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Le décrochage scolaire

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Joël Zaffran
, 
Thierry Berthet

Qui est responsable du décrochage ? Des élèves de lycée d’enseignement professionnel parlent de leur déscolarisation

André Lecigne et Olivier Cosnefroy

Texte intégral

1Ce texte propose une synthèse d’une enquête réalisée en 2010-2011 auprès de 64 élèves effectivement « décrochés » du système scolaire, et préalablement issus de lycées professionnels de la région Limousin. Les missions générales d’insertion de la Haute-Vienne, de la Corrèze et de la Creuse ont permis de contacter et de faire revenir ces élèves au lycée pour parler du processus de leur déscolarisation, l’idée étant de recueillir le discours causal rétrospectif de ces élèves déscolarisés sur leur propre décrochage. Notre approche se veut purement exploratoire et compréhensive, nous nous fixons pour objectif de donner sens aux propos des élèves à l’aide de concepts du champ psychosocial.

Cadre de la recherche

  • 1 Selon les chiffres du ministère, 36,8 % des élèves s’orientent chaque année sur la voie de l’ensei (...)

2On peut s’orienter par goût et par avance vers certaines filières du supérieur, universitaires ou autres, lorsqu’on est élève de terminale, d’autant plus si l’on est en situation de franche réussite, ce qui élargit les possibilités de choix. Ces trajectoires sont consonantes, au sens où il y a correspondance entre les souhaits et les possibles scolaires. Si celles-ci sont généralement réservées aux bons élèves qui maintiennent tout au long de leur scolarité un choix d’études longues et de formations prestigieuses, bref une sorte de trajectoire standard d’excellence, d’autres sont plus modestes et pragmatiques. Ce sont celles d’élèves issus pour la plupart de milieux peu favorisés qui font relativement tôt le choix de lycées professionnels après le collège, orientation raisonnablement possible compte tenu notamment d’un niveau d’exigence scolaire moindre pour cette voie1.

Pourquoi le choix d’élèves en LEP ?

3Pour eux, l’orientation est bien souvent contrainte par les circonstances scolaires et les « avis » (qui valent généralement décision) des conseils de classe d’intégrer des voies de formation qui présentent le double désavantage d’être parfois imprévues des élèves et souvent dévalorisées par l’école elle-même. Bien que ces élèves tentent de procéder dans leur tête à une réhabilitation de ces voies de formation qui leur permet de garder congruentes leurs préférences et leur orientation (voir notamment Dumora et Lannegrand-Willems, 1999), leur « choix » se résume le plus souvent à une acceptation d’une orientation qu’ils savent hasardeuse voire nébuleuse, c’est-à-dire en contradiction avec les aspirations scolaires et sociales explicites du modèle d’élève que l’école dit vouloir produire. Le paradoxe est bien ici pour ces élèves, d’être en situation de choisir la seule possibilité que l’école leur donne. Il faut souligner que ce choix est le plus souvent anticipé dès le collège, suivant un processus de rationalisation par avance du verdict final, faisant parfois passer l’orientation la plus probable comme la cause de leur choix. Il arrive aussi dans des situations plus problématiques que la décision d’orientation soit imposée aux familles ou encore que les familles soient trop distantes de l’institution scolaire pour « négocier » cette orientation. Il se peut alors que les élèves continuent à refuser le choix imposé et entretiennent une perception négative de l’établissement et de l’enseignement qu’il dispense. Lannegrand-Willems, Cosnefroy et Lecigne (2011) ont en effet montré que, sur une population de lycéens de LEP, l’un des facteurs majeurs de l’explication du décrochage opérationnalisé sous forme d’absentéisme restait la distance entre leur choix d’orientation et celle dans laquelle ils se retrouvent.

Pourquoi s’intéresser aux causes d’une conduite ou d’un événement ?

4L’activité de recherche des causes d’un événement a donné lieu à des modèles divers en psychologie sociale, qui sont fédérés par ce qu’il est convenu d’appeler les théories de l’attribution. Les chercheurs de ce domaine tentent de savoir comment les gens expliquent, donnent un sens à leurs propres comportements et/ou à ceux d’autrui. Heider (1944 ; 1958), père fondateur des théories de l’attribution définit cette notion comme un processus par lequel « l’homme appréhende la réalité, et peut la prédire et la maîtriser » (1958, p. 79). Les gens chercheraient avant tout, selon lui, à comprendre et à expliquer les événements qui se produisent. L’individu se livrerait alors à un important travail cognitif lui permettant, non seulement de donner du sens à la réalité, mais également de pouvoir maintenir en équilibre son univers cognitif et représentationnel. L’attribution, fondée sur des attitudes par rapport à l’objet à expliquer, constituerait ainsi une étape primordiale de l’analyse de l’action du sujet, puisqu’elle déterminerait les comportements et les réactions à l’environnement.

5Appliqués à notre objet d’étude et aux lycéens de LEP, nous nous attendons à ce qu’ils nous livrent les raisons qui, à leurs yeux, ont pu expliquer leur propre déscolarisation. Mais la recherche nous montre qu’il ne faudrait pas prendre ces raisons pour de véritables causes explicatives au sens scientifique, et ce pour au moins deux raisons :

  • d’abord, les causes que nous proposons de recueillir s’inscrivent en contexte éducatif, la scolarité étant constitutive d’un ensemble de conduites finalisées, c’est-à-dire tournées vers un objectif d’éducation. S’il est banal de dire que les actions des élèves sont précédées d’anticipations diverses, que nous pouvons globalement nommer cognitions, ces dernières incluent des savoirs (l’information, la connaissance) mais aussi la position normative de l’élève face à l’école, ou encore les représentations ou conceptions idéologiques plus larges qui peuvent être ici définies comme un agencement particulier et hiérarchisé de savoirs et d’attitudes par rapport à l’école. Le discours des élèves sera donc élaboré par la résultante de ces divers éléments qui le constituent ;
  • ensuite, si l’on interroge les liens entre le discours des élèves et leurs conduites scolaires, en particulier ici avec celle d’avoir quitté l’école, deux approches peuvent être envisagées. Une conception classique considère les attitudes comme premières par rapport aux comportements qu’elles déterminent, les attitudes exerçant une double fonction de mobilisation et d’orientation des conduites sociales. L’origine de la seconde orientation se situe dans un approfondissement de la théorie de la dissonance cognitive (Festinger, 1957) et de celle de l’engagement (Kiesler, 1971). Le sujet est présenté comme rationalisant plutôt que comme un sujet rationnel, qui déploie alors des efforts constants pour faire concorder ses attitudes avec ses conduites dans une forme de maintien de consonance, d’harmonie relative ou de non-contradiction « psycho-logique ». L’attitude est ici la conséquence de la rationalisation de ces conduites, elle est donc comprise comme un processus cognitif d’adaptation (justification) des agents sociaux à leurs multiples conduites au cours de leur vie quotidienne. En fait, on pourrait concevoir avec Beauvois (1994) un individu impliqué dans des conduites socialement nécessaires qui fait siennes les normes et valeurs afférentes à ces conduites, construisant ainsi des significations qui les légitiment. Ibanes (1989) théorise plus avant cette dialectique en expliquant que nous ne nous reconnaissons comme humains que dans la mesure où nous nous percevons comme capables d’autonomie. Il propose (p. 45) une boucle de rétroaction : « Nous ajustons nos croyances à ce que nous faisons réellement (conduites – attitudes) pour pouvoir continuer à penser que ce que nous faisons correspond à ce que nous croyons (attitudes – conduites). » Ici nous partirons du postulat que l’élève est avant tout un sujet actif qui cherche à donner sens à son expérience, et qui peut de ce fait être amené à rationaliser sa situation en construisant un système de justifications qui lui fournit en retour une raison solide de persévérer dans la ligne où il s’est engagé.

Méthode

6Pré-enquête. Afin de recueillir la façon dont les élèves posaient eux-mêmes le « problème de leur décrochage », nous avons réalisé une vingtaine d’entretiens à partir de la question inductrice : « Pourquoi as-tu quitté l’école ? »

7Une analyse de contenu thématique de ces entretiens a permis de construire un questionnaire standardisé ayant pour objectif de recueillir les raisons de leur décrochage, que nous apprécierons dans leur ordonnancement et à travers une analyse dimensionnelle.

8Procédure. Les 64 élèves de notre échantillon, âgés de 16 à 19 ans, ont répondu individuellement au questionnaire sur une échelle d’attitude en 6 points allant de 0 « non, pas du tout » à 5 « oui, tout à fait ». Les items composant le questionnaire sont les termes des élèves eux-mêmes.

  • 2 Cette analyse est descriptive, elle permet de résumer les variations du champ des attitudes dans n (...)

9L’analyse des résultats se résume ici à l’évocation des moyennes des réponses et à la recherche de facteurs structurant ces dernières (analyses en composantes principales2). Compte tenu du faible nombre d’élèves, il n’a pas été procédé à la recherche d’éventuels déterminants de leurs réponses sur la base de variables sociobiographiques par exemple.

Résultats et discussion

La fuite d’un système

10Question posée : si j’ai décidé de quitter l’école, c’est parce que… (cf. tableau 1 en annexes).

11Théoriquement, il est possible de distinguer deux types de causes : certaines se rattachent aux personnes (il s’agit de causalité interne ou dispositionnelle ; par exemple un effort effectué, la possession d’une capacité particulière), d’autres se situent dans l’environnement (on parlera de causalité externe ou situationnelle : le manque de chance, le pouvoir d’autrui, ou encore le hasard sont les types mêmes d’explications externes). Ici, les moyennes des réponses témoignent d’une surreprésentation des attributions internes, une véritable internalisation, de la part des élèves, des raisons d’avoir quitté l’école : 23 causes sont internes sur les 26 premières (pour 3 externes), 5 sur les 23 dernières (pour 20 externes). Ce résultat est conforme au constat d’une préférence de l’internalité dans la pensée quotidienne, maintes fois établi dans la littérature, et qui pourrait être compris par au moins deux processus :

