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La Hongrie libérée

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Julien Papp

Notices biographiques

Texte intégral

1Bajcsy-Zsilinsky Endre (1886-1944) est d’une vieille famille slovaque ambitieuse de Békéscsaba. Son oncle, Mihály, accusé un moment de propagande panslaviste, accéda au secrétariat d’État en 1905, et son père fit figure de « célébrité provinciale » : baptisé András, il rejeta tôt ce prénom, trop paysan et trop slovaque, pour s’appeler Endre, ce qui fait plus magyar et plus « Monsieur ». Devenu professeur de lycée, il épousa Mária Bajcsi, fille de l’avocat Sándor Bajcsi (Bajci à l’origine), et ce nom viendra s’ajouter avec un « y » au patronyme d’origine, quand leurs fils, Endre et Gábor, se « découvrent » en 1919 un titre nobiliaire.

2Le futur Endre Bajcsy-Zsilinszky sera brillant élève et docteur en droit, après avoir fréquenté les universités de Kolozsvár (Cluj), Heidelberg et Leipzig. Installé comme avocat, il se lance dans le journalisme et dans une vie politique locale exacerbée. Le 14 mai 1911, il est l’auteur avec son frère de l’assassinat d’András Áchim, défenseur fougueux du petit peuple et fondateur en 1906 d’un parti paysan socialiste, qui, pour la première fois en Hongrie, revendique la réforme agraire. Jugés deux fois, les frères sont acquittés, au prix « de graves illégalités ».

3Dans les années 1920, Endre Bajcsy-Zsilinsky joue un rôle actif dans les mouvements racistes et soutient l’extrême-droite (Gömbös, Eckhardt), mais à partir de 1930 il se rapproche de l’opposition et adhère en 1939 au parti des Petits-propriétaires. En septembre 1942, il défend les communistes devant le tribunal militaire et devient le représentant le plus en vue de la politique anti-allemande, sans renoncer à la « mission impériale de la Hongrie ». Cherchant à organiser la lutte armée après l’occupation du pays, il est arrêté le 11 décembre 1944, puis condamné à mort par le tribunal d’exception de Szálasi et exécuté à Sopronkőhida le 25 décembre. Pendant son transfert, il a refusé de s’évader malgré les incitations des soldats hongrois qui accompagnaient le bus des détenus de Budapest à Sopronkőhida.

4Balogh István (1894-1976) est d’une famille de la bourgeoisie juive convertie au catholicisme. Après ses années de théologie à Temesvár (Timisoara), il reçoit la prêtrise en 1918 puis, poursuivant ses études à Szeged et à Budapest, il obtient le doctorat de philosophie (1929). À côté de son activité pastorale, il participe à l’organisation du Théâtre en plein air de Szeged, devient conseiller municipal, fonde ou rédige des journaux : Informations catholiques de Szeged (1927-35), Journal d’information de Szeged (1930-32), Journal des fermes (1936-38), Hongrie méridionale (1938-44)…

5Encouragé par F. Erdei et J. Révai, il crée le 23 novembre 1944 une section du parti des Petits-propriétaires à Szeged, participe à la rédaction du premier journal de la coalition (Délmagyarország) et à l’élaboration du Front d’indépendance ; préside jusqu’en mai 1945 le CN de Szeged et le 16 décembre 1944, il est élu député. À partir du 23 décembre, il occupe le poste du secrétariat politique de la présidence du Conseil, dont il dirige la division de la Presse et relance Magyar Nemzet (Nation Hongroise), feuille officieuse du gouvernement.

6Son ascension au sein du PP le conduit au secrétariat général du parti, sans qu’il adhère à aucun de ses courants politiques. Après l’émigration de Ferenc Nagy, il quitte le PP et fonde, avec le soutien du PC, le Parti démocrate hongrois indépendant. Membre à partir de 1950 de l’Association culturelle hungaro-soviétique, il participe au lancement du « mouvement pour la paix du clergé ». Le 14 septembre 1948, l’Église catholique l’a suspendu ses fonctions de curé, fonctions qu’il reprend en 1954, après avoir été relégué par le pouvoir dans un village (1951-53). Après le 4 novembre 1956, il cherche à participer à la vie politique, mais le gouvernement Kádár écarte ses initiatives. Il recevra plusieurs décorations en 1970.

7Barankovics István (1906-1974) est d’une famille catholique modeste, la mère étant femme de ménage et le père chantre-instituteur de l’école confessionnelles locale (Polgár). Après le bac obtenu au lycée cistercien d’Eger en 1925, soutenu par l’évêque, l’élève brillant s’inscrit en Droit à Budapest. S’engageant dans les mouvements catholiques réformistes, Barankovics devient journaliste, sans terminer ses études (il n’obtiendra son diplôme qu’à l’été 1944). Il collabore à la revue légitimiste Az Ország Útja – La Voie du Pays, lancée par le comte Gyula Dessefwy en 1937, et, se tenant à l’écart de la politique chrétienne officielle, il milite pour le rapprochement entre l’Est et l’Ouest contre le nazisme. Pendant le siège, il se cache habillé en moine.

8À partir de février 1945, il est secrétaire général du nouveau parti catholique (Parti populaire Démocrate-chrétien). Le 26 janvier 1946, il donne une interview à Új Szó – Parole Nouvelle, journal en hongrois de l’armée Rouge, et ses déclarations sur la République, la réforme agraire et les rapports hungaro-soviétiques (il faut tout faire, dit-il, pour suivre l’exemple de la Finlande) ne seront jamais pardonnés par le camp Mindszenty. Le cardinal lui reproche non seulement ses relations politiques (Barankovics tenait notamment en grande estime Rákosi) mais aussi sa vie privée. Après les succès électoraux éphémères de son parti en 1947, Barankovics cherche le compromis entre l’État et son Église, mais la question du monopole scolaire rend impossible toute solution intermédiaire (été 1948). Lors de l’arrestation de Mindszenty, il se démarque des aspects politiques de l’affaire, mais à la veille du procès, il quitte la Hongrie dans la voiture de l’Ambassade américaine (2 février 1949). Il sera suivi par toute une série de députés de son parti, dont l’auto-dissolution est prononcée le 4 février 1949. Aux Etats-Unis, il poursuit son action politique avec modestie, restant pour le camp Mindszenty « l’agent des Russes et des communistes » et, pour les communistes, l’homme de « la réaction cléricale ».

9Bán Antal (1903-1951). Né dans une famille souabe modeste (son nom d’origine Rozmayer est magyarisé en avril 1945), rejoint la Jeunesse sociale-démocrate en 1917 comme apprenti aux Usines Ganz, avant d’appartenir au Comité de contrôle de la Jeunesse ouvrière communiste en juin 1919. Inscrit sur la liste noire, il se réfugie en Yougoslavie, travaille comme mécanicien et reprend ses études en autodidacte. En 1922, il adhère au PSD yougoslave et sera élu vice-président du parti en Voïvodine (1931). Il rédige Munkás Újság (Journal Ouvrier) et exerce des fonctions syndicales importantes. Après les atrocités d’Újvidék (Novi Sad) et ses environs, il revient à Pestszentlo″rinc, d’où il est conduit, enchaîné par les gendarmes, en camp d’internement. Libéré 6 mois plus tard, il reprend son activité dans le PSD et devient un des dirigeants du Front hongrois.

10À partir de février 1945, il fait partie de la direction nationale du PSD et accède à des fonctions publiques élevées : Comité national et Conseil municipal de Budapest, Assemblée nationale (député et membre de la Commission politique), Conseil économique supérieur, Amitié hungaro-yougoslave, Comité de liaison PC-PSD, portefeuille de l’Industrie (1er juin 1945-26 février 1948). Il encourage l’étatisation et l’économie planifiée, tout en cherchant à faire appel aux capitaux anglais et suisses, et à coopérer avec la Yougoslavie, pour compenser l’influence soviétique. Rejetant la fusion PC-PSD, il est exclu de son parti en février 1948, mais son départ à l’étranger est accepté. De Karlovy Vary, où il se fait soigner, il se rend à Zurich, puis il s’installe à Londres (juillet 1949) et reste actif dans le mouvement social-démocrate émigré de l’Europe centre-orientale. Ses cendres sont rapatriées en 1988.

11Bethlen István (1874-1947) n’a pas de liens de parenté avec le prince de Transylvanie, Gábor Bethlen, mais sa famille a donné au pays des diplomates, des militaires et des savants illustres depuis le xviie siècle.

12À l’âge de 9 ans, le comte Bethlen est inscrit au Theresianum de Vienne, où, 10 ans plus tard, il achève brillamment ses études secondaires. Il poursuit des études de droit à Budapest et en Angleterre, avant de faire son service militaire, puis 2 ans d’études à l’École supérieure agronomique de Mosonmagyaróvár. En 1900, il revient en Transylvanie et se consacre à l’exploitation de ses domaines, tout en s’engageant dans la vie politique locale et nationale. De 1901 à 1939, il sera député, sauf en 1919-1920 (où au sein du comité anti-bolchevique de Vienne, il organise la contre-révolution), et membre ou président de plusieurs sociétés. Il fait partie de la délégation à la Conférence de paix à Paris. Président du Conseil du 14 avril 1921 au 24 août 1931, c’est à son nom que se rattachent la consolidation économique et la période de stabilité du régime Horthy. Dans les années 1930, il est le chef de file des politiciens conservateurs qui s’opposent à l’Allemagne hitlérienne. Après l’occupation allemande, il se cache près de Kaposvár. Le 7 décembre 1944, il se rend à l’Armée rouge, qui le garde à Pécs en résidence surveillée, jusqu’au 31 janvier 1945. Traité avec beaucoup d’égards, Bethlen accepte de faire appel aux unités combattantes hongroises, mais refuse de participer au gouvernement provisoire, qu’on lui propose à plusieurs reprises. Âgé de 70 ans et malade, il termine sa vie près de Moscou.

13Böhm Vilmos (1880-1949) est d’origine tchèque par son père, qu’il perd très tôt. Devenu ouvrier qualifié, il obtient le bac en élève libre et passe le brevet d’officier pendant son service militaire. Après avoir abandonné la direction d’une grande entreprise américaine pour le syndicalisme, il sera l’un des organisateurs des mouvements des chômeurs en 1913-1914. Secrétaire d’État, ministre, commissaire du peuple des révolutions de 1918-1919, et commandant en chef de l’Armée rouge hongroise, il passera 26 ans en émigration, où il reste en contact avec les socialistes autrichiens, tchèques et suédois et avec plusieurs dirigeants du mouvement antifasciste international. Nommé ambassadeur à Stockholm, il reste dans ce poste de mai 1946 à juin 1948, où il démissionne et passe la dernière année de sa vie en émigration.

14Csécsy Imre (1893-1961), écrivain et journaliste, collaborateur direct d’Oszkár Jászi, est un des représentants du radicalisme en Hongrie. Rédacteur de la revue Századok (Siècles) (de 1934 à 1939), puis collaborateur du journal de Bajcsy-Zsilinszky (1943-1944), il préside le Parti radical hongrois, de 1945 à 1948. Il réussit en 1947 à relancer Huszadik Század (Vingtième Siècle), mais la revue cesse d’exister en 1949, en même temps que le Parti radical. Mal vu par les siens (Jászi le considère dans un article comme « compagnon de route des communistes ») et persécuté par le régime de Rákosi, Csécsy se retire parmi ses livres et (privé de sa pension de retraité) gagne sa vie comme lecteur. En octobre 1956, il reste à l’écart des événements.

15Demény Pál (1901- ?) est issu de la petite bourgeoisie juive éclairée. Son père « détestait les Habsbourg et tenait les croyances religieuses pour des âneries ». Après ses études secondaires, Pál travaille dans l’industrie chimique et s’occupe de littérature. En février 1919, il adhère au PC et participe à l’action de la Jeunesse ouvrière. Condamné en 1921 à 2 ans de réclusion puis interné pendant un an, il entre ensuite au PSD, d’où il est exclu en 1932. Il fonde alors un mouvement communiste indépendant du Komintern, considéré par celui-ci comme fractionnel. Le groupe de Demény, qui refuse la politique du front populaire, échappe ainsi à la dissolution des organisations locales du PC décidée en 1936 à Moscou. Il conserve son influence et sa continuité dans les usines et les quartiers ouvriers de Budapest, en particulier à Csepel. En 1940-1944, il crée plusieurs entreprises (10 à 70 personnes), dont cinq usines chimiques, pour aider les juifs et d’autres persécutés privés de moyen d’existence. Les militants se réunissent dans ces locaux, qui servent aussi de caches d’armes. Arrêté et « prisonnier du parti » dès février 1945, Demény est détenu jusqu’en 1956. Sa réhabilitation juridique est prononcée en décembre 1957. En mai 1963, le ministre de la justice lui accorde une indemnisation de 20 000 florins…

16Dinnyés Lajos (1901-1961) est issu de la moyenne noblesse rurale protestante. Après ses études secondaires à Budapest et l’obtention d’un diplôme à l’Académie agricole de Keszthely, il fait un voyage d’études à l’étranger. Dans les années 1920, il fréquente la Jeunesse de droite et s’occupe de journalisme. Depuis 1930, il exploite les terres héritées de ses parents (environ 100 ha), adhère au parti des Petits-propriétaires et réussit à se faire élire député en 1931 et 1935. D’un tempérament gai et attiré par la vie de bohème, Dinnyés est un escrimeur réputé et fait partie des directions nationales de plusieurs clubs (football, natation). Au Parlement, ses interventions nombreuses et documentées portent sur des questions économiques et sociales. En politique, il s’oppose à l’orientation allemande, dénonce les violences policières et condamne les lois antijuives.

17Combattant sur le front de l’Est, il survit à la catastrophe de Voronej, qui sera pour lui une expérience décisive. À partir de 1945, il est député et membre du comité exécutif du PP, où il organise sa propre tendance, plutôt de gauche. Il entretient de bonnes relations avec les dirigeants du PC, en particulier avec Mihály Farkas. En 1947, il détient le portefeuille de la Défense (mars-septembre) et, proposé par le PC, il prend la succession de Ferenc Nagy au poste du Premier ministre. A la nouvelle de sa nomination sa mère se serait exclamée : « Qu’est donc devenu ce pays si même mon fils Loulou peut être Premier ministre ! ». Après les élections du 31 août 1947, c’est Dinnyés qui forme le nouveau gouvernement, engagé dans l’étatisation des grandes banques et des usines de plus de 100 ouvriers, et réalisant le traité d’assistance mutuelle hungarosoviétique et la nationalisation des écoles. Mais suite à l’émigration de son ministre des Finances, il doit démissionner le 10 décembre 1948. Dès le 11, il devient président de l’Institut d’Expérimentation agronomique, puis directeur de la Bibliothèque et Centre de Documentation agricole. Le 28 octobre 1956, il est élu au Comité national provisoire du Ve arrondissement de Budapest, et, à partir du 26 novembre 1958, il sera l’un des vice-présidents de l’Assemblée nationale.

18Dobi István (1898-1968) est issu du prolétariat agraire. Après l’école primaire, il doit travailler dès l’âge de 12 ans. Combattant de la Grande Guerre (avril 1916-printemps 1918), il rejoint ensuite l’Armée rouge hongroise et il est fait prisonnier par les Roumains. En novembre 1920, il revient dans son village et sera placé en résidence surveillée. Dans le cadre de la réforme agraire de Nagyatádi (1920), il reçoit 2 arpents de terre à titre d’ancien combattant. Pour faire vivre sa famille, il fait différents travaux : cheminot, ouvrier de scierie, débardeur, terrassier, moissonneur, etc. En 1920, il adhère à l’Alliance nationale des Ouvriers terrassiers et au PSD ; en 1936, il quitte ce parti pour les Petits propriétaires. Il obtient un emploi à la Chambre agricole de Komárom (1936-1939), puis il travaille à nouveau comme ouvrier (1939-1941). Dès cette époque, son activité politique prend du relief : stage dans le cadre de la KALOT (1940), secrétariat de l’Alliance paysanne (1941), fréquentation des politiciens paysans, des étudiants de gauche et des communistes illégaux (1942) ; il intervient à la conférence de Szárszó (1943) et joue un rôle de premier plan dans l’organisation des ouvriers terrassiers en février 1944. Sous l’occupation, il participe à la résistance. Mobilisé pour le service du travail, il est fait prisonnier.

19En son absence, il est élu député (il garde son mandat jusqu’à sa mort) et, libéré en juin 1945, il occupera des fonctions au sommet de l’État, dont le portefeuille de l’Agriculture dans le cabinet F. Nagy. Après la démission de celui-ci, il préside le PP, qui donne ainsi son accord au plan triennal et à la nationalisation des banques. Après le tournant, il sera à nouveau ministre de l’Agriculture puis Premier ministre (décembre 1948-août 1952) et chef du présidium (août 1952-avril 1967). Suite à des heurts avec Rákosi, cet organisme est délogé du Parlement et installé dans une villa isolée du Parc Municipal. Dobi est encore là en octobre 1956, et c’est lui qui va relever le gouvernement d’Imre Nagy après le 4 novembre et investir János Kádár, avec qui il collabore étroitement. D’autant plus qu’il adhère au nouveau PC (le MSZMP) et qu’il sera membre de son comité central.

20Donáth Ferenc (1913-1986). Fils d’un avocat aisé et libéral, il se familiarise tôt, dans le cabinet de son père, avec la vie de la paysannerie. A l’Université, où il obtient son doctorat de droit en 1935, il fait la connaissance de László Rajk et adhère au PC illégal. Lié au groupe d’étudiants communistes de Debrecen (Gyula Kállai, Sándor Zöld, Géza Losonczy, Szilárd Újhelyi), il va faire le lien entre celui-ci et le mouvement des écrivains ruralistes (Imre Kovács, Ferenc Erdei, Gyula Illyés, Géza Féja, Pál Szabó, József Darvas). Il participe à la création du Front de Mars (1937) et du PNP (1939), publie dans six journaux au moins. Arrêté en 1940 avec Losonczy et Újhelyi, il subit plusieurs semaines d’interrogatoires. Pendant la guerre, il est mobilisé trois fois pour le service de travail (où deux de ses frères seront tués). Membre fondateur du parti de la Paix qui remplace le PC en 1943, il participe à la création du Front hongrois et à l’organisation de la résistance. En février 1945, la direction du PC le rattache à la préparation de la réforme agraire, à laquelle il consacrera l’essentiel de ses efforts, comme vice-président du CNR (4 avril-4 novembre 1945) puis comme secrétaire d’État à l’Agriculture (23 novembre 1945 - 18 janvier 1948). Après le tournant, il dirige, de janvier 1948 à juin 1950, le secrétariat du Comité central du PC. Le 15 février 1951, au terme de l’enquête lancée en décembre 1950 sur la dissolution du PC en 1943, il est arrêté et condamné à 15 ans de réclusion, dont 3,5 ans de régime cellulaire. Son épouse et ses beaux-parents sont également arrêtés, et son fils, né entre-temps, est pris en charge par l’État, sous un nom modifié. Donáth est libéré et réhabilité en juin 1954. Il reste à l’écart de la vie publique jusqu’en octobre 1956, quand il devient un des collaborateurs directs de Nagy et fait partie du comité exécutif du Parti socialiste ouvrier en cours d’organisation. Déporté en Roumanie avec sa famille, puis transféré en Hongrie en avril 1957, Donáth est condamné dans le procès Nagy à 12 ans de prison. Après sa libération par une mesure d’amnistie en avril 1960, il poursuit des travaux de recherches dans le domaine agraire. À partir de 1975, il joue un rôle actif dans le renouveau démocratique : « charte 77 », « comité István Bibó », coordination des différents mouvements démocratiques, préparation de la réunion des « opposants de Monor ».

21Erdei Ferenc (1910-1971) est le fils d’un petit maraîcher sensible aux innovations. Diplômé de la Faculté de droit de Szeged, il rejoint en 1934 les sociographes ruraux, après avoir parcouru toutes les régions du pays. En 1935, il se lie avec István Bibó d’une amitié qui durera toute leur vie. La même année, il effectue, grâce à une bourse, un voyage d’études en Europe occidentale, où il découvre notamment les écrits de Lénine. Au printemps 1938, il est un des signataires du manifeste du Front de Mars et joue, avec Imre Kovács, le premier rôle dans la fondation du parti Paysan national en juin 1939.

22À partir d’octobre 1944, il participe à la reconstruction de l’État, adhère, semble-t-il, en secret au PC, sera député (jusqu’à la fin de sa vie) et ministre de l’Intérieur (22 décembre 1944-15 novembre 1945). Secrétaire national de son parti dès le printemps 1946, il en définit l’orientation après la mise à l’écart d’Imre Kovács en 1947. Erdei fera partie des différents gouvernements après le tournant stalinien : secrétaire d’État (septembre 1948-juin 1949), ministre de l’Agriculture (décembre 1948-juillet 1953) et de la Justice (juillet 1953-octobre 1954)… En octobre 1956, il surprend ses anciens camarades en annonçant la reconstruction du Parti paysan. Secrétaire d’État dans le cabinet Nagy, il fait partie de la délégation qui, le 2 novembre, doit négocier le départ des troupes soviétiques. Arrêté avec ses collègues, il sera le seul à être relaxé au bout d’un mois de détention préventive. On le voit ensuite membre puis secrétaire général de l’Académie des Sciences, directeur du Centre de recherches agronomiques, membre du Conseil présidentiel, secrétaire général du Front populaire patriotique, sans parler de la présidence de bien d’autres organismes et associations, et du rôle joué dans la préparation de la réforme économique dès les années 1960.

23Erőss János (1889-1962). Avocat de Nyíregyháza, il avait appartenu à plusieurs mouvements politiques : parti de l’Indépendance et de 1848, parti Radical national, parti des Petits-propriétaires, et participé à la résistance. Préfet jusqu’en novembre 1945 et élu député en décembre 1944, il est ensuite directeur national du PP, puis président de l’Office des réparations (février-novembre 1946) et ministre du Ravitaillement (décembre 1946-septembre 1947). Il quitte la Hongrie en mars 1948 et s’installe aux États-Unis.

24Faragho Gábor, général (1890-1953). Chef de la délégation d’armistice envoyé à Moscou. Il fut inspecteur général de la gendarmerie depuis 1942, après avoir été, du 1er juillet 1940 au 23 juin 1941, attaché militaire à Moscou. Parlant bien le russe et grand buveur, il battait sur ce terrain la plupart de ses partenaires soviétiques, paraît-il, et il lui arrivait d’amuser Staline avec ses plaisanteries, selon les témoignages recueillis par P. Gosztonyi. Ses deux compagnons sont Domokos Szent-Iványi (1898-1980) et Géza Teleki (1911-1983). Le premier est diplomate professionnel, adjoint de Horthy junior à la tête du « bureau de décrochage » que celui-ci a mis en place. Le 7 décembre 1944, il reste à Moscou pour effectuer des tâches de liaison. En décembre 1946, il sera arrêté dans le cadre du complot dit antirépublicain et emprisonné jusqu’en septembre 1956. Il quitte la Hongrie en septembre 1972. Quant à Teleki, fils du premier ministre suicidé en avril 1941, c’est un universitaire, géologue de formation. Ministre des Cultes et de l’Instruction publique dans le GNP, il quitte la Hongrie en 1949.

25Faragó László (1896-1967). Juriste de formation et influencé par l’« octobrisme » hongrois, il a servi comme officier dans l’Armée rouge de la République des Conseils. Dans les années 1920, il poursuit une grande activité journalistique et publie aussi des travaux historiques. Il dénonce avec vigueur la « trahison des clercs » devant le fascisme et l’antisémitisme. Après 1945, il soulève les « graves responsabilités » des écrivains ruralistes, et son livre intitulé « Trahison des clercs - Résistance des clercs » sera interdit en 1946, d’un commun accord entre le PC et le PSD. Après avoir occupé des postes importants, il est mis à l’écart sous Rákosi et interné de 1950 à 1953.

26Farkas Mihály (Löwy Herman) (1904-1965) est le fils d’une blanchisseuse. Son oncle, Sándor Löwy, condamné pour activité communiste, est mort dans la prison de Vác en 1929, au cours d’une grève de la faim. Lui-même a fait des études secondaires (collège) à Kassa (Kosice) puis l’apprentissage pour devenir imprimeur.

27En 1921, il est élu secrétaire des Jeunesses communistes pour la Slovaquie orientale et prend alors le pseudonyme de Michail Wolf. Condamné en 1925, il fait 5 ans et 8 mois de prison. Il étend ensuite son activité politique sur plusieurs pays, dans le cadre du Komintern : après Prague et Moscou, il se trouve en Belgique, en Hollande, en France puis en Espagne (1936-1937). Après l’arrivée de Rákosi à Moscou, il est intégré dans le parti hongrois (1941) et prend la forme magyarisée de son nom, Mihály Farkas. Lié directement à Rákosi, il organise pendant la guerre la propagande antifasciste, fait des conférences dans les camps de prisonniers, collabore aux émissions en langue hongroise de Radio-Kossuth à Moscou. Le 5 novembre 1944, il se rend avec Gerő, Nagy et Révai en Hongrie pour mettre en place la direction du PC et préparer l’action future de ce parti. Nommé député, et réélu par la suite, Farkas se voit confier différentes tâches dans le parti (monde rural, jeunesse, affaires militaires, policières et économiques), où il accède aux instances supérieures ; entre juillet-novembre 1945, il est en outre secrétaire d’État à l’Intérieur.

28Après le tournant, c’est lui qui prépare la fusion du PC avec le PSD. Nommé ministre de la Défense en novembre 1948, il entreprend l’imitation des usages soviétiques dans l’armée et forme, en 1950, avec Rákosi et Gerő un Comité secret de la défense nationale, qui échappe à tout contrôle. Promu en 1952 général sans aucune formation militaire, Farkas est, avec son fils Vladimir, un des grands responsables de la dictature stalinienne en Hongrie. Il sera arrêté et condamné en avril 1957 à 14 ans de prison, puis libéré par mesure de grâce en 1960. Il travaille ensuite comme lecteur aux éditions Gondolat (Pensée).

29Fischer József (1901-1995). Architecte, membre du PSD depuis 1924, reste président du Conseil des travaux publics de la Capitale jusqu’en 1948. Député en 1947-1948, il sera président du Syndicat libre des Ingénieurs et des Techniciens.

30Gerő Ernő (1898-1980) est un des 10 enfants d’un métayer ruiné reconverti dans le petit commerce. Après le bac passé à Ujpest et 2 années d’études en médecine, il adhère au PC dès l’automne 1918. Après 1920, il poursuit son activité en émigration, avant d’être arrêté à Budapest en septembre 1922. Condamné à 15 ans de réclusion, il est échangé en 1924 avec 42 autres condamnés contre des PG hongrois en URSS. En 1925, il dirige en France le travail des émigrés communistes hongrois. Instructeur du Komintern en France, au Danemark et en Suède, il est ensuite en Espagne, où pendant la guerre civile il commande une brigade internationale ; à titre de résident du NKVD, « il dirige la lutte contre les trotskistes avec une telle cruauté impitoyable qu’on le nomme le bourreau de Barcelone ». À Moscou, il retrouve l’appareil du Komintern (1938), s’occupe ensuite de la propagande parmi les PG, fait partie de l’équipe de la Radio Kossuth. Après son retour en Hongrie, il est député de Szeged et grand défenseur de l’union nationale. Premier homme du PC jusqu’au retour de Rákosi le 2 février 1945, il fait tout son possible pour fonder le culte de ce dernier. Gerő conserve des positions importantes après le tournant de l’été 1953 (Vice - premier ministre, ministre de l’Intérieur) et cherche à freiner le renouveau. En octobre 1956, il est une des cibles de la colère populaire et doit se réfugier en URSS. En mai 1957, il est privé en Hongrie de toutes ses fonctions et, après son retour en 1960, il vit retiré, poursuivant des travaux de traduction, malgré sa vue fortement détériorée. Sa demande d’adhésion au parti formulée en 1977 est rejetée par la direction.

31Gordon Ferenc (1893-1971). Né dans une famille bourgeoise, il a fait l’académie commerciale à Budapest, avant de poursuivre des études économiques à Hambourg. Embauché en 1912 par la Banque de Crédit général hongroise, il dirige de 1924 à 1946 le Grand magasin Corvin SA qui dépend de cette banque. Ses publications sont un pamphlet intitulé « Camarade », contre la République des conseils (printemps 1919) puis divers articles économiques, entre 1920-1930. Il adhère au PP en 1934 et prend contact avec les mouvements du Front populaire pendant la guerre. Ses rapports sont bons avec le PSD, Szakasits préface le livre qu’il publie à cette époque pour populariser les Etats-Unis. À partir du printemps 1945 il dirige la section économique du PP et la Première Caisse d’Épargne de Pest. Élu député le 4 novembre, il sera le ministre des Finances des gouvernements Tildy et Nagy (15 novembre 1945 - 26 août 1946). Le 31 août 1946, il est nommé ambassadeur en Suisse et, après l’émigration forcée de F. Nagy, il démissionne lui-même et ne rentre plus en Hongrie. Il s’installe en Argentine, où il est employé comme conseiller par l’entreprise Siemens. Il participe au mouvement politique des émigrés.

32Grősz József (1887-1961), archevêque de Kalocsa depuis 1943 et président de l’épiscopat hongrois. Il est condamné en juin 1951 dans un procès préfabriqué, à 15 ans de prison. Il est libéré en mai 1956 par mesure de grâce. Après 1957, il sera membre du Conseil national de la Paix et de la présidence du Front populaire patriotique.

33Gyöngyösi János (1893-1951) fut élevé par un oncle, son père, un fonctionnaire, ayant décédé très tôt. Il est encore lycéen quand il écrit des poèmes et des nouvelles, dont certaines sont publiées. Pour assurer ses études, il donne des leçons et publie des traductions, dont plusieurs œuvres d’Anatole France. Mobilisé pendant toute la guerre, il restera une année en captivité en Italie. Après avoir obtenu en 1920 sa licence d’enseignement de lettres-latin, il ouvre une librairie à Békéscsaba et fonde un journal d’inspiration libérale.

34En 1931, il adhère au parti des Petits-propriétaires et sera candidat à la députation en 1935 et 1939, sans être élu. Une feuille d’opposition qu’il lance en 1935 est interdite en 1938. Membre de la direction nationale de son parti, il doit se cacher à partir de septembre 1944 pour éviter l’arrestation. Dès le 9 octobre, il est membre du directoire de sa ville et, le 11, il fait reparaître son journal, qui salue l’Armée rouge. Sur la demande des autorités militaires russes, il rédige jusqu’en décembre le journal en langue hongroise du 2e Front d’Ukraine. Participant à la convocation de l’Assemblée nationale, il sera lui-même député et ministre des Affaires étrangères dans les trois premiers gouvernements (22 décembre 1944-31 mai 1947). Il se montre ensuite réservé envers la politique du PC, mais reste député jusqu’à sa mort et occupe des fonctions élevées : présidence de la Commission agronomique danubienne et de l’Institut central des Finances, Comité directeur de la Banque nationale, etc.

35Justus Pál (1905-1965) a fait ses études à Bologne et à Paris, avant d’adhérer au PSD en 1925. Le 19 mars 1944, il fonde un comité directeur illégal et achève la publication des œuvres choisies de Marx et Engels, commencée par Mónus. Incorporé pour le service auxiliaire du travail, il est arrêté par les Russes à la libération, puis relaxé sur l’intervention du PSD, il reprend son activité, devenant député (1945, 1947) et le « théoricien » le plus en vue de son parti. C’est lui qui lance la fameuse phrase : « La Hongrie est un pont entre l’Est et l’Ouest, mais elle occupe la tête de pont oriental. » Son optimisme est balayé par la mise en marche du Kominform. Il sera l’accusé social-démocrate du procès Rajk. Libéré en 1956, il n’est vraiment jamais réhabilité, Kádár et les siens le suspectant de trotskisme.

36Kállai Gyula (1912-1996). Fils d’un cordonnier de village qui a été prisonnier de guerre en Russie jusqu’en 1920, Il fait des études de lettres-latin, après avoir rattrapé une scolarisation tardive. Il entre en contact par L. Rajk avec le mouvement communiste et adhère au parti clandestin en 1931. Revenu de Budapest à Debrecen en 1933, il organise le mouvement étudiant en diffusant les idées du Front de mars et du Front populaire et fait connaissance avec les écrivains ruralistes. En 1937, il est interdit de l’Université. De 1939 à 1944, il participe à diverses actions contre la guerre et représente le PC dans le Front hongrois. À partir de janvier 1945, il sera une sorte d’« homme à tout faire » du parti : dirige la section de propagande, participe à la rédaction de Szabadság, élu secrétaire général du CNB, participe à l’élaboration et à la réalisation de la réforme agraire, nommé secrétaire d’État, élu député dès 1945 pour conserver cette fonction jusqu’à son arrestation en 1951, puis de 1958 à 1990. Après l’arrestation de Rajk en juin 1949, il lui succède au poste de ministre des Affaires étrangères.

37Arrêté lui-même en avril 1951 avec plusieurs communistes de l’ancien Front de mars, il est condamné à 15 ans de réclusion, puis libéré et réhabilité en juillet 1954. Il est placé à la tête de la Direction générale des Éditions, avant d’être nommé, le 19 février 1955, vice-ministre de la Culture et réintégré dans la direction du parti (juillet 1956). Toutes ses fonctions cessent en octobre 1956. Dès le retour de Kádár, le 7 novembre, Kállai rejoint la nouvelle équipe et retrouve dans le parti la direction des affaires culturelles et scientifiques. Il exerce par ailleurs un grand nombre de fonctions : ministre de la Culture, vice-président puis président du Conseil (30 juin 1965-14 avril 1967), président de l’Assemblée nationale, membre du Présidium. Entre-temps, il a été rédacteur en chef de Társadalmi Szemle (Revue Sociale) et a présidé sans discontinuer le Conseil national du Front populaire patriotique (25 janvier 1958-7 mars 1989).

38Kállay Miklós (1887-1967). Grand propriétaire terrien, homme politique conservateur de la tendance de Bethlen, il fut préfet du comitat de Szabolcs, puis ministre de l’Agriculture dans le cabinet Gömbös, de 1932 à 1935. Premier ministre du 9 mars 1942 au 27 mars 1944, après l’occupation du pays par les Allemands il se réfugie à l’ambassade de la Turquie à Budapest, mais doit quitter ce lieu en novembre. Il est alors arrêté et déporté à Mauthausen. Après la guerre, il s’installe aux Etats-Unis. Pour certains historiens de la période, « le premier ministre Miklós Kállay était un politicien de niveau et de mentalité typiquement départementale, qui tout en assumant avec sérieux le souci national du gouvernement, estimait qu’avec ruse, habileté – et en finassant si cela était nécessaire – on pouvait traverser sans danger majeur les années difficiles ». C’est sous son gouvernement que sont exécutés deux dirigeants communistes clandestins, F. Rózsa et Z. Schönherz, condamnés par le tribunal militaire rattaché à l’état-major, qui juge les actes hostiles à la guerre. Beaucoup d’autres sont emprisonnés, internés ou envoyés au front (environ 400 militants socialistes), vers une mort certaine. « Le gouvernement Kállay a brisé l’échine d’un authentique mouvement de résistance, dont les communistes hongrois auraient pu être le moteur ». S. Balogh, op. cit., 1986, p. 107.

39Károlyi Mihály, comte (1875-1955). Descendant de Sándor qui avait signé la paix de Szatmár avec les Habsbourg en 1711, après la défaite de Rákóczi, il a commencé sa carrière politique en 1905 comme opposant à István Tisza. Élu député en 1910, il prône l’orientation pro-Entente et le rapprochement avec les peuples voisins, les réformes sociales et le suffrage universel. Pendant la guerre, il cherche ses alliés parmi les radicaux et les sociaux-démocrates et souhaite la fin de la politique belliqueuse. Très populaire pendant la révolution d’octobre 1918, il occupe des postes importants (présidence du Conseil, Affaires étrangères, Finances, Guerre) et devient le 11 janvier 1919, président de la République. Conscient de l’état social intenable du pays, il prend l’initiative de la réforme agraire en partageant son domaine de Kápolna (février 1919).

40Le 21 mars, il prend acte de la prise du pouvoir par les communistes puis, redoutant la contre-révolution, il quitte le pays le 4 juillet. Après avoir séjourné à Prague, Vienne et Belgrade, il s’installe à Paris. En Hongrie, il est condamné pour trahison et ses biens sont confisqués. Dans les années 1930, il effectue des voyages aux Etats-Unis, en URSS, en Suisse et en Angleterre, où il restera pendant 7 ans. S’étant rapproché du communisme, sa bonne disposition est mise à l’épreuve par les procès de Moscou et le pacte germano-soviétique, mais il se tait pour ne pas nuire au front antifasciste.

41En avril 1945, il est élu parmi les députés d’honneur à Budapest, et le 25 avril 1946 il rentre dans le pays. Malgré la reconnaissance légale de ses mérites historiques en 1946 et l’intérêt que les hommes politiques lui témoignent (L. Rajk devient son ami personnel), il ne trouve pas sa place en Hongrie. Le 18 juillet 1947, il est nommé ambassadeur à Paris, mais la guerre froide le décourage et le rend passif. Convaincu de l’innocence de Rajk, il donne sa démission le 2 juin 1949 et le 6 il retourne à Paris. La rupture définitive avec le régime intervient le 13 octobre, lorsque Károlyi demande à Rákosi la révision du procès. Celui-ci répond par des menaces, et quand l’ancien comte rend public le contenu de son télégramme, on lui fait savoir qu’il a choisi le camp de la réaction et de l’impérialisme. Ses cendres seront rapatriées en mars 1962.

42Kemény György (1888-1976), économiste, expert du PSD, a collaboré à plusieurs journaux et dirigé notamment la rubrique économique du Pester Lloyd. Secrétaire d’État politique aux Finances depuis novembre 1945, il est un des acteurs principaux de la stabilisation. Il démissionne à la fin de 1947 et émigre en Angleterre en août 1948.

43Kerék Mihály (1902-1990). Spécialiste renommé des questions agraires, participe à partir de 1938 à l’application d’une réforme agraire dans la Haute-Hongrie réannexée. Il est proche par ses liens personnels des écrivains ruralistes et du Front de Mars et contribue à leurs travaux par ses écrits et ses conférences. En 1944, il refuse le service militaire, se met dans l’illégalité et le gouvernement Szálasi le prive de son emploi. Après 1945, il retrouve son statut d’expert en réforme agraire et adhère à nouveau au PP (qu’il a quitté en 1937 au bout d’une année d’adhésion), où, membre du comité exécutif, il se situe au centre. Député, conseiller municipal de Budapest, il fait partie de la direction d’une douzaine d’organisations, à caractère agro-commerciales pour la plupart.

44Kéthly Anna (1889-1976). Née dans une famille ouvrière de neuf enfants, elle a fait ses études tout en travaillant. Elle adhère au PSD en 1917, mais sa carrière politique ne commence vraiment que sous le régime Horthy, qu’elle accepte de combattre, selon la ligne de son parti, par tous les moyens légaux. « Cultivée, intelligente, excellente orateur, parlant l’allemand et l’anglais, Kéthly est d’un physique agréable ». Élue députée en 1922, elle aura laissé de centaines de discours parlementaires et de nombreux écrits. Dans les années 1930, elle combat avec énergie la politique pro-nazie du pouvoir, la théorie raciale conquérante, et affirme que tout cela conduira la Hongrie à sa perte. Ses discours courageux ont fait dire qu’« il n’y a qu’un seul homme au Parlement – et c’est une femme ». Pendant la guerre, elle participe avec Peyer aux plans de décrochage montés par les milieux gouvernementaux anglophiles, mais après le 19 mars 1944 elle reste à l’écart de l’activité clandestine du PSD.

45Députée en 1945 et 1947 et membre de divers comités de rédaction de son parti, elle passe, au printemps 1946, deux mois en Angleterre comme invitée du Labour Party. Puisqu’elle s’oppose à l’unification du PSD et du PC, elle est exclue et se retire de la vie publique en février 1948. Arrêtée néanmoins et condamnée à la prison à vie en janvier 1954, elle sera libérée le 19 novembre de la même année et cesse ensuite toute activité politique. En octobre 1956, elle participe à la reconstruction du PSD et elle en devient la présidente. Alors qu’elle se trouve à Vienne, elle est nommée ministre d’État dans le gouvernement Nagy (2 novembre). Apprenant la nouvelle de l’occupation soviétique et la proclamation de Kádár, elle se rend à New York pour informer l’ONU et mobiliser l’opinion internationale en faveur de la révolution hongroise. Revenue en Europe, elle s’établit à Bruxelles et déploie une grande activité dans la social-démocratie internationale et le PSD hongrois de l’émigration. Ses cendres sont rapatriées en 1990.

46Kovács Béla (1908-1959), issu d’une famille de petits cultivateurs, a fait quelques années d’études (niveau collège et école technique) avant de se consacrer à l’agriculture. Conseiller municipal (1929), adjoint au maire (1932) et conseiller général du comitat de Baranya (1927), il adhère en 1933 au PP, dont il sera secrétaire départemental (1936) et secrétaire national adjoint (1939). Il participe aux journées de Szárszó en 1943 et entretient des relations avec les écrivains populistes. Élu député en décembre 1944, il est membre de l’ANP, secrétaire d’État à l’Intérieur (23 décembre 1944-15 novembre 1945) puis ministre de l’Agriculture du gouvernement Tildy, jusqu’au 23 février 1946. Élu secrétaire général du PP le 20 août 1945, il apparaît « l’homme fort » de celui-ci. À partir de l’automne 1946, il désapprouve de plus en plus les concessions faites au PC. Accusé d’avoir été lié au complot dit antirépublicain pour former un contre-gouvernement, il est arrêté par les autorités militaires soviétiques le 26 février 1947, bien que l’Assemblée nationale n’ait pas suspendu son immunité parlementaire. Après sa détention dans diverses prisons (Budapest, Sopron, Neukirchen, Baden bei Wien), il est incarcéré à la prison centrale de la Sécurité d’État de Moscou. Le 5 mars 1952, il est condamné par décision ministérielle à 25 ans de prison. Le 8 novembre 1955, il est rendu au gouvernement hongrois. Sur l’intervention d’István Dobi notamment, il est libéré en avril 1956 et travaille comme chef de division du Centre des coopératives du comitat de Baranya. Pendant la révolution, il est élu président du PP reconstitué et nommé ministre de l’Agriculture. Le 4 novembre, il se rend avec deux de ses collègues à l’Ambassade des Etats-Unis, où le droit d’asile leur est refusé. Malgré ses entretiens avec Kádár, il écarte l’idée de sa participation au gouvernement, mais il reste député jusqu’à sa mort.

47Kovács Imre (1913-1980) avait des ancêtres paysans et calvinistes de la Grande Plaine, du côté paternel, et des artisans catholiques de la Transdanubie, du côté maternel. Son père fut pendant son service militaire secrétaire du régiment de l’archiduc Joseph, puis sommelier en chef de ce seigneur.

48Après la mort prématurée du père, Imre devient, à l’âge de 11 ans, pensionnaire d’un orphelinat protestant de Budapest. Il sera bachelier en 1932. Intéressé par l’agriculture et le sort du prolétariat agraire, il s’inscrit en sciences économiques. Sa première publication en 1934 porte sur l’expansion des Allemands de Hongrie. Le ton courageux et provocateur de ses articles attire l’attention de l’historien Szekfű, qui lui demande une étude. De plus en plus connu, Kovács se rapproche des écrivains ruralistes et participe aux recherches ethnographiques du professeur Győrffy et du comte Teleki. Il organise une exposition sur l’état du pays, mais se heurte par sa franchise au refus du comte, qui fait fermer l’exposition. En 1936, il parcourt la Hongrie, étudie la structure agraire et la vie paysanne. L’ouvrage qui en résulte, La révolution muette (Néma forradalom) paraît en 1937. Dès la sortie du livre, le procureur ordonne la saisie des stocks et accuse l’auteur d’incitation à la haine de classe.

49Condamné à 3 mois de prison et exclu de l’Université, Kovács devient journaliste, rejoint le Front de Mars et participe à la fondation du Parti national paysan (juin 1939). Mobilisé trois fois, il est parmi les manifestants contre la guerre et le fascisme le 15 mars 1942. Arrêté et détenu pendant 3 mois, il est libéré sur l’intervention de ses amis écrivains auprès du chef d’état-major et participe à la conférence de Szárszó. Après l’occupation, il fuit l’arrestation, adhère au Front hongrois et, le 20 décembre 1944, il traverse le front pour contacter le commandement soviétique, qui le prend pour un espion et l’emprisonne. Le 11 février 1945, il s’enfuit du camp de Gödöllő, reprend sa place dans la direction de son parti et assume des fonctions publiques importantes : député, membre de la Commission politique de l’Assemblée, du Conseil municipal de Budapest, etc.

50Sa position devenue inconfortable dans le PNP, refusant de cautionner la politique économique du PC, il quitte le pays : après Prague et Zurich, il se rend aux USA (octobre 1949) et déploie une intense activité politique au sein de l’« Europe Libre ». Au cours de ses nombreux voyages journalistiques, il se rendra même, en incognito, à Moscou, en 1957.

51Marosán György (1908-1992), est né dans une famille pauvre et gagnera sa vie comme ouvrier boulanger. Militant syndicaliste à partir de 1923, puis socialiste en 1927, il se fait tôt remarquer par ses talents d’orateur et d’organisateur. Un séjour à Vienne « la rouge » lui laisse une forte impression. Il s’instruit constamment et accède à une vision générale des affaires du pays, il discute avec les employeurs, affronte les autorités. Engagé dans la lutte contre la guerre, il est emprisonné en 1942. À partir de 1943, il noue des amitiés solides avec l’aile gauche de son parti et il en deviendra le représentant le plus marquant après la guerre. Suite à la mise en place du Kominform il juge inévitable l’unification des deux partis ouvriers, mais pense pouvoir discuter sur un pied d’égalité avec Rákosi. Arrêté en 1950 et condamné à mort, il attend son exécution jusqu’au printemps 1956, où il est libéré. Rákosi cherchant à l’amadouer, il devient membre du bureau politique en juillet 1956, puis le bras droit de Kádár dans le nouveau parti. Convaincu du caractère contre-révolutionnaire du soulèvement de 1956, qui selon lui met en danger les conquêtes socialistes, il est le seul haut responsable à oser se rendre auprès des ouvriers en grève. Mais compromis dans la politique de répression, haï par les intellectuels, rejeté par les anciens sociaux-démocrates et déçu par l’évolution du régime Kádár à l’encontre de l’idéal de la démocratie ouvrière, Marosán songe à se retirer des affaires dès 1957. Il démissionne effectivement du bureau politique en 1962 (acte inédit dans l’histoire du PC). Sollicité dans les années 1970-1980 par le pouvoir, il accepte des missions en Suède et en Autriche auprès des sociaux-démocrates. Son enterrement en décembre 1992 a eu lieu en présence d’« une foule immense ».

52Mindszenty, cardinal (1892-1975), Pehm József de son vrai nom, qui n’était pas d’origine allemande. Il prend le nom de Mindszenty en 1941 alors que la plupart des Souabes de Hongrie regermanisent leur patronyme. Il est issu d’une famille paysanne, reçoit la prêtrise en 1915 et, attiré très tôt par la politique, s’impose comme le chef de la contre-révolution dans le comitat de Zala, en 1918-1919. Arrêté par le gouvernement démocratique et interné sous la République des conseils, il est nommé ensuite curé de Zalaegerszeg (16 000 habitants) puis, en 1937, il est promu au cardinalat. Membre à titre de viriliste du conseil général de Zala et président du parti légitimiste chrétien dans ce comitat, Pehm joue un rôle de premier plan dans l’organisation politique des catholiques de la Transdanubie. Lors de l’essor des Croix-fléchées il convoque à Budapest en 1938 une conférence nationale des curés doyens pour tenter la fondation d’un parti, à mi-chemin entre les partis chrétien et national-socialiste. Après l’action énergique des autorités contre les Croix-fléchées, les catholiques conservateurs et légitimistes prennent nettement position contre ces derniers. Depuis 1940, Pehm dirige, sur la demande du comte Teleki, le mouvement qui vise à grouper les Allemands de Hongrie contre le pangermanisme.

53En 1943-1944, Mindszenty relance l’organisation légitimiste en faisant circuler surtout en Transdanubie des pétitions intitulées « Nous demandons que le trône catholique hongrois soit pourvu à nouveau ». Le 4 mars 1944, il est nommé évêque de Veszprém ; au cours de l’été il interdit le Te Deum organisé pour célébrer le « succès » de la déportation des Juifs. À la fin de novembre, il s’oppose, au nom des privilèges de l’Église, à ce que des soldats soient logés dans son palais ; c’est que la ville de Veszprém étant la première étape de l’évacuation des stocks d’or et de l’imprimerie des billets de banque, l’édifice a été réquisitionné. Mindszenty est alors arrêté par les Croix-fléchées et transféré le 23 décembre à Soronkőhida puis à Sopron, où il sera libéré le 1er avril 1945 par les troupes soviétiques. Dans un rapport, l’ambassadeur de France à Budapest écrit à propos de cette arrestation que « c’était là en effet, en Hongrie, un cas exceptionnel. On raconte même que dans cette circonstance, il était parti pour la prison revêtu de ses ornements pontificaux, et suivi de son clergé. Or, M. Rákosi assure avoir les preuves que cette arrestation n’était nullement due à un acte de patriotisme ou à des sentiments hostiles au nazisme, mais à une simple querelle avec l’autorité d’occupation à qui il refusait de céder un appartement de son évêché ». AMAE, Série Z Europe. Hongrie 1944-1960, vol. 198/18, Rapport n° 40, 24 janvier 1948.

54Condamné à la prison à vie en février 1949, libéré en 1956, Mindszenty se réfugie à l’ambassade des États-Unis de Budapest et quitte la Hongrie en 1971 sur l’ordre du pape.

55Mód Aladár (1908-1973). Né dans une famille de paysans pauvres (le père ayant tenté sa chance en Amérique), il rejoint le mouvement communiste en 1932 à l’Université de Budapest, où il fait des études de Lettres-Latin. Poursuivant un important travail sur la philosophie matérialiste et les fondements de la politique de front populaire, il publie ses travaux dans plusieurs journaux. Agent de liaison en 1944 dans la résistance d’Újpest, il sera après 1945 député, membre du conseil municipal d’Újpest, rédacteur de Szabad Újpest et rédacteur en chef de la revue Társadalmi Szemle. À partir de l’automne 1947, il est affecté aux secteurs de culture et propagande de la direction du PC. Suite à l’arrestation de son frère en rapport avec le procès Rajk, il se retire de la vie publique et se consacre à des travaux théoriques et universitaires (enseignement et vulgarisation scientifique).

56Mónus Illés (1886-1944) est né en Russie et c’est pour fuir les pogroms que sa famille est venue s’installer en Hongrie. Surnommé la « raison du parti », à cause de ses qualités intellectuelles, il devient membre de la direction du PSD en 1928. Il est successivement secrétaire général (1933-1936), rédacteur en chef de Népszava (1936-1939) et de la revue Szocializmus (1934-1938). Profondément démocrate, il s’élève contre la dictature stalinienne et combat les fascismes européens. Réduit à la clandestinité après le 19 mars 1944, il est retrouvé par les Croix fléchées et assassiné sur les bords du Danube.

57Nagy Ferenc (1903-1979) est d’une famille de paysans modestes. Cultivateur et n’ayant fait que les six classes de l’école primaire, il s’instruit lui-même. Il écrit dans les journaux locaux et Pesti Hírlap publie ses écrits sur la paysannerie. En 1924, il adhère au PP de Nagyatádi et participe en 1930 avec Tildy à la fondation du nouveau PP, dont il sera secrétaire général jusqu’au 20 août 1945. Entre 1933-1935, il est rédacteur de l’hebdomadaire « Petit propriétaire Indépendant ». Conseiller général du comitat de Baranya, élu député en 1939, il est un des fondateurs de l’Alliance paysanne, qu’il préside de 1941 à 1943. Ayant participé à diverses actions politiques contre la guerre, il est emprisonné par la Gestapo (avril-octobre 1944) puis, libéré par le gouvernement Lakatos, il attend la libération dans la clandestinité. Il occupe ensuite des fonctions importantes : président de l’Alliance paysanne, membre du CNB, député, membre de la commission politique de l’ANP…, successeur de Tildy au poste de Premier ministre (4 février 1946). Après sa démission forcée, il s’installe aux Etats-Unis.

58Nagy Imre (1896-1958), fils de parents pauvres du comitat de Somogy, a appris le métier de mécanicien après les classes du collège. Mobilisé en 1915 et fait prisonnier en 1916, il est gardé dans un camp près du lac Baïkal. Après sa libération en juin 1918, il combat dans la guerre civile avec les Rouges, adhère au parti bolchevique (février 1920) et retourne à Kaposvár, sa ville, en mars 1921. Employé par une société d’assurance, il adhère au PSD, d’où il est exclu en 1925. Il participe alors à la fondation du Parti ouvrier socialiste de Hongrie, nom de couverture du PC illégal. Arrestation (1927), émigration à Vienne (1928), travail illégal en Hongrie (1928-1929) sont ses étapes suivantes, avant le départ pour Moscou, où, au 2e congrès du PC, il est sévèrement critiqué pour « déviationnisme de droite ». Il restera à Moscou pendant 15 ans, occupant divers emplois : Institut agraire du Komintern (1930-1936), Office central des Statistiques de l’URSS (1937-1938), Radio hongroise de Moscou (1939-1944). Auteur de nombreuses publications sur la question agraire, il reste à l’écart de la direction du parti, dont il est même exclu un moment (1936).

59En novembre 1944, il fait partie de la première équipe communiste qui revient en Hongrie. Il sera député (décembre 1944, novembre 1945, 1947, 1949, 1953), ministre de l’Agriculture puis de l’Intérieur (poste qu’il doit abandonner en mars 1946 pour passivité). Désapprouvant la collectivisation forcée, il est écarté des questions paysannes et du bureau politique du PC (1949). Au bout d’un an d’enseignement à l’Université, il est réintégré dans l’appareil du parti et au gouvernement. Nommé Premier ministre après la mort de Staline (4 juillet 1953), il entreprend la liquidation de la dictature, ce qui le met en conflit avec Rákosi et ses partisans. En 1955, Nagy est privé de toutes ses fonctions et exclu du PC. Refusant l’auto-critique, il devient le chef de file de l’opposition anti-stalinienne, puis le Premier ministre d’un gouvernement de coalition en octobre 1956.

60Déporté en Roumanie et transféré à Budapest le 14 avril 1957, il est condamné à mort 15 juin 1958 et exécuté le lendemain. La réinhumation de Nagy et de ses compagnons le 16 juin 1989 est devenue l’événement symbolique du renouveau démocratique en Hongrie.

61Pálffy József, comte, (1904-1988). Après des études juridiques, il fut secrétaire du préfet de Gyula, puis il s’occupa de l’exploitation de sa propriété dans le comitat de Győr, où il dirigeait aussi le Parti chrétien économique, avant d’être élu député en 1939 du Parti de la vie hongroise (Magyar Élet Pártja). Au printemps 1944, il participe à l’organisation du Front hongrois.

62Peyer Károly (1881-1956) est un personnage clef de la social-démocratie hongroise de l’entre-deux-guerres. Ouvrier ajusteur, armé de quelques années d’études secondaires, il se révèle excellent organisateur et maître en manœuvres politiques. Défiant le patronat, il met en place le syndicat des mineurs en 1913. À l’automne 1918, il s’oppose avec fureur aux communistes, mais il garde toutes ses fonctions et accepte, par opportunisme, diverses responsabilités dans le gouvernement des Conseils. En mai 1919, il est pour la poursuite de la lutte armée, mais après l’échec il participe au gouvernement de coalition et doit fuir la terreur blanche. Revenu d’Autriche en 1921, il répond au vœu de Bethlen qui cherche à trouver un accord avec la social-démocratie pour consolider le régime. L’affaire est concrétisée par le « pacte Bethlen-Peyer » en décembre. Député de 1922 à 1944, et ses concurrents potentiels étant trop jeunes, il occupe le terrain (il fait partie de la direction depuis 1917). Le 19 mars 1944, il est arrêté par la Gestapo et déporté à Mauthausen. Après son retour, il retrouve son mandat de député et d’autres fonctions, mais il reste mécontent à la fois de son sort personnel et de la politique du PSD. En août 1947, il rejoint le Parti radical puis, en novembre, apprenant que la police prépare son arrestation, il se réfugie aux États-Unis.

63Rajk László (1909-1949) est né en terre sicule de l’ancienne Hongrie. Son père, un modeste cordonnier, doit faire vivre 13 enfants, dont plusieurs réussiront à faire des études supérieures. László préparant une licence de lettres-français fait un séjour en France, où il se familiarise avec le marxisme. Après son retour, il adhère au PC illégal en 1931, puis, suite à deux arrestations, il est exclu de l’Université en 1933. Gagnant sa vie comme ouvrier du bâtiment, il est un des dirigeants de la grande grève lancée en 1935 contre les projets corporatistes de Gömbös. Expulsé comme citoyen roumain, il choisit la Tchécoslovaquie. Là, il s’engage dans les Brigades internationales et participe aux combats de Caspe, de Lerida et de l’Ebre, où il est blessé. Alors que son unité se trouve près de Tarragone, Rajk est accusé de trotskisme et fera l’objet d’une enquête prolongée de la part du Komintern (1938-1941).

64Après la défaite des républicains espagnols, il est interné successivement à Saint-Cyprien, à Gurs et à Vernet, avant d’être libéré à la faveur d’un accord franco-germanique, en tant que citoyen d’un pays allié de l’Allemagne (été 1941). Revenu en Hongrie, il est repéré et, après l’internement, transféré à la Maison de réclusion militaire à Budapest. En septembre 1944 il réussit à se faire libérer et à reprendre contact avec le PC, qui cherche alors à créer une résistance armée avec les autres partis illégaux. Le 7 décembre, la conspiration est découverte, ses principaux chefs sont exécutés, Rajk n’échappant à la potence que grâce à l’intervention de son frère, secrétaire d’État du gouvernement Szálasi.

65Après la guerre, il accède aux plus hautes responsabilités du parti et de l’État. Réputé comme un ministre de l’Intérieur à poigne, il jouit cependant d’une « popularité personnelle naturelle auprès du peuple », qu’il côtoie « avec aisance et amitié » (S. Steven). Dans le contexte du conflit avec Tito et de la guerre froide, il sera présenté comme l’agent trotskiste d’un service américain. Le sinistre procès dont lui et ses coaccusés sont l’objet, et qui verrouille la dictature stalinienne, donne lieu à près de cent condamnations : 15 exécutions, 9 travaux forcés, 69 emprisonnements et 11 personnes meurent par suicides ou sous l’effet des émotions. Rajk lui-même et ses compagnons sont exécutés le 15 octobre 1949. Leur réinhumation sera le détonateur de l’insurrection de 1956.

66Rákosi Mátyás (1892-1971) est né dans une famille de petits commerçants juifs, sa mère ayant eu 14 enfants, dont 12 survivants. Son père, déporté à l’âge de 84 ans, et son frère aîné sont morts à Mauthausen, et sa sœur cadette à Bergen-Belsen. Élève brillant dès son plus jeune âge, Rákosi passe son bac à Szeged, obtient un diplôme à l’Académie de commerce de Budapest en 1912 et fait 2 ans de stage auprès des firmes internationales à Hambourg et à Londres.

67Mobilisé et fait prisonnier en 1915, il s’évade en 1918 et retrouve sa famille à Szabadka (Subotica), où il est officier instructeur. Inscrit depuis 1910 au PSD, il monte à Budapest en novembre 1918 et devient militant actif du PC de Hongrie, fondé à la fin du mois. Sous la Commune, il occupe des postes importants. Après l’échec, il se rend à Vienne, où il partage le sort des émigrés communistes internés, avant d’être libéré en avril 1920, puis expulsé. Parvenu en Russie soviétique, il représente le PC au 2e congrès du Komintern et effectue des missions dans plusieurs pays (Allemagne, Tchécoslovaquie, Autriche, Italie, France) pour mettre en place des partis léninistes. En septembre 1925, il est arrêté en Hongrie et condamné avec 4 de ses camarades à 8 ans et demie de réclusion (août 1926). À l’expiration de sa peine, il est condamné à la réclusion à vie pour son activité sous la République des conseils (février 1935). Le 30 octobre 1940, il sera échangé, en même temps que Zoltán Vas, contre les drapeaux hongrois, pris par les troupes du tsar en 1849. À son arrivée à Moscou, Rákosi apprend avec stupeur le drame des communistes, cherche à intervenir, avant d’être rappelé à l’ordre par Jdanov. Pendant la guerre, il s’occupe de la propagande antifasciste et prend la place de Gerő à la tête des communistes hongrois moscovites.

68Élu secrétaire général du PC après son retour, Rákosi se montre très habile dans les luttes politiques de la coalition, tout autant qu’au sommet de l’État, où il occupe des positions importantes. Après le tournant, il devient le personnage clef de la dictature stalinienne en Hongrie, qu’annonce le procès Rajk en 1949. L’étoile du « meilleur disciple hongrois de Staline » est à son apogée en 1952. Avec la mort de Staline en mars 1953 s’amorce le processus qui conduit à l’insurrection d’octobre 1956. Dès le 22 juillet, Rákosi quitte le pays pour l’URSS, où il sera contraint de passer les 15 dernières années de sa vie. Ses cendres seront rapatriées en février 1971.

69Révai József (1898-1959) est issu de la petite bourgeoisie juive. Après l’école supérieure de commerce, il fait des études à Vienne et à Berlin, participe aux mouvements contre la guerre, écrit des poèmes et des articles littéraires. Membre fondateur du PC, il s’exile après l’échec de la Commune à Vienne, où il déploie une grande activité journalistique tout en exécutant des missions en Hongrie. Arrêté en 1930, il est condamné à 3 ans et demie de réclusion. En 1934, il se rend à Prague puis à Moscou, où il fait partie du comité exécutif du Komintern et enseigne à l’École Lénine. Installé à Prague de 1937 à 1939, il dirige les affaires du parti hongrois et se livre à un travail théorique important, avant tout pour clarifier les rapports entre la politique de front populaire et le mouvement communiste. Depuis l’été 1939, il est à Moscou. Pendant la guerre il dirige les émissions de la Radio Kossuth et rédige le journal « Igaz Szó » (Parole Vraie). Avec Gerő, il est le plus actif dans les débats de septembre-octobre 1944, où le parti met au point son programme d’action.

70Après son retour en Hongrie, ses fonctions sont nombreuses, il sera notamment rédacteur en chef du Szabad Nép. Entre les 22 au 22 septembre 1947, il représente le PCH à Sklarska Poreba, où ayant envisagé l’avenir politique de la Hongrie dans le cadre du multipartisme, il doit faire son autocritique, mais s’adapte à la nouvelle situation après le tournant de 1947-1948 et garde ses fonctions dans le nouveau parti ouvrier unifié (MDP -Magyar Dolgozók Pártja/Parti des Travailleurs hongrois). Parmi les dirigeants de celui-ci, il est le seul à avoir des scrupules lors du procès Rajk. Comme ministre de la Culture (11 juin 1949 - 4 juillet 1953), il fait figure de dictateur. Relégué au second plan après l’été 1953, il sera réintégré à la tête du parti après avoir critiqué sévèrement Rákosi et exigé le retour à la légalité. Le 23 octobre 1956, il se présente à la rédaction de Szabad Nép (Peuple Libre), mais les journalistes l’accueillent avec hostilité. Le 31, les employés de l’Ambassade soviétique le font partir en URSS. Revenu en avril 1957 en Hongrie, il se plie à la nouvelle ligne de Kádár malgré son désaccord avec celle-ci et il est élu au comité central du nouveau Parti socialiste ouvrier hongrois.

71Ries István (1885-1950) est né dans une famille aisée de fermiers et a fait des études de droit. Encore étudiant, il prend contact avec le Cercle Galilée (qui regroupe entre 1908-1919 les étudiants et intellectuels progressistes) puis, comme prisonnier de guerre, il est témoin des révolutions russes de 1917. A son retour, il participe aux révolutions de 1918-1919 (commissariat à l’Instruction publique et Armée rouge). Après 20 mois d’exil, il reprend son activité d’avocat en Hongrie et se consacre à la défense des persécutés politiques. Dans les années 1930, il occupe les plus hautes fonctions dans le PSD, apporte son concours théorique au parti et participe à l’élaboration de son nouveau programme. Il accepte les acquis de la démocratie bourgeoise dans la mesure où ils sont associés à la « démocratie économique ».

72Après 1945, il s’investit dans le démontage du système juridico-administratif du régime Horthy. Membre du Comité national et du Conseil municipal de Budapest, ministre de la Justice à partir du 21 juillet 1945, son nom reste lié à toutes une série de lois et de décrets sur la République, la réforme agraire ou les droits des enfants naturels. Partisan d’une entente loyale des deux partis ouvriers, il démissionne pour protester contre le scandale des « bulletins bleus », ce que Rákosi et les siens ne lui pardonneront pas. Il sera arrêté en juillet 1950 et mourra en prison, probablement à la suite des interrogatoires.

73Slachta Margit (1884-1974) appartient à une famille de la noblesse polonaise, établie à Kassa (Kosice). Après avoir obtenu en 1906 une licence d’enseignement d’allemand et de français en collège, elle exerce à Győr puis à Budapest. A Győr, elle a participé au travail de patronage catholique, et en 1908 l’Association nationale de la Protection féminine l’envoie à Berlin pour un stage de « secrétaire ouvrière ». Après son retour, elle se consacre au travail social catholique et à la protection de la femme chrétienne. Elle donne des conférences, fonde une « école sociale » (1915) et un journal (« La Femme Chrétienne », devenu « La Femme Hongroise »), adhère en 1918 au Parti chrétien-social, avant de diriger le Camp féminin chrétien, qu’elle va organiser elle-même sur une base « chrétienne, nationale, légitimiste et sociale ». Le 26 mars 1919, elle adresse une requête au gouvernement des Conseils au sujet de la mise en valeur des terres en jachère et organise une coopérative agricole.

74Candidate en février 1920 du Parti de l’unité chrétienne nationale et élue à Budapest, elle est la première femme députée dans l’histoire de la Hongrie. En 1920, elle vote la fameuse loi sur la bastonnade, sans en être l’auteur. Interdite par sa supérieure à se présenter à nouveau aux élections, leur différend l’amène à fonder une nouvelle association. Dans les années 1930, elle déploie une activité fébrile en milieu ouvrier et organise des cours pour contrarier la propagande hitlérienne. Elle s’élève contre les lois raciales et le service de travail imposé aux juifs, et proteste contre la déportation de Kőrösmező. En février 1943, elle se rend à Rome pour inciter Pie XII à agir. En 1944, elle cache des juifs puis, en 1945, des Croix-fléchées.

75En novembre 1945, elle est élue sur la liste du PDB mais officiellement elle est sans parti. Élue à nouveau en août 1947 sur le programme du Camp féminin chrétien, elle continue à défendre « l’ordre étatique de Saint-Étienne » contre la République. En juin 1948, après l’adoption de la loi sur la nationalisation des écoles confessionnelles, elle reste assise pendant que les autres députés chantent l’hymne national. Elle est alors exclue pour deux semestres et perd son immunité parlementaire. En juin 1949, elle quitte le pays et s’installe aux États-Unis.

76Sulyok Dezső (1897-1965). Fils d’un ouvrier meunier, il obtient son bac avant de combattre sur le front italien et russe (1916-17). Sous la République des conseils, il devient officier de gendarmerie tout en poursuivant des études de droit, qu’il termine en 1925. Il ouvre alors son cabinet d’avocat dans la ville de Pápa, où il sera plus tard procureur et membre de la direction de la Banque de Crédit. Dès 1925, il se lance dans la vie publique, écrit des articles, adhère au parti Chrétien-social, légitimiste et pro-gouvernemental, devient président du Cercle catholique de la Ville et conseiller municipal. Rejoignant le parti de l’Unité nationale, il est élu député en 1935 ; en 1937, il quitte ce parti pour les Petits-propriétaires. Il ne vote pas la 2e loi sur les Juifs, mais dénonce dans ses interpellations l’origine en partie juive de Béla Imrédy (responsables des lois antijuives de 1938 et 1939) et l’origine arménienne de Ferenc Szálasi, officier de l’Armée et chef des Croix-fléchées. De janvier 1942 à juin 1943, il combat sur le front russe comme lieutenant de réserve, participe à la rédaction du mémorandum contre la guerre et aux entretiens qui aboutissent à l’alliance parlementaire de son parti avec le PSD. Sous l’occupation allemande, Sulyok est arrêté et interné (avril 1944), mais il sera libéré sur l’intervention de Mindszenty. Après la libération de Pápa, il est nommé maire par le commandement soviétique de cette ville, dont il est en même temps commissaire de police et président du Comité national. Élu député, membre de la direction de son parti, où il représente l’aile bourgeoise, le « groupe Sulyok-Vásáry », il s’installe en octobre 1945 à Budapest. Il y sera élu conseiller municipal et désigné comme accusateur dans le procès Imrédy. Après l’exclusion de son groupe du PP, restant député, il crée le Parti hongrois de la Liberté. Mais la nouvelle loi électorale rendant impossible l’exercice de son mandat, il quitte la Hongrie avec sa famille le 14 août 1947. Il s’installe aux Etats-Unis, où il va jouer un rôle important dans l’émigration politique.

77Szakasits Árpád (1888-1965). Fils d’un cordonnier socialiste, il devient journaliste social-démocrate après avoir appris le métier de tailleur de pierre, en l’honneur de son tuteur qui l’a élevé après la mort prématurée de ses parents. En novembre 1918, il est membre du Conseil ouvrier de Budapest et correspondant du Népszava puis, sous la République des conseils, il dirige une section au Commissariat de l’Intérieur. Après 1920, il est emprisonné à plusieurs reprises. De 1925 à 1948, il appartient sans interruption à la direction de son parti, tout en poursuivant une activité littéraire. Après l’occupation allemande le 19 mars 1944, Szakasists devient président du Front Hongrois clandestin qui regroupe les mouvements antifascistes. Le 11 octobre 1944, il se rend, accompagné de Zoltán Tildy, auprès de Horthy pour remettre le mémorandum du Front.

78À la libération, il est nommé à la tête du PSD, et il préside le Comité national et le Conseil municipal de Budapest. L’unification du PSD et du PC étant décidée alors qu’il est à l’étranger, il acquiesce. Président de la République jusqu’en 1950, il est arrêté en avril de cette année-là et emprisonné pendant six ans. Libéré le 29 mars 1956 et réhabilité le 27 juin, il exercera, à partir de 1958, de nombreuses fonctions : député, membre du Présidium, du Comité central du PSOH et du Comité national du Front populaire patriotique, président de l’Alliance nationale des Journalistes et de l’Alliance mondiale des Hongrois, membre de la présidence de l’Association amicale hungaro-soviétique, vice-président du Comité national pour la Paix et membre du Comité mondial de la même cause.

79Szalai Sándor (1912-1983). Fils d’un juriste savant qui dirige notamment la revue Jogállam – État de droit, a fait ses études supérieures en Allemagne et en Suisse. Après son retour à Budapest en 1935, il est employé par différents éditeurs, et se consacre au journalisme et au PSD : rédacteur du quotidien Pester Lloyd, collaborateur du Népszava, directeur de la section Sciences sociales de l’Académie ouvrière. Pris pour le service du travail pendant la guerre, il est emmené en Yougoslavie et soumis aux travaux forcés. Pendant la défaite nazie dans la région, il sert d’interprète auprès de l’Armée rouge (octobre 1944 - janvier 1945). Entre 1948 et 1950, il crée à l’Université Péter Pázmány le premier Institut de recherches sociologiques en Hongrie. Le 15 juin 1950, il est arrêté avec plusieurs de ses collègues qui ont travaillé à la section de politique étrangère du PSD. Accusé d’espionnage au profit des services secrets britanniques, il est condamné à la réclusion à vie. Il est libéré en mars 1955 et réhabilité en juin 1956. Il retrouve alors l’enseignement et les recherches universitaires en Hongrie et à l’étranger, à New York notamment, au sein de l’ONU (1966-1972). Membre, entre autres, de la Commission internationale permanente des Recherches sociales comparées auprès de l’Unesco, il est décoré à plusieurs reprises pour ses travaux de sociologie.

80Teleki Pál, comte (1879-1941). Professeur et homme politique, représentant typique de la vieille aristocratie hongroise et de la « forme civilisée » de l’antisémitisme, il est une des figures marquantes du régime contre-révolutionnaire. Ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Szeged (1919) et du cabinet Simonyi-Semadam (1920), il sera ministre des Cultes et de l’Instruction publique du gouvernement Imrédy (1938) et Premier ministre à deux reprises : du 19 juillet 1920 au 14 avril 1921 et du 16 février 1939 au 3 avril 1941, où il se suicide, la Hongrie se voyant imposer le passage des troupes allemandes contre la Yougoslavie, avec laquelle elle venait de conclure un traité d’amitié.

81Tildy Zoltán (1889-1961) a fait ses études supérieures à la Faculté de Théologie protestante de Pápa et obtenu une bourse à l’Assembly College de Belfast en 1913. Rentré en Hongrie à cause de la guerre, il enseigne les mathématiques avant d’exercer comme pasteur. En 1924, il fonde une imprimerie et rédige diverses publications religieuses et agricoles à l’adresse de la paysannerie. Entre 1942-1944, il exploite lui-même 27 arpents de terre à Szeghalom dans le comitat de Békés. Membre du PP de Nagyatádi depuis 1917, avant de participer à la fondation du nouveau PP indépendant. Député de 1939 à 1944, il s’oppose à l’adhésion du pays au pacte tripartite et à la guerre contre l’URSS. En 1943, il rédige avec E. Bajcsy-Zsilinszky un mémorandum contre la guerre, transmis à M. Kállay. Après le 19 mars 1944, il poursuit son action dans l’illégalité, acceptant, malgré la désapprobation de ses camarades, de travailler avec les partis de gauche, y compris les communistes, au sein du Front hongrois.

82Après la guerre, il approuve pleinement la réforme agraire, devient le principal dirigeant du PP (20 août 1945) et acquiert une réputation nationale : membre fondateur du CN de Budapest, député, président du Conseil économique supérieur, membre de la Commission politique de l’ANP, Premier ministre (15 novembre 1945-1er février 1946), président de la république jusqu’à sa démission forcée le 30 juillet 1948. Il restera en résidence surveillée jusqu’en 1955. En mai 1956, il retrouve sa liberté de mouvement et s’engage à nouveau dans la vie publique. Ministre d’État dans le gouvernement Nagy (27 octobre - 4 novembre 1956), il vote la rupture avec le pacte de Varsovie, mais ses anciens camarades du PP l’accueillent avec méfiance. Le 4 novembre, pour éviter l’effusion du sang, il fait cesser la résistance contre les chars soviétiques qui encerclent le Parlement. Arrêté le 23 mai 1957 et condamné dans le procès Nagy à six ans de prison, il sera remis en liberté en avril 1959 en considération de son âge et son état de santé. Il termine sa vie dans un petit logement de Buda.

83Varga Béla (1903-1995) a fait ses études secondaires chez les Bénédictins de Győr et, encore lycéen, il se joint en 1921 aux « insurgés » qui veulent récupérer Sopron et ses environs avant le plébiscite. Lors du 2e retour de Charles IV, il participe à la tentative de coup d’État de celui-ci. Après ses études à la Faculté de Théologie catholique de Veszprém, il reçoit la prêtrise en 1926 et exerce dans différentes paroisses. À Balatonboglár, il devient ami d’un propriétaire terrien, qui le fait adhérer au PP. En 1937, Varga devient le vice-président du parti, avant d’être élu député en 1939, dans le comitat de Somogy. À l’automne 1939, il est nommé membre de la « commission créée par l’épiscopat pour porter secours spirituel et matériel aux catholiques affectés par les lois sur les juifs ». Pendant la guerre, il organise l’accueil des réfugiés polonais, participe aux journées de Szárszó, signe le mémorandum contre la guerre et soutien le PSD tout en gardant de bonnes relations avec Mindszenty, qui le nomme chanoine. Après le 19 mars 1944, il doit se cacher et ne reprend ses activités politiques qu’en février 1945. À côté de ses fonctions dans le PP et CNB, il préside la commission d’enquête sur les atrocités nazies et Croix-fléchées. Député, membre de la Commission politique de l’ANP, il succède à F. Nagy à la présidence de l’Assemblée quand celui-ci devient Premier ministre le 7 février 1946. Légitimiste, Varga est hostile à la république et méfiant vis-à-vis de l’URSS et du PC, sans approuver la politique anticommuniste rigide de Mindszenty. Il quitte la Hongrie peu après l’émigration de Ferenc Nagy.

84Vas Zoltán (1903-1983), né Weinberger, est d’une famille juive urbaine aisée et croyante. Il est encore lycéen à Budapest quand il adhère, sous la République des Conseils, au PC. Exclu du lycée pour son activité politique en 1920, il rejoint en Tchécoslovaquie le mouvement de jeunesse de l’émigration communiste hongroise. Dès 1921, il revient en mission dans le pays mais il est arrêté et condamné pour rébellion à 15 ans de réclusion, peine modérée à 10 ans en appel. En 1922, Vas est libéré dans le cadre des échanges de prisonniers avec la Russie soviétique et s’inscrit à l’Université de Moscou. Coopté par la direction du PC au congrès de Vienne et nommé secrétaire général des JC de Hongrie, il est renvoyé dans son pays par le Komintern et tombe à nouveau entre les mains de la police lors d’un rendez-vous avec Rákosi. Après un premier procès (1926) sa condamnation est aggravée à la suite d’une grève de la faim en 1929, quand le tribunal lui inflige 13 ans et demi de réclusion.

85Le 30 octobre 1940, il est échangé à nouveau et quitte la Hongrie pour l’URSS. À Moscou, il collabore aux émissions de Radio-Kossuth, puis il s’engage dans l’Armée rouge et organise la propagande antifasciste dans les camps de prisonniers. Le 10 octobre 1944, il est le premier des communistes hongrois de Moscou à revenir dans le pays, où il déploie une grande activité en Tisza orientale libérée. Outre son appartenance à la direction du PC, il remplira des fonctions publiques importantes : député, commissaire au ravitaillement et maire de Budapest, puis secrétaire général du Conseil économique supérieur, qui lui vaut le titre de secrétaire d’État.

86Jugeant irréalisables les objectifs du Plan, il entre en conflit avec Gerő en 1952-1953 et sa carrière subit dès lors l’évolution des rapports de force au sein du pouvoir. En octobre 1956, il fait partie du gouvernement d’Imre Nagy. Déporté en Roumanie, il ne peut revenir dans le pays qu’en 1958. Il bénéficie alors d’une mesure de grâce, mais il n’est pas admis dans le nouveau parti (MSZMP). Retraité depuis 1963, il complète ses ressources par des travaux de traduction et de diverses publications (biographies de Marx, Kossuth, Horthy et textes autobiographiques).

87Vámbéry Rusztem (1872-1948), fils de l’orientaliste Vámbéry Ármin et filleul du roi d’Angleterre Édouard VII, il a fait des études de droit et de sociologie dans plusieurs universités (Budapest, Halle, Genève), avant d’exercer comme avocat puis comme professeur de droit pénal. Il fait partie des principaux animateurs de la franc-maçonnerie hongroise (action poursuivie dans l’illégalité sous le régime Horthy). Vice-président du parti radical bourgeois et membre du Conseil national pendant la révolution de 1918, il sera avocat de la défense dans le procès des commissaires du peuple en 1920, puis dans le second procès Rákosi en 1934-1935. Fuyant le fascisme, il émigre aux Etats-Unis en 1938, où il préside notamment la Committee for a New Democratic Hungary, fondée par le comte Károlyi en 1941 (année où Vámbéry est privé de sa nationalité par le régime Horthy). Pendant la guerre, il est conseiller des services de renseignements américain (OSS) et britannique. Élu député d’honneur en 1945, il représente la Hongrie comme ambassadeur à Washington du 5 septembre 1947 au 2 mai 1948 (année de son décès).

88Vásáry István (1887-1955) Né dans une famille nombreuse (9 enfants) de paysans aisés, descendant d’une vieille lignée calviniste de Debrecen, il entre dans l’administration municipale de cette ville en 1909, après avoir terminé ses études de droit et accompli une brève période d’avocat stagiaire. Sous la République des Conseils, il est élu président local du syndicat des fonctionnaires et adhère au parti socialiste de Hongrie. Devenu maire de Debrecen en 1929, il est un ardent défenseur des libertés communales et organise des travaux publics importants pour diminuer le chômage, à l’époque de la grande crise (construction du Musée, du corps central de l’Université, des piscines, du premier crématorium du pays, etc.).

89Partisan de Bethlen dans les conflits qui opposent ce dernier à Gömbös, Vásáry est attaqué par le parti gouvernemental et mis à la retraite anticipée en 1934, malgré la décision du Tribunal administratif, qui lui donne raison. Il est élu ensuite conseiller municipal, puis député en 1939. Membre depuis 1938 du parti des Petits- propriétaires, il vote avec Bajcsy-Zsilinsky contre l’adhésion de la Hongrie au pacte tripartite. À partir d’octobre-novembre 1944, il prend part à la réorganisation de son parti, redevient maire de Debrecen et remplit des fonctions nationales importantes : député, ministre, membre du conseil de Défense, de la Commission politique de l’Assemblée, etc.

90Désapprouvant les concessions faites à la Gauche par la direction du PP, il est exclu de celui-ci en mars 1946 avec 19 autres membres, sous la pression des partis ouvriers. Il garde son mandat de député et participe avec Sulyok à la fondation du Parti hongrois de la Liberté. Ce parti étant dissous le 21 juillet 1947, Vásáry adhère au parti de l’Indépendance de Z. Pfeiffer et il est élu à nouveau député le 31 août 1947. Mais le 20 novembre, tous les mandats de ce parti ayant été invalidés, Vásáry se retire de la vie publique. Privé de sa retraite de ministre en 1949 et de son logement en 1951, il fait des travaux divers et trouve refuge notamment auprès de l’évêque réformé, Dezső Baltazár, beau-père de József Vásáry. Ce frère d’István, qui a fait lui aussi une carrière politique, s’exile en Suisse en février 1957, puis revient en 1972 en Hongrie et bénéficie d’une retraite de secrétaire d’État.

91Veres Péter (1897-1970) est issu du monde des domestiques et ouvriers agricoles de la Grande Plaine (Balmazújváros), et après les 4 classes de l’école primaire, il partage le même sort. Mobilisé en 1917, il fait la guerre sur le front italien. En 1919, il est élu au directoire de sa ville et participe à l’action du comité agraire et du conseil ouvrier. Après l’échec, il est interné en Roumanie pendant un an et demi, puis condamné à un an de pénitencier. Dès 1914, il a fréquenté la bibliothèque du cercle local des cultivateurs et ne cessera d’enrichir ses connaissances. Son premier écrit paraît en 1928 dans Századunk (Notre Siècle), où il intervient dans le débat lancé par R. Vámbéry sur démocratie et dictature. La clarté de sa pensée et l’originalité de son style attirent l’attention des revues de gauche, qui vont publier régulièrement ses écrits sur la terre et la paysannerie.

92À partir de 1932, il est emprisonné plusieurs fois et surveillé pour son activité social-démocrate, alors que le PSD désapprouve ses idées trop radicales en matière de politique agraire. En 1937, il rejoint les écrivains ruralistes, devient un des dirigeants du Front de Mars et adhère au PNP en 1939. Mobilisé quatre fois pendant la guerre pour le service de travail, il déserte en août 1944 et se cache à Budapest pendant le siège. Au PNP, il incarne le centre et use de sa popularité pour maintenir l’équilibre entre les courants opposés du parti (Erdei - Kovács) et pour en préserver l’indépendance. Élu député le 2 avril 1945, il sera deux fois ministre et titulaire de plusieurs hautes fonctions dans le GNP. Dès 1948, il entre en conflit avec le groupe Gerő - Rákosi, au sujet de la question paysanne, et il est « exilé » dans l’activité littéraire. Président de l’Alliance des écrivains hongrois depuis 1954, il salue au nom de ces derniers la révolution de 1956, dans un discours prononcé devant la statue Bem (héros de la guerre d’indépendance de 1849). Durant les années de la répression, il intervient souvent pour faire libérer les intellectuels arrêtés et reste un auteur actif. Ses livres ont été traduits en 17 langues.

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