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La révolution des paroisses

 | 
Restif Bruno

Première partie. Les paroisses de Haute-Bretagne au xvie siècle

Chapitre I. Les paroisses et leur gestion

Texte intégral

Les paroisses de trois diocèses haut-bretons

Une région, des pays

  • 1 Croix A., L’Âge d’or de la Bretagne. 1532-1675, Rennes, 1993, p. 110.
  • 2 Ibidem, p. 109.
  • 3 Jarnoux Ph., Les bourgeois et la terre. Fortunes et stratégies foncières à Rennes au xviiie siècle(...)
  • 4 Antoine A., Lagrée M. (dir.), Le pays de Rennes. Histoire et identité, Rennes, 2001, p. 38-42.

1Aux xvie et xviie siècles, la région qui correspond aux diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo est la seule de la province à présenter un réseau urbain cohérent. Vers 1660, la population urbaine représente près de 20 % de la population totale1. À cette date, seule Rennes, véritable capitale de la province, est une très grande ville, avec plus de 45 000 habitants2. Régulièrement siège des États de Bretagne, qui subsistent de l’époque ducale, siège du Parlement à partir de 1554, de façon définitive à partir de 1561, et de l’intendance à partir de 1689, elle remplit aussi, mais dans une bien moindre mesure, une fonction économique. Hommes de loi, officiers, négociants et rentiers acquièrent résidences et propriétés dans la campagne environnante. L’étude du phénomène, menée par Philippe Jarnoux pour le xviiie siècle, permet de mettre en évidence l’aire de rayonnement de la ville sur les campagnes3. Celle-ci est alors forte dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres autour de Rennes puis, avec une intensité moindre, la zone d’influence s’étend jusqu’à une quarantaine de kilomètres de la ville, incluant donc la quasi-totalité du diocèse de Rennes (excepté le nord-est) et la moitié orientale du diocèse de Saint-Malo4.

  • 5 Lagrée M., Tanguy b. (dir.), Atlas d’histoire de Bretagne, Morlaix, 2002, p. 114-115.

2Rennes entretient de multiples liens avec les deux autres grandes villes du diocèse, Fougères et Vitré, dont le dynamisme économique, important aux xve et xvie siècles, décroît dans le cours du siècle suivant. Cependant, ces deux villes continuent à rayonner chacune sur son propre pays, distinct du pays de Rennes. Deux ou trois autres villes du diocèse députent aux États de Bretagne, mais leur population ne dépasse pas les 2 000 habitants5.

3Dol est la seule ville du diocèse du même nom. D’importance moyenne, elle est assez peu dynamique économiquement et son petit pays comprend pour partie des forêts, au sud-ouest, et un vaste marais, au nord. Dans le diocèse de Saint-Malo, Dinan et Ploërmel sont des villes présentant à peu près la même envergure que Dol. Cependant, ces trois villes remplissent des fonctions suffisamment diversifiées pour rayonner sur un véritable pays, même s’il est de dimensions modestes. C’est nettement moins le cas de Josselin et de Montfort, petites agglomérations dont l’influence est limitée par la proximité d’une ville plus importante, Rennes dans un cas et Ploërmel dans l’autre. Le réseau urbain perd d’ailleurs de sa cohérence dans la moitié méridionale du diocèse de Saint-Malo. Il s’agit là d’un espace qui échappe davantage aux emprises urbaines et dont le centre est constitué par la vaste forêt de Brécilien autour de Paimpont, forêt cernée de landes.

Carte 1. – Villes et pays

Carte 1. – Villes et pays
  • 6 Croix A., La Bretagne aux xvie et xviie siècles. La vie, la mort, la foi, Paris, 1981, p. 146.
  • 7 Lespagnol A., Messieurs de Saint-Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, Rennes, 1997, p (...)
  • 8 Lespagnol A. (dir.), Histoire de Saint-Malo et du pays malouin, Toulouse, 1984, p. 89-137 ; Lespag (...)

4À l’autre extrémité du diocèse, Saint-Malo est une grande ville, comptant, avec Saint-Servan, environ 10 000 habitants à la fin du xvie siècle, 15 000 dans la première partie du siècle suivant et sans doute 25 000 au début du xviiie siècle6. Cette augmentation de la population est due au formidable essor économique du port. Le bassin de recrutement des équipages malouins englobe toutes les paroisses littorales (excepté celles du marais de Dol) et celles des deux rives de la Rance jusqu’à Dinan7. Cet essor économique est d’abord lié à la pêche morutière pratiquée au large des côtes de Terre-Neuve dès la seconde décennie du xvie siècle. L’originalité des Malouins consiste à délaisser le grand banc et à pêcher à proximité immédiate des côtes afin de sécher et saler la morue à terre, ce qui permet d’obtenir un produit de meilleure qualité. Puis, tandis qu’un tiers des navires ramènent à Saint-Malo une partie de la morue, de l’huile et des hommes, les autres gagnent le golfe de Gascogne ou, surtout, Cadix et la Méditerranée. Ils en ramènent de l’argent, mais aussi de l’alun et des produits méditerranéens, qui sont ensuite réexportés à partir de Saint-Malo. Ce dynamisme malouin, étudié par André Lespagnol, est celui d’une bourgeoisie particulièrement entreprenante, qui crée un véritable capitalisme marchand et fait de Saint-Malo le premier port français vers 16808.

Carte 2. – Les activités de type proto-industriel et les principaux ports.

Carte 2. – Les activités de type proto-industriel et les principaux ports.
  • 9 L’hinterland toilier de Saint-Malo s’étend également sur la Basse-Bretagne, le Bas-Maine et la Nor (...)
  • 10 Frain de la Gaulayrie E., Les Vitréens et le commerce international, Vannes, 1893 ; Labbé Y., « Le (...)
  • 11 Coornaert E., Les Français et le commerce international à Anvers. Fin du xvexvie siècle, Paris, 1 (...)
  • 12 Lespagnol A., Messieurs de Saint-Malo…, op. cit., p. 88. À un autre degré, la région de Bécherel s (...)
  • 13 Notons que dans cette région, et notamment autour de Dinan et de Fougères, l’âge d’or des toiles d (...)

5L’activité du port repose aussi sur l’exportation des toiles fabriquées en Haute-Bretagne et au-delà9. Cette activité toilière constitue la véritable richesse de la région, la distinguant par là nettement de la moitié méridionale de la Haute-Bretagne, constituée du diocèse de Nantes et de l’est du diocèse de Vannes. Le xvie siècle est la grande époque des toiles de chanvre, solides, qui servent à réaliser des sacs pour emballer les marchandises et des voiles pour les bateaux. Elles sont tissées dans des régions rurales, et ce commerce fait la richesse des villes et bourgs où se tiennent les marchés, et notamment de Vitré qui est alors la principale ville marchande de la région, ce dont témoigne entre autres sa puissante confrérie des marchands d’Outre-Mer10. De simples bourgs en profitent aussi largement, puisque des marchands de La Baussaine, tout petit bourg situé à une quarantaine de kilomètres au sud de Saint-Malo, sont signalés à Anvers en 1542, 1547 et 156111. Mais à la fin du xvie siècle commence une crise du commerce des toiles de chanvre, et notamment des canevas. Le déclin des activités marchandes est surtout sensible à Vitré, mais il touche aussi Fougères et Dinan. Un certain nombre de marchands jusqu’alors implantés dans ces villes choisissent de s’installer à Saint-Malo, les Vitréens y amenant capitaux, techniques, savoir-faire et réseaux de relations12. Le xviie siècle est le siècle des noyales, du sud-est du pays de Rennes, qui sont plus fines que les canevas, et surtout des toiles de lin, dont certaines sont réalisées dans le nord de la région13, ainsi qu’autour de La Guerche. La toile continue à faire la fortune de plusieurs paroisses de l’est du pays de Rennes et du pays de Vitré, mais, dans le dernier tiers du siècle, la région rivalise sans doute de moins en moins avec les vastes zones toilières du diocèse de Saint-Brieuc et du diocèse du Mans.

  • 14 Sur cette crise de l’activité textile à la fin du xviie siècle, voir par exemple Croix a., L’Âge d (...)
  • 15 Croix A., L’Âge d’or…, op. cit., p. 119-152, 245-252.

6L’industrie textile constitue jusqu’à la fin du xviie siècle14 une précieuse ressource d’appoint pour beaucoup de paysans, car cette activité est, en effet, assez largement rurale. Elle est un élément essentiel de la pluriactivité paysanne, et les missionnaires lazaristes notent à propos de Piré, paroisse située au sud-est de Rennes, en 1667, que « la plus part de la populace gagne la vie à faire des toilles pour les voilles de navires ». À l’inverse, dans les régions situées à l’écart des zones de production textile, des pôles d’échange et des axes de transport qui déterminent l’importance du commerce, les habitants sont, globalement, nettement plus pauvres. « Le peuple est assez pauvre, n’y ayant quasi aucun trafique », notent ainsi, de façon toujours aussi judicieuse, les lazaristes à propos de Mégrit, paroisse du Poudouvre occidental, en 1674. La pluriactivité paysanne tient aussi à une diversité de la production en matière d’agriculture et d’élevage, éléments soulignés par Alain Croix15.

  • 16 Pichot D., Le village éclaté. Habitat et société dans les campagnes de l’Ouest au Moyen Âge, Renne (...)

7La répartition de l’habitat rural est marqué par la dispersion. Nous savons, grâce au cahier de mission tenu par les lazaristes de Saint-Méen dans la seconde moitié du xviie siècle, qu’à Plélan-le-Grand, dans le diocèse de Saint-Malo, le bourg rassemble une vingtaine de maisons alors que la paroisse compte environ 6 000 communiants. Le reste de l’habitat, constitué pour une bonne part de hameaux, appelés villages, se répartit sur tout le territoire de la paroisse16. Ainsi, à Gahard, dans le diocèse de Rennes, « la parroisse est fort escartee de l’eglise, en sorte que excepté environ 30 maisons qui composent le village [bourg], les plus proches de l’eglise en sont a une demy lieu, et les autres a une lieue et demy ». De ce fait, le dimanche est le seul moment de la semaine où tous les paroissiens se retrouvent, à l’occasion de la grand-messe, ce qui fait du religieux le seul élément véritablement unificateur de la communauté. Cette extrême dispersion de l’habitat se double en hiver du mauvais état des chemins, rendant les communications difficiles. Dans leur cahier de mission, les lazaristes ne cessent de rendre compte de cet état déplorable des chemins, ainsi que des rivières qui sortent de leur lit, situations décrites comme étant « ordinaires ». Cependant, ces difficultés ne se rencontrent pas dans une partie du sud du diocèse de Saint-Malo. En effet, à Plélan-le-Grand comme à Caro, écrivent les lazaristes, « la mission s’y peut faire commodement en hyver, parce que c’est un pays de landes ». La difficulté des chemins s’explique donc en bonne partie par le bocage, la réalisation des talus, plantés de haies, allant de pair avec celle des chemins creux.

  • 17 Il s’agit bien entendu des routes, mais il ne faut pas non plus oublier l’axe, commun aux diocèses (...)

8Ainsi, la région qui correspond aux diocèses de Rennes, de Dol et de Saint-Malo apparaît cohérente, présentant, au-delà de diversités indéniables, une réelle unité, qui tient à la fois à la répartition de l’habitat, à la présence du bocage, au mode d’exploitation des terres (fermage et métayage), à l’importance de la céréaliculture et de l’élevage, au travail proto-industriel du textile, à la redistribution d’une partie des produits arrivant à Saint-Malo, via la Rance notamment, et au caractère central de la seule grande ville, Rennes, autour de laquelle rayonnent les principaux axes de communication17. Le découpage diocésain, lui, n’est qu’un élément de diversité parmi d’autres, mais il n’est peut-être pas le plus négligeable, dans la mesure où chaque diocèse possède sa propre histoire.

Trois diocèses

  • 18 Sur ce sujet, les travaux de Loïc Langouet (Langouet L., « L’origine gallo-romaine de l’évêché d’A (...)
  • 19 Une partie de ces moines n’appartient pas, à l’origine, aux populations qui s’installent alors en (...)
  • 20 Guillotel H., « Les origines du ressort de l’évêché de Dol », MSHAB, t. liv, 1977, p. 31-68.
  • 21 Delumeau J. (dir.), Le diocèse de Rennes, Paris, 1979, p. 49.

9La forme et la superficie des diocèses s’expliquent par leur histoire. Le diocèse de Rennes, établi vraisemblablement vers le milieu du ve siècle, soit peu de temps avant que la région qu’il englobe soit incorporée dans la sphère mérovingienne, a un territoire qui coïncide pour l’essentiel avec l’ancienne civitas des Riedones. L’espace représenté par les diocèses de Saint-Malo et de Dol correspond à l’ancienne civitas des Coriosolites. Le diocèse d’Alet, qui portera ensuite le nom de Saint-Malo, dont le siège correspond au nouveau chef-lieu des Coriosolites, situé à l’embouchure de la Rance, sur les côtes de la Manche, est lui aussi d’origine gallo-romaine18. Mais il entre tôt dans l’orbite des princes bretons, et l’essentiel de l’évangélisation semble le fait de moines venus d’Outre-Manche19. Au xiie siècle, le siège de l’évêché est transféré d’Alet à l’île voisine de Saint-Malo. La spécificité territoriale du diocèse de Dol tient à son origine. Il est créé tardivement, au milieu du ixe siècle puis dans le cours du xe, aux dépens du diocèse d’Alet, à partir d’une abbaye fort bien possessionnée20. C’est ce qui explique la particularité de cet évêché qui possède des enclaves dans les diocèses de Rennes, Saint-Malo, Saint-Brieuc, Tréguier, Saint-Pol-de-Léon et Rouen, et dans lesquelles il faut voir, à la suite d’Hubert Guillotel, une partie du temporel primitif de l’abbaye de Dol. Si le diocèse de Dol est un temps érigé en archevêché par les rois bretons, toute prétention métropolitaine est abandonnée dès la fin du xie siècle, au bénéfice de l’archevêché de Tours, dont relèvent l’ensemble des diocèses bretons. Le xie siècle est aussi l’époque de la création des archidiaconés et des doyennés21, dont la configuration géographique à l’époque moderne est figurée sur la carte n° 3.

Carte 3. – Les diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo.

Carte 3. – Les diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo.
  • 22 Ensembles qui nous sont connus par le biais des aveux rendus en 1542, 1618 et 1682 (Guillotin de C (...)
  • 23 Isbled B., « Le manoir de Saint-Armel en Bruz », MSHAB, t. lxviii, 1991, p. 403-420.
  • 24 Maître L., Berthou P. (éd.), Dubuisson-Aubenay. Itinéraire de Bretagne. D’après le manuscrit origi (...)
  • 25 Guillotin De Corson A., op. cit., t. i, p. 438-461 ; Leguay J.-P., « Une ville épiscopale : Dol de (...)
  • 26 Dubuisson-Aubenay. Itinéraire de Bretagne…, op. cit., p. 71. Joseph Bergin évalue quant à lui ces (...)
  • 27 Guillotin de Corson A., op. cit., t. i, p. 612-619. Sur la seigneurie commune, voir ibidem, p. 671 (...)
  • 28 Dubuisson-Aubenay. Itinéraire de Bretagne…, op. cit., p. 99 ; Bergin J., op. cit., p. 112. 29.

10Quant à l’étendue des regaires, ou ensemble des possessions temporelles des évêques sur lesquelles ils exercent la justice, elle importe dans la mesure où les revenus qu’ils procurent contribuent à définir l’attrait du siège épiscopal. Le regaire de l’évêque de Rennes se compose de deux ensembles autour de Rennes et de Rannée, dans le sud-est du diocèse22, et il est à noter que l’évêque perd un certain nombre de possessions lors des aliénations ecclésiastiques de la seconde moitié du xvie siècle23. En 1636, Dubuisson-Aubenay estime les revenus de l’évêque de Rennes à 12 000 livres, mais ce chiffre paraît bien inférieur à la réalité et Joseph Bergin avance un chiffre de 16 000 à 19 000 livres pour le milieu du xviie siècle24. L’évêque de Dol dispose, lui, d’une vaste seigneurie s’étendant sur environ vingt-cinq paroisses25, et Dubuisson-Aubenay évalue en 1636 les revenus de l’évêque à 18 000 livres26. Quant au regaire de l’évêque de Saint-Malo, il inclut, de même qu’à Dol, la ville épiscopale, mais d’une façon particulière puisqu’il y a en la matière seigneurie commune de l’évêque et du chapitre, l’évêque étant d’ailleurs lui-même chanoine27. L’évêque possède en outre la seigneurie de Château-Malo, dans l’archidiaconé de Dinan, et la baronnie de Beignon, dans l’archidiaconé de Porhoët. Peu avant le milieu du xviie siècle, Dubuisson-Aubenay estime les revenus de l’évêque à 30 000 livres, somme qu’il faut considérer comme un minimum d’après Joseph Bergin28.

  • 29 Hamon Ph., L’Argent du roi. Les finances sous François Ier, Paris, 1994, p. 89.
  • 30 Les sommes qui doivent être versées par les diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo sont respectivem (...)

11Quant à la richesse des différents diocèses, mesurée à la valeur des bénéfices, l’outil le plus pertinent pour l’appréhender est certainement la décime de 1516, qui sert longtemps de référence au pouvoir royal pour les prélèvements sur le clergé, y compris pour l’établissement des taux des amortissements généraux, taxes sur les biens de mainmorte29. Une décime correspond non pas à un dixième, mais sans doute approximativement à un peu plus d’un vingtième des revenus des bénéfices. Si l’on considère les sommes qui doivent être versées, les évêchés de Rennes et de Saint-Malo se situent approximativement dans la moyenne nationale, tandis que le diocèse de Dol est un des moins imposés de la moitié nord du pays, ce qui s’explique sans doute, au moins en partie, par sa faible superficie30.

Les paroisses

  • 31 Chédeville A., Tonnerre n.-Y., op. cit., p. 263-265.

12Au Moyen Âge central, la multiplication des lieux de culte se fait en partie par l’érection de succursales, appelées trèves ou chapelles, dont le fonctionnement n’est guère connu avant la fin du Moyen Âge. Il apparaît alors que les trèves possèdent un cimetière et qu’il s’y célèbre un culte dominical, assuré par un vicaire (nommé curé) délégué par le curé (appelé recteur), tous les fidèles devant cependant converger vers l’église paroissiale à certaines occasions, l’église paroissiale étant normalement aussi le seul lieu où sont célébrés les baptêmes31. Aux xvie et xviie siècles, les trèves ont acquis le droit de baptême, comme il apparaît lors de l’érection de la chapelle frairienne de Saint-Péran en trève de Paimpont, en 1606. Aussi les habitants d’une trève ne sont-ils plus tenus de fréquenter l’église paroissiale qu’à de rares moments de l’année, essentiellement lors de la fête patronale.

Carte 5. – Les paroisses et les trèves des diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo.

Carte 5. – Les paroisses et les trèves des diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo.
  • 32 La carte des paroisses a connu peu de modifications après le milieu du xiiie siècle, si l’on excep (...)

13Aux xvie et xviie siècles, le nombre des paroisses et des trèves, par diocèse, est le suivant32.

Tableau 4. – nombre de paroisses et de trèves par diocèse.

Tableau 4. – nombre de paroisses et de trèves par diocèse.
  • 33 En comptant une paroisse suburbaine. Par souci de cohérence, les paroisses du diocèse de Dol qui s (...)

14Note133

  • 34 Ce calcul inclut Saint-Sauveur de Rennes, qui est érigée officiellement en paroisse en 1667, mais (...)

15Note234

  • 35 Le calcul des trèves du diocèse de Saint-Malo inclut Saint-Péran, chapelle frairienne érigée en tr (...)

16Note335

  • 36 Voir l’introduction.
  • 37 Cf. Annexe I.

17Si l’on retranche de l’ensemble, pour les raisons définies plus haut36, les paroisses des cités épiscopales, la région se compose donc de 436 paroisses et 33 trèves37. Les villes comptent souvent deux paroisses au moins, à l’exception de Ploërmel qui n’en possède qu’une (tout comme Saint-Malo d’ailleurs). Dinan et Janzé ont deux paroisses, Fougères et Montfort comptent deux paroisses plus une paroisse suburbaine. Vitré compte trois paroisses, de même que Josselin, qui possède cependant la particularité d’avoir une quatrième paroisse qui relève d’un autre diocèse, celui de Vannes. Dans le monde rural, un certain nombre de paroisses sont des prieurés-cures, quatre dans le diocèse de Dol, dix-sept dans celui de Saint-Malo et vingt-et-une dans celui de Rennes. L’examen de la carte des paroisses offre un certain nombre de renseignements. Les paroisses dont la superficie est la plus grande sont souvent celles qui englobent des forêts ou qui correspondent à d’anciennes zones forestières ou à des zones de landes. C’est dans la moitié méridionale du diocèse de Saint-Malo, moins sa partie orientale qui appartient au bassin de Rennes, que l’on trouve le plus de trèves. À cette région correspondent les terres les plus pauvres de la zone étudiée. Aussi faut-il peut-être relier ces caractéristiques et les rattacher à l’histoire du peuplement, sans doute longtemps assez faible avant des défrichements tardifs. L’explication par une spécificité bretonne ne me paraît donc guère constituer l’argument le plus décisif car, outre qu’elle n’explique pas l’existence de succursales dans l’est du diocèse de Rennes, elle apparaît contradictoire avec la rareté des trèves dans le nord du diocèse de Saint-Malo, et leur absence (sauf une exception jusqu’en 1630) dans le diocèse de Dol.

Carte 6. – La densité de population en 1696.

Carte 6. – La densité de population en 1696.
  • 38 Croix A., La Bretagne aux xvie et xviie siècles…, op. cit., p. 127.

18La densité de la population apparaît fonction de la superficie des paroisses, mais plus encore de la richesse des pays38. Le seuil des 50 habitants par km², moyenne bretonne qui fait de la province l’une des plus densément peuplées du royaume, est souvent franchi. Il n’en va cependant pas ainsi dans la moitié méridionale du diocèse malouin, région de terres souvent pauvres et de paroisses aux vastes superficies. Des régions présentant une densité de population semblable existent aussi dans une partie du nord du diocèse de Rennes et dans le sud-ouest du diocèse de Dol, sans oublier une partie du Poudouvre, et les éléments d’explication sont les mêmes que pour la zone méridionale. Bien rares toutefois sont les paroisses qui présentent une densité inférieure à 25 habitants par km². Les régions qui présentent une forte densité de population correspondent, pour l’essentiel, aux zones de production toilière et aux paroisses côtières, les bords de Rance étant à inclure dans cette dernière catégorie, nous l’avons vu.

Les fabriques, ou la gestion financière des paroisses

Apparition et diffusion des comptabilités paroissiales

  • 39 Pichot D., op. cit., p. 341-342.
  • 40 Arthur de La Borderie était très certainement trop prompt à voir des corps paroissiaux apparaître (...)
  • 41 Perraud-Charmentier A., Essai sur le général de paroisse en Bretagne, particulièrement dans le dio (...)
  • 42 Pichot D., op. cit., p. 342-343.
  • 43 Alors que jusqu’ici cette charge incombait au propriétaire privé ou au curé décimateur (Fliche A., (...)
  • 44 Follain A. (éd.), L’Argent des villages du xiiie au xviiie siècle. Comptabilités paroissiales et c (...)

19Les médiévistes soulignent que, depuis au moins le xie siècle, la parrochia est dans l’Ouest de la France une réalité vécue39, mais cela n’implique évidemment pas l’existence de la communauté paroissiale en tant que corps40, et il semble qu’un tournant n’intervient pas, sur ce dernier point, avant le xiiie siècle41. Le premier texte précis date de 1300 et concerne Saint-Sauveur-des-Landes, dans le diocèse de Rennes42. La « major et sanior pars », qui réunit 53 chefs de feux, soit, sans doute, une très grande part de la population, y constitue des procuratores qui ont pour tâche de veiller au bon état de l’église, et donc de faire procéder aux réparations nécessaires. Il s’agit d’un premier type de fabrique, chargée au sens propre de l’entretien du bâtiment (ad fabricam)43. Mais cela n’implique pas la tenue de comptes écrits, dans un monde de culture presque exclusivement orale. Ainsi, comme l’a suggéré Antoine Follain, il y a d’abord « de l’argent et des trésoriers, mais pas de comptes » écrits44.

  • 45 Chevalier B., Les bonnes villes de France du xive au xvie siècle, Paris, 1982, p. 249. À Vitré, le (...)
  • 46 Lagadec Y., Restif B., « Pouvoir et religion dans une paroisse rurale de Haute-Bretagne au xvie si (...)

20Le xive siècle paraît aussi être l’époque où se constituent les fabriques dans le monde urbain de la Haute-Bretagne. Les premiers comptes de fabrique écrits datent d’ailleurs du xive siècle, même si rien n’en a été conservé. Ainsi, l’inventaire des ornements dressé par les trésoriers de Saint-Sulpice de Fougères au début des années 1520 révèle l’existence de « trante pairres de comptes », ce qui, vu la durée de la charge des trésoriers – trois ans –, ferait remonter le premier compte écrit au milieu du xive siècle. Cette paroisse fougeraise étant particulièrement riche, du fait de l’importance des activités drapières, il ne serait pas étonnant qu’elle ait été l’une des premières de Bretagne à opter pour le choix de la consignation, écrite, des comptes dans un registre, ce qui la placerait, toujours du point de vue chronologique, à l’égal des principales villes du royaume45. Les plus anciens comptes actuellement conservés en Bretagne datent des premières années du xve siècle46, et parmi ceux-ci figurent précisément ceux de Saint-Sulpice de Fougères, qui sont aussi les plus anciens comptes conservés dans le cadre spatial de la présente étude.

Carte 7. – Les comptes de fabrique en Bretagne rurale : répartition dans le temps et dans l’espace (xve-xvie siècles).

Carte 7. – Les comptes de fabrique en Bretagne rurale : répartition dans le temps et dans l’espace (xve-xvie siècles).
  • 47 À Vitré, en effet, les comptes de la confrérie de la Conception Notre-Dame commencent en 1411, et (...)
  • 48 Leguay J.-P., La ville de Rennes au xve siècle à travers les comptes des Miseurs, Paris, 1968.
  • 49 Guingamp est la première ville bretonne où s’affirme une communauté de ville ; l’on y constate en (...)

21La seconde décennie du xve siècle est l’époque des plus anciens comptes de confrérie conservés, notamment pour Vitré47, tandis qu’à Rennes les comptes des miseurs commencent en 141848, et que partout la communauté de ville s’affirme en tant que corps49. Cette période est donc celle du développement de l’écrit dans les villes de Haute-Bretagne, développement partiellement induit par la tenue des comptes puisque les trésoriers des fabriques doivent posséder des « lectres des rentes », pour justifier de leur gestion et pour rationaliser la collecte des rentes, parfois nombreuses.

  • 50 Lagadec Y., Restif B., art. cit.. Des comptes de fabrique antérieurs au xviie siècle ont été conse (...)
  • 51 Les plus anciens sont ensuite ceux de Mondevert, qui datent de 1478/1480. En Bretagne, la plus anc (...)

22La pratique qui consiste à tenir par écrit des comptes de fabrique se répand dans le monde rural dans la seconde moitié du xv siècle50. Pour le diocèse de Rennes, les plus anciens comptes conservés pour une paroisse rurale sont ceux d’Ercé-près-Liffré, qui datent de 1464/146551. En revanche, il ne subsiste pour les diocèses de Dol et de Saint-Malo aucune comptabilité rurale antérieure au xvie siècle. Des comptes de fabrique du xvie siècle ont été conservés pour 30 paroisses rurales du diocèse de Rennes, presque toutes situées dans le Bassin rennais et le pays de Vitré, 7 paroisses rurales du diocèse de Saint-Malo, souvent situées non loin d’une ville, et pour seulement 2 paroisses du diocèse de Dol, situées près des limites diocésaines – et qui plus est ces comptes ne sont pas antérieurs à 1580.

  • 52 Matz J.-M., « L’argent des fabriques dans l’Anjou et le Maine du xve au milieu du xvie siècle », L (...)
  • 53 Diocèses pour lesquels les plus anciens comptes de fabrique conservés remontent aux toutes dernièr (...)

23La Haute-Bretagne orientale, celle des diocèses de Rennes et de Nantes, présente ainsi un retard d’un demi-siècle par rapport aux provinces voisines du Maine et de l’Anjou52, mais elle connaît une légère avance sur la partie la plus occidentale de la Basse-Normandie, à savoir les diocèses d’Avranches et de Coutances53. Il semble donc exister dans un premier temps un mouvement de diffusion d’est en ouest puis, dans un second temps, à partir du Bassin rennais, vers le sud-ouest de la Normandie et vers la côte nord de la Bretagne. Il subsiste en effet, pour les diocèses de Saint-Brieuc et de Tréguier, un nombre important de comptes de fabrique tenus dans des paroisses rurales avant le xviie siècle. Le Goëlo, partie occidentale du diocèse de Saint-Brieuc située en Basse-Bretagne, et le Trégor sont d’ailleurs les seules régions bas-bretonnes à avoir conservé de façon significative des comptes de fabrique antérieurs au xviie siècle. Par contre, le reste de la Basse-Bretagne, prolongé au centre par la Haute-Bretagne occidentale, reste de façon très sensible à l’écart du mouvement. Une des principales explications est certainement d’ordre linguistique, d’autant que les rares contre-exemples correspondent à des paroisses côtières, où le français est parfois pratiqué en concurrence avec le breton, tout comme dans le Trégor et le Goëlo d’ailleurs.

  • 54 Pour le Nord, voir L’Argent des villages…, op. cit., p. 30-31, 69-96. Pour le Midi, voir ibidem, p (...)
  • 55 Jacquart J., « L’argent des villages en Ile-de-France du xvie au xviie siècle », L’Argent des vill (...)
  • 56 Follain A., « La solidarité à l’épreuve de l’argent dans les villages normands du xv au xviie sièc (...)
  • 57 L’Argent des villages…, op. cit., p. 133, 185-238.
  • 58 Ibidem, p. 133-152 ; Follain A., Les solidarités rurales : le public et le privé dans les communau (...)

24Ce Grand Ouest de la France, qui exclut donc l’essentiel de la Basse-Bretagne, paraît, en matière de comptabilité paroissiale, un peu en retard par rapport à la partie la plus septentrionale du royaume, sans doute plus riche, ainsi que par rapport au Midi, pays de droit écrit, où certains comptes de fabrique sont tenus, par écrit donc, dès le xive siècle, mais où cette pratique ne commence à se généraliser qu’à partir du milieu du siècle suivant54. En revanche, l’Ouest apparaît en avance par rapport à l’essentiel du Bassin parisien55, auquel se rattache la Normandie56. L’explication réside peut-être dans la place respective du civil et du religieux, selon des configurations qui varient suivant les régions. Si, dans la plus grande partie de la France du Nord, la communauté d’habitants se confond plus ou moins avec la paroisse57, la première est, au milieu du xvie siècle, bien constituée en Île-de-France et sans doute aussi en Normandie58. Dans l’Ouest, la faiblesse de la communauté joue d’une certaine manière en faveur de la paroisse. La fabrique y est le seul véritable organisme de gestion aux mains des paroissiens, ce qui a pu favoriser son développement, et donc aussi le choix d’un passage plus rapide à l’écrit pour la tenue des comptes.

  • 59 Croix A., La Bretagne aux xvie et xviie siècles…, op. cit., p. 74-83.
  • 60 Guillotin De Corson A., op. cit., t. v, p. 110.
  • 61 Il s’agit des statuts synodaux de l’évêque de Saint-Malo Denis Briçonnet, qui datent de 1515, ains (...)

25Notons également qu’en Bretagne l’apparition des comptabilités écrites en milieu rural est à peu près contemporaine de celle des registres paroissiaux, et que l’aire de diffusion des unes recoupe en bonne partie celle des autres59. À Louvignéde-Bais, les premiers comptes de fabrique et les premiers registres paroissiaux connus datent de la même année, 149060. Par ailleurs, l’exemple des diocèses d’Angers et du Mans, qui relèvent de la même métropole que les diocèses bretons, a pu influencer les membres de la hiérarchie ecclésiastique, tandis que des recteurs ont pu vouloir rationaliser une gestion à laquelle il était fait allusion dans les statuts synodaux61.

  • 62 Lagadec Y., Restif B., art. cit.
  • 63 Jones M., « Les origines et le développement du notariat dans la Bretagne à la fin du moyen âge », (...)

26Plus largement, la seconde moitié du xve siècle est bien l’époque de la diffusion de l’écrit dans les paroisses rurales, nouvelle étape d’une lente acculturation comptable qui a sans doute commencé dans le duché vers le début du xive siècle62. Les principaux agents de cette acculturation à l’écrit sont probablement les « passes », qui sont soit des prêtres, soit des notaires laïcs attachés aux cours de la justice seigneuriale63. De fait, un grand nombre de comptes de fabrique mis par écrit au xve siècle et dans la première moitié du xvie sont suivis d’une signature qu’accompagne le mot « passe ». Cette constatation éclaire de façon probablement décisive l’uniformité des pratiques comptables que l’on constate d’une paroisse à l’autre, mais aussi entre les fabriques des paroisses rurales et celles des villes, et même entre les comptes des fabriques et ceux des seigneuries.

  • 64 Voir la carte représentant, par paroisse, la diminution des feux payables entre 1426 et 1443, qui (...)

27L’importance des sommes manipulées, et donc la richesse des fabriques, constitue sans doute aussi un facteur déterminant du passage à l’écrit, de même que les reconstructions d’églises, qui peuvent faire suite à certaines dévastations dans le diocèse de Rennes64, ou bien, l’un n’excluant pas l’autre d’ailleurs, intervenir dans le cadre d’une conjoncture économique favorable. C’est ainsi qu’il y a concomitance entre les premiers comptes d’Ercé-près-Liffré et le début des travaux de reconstruction de l’église, en 1465. La tenue écrite des comptes engendre, dans le monde rural comme dans le monde urbain, une multiplication de papiers visant à rationaliser et à faciliter la gestion. Ainsi, il est fait référence dans le compte de fabrique de Louvigné-de-Bais de 1503/1504 à des « relations », quittances et « marques » produites tout au long de l’année comptable et servant à la mise par écrit du compte le jour venu.

La composition des comptes et le montant des budgets

28La rédaction des comptes se fait donc partout sur le même modèle. Un premier paragraphe mentionne les noms des trésoriers sortant de charge, ainsi que ceux des trésoriers entrant en charge, et leur période d’exercice. S’y ajoute le nom des personnes chargées d’examiner le compte et la mention des autorités qui leur ont donné commission pour ce faire. Le paragraphe qui clôt le compte reprend généralement ces éléments, et comporte parfois la liste des paroissiens qui assistent à la reddition du compte. Mais cette liste est rarement complète et bien souvent, généralement dès le début du xvie siècle, elle est remplacée par une formule générale. Ce paragraphe terminal sert aussi à indiquer le montant total de la « charge » ou recette, celui des « descharges » ou dépenses, et celui du solde qui, lorsqu’il est positif, devient un reliquat que les trésoriers s’engagent, solidairement, à verser à leurs successeurs. Viennent enfin quelques signatures, celles du ou des notaire(s) ou « passe », celle de l’examinateur, et celles des trésoriers s’ils savent signer.

29À la suite du paragraphe introductif sont consignées les recettes, qui sont toujours regroupées par catégories. Dans un ordre qui varie suivant les paroisses, se succèdent le montant du reliquat versé, le détail des rentes et des offrandes, celles en nature étant généralement vendues au bénéfice de la fabrique, et l’indication des autres ressources, par exemple la vente de l’herbe et des pommes du cimetière, sans oublier les éventuels dons d’objets. Au xve et au début du xvie siècle, les comptes sont toujours extrêmement détaillés, notamment en ce qui concerne les rentes. Par la suite, ces rubriques sont présentées de façon nettement plus laconique, tandis que de nombreuses précisions sont fournies sur les offrandes. Après les recettes viennent les « mises et descharges », autrement dit les dépenses, qui ne sont jamais classées par catégories et se suivent en fonction du déroulement de l’année. S’y ajoute parfois, surtout au xve et au début du xvie siècle, un inventaire des ornements appartenant à la fabrique, que les trésoriers certifient recevoir de leurs prédécesseurs, ou transmettre à leurs successeurs. Lors du contrôle du compte, le commissaire écrit parfois quelques annotations dans la marge, notamment lorsque certaines dépenses posent problème. Elles peuvent alors être « allouez du commendement des paroissiens », ou, au contraire, l’article peut faire l’objet d’une mention « nihil » ou « reffuzé ».

30Les trésoriers sont presque toujours deux – sauf dans les trèves, toutes pourvues d’une fabrique, où il y a souvent un seul trésorier – et en charge pour un an. En général il ne paraît pas y avoir de hiérarchie entre les trésoriers, sur le plan institutionnel en tout cas, et rarissimes sont les références à un partage des tâches, ce qui laisse imaginer, dans la plupart des cas, une gestion conjointe et à égalité.

31Le début de l’année de compte varie en fonction de la paroisse. Dans le cas de figure le plus courant, il s’agit d’une date proche de la fête pascale, fête qui marque aussi le début de l’année civile jusqu’en 1565. Dans les années qui suivent, la date du 1er janvier est adoptée comme début de l’année de compte dans plusieurs paroisses, sans que cela puisse être interprété comme un signe de laïcisation des fabriques, puisque le choix de Pâques correspondait tout autant à un alignement sur le calendrier civil. De toute façon, la date d’entrée en charge des nouveaux trésoriers varie suivant les paroisses. Par ailleurs, le passage du relais entre les trésoriers ne s’effectue pas toujours dans le cadre d’un strict respect du calendrier a priori établi. À Saint-Gondran, à la fin du siècle, l’entrée en charge des nouveaux trésoriers s’effectue un des trois dimanches qui suit Pâques, et dans certaines paroisses les variations sont bien plus importantes. En revanche, l’abandon du style de Pâques (officiellement le 1er janvier 1565) et l’adoption du calendrier grégorien en 1582, qui entraîne la suppression de dix jours, le dimanche 9 décembre 1582 étant suivi par le lundi 20 décembre, ne paraissent pas engendrer de problèmes particuliers en terme de gestion.

  • 65 Le denier monnaie est estimé à environ 120 % du denier tournois.

32Dans les quarante premières années du siècle, la monnaie de compte utilisée est presque toujours la livre monnaie, qui était la monnaie de compte employée officiellement dans le duché65. Saint-Aubin-des-Landes, dans le pays de Vitré, est, d’après la documentation conservée, la première paroisse rurale à opter pour la livre tournois, dès 1533, mais dans l’immense majorité des paroisses, le passage aux livres tournois s’effectue entre 1564 et 1568. Quant aux ordonnances monétaires de 1577, établissant que toutes les transactions doivent, à partir du 1er janvier 1578, s’établir en écus d’or au soleil, ordonnances valables jusqu’en 1602, elles ne sont que très inégalement suivies d’effet dans les paroisses, où l’on continue la plupart du temps à utiliser la livre tournois.

  • 66 Bonzon A., op. cit., p. 256.

33En l’absence de déclarations des francs-fiefs, comme celles qu’a pu utiliser Anne Bonzon pour le Beauvaisis des années 1610-161466, c’est-à-dire d’une source de type fiscal informant du revenu d’un nombre important de paroisses, les comptes de fabrique permettent de connaître le montant des sommes dont disposent les fabriques au xvie siècle, informations récapitulées dans le tableau n° 8.

Tableau 8. – Le montant des sommes dont disposent les fabriques au xvie siècle.

Tableau 8. – Le montant des sommes dont disposent les fabriques au xvie siècle.

34Il apparaît que le budget dont disposent les fabriques est, sans surprise, fonction de la richesse des habitants de la paroisse, qui tient aux activités qu’ils pratiquent, la proximité des villes et les activités toilières en milieu rural, les activités commerçantes en milieu urbain constituant des facteurs favorables à la croissance du budget des fabriques. Le montant du reliquat transmis d’une année sur l’autre dépend, de façon logique, de l’importance des recettes qui l’alimentent, et varie ainsi fortement. Le budget des fabriques augmente de façon significative au cours du xvie siècle, les fabriques accroissant fortement leurs revenus, indépendamment de l’inflation, comme il apparaît pour Chavagne, Saint-Aubin-des-Landes ou Coulon en Montfort. Le reliquat a de ce fait tendance à s’accroître lui aussi, mais pas sur le long terme car les trésoriers des fabriques, au lieu de thésauriser, utilisent le reliquat pour engager des dépenses.

35Si l’on se penche sur la composition des recettes, on peut dégager cinq types. Les rentes, qui tirent leur origine de fondations pieuses ou de locations de terres appartenant à la fabrique, sont versées en espèces ou en nature, c’est-à-dire en céréales, en pain bénit ou en cire. Le produit de ces rentes en nature est soit utilisé directement soit revendu. Les rentes sont souvent assez nombreuses, mais ne constituent qu’exceptionnellement plus du tiers des recettes.

  • 67 Mais, généralement, le produit des offrandes réalisées sur les autels est destiné au clergé et non (...)

36L’essentiel des recettes provient en effet des offrandes. Celles-ci sont pour partie réalisées en espèces, dans le ou les troncs prévus à cet effet, ainsi qu’« a la tasse », appelée aussi « plat des deniers a Dieu », les dimanches et jours de fêtes chômées, voire sur les autels67. Les octrois d’indulgences les augmentent assez sensiblement, les sommes étant alors souvent consignées dans les registres de comptes sous le titre « recepte de pardons ». Le tronc ou « boueste » est généralement ouvert une fois par an, à la reddition du compte ou lors d’une fête solennelle, en présence d’une partie des paroissiens. Une autre partie des offrandes est faite en nature. Les produits sont ceux de l’élevage et de l’agriculture : porcs et animaux de basse-cour, morceaux de viande et œufs, seigle, orge, sarrasin et avoine (plus rarement froment), pommes et poires, miel et pain, noix et fèves, auxquels s’ajoutent, dans les paroisses côtières, le poisson et notamment la morue. Deux produits sont toujours considérés comme étant à part, car ils sont offerts en plus grande quantité et rapportent des sommes non négligeables aux fabriques. Il s’agit tout d’abord du beurre, qui est placé dans des petits pots achetés chaque année par la fabrique. Il est de coutume, dans chaque paroisse, d’offrir le beurre en assez grande quantité un jour par an, par exemple à la Trinité à Domalain. L’autre produit classé à part est le « fil », produit de la proto-industrie toilière, qui, à la différence du beurre et des autres denrées, est généralement vendu à une ou deux personnes. Pour tous les produits, les ventes se font près de la croix du cimetière, selon le système des enchères.

37Les droits versés lors des sépultures dans l’église constituent un troisième ensemble de revenus. Cela concerne 5 à 10 personnes par an à Chavagne, près de Rennes, et rapporte, dans chaque cas, de 6 à 48 sous suivant l’emplacement choisi. Un quatrième type de recettes regroupe l’ensemble des revenus « divers », fort variés. Souvent, les trésoriers vendent les pommes et l’herbe qui poussent dans le cimetière. À Saint-Aubin-des-Landes, ils vendent en 1541/1542 le « viel linge de l’eglise », en 1542/1543 les vieilles portes, et en 1547/1548 les vieilles cordes des cloches.

38La cinquième et dernière catégorie de recettes ordinaires ne concerne que certaines paroisses, et contribue à expliquer les différences de revenus entre les fabriques. Il s’agit d’une partie des dîmes. À Acigné, par exemple, le « droict de desme de saint Martin » rapporte 104 livres en 1594. Mais la majorité des fabriques ne peuvent compter sur ce type de revenu, et les trésoriers doivent d’abord compter sur les offrandes, assurer une perception efficace des rentes et des droits de sépulture, multiplier les revenus « divers », et gérer ces revenus extraordinaires que sont les reliquats et les levées d’argent exceptionnelles, appelées « taillees », auquel il est procédé en cas de difficultés financières marquées, ce qui, sauf exceptions rarissimes, n’arrive pas avant les vingt dernières années du siècle.

Graphique 9. – La gestion de la fabrique de Saint-Aubin-des-Landes (1533/34-1565/66). La gestion des reliquats.

Graphique 9. – La gestion de la fabrique de Saint-Aubin-des-Landes (1533/34-1565/66). La gestion des reliquats.

39Dans l’immense majorité des paroisses, il existe des reliquats, qui augmentent assez rapidement dans la mesure où le montant des dépenses reste généralement constant. Chaque année, le solde, positif, devient un reliquat versé aux trésoriers suivants. La conséquence en est que la fabrique d’une paroisse aussi modeste que Saint-Gondran, qui dispose vers 1570 d’une centaine de livres, reliquat inclus, dispose au milieu des années 1590 de près de 500 livres, reliquat inclus, alors que le montant des recettes hors reliquat n’a quasiment pas varié. Généralement, les reliquats doivent être versés une à quatre semaines après la reddition du compte, mais la plupart du temps les versements se font, d’une manière échelonnée, sur quelques mois, l’essentiel étant que la totalité de la somme soit versée dans l’année, et aucune sanction n’est prise à l’encontre des retardataires. Il arrive cependant qu’une partie importante du reliquat ne soit pas versée aux trésoriers suivants. Il est possible que des trésoriers tardent à rendre la somme due parce qu’ils établissent, à leur profit, une confusion entre cet argent et leurs propres deniers. Mais, plus souvent, les disparitions apparentes de reliquats correspondent à un choix. Comme il apparaît sur le graphique n° 9, c’est le cas à Saint-Aubin-des-Landes où, dans les années 1540, puis en 1555, et à nouveau au début des années 1560, seules 24 livres sont versées chaque année aux trésoriers entrant en charge, alors que, si l’on excepte 1559/1560 et 1560/1561, les soldes sont supérieurs à cette somme. Il semble qu’une partie de l’argent est placée dans un coffre spécifique, et disparaît ainsi de la documentation, ce qui n’exclut pas une réapparition ultérieure. Il en est ainsi à Saint-Aubin-des-Landes où, en 1560/1561 et 1561/1562, le reliquat versé aux trésoriers entrant en charge, approximativement 24 livres, est supérieur au solde de l’année précédente. Plus souvent encore, une apparente disparition du reliquat s’explique par la volonté d’affecter directement l’argent à une dépense spécifique, sans passer par les trésoriers de la fabrique. C’est ce qui se passe en 1575 à Landavran, où le reliquat est versé au recteur « pour poaisment et sallaire » d’avoir fait édifier le porche de l’église tréviale.

Les types de dépenses et la question des dépenses civiles

40Les dépenses engagées par les trésoriers des fabriques peuvent être regroupées en une petite dizaine de catégories, comme il apparaît sur les graphiques n° 10, 11 et 12.

41Si l’on tente d’évaluer la répartition des dépenses par types, les graphiques qui résultent de l’opération s’avèrent fort différents suivant la paroisse, suivant l’époque considérée et suivant la longueur de la période retenue pour le calcul. Aussi n’ont-ils pas de valeur autre qu’indicative, le recours aux chiffres ne devant pas créer l’illusion d’une scientificité non justifiée. Si l’on considère le graphique consacré à la répartition des dépenses à Chavagne de 1546 à 1555, la part que représentent les dépenses affectées au bâtiment (24 %) s’explique essentiellement par la réalisation du porche. Quant aux dépenses consacrées aux objets et ornements, leur importance (61 %) tient à l’achat d’une bannière et à celui d’un ensemble de vêtements liturgiques. Pour la même période, la part que représente ce même type de dépenses, celui consacré aux objets et ornements, à Coulon en Montfort (47 %), tient aussi à l’acquisition d’un ensemble composé d’une chasuble et de deux dalmatiques. Quant à la part que représentent les dépenses de type civil à Paramé de 1561 à 1570 (28 %), elle est liée à une forte augmentation de la fiscalité, en l’occurrence la création d’une taxe sur les clochers. Bref, il faut constater le caractère illusoire de la création, par l’historien, de situations-types censées rendre compte de la répartition des dépenses en fonction des paroisses, puisque chaque configuration varie fortement d’une année sur l’autre, d’une décennie à l’autre, etc., au point de remettre en cause, à chaque fois ou presque, le modèle qu’elle est censée incarner. Les permanences tiennent en fait d’abord au caractère varié des dépenses, souvent lié à des seuil incompressibles (en chiffres absolus et non pas relatifs), et ensuite à la part non négligeable que représentent toujours trois ensembles, à savoir les produits pour le culte et notamment le luminaire, les objets et ornements et enfin le bâtiment – sans que cette importance puisse être résumée par des chiffres, tant les configurations, encore une fois, sont éminemment variables.

Graphique 10. – La répartition des dépenses de la fabrique de Chavagne de 1546 à 1555 (dépense moyenne de 32 livres par an).

Graphique 10. – La répartition des dépenses de la fabrique de Chavagne de 1546 à 1555 (dépense moyenne de 32 livres par an).

Graphique 11. – La répartition des dépenses de la fabrique de Coulon en Montfort de 1546 à 1555 (dépense moyenne de 22 livres par an).

Graphique 11. – La répartition des dépenses de la fabrique de Coulon en Montfort de 1546 à 1555 (dépense moyenne de 22 livres par an).

Graphique 12. – La répartition des dépenses de la fabrique de Paramé de 1561 à 1570 (dépense moyenne de 50 livres par an).

Graphique 12. – La répartition des dépenses de la fabrique de Paramé de 1561 à 1570 (dépense moyenne de 50 livres par an).
  • 68 Kerhervé J., L’État breton aux xive et xve siècles. Les ducs, l’argent et les hommes, Paris, 1987, (...)
  • 69 Ibidem, p. 600.

42La paroisse coïncidant, pour l’essentiel, avec la communauté, elle constitue la circonscription de base pour la levée de l’impôt. Dans le duché de Bretagne, la difficile naissance du fouage pendant la période 1345-1365 est assez rapidement suivie d’une normalisation68. Les receveurs sont responsables de circonscriptions étendues, et c’est la paroisse qui leur sert d’unité de base pour la perception de l’impôt. Ils fixent la charge globale de chaque paroisse et centralisent les fonds, la collecte et l’égail étant confiés aux contribuables eux-mêmes, c’est-à-dire aux paroissiens69. Dans plusieurs paroisses, un dédommagement financier est accordé, sur le budget de la fabrique, à celui qui a réalisé la collecte ou qui s’est rendu au siège de la circonscription fiscale pour verser la somme demandée par le receveur. C’est ainsi qu’en 1575/1576 les trésoriers de Coulon en Montfort demandent 25 sous de dédommagement pour deux déplacements à Ploërmel, ville située à une bonne vingtaine de kilomètres de Montfort, où la recette du fouage devait être portée, mais ce dédommagement leur est refusé. Quelques années plus tard, la motivation du refus apparaît de façon explicite dans les marges du registre de comptes : « cecy concerne le temporel », et non pas les affaires religieuses, au sens large, qui seules doivent concerner la fabrique. La logique d’une séparation entre la fabrique et les affaires civiles est ainsi respectée mais, en l’absence de comptabilité civile, les trésoriers persistent à demander, chaque année, que soit allouée une dépense liée à la perception des fouages. Et l’entêtement paie parfois. Ceci dit, les sommes restent modestes et seule se trouve en jeu une question de principe. Il n’en va pas de même avec les frais liés aux francs-archers et élus.

  • 70 Planiol M., Histoire des institutions de la Bretagne, Mayenne, 1982, t. iv, p. 18-22.
  • 71 Doucet R., Les institutions de la France au xvie siècle, Paris, 1948, t. ii, p. 629.
  • 72 C’est en tout cas la situation qu’il est possible de constater en Bretagne, ce qui contredit ce qu (...)

43C’est en 1425 que cette institution apparaît dans le duché, dans le cadre de la guerre de Cent Ans et d’un retournement d’alliance70. Chaque paroisse doit fournir quelques hommes, qualifiés d’élus, dont des archers, tous exemptés de fouage et pour cette raison appelés francs. L’institution perdure après le rattachement du duché au royaume, puisqu’en 1448 le roi de France a choisi lui aussi de créer, sur le même modèle, une troupe de francs-archers71. L’équipement des francs-archers et élus est à la charge des paroisses et grande est, là aussi, la tentation de confondre ce budget avec celui de la fabrique. À la fin du xve siècle, d’ailleurs, les armes achetées par la paroisse figurent souvent dans l’inventaire des objets appartenant à la fabrique. Dans les années 1560, du fait des troubles que connaît alors le royaume, il y a un renouveau de l’institution des francs-archers et élus72, qui pèse lourdement sur les paroisses. Ainsi les paroissiens de Chavagne doivent-ils, pour cette raison, débourser plus de 90 livres en 1567/1568, 200 livres en 1568/1569, une cinquantaine de livres en 1569/1570 et 1570/1571, sommes incluant les soldes, l’envoi de céréales, l’achat et l’entretien des armes, les frais liés aux revues militaires et ceux entraînés par les emprunts réalisés pour couvrir les dépenses. En revanche, à Saint-Nicolas de Montfort, en 1567/1568, si l’examinateur du compte de la fabrique accepte dans un premier temps d’allouer les dépenses liées aux francs-archers et élus, il se ravise finalement, exigeant une levée d’argent spécifique. Ces refus deviennent ensuite, un peu partout, de plus en plus courants, d’autant que d’autres dépenses pèsent sur les paroisses, et donc souvent sur les budgets des fabriques.

  • 73 Venard M., « La taxe sur les clochers de 1552 dans les diocèses de Rouen et d’Évreux », Les norman (...)

44En 1552, Henri II crée une taxe sur les clochers, c’est-à-dire sur les églises paroissiales, dans le cadre d’un alourdissement des prélèvements royaux sur les biens de l’Église de France73. La somme est de 20 livres tournois, et doit, de fait, être fournie par la fabrique. Cet alourdissement des prélèvements dans les années 1550-1560 constitue certainement un élément d’explication au fait que l’on choisisse alors, dans toutes les paroisses, de tenir les comptes en livres tournois afin de faciliter la gestion. Par ailleurs, la communauté se trouve parfois dans l’obligation d’engager des frais exceptionnels pour entreprendre ou soutenir un procès, et les paroissiens tentent presque systématiquement d’intégrer ces dépenses au budget de la fabrique, mais ces entreprises sont loin d’être toujours couronnées de succès.

45Face aux refus répétés d’intégrer toutes ces dépenses – à l’exception de la taxe sur les clochers – dans les budgets des fabriques, la première solution consiste à lever une « taillee » spécifique, elle-même intégrée dans les recettes de la fabrique. C’est par exemple ce qui se passe à Saint-Nicolas de Montfort en 1567/1568. Mais, très vite, cette solution n’est pas jugée satisfaisante, du fait de la confusion persistante entre dépenses de nature religieuse et dépenses de nature civile. La dernière solution, et la plus logique d’ailleurs, est alors de tenir un compte « pour le temporel », spécifique, distinct du compte « pour le spirituel », à savoir celui de la fabrique. Cette solution est de plus en plus souvent adoptée dans les années 1570 et 1580, mais pas de façon systématique, car il n’y a aucune régularité en la matière. Ces comptes possèdent leurs recettes propres, consistant en « taillees », mais ne sont pas toujours consignés par écrit. Quand ils le sont, c’est dans le registre des comptes de fabrique qu’ils figurent car, considérés comme devant rester occasionnels, et le restant effectivement, malgré leur multiplication pendant les trente dernières années du xvie siècle, ils ne bénéficient pas d’un registre propre. Les trésoriers sont ceux de la fabrique, et les deux comptes sont rendus l’un après l’autre. Il en est ainsi à Piré en 1590/1591 où, après le compte « pour le faict du spirituel », vient l’« aultre faict et négotiation, faict et géré par lesdictz Luccas et Baratte contables, touchant le faict du temporel, pour et ou non [au nom] des parroissiens de ladicte parroisse de Piré, durant l’an de leur charge ». Notons qu’un terme très peu usité dans les comptes de fabrique apparaît plus souvent dans ces comptes « pour le temporel », celui de « general », qui semble ainsi désigner la communauté paroissiale au civil.

46Ainsi, les exigences fiscales et militaires de la monarchie et les difficultés du dernier tiers du xvie siècle conduisent à une timide différenciation entre paroisse et communauté d’habitants. Mais elle reste très partielle et conçue comme provisoire. C’est assez souligner que la communauté continue à se confondre avec la paroisse, et que la tenue écrite des comptes de la seconde, dont les biens sont gérés par cette personne morale qu’est la fabrique, a été et reste une affirmation de la première en tant que corps, d’un corps qui continue à exister d’abord et avant tout dans un cadre religieux.

Argent et pouvoir dans les paroisses

Qui sont les trésoriers ?

47Il est fort difficile, pour le xvie siècle, d’identifier les trésoriers. Leurs professions ne sont jamais indiquées, non plus que leurs liens familiaux. En outre, l’emploi de qualificatifs honorifiques est rare à cette époque. Le seul relevé des noms de famille fait apparaître quelques récurrences, comme à Saint-Gondran, dans le diocèse de Saint-Malo, où le patronyme Lusault apparaît en 1572, 1580, 1583 et 1597. Mais il s’agit d’une petite paroisse, peu peuplée (elle ne compte que 260 communiants vers 1730, d’après le pouillé alors dressé pour le diocèse de Saint-Malo). À raison de deux trésoriers par an, non rééligibles, assez nombreux sont finalement ceux qui sont susceptibles d’être appelés à cette charge, élément qui réduit sans doute, surtout dans les paroisses rurales, les éventuelles tentations oligarchiques. L’historien peut alors nourrir l’espoir d’un recours aux sources fiscales, c’est-à-dire, dans les faits, aux rôles de fouage. Seule une paroisse, Gévezé, a conservé, pour le xvie siècle, à la fois des comptes de fabrique et un rôle de fouage, daté de 1584. La comparaison de ce document avec le relevé des noms des trésoriers pour la période 1570-1600 ne fournit aucun résultat significatif, constatation dont le seul intérêt – mais il n’est peut-être pas négligeable – est de ne pas étayer l’hypothèse d’une oligarchie de paysans aisés.

  • 74 Et qui compte 300 communiants à la fin du xviie siècle.
  • 75 Je pense tout particulièrement aux inscriptions trouvées dans les Pyrénées (Fabre D., « Le berger (...)

48Une comptabilisation des trésoriers apposant leur signature à la fin des comptes doit permettre de mesurer, même si c’est de façon approximative, l’alphabétisation de ces hommes. L’opération réalisée pour Saint-Gondran, sur les 26 années pour lesquelles nous possédons des comptes pour la période 1570/1571-1599/1600, montre que seuls 8 trésoriers sur 52 signent, 3 d’entre eux le faisant de façon hésitante. À Chavagne, paroisse rurale située près de Rennes74, 7 trésoriers sur 104 apposent leur signature dans le registre de comptes tenu de 1529/1530 à 1580/1581. Il faut sans doute renvoyer à la faiblesse de l’alphabétisation en Haute-Bretagne, mesurée pour la fin du xviie siècle et qui apparaîtrait avec davantage d’acuité pour le siècle précédent, et il faut raisonnablement en conclure que les trésoriers sont loin de tous maîtriser l’écrit. Ainsi, la maîtrise de l’écrit ne serait apparemment pas nécessaire à celle de la comptabilité, dans le cadre d’une culture orale où l’on utilise sans doute certains procédés qui, de fait, n’ont pas laissé de traces, mais qui pourraient présenter des analogies avec les inscriptions sur pierre et sur bois trouvées dans les régions de montagne75. Les « papiers de marque » et les quittances, qui semblent être généralement rédigés par des prêtres pour les premiers, par des marchands, des artisans ou des notaires pour les seconds, servent de repères et de preuves lors de la mise par écrit du compte par un notaire (ou « passe »), puis lors de son examen par un commissaire.

49La gestion des biens de la paroisse est une lourde charge qui demande du temps, et peut donc engendrer une légère perte de revenus, le trésorier ne pouvant consacrer certaines journées à ses propres affaires. À ces pertes éventuelles s’ajoutent les faux frais, alors que les indemnisations, qui apparaissent dans le budget des fabriques, ne sont que partielles. Surtout, les trésoriers sont responsables sur leurs propres biens de la gestion des deniers paroissiaux. Il faut donc qu’ils disposent à la fois d’un minimum de biens et d’une légère marge de manœuvre financière, ce qui exclut très probablement les paysans les plus pauvres et les ouvriers agricoles. Si le risque de faillite peut être une menace pour les trésoriers, il en est de même pour les paroisses, le risque d’une perte sèche menant sans doute à la désignation des trésoriers parmi les éléments les plus stables des paroisses, individus appartenant à des familles ancrées dans l’espace paroissial et donc dans la communauté. Ce sont sans doute ces risques financiers qui expliquent le refus de Melaine Honger, désigné comme trésorier à Domalain pour l’année 1594/1595, d’exercer sa charge, à une époque où les guerres de la Ligue entraînent une baisse des recettes et une hausse des dépenses. L’autre trésorier doit alors « le fere contraindre par justice de fere la charge de thresorier ».

  • 76 Prestige et dignité qui sont probablement fonction de l’importance des sommes à manier.

50Cet épisode, qui s’explique par l’accroissement des risques financiers dans une période difficile, ne doit pas occulter le prestige et la dignité qui s’attachent à la fonction de trésorier76. À Saint-Sulpice de Fougères, il existe dans l’église un banc, précédé d’un « marchepié », « ou se sient les thesauriers ». Des inscriptions portées sur le bois d’une sablière, sur la pierre d’un pilier ou sur une pierre d’ardoise à l’occasion de la réalisation d’un chœur ou d’une chapelle révèlent aussi cette dignité. Ainsi, à Nouvoitou, figure l’inscription suivante : « MIL QUATRE CENS QUATRE VIGNS SIX / POUR LE PROFIT DES MORS ET VIFS / FUT REFAIT TOUT DE NOUVEAU / L’EDIFICE DE CEST CHANCEAU / LORS THESAURIERS ESTOINT POUR VOIR / GILLET MAULGENDRE ET JEHAN MAULNOIR ».

Le rôle des paroissiens, et la question de la major et sanior pars

51« A l’issue de la grande messe, lesd. parouessiens, au paroil congregez et amassé en forme de corps politicques, au davant de la principalle breche et passe du simitere de lad. eglisse de Hellean, hors terre saincte, lieu acoustumé », délibèrent à propos des fouages en 1597. Il s’agit ici de discuter des affaires « temporelles » de la paroisse, ce qui exige, à la fin du xvie siècle en tout cas, que l’assemblée ait lieu en dehors de l’enclos, qui délimite la « terre saincte ». Il est tout aussi intéressant de constater que cela se fait néanmoins tout près du cimetière, qui apparaît, du fait de sa situation – dans le bourg, et à proximité immédiate de l’église, où tous les paroissiens se retrouvent à l’occasion de la messe dominicale – et de sa configuration – une sorte de place –, comme le lieu le plus propice à la réunion des paroissiens. Ceux-ci sont désignés en tant que « corps politicques », formule qui est également employée dans un acte prônal rédigé à Saint-Gondran en 1601 et qui rapporte la décision, prise par ce « corps », d’entreprendre des travaux de réparation au clocher et au mur de l’enclos paroissial. Le « corps politicques » désigne donc l’ensemble des paroissiens en tant que corps, quel que soit leur domaine d’intervention. L’expression « general desd. parouassiens », employée aussi à Saint-Gondran, possède une acception voisine, qualifiant plus précisément l’assemblée générale des paroissiens, qui intervient au moment du prône, lorsque tous sont présents. C’est donc l’ensemble des paroissiens qui intervient dans la gestion des deniers communs, et donc de la fabrique. Mais il reste à savoir quelle est la régularité de ce type d’intervention.

52Un procès-verbal d’élection de trésoriers a été conservé. Il concerne Saint-Aubindes-Landes, près de Vitré, en 1587. Les prêtres convoquent, « par assignation du prosne de grand messe parochialle, tous et chacuns les paroissiens de cest paroisse […], pour d’eux scavoir a quilz donnent leur voix, et qui sont ceux qu’ilz elisent pour estre en la charge et office de thesoriers en lad. eglise ». Le fait que d’autres procès-verbaux de ce type n’aient pas été conservés s’explique probablement par des pertes documentaires, mais sans doute aussi par le fait que les désignations ne semblent pas avoir toujours lieu en présence de notaires, car les actes prônaux paraissent être presque toujours consignés dans les registres de comptes, dont un bon nombre a été conservé. Il est possible que dans un certain nombre de cas il n’y ait pas d’élections au sens moderne du terme mais seulement au sens latin du mot electio, c’est-à-dire un choix, qui peut d’ailleurs être le fruit de discussions antérieures aboutissant à une décision commune, parfois sans que l’intéressé ait été candidat, comme l’atteste le cas, vu plus haut, de Melaine Honger, qui tente de refuser la charge dont il est investi. Mais il faut constater aussi que le procès-verbal conservé pour Saint-Aubin-des-Landes prouve la réalité d’une démocratie paroissiale, qui peut s’exprimer notamment dans la désignation des trésoriers.

53Le paragraphe qui clôt chaque compte fournit quelques renseignements sur le contexte dans lequel s’effectue la reddition du compte. À Saint-Sulpice de Fougères, le compte de 1557/1560 est rendu en la présence de « la plus grande et saine partie de lad. parroisse », expression qui est une traduction du latin major et sanior pars. Or, le mot major, souvent traduit par « maire », qui désigne la partie la plus importante, peut désigner deux réalités différentes : la plus grande partie, ou la meilleure partie. Les détails fournis par certains comptes permettent d’aller plus loin. À Louvigné-de-Bais, le compte de 1503/1504 est rendu « en presence » de 37 personnes cités nommément, ainsi que « pluseurs aultres desd. parouaissiens ». Nous remarquons, parmi ces 37 personnes, d’anciens trésoriers, mais aussi Julien Drouyer, receveur de la seigneurie de Fouesnel, et Guillaume Gouyn, sieur du Breil, probablement notaire. Tous les participants pèsent-ils d’un poids équivalent dans la prise de décision ? Il n’est pas impossible que la réalité varie suivant les paroisses. À Paramé, le compte de 1577/1578 est rendu « aulx universitez des parouessiens de lad. parouesse », en présence « de plussieurs grand numbre des parouessiens d’icelle parouesse, y assemblez et congregez en forme de corpoliticque a l’issue de leur grande messe », ce qui laisse imaginer l’implication directe d’un nombre important de paroissiens. Dans bien d’autres paroisses, en revanche, une hiérarchie apparaît clairement, sans que pour autant personne ne soit exclu de l’assistance à la reddition du compte. À Sens, le compte de 1505/1506 est rendu « en la presence de la maire et plus saine partie des paroaessiens de la lad. paroasse, savoir noble escuyer Gilles de Champaigne, seigneur de Bouessay, de Melece et de Saint Didier », 14 autres personnes citées nommément, « et plussieurs aultres ».

  • 77 Paravy P., op. cit., p. 171. Ces réalités correspondent aussi approximativement à ce qui existe dè (...)

54Il apparaît donc bien qu’il existe un groupe, constitué d’une douzaine à une quarantaine d’hommes suivant les paroisses, qui constitue « la maire et plus saine partie des paroaessiens ». Ce sont sans doute ces hommes qui profitent des banquets parfois financés par les fabriques lors de l’entrée en charge des nouveaux trésoriers ou de l’inventaire des ornements. Ce groupe inclut les notables de la paroisse : parfois, et dans une certaine mesure, le seigneur, éventuellement le procureur fiscal ou le notaire, toujours les anciens trésoriers, et probablement le groupe de ceux qui peuvent prétendre à la charge. Cette réalité, qui correspond à peu près à ce qui a pu être observé pour le Dauphiné77, ne signifie pas pour autant que ceux qui n’appartiennent pas à ce groupe soient exclus de l’assistance à la reddition des comptes et même à la participation aux décisions, nous l’avons vu, mais leur avis paraît être de moindre importance.

  • 78 Cf. Photographie 1.

55À partir de la fin du xve siècle, un certain nombre de porches sont construits à la façade sud des églises, au niveau de la « porte des morts », celle qui ouvre sur le cimetière78. Chacun de ces porches abrite deux bancs de pierre, situés l’un en face de l’autre, qui permettent à une douzaine de personnes de s’asseoir, à l’extérieur de l’église proprement dite. Cette innovation architecturale correspond à un besoin nouveau. À Chavagne, c’est en 1549/1550, à l’occasion d’une visite pastorale, que les trésoriers reçoivent « ung mandement » de la chancellerie épiscopale leur ordonnant de faire édifier un porche, probablement pour mettre fin aux réunions dans l’église. Le nombre limité des places offertes sur les bancs révèle sans doute (ou induit à terme) une restriction progressive du groupe constituant la major et sanior pars, tout autant que son institutionnalisation, écartant davantage de la gestion ceux qui n’appartiennent pas à ce groupe.

56La participation des paroissiens, et plus encore d’une partie d’entre eux, à la gestion des fabriques, n’intervient pas seulement lors de la désignation des trésoriers et de la reddition des comptes. À Saint-Sulpice de Fougères, un marché est passé en 1596 avec un maître organiste « pour refaire lesd. orgues », pour un montant de 700 livres, avec « le consantement de la milleure et sainne partyes des parroissiens ». L’accord des paroissiens ne se limite pas nécessairement à celui des membres de la major et sanior pars, notamment lorsqu’il s’agit d’entreprendre des travaux importants, et que sont alors dressés, par les notaires, des actes prônaux. C’est le cas à Saint-Gondran en 1599, lorsqu’il est décidé « de faire ediffyer une chappelle et sacristye au cousté septentrional de la dicte esglisse, aveques ung chapitereau [porche] au davent la porte de ladicte esglisse, et ung reliquaire [ossuaire] », ce « sur quoy lesdictz parouaissiens et chacun d’iceulx [ont] considerré et conferré de tout ce que desur ».

57Enfin, des influences peuvent être exercées par le biais de l’évergétisme. Cette pratique peut être le fait du seigneur, comme à Louvigné-de-Bais, où les pailles de la dîme, vendues par la fabrique, sont régulièrement acquises par le recteur au nom de Louise de Goulaine, épouse de Guy III d’Espinay, mais cela peut aussi être lié à l’action d’un simple notable.

Le contrôle des comptes par les autorités ecclésiastiques

58En juillet 1504, les trésoriers de la fabrique de Louvigné-de-Bais rendent leur compte, clos depuis un mois. Il est examiné par trois ecclésiastiques, dont l’un au moins officie dans la paroisse, sur une « commission » de « messieurs les vicaires generaulx », datée du 24 juin 1504. Ce contrôle est « fait et passé par notz courts de Sauldecourt, de l’official de Rennes », Pierre Foucher, « prebtre serviteur de la cure » et commissaire, signant en tant que « passe, par lad. court de monsieur l’official », selon un schéma qui se retrouve dans les autres paroisses du diocèse de Rennes, même si la commission émane parfois de l’évêque, et pas nécessairement des vicaires généraux. Les comptes sont toujours examinés au nom de la « court de l’official », vraisemblablement du fait de ses attributions en matière de juridiction contentieuse, par prévoyance à l’égard de possibles contestations, et en prévision d’éventuelles poursuites à l’encontre des trésoriers qui tarderaient à rendre leur reliquat ou qui auraient dilapidé l’argent de la paroisse. Les commissaires sont presque toujours deux ou trois prêtres, visiblement membres du clergé paroissial, mais le recteur n’en fait pas toujours partie, sans doute du fait d’un certain absentéisme.

59Les commissaires n’hésitent pas à annoter les comptes. Ces commentaires peuvent leur servir à se dégager partiellement de la responsabilité de certaines dépenses, en précisant que certains frais sont « allouez du commendement des paroissiens ». Plus souvent, il s’agit de statuer sur un type de dépense. C’est ainsi qu’à Louvigné-de-Bais, en 1504, un des prêtres chargés de l’examen du compte écrit dans la marge à propos de la rémunération du bedeau : « Il a esté apointé sur ce compte qu’il sera banni pour l’avenir ». Il arrive aussi que les examinateurs profitent de la reddition des comptes pour enjoindre aux trésoriers ou aux paroissiens d’entreprendre telle tâche ou de remédier à tel problème. Malheureusement, nous ne savons pas quelle est la marge de manœuvre des examinateurs en la matière, car nous ignorons si les commissions qui leur sont délivrées incluent des consignes.

60À Sens, où l’année de compte se termine début mars, l’examen, sur la période 1495/1496-1516/1517, a toujours lieu dans l’église, en avril ou en mai, exceptionnellement début juin, dans un délai, donc, légèrement plus long que celui que nous pouvons observer à Louvigné-de-Bais, mais qui reste néanmoins assez court. C’est moins le cas à Saint-Sulpice de Fougères, où le délai est en moyenne, dans les vingt premières années du xvie siècle, de dix-huit mois. Les trésoriers sortant de charge sont alors « condempnez par la court de monsieur l’official de Rennes » à verser le reliquat en respectant le temps imparti pour ce faire, qui est souvent de quelques mois.

61Si nous regardons ce qu’il en est par la suite, nous constatons, globalement, la permanence de ce type de fonctionnement. Une évolution se fait jour néanmoins : la reddition et l’examen du compte se font de moins en moins dans l’église, et de plus en plus à l’extérieur du bâtiment, sans doute sous le porche sud lorsque celui-ci est construit, ou bien sous le porche situé devant la porte principale, lorsqu’il existe, et leur absence dans la majorité des paroisses explique peut-être le caractère progressif du processus. Mais pour le reste, le mode de fonctionnement reste le même, comme le montre le graphique n° 13. Notons cependant que de plus en plus, comme à Domalain dans les années 1590, seul le recteur est « commissaire sur se deputé de la court de l’officiauté de Rennes ». Remarquons par ailleurs que dans les trèves, comme La Bosse, le recteur ou le « subcuré » (c’est-à-dire le vicaire) de la paroisse-mère est commis à l’examen du compte, et l’examen du compte est ainsi un moyen d’affirmer l’appartenance de la trève à sa paroisse-mère.

Graphique 13. – L’examen des comptes de fabrique dans le diocèse de Rennes (xvie siècle).

Graphique 13. – L’examen des comptes de fabrique dans le diocèse de Rennes (xvie siècle).

Graphique 14. – L’examen des comptes de fabrique dans le diocèse de Saint-Malo (xvie siècle).

Graphique 14. – L’examen des comptes de fabrique dans le diocèse de Saint-Malo (xvie siècle).

62Peu de comptes de fabrique du xvie siècle ont été conservés pour le diocèse de Dol, mais il semble, d’après les documents conservés, que la situation est semblable à celle qui prévaut dans le diocèse de Saint-Malo, situation malouine que permet de visualiser le graphique n° 14. À Saint-Nicolas de Montfort, les comptes de la période 1543/1544-1584/1585 sont tous examinés par Raoul Henry, « commissaire […] pour ouyr et examiner les comptes des thesoriers des fabrices des eglises parochialles de l’evesché de Sainct Mallo soulz l’archediaconé de Porhouet », puis, à partir du milieu des années 1570, par Jean Trotereau, archidiacre de Porhoët, qui remplit la même fonction. Dans ces conditions, les comptes ne sont pas examinés avec une périodicité régulière. Les comptes des années 1559/1560, 1560/1561 et 1561/1562 sont tous examinés le 3 août 1563 ; ceux des années 1569/1570-1572/1573 le sont tous en 1573. Aussi, la mise par écrit du compte ne se fait peut-être pas systématiquement le jour de l’examen, mais le précède probablement dans un certain nombre de cas. Ceci dit, l’avantage pour la hiérarchie ecclésiastique réside dans le contrôle direct des comptes, sans intermédiaire du clergé paroissial, et il est ainsi plus facile de mener une politique dans les paroisses. Régulièrement, le commissaire examine, le même jour et sur le même lieu, les comptes de paroisses voisines. Il en est évidemment de même dans l’archidiaconé de Dinan, mais il faut signaler pour cette zone le sérieux du travail des commissaires, puisque les comptes sont généralement examinés dans les mois qui suivent leur clôture. Dans la mesure où il existe une double officialité dans le diocèse de Saint-Malo, les éventuelles procédures sont menées par l’official résidant à Saint-Malo pour l’archidiaconé de Dinan, et par celui résidant à Saint-Malo-de-Beignon pour l’archidiaconé de Porhoët.

63Le contrôle est, de cette manière, beaucoup plus effectif que par le biais des lettres d’institution et des commissions adressées aux membres du clergé paroissial, tel que cela se pratique dans le diocèse de Rennes. Mais à cette date, les autorités ecclésiastiques ont déjà perdu le contrôle des comptes d’un nombre important de paroisses.

Le contrôle des comptes, une tentation pour les autorités civiles

64Le contrôle de l’argent des paroisses constitue en effet une tentation pour les autorités civiles et les seigneurs, en l’absence de comptabilités de communautés d’habitants. À Louvigné-de-Bais, le compte de 1503/1504 est « fait et passé par notz courts de Sauldecourt, de l’official de Rennes », cette cour de Saudecourt, juridiction seigneuriale, apparaissant ainsi comme complémentaire de l’officialité, c’est-à-dire, en réalité, comme concurrente.

  • 79 Du Fail N., Sauvageau M., Chapel, Les plus solennels arrests et reglemens donnez au Parlement de B (...)

65En 1558, le Parlement intervient dans un conflit entre les trésoriers de Bréhand, dans l’évêché de Saint-Brieuc, et l’official du même diocèse. Refusant de rembourser les sommes exigées d’eux (le solde de leur compte étant probablement déficitaire), les trésoriers « disent de leur part etre laics, consequemment qu’ils ne peuvent […] etre contraints, ne meme s’obliger instar d’un clerc auquel ne peut proroger la jurisdiction d’un juge seculier79 ». « La Cour, par arret du 21 fevrier 1558 dit qu’il a eté mal et abusivement procedé et ordonné […] et emendant le jugement, ordonne la Cour que les apellans rendront leur compte par devant le prochain juge royal des lieux ». L’arrêt fait jurisprudence, et cela concerne rapidement le diocèse de Saint-Malo. En 1559, Tristan Tanguy, trésorier de la fabrique de Châteauneuf, « est cité devant l’official de Saint Malo, pour rendre compte des deniers a la fabrique, et sur son deffaut excommunié ». Le Parlement, par arrêt du 4 mars, « en reformant le jugement, renvoye les parties par devant le prochain juge royal, pardevant lequel ilz conviendront de deux commissaires de ladite paroisse, pour ouyr et examiner le compte de l’apellant », « auquel compte pourra assister le curé dudit lieu, et iceluy debattre, si bon luy semble ». Cela a évidemment pour conséquence – et comme objectif, certainement – d’évincer les officialités. Et cette éviction des officialités rend sans effet les commissions données par les vicaires généraux, même si, en réalité, dans la majorité des paroisses, la situation n’évolue guère dans l’immédiat.

66C’est dans les années 1570, à une époque où la pression fiscale sur les paroisses s’accroît – ce qui n’est peut-être pas une simple coïncidence –, que les autorités ecclésiastiques perdent le contrôle des comptes de fabrique. À Chavagne, à partir de 1572, ce sont un ou deux paroissiens, laïcs, qui sont « par les parroissiens chouassiz a prosne de leur grand messe pour examiner » les comptes, et ce conformément à une commission émanant « de la court de Rennes ». Si le compte de 1571/1572 n’est examiné qu’en octobre 1573, par la suite les comptes sont examinés dans un délai à peine plus long que pendant les deux premiers tiers du siècle. Cette « court de Rennes » est la sénéchaussée royale, et l’évolution a lieu au même moment dans presque tout le ressort de cette sénéchaussée, que les paroisses appartiennent au diocèse de Rennes ou à celui de Saint-Malo. Mais les examinateurs ne sont qu’exceptionnellement, comme à Chavagne, des paroissiens ; il s’agit bien plus souvent d’un juge seigneurial, agissant, donc, sur commission du sénéchal de Rennes. C’est ainsi qu’à Coulon en Montfort, les comptes de 1575/1576 puis des vingt dernières années du siècle, sont examinés par le sénéchal de Montfort, et qu’à Montauban ils le sont par le sénéchal de Montauban (il s’agit bien dans ces deux cas de juridictions seigneuriales). Le sénéchal de Rennes se permet même de délivrer des commissions pour l’examen des comptes de certaines paroisses relevant pourtant de la sénéchaussée de Dinan. Il en est ainsi de Paramé, où, à partir de 1573, les comptes sont examinés par « noble et escuyer Jehan de La Chapelle, seigneur du Vausalmon, commissaire deputé de par monsieur le senechal de Renes » ; seigneur fondateur, il assistait auparavant à la reddition du compte. Par la suite et ailleurs, les commissions sont délivrées par les différentes sénéchaussées royales, pour les paroisses de leur ressort, indépendamment des circonscriptions ecclésiastiques.

67Les autorités ecclésiastiques perdent ainsi le contrôle des comptes de l’immense majorité des paroisses, même s’il subsiste visiblement quelques exceptions comme Saint-Aubin-des-Landes dans le diocèse de Rennes (graphique n° 13). C’est dans le diocèse de Dol que l’évolution semble la plus tardive, peut-être par manque de volontarisme de la part des sénéchaux de Dinan et de Bazouges. À partir du début des années 1580, les vicaires généraux du diocèse de Saint-Malo tentent de réagir, et de regagner une partie du terrain perdu. À Paramé, en 1580, un certain Mathurin Leroy est commis pour examiner le compte aux côtés de Jehan de La Chapelle, seigneur de Vausalmon, qui reçoit lui une commission du sénéchal de Rennes. Mais la cohabitation est peut-être difficile, et à partir de 1581 Jehan de La Chapelle est nommé « commissaire et audicteur des comptes des eglizes et fabrices de l’evesché de Sainct Malo », appellation bien pompeuse car il ne s’occupe certainement pas de la totalité du diocèse, mais qui présente l’avantage de court-circuiter l’action du sénéchal de Rennes. La situation n’évolue plus guère par la suite… sauf qu’à partir de 1585 il se voit adjoindre l’archidiacre de Dinan. À Saint-Nicolas de Montfort, le compte de 1584/1585 est, en 1589, examiné à deux reprises : une première fois par le sénéchal de Montfort, et une seconde par un commissaire de l’évêque. À Montauban, l’auditeur des comptes de l’archidiaconé de Porhoët examine celui de 1597/1598, puis celui de 1599/1600. Ceci dit, lorsqu’il est nécessaire d’engager des poursuites à l’encontre des trésoriers tardant à rendre leur reliquat, cela se fait désormais toujours devant une juridiction civile et l’official ne retrouve donc pas ses attributions premières.

68N’oublions pas cependant que le recteur conserve une des clés qui permet d’ouvrir le coffre où est entreposé l’argent de la fabrique, et les visites paroissiales constituent un moyen détourné de contrôler les comptes. Ainsi, à Paramé, paroisse située à proximité immédiate de Saint-Malo, il n’y a presque pas une année, jusqu’en 1589, où ne passe l’évêque, un vicaire général ou l’archidiacre de Dinan. Ceci dit, il s’agit évidemment d’un cas à part, vu sa situation géographique dans un diocèse très étendu. De toute façon, l’official a désormais perdu une partie importante de ses attributions. Les autorités ecclésiastiques doivent donc partager largement, voire abandonner, le contrôle des comptes de fabrique aux autorités civiles. Mais il leur suffit peut-être d’engager une véritable politique pour récupérer l’essentiel du terrain perdu, comme il apparaît déjà dans certaines paroisses du diocèse de Saint-Malo.

Conclusion

69Les 469 paroisses et trèves (si l’on exclut du calcul les villes épiscopales) des diocèses de Rennes, de Dol et de Saint-Malo composent une région qui présente, à la fois, une véritable cohérence et un certain nombre de diversités. Cette diversité des pays et des paroisses tient entre autres à la densité de population, à l’influence plus ou moins forte de la culture urbaine, aux activités des habitants et à une inégale richesse qui dépend de la qualité des terres et des échanges commerciaux, mais aussi, en milieu rural comme urbain, de l’importance de l’activité toilière. Le découpage diocésain forme un élément de diversité supplémentaire, chaque diocèse possédant une spécificité, qui est liée à son histoire mais plus encore à la politique menée par la hiérarchie ecclésiastique.

  • 80 Ou tréviale.

70Ceci dit, la gestion des paroisses et des trèves est partout effectuée sur le même modèle, celui de la fabrique, personne morale. En ce pays d’habitat dispersé, où la communauté se confond avec la paroisse, au bénéfice de cette dernière, et où, à la différence de la Basse-Bretagne, les hameaux, même importants, n’ont pas d’autonomie de gestion, la gestion des fabriques est un facteur de constitution de la communauté paroissiale80, plus que dans le Midi mais aussi que dans un large Bassin parisien prolongé par la Normandie. Le fait, à partir de la seconde moitié du xve siècle en milieu rural, de consigner les comptes dans des registres (c’est le choix, nouveau, de l’écrit) est sans aucun doute une étape importante de ce processus.

  • 81 Si l’on entend par là le fait que le « cumul » des fonctions est institutionnel, ou bien que dans (...)

71La rédaction des comptes se fait partout sur le même modèle, mais le budget dont disposent les fabriques varie en fonction de la composition des revenus ainsi que du nombre et de la richesse des paroissiens. Cependant, ces budgets augmentent partout au cours du xvie siècle. Le montant des dépenses est adapté à celui des recettes, l’inverse étant vrai également. La paroisse coïncidant avec la communauté, elle constitue la circonscription de base pour la levée de l’impôt, ce qui crée la tentation d’une confusion entre les types de dépenses. En fait, les exigences fiscales de la monarchie dans le dernier tiers du xvie siècle conduisent à une timide différenciation entre paroisse et communauté d’habitants, qui reste cependant partielle et conçue comme provisoire. La communauté continue à se confondre avec la paroisse, mais contrairement à ce qui a été parfois affirmé il n’y a pas à proprement parler de « cumul institutionnel81 ».

72Les trésoriers jouent un rôle très important dans la gestion de la fabrique, mais il s’avère extrêmement difficile de les identifier. La plupart sont visiblement des laboureurs, au sens générique que recouvre ce terme dans la France de l’Ouest, celui d’exploitant agricole. Il semble bien que les risques financiers que présente la charge et le prestige réel qu’elle confère soient prioritairement accordés à des hommes qui ne sont pas les plus exposés aux incertitudes de la conjoncture économique et à l’instabilité géographique qu’elle peut entraîner, sans qu’il paraisse pour autant justifié de parler d’oligarchie. Les autres paroissiens jouent eux aussi un rôle, évidemment moindre, dans la gestion de la fabrique. C’est notamment le cas d’un groupe qui apparaît composé d’une douzaine à une quarantaine de personnes, selon l’importance de la population de la paroisse. La gestion de la fabrique est ainsi le lieu d’une démocratie inégalitaire, où tous ont voix au chapitre (y compris, dans certains cas, pendant l’année comptable), mais où toutes les voix n’ont pas le même poids. Le groupe qui constitue la major et sanior pars semble en voie d’institutionnalisation dans le cours du siècle.

73La gestion des fabriques est un enjeu pour les autorités ecclésiastiques, qui entreprennent de les contrôler par le biais d’un examen des comptes, qui fait suite à leur reddition, la modalité du contrôle s’effectuant de façon différente suivant les diocèses. Cela permet aux ecclésiastiques, membres de la hiérarchie ou simples recteurs suivant les cas, d’inciter les paroissiens à certaines dépenses, ou d’empêcher que d’autres dépenses soient intégrées dans le budget de la fabrique. Mais le contrôle de la gestion des fabriques est aussi une tentation pour les autorités civiles et les seigneurs, qui entreprennent d’affirmer leur prééminence sur les communautés paroissiales. Un peu partout, les autorités ecclésiastiques perdent le contrôle des comptes de fabrique dans les années 1570, à une époque où la pression fiscale s’accroît sur les paroisses. Une reconquête est entreprise par la hiérarchie ecclésiastique du diocèse de Saint-Malo à la fin du siècle, mais ses résultats restent fragiles.

Notes

1 Croix A., L’Âge d’or de la Bretagne. 1532-1675, Rennes, 1993, p. 110.

2 Ibidem, p. 109.

3 Jarnoux Ph., Les bourgeois et la terre. Fortunes et stratégies foncières à Rennes au xviiie siècle, Rennes, 1996.

4 Antoine A., Lagrée M. (dir.), Le pays de Rennes. Histoire et identité, Rennes, 2001, p. 38-42.

5 Lagrée M., Tanguy b. (dir.), Atlas d’histoire de Bretagne, Morlaix, 2002, p. 114-115.

6 Croix A., La Bretagne aux xvie et xviie siècles. La vie, la mort, la foi, Paris, 1981, p. 146.

7 Lespagnol A., Messieurs de Saint-Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, Rennes, 1997, p. 259.

8 Lespagnol A. (dir.), Histoire de Saint-Malo et du pays malouin, Toulouse, 1984, p. 89-137 ; Lespagnol a., Messieurs de Saint-Malo…, op. cit.

9 L’hinterland toilier de Saint-Malo s’étend également sur la Basse-Bretagne, le Bas-Maine et la Normandie (Lespagnol A., Messieurs de Saint-Malo…, op. cit., p. 55).

10 Frain de la Gaulayrie E., Les Vitréens et le commerce international, Vannes, 1893 ; Labbé Y., « Les débuts d’une ville bretonne. Vitré au xve et au xvie siècle », MSHAB, t. 24, 1944, p. 111-129.

11 Coornaert E., Les Français et le commerce international à Anvers. Fin du xvexvie siècle, Paris, 1961, t. 1, p. 303.

12 Lespagnol A., Messieurs de Saint-Malo…, op. cit., p. 88. À un autre degré, la région de Bécherel semble assez sévèrement touchée par la crise de la fin du xvie siècle.

13 Notons que dans cette région, et notamment autour de Dinan et de Fougères, l’âge d’or des toiles de chanvre, qui servent pour l’emballage des marchandises, se poursuit partiellement au xviie siècle.

14 Sur cette crise de l’activité textile à la fin du xviie siècle, voir par exemple Croix a., L’Âge d’or…, op. cit., p. 162-163.

15 Croix A., L’Âge d’or…, op. cit., p. 119-152, 245-252.

16 Pichot D., Le village éclaté. Habitat et société dans les campagnes de l’Ouest au Moyen Âge, Rennes, 2002.

17 Il s’agit bien entendu des routes, mais il ne faut pas non plus oublier l’axe, commun aux diocèses de Rennes et de Saint-Malo, que représente la Vilaine.

18 Sur ce sujet, les travaux de Loïc Langouet (Langouet L., « L’origine gallo-romaine de l’évêché d’Alet à la lumière des récentes fouilles », ASHAASM, 1974, p. 95-107) s’avèrent en effet nettement plus convaincants que ceux de ses contradicteurs, pas toujours dénués de préoccupations régionalistes. Voir aussi Chédeville A., Tonnerre N.-Y., La Bretagne féodale. xiexiiie siècle, Rennes, 1987, p. 258.

19 Une partie de ces moines n’appartient pas, à l’origine, aux populations qui s’installent alors en Armorique – il s’agit en effet pour une part d’Irlandais –, et d’ailleurs leur action ne se limite pas nécessairement à la péninsule armoricaine (pensons à saint Colomban, par exemple).

20 Guillotel H., « Les origines du ressort de l’évêché de Dol », MSHAB, t. liv, 1977, p. 31-68.

21 Delumeau J. (dir.), Le diocèse de Rennes, Paris, 1979, p. 49.

22 Ensembles qui nous sont connus par le biais des aveux rendus en 1542, 1618 et 1682 (Guillotin de Corson A., Pouillé historique de l’archevêché de Rennes, Rennes/Paris, 1880, rééd. Mayenne, 1997, t. i, p. 114-122).

23 Isbled B., « Le manoir de Saint-Armel en Bruz », MSHAB, t. lxviii, 1991, p. 403-420.

24 Maître L., Berthou P. (éd.), Dubuisson-Aubenay. Itinéraire de Bretagne. D’après le manuscrit original de son voyage en Bretagne en 1636, 1898, rééd. Paris, 2000, p. 52 ; Bergin J., the Making of the French Episcopate, 1589-1661, New Haven/Londres, 1996, p. 112.

25 Guillotin De Corson A., op. cit., t. i, p. 438-461 ; Leguay J.-P., « Une ville épiscopale : Dol des origines au début du xvie siècle », MSHAB, t. 79, 2001, p. 54-61 ; La borderie a. de, « Le regaire de Dol et la baronnie de Combourg », BMSAIV, t. 2, 1862, p. 150-219.

26 Dubuisson-Aubenay. Itinéraire de Bretagne…, op. cit., p. 71. Joseph Bergin évalue quant à lui ces revenus à environ 20 000 livres au milieu du xviie siècle (Bergin J., op. cit., p. 110).

27 Guillotin de Corson A., op. cit., t. i, p. 612-619. Sur la seigneurie commune, voir ibidem, p. 671-685. À Dol également, l’évêque du lieu est chanoine.

28 Dubuisson-Aubenay. Itinéraire de Bretagne…, op. cit., p. 99 ; Bergin J., op. cit., p. 112. 29.

29 Hamon Ph., L’Argent du roi. Les finances sous François Ier, Paris, 1994, p. 89.

30 Les sommes qui doivent être versées par les diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo sont respectivement de 3 338, 2 795 et 1 366 livres tournois. Les montants des sommes versées par chaque diocèse sont consignées dans un manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France (fr. 3943) et Philippe Hamon m’a, en la matière, aimable- ment communiqué le résultat de ses dépouillements.

31 Chédeville A., Tonnerre n.-Y., op. cit., p. 263-265.

32 La carte des paroisses a connu peu de modifications après le milieu du xiiie siècle, si l’on excepte le cas du marais de Dol où des paroisses sont créées au xive siècle.

36 Voir l’introduction.

37 Cf. Annexe I.

38 Croix A., La Bretagne aux xvie et xviie siècles…, op. cit., p. 127.

39 Pichot D., op. cit., p. 341-342.

40 Arthur de La Borderie était très certainement trop prompt à voir des corps paroissiaux apparaître dès le ixe siècle dans la documentation, notamment dans le cartulaire de Redon.

41 Perraud-Charmentier A., Essai sur le général de paroisse en Bretagne, particulièrement dans le diocèse de nantes et au dernier état du droit, Rennes, 1926, p. 124, par exemple. 39.

42 Pichot D., op. cit., p. 342-343.

43 Alors que jusqu’ici cette charge incombait au propriétaire privé ou au curé décimateur (Fliche A., Martin Vv., (dir.), Histoire de l’Église des origines jusqu’à nos jours, t. xii : Institutions ecclésiastiques de la Chrétienté médiévale. Première partie, Bruxelles, 1964, vol. 2, p. 417).

44 Follain A. (éd.), L’Argent des villages du xiiie au xviiie siècle. Comptabilités paroissiales et communales. Fiscalité locale, Rennes, 2000, p. 25.

45 Chevalier B., Les bonnes villes de France du xive au xvie siècle, Paris, 1982, p. 249. À Vitré, les plus anciennes attestations de trésoriers concernent la paroisse Notre-Dame et remontent à 1395 (Labbé Y., art. cit., p. 69).

46 Lagadec Y., Restif B., « Pouvoir et religion dans une paroisse rurale de Haute-Bretagne au xvie siècle : le compte de fabrique de Louvigné-de-Bais (1503-1504) », ABPO, t. cix, n° 1, 2002, p. 31-60.

47 À Vitré, en effet, les comptes de la confrérie de la Conception Notre-Dame commencent en 1411, et ceux de la confrérie Saint-Nicolas commencent en 1414.

48 Leguay J.-P., La ville de Rennes au xve siècle à travers les comptes des Miseurs, Paris, 1968.

49 Guingamp est la première ville bretonne où s’affirme une communauté de ville ; l’on y constate en effet l’existence d’un procureur des bourgeois dès 1380. Cette institution apparaît ensuite à Nantes en 1410 et à Rennes en 1418. Pour Ploërmel, nous trouvons un procureur des bourgeois actif dès 1436 (Ropartz S., notice sur la ville de Ploërmel, 1864, rééd. Paris, 1999, p. 65), et à Vitré en 1465 (Labbé Y., art. cit., p. 71).

50 Lagadec Y., Restif B., art. cit.. Des comptes de fabrique antérieurs au xviie siècle ont été conservés pour près de 7 % des paroisses rurales bretonnes (ibidem). Ce chiffre n’est pas négligeable puisque Bernard Delmaire établit le chiffre de 4 % pour les actuels départements du Nord et du Pas-de-Calais (Delmaire B., « Comptes d’églises, comptes des pauvres, comptes des communautés dans le Nord de la France du xiiie au xvie siècle », L’Argent des villages…, op. cit., p. 69-96).

51 Les plus anciens sont ensuite ceux de Mondevert, qui datent de 1478/1480. En Bretagne, la plus ancienne comptabilité rurale conservée date de 1460 et concerne la paroisse d’Orvault, dans le diocèse de Nantes (voir Martin H., « Une paroisse bretonne à la fin du Moyen Âge : Orvault (1460-1520) », Kreiz, n° 1, 1992, p. 135-151).

52 Matz J.-M., « L’argent des fabriques dans l’Anjou et le Maine du xve au milieu du xvie siècle », L’Argent des villages…, op. cit., p. 97-118 ; LePareur F., La vie paroissiale dans le Haut-Maine à la fin du Moyen Âge (1367-1530) d’après les archives fabriciales, thèse de doctorat, Université du Maine, 1999, p. 16-26.

53 Diocèses pour lesquels les plus anciens comptes de fabrique conservés remontent aux toutes dernières années du xve siècle (archives départementales de la Manche, séries G et 300 J ; contrairement à l’opinion la plus répandue, un nombre non négligeable de comptes de fabrique ont échappé aux bombardements qui ont eu lieu pendant la Seconde Guerre mondiale).

54 Pour le Nord, voir L’Argent des villages…, op. cit., p. 30-31, 69-96. Pour le Midi, voir ibidem, p. 30-31, ainsi que Lemaitre N., Le Rouergue flamboyant. Le clergé et les fidèles du diocèse de Rodez (1417-1563), Paris, 1988, p. 132 sq.. Dans le Midi, bien des fabriques, appelées « œuvres », semblent exister dès le xiie siècle (Bourin M., Durand R., Vivre au village au Moyen Âge. Les solidarités paysannes du xie au xiiie siècle, 1984, rééd. Rennes, 2000, p. 56). Du point de vue de la gestion des paroisses, et du rapport entre le civil et le religieux, le Midi participe sans doute d’un modèle méditerranéen qu’il partage avec le Nord de l’Italie (Lemaitre N. (dir.), Histoire des curés, Paris, 2002, p. 130), tandis que le Dauphiné constituerait un cas intermédiaire entre le modèle méridional et les modèles septentrionaux (Paravy P., De la chrétienté romaine à la Réforme en Dauphiné. Évêques, fidèles et déviants (vers 1340-vers 1530), Rome, 1993, p. 168-173).

55 Jacquart J., « L’argent des villages en Ile-de-France du xvie au xviie siècle », L’Argent des villages…, op. cit., p. 133-152 ; Bonzon A., L’esprit de clocher. Prêtres et paroisses dans le diocèse de Beauvais (1535-1650), Paris, 1999.

56 Follain A., « La solidarité à l’épreuve de l’argent dans les villages normands du xv au xviie siècle », L’Argent des villages…, op. cit., p. 185-238.

57 L’Argent des villages…, op. cit., p. 133, 185-238.

58 Ibidem, p. 133-152 ; Follain A., Les solidarités rurales : le public et le privé dans les communautés d’habitants en normandie du xve siècle à 1800, thèse de doctorat, Université de Rouen, 1993.

59 Croix A., La Bretagne aux xvie et xviie siècles…, op. cit., p. 74-83.

60 Guillotin De Corson A., op. cit., t. v, p. 110.

61 Il s’agit des statuts synodaux de l’évêque de Saint-Malo Denis Briçonnet, qui datent de 1515, ainsi que des statuts promulgués par les évêques de Dol Raoul de La Moussaie au milieu du xve siècle et Mathurin de Plédran en 1509.

62 Lagadec Y., Restif B., art. cit.

63 Jones M., « Les origines et le développement du notariat dans la Bretagne à la fin du moyen âge », MSHAB, t. lxviii, 1991, p. 5-27.

64 Voir la carte représentant, par paroisse, la diminution des feux payables entre 1426 et 1443, qui est un bon moyen de mesurer l’ampleur des dévastations, dans Atlas d’histoire de Bretagne, op. cit., p. 83.

65 Le denier monnaie est estimé à environ 120 % du denier tournois.

66 Bonzon A., op. cit., p. 256.

67 Mais, généralement, le produit des offrandes réalisées sur les autels est destiné au clergé et non à la fabrique.

68 Kerhervé J., L’État breton aux xive et xve siècles. Les ducs, l’argent et les hommes, Paris, 1987, p. 581-614.

69 Ibidem, p. 600.

70 Planiol M., Histoire des institutions de la Bretagne, Mayenne, 1982, t. iv, p. 18-22.

71 Doucet R., Les institutions de la France au xvie siècle, Paris, 1948, t. ii, p. 629.

72 C’est en tout cas la situation qu’il est possible de constater en Bretagne, ce qui contredit ce qu’écrit Roger Doucet pour l’ensemble du royaume (ibidem, t. ii, p. 630).

73 Venard M., « La taxe sur les clochers de 1552 dans les diocèses de Rouen et d’Évreux », Les normands et le fisc. xxixe Congrès des Sociétés historiques et archéologiques de normandie, Elbeuf-sur-Seine, 1994, p. 21-29.

74 Et qui compte 300 communiants à la fin du xviie siècle.

75 Je pense tout particulièrement aux inscriptions trouvées dans les Pyrénées (Fabre D., « Le berger des signes », Fabre D. (dir.), Écritures ordinaires, Paris, 1993, p. 269-312) et en Galice (« Signos e pedras erguidas. O choido e o aberto en Galicia », exposition présentée au Musée du Peuple Galicien de Saint-Jacques-de-Compostelle à l’automne 2001).

76 Prestige et dignité qui sont probablement fonction de l’importance des sommes à manier.

77 Paravy P., op. cit., p. 171. Ces réalités correspondent aussi approximativement à ce qui existe dès le xiie siècle dans une partie du Midi (Bourin M., Durand R., op. cit., p. 174 sq.).

78 Cf. Photographie 1.

79 Du Fail N., Sauvageau M., Chapel, Les plus solennels arrests et reglemens donnez au Parlement de Bretagne, suivi de Mémoires et recueil d’arrêts, Nantes, 1715, p. 74.

80 Ou tréviale.

81 Si l’on entend par là le fait que le « cumul » des fonctions est institutionnel, ou bien que dans les faits deux institutions se recoupent totalement. En pratiquant une archéologie de la diffusion de cette erreur dans l’historiographie, on se rend compte que le coupable initial est Potier de La Germondaye (Potier de La Germondaye, Introduction au gouvernement des paroisses, suivant la jurisprudence du Parlement de Bretagne, Rennes/Saint-Malo, 1777), juriste du xviiie siècle dont les propos, parfois approximatifs, ont été repris sans être soumis à la critique.

Notes de fin

33 En comptant une paroisse suburbaine. Par souci de cohérence, les paroisses du diocèse de Dol qui sont enclavées dans d’autres diocèses que ceux de Rennes et de Saint-Malo ne sont, évidemment, pas prises en compte ici. Parmi les paroisses figure La Chapelle-aux-Filtzméens, trève de Meillac qui est érigée en paroisse en 1630.

34 Ce calcul inclut Saint-Sauveur de Rennes, qui est érigée officiellement en paroisse en 1667, mais qui est déjà considérée comme telle depuis le Moyen Âge central (Guillotin de corson a., op. cit., t. 4, p. 561). En revanche, Chevré est considérée ici comme une simple frairie, c’est-à-dire comme étant simplement dotée d’une chapelle de quartier (ibidem, p. 191-192).

35 Le calcul des trèves du diocèse de Saint-Malo inclut Saint-Péran, chapelle frairienne érigée en trève de Paimpont en 1606, ainsi que Muel et Le Bran, qui sont considérées comme trèves dans un pouillé de 1730. En revanche, et à l’inverse d’un choix parfois effectué, Rouillac n’est pas comptabilisée ici comme une trève, car le même pouillé la présente comme une simple frairie. Parmi les paroisses est comptabilisée La Chapelle-Bouëxic, qui, bien que trève de Guignen en théorie, est dans les faits considérée comme une paroisse au xviie siècle (en effet, son desservant, appelé « recteur », assiste aux synodes du diocèse dès le début du xviie siècle).

Table des illustrations

Titre Carte 1. – Villes et pays
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Titre Carte 2. – Les activités de type proto-industriel et les principaux ports.
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Titre Carte 3. – Les diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo.
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Titre Carte 5. – Les paroisses et les trèves des diocèses de Rennes, Dol et Saint-Malo.
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Titre Tableau 4. – nombre de paroisses et de trèves par diocèse.
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Titre Carte 6. – La densité de population en 1696.
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Titre Carte 7. – Les comptes de fabrique en Bretagne rurale : répartition dans le temps et dans l’espace (xve-xvie siècles).
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Titre Tableau 8. – Le montant des sommes dont disposent les fabriques au xvie siècle.
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Titre Graphique 9. – La gestion de la fabrique de Saint-Aubin-des-Landes (1533/34-1565/66). La gestion des reliquats.
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Titre Graphique 10. – La répartition des dépenses de la fabrique de Chavagne de 1546 à 1555 (dépense moyenne de 32 livres par an).
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Titre Graphique 11. – La répartition des dépenses de la fabrique de Coulon en Montfort de 1546 à 1555 (dépense moyenne de 22 livres par an).
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Titre Graphique 12. – La répartition des dépenses de la fabrique de Paramé de 1561 à 1570 (dépense moyenne de 50 livres par an).
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Titre Graphique 13. – L’examen des comptes de fabrique dans le diocèse de Rennes (xvie siècle).
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Titre Graphique 14. – L’examen des comptes de fabrique dans le diocèse de Saint-Malo (xvie siècle).
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