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Le décrochage scolaire

 | 
Joël Zaffran
, 
Thierry Berthet

La lutte contre le décrochage scolaire en France : deux expérimentations régionales à l’aune des capabilités individuelles

Thierry Berthet et Véronique Simon

Texte intégral

1La question du décrochage scolaire a connu une ascension aussi rapide que récente sur l’agenda politique (Glasman et Œuvrard, 2011 ; Bonnery, 2004). L’occupation des emplois faiblement qualifiés par une population de plus en plus souvent diplômée (Rose, 2009) et donc l’éviction croissante des décrocheurs d’un marché de l’emploi de plus en plus étroit et sélectif au cours des dernières années ont permis de constituer le décrochage en problème public (Bernard, 2011). Portée à l’agenda politique à l’issue des révoltes urbaines de 2005, l’action publique en matière de décrochage scolaire est tiraillée entre deux référentiels : une conception sécuritaire du décrochage où l’absentéisme est traqué et les décrocheurs perçus comme une population à risques pour l’ordre public ; et une conception éducative liée à la question de l’échec scolaire où le décrochage est avant tout un résultat autant qu’un symptôme des carences du système éducatif. Notons que dans les deux cas, les familles sont pointées comme une cause rémanente du décrochage. La gouvernance des politiques de lutte contre le décrochage scolaire est peu coordonnée en France tant au plan de la coordination horizontale entre les secteurs de l’éducation, de l’insertion, de l’emploi, de la santé, de la justice, etc., qu’au plan de l’intégration verticale où les différents niveaux territoriaux sont dotés de compétences qui se chevauchent, s’ignorent, voire se contredisent. Les moyens de la lutte contre le décrochage reposent sur de nombreux dispositifs et instruments peu coordonnés et souvent rendus très vite obsolètes, déclassés ou faiblement dotés de moyens (Blaya, 2010). Ce rapide inventaire pose clairement la question de la coordination et de la cohérence de l’intervention publique en matière de lutte contre le décrochage.

  • 1 Les résultats de cette recherche sont disponibles sur le site du projet : [http://www.workableeu.o (...)
  • 2 Amartya Sen est un économiste indien qui a reçu le prix nobel d’économie en 1998 pour ses travaux (...)
  • 3 Les auteurs de ce chapitre tiennent à remercier leur collègue Benjamin Castets-Fontaine (universit (...)

2Un des outils récemment promu pour tenter d’établir un lien entre les différents niveaux territoriaux tout en stimulant l’émergence de réponses innovantes est l’expérimentation sociale. Il a fait l’objet d’une stratégie gouvernementale visant à favoriser des programmes locaux de lutte contre le décrochage scolaire. Cette stratégie a été pilotée par le Haut-commissariat pour la jeunesse. C’est l’objet de la recherche présentée dans ce chapitre qui concerne deux expérimentations régionales de lutte contre le décrochage scolaire. Les résultats d’enquête présentés dans ce chapitre sont tirés d’une recherche européenne conduite dans le cadre du programme Making capabilities work (Workable – FP7)1. Menée dans onze pays européens, elle vise à analyser les transitions scolaires et professionnelles des jeunes vulnérables à partir d’une approche par les capabilités (AC) fondée sur les travaux d’Amartya Sen2. Dans ce cadre, on s’est intéressé3 aux politiques régionales de lutte contre le décrochage scolaire dans deux régions françaises : Aquitaine et Rhône-Alpes.

Un regard critique porté sur deux expérimentations régionales

3Bien que ne relevant pas d’une démarche évaluative, l’analyse de ces deux programmes régionaux s’appuie sur une perspective théorique normative, l’approche par les capabilités (AC) développée par Amartya Sen qui connaît un engouement croissant dans les milieux de l’analyse des politiques sociales.

L’approche par les capabilités : quelques jalons

4Centrée sur la liberté réelle comme capacité effective de l’individu de choisir sa vie, l’AC est, plus qu’un cadre théorique, une « approche méthodologique générale aux problèmes de l’inégalité » (Sen, 2000, p. 13). Sen la présente en ces termes :

« L’approche que j’ai retenue se concentre sur notre “capabilité” de réaliser les fonctionnements valorisés dont est faite notre existence, et, plus généralement, sur notre liberté de promouvoir les objectifs que nous avons des raisons de valoriser. » (Ibid., p. 12.)

5Dès lors, dans cette approche : « Les ressources, biens et services, ou les droits formels accordés par les institutions sont à analyser au regard des réalisations que la personne peut accomplir grâce à eux. » (Farvaque et Robeyns, 2005.)

6Prenant ainsi le contre-pied des théories économiques dominantes, il rappelle que la liberté est une valeur du développement humain quand elle est associée à l’accomplissement individuel et la reconnaissance des personnes. Ainsi, la liberté individuelle est fortement liée aux opportunités qu’offre la société aux individus. En d’autres termes, l’exercice de la responsabilité individuelle suppose des garanties collectives pour en garantir l’exercice concret (Bonvin et Farvaque, 2008).

  • 4 « Les institutions entrent en ligne de compte à plusieurs titres. Elles peuvent aider directement (...)

7Souvent désignée comme approche par les capacités ou capabilités (capabilities), celle-ci met l’accent sur la capacité effective des individus à accomplir les projets auxquels ils attachent de la valeur et les manières dont les actions collective et publique permettent ou non cette capacité réelle4. L’approche de Sen conduit ainsi à réévaluer les rapports entre efficacité économique, responsabilité individuelle et justice sociale en prenant pour indicateur clé la liberté effective des individus. Pour le dire de manière plus simple, on ne peut raisonnablement faire peser de responsabilité individuelle si celle-ci ne s’accompagne pas de l’empowerment que seule la collectivité peut assurer aux individus.

8Pour conduire ce travail d’étalonnage de l’action publique au regard des capacités individuelles, Sen propose un appareillage conceptuel dont on rappelle ici les principaux traits. Il distingue ainsi en premier lieu les « fonctionnements » (functionings) qui sont ce que les individus accomplissent effectivement des « capabilités » qui reposent sur la liberté réelle de comportement des individus. Ainsi le fait de ne pas manger (comme fonctionnement) peut relever d’un choix individuel de jeûne, d’une prescription morale ou religieuse plus ou moins librement acceptée ou d’une contrainte de fait (famine) que la notion de capacité met à jour. Une même action peut ainsi mettre en jeu des espaces de liberté individuelle tout à fait différents. Il importe donc de saisir au plus juste les capacités concrètes des individus et fonder l’action publique sur celles-ci plutôt que sur les fonctionnements (c’est-à-dire les actions attendues des individus) ou plus précisément d’articuler ces deux dimensions. Néanmoins, comme on le sait, à ressources égales correspondent des capacités individuelles tout à fait inégales. Pour mesurer ce degré d’inégalités, Sen propose la notion de facteur de conversion qui consiste en la possibilité réelle de transformer ces ressources en capacités individuelles. À défaut d’une telle adéquation, les politiques publiques risquent deux écueils : n’offrir que des libertés formelles ou exiger des comportements normés sans distribuer équitablement la possibilité de s’y conformer (fonctionnements plutôt que capacités). L’action publique dans ce cas se caractérise par une forme d’injonction paradoxale sollicitant la responsabilité des individus dans le cadre de comportements conformes aux normes sociales et juridiques mais qui laisse de côté la question de la capacité concrète pour ces derniers d’y répondre.

Source : Verd J. et López Andreu M., 2011.
Figure 1. – Schéma général de l’approche par les capabilités

9Pour des raisons personnelles, sociales ou environnementales, toutes les personnes n’ont en effet pas la même capacité à convertir une ressource (bien, service ou droit formel : aide sociale par exemple ou droit à l’éducation) en réalisations concrètes (être inséré professionnellement, avoir une qualification reconnue, etc.). Sen propose alors d’évaluer l’égalité à l’aune des opportunités réelles des individus, et non pas à partir des ressources. Ces opportunités constituent donc la base informationnelle de jugement.

10La base informationnelle de jugement retenue collectivement par le collectif européen de chercheurs réunis dans le cadre du programme de recherche Workable repose sur trois niveaux de capabilités : capability for voice, entendue comme capacité à exprimer librement ses préférences, capability for education, capacité de choisir un parcours scolaire valorisé par l’élève, et capability for work, celle de choisir ses perspectives d’insertion professionnelle. Deux interrogations ont guidé ce travail de recherche : les dispositifs expérimentés sont-ils vecteurs de renforcement de capabilités ? Et si oui, dans quelle mesure et de quelles manières les ressources allouées à ces projets scolaires permettent-elles d’accroître la liberté réelle des élèves ?

Deux expérimentations régionales de lutte contre le décrochage scolaire

11Cette recherche porte sur deux expérimentations qui ont été conduites par deux conseils régionaux, celui de Rhône-Alpes et celui d’Aquitaine.

12Ces deux expérimentations présentent un certain nombre de points de convergence : ce sont des démarches expérimentales portées par un conseil régional ; elles sont adossées à un pilotage « partenarial », et viennent en appui à des initiatives locales. Pour autant, les conseils régionaux ne sont pas des acteurs qui sont traditionnellement en charge de la politique de lutte contre le décrochage mais une série d’éléments contextuels récents a ouvert une fenêtre d’opportunité politique pour eux :

  • la lutte contre le décrochage a fait l’objet d’une mise sur agenda récente et cette politique est loin d’être stabilisée ;
  • le champ de la formation est de leur compétence et ils ont investi progressivement les questions d’orientation et de sécurisation des parcours professionnels. Ils ont donc des ressources institutionnelles importantes en matière de dispositifs de lutte contre le décrochage ;
  • les moyens opérationnels et financiers du ministère de l’éducation nationale font l’objet d’une forte diminution ;
  • au moment du lancement de ces programmes, les conseils régionaux sont majoritairement (à une région près) gouvernés par l’opposition gouvernementale5.

13Les deux régions que nous avons étudiées dans le cadre de cette recherche se sont toutes les deux engagées dans la mise en œuvre d’un plan régional de lutte contre le décrochage cofinancé par le fonds d’expérimentation pour la jeunesse (FEJ) que pilote le Haut-commissariat pour la jeunesse. Ces deux plans sont intitulés Plan régional de lutte contre le décrochage scolaire en Rhône-Alpes et Plan régional pour la persévérance scolaire en Aquitaine. Deux logiques d’intervention différentes se dégagent de ces deux dispositifs : l’appui à des réseaux locaux existants en agissant sur le décrochage par un suivi plus serré des « décrochés » en Aquitaine et la mise à disposition de moyens pour les établissements scolaires dans une logique de prévention du décrochage en Rhône-Alpes. Le plan régional de Rhône-Alpes vise donc à mettre en œuvre des moyens de prévention directement opérationnels auprès des jeunes via leurs établissements d’enseignement. Le programme d’Aquitaine vient appuyer des réseaux d’opérateurs locaux en charge de la remédiation du décrochage scolaire.

14Le plan régional de Rhône-Alpes concerne le financement d’actions innovantes dans les établissements. Il a été lancé en 2008 à la suite des travaux menés en 2007 par des groupes de travail mis en place au sein du conseil régional. Ce plan a fait l’objet d’une convention entre le conseil régional, le ministère de l’éducation nationale (2 rectorats), la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) et le réseau régional des missions locales. Les objectifs du plan sont « d’améliorer et de développer la prévention du décrochage scolaire afin de réduire les taux de sortie durant les cycles de formation professionnelle ». Les établissements candidats devaient proposer « une démarche innovante de repérage et d’accompagnement pédagogique et éducatif des élèves en difficulté ». Pour ce faire, les établissements devront proposer des actions innovantes de prévention du décrochage scolaire. 125 projets ont été déposés et 91 projets au total ont été retenus dont 80 portés par des établissements seuls. Les principaux axes des projets sont : la formation des équipes enseignantes, la remobilisation des élèves en petits groupes, le suivi individuel des élèves à risque de décrochage, le soutien scolaire et le développement des compétences personnelles et sociales des élèves. 80 % des demandes de budget concernent le paiement d’heures supplémentaires pour des projets qui sont majoritairement internes et où la dimension partenariale ne concerne que rarement des professionnels de l’accueil, information, orientation (missions locales, CIO, maisons de l’emploi, etc.). Enfin, les projets évoquent fréquemment l’implication des élèves et des familles mais cette dernière prend généralement la forme de sessions d’information collectives ou individuelles

15Le projet porté par le conseil régional d’Aquitaine s’intitule Réseaux pour la persévérance scolaire. Le terme de « persévérance scolaire » pour parler du décrochage n’est pas usuel en France mais en revanche fréquemment utilisé au Québec. Cette précision n’est pas anodine puisqu’au départ du projet aquitain, il y a une mission d’étude au Québec conduite en 2006. Lorsqu’en 2008, le conseil régional envisage de s’engager sur le terrain de la lutte contre le décrochage scolaire, il procède au repérage de trois territoires où préexiste une dynamique de coopération entre opérateurs locaux. L’axe de la politique régionale est ensuite tracé : il s’agira de stimuler, outiller des réseaux d’acteurs existants. Le réseau est lancé en 2008 et fera l’objet d’une expérimentation cofinancée par le Haut-commissariat pour la jeunesse pour la période 2008-2011. Les objectifs de cette démarche expérimentale sont

« d’encourager et de soutenir le partenariat et la mise en réseau des différentes institutions, structures et organisations qui localement interviennent sur “les décrochages” de façon à renforcer leur coopération pour une meilleure prise en charge des jeunes, d’accompagner l’action de trois réseaux locaux expérimentaux pour la persévérance et la réussite des jeunes des territoires pour repérer et accompagner les jeunes “décrocheurs” potentiels ou avérés en difficulté de formation et/ou d’insertion ».

16À la demande des acteurs du territoire, l’axe principal d’intervention repose sur le recrutement de deux coordonnateurs en charge d’animer les réseaux locaux et ainsi de soulager les acteurs opérationnels de lutte contre le décrochage de tâches administratives et managériales. Mais très rapidement, il se double d’un second objectif : mettre en place un outil informatique partagé à l’échelle du réseau local de repérage et suivi en temps réel des décrocheurs. Cet outil – SAFIRE (solution d’accompagnement à la formation, l’insertion et la réussite éducative) – est développé sur le territoire du Blayais et adapté pour sa mise en œuvre sur celui du Marmandais. Les deux axes du programme – coordination des acteurs locaux et mise en place d’un outil de repérage/suivi – seront rapidement télescopés par le lancement d’une politique de l’État central en février 2011. Par une circulaire du ministère de l’éducation nationale (circulaire no 2011-028 du 9 février 2011 Lutte contre le décrochage scolaire), l’État va introduire deux nouveaux dispositifs : les plateformes locales de suivi et d’appui et le système interministériel d’échange d’informations (SIEI) qui viennent percuter de plein fouet les expérimentations locales mises en œuvre en Aquitaine.

« On est télescopé par ça et de fait, on ne peut plus faire vivre nos dispositifs avec les plates-formes puisque nos acteurs sont complètement engagés dans la mise en œuvre de cette politique décidée par l’État et qu’ils doivent forcément appliquer. » (Entretien au conseil régional, chargé de mission décrochage.)

Méthode d’analyse

17En termes méthodologiques, notre démarche de recherche s’est appuyée sur un certain nombre de questionnements qui visaient globalement à apprécier la plus-value de ces démarches expérimentales pour les jeunes. Concernant les effets sur les jeunes, quatre dimensions ont été enquêtées :

  • leur participation au projet ;
  • leur perception des objectifs du projet ;
  • leur vécu du déroulement du projet ;
  • les raisons du non-recours pour les jeunes ayant refusé de participer.
  • 6 « Le niveau de qualification mentionné à l’article L. 313-7 du Code de l’éducation est celui corre (...)

18Les deux programmes régionaux étudiés ici ont pour objet de favoriser la réussite scolaire, l’obtention d’un diplôme et l’insertion professionnelle des jeunes. Ils sont analysés sur la base des capabilités qu’ils développent (nature des capabilités, mais aussi, degré de développement : ajout d’une nouvelle opportunité réelle ou suppression d’une contrainte antérieure). Si l’on privilégie comme base informationnelle de jugement « les réalisations auxquelles les personnes accordent de la valeur » (Bonvin et Farvaque, 2008, p. 50) certains projets se révèlent « conformants » et d’autres « capacitants ». Les premiers visent à mettre les élèves en conformité avec la norme sociale en vigueur « être diplômé6 », les seconds ciblent la responsabilisation des élèves. Ces derniers garantissent la liberté des personnes en leur offrant les possibilités de transformer la ressource à leur disposition – le droit formel à l’éducation – en liberté réelle (des études, diplômes et métier qu’ils ont des raisons propres de valoriser). Ce sont rappelons-le des idéaux-types. Nos observations font en effet apparaître que dans les expérimentations, les conditions de la liberté réelle sont imparfaitement remplies. Les projets peuvent agir sur l’une ou l’autre de ses dimensions mais aucun conjointement sur les ressources et les facteurs de conversion, individuels, sociaux ou environnementaux.

19La méthode utilisée pour construire la base empirique de cette recherche est constituée d’une analyse documentaire relative aux deux programmes régionaux et d’une série d’entretiens semi-directifs. Les entretiens ont été réalisés auprès de trois catégories d’acteurs : les autorités publiques régionales (conseil régional, rectorat, association régionale des missions locales, etc.) ; les opérateurs de terrain de ces dispositifs (chefs d’établissements, conseillers principaux d’éducation, enseignants, acteurs de l’orientation) et un échantillon d’élèves. Concernant ces derniers, les entretiens ont été conduits selon trois modalités : face à face individuel, petits groupes de 3 à 5 élèves et groupes classes. Au total, une soixantaine d’entretiens ont été conduits durant le printemps et l’automne 2011 puis à l’automne 2012. L’échantillon d’établissements enquêtés en Rhône-Alpes est constitué des structures suivantes : deux lycées professionnels publics (lycées Marc Seguin de Vénissieux et Martin Luther King de Lyon), un lycée agricole (le lycée horticole de Montravel), une maison familiale et rurale (la MFR de Chessy) et un lycée spécialisé dans la remédiation du décrochage scolaire (le CLEPT – collège et lycée élitaire pour tous – de Grenoble). Pour chacun de ces établissements, nous avons rencontré la direction de l’établissement, des équipes d’enseignants, les équipes projet impliquées dans ces dispositifs expérimentaux et des groupes d’élèves.

Deux expérimentations régionales à l’aune des capabilités

20L’analyse des deux expérimentations régionales retenues pour cette enquête est conduite à l’aune de leurs rapports avec les trois capabilités identifiées comme centrales pour l’accès des jeunes décrocheurs à la qualification et à l’emploi : capabilities for voice, education et work.

Capability for voice

  • 7 Il s’agissait en l’occurrence des tests de repérage des risques de décrochage suivants : ROC (repé (...)

21La « voice » est généralement un facteur très important pour la réussite des projets engagés. Un projet capacitant en termes de voice est un projet qui implique la participation active des élèves mais leur accorde le droit de ne pas y participer. D’une façon plus générale, un projet sera capacitant si le fonctionnement qu’il permet a de la valeur aux yeux des élèves. Les élèves ne sont généralement pas contraints de participer aux actions expérimentées. Ils sont encouragés à les suivre et en sont donc bien informés. Les familles le sont moins systématiquement. L’action cible les élèves les plus en difficulté sans pour autant les désigner, évitant ainsi l’effet d’une stigmatisation comme une cause potentielle de « non-recours » (cf. infra). L’accès aux actions leur est facilité (libre accès) et leur organisation tient compte à la fois de leurs contraintes (emploi du temps, conditions de vie, temps de transport, etc.) et de ce qu’ils valorisent. Les élèves peuvent être force de proposition pour le thème et le lieu d’une sortie culturelle, ou pour la discipline et l’horaire d’un cours de soutien par exemple. À l’inverse, la « voice » peut être absente ou fortement réduite dans les projets de certains établissements. Dans ce cas, les élèves ne sont pas informés de l’existence des différents aspects du dispositif ou de manière très floue et la compréhension du projet ne semble pas avoir été vérifiée. Les élèves pensent par exemple être notés quand on leur fait passer des tests. Ils n’ont en l’occurrence qu’une très vague idée de ce à quoi peuvent servir ces tests7. Ce qui ressort largement de nos échanges avec les élèves de ce type de dispositif est un sentiment d’inutilité : ce qui est fait est sans valeur à leurs yeux et ne présente par conséquent aucun intérêt. Les différents volets du dispositif ont été conçus sans qu’ils soient consultés. Les élèves sont tenus d’y participer sous peine d’exclusion. Pour eux, le seul mode d’expression qui puisse leur être accordé est un mode d’expression institutionnalisé, les délégués de classe. En dehors de cette représentation, aucune « voice » ne leur est accordée.

22Du point de vue des opérateurs, la « voice » semble plus ou moins présente et recouvre des formes différentes d’un établissement à l’autre. La maison familiale et rurale de Chessy a développé des dispositifs d’écoute et d’expression pour la 3e année par exemple et mis en place des groupes de paroles pour les élèves. Par ailleurs, une psychologue suit des élèves volontaires ; ces derniers choisissant le lieu et la thématique des entretiens. Le lycée agricole de Montravel laisse une place importante à la capability for voice : dispositif basé sur l’écoute et sur la libre expression, participation des élèves aux sorties et programmes culturels, dispositif de soutien scolaire élaboré communément entre adulte et jeune. Pour le lycée professionnel Martin Luther King, la voice est peut-être moins présente dans le discours des opérateurs. L’établissement organise du soutien scolaire sur la base du volontariat. Lorsqu’ils ont du soutien scolaire avec un surveillant, les élèves peuvent proposer les contenus qu’ils souhaitent travailler. Quant au lycée professionnel Marc Seguin, l’analyse des entretiens avec les enseignants et chefs d’établissement recoupe celle des élèves. En effet, ils mentionnent peu la dimension « capability for voice ». En dehors de la semaine d’accueil où il y a des entretiens individuels avec les élèves et des rencontres avec les familles, et la possibilité de refuser pour l’élève une éventuelle prise en charge individuelle, les indicateurs de la « voice » apparaissent comme largement absents.

Encadré 1. – Le CLEPT, un établissement « capability for voice friendly » ?
Le collège lycée égalitaire pour tous (CLEPT) est un établissement expérimental du ministère de l’éducation nationale (Bloch et Gerde, 2004). Il propose un enseignement alternatif aux décrocheurs scolaires (ils ont en moyenne 18 mois d’errance avant l’entrée au CLEPT). Groupes de base, tutorat, bilans d’étape, boutiques d’écriture, ateliers éducatifs et culturels, initiation au questionnement philosophique sont autant de moyens destinés à favoriser « la construction d’une autorité du jeune en acte, un devenir auteur de sa citoyenneté, et de ses apprentissages » [www.clept.org].
Nous y avons rencontré des élèves d’un groupe de base (toutes classes, tous niveaux d’ancienneté) et des enseignants. Des entretiens il ressort que le développement de la capability for voice est au cœur de la pédagogie. Les « règles de vie du fonctionnement du CLEPT […] se construisent ensemble ». Elles « se travaillent tout au long de l’année », peuvent être réajustées en fonction des élèves, « leur parole est entendue » (enseignant) et favorisée : « Ils ne vont pas se faire flinguer parce qu’ils ont dit un truc qui était à côté de la question posée, qui était mal formulé, donc la prise de parole est sans risque » (enseignant).
Les élèves le confirment : « Concernant l’expression, faut savoir que déjà dans l’emploi du temps on a des temps qui sont fixés, comme des groupes de base, ce qu’on est en train de faire maintenant, où l’expression personnelle elle tourne, sur un tour de table, sur des sujets d’actualité, sur des sujets intérieurs au CLEPT. On a aussi une vie de classe qui se passe par semaine. Moi je sais que dans certains lycées la vie de classe c’est une fois tous les six mois, j’exagère mais c’est vraiment très peu. Là aussi, c’est un endroit où on peut vraiment s’exprimer. Et puis, on a des tutorats, c’est-à-dire des profs qui nous servent de tuteurs et en plus on peut aussi s’exprimer avec mais là c’est dans un cadre plus personnel. »

23En Aquitaine, où le dispositif d’accompagnement intervient alors que les jeunes ont décroché et donc sont, rappelons-le, hors établissements scolaires, l’étude de la voice témoigne de son défaut. En premier lieu au sein même des scolarités, en second, dans le parcours de ces jeunes post-décrochage, la voice pour ces jeunes en difficulté d’insertion a été et reste faible. Nos observations font en effet apparaître qu’à des résultats scolaires faibles correspond une « voice » quasi absente. L’absence de « voice » se traduit par l’absence de choix de formation. « Au départ je voulais faire de la mécanique auto mais on m’a envoyé sur de l’agricole » (Manu, mission locale de Marmande) ; « à la base je devais aller en générale mais en cinéma visuel à Montesquieu, le truc que c’était un lycée où y avait pas beaucoup de place, c’était super dur pour y rentrer. ça a pas marché » (Milène, CIO Blaye). Les exemples pourraient être nombreux, la contrainte dans les parcours scolaires se retrouve dans quasiment toutes nos entrevues.

Capability for education

24Une constatation s’impose d’emblée : la « capability for education » est perçue comme une liberté instrumentale au service d’une liberté substantielle. Le diplôme est important pour trouver un emploi, et un emploi de meilleure qualité à leurs yeux. Accroissant leur pouvoir positif à faire quelque chose qui vaut la peine d’être fait, le baccalauréat est envisagé ici comme un facteur de conversion. La norme sociale en vigueur impose effectivement de le posséder pour accéder plus sûrement au marché du travail.

25Aux yeux du plus grand nombre, réussir ses études a de la valeur. La prégnance de la norme n’échappe pas aux élèves. Pour garantir les accomplissements qu’ils désirent, « avoir une bonne paie, une famille, avoir un métier » (élèves de lycée professionnel), ils savent qu’un certain niveau d’éducation ou de qualification est incontournable. En deçà de quoi, la situation serait inacceptable en terme de bien-être : « Sans étude, t’as pas de travail, tu galères […] ta vie elle est fichue » (élèves de lycée professionnel). Les études ne sont pas une fin en soi mais le moyen d’accéder à une vie choisie. Dans la hiérarchisation des choix que nous leur soumettons « poursuivre ses études » vient pour le plus grand nombre avant « trouver un emploi ».

  • 8 En France, la procédure d’affectation consiste en un appariement des décisions des enseignants et (...)

26Dans l’idéal, un dispositif capacitant garantit l’obtention d’un diplôme de valeur aux yeux des élèves et ouvre le champ des possibles en matière de poursuite d’études. Dans les faits, le dispositif peut développer l’accès au diplôme au travers de facteurs de conversion individuels. L’aide apportée est alors une aide pédagogique et psychologique. L’accent est mis sur la personne, le soutien dans son estime d’elle-même, l’aide aux devoirs, une aide particulière dans les disciplines où elle rencontre le plus de difficulté, voire l’aide à mettre en place un projet d’orientation de valeur à ses yeux. Pour autant, ces dispositifs agissent en aval de choix quelquefois fortement contraints. Les élèves peuvent avoir été affectés8 dans des filières qu’ils n’ont pas choisies. Dès lors, il est quasiment impossible d’observer un développement de capabilités. Le plan régional intervient sur un champ des possibles prédéterminé par les contraintes du système éducatif.

27Dans plusieurs des établissements enquêtés, même si les élèves déclarent s’y sentir bien, ils peuvent être là en « dernier recours » (élève de lycée professionnel) ou sur « 5e vœu » (autre élève de lycée professionnel). L’enseignement agricole peut avoir été choisi pour l’alternative pédagogique qu’il propose. En soi, l’enseignement agricole est déjà capacitant, puisqu’il accompagne nombre d’élèves vers une qualification moins sûrement obtenue autrement.

28L’absence de choix de formation génère une capability for work instrumentée de manière utilitariste c’est-à-dire où l’entrée dans le monde du travail se fait au travers de l’alternance entendue comme une solution au problème scolaire. Cette logique fait ressortir l’enchaînement des trois capabilités. De faibles rendements scolaires aboutissent in fine à une capability for work faible. En Aquitaine, peut-être avec encore plus d’acuité qu’en Rhône-Alpes, les jeunes le savent. Si les lycéens (Rhône-Alpes) le savent, hors l’école (Aquitaine), les jeunes le vérifient comme le montre cet extrait d’entretien :

Guy et Manu (sans diplôme, sans emploi, suivis en mission locale) :
« C’est quoi la priorité, c’est l’emploi ou la formation ?
— M : Les deux, moi je mets ça les deux parce que sans formation on peut pas avoir d’emploi, sans emploi on peut pas être formé, ça marche dans les deux sens quoi.
— G : Et sans argent on n’a pas de vie.
— M : Exactement, et maintenant c’est comme ça. Quand on dit on travaille pour s’épanouir et après pour l’argent, ça c’était bien autre fois, à la rigueur. Maintenant on ne travaille plus pour s’épanouir, on travaille pour gagner de l’argent et se dire est-ce que je vais finir la fin de mois, ou est-ce que je vais avoir quelque chose dans mon assiette à manger. Plus que pour s’épanouir, faut dire les choses comme elles sont ! Et je pense que ça va aller de mal en pis.
Et alors vous, vous associez la formation à un meilleur emploi ?
— M : Exactement !
Donc la priorité c’est pas forcément l’emploi ?
— G : Beh je vous dis, les deux sont liés, c’est un train quoi.
Qui passe d’abord par la case formation ?
— M : Exactement. »

29Le cas d’Antoine est emblématique de la corrélation entre les trois dimensions. Nous rencontrons Antoine en mission locale, convié pour un entretien dont il ne connaît pas la teneur, Antoine est venu parce qu’on lui a demandé : « On m’a appelé lundi pour avoir un rendez-vous ici. Puis c’est tout. » Antoine participait en fait à une journée de rencontre collective organisée pour les jeunes décrocheurs par un centre d’information et d’orientation et une mission locale.

Antoine (sans diplôme, sans emploi) : « education » et « voice » faibles, une « work » instrumentée :
« Et le projet de chercher un apprentissage, c’est vous qui l’avez décidé ?
— J’aime pas l’école donc… voilà […]. J’avais demandé pour faire un bac pro nucléaire, mais j’ai pas été pris.
Vous regrettez ? Ça vous plaisait ?
— Beh ouais […].
On vous a expliqué pourquoi ?
— Bah déjà j’avais pas de, comment dire, de résultats scolaires, j’avais pas de moyenne. »

30L’entretien de Guy, en situation identique à celle d’Antoine, confirme que si la « work » est instrumentée, elