ATTAC-Allemagne vont croissant : de 5 000 adhrérents fin 2001, l’organisation est passée à 27 500 en octobre 201251.

Diagramme 2 - Évolution des effectifs d’ATTAC en Allemagne de 2001 à 201252.
INKaK
33Institut für nachhaltige Kapitalismuskritik (Institut de critique durable du capitalisme) est un groupe créé à Hambourg à l’occasion du contre-sommet de Prague (2000), au sein de la scène de la gauche radicale et autonome. INKaK participe activement au réseau Action mondiale des peuples53 et est proche des réseaux No Border qui lutte pour la liberté de circulation et contre les politiques de contrôle de l’immigration.
34INKaK a rassemblé une dizaine de personnes. Le groupe s’est défini au départ comme un groupe de discussion, dont les thématiques portaient autour de l’économie mondiale, du capitalisme, des différentes formes de domination, du racisme et de l’élargissement de l’Europe vers l’Est. Une partie importante de leurs acticités intellectuelles a aussi été consacrée à la critique de leurs organisations concurrentes ATTAC et Linksruck. L’activité théorique d’INKaK a culminé avec l’organisation d’un congrès « Local-global » sur le thème de l’altermondialisation en décembre 2001, co-animé avec un groupe de femmes lesbiennes. Parallèlement à ces cercles de discussion, les militants d’INKaK ont participé à des contre-sommets et se sont engagés individuellement dans des actions hambourgeoises : avec banderoles et tracts lors du contre-sommet de Göteborg (2001), avec des cercueils au retour du contre-sommet de Gênes où un manifestant est tombé sous les balles des forces de l’ordre (2001), ou encore à l’aide de marionnettes géantes à l’occasion du sommet européen de Copenhague en 2002.
35Il n’y avait ni hiérarchie, ni adhésion possible au sein d’INKaK. Suite à des dissensions liées à l’émergence d’une hiérarchie informelle, mais aussi en raison de l’opposition entre les militants souhaitant davantage de théorie et ceux réclamant davantage d’actions, INKaK s’est auto-dissous en décembre 2002. Sa reformation, post-INKaK, s’est auto-dissoute un an plus tard.
Linksruck
36Courant allemand du SWP (Socialist Worker Party), Linksruck fait partie de la Tendance Socialiste Internationale (IST) qui ne se réclame pas de la IVe Internationale, en raison de l’absence de continuité organisationnelle avec l’Internationale fondée en 1938. L’IST se distingue des organisations trotskistes orthodoxes par un recrutement militant plus jeune et par son cadre politique plus « spontané », mais aussi moins expérimenté. Né en 1994 de la scission de SAG (Sozialistische Arbeitergruppe), Linksruck a d’abord été actif au sein du mouvement de jeunesse des sociaux-démocrates allemands (Jusos). Suivant un mouvement collectif de Linksruck, les militants du groupe ont ensuite adhéré à ATTAC-Allemagne, tout en continuant à animer leur propre structure trotskiste.
37Avec ses 500 à 600 adhérents, Linksruck était au milieu des années 2000 la force politique trotskiste la plus importante et la plus active en Allemagne. Elle éditait alors un journal éponyme. Les militants de Linksruck ont été vivement critiqués au sein du mouvement altermondialiste et d’ATTAC, en raison de leurs méthodes propagandistes et de leur manque de transparence. Il leur a notamment été reproché de créer l’amalgame entre ATTAC et leur organisation, dans l’espoir d’attirer vers eux de nouvelles recrues. Les militants de Linksruck se sont particulièrement engagés dans les mobilisations contre la guerre en Irak en 2003. À partir de 2004, les militants de Linksruck ont quitté ATTAC au profit d’abord du WASG, puis du parti Die Linke.
