1Les vignettes 1 à 12 présentent des transcriptions de sujets que l’on peut considérer représentatifs de types approchés des master frames décrits dans le chapitre 4.

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2– Plateau présentateur : Hervé de Charette a remis cet après midi le prix « Trois F » du partenariat social, du nom du premier groupe HLM français. Ce prix récompense des associations spécialisées précisément dans l’insertion sociale des plus démunis. L’un des lauréats, le service d’accompagnement social, travaille dans les Yvelines.

3– Reporter : La première maison de Daniel et Christiane, c’était une cabane de jardin, sans eau ni électricité. Enfant de la Ddass, trop ballotté de famille en famille, Daniel n’était pas mécontent de son sort. Mais le jour où Christiane est enceinte, la mairie fait appel au SAS, le service d’accompagnement social des Yvelines, pour leur donner un coup de main. De la cabane ils passent à une caravane. Aujourd’hui les voilà locataires d’une HLM.

4– Interview d’un responsable du service d’accompagnement social des Yvelines devant leur appartement : ça donne des résultats qui ne sont pas mirobolants pour la famille que vous avez rencontrée. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas à l’emploi. Ils ont quand même un logement, de là où ils viennent, c’est très important. Ils en sont je dirais au tiers du parcours qui les amènerait à être complètement autonomes. Mais seuls, nous n’aurions donc pas pu le faire.

5– Reporter : Les partenaires de ce service, ce sont l’État, le conseil général, les communes. Des partenaires qui financent pendant que sur le terrain travailleurs sociaux et éducateurs incitent les personnes en difficulté à se reprendre en main

6– Interview de Daniel, le mari, à l’intérieur du logement : Décider seul, si, mais vous savez, ben pour l’instant c’est un peu dur, parce que bon, décider tout seul, faire ça, faire ci… voilà, pff… c’est dur…

7– Reporter : Daniel et Christiane vivent du RMI et des allocations familiales. Ils paient leur loyer, tentent de régler leurs dettes. Daniel travaille de temps en temps pour une entreprise d’insertion, il voudrait devenir palefrenier. Christiane aimerait travailler dans la vente. Tous les deux commencent à penser à l’avenir.

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8– Présentateur : Il est extrêmement difficile de savoir précisément combien de logements sont actuellement vacants en France. Le dernier recensement en 1990 avait évalué ce chiffre à 1 895 000, soit environ 7 % du parc immobilier total.

9– Reporter : Le sujet est tabou, à tel point qu’aucune étude précise n’a été vraiment faite. Selon l’Insee il y aurait aujourd’hui 1 900 000 logements vacants. D’autres sources vont jusqu’à 2 700 000, soit 10 % du parc total. Ils appartiennent en grande partie à des grands propriétaires privés. Mais ils les laissent rarement libres pendant plusieurs années.

10– Interview d’un responsable du syndicat des propriétaires d’Ile-de-France : Il n’y a pas de marché qui puisse fonctionner sans un minimum de 10 % de logements vacants, prêts à tourner, c’est-à-dire à être… on fait les travaux, on reloue, le type s’en va, il revient, etc. Il faut que ça tourne. 10 % du parc en rotation constante, ça me paraît clair, ça me paraît normal.

11– Reporter : En fait les logements vides depuis plusieurs années appartiennent le plus souvent à des institutionnels ou à des promoteurs. Eux seuls ont les reins assez solides pour geler leurs immeubles en attendant que les prix de l’immobilier remontent. On évalue à Paris à 58 000 le nombre de logements vides depuis au moins trois ans. À cela il faut ajouter les bureaux inoccupés, il y en aurait 6 millions de m2 en France, soit l’équivalent de 80 000 trois pièces.

12Autre donnée du problème : Aujourd’hui 30 % des HLM sont occupés par des ménages qui n’y ont pas droit, leurs revenus étant trop élevés. Cela représente 900 000 logements. Dans le même temps, un million de familles sont inscrites sur une liste d’attente.

13Logements vides d’un côté, HLM mal attribués de l’autre, face à ces portes closes aujourd’hui en France 400 000 personnes sont sans-abri et 2 millions et demi mal-logées.

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14– Plateau présentatrice : Plusieurs milliers de personnes, 35 000 selon les organisateurs, 10 000 selon la police, ont défilé à Paris aujourd’hui pour protester contre toutes les formes d’exclusion. Plus d’une centaine d’associations et de syndicats avaient appelé au mouvement, le cortège s’est étiré de la Bastille à la place Saint-Augustin. Les manifestants ont violemment apostrophé les candidats à l’élection présidentielle, pour qu’ils prennent davantage en compte la précarité grandissante dans notre société (suivent de multiples plans du cortège, des manifestants, des banderoles, pancartes, chars, animations, etc.).

15– Reporter : Mobilisation réussie pour les organisateurs de la manifestation contre les exclusions. Près de 20 000 personnes ont défilé de la Bastille à la place Saint-Augustin. En tête d’un cortège très bariolé, pas de politiques mais des personnalités venues dire avec des milliers d’autres leur refus des exclusions, du chômage au racisme en passant par la précarité.

16– Interview dans le cortège de Fodé Sylla, Président de SOS Racisme : Quand on envoie dans une même banlieue des gens qui ont plus de chances qu’ailleurs d’être au chômage, des gens pour lesquels se posent des problèmes de scolarité pour leurs enfants, des gens pour lesquels se posent des problèmes de logement, et qui vivent dans ces banlieues avec des étrangers qui sont eux-mêmes défavorisés, alors c’est là que ce racisme se développe. Donc à partir de ce moment-là, pour nous aujourd’hui il est extrêmement important qu’à travers cette mobilisation contrer les exclusions, ce soit un tremplin pour lutter contre le racisme.

17– Interview dans le cortège de Jean-Baptiste Eyraud, Président de DAL : On dit pour les droits, pour tous les droits : le droit au travail, le droit au logement, le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit au savoir, etc. Il faut qu’aujourd’hui tous les citoyens puissent y accéder.

18– Reporter : Principal mot d’ordre de la manifestation organisée par l’association DAL et une centaine d’organisation, l’application de la loi de réquisition des logements vacants. C’est d’abord sur ce thème que la mobilisation s’est faite.

19– Interview d’une anonyme dans le cortège : Moi j’ai un toit, mais je trouve scandaleux que des gens ne puissent plus être considérés comme des citoyens déjà, parce qu’ils ne peuvent pas voter quand ils n’ont pas d’adresse… et qu’ils ne puissent pas tout simplement protéger leurs enfants dans des conditions qui sont normales.

20Interview d’une autre anonyme dans le cortège : Qu’on n’ait pas d’argent je veux bien, mais qu’on n’ait pas un toit ce n’est pas normal. En France, ce n’est pas normal de ne pas avoir un toit. Je trouve ça honteux ! Un pays aussi riche que ça, je trouve ça honteux !

21– Reporter : Arrivée à son terme, la manifestation ne s’est pas dispersée. Dans une ambiance de fête, des milliers de personnes assistaient il y a encore quelques minutes à un meeting improvisé.

22Sonore de Albert Jacquard : Dessinons dès aujourd’hui un monde plus fraternel.

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23– Présentateur : En France spectaculaire coup de filet contre le travail clandestin, opération menée par une centaine de policiers dans une cité de Gargesles-Gonesse en région parisienne (suivent de multiples plans de l’intervention policière, à l’intérieur de l’atelier clandestin ou à l’extérieur, au milieu de la cité).

24– Reporter : Des machines à coudre, des tables à repasser, tout le matériel nécessaire à la confection a été saisi. Les policiers de la Diccilec surveillaient la Tour Europe à Garges-les-Gonesse depuis plusieurs mois. Cet immeuble vétuste abrite une soixantaine d’ateliers d’assemblage de pièces de vêtements. Des personnes issues de Turquie, du Sri-Lanka ou de l’ex-Yougoslavie travaillaient ici, jour et nuit.

25Ce matin, sur vingt ateliers contrôlés, quinze étaient en infraction.

26– Interview du secrétaire général du Parquet de Pontoise : Une quarantaine de personnes restent actuellement en garde à vue… dix d’entre elles sont des personnes qui ont été trouvées en situation irrégulière au regard de la législation du séjour sur les étrangers… Les trente autres, ce sont des personnes qui de près ou de loin ont une responsabilité dans l’organisation des ateliers en situation irrégulière.

27– Reporter : Les conditions de travail étaient particulièrement difficiles. Les normes de sécurité absolument pas respectées. La Tour Europe est située au cœur de la cité de la Muette, un quartier qui doit devenir une zone franche lors de la loi d’intégration urbaine présentée à l’été devant le Parlement.

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28– Présentateur : Nous avons enquêté en Guyane, le département français le plus touché par l’immigration clandestine. L’an dernier, gendarmes, douaniers et policiers ont raccompagné à la frontière 12 000 personnes, ce qui représente 10 % de la population locale. Depuis quelques années, les Guyanais sont même devenus minoritaires, une phénomène qui bouleverse l’économie de toute une région (suivent de multiples plans du fleuve, des pirogues et bateaux, des policiers et gendarmes inspectant le fleuve).

29– Reporter : A Saint-Laurent, le Maroni fait 2 km de large. L’autre rive, c’est le Surinam, l’ancienne Guyane Hollandaise. Ce fleuve frontière est le lieu de tous les trafics : drogue, prostitution, immigration clandestine. En Guyane, les salaires sont 20 fois plus élevés que dans les pays limitrophes, Brésil, Guyana et Surinam, mais surtout, la médecine gratuite, les allocations familiales et le RMI attirent comme un aimant toutes les populations de la région. Alors, pour stopper l’invasion, la gendarmerie et l’armée contrôlent le fleuve et ses pirogues.

30Sonore des gendarmes contrôlant une pirogue : Vous allez où là ? Vous venez de là-bas ? Si vous n’avez pas vos papiers, vous passez à la police là-bas !

31– Reporter : Jour et nuit, deux bateaux patrouillent. À bord, un piroguier, un gendarme et un parachutiste de l’infanterie de marine, car certains contrebandiers n’hésitent pas à tirer des coups de fusil pour échapper aux contrôles.

32Voici Doudou l’anguille. C’est un passeur Surinamien, il s’est fait prendre avec deux passagers qu’il essayait de débarquer à Saint-Laurent. Les deux clandestins qui ont payé entre 100 et 500 francs leur passage sont conduits au poste de police, mais leur vérification d’identité sera impossible, vu qu’ils n’ont pas de papiers.

33Doudou, en revanche, connaît les risques du métier. Comme il est récidiviste, sa pirogue, qui vaut entre 10 000 et 15 000 francs, et son moteur, qui en vaut 50 000, doivent lui être confisqués.

34(Sonore des échauffourées entre gendarmes et passeurs) Mais le passeur refuse d’obéir, et dans la confusion, le moteur tombe à l’eau. Et puis, avec l’aide de deux autres piroguiers, Doudou essaie de s’échapper. Le ton monte, on se menace, on sort les bâtons. La suite : regardez…

35Notre anguille sera repris 4 heures plus tard par une autre patrouille, et cette fois conduit au poste. Condamné à verser une amende qu’il ne paiera jamais, Doudou sait qu’il sera expulsé le lendemain, avec d’autres clandestins.

36Deux fois par jour, à midi et à 17 heures, celles et ceux qui se sont fait prendre embarquent sur le bac international qui relie la Guyane au Surinam. Des hommes et des femmes, jeunes pour la plupart, résignés mais qui tenteront une heure plus tard ou le lendemain de repasser en Guyane.

37– Reporter : Pour nous Français, le Maroni marque la frontière entre le Guyane et le Surinam. Mais pour tous les habitants du fleuve, le Maroni c’est d’abord un axe de vie, de communication et d’échange. Et c’est pour cela que tous les jours, il y a ces clandestins que l’on reconduit à la frontière.

38L’an dernier, ils étaient 12 000 reconduits au Surinam et au Brésil. C’est 12 fois plus qu’il y a 10 ans, et ce chiffre augmente sans cesse. Le gouvernement a promis d’intensifier la lutte contre l’immigration clandestine, ce ne sera pas du luxe, les clandestins représentent aujourd’hui le quart de la population guyanaise, et ils menacent l’équilibre économique et social de ce département français.

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39– Présentateur : L’Église de France critique publiquement le rapport parlementaire sur l’immigration clandestine. Certaines propositions faites semblent pour les évêques porter atteinte à certains droits fondamentaux. L’évêque de Versailles n’a pas attendu aujourd’hui pour soutenir 10 parents étrangers d’enfants de nationalité française qui en sont à leur huitième jour de grève de la faim. Le maire RPR de Versailles, Étienne Pinte, s’est également engagé en faveur de ces grévistes de la faim.

40– Reporter : Un dortoir aménagé dans une chapelle. Depuis huit jours ces femmes vivent ici sur ces matelas prêtés par le Secours catholique. Elles sont en grève de la faim illimitée tant qu’elles n’auront pas obtenu la régularisation de leur situation.

41– Interview d’une des grévistes : Nous sommes tous dans la même situation… parents d’enfants français, non expulsables et non régularisables. Donc ils nous mettent dans des situations vraiment inhumaines, car l’enfant est Français, mais les parents ne sont pas reconnus.

42– Reporter : Une situation ambiguë qui dure pour eux depuis plus d’un an. À la fois inexpulsables et interdits de titre de séjour, l’examen de leur dossier se fait désormais au cas par cas par les préfets depuis les circulaires Pasqua et Debré de 1995. Mais pour les associations tout dépend de l’interprétation qui en est faite par la préfecture.

43– Interview du représentant des associations dans l’église : Ce dont on se rend compte, c’est que depuis un an, les préfets ou bien font la sourde oreille, ou bien ne veulent rien entendre, et interprètent ces circulaires de façon très restrictive, de sorte que rien n’avance.

44– Reporter : Ces 10 parents de nationalité algérienne, marocaine ou zaïroise ont reçu le soutien de l’évêque des Yvelines, d’associations humanitaires ou politiques, mais aussi du maire de Versailles.

45– Interview du maire de Versailles dans les locaux de la mairie : Il est impensable qu’on puisse séparer des enfants de leurs parents. Et donc il faut partir du critère de l’enfant pour pouvoir régulariser toutes les situations qui peuvent être régularisables sur le plan légal ou sur le plan réglementaire.

46– Reporter : Dans le département, 132 cas similaires sont actuellement à l’étude. C’est jeudi que le préfet doit recevoir le collectif d’association qui les défend.

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47– Présentatrice : L’affaire des sans-papiers est désormais une affaire politique et a pris un nouveau tournant cet après midi lorsque Alain Juppé, réunissant à Matignon neuf de ses ministres a décidé de saisir le Conseil d’État. La journée à l’église Saint-Bernard s’est déroulée au rythme de ses décisions. Pour sa part, Jean-Louis Debré qui répondra dans un instant à nos questions recevait en fin de journée le porte-parole des grévistes.

48– Sonore et plans des membres du comité de soutien à l’extérieur de l’église Saint-Bernard : Le contenu politique des lois anti-immigrés doit impérativement changer. C’est contraire aux droits de l’homme… ça c’est pour Chirac.

49– Reporter : Sympathisants et militants sont là. À l’heure de la sieste, aux alentours de Saint-Bernard, les surveillants de la nuit se reposent, le comité de soutien aux sans-papiers travaille.

50– Interview d’un membre du comité de soutien devant l’église : Et bien on veut qu’il y ait un maximum de personnes qui viennent soutenir, qui viennent soutenir par la pétition mais aussi en venant aux manifestations. Il faut faire le plus gros… la plus grosse pression possible sur le gouvernement pour qu’il cède.

51– Reporter : La tendance est donc à la mobilisation. Pourtant, la nuit a été difficile. Un gréviste de la faim hospitalisé, et la crainte d’une intervention policière, les fatigues s’accumulent, la vie quotidienne s’organise. À 16 h 30 Alain Juppé réunit les ministres concernés par le dossier. Sans un mot, les grévistes en sont à leur 48^e jour de grève.

52– Interview d’une avocate des sans-papiers dans l’église : Vous voyez, ils sont parfaitement lucides et parfaitement déterminés. Ils se posent de grandes questions, ils ont tous leurs espoirs maintenant dans Jacques Chirac, et la demande qu’ils viennent d’apprendre d’avis du Conseil d’État sur l’application des lois Pasqua dont ils considèrent qu’elles ont toujours été iniques.

53– Reporter : Peut-être un espoir en effet, Jean-Louis Debré vient de saisir le Conseil d’État d’une demande d’avis, un cortège se prépare pour partir manifester place de la République (sonore des discussions et tractations entre sans-papiers pour la marche à suivre). Les Africains et leurs soutiens sont dans la rue. Au même moment place Beauvau, Jean-Louis Debré reçoit Boubacar Diop et deux délégués du mouvement. Mais la rumeur des tam-tam n’est pas arrivée jusque-là. Les porte-parole sortent déçus de l’entretien.

54– Interview de M. Cissé au sortir de l’entretien : On ne peut pas parler d’ouverture pour l’instant, parce que Monsieur Debré exclut déjà des catégories ; il a dit qu’il y a certaines catégories qu’il ne peut pas régulariser.

55– Un journaliste derrière elle : Il y en a d’autres qu’il accepte donc ?

56– M. Cissé : Voilà, il y en a d’autres qu’il accepte de régulariser. Mais comme je l’ai dit tout à l’heure, nous allons renforcer la mobilisation et redoubler de vigilance, et élargir le soutien et la solidarité.

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57– Présentateur : Belle initiative du club Léo Lagrange de Saumin près de Lille. Depuis cinq ans il propose aux chômeurs de longue durée d’entretenir les jardins de la ville. Une solution provisoire pour une cinquantaine de personnes qui ont aujourd’hui maintenant un emploi. Une histoire qui a démarré après une simple lettre d’un retraité (suivent de nombreux plans des anciens chômeurs travaillant au jardinage ou à la réfection d’un mur, ou des responsables et des clients de cette association).

58– Reporter : Quand on veut, un peut. Un principe difficile à faire comprendre à ces anciens chômeurs mais auquel le personnel d’encadrement du Club Léo Lagrange est très attaché. Donner un travail à des sans-emploi, c’est une chose, leur redonner le goût du travail en est une autre.

59– Interview d’un responsable de l’encadrement de l’association « Les jardins de la ville » : Je les accueille, et j’essaie de pister leurs motivations, et ensuite je fais mon travail, c’est-à-dire je suis présent avec eux, je les encadre, ça leur fait du bien, et ça marche comme ça.

60(Sonores d’une cliente avec les employés anciens chômeurs) Reporter : 35 propriétaires de jardins ont déjà signé un contrat avec l’association. Des femmes seules, le terrain a aujourd’hui une autre allure que ceux laissés à l’abandon.

61– Interview d’une cliente de l’association : ça fait 15 ans qu’ils y viennent, et j’en suis contente.

62Reporter : Sur les 30 employés recrutés depuis cinq ans, deux d’entre eux n’ont pas souhaité rester.

63– Interview d’un des anciens chômeurs :

• Reporter : Vous avez l’intention de travailler pour le Club Léo Lagrange pendant longtemps ?
• Chômeur : Enfin, si je peux trouver ailleurs j’irai, mais sinon tant qu’ils me prennent je resterai là.

64– Reporter : Subventionnée par l’État, le Conseil général du Nord et le Conseil régional, l’association ne pourra pas toujours accueillir d’autres jeunes. Ils sont déjà nombreux, et le temps où l’on venait au club pour se distraire est terminé.

65– Interview du président du Club Léo Lagrange local : Le jeune ne vient plus me dire comme il y a 30 ans, « Albert on fait un baby foot ? On va simplement se faire une petite bouffe ou une surprise party » ? Non. On vient et on me dit : « Albert, qu’est-ce qu’on fait pour la vie quotidienne, qu’est-ce qu’on fait de mes projets, qu’est-ce qu’on fait parce que je n’ai plus rien » la plupart du temps !

66– Reporter : 24 vrais emplois ont été créés depuis l’existence de l’association. En majorité Rmistes, les salariés du Club Léo Lagrange partent avec un contrat en poche.

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67– Présentatrice : Le chiffre du chômage est donc une heureuse surprise, moins 2.8 %, soit une diminution de 86 800 demandeurs d’emploi par rapport au mois de novembre. Le taux de chômage s’établit désormais à 12.8 %. Le gouvernement se réjouit mais veut rester prudent. « Il faut juger l’évolution du chômage sur la durée » dit Lionel Jospin. Les spécialistes évoquent surtout le surcroît de consommation et d’activité pendant les fêtes de fin d’année (suivent de nombreux plans de chômeurs dans des locaux d’ANPE et des « encadrés »).

68– Reporter : Il y a d’abord les chiffres. Moins 2.8 % au mois de décembre, soit 86 800 chômeurs en moins. Au total il y avait à la fin de l’année 3 027 800 personnes sans-emploi, 12.2 % de la population active, contre 12.4 % en novembre 1997.

69Une baisse générale qui profite essentiellement aux jeunes de moins de 25 ans, hommes et femmes, mais aussi aux chômeurs de longue durée. En tête des secteurs qui embauchent le tertiaire, les services, avec une hausse de 0.6 %.

70– Interview d’un expert analyste en économie et finance : On peut dire que cela témoigne de la vigueur de la reprise, qui est très forte depuis le printemps 1997, et que maintenant en France la croissance créé beaucoup d’emplois et qu’elle en crée plus vite qu’auparavant.

71– Reporter : Des chiffres toutefois à manier avec prudence. D’abord parce que l’intérim a explosé en 1997, plus 21.5 %, signe d’une reprise dans certains secteurs, mais signe aussi parfois de précarité. Ensuite, de l’avis même du gouvernement, décembre avec les fêtes de Noël est une période favorable aux emplois temporaires.

72– Interview de M. Aubry, ministre de l’Emploi et de la solidarité, dans la cour de Matignon : Non, je crois qu’il faut faire très attention. Je suis convaincue pour ma part que beaucoup de ces demandeurs d’emploi ont été embauchés en travail temporaire et en CDD, et qu’on les retrouvera à l’agence pour l’emploi dès le mois prochain. Je crois qu’il faut être sérieux, la tendance est bonne, ça je crois qu’il n’y a aucun doute, mais il faudra faire si je puis dire une moyenne en décembre et janvier pour apprécier réellement la baisse du chômage.

73– Reporter : Janvier et février pourraient donc accuser une rechute, mais la tendance selon les experts devrait rester à l’amélioration. Depuis deux mois consécutifs les offres d’emploi sont en progression dans les ANPE, et les licenciements en baisse.

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74– Présentateur : Aucune situation ne peut bien sûr se ressembler, mais il y dans la parole des chômeurs des propos qui reviennent très souvent. Certains d’entre eux pour évoquer la perte d’un travail évoquent une sorte de petite mort. Écoutez le témoignage très émouvant de cette jeune femme d’une trentaine d’années (suivent de multiples plans du témoin chez elle).

75– Au début, on est très actif, parce qu’on veut s’en sortir, donc je sais qu’au début j’étais là, j’allais à l’ANPE tous les jours, j’essayais de trouver des annonces correspondant à mon profil, mais au bout d’un an, un an et demi, deux ans, on commence à avoir une lassitude qui vient, qui est là, on finit par…

76– J’ai dû écrire à peu près 200 lettres, 200 lettres, et j’ai dû recevoir à peine 10 ou 15 courriers… tous négatifs.

77– J’étais prête même à trouver des emplois comme femme de ménage et tout, je n’ai pas réussi parce que je n’avais pas d’expérience, ou j’étais trop diplômée, ou j’étais trop âgée, ou pas assez âgée… J’en ai eu ras-le-bol… j’en ai ras-le-bol en ce moment… Et c’est vrai qu’aujourd’hui j’ai toujours ce sentiment d’être quelqu’un quelque part qui est mort. Je n’ai pas l’impression de vivre ma vie à 31 ans comme quelqu’un qui à 31 ans est actif et qui participe à la vie de la société… j’ai l’impression d’être rejetée de partout.

78– Quand on est chômeur et qu’on a un, deux, trois ans de chômage, enfin au début, la première année, on… les gens ont de la compassion, essaient de vous aider. Et puis ensuite la deuxième année ça lasse, et la troisième année les gens en ont ras-le-bol, et souvent les gens disent que si vous ne trouvez pas de travail, vous êtes un fainéant. Or, ce n’est pas le cas. Moi je ne me considère pas comme quelqu’un de fainéant. J’ai envie de travailler, j’ai envie de payer des impôts comme tout le monde, j’ai envie de ça.

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79– Présentateur : De l’autre côté de la Manche, où le taux de chômage est deux fois moins important, en Grande-Bretagne, Tony Blair vient de présenter un plan destiné à s’attaquer, lui aussi, au problème des jeunes sans-emploi (suivent de nombreux plans d’un jeune chômeur, chez lui jouant à une console de jeux, ou dans les locaux de l’ANPE anglaise).

80– Reporter : Gary Colson va devoir abandonner ses jeux vidéo. À 23 ans, il est chômeur depuis plus de 6 mois, et reçoit des allocations. Une situation que le gouvernement britannique ne veut plus tolérer.

81Gary, comme les autres jeunes dans la même situation, n’aura désormais plus le choix. Soit il travaille, soit il ne reçoit plus d’allocations. Un choix que Gary accepte, mais pas à n’importe quelle condition.

82– Interview (doublée) du jeune chômeur : C’est une bonne idée, mais j’espère que ça me rapportera au moins 7 000 ou 8 000 francs par mois au moins, sinon ce n’est même pas la peine. Et je voudrais quelque chose qui corresponde à ma formation aussi.

83– Reporter : Et pourtant le gouvernement est déterminé. Il veut lutter contre le chômage des jeunes par tous les moyens. C’est pour cela qu’il vient de lancer un programme ambitieux, appelé New Deal, la nouvelle donne.

84Tous les jeunes de moins de 25 ans à la recherche d’un emploi depuis plus de 6 mois devront choisir entre quatre propositions. Refuser l’une d’elle conduit à la perte des allocations chômages.

85Les quatre options sont les suivantes : des formations payées par le gouvernement, ou si les jeunes préfèrent un emploi dans une association caritative pendant six mois.

86Autre choix : travailler dans le secteur public de l’environnement ou enfin dans une entreprise qui recevra une subvention de l’État. Pour tous ces jobs, les jeunes seront payés. Ce programme sera financé par une taxe exceptionnelle sur les entreprises privatisées.

87– Plateau reporter extérieur dans les rues de Londres : Le New Deal fait partie des réformes de Tony Blair pour lutter contre ce qu’il appelle les abus de l’Étatprovidence. Le Premier ministre britannique veut briser la culture de l’assistanat pour s’attaquer selon lui au vrai problème de la pauvreté.

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88– Présentateur : A Paris, manifestation des chômeurs cet après-midi, près de 10 000 personnes ont défilé de la gare du Nord à la Nation sous des slogans désormais familiers. Tous demandent au Gouvernement de partager les fruits de la croissance. À noter tout de même la faible participation des salariés qui pourtant avaient été appelés à renforcer le mouvement des chômeurs (suivent de multiples plans de la manifestation).

89– Reporter : Un cortège d’environ 15 000 manifestants. Cet après-midi, entre averses et éclaircies, la mobilisation espérée par les associations était au rendez-vous.

90– Interview de Richard Dethyre (APEIS) dans le cortège : C’est une grosse piqûre de rappel, parce que les problèmes restent entiers, graves, et on n’a pas répondu à l’urgence.

91– Reporter : Car les mesures prises par le gouvernement ces derniers mois, c’est-à-dire essentiellement le projet de loi contre l’exclusion et la hausse des minima sociaux, ils les jugent très incomplètes.

92– Interview d’une anonyme syndicaliste CGT dans le cortège : Non, ce n’est pas suffisant, c’est pour ça qu’on est là aujourd’hui.

93– Interview de Arlette Laguiller (FO) dans le cortège : Les 1 500 francs d’augmentation des minima sociaux, le RMI pour les jeunes de moins de 25 ans qui sont sans-emploi n’ont pas été satisfaits. C’est pour ça qu’aujourd’hui ils sont dans la rue.

94– Interview de Claire Villiers (AC) dans le cortège : Parce que la situation d’urgence est telle qu’il faut aller bien au-delà, et il faut vouloir supprimer le chômage, supprimer l’exclusion, supprimer la pauvreté.

95– Reporter : Pauvreté sans frontière, d’où la présence dans le cortège de chômeurs et de syndicalistes italiens, espagnols, hollandais, luxembourgeois, et surtout des Belges.

96– Interview d’un syndicaliste belge dans le cortège : Nous sommes ici parce que nous pensons que la lutte des chômeurs de quelque pays européen que ce soit, c’est une lutte d’ampleur internationale.

97– Reporter : Au coude à coude avec les sans-emploi, ont aussi défilé des sans-papiers, des sans-abri, des mal-logés. Aujourd’hui à Paris, entre la gare du Nord et la place de la Nation, c’était la journée des « sans ».