  • la norme d’internalité. Bien que toute causalité scientifique considère que le comportement humain ne peut être expliqué que par une combinaison de forces internes et externes (Heider, 1944), les recherches effectuées sur ce clivage ont mis en évidence, dans nos sociétés occidentales, une fréquente surestimation des facteurs internes au détriment des causes externes (par exemple Ross, 1977). Ce phénomène a longtemps été interprété comme une erreur de jugement, un « biais » baptisé par Ross (op. cit.) « erreur fondamentale d’attribution ». Ce primat de la production de causes internes a été retrouvé dans de nombreux contextes : scolaire, de travail, sportif, etc. Devant la valorisation sociale des explications internes, on a alors parlé de « norme d’internalité » (Beauvois, 1984), définie comme la valorisation socialement apprise des explications des événements psychologiques (renforcements et comportements) accentuant le poids de l’acteur comme facteur causal ;
  • la désignation de responsables. Dès 1944, Heider établit une distinction entre l’origine et la cause, le prototype de l’origine étant la personne. On entre là de plain-pied dans la notion de responsabilité, abordée par Heider en référence à la conception de Fauconnet (1928), pour qui l’homme est une cause première des événements. À l’opposé, la science ne connaît que des causes secondaires, toute cause étant l’effet logique d’une autre qui lui est antérieure, sans qu’il existe de cause originelle. Le processus de recherche de cause est alors basé sur un raisonnement régressant sans fin, et qui tient compte de la multiplicité de causes, internes et externes, interagissant en permanence. Or, dans la pensée sociale, ces deux logiques coexistent, et le plus souvent la recherche de causes s’apparente et débouche sur la désignation de responsables. Selon Fauconnet, cette origine personnelle caractérisant la causalité humaine présenterait plusieurs avantages : en dehors du fait que l’on ne puisse sanctionner qu’un être humain et non un phénomène en soi, il paraît aussi plus accessible d’établir une relation directe entre agent et action qu’entre plusieurs phénomènes qui peuvent relever de niveaux d’analyse et d’action sur lesquels nous n’avons pas forcément prise. Rappelons ici les conclusions de Gosling (1992) concernant l’échec scolaire, qui indique qu’à l’école l’échec de l’élève n’est pensable, donc acceptable, que si ce dernier est « coupable », c’est-à-dire responsable de son niveau. Nous assistons là à une véritable inversion du processus d’attribution de responsabilité par rapport à ce que serait une réflexion scientifique : si une pensée rationnelle cherche d’abord à établir la responsabilité de quelqu’un avant de lui appliquer une éventuelle sanction, comme dans le champ judiciaire par exemple, ici ce n’est pas forcément parce que l’élève est responsable qu’il est sanctionné par l’échec, mais si l’échec est attesté, c’est bien qu’il doit y avoir une bonne raison, et de préférence inhérente à l’élève lui-même.

12Si l’on observe cette fois l’ordonnancement des moyennes des causes, nous pouvons distinguer 3 niveaux empiriquement nommés :

  • éloge de la fuite (de 3,94 à 3,23), en gras dans le tableau ;
  • désintérêt (de 3,16 à 2,28), en italiques ;
  • manque de soutien (de 2,19 à 0,78), en caractères normaux.

13Cet ordre, mettant en avant la nécessité de fuir l’école et le désintérêt manifeste ressenti à l’intérieur, pourrait peut-être s’apparenter à ce que certains auteurs appellent du « désengagement » (Tesser, 1988). Il s’agit d’un processus particulièrement pernicieux qui amène certains élèves en échec à l’école à internaliser les raisons de cet échec et finir par dire et peut-être par penser qu’en réalité ils « n’ont jamais aimé l’école ». En s’attribuant la responsabilité du retrait, on voit alors des élèves abandonner « librement » des secteurs scolaires car les évaluations de l’école sont mauvaises. Comme la carrière scolaire d’un élève reste étroitement liée aux appréciations portées par l’école, on peut donc questionner l’ancrage de ce désengagement à travers les décisions prises par l’école à propos des élèves. Alors l’élève, décrocheur et/ou décroché ? Observons en complément si ces élèves distinguent un « lieu » de causalité préférentiel à leur décrochage.

À qui la faute ?

14Question posée : en repensant à ma situation, si j’ai décidé de quitter le lycée, la véritable cause, c’est… (cf. tableau 2 en annexes).

15À cette question complémentaire, 3 niveaux de réponses apparaissent dans le discours des élèves :

  • attributions majeures au système scolaire, à la filière et à soi ;
  • responsabilité moyenne attribuée aux professeurs ;
  • pas la faute des proches, parents ou amis.

16Nous voyons poindre à travers les réponses des élèves une certaine ambiguïté : en effet à l’internalisation repérée précédemment vient se mêler une attribution à l’école elle-même, à travers le système et la filière d’orientation. Notons que dans tous les cas les proches (parents ou amis) des élèves sont dédouanés de responsabilité dans le processus de décrochage. Pour comprendre l’apparition de cette attribution de responsabilité à l’école, il nous faut peut-être faire un détour vers une autre norme de jugement, en complément de celle d’internalité déjà évoquée.

17Secondairement aux travaux sur la norme d’internalité, il apparaît que dans certains cas cette norme pourrait bien en masquer une autre : la norme « d’allégeance » (Gangloff, 1997), définie comme la valorisation d’explications causales qui respectent et/ou soutiennent une figure de pouvoir en jeu dans la situation, la non-allégeance désignant plutôt des explications causales qui mettent en cause et/ou qui refusent leur soutien à une figure de pouvoir. Notons que l’appréhension de l’allégeance implique un objet d’allégeance (un chef, l’organisation, etc.) que ce soit en termes de comportements ou de discours de cet objet, elle différencie ainsi la norme d’allégeance de la norme d’internalité, qui elle ne renvoie pas à une « entité » supérieure, à laquelle l’individu doit obéir, ou en tout cas devant laquelle il doit adopter telle ou telle attitude correspondant à telle ou telle norme.

18Si ces deux normes sont liées car prises dans un même contexte idéologique, Gangloff (op. cit.) a pu montrer le poids réel de chacune d’elles dans l’évaluation des personnes, et a mis en évidence que l’allégeance avait généralement davantage de poids que l’internalité : un discours allégeant valorise ainsi plus son auteur qu’un discours simplement interne, et inversement un discours non allégeant le dévalorise davantage qu’un discours externe. Le « summum » de l’intégration sociale sera d’être à la fois interne et allégeant car assumant la responsabilité de ses fautes éventuelles, ne remettant jamais en cause le système ; quant au « summum » de l’exclusion sociale ou en tout cas celui qui inspirera le plus de crainte et de refus sera l’interne non allégeant, le rebelle. Autant l’interne allégeant se montre conforme, responsable, respectueux du pouvoir, éventuellement malléable, donc sans danger pour la société et les organisations humaines, autant l’interne non allégeant se montre menaçant pour l’ordre établi, d’autant plus qu’il assumera la responsabilité de ses conduites, donc risque de ne pas être malléable : un véritable ennemi de l’ordre établi, avec le risque qu’il influence d’autres personnes.

19Ici nous remarquons que nos élèves ne sont justement pas allégeants, la tonalité est celle d’une internalité « rebelle » qui, associant clairement le système scolaire et les procédures d’orientation aux explications du décrochage, risque de se rebeller contre l’arbitraire des hiérarchies scolaires. Il faut savoir, au-delà de cette enquête, que les élèves non allégeants prennent certains risques à l’école. On a en effet pu montrer (Lecigne, 2008) qu’à dossier scolaire identique et comparativement aux élèves allégeants, les élèves non allégeants au primaire sont :

  • discriminés à l’aide de caractéristiques personnologiques négatives ;
  • leurs difficultés scolaires apparaissent plus importantes aux enseignants, bien que ces derniers aient la même synthèse pédagogique sous les yeux ;
  • ils se voient enfin davantage orientés vers le circuit périphérique de la Segpa.

20Nous allons maintenant mettre au jour la structure de pensée qui préside aux réponses des élèves, et qui va nous aider à comprendre l’articulation de l’internalité et de la non-allégeance à l’aide de dimensions nouvelles.

Analyse dimensionnelle des attributions : une pensée structurée

  • 3 Solution après rotation varimax où les items présentés sur les différents axes ont un écart de sat (...)

21Tentons maintenant de dégager les grandes dimensions qui organisent les discours des élèves à l’aide d’une analyse en composantes principales incluant les réponses aux deux premières questions. Cette analyse met en évidence cinq dimensions qui expliquent au total 49,55 % de la variance3 (cf. tableaux 3 à 7 en annexes) :

  • injustice et privation relative. Cause = professeurs (15,1 % de variance expliquée [VE]) ;
  • expression de souffrance. Cause = l’élève (12,86 % de VE) ;
  • sentiment de solitude. Pas de causalité distinctive (8,37 % de VE) ;
  • problèmes d’orientation. Cause = filière (7,82 % de VE) ;
  • difficulté de l’école. Cause = parents (5,42 % de VE).

22Nous pouvons constater la présence de deux grands blocs thématiques : le premier s’organise autour des trois premières dimensions, qui expliquent le plus de variance des réponses (tableaux 3, 4 et 5 en annexes). Il nous paraît apporter des éléments nouveaux dans les raisons du décrochage, nous y reviendrons donc en détail : la dimension essentielle est celle de la « privation relative » (tableau 3 en annexes), avec dans sa suite logique le témoignage d’une certaine souffrance et d’un discrédit de l’école (cf. tableau 4 en annexes), puis d’un sentiment de solitude (tableau 5 en annexes). Le second bloc, de moindre importance (tableaux 6 et 7 en annexes), est plus convenu et renvoie à des facteurs mieux connus du décrochage, en termes d’orientation et de difficultés scolaires, nous ne nous y attarderons donc pas.

23De nombreux travaux avaient déjà souligné combien les jeunes qui ont souhaité quitter l’école ont souvent rencontré des difficultés avec leurs enseignants au secondaire, ayant notamment dû faire face à des attitudes dévalorisantes et stigmatisantes (Maltais, 2010), et réclament ce qu’ils disent ne pas avoir eu au collège ou au lycée : de l’attention, de l’aide, du respect. Or ici, la dimension de privation relative, par la place prépondérante qu’elle occupe dans la structure attributionnelle, fait apparaître une autre vision, celle d’un élève qui se compare aux autres, qui a besoin de justice et accuse ouvertement les professeurs. Le courant de la justice organisationnelle (Adams, 1965) nous en offre un aperçu théorique : Adams se réfère à la théorie de la dissonance cognitive de Festinger (1957) selon laquelle l’existence d’un écart entre ce qui est perçu et ce qui est attendu est source de dissonance psychologique, produisant une activité de réduction qui peut être de nature comportementale : soit augmenter ses contributions, soit les réduire. Si l’on veut comprendre le sentiment d’être injustement traité, il faut donc tenir compte des comparaisons que les individus établissent entre leur propre situation et celle d’autrui. La théorie de la privation relative (PR) (Runciman, 1966), est définie comme la perception d’un écart entre ce que les acteurs croient mériter et ce qu’ils croient pouvoir obtenir. Ainsi, une personne totalement démunie peut être satisfaite de son sort dans la mesure où elle n’espère pas davantage et se compare à d’autres qui vivent la même situation de privation. À l’opposé, une personne, objectivement très à l’aise, peut se sentir profondément insatisfaite de sa situation dans la mesure où elle se compare à d’autres qui profitent d’une situation encore meilleure qu’elle. Il s’agit là d’une privation relative interpersonnelle, le mécontentement est ressenti suite à une comparaison désavantageuse entre sa propre situation et celle d’une autre personne semblable à soi.

24Associée au principe d’injustice ou de frustration, la théorie de la PR suggère donc que les individus souffrent non pas lorsqu’ils sont « objectivement » privés ou démunis mais lorsqu’ils se « sentent » privés relativement à d’autres personnes, groupes ou situations avec lesquels ils se comparent. Les recherches actuelles distinguent deux autres types de sentiments de privation relative liés à la nature des comparaisons en présence :

  • la privation relative intrapersonnelle renvoie à la comparaison que l’individu met en place entre sa situation actuelle et sa situation passée ou future. Celle-ci se fait à la lumière des attentes et des aspirations personnelles et la privation relative sera générée si l’écart est défavorable à l’individu ;
  • la privation relative intergroupe relève d’une préoccupation pour l’ensemble du groupe social auquel un individu s’identifie, c’est un sentiment de PR groupal ou collectif qui renvoie au mécontentement provoqué par la perception de disparité entre le sort du groupe d’appartenance et celui d’un exogroupe jugé plus privilégié. Les stratégies adoptées sont alors davantage de l’ordre du changement social (militantisme, action politique, manifestation et participation aux mouvements contestataires) que de celui de stratégies de mobilité sociale ou de promotion personnelle.

25Il ressort globalement que les comparaisons défavorables des individus affectent leur sentiment de PR, ce qui favorise ou déclenche chez eux des conduites d’actions collectives et/ou individuelles. Ici le niveau de PR déclaré est relativement modeste en comparaison d’autres causes avancées (cf. moyennes du tableau 1 en annexes), mais il constitue néanmoins une dimension forte de ces attributions, la privation relative semble bien occuper une place centrale dans les motifs avancés pour décrocher.

26Nous nous plaçons bien ici au niveau des liens entre le sentiment de PR déclaré par les élèves et les motifs qu’ils attribuent à leurs actes. Mais nous ne savons en particulier rien sur les déterminants de ce sentiment de PR, ni sur ses éventuels effets comportementaux. De plus, si la définition de la PR a le mérite de faire ressortir l’importance de la comparaison sociale dans l’émergence du sentiment de mécontentement ou d’injustice, il conviendrait sans doute de comparer l’importance relative des comparaisons intra et interpersonnelles en tant que déterminants de ces sentiments. Le mécontentement serait-il davantage éprouvé suite à une comparaison désavantageuse entre sa propre situation et celle d’autres élèves (comme notre étude semble l’indiquer compte tenu du sens de nos items), ou à une comparaison, elle aussi désavantageuse, de l’élève avec lui-même, en considérant sa position actuelle comparée à celle qu’il occupait peut-être dans le passé, ou encore en utilisant ses attentes et aspirations comme standards de comparaison ? Peut-être même pourrions-nous envisager une combinaison des deux composantes, tout en conservant à l’esprit que ces aspects psychologiques ne rendent pas compte de tous les facteurs nécessaires à l’émergence de ces sentiments. En d’autres termes, si l’on ne peut pas affirmer que la PR puisse véritablement représenter la cause de l’action de quitter l’école, elle est susceptible de se trouver au fondement de l’émergence d’une « envie » de changement. Pour le formuler autrement, il nous semble qu’on puisse émettre l’hypothèse que, dans le domaine du décrochage scolaire, la PR soit au moins une théorie des acteurs et peut-être une théorie de leurs actes.

27En complément, terminons cette approche par les réponses à deux questions qui abordent le regard rétrospectif de ces élèves sur leur situation et en disent long sur la détermination de ces élèves.

28Question posée : maintenant, avec le recul, je dirais que… (cf. tableau 8 en annexes).

29Par rapport aux données précédentes, on notera ici la quasi-absence de regret d’avoir arrêté.

30Enfin, du point de vue de ces élèves, y a-t-il un élément qui aurait pu inverser le cours des choses ?

31Question posée : Qu’est-ce qui aurait pu t’empêcher de partir ? Il s’agit là d’une question ouverte dont le contenu des discours fait l’objet d’une analyse thématique.

32Nous relevons cinq grandes réponses :

  • « Rien, ma décision était prise », dans 26,2 % des discours, soit plus d’un quart des élèves ;
  • « L’aide, le soutien des professeurs », dans 24,5 % des discours ;
  • « L’intérêt des cours », dans 21,3 % des discours ;
  • « Une autre orientation », dans 18 % des discours ;
  • « Se sentir bien », dans 9,8 % des discours.

33Remarquons ici la mise en avant d’une action déterminée, et secondairement la place des attentes déçues en direction de l’école et des professeurs.

Conclusion et ouvertures

34Les éléments qui suivent s’inscrivent naturellement dans un cadre particulier qui les relativise : bien que notre population soit exclusivement composée d’élèves de LEP ayant effectivement décroché, son faible échantillon (N = 64) n’autorise aucune généralisation des résultats. Il en va de même du contexte géographique : ces élèves, bien que venant de départements distincts, sont tous issus de lycées de la région Limousin, dont l’environnement ne saurait être comparé à ceux de grandes agglomérations.

35Par ailleurs, quelles que soient les causes de la décision de « décrocher », on sait bien qu’il ne suffit pas toujours de demander aux personnes ce qui les motive pour pouvoir comprendre les processus de cette motivation. Aussi l’objectif même de notre étude en pose paradoxalement ses limites : quid des discours convenus, rationalisations a posteriori d’un acte décidé en amont ? Ainsi cette étude, si elle ne peut accéder aux déterminants réels des conduites, présente toutefois l’avantage de nous éclairer sur les éventuelles rationalisations des actes de ces élèves. Parmi les nombreuses hypothèses que cette première étude exploratoire permettrait d’envisager, nous retiendrons de manière un peu arbitraire deux aspects qui nous semblent éclairants.

Sortir du piège de l’internalisation

36Une telle centration sur l’internalité ne peut pas s’analyser seulement comme une simple erreur d’attribution, fût-elle fondamentale. L’acquisition de l’internalité pourrait sans doute s’expliquer par les pratiques éducatives générales (évaluations, notations, sélections, recrutements) qui induisent la valorisation des explications internes, les dispositifs psycho-socio-éducatifs (école, institutions de travail social et de formation) favorisant l’apprentissage et la transmission de la norme d’internalité et donc le développement de « mentalités internes ». Le poids des pratiques professionnelles s’inscrit également dans un cadre de représentations et de normes ambiantes à l’école, comme dans celui des conceptions individualistes socialement dominantes. Pour élargir le point de vue, Beauvois (1984) estime qu’il y a un relatif consensus sur les causes personnologiques des problèmes sociaux qui peut se comprendre comme un phénomène de naturalisation du social en même temps que de légitimation des pratiques professionnelles. L’on sait combien le champ éducatif est imprégné d’une « connaissance » de ses élèves les plus faibles en forme d’handicapologie, d’immaturité, de difficultés particulières qu’il s’agit de traiter (voir sur ce point les travaux de Gosling, 1992). Combien aussi il est bien souvent convaincu que les contraintes de l’école sont telles qu’il est illusoire de prétendre en infléchir les pratiques. On a tout lieu de penser qu’en matière de décrochage, ces savoirs communs sont d’autant plus pesants qu’ils concernent des réalités parfois dramatiques, souvent anxiogènes et susceptibles de générer une remise en cause d’identités collectives dans le monde enseignant.

37Symptomatique de ces représentations, la désignation de ces élèves comme « décrocheurs » résulte-t-elle, comme nous l’avons déjà évoqué, du besoin que nous avons de rechercher des causes premières, utiles socialement et qui rendent possible une action socialement acceptable, au prix d’un rabattement de la cause sur l’origine ? En effet si l’élève est à l’origine de ce qu’il fait ou de ce qui lui arrive, il n’en est en revanche pas forcément la cause unique d’un point de vue scientifique. Le terme de « décrocheur » ne laisse planer aucun doute sur la causalité interne à l’élève que l’on attribue spontanément au processus de décrochage, et qui peut fonctionner, si l’on n’y prend pas garde, comme un diagnostic implicite empreint d’attribution de responsabilité. Ces « décrocheurs » ne constituent en aucun cas un groupe homogène, ils représentent une catégorie administrative dont la caractéristique commune est d’abord de se trouver en situation de décrochage. Or tout se passe comme s’ils se voyaient affectés d’un nouveau statut qui marque une position dans le système scolaire. C’est même la définition du statut qui nous invite à prendre en compte son corollaire, qui est que tout statut ne peut généralement se concevoir sans son articulation avec un ou des statuts complémentaires : médecin-malade, enseignant-élève, décrocheur-école. Cette complémentarité rend saillants les droits associés à tout statut : ici l’on peut supposer que l’école a le devoir de proposer des réponses et des solutions conformes à sa mission et est en droit d’attendre que l’élève y souscrive. Mettre l’accent sur la complémentarité des statuts revient à insister sur la nécessaire prise en compte des interactions, réelles et symboliques, entre individus au sein d’un système, le fonctionnement de ce système étant aussi lié à la nature de ces interactions. On le voit, le statut renvoie à l’acteur social, à l’élève, et cette catégorie est théoriquement distincte de celle de la personne : accent mis sur le système scolaire et sur les interactions qui s’y déroulent dans la première, sur les caractéristiques internes du sujet dans la seconde. Bien sûr l’articulation de ces niveaux d’analyse est souhaitable, voire incontournable, mais peut-on articuler des niveaux d’analyse si on ne les distingue pas ? Le risque est peut-être d’enclencher un processus qui risquerait d’amputer l’élève de ses appartenances et identités scolaires, avec le danger de chroniciser sa situation.

38Si les représentations et pratiques du champ éducatif restaient dominées par des modèles individualisants, même si chaque élève est porteur de particularités, on voit mal comment ces derniers pourraient imaginer leur situation autrement que par un prolongement de ce qu’ils croient être, sur la base des regards évaluatifs dont ils font l’objet. Or si l’on sait maintenant que les explications internes sont socialement désirables, les individus produisant un discours explicatif interne bénéficiant de meilleurs pronostics de réussite professionnelle, sociale ou scolaire que les externes, Castra (1998) a paradoxalement montré qu’un sujet en situation d’échec qui tient un discours explicatif interne des difficultés qu’il rencontre, est couramment dévalorisé. On le voit, la norme d’internalité dans ce cas participerait des mécanismes psychosociaux de l’exclusion, d’autant plus que nos élèves, en mettant ouvertement en cause le système scolaire et ses professeurs, ne se montrent pas particulièrement allégeants. Nous observons au passage combien ces attributions peuvent entrer en concurrence avec le discours institutionnel établi ; en ce sens le décrochage scolaire pourrait bien symboliser une prise d’autonomie d’élèves qui, jusque-là dans leur scolarité, en ont été privés.

Un besoin vital de justice

39Les études sur le décrochage scolaire ont permis de mettre au jour les principaux facteurs de risque intervenant dans ce processus : personnels, familiaux, scolaires, environnementaux (voir notamment Marcotte, Lachance et Lévesque, 2011). Cette approche du risque, et non du décrochage avéré, a débouché sur des regroupements caractérisant des sous-groupes d’élèves. Néanmoins, l’ensemble des recherches tend à démontrer que le décrochage scolaire est l’aboutissement d’une dynamique sur plusieurs années, de l’ordre d’une construction délétère.

40Si, comme nous avons tenté de le faire, nous prêtons sens à la construction discursive des élèves, il nous faut envisager une dimension qui paraît essentielle ici, que nous comprenons comme un appel à l’aide et à la justice. La privation relative, véritable dimension attributionnelle, nous donne en effet l’image d’élèves qui se comparent entre eux au cours de leur scolarité et en déduisent certains principes de fonctionnement de l’école. Ainsi le besoin d’évoluer dans un univers juste apparaît fondamental et nous renvoie à la croyance en un monde juste (CMJ), mise en évidence par M. Lerner (1980). Pour lui, l’individu a besoin de certitude, de cohérence pour pouvoir anticiper les situations, s’engager dans des activités à long terme. C’est d’abord l’attitude de l’homme face à la souffrance et à l’injustice de la société qui serait sous-tendue par l’idée que le monde est fondamentalement prévisible et contrôlable. Cette idée n’est pas seulement d’ordre cognitif : l’homme la porterait en lui, en aurait tout simplement besoin pour vivre, si bien qu’il la crée, elle correspondrait à un type de « motivation ». La CMJ, qui repose sur un des principes de la mise en ordre de nos idées, celui de la justice, semble donc de ce point de vue essentielle pour l’être humain. Elle fait l’objet d’un apprentissage social et remplit des fonctions psychologiques importantes au niveau individuel.

41Si le monde est perçu comme relativement juste, ce sont alors les victimes en peine ou en souffrance qui sont censées obtenir ce qu’elles méritent. Or l’école promeut des idéaux de justice qui font que l’attitude personnologique consistant à imputer la responsabilité du décrochage à l’élève permet de ne pas voir dans ce processus un trait consubstantiel de l’idéologie qui fait que « chaque élève a ce qu’il mérite ». S’il est possible d’attribuer le sort d’une victime à quelque chose qu’elle a ou n’a pas fait, alors l’idée de justice est préservée. En ce sens, la CMJ peut également devenir asservissante dans la mesure où elle permet aux élèves les plus en difficulté ou les plus démunis d’accepter et de justifier la fonction sélective de l’école et de notre société, légitimant ainsi une fracture réputée naturelle et non construite. Or ici, justement, on a l’impression que pour ces élèves décrochés, l’école n’est pas spécialement considérée comme juste et qu’ils assument voire revendiquent leur décrochage. Notons que le piège peut s’avérer particulièrement redoutable : en désinvestissant l’école, tout se passe comme si l’élève s’attribuait la responsabilité de sa situation et légitimait aux yeux des enseignants les raisons de son « parcours » scolaire. Une troublante extinction des feux donc, qui nous permet peut-être de mieux comprendre, dans ces conditions, à la fois la détermination de ces élèves à fuir ce système et l’absence de regret d’avoir réussi à la faire : une forme de refus d’allégeance, à la fois salutaire et assumé, à un monde jugé injuste. Nous touchons sans doute là l’indispensable besoin de repenser l’attention que l’on prête aux élèves dans le cadre scolaire, qui, rappelons-le, n’est pas seulement un lieu d’apprentissage mais également un lieu de vie.

42Le décrochage scolaire étant trop souvent synonyme d’échec à venir, à la fois sur le plan socio-professionnel et personnel, il faudra bien mettre à l’épreuve la pertinence de nos modèles, quitte à les amender par d’autres, pour faire face à cette fracture entre un but affiché, voire valorisé, et l’impossibilité de l’atteindre. Et si la question du décrochage scolaire était aussi une affaire de méthodes, autant que de publics ?

Bibliographie

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Annexes

Annexes

Consigne. Voici quelques raisons pour lesquelles certains élèves quittent volontairement l’école. En pensant à ta situation, évalue chacune de ces raisons en entourant un chiffre de 0 à 5, Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses, c’est ton avis qui est important. Nous te remercions de ta participation à cette enquête qui restera anonyme et confidentielle.

Moyennes

Je me suis démotivé(e) petit à petit

3,94

Je n’avais plus envie d’y rester

3,91

Je n’allais pas rester là pour rien

3,77

Je m’ennuyais en cours

3,52

Le contenu des cours ne me plaisait pas trop

3,34

Je voulais faire quelque chose de plus concret

3,33

Il me fallait fuir tout ça

3,31

En fait je n’ai jamais bien aimé l’école

3,30

Je ne supportais plus l’école

3,27

Ça me soulageait de ne plus aller à l’école

3,23

Mes centres d’intérêt étaient ailleurs

3,16

Je n’ai pas fait assez d’efforts à l’école

3,13

Je pensais mieux m’en sortir en dehors de l’école

3,00

Je ne voyais pas ce que je faisais là

2,98

Mes notes étaient trop mauvaises

2,89

Je n’étais pas satisfait de ma filière

2,89

J’avais déjà perdu assez de temps comme ça

2,89

Je me suis toujours senti(e) obligé(e) d’aller à l’école

2,81

De toute façon, je n’aurais pas obtenu de diplôme

2,79

Je savais que je pouvais me débrouiller seul(e)

2,67

Je connaissais mal cette filière au départ

2,64

Je valais mieux que les notes que j’avais

2,63

Je n’avais pas choisi cette orientation

2,58

Je voulais gagner ma vie

2,56

Je ne me sentais pas bien

2,48

Je n’avais pas les capacités suffisantes

2,35

Ce qu’on nous demandait était trop difficile

2,28

Je n’ai jamais eu de chance à l’école

2,19

Personne ne m’a vraiment aidé(e)

2,17

Mes efforts n’étaient pas récompensés

2,09

J’avais quelques problèmes de discipline

2,06

L’école, ce n’était pas quelque chose d’important pour moi

2,00

Je ne pouvais pas compter sur l’aide des professeurs quand j’avais des problèmes à l’école

1,97

Si j’étais resté(e), j’en serais tombé(e) malade

1,90

L’ambiance de la classe n’était pas très bonne

1,81

Quoique je fasse, je n’arrivais pas à avoir de bonnes notes

1,75

Les professeurs ne m’aimaient pas beaucoup

1,74

J’ai été entraîné par d’autres

1,73

Les professeurs ne faisaient pas attention à moi

1,70

J’étais sous-estimé(e) par les professeurs par rapport aux autres élèves

1,70

Les professeurs n’étaient pas justes avec moi

1,66

Les professeurs ne me traitaient pas avec le respect que je mérite

1,63

Je n’étais pas vraiment intégré(e) avec les autres

1,51

Je n’étais pas aussi bien traité(e) que les autres élèves par les professeurs

1,42

Je me sentais bien seul(e)

1,40

Je ne pouvais pas compter sur mes parents si je rencontrais des difficultés à l’école

1,32

C’est l’école qui m’a forcé(e) à partir

1,26

On me traitait mal

1,11

Ce n’était pas important pour mes parents que je réussisse à l’école

0,78

Tableau 1. – Moyennes des réponses ordonnées de manière décroissante à la question : si j’ai décidé de quitter l’école, c’est parce que…

Moyenne (de 0 à 5)

La filière dans laquelle j’étais

3,39

Moi-même

3,30

Le système scolaire

3,23

Les professeurs que j’ai eus

1,83

Mes ami(e) s

0,89

Mes parents

0,78

Tableau 2. – Moyennes des réponses à la question : en repensant à ma situation, si j’ai décidé de quitter le lycée, la véritable cause, c’est…

Axe 1 : injustice – privation relative (15,1 % de variance expliquée)

Saturations4

Les professeurs n’étaient pas justes avec moi

.843

Je n’étais pas aussi bien traité(e) que les autres élèves par les professeurs

.824

Les professeurs ne m’aimaient pas beaucoup

.715

J’étais sous-estimé(e) par les professeurs par rapport aux autres élèves

.686

J’avais quelques problèmes de discipline

.654

C’est l’école qui m’a forcé(e) à partir

.636

Personne ne m’a vraiment aidé(e)

.582

Les professeurs ne faisaient pas attention à moi

.581

Mes efforts n’étaient pas récompensés

.560

Les professeurs ne me traitaient pas avec le respect que je mérite

.530

Je ne pouvais pas compter sur l’aide des professeurs quand j’avais des problèmes à l’école

.530

On me traitait mal

.466

Question 2 : cause = professeurs

.807

Tableau 3. – Moyennes des réponses et saturations sur l’axe 1

Axe 2 : souffrance (12,86 % VE)

Saturations

Je ne supportais plus l’école

.810

Il me fallait fuir tout ça

.785

Ça me soulageait de ne plus aller à l’école

.771

Je n’avais plus envie d’y rester

.576

L’école, ce n’était pas quelque chose d’important pour moi

.559

En fait je n’ai jamais bien aimé l’école

.476

Je pensais mieux m’en sortir en dehors de l’école

.460

Le contenu des cours ne me plaisait pas trop

.449

Question 2 : cause = moi-même

.628

Tableau 4. – Saturations sur l’axe 2

Axe 3 : sentiment de solitude (8,37 % VE)

Saturations

Je me sentais bien seul(e)

.792

Je ne me sentais pas bien

.778

Je n’étais pas vraiment intégré(e) avec les autres

.686

L’ambiance de la classe n’était pas très bonne

.601

Je n’ai pas fait assez d’efforts à l’école

-.577

Si j’étais resté(e), j’en serais tombé(e) malade

.489

Je voulais gagner ma vie

-.642

On me traitait mal

.507

Question 2 : pas de cause distinctive

Tableau 5. – Saturations sur l’axe 3

Axe 4 : problème d’orientation (7,82 % VE)

Saturations

Je connaissais mal cette filière au départ

. 793

Je n’étais pas satisfait de ma filière

. 728

Mes centres d’intérêt étaient ailleurs

. 696

Je ne voyais pas ce que je faisais là

. 617

Je n’avais pas choisi cette orientation

. 528

Je n’allais pas rester là pour rien

. 480

Question 2 : cause = filière

. 756

Tableau 6. – Saturations sur l’axe 4

Axe 5 : difficulté de l’école (5,42 % VE)

Saturations

Ce qu’on nous demandait était trop difficile

.761

Je n’avais pas les capacités suffisantes

.631

Ce n’était pas important pour mes parents que je réussisse à l’école

.607

Mes notes étaient trop mauvaises

.556

Quoique je fasse, je n’arrivais pas à avoir de bonnes notes

.524

De toute façon, je n’aurais pas obtenu de diplôme

.470

Question 2 : cause = parents

.563

Tableau 7. – Saturations sur l’axe 5

Moyenne (de 0 à 5)

Ça ferait plaisir à mes parents que j’y revienne

3,19

Mes ami(e) s me manquent

2,48

Si l’école m’avait aidé(e), j’y serais encore

2,34

Si je pouvais, je reviendrais à l’école

1,66

Parfois je regrette ma décision d’avoir abandonné

1,39

L’école me manque

1,13

Tableau 8. – Moyennes des réponses à la question : maintenant, avec le recul, je dirais que…

Notes

1 Selon les chiffres du ministère, 36,8 % des élèves s’orientent chaque année sur la voie de l’enseignement professionnel (CAP, BEP, bac pro) et, en 2011, 57 500 élèves de cette voie ont décidé de quitter l’école sans qualification, sur environ 120 000 dans le système scolaire dans son ensemble. Bien que ces chiffres soient à considérer avec prudence compte tenu des différentes définitions opératoires du décrochage scolaire, il semblerait que le nombred’élèves en situation de décrochage soit proportionnellement plus élevé en LEP qu’en lycée d’enseignement général.

2 Cette analyse est descriptive, elle permet de résumer les variations du champ des attitudes dans notre population et reproduit la variation totale des variables introduites (ici les items du questionnaire) en un nombre plus restreint de dimensions (les axes). Ces axes sont hiérarchisés, le premier apporte le maximum d’information, c’est lui qui permet de reproduire au mieux la matrice de corrélations entre variables. Puis progressivement les autres axes sont extraits, ils doivent à leur tour expliquer le pourcentage maximal de variance résiduelle.

3 Solution après rotation varimax où les items présentés sur les différents axes ont un écart de saturation sur un autre axe d’au moins. 30.

4 Ce sont les corrélations entre les variables initiales et les axes de l’ACP, elles permettent de juger de la contribution de chaque variable à la formation des différents axes. Ne sont retenues ici que les saturations supérieures à. 40.

Auteurs

Université de Bordeaux Ségalen
Université Pierre Mendès France Grenoble 2

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