Socialisme Par En Bas (SPEB)
38Courant français du SWP (Socialist Worker Party), SPEB fait partie de la Tendance Socialiste Internationale (IST). Né en 1997 de la scission du groupe Socialisme International (SI), le groupe s’appelle alors Action à gauche. Actif au sein des mouvements des jeunes socialistes (MJS) et du Manifeste contre le Front national54 à sa création, ses militants ont ensuite adhéré collectivement à ATTAC.
39Leurs faibles effectifs – une centaine de militants en France55 – les a contraints à renoncer à leur propre structure trotskiste pour ne plus se consacrer qu’aux activités d’ATTAC. Les militants de SPEB ont été vivement critiqués au sein du mouvement altermondialiste et d’ATTAC, en raison de leurs méthodes propagandistes et de leur manque de transparence. Il leur a notamment été reproché de créer l’amalgame entre ATTAC et leur organisation, dans l’espoir d’attirer vers eux de nouvelles recrues. Les militants de SPEB se sont particulièrement engagés dans les mobilisations contre la guerre en Irak en 2003, particulièrement au sein des collectifs Agir Contre la Guerre (ACG).
40Après avoir soutenu le parti trotskiste Lutte ouvrière lors de l’élection présidentielle de 2002, les militants de SPEB lui ont finalement préféré la LCR dont les résultats électoraux et la popularité grandissante offraient alors des perspectives politiques plus encourageantes. Formulée en 2002, leur demande d’intégration à la LCR56 a abouti début 2004.
VAMOS
41Vive l’Action pour une Mondialisation des Solidarités est un collectif parisien qui regroupe à la fois des individus et des représentants d’organisations associatives ou politiques. Le réseau est animé par dix à vingt militants actifs, tous âgés de moins de trente ans et qui sont, pour certains, parallèlement adhérents d’ATTAC, de la LCR et/ou des jeunes Verts. Il n’y a pas de carte d’adhésion à VAMOS et son fonctionnement se veut horizontal. Le réseau a été créé en 2001, à l’occasion de la mobilisation contre le G8 de Gênes. De retour à Paris, les jeunes animateurs de VAMOS ont décidé de maintenir en vie ce réseau et de s’en servir comme plateforme technique pour l’organisation de la mobilisation des contre-sommets à venir. VAMOS s’est ainsi chargé d’organiser le transport des militants en car vers les contre-sommets, transport dont ont notamment profité les militants d’ATTAC. Les animateurs de VAMOS ont aussi organisé un village alternatif (le VIG) ayant rassemblé 5 000 personnes lors du contresommet d’Évian en 2003.
42Pour faire face à la fluctuation importante du nombre de militants et de l’activité du réseau entre les contre-sommets, cette poignée de jeunes gens a également développé des actions au niveau local, à Paris, et a participé aux manifestations nationales. VAMOS a ainsi organisé des actions locales (contre un restaurant McDonald’s, par exemple) et, par trois fois, un festival altermondialiste à Paris, nommé Charivari. Reprenant la tradition du Pink & Silver Block altermondialiste, VAMOS a également créé une batucada, orchestre samba à percussions, qui accompagne depuis quelques années les actions du réseau. À l’occasion du contre-sommet d’Évian (2003), VAMOS a rejoint un réseau (un peu) plus large, le G8-Illégal, regroupant notamment le CLAG de Lyon, ATTAC, les comités contre la guerre en Irak (ACG), des syndicalistes (Sud) et des militants trotskistes (JCR). À la suite de ce contre-sommet d’Évian, est né le Réseau intergalactique, du rapprochement du réseau G8-Illégal et du réseau de précaires No Vox. Le thème de la précarité est depuis l’un des axes principaux de VAMOS qui a rejoint le réseau Euromayday. Le Réseau Intergalactique s’élargit ponctuellement à l’occasion d’événements altermondialistes, comme lors du GLAD en 2003 (camp alternatif du FSE de Paris-Saint-Denis), où il a mis en réseau des militants du collectif de cuisiniers militants néerlandais Rampenplan, d’ATTAC-Allemagne, d’ATTAC-Portugal, du Forum social grec, mais aussi de la JCR et de la Souris Verte (jeunes Verts).
Notes de bas de page
1 Rucht D., « Von Seattle nach Genua – Event-hopping oder neue soziale Bewegung », in ATTAC-Deutschland (dir.), Eine andere Welt ist möglich, VSA-Verlag, Hamburg, 2002.
2 Agrikoliansky É., Fillieule O., Mayer N. (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoire d’une nouvelle cause, Flammarion, Paris, 2005. Sommier I., Fillieule O., Agrikoliansky É. (dir.), La généalogie des mouvements altermondialistes en Europe. Une perspective comparée, Karthala, Paris, 2008.
3 Rucht D., Teune S., Yang M., « La genèse des mouvements altermondialistes en Allemagne », inSommier I., Fillieule O., Agrikoliansky É. (dir.), La généalogie des mouvements antiglobalisation en Europe, op. cit.
4 Dupuis-Déri F., « L’altermondialisation à l’ombre du drapeau noir : l’anarchie en héritage », inAgrikoliansky É., Fillieule O., Mayer N. (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoire d’une nouvelle cause, Flammarion, Paris, 2005.
5 Nous utiliserons les termes « altermondialisation » et « altermondialiste » pour désigner la cause et qualifier le mouvement étudié ici. Le terme « altermondialisme » ne sera utilisé que dans les citations d’auteurs qui privilégient ce terme. Nous considérons « altermondialisation » et « altermondialisme » comme des synonymes. Nous préférons cependant le premier terme au deuxième, en raison de la volonté affichée d’une partie des militants altermondialistes de se démarquer de toute idéologie préexistante qu’évoque le suffixe « -isme » (communisme, anticapitalisme, etc.).
6 Mathieu L., « La constitution du mouvement altermondialiste français », Critique internationale, no 27, 2005.
7 Collovald A., « De la défense des “pauvres nécessiteux” à l’humanitaire expert – Reconversion et métamorphoses d’une cause politique », Politix, no 56, 2001.
8 Melucci A., Challenging codes – Collective action in the information age, Cambridge University Press, Cambridge, 1996, p. 5.
9 La courte biographie de Nathalie Ménigon, militante d’Action Directe, que l’on peut lire sur le site internet de cette organisation d’extrême gauche, montre par ailleurs que certaines organisations ont mobilisé dès 1982 contre le G7, en l’occurrence contre celui qui s’est réuni à Versailles cette année-là. [http://www.action-directe.net/modules.php?name=People&op=view&sid=11].
10 Agrikoliansky É., « Du tiers-mondisme à l’altermondialisme : genèse(s) d’une nouvelle cause », inAgrikoliansky É., Fillieule O., Mayer N. (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoire d’une nouvelle cause, Flammarion, Paris, 2005. Sommier I., « Sur la généalogie de l’altermondialisme en France », inSommier I., Fillieule O., Agrikoliansky É. (dir.), La généalogie des mouvements altermondialistes en Europe, op. cit.
11 Contamin J.-G., « Les grèves de décembre 1995 : un moment fondateur ? », inAgrikoliansky É., Fillieule O., Mayer N. (dir.), L’altermondialisme en France. La longue histoire d’une nouvelle cause, Flammarion, Paris, 2005.
12 Taylor V., « La continuité des mouvements sociaux. La mise en veille du mouvement des femmes », inFillieule O. (dir.), Le désengagement militant, Belin, Paris, 2005.
13 Rucht D., Teune S., Yang M., « La genèse des mouvements altermondialistes en Allemagne », inSommier I., Fillieule O., Agrikoliansky É. (dir.), La généalogie des mouvements altermondialistes en Europe, op. cit.
14 Fillieule O., Blanchard P., « Carrières militantes et engagements contre la globalisation », inAgrikoliansky É., Sommier I. (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste, La Dispute, Paris, 2005.
15 Bourdieu P., Questions de sociologie, Éditions de Minuit, Paris, 1984, p. 29.
16 Melucci A., Nomads of the present. Social movements and individual needs in contemporary society, Temple University Press, Philadelphia, 1989, p. 18.
17 Neveu E., « Stratégies de la rue, les manifestations en France » (note de lecture de l’ouvrage de Fillieule O.), Politix, no 39, 1997, p. 193.
18 Sawicki F., « Questions de recherche : pour une analyse locale des partis politiques », Politix, volume 1, no 2, 1988, p. 13.
19 Faucher F., Les habits verts de la politique, Presses de sciences po, Paris, 1999, p. 26.
20 Fillieule O., Mayer N., « Introduction », inFillieule O., Mayer N. (dir.), Devenirs militants, Revue Française de Science Politique, volume 51, no 1-2, 2001, p. 19-25.
21 Anne Muxel a suivi de 1986 à 1997 un panel de jeunes de 18 à 30 ans et a étudié leur socialisation politique à partir de sept vagues d’entretiens en 1986, 1988, 1989, 1992, 1993, 1995 et 1997 (N = 3 508 en 1986, N = 603 en 1997).
22 Muxel A., « Les choix politiques des jeunes à l’épreuve du temps, Une enquête longitudinale », Revue française de science politique, volume 51, no 3, juin 2001, p. 416.
23 Ibid.
24 Fillieule O. (dir.), Le désengagement militant, Belin, Paris, 2005a. Hirschman A. O., Défection et prise de parole, Fayard, Paris, 1995.
25 Gaxie D., « Économie des partis et rétributions du militantisme », Revue française de science politique, volume 27, no 1, 1977.
26 Certains militants étudiés font partie de plusieurs de ces groupes. Si cela apporte des éléments de compréhension utiles, nous associerons à leurs noms les différents intitulés des groupes auxquels ils appartiennent, en nommant en premier lieu le groupe altermondialiste dans lequel ils sont le plus actif.
27 Bourdieu P., « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, volume 62-63, 1986, p. 69.
28 Strauss A., Miroirs et masques, L’Harmattan, Paris, 1992, p. 153-154.
29 Offerlé M., « Entrées en politique », Politix, no 35, 1996, p. 3.
30 Le taux de réponses s’est élevé à 44 % des militants présents lors des journées d’été en France (349 réponses pour 800 participants selon ATTAC) et à 15 % en Allemagne (123 réponses pour 800 participants revendiqués par l’organisation).
31 Les franges altermondialistes que nous n’avons pas étudiées sont nombreuses. C’est le cas des syndicats (IG-Metall et Verdi, par exemple) qui ont des jeunes militants dans leurs rangs et qui ont participé activement aux contre-sommets. Nous n’avons pas non plus étudié la multitude de petits groupes qui foisonnent dans les universités allemandes, du type « G8-Komitee ». Les militants du Black block sont également les grands absents de notre échantillon, même si certains militants d’INKaK ou d’ATTAC-Allemagne que nous avons étudiés sont très proches de ce réseau.
32 La scène militante de Lyon occupe toutefois une place importante dans le paysage altermondialiste et a été co-initiatrice de certains événements altermondialistes nationaux et internationaux (le contre-sommet d’Évian, par exemple).
33 Rucht D., « Environmental movement organizations in West Germany and France – Structure and inter-organizational relations », inKlandermans B. (dir.), Organizing for change: social movement organizations across cultures, JAI Press, Greenwich, 1989. Tarrow S., « States and opportunities: the political structuring of social movements », inMcAdam D., McCarthy J. D., Zald M. N. (dir.), Comparative perspectives on social movements: political opportunities, mobilizing structures, and cultural framings, Cambridge University Press, Cambridge, 1996. Kriesi H., Koopmans R., Duyvendak J. W., Giugni M. G., New social movements in Western Europe – A comparative analysis, University of Minnesota Press, Minneapolis, 1995. Concernant les cadres cognitifs qui dirigent généralement la mise en comparaison des constructions nationales et des rapports entre le politique et le social en France et en Allemagne et pour une approche critique de ces cadres, voir l’article de Nicolas Mariot et Jay Rowell (Mariot N., Rowell J., « Visites de souveraineté et construction nationale en France et en Allemagne à la veille de la Première Guerre Mondiale : une comparaison asymétrique », inWerner M., Zimmermann B. (dir.), De la comparaison à l’histoire croisée, Le Seuil, Paris, 2004, p. 184).
34 Roth R., Rucht D., « Die Veralltäglichung des Protests », inRoth R., Rucht D. (dir.), Neue soziale Bewegungen in der Bundesrepublik Deutschland, Campus, Frankfurt/Main, 1991, p. 23. Rucht D., Blattert B., Rink D., Soziale Bewegungen auf dem Weg zur Institutionalisierung. Zum Strukturwandel « alternativer » Gruppen in beiden Teilen Deutschlands, Campus, Frankfurt/Main, 1997. Si ces auteurs relativisent la plus grande intensité de l’activité militante berlinoise par rapport à d’autres villes allemandes, ces conclusions sont basées sur une opération discutable : le calcul du nombre d’organisations (sans considération pour leurs effectifs) proportionnellement au nombre d’habitants des villes étudiées, et ce, sans tenir compte des organisations autonomes et de la gauche radicale qui n’ont pas souhaité répondre à leurs questions. En prenant en considération d’autres variables, Dieter Rucht, Barbara Blattert et Dieter Rink finissent toutefois par conclure que Berlin est bien un haut-lieu du militantisme allemand, qu’ils vont jusqu’à qualifier de « laboratoire politique ».
35 Raschke J., Krise der Grünen : Bilanz und Neubeginn, Schüren Presseverlag, Marbourg, 1991.
36 L’étude du groupe AARRG ! ! menée par Simon Luck a été confrontée à ce même déséquilibre entre le nombre d’hommes et de femmes interrogés, alors même que l’échantillon de militants interviewés englobait la quasi-totalité des militants actifs du groupe. L’auteur explique cette présence plus forte des hommes par un sentiment de compétence politique inégalement distribué entre hommes et femmes (Luck S., « Le militantisme à Aarrg ! Paris : les limites d’un engagement pragmatique et distancié », mémoire de DEA en Sociologie politique, université de Paris 1, 2004, p. 12 et p. 20).
37 Coulouarn T., Jossin A., « Représentations et présentations de soi des militants altermondialistes », inAgrikoliansky É., Sommier I. (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le second Forum social européen, La Dispute, Paris, 2005. Agrikoliansky É., Sommier I. (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste. Le second Forum social européen, La Dispute, Paris, 2005. Jossin A., Mathieu L., « Féminisme et alter-mondialisme - Le Point G au contre-sommet d’Annemasse », inBard C. (dir.), Les féministes de la 2e vague, PUR, Rennes, 2012.
38 Tarrow S., The new transnational activism, Cambridge University Press, Cambridge, 2005, p. 1.
39 L’enquête quantitative EUYOUPART a été menée en 2003-2005 simultanément dans huit pays européens (Autriche, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Italie, Slovaquie, Grande Bretagne). Elle porte sur la participation politique de 8030 jeunes âgés de 15 à 25 ans (Political Participation of Young People in Europe – Development of Indicators for Comparative Research in the European Union). Une partie des résultats a été publiée par Anne Muxel dans un ouvrage collectif. Perrineau P., Rouban L. (dir.), La politique en France et en Europe, Les Presses de Sciences Po, Paris, 2007.
40 Muxel A., Riou C., Lehay V., Political participation of young people in Europe - Development of indicators for comparative research in the European Union, French national report, EUYOUPART, Work Package 8, 2005, p. 11-12. Le tarissement progressif ou le peu d’attrait des jeunes pour les partis politiques est régulièrement montré du doigt. C’est le cas notamment d’une étude publiée dans le quotidien Le Monde qui décrit ce phénomène, qui va à l’encontre des résultats produits par Anne Muxel : « En vingt ans, les moins de 30 ans reculent de plus de la moitié au sein du Parti communiste : ils comptaient pour 25 % des adhérents en 1979, pour 10 % seulement aujourd’hui. Au Parti socialiste, le pourcentage devient dérisoire : 5 % seulement. Les moins de 40 ans représentaient encore le tiers des socialistes en 1985, 14 % désormais. Curieusement, les Verts, qui voudraient rénover la politique, […] ne comptent que… 1 % d’adhérents de moins de 25 ans. » (Le Monde, 15 janvier 2000).
41 Agrikoliansky É., Gobille B., « Des élites transnationales ? Militants de l’altermondialisme en Europe », colloque « “Société civile organisée” et gouvernance européenne », GSPE, IEP de Strasbourg, 21-23 juin 2004. Agrikoliansky É., Sommier I. (dir.), Radiographie du mouvement altermondialiste, op. cit.
42 Tarrow S., op. cit.
43 Fillieule O., « Propositions pour une analyse processuel de l’engagement individuel », Revue Française de Science Politique, volume 51, no 1-2, février-avril 2001, p. 210.
44 Hirschman A. O., Bonheur privé, action publique, Hachette, Paris, 1983.
45 Ibid.
46 Les termes de spillout et spillover sont généralement utilisés pour des phénomènes à l’échelle méso, c’està-dire l’échelle des mouvements sociaux. Hadden J., Tarrow S., « Spillover or spillout? The Global Justice Movement in the United States after 9-11 », Mobilization, volume 12, no 4, 2007. Meyer D. S., Whittier N., « Social movement spillover », Social Problems, no 41, 1994, p. 277-298. Nous les utilisons ici à l’échelle microsociologique, celle des individus.
47 Voir la décision d’ATTAC : [http://www.france.attac.org/archives/spip.php?article7120].
48 ATTAC-France pense atteindre 9 000 adhérents fin 2012. Le 30 novembre 2012, l’organisation comptait 8 818 adhérents (dont 1 197 primo-adhérents).
49 L’ensemble de ces chiffres sont fournis par ATTAC. ATTAC espère atteindre 9 000 adhérents avant fin décembre 2012.
50 Kolb F., « Die Medienstrategie von ATTAC », Vorgänge, no 164, décembre 2003.
51 Chiffres communiqués par l’organisation.
52 Pour l’année 2011, nous n’avons qu’une estimation à mi-course (juin) : 25 092 adhérents. Nous ne connaissons pas le nombre d’adhérents à la fin décembre de cette année-là. Pour 2012, nous avons estimé le nombre d’adhérents en fin d’année à 28 000. Fin octobre 2012, ATTAC-Allemagne comptait 27 500 adhérents.
53 Réseau d’organisations des hémisphères Nord et Sud, l’Action Mondiale des Peuples (AMP) – Peoples’Global Action (PGA), en anglais – a été fondée en février 1998. Le manifeste fondateur du réseau promeut l’action directe comme moyen de lutte et pose comme principe la démocratie directe au sein des groupes.
54 Groupe satellite du Parti socialiste.
55 190 adhérents sont annoncés par SPEB, qui correspondent en réalité à 190 prélèvements automatiques de la cotisation annuelle. Les groupes locaux de SPEB à Paris comptent entre 1 et 12 militants. On peut raisonnablement estimer le nombre de militants de SPEB avant son intégration dans la LCR à 100 militants en France. L’organisation SPEB était présente à Paris, Rennes, Avignon et Lyon.
56 La Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) s’est autodissoute en 2009 dans le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).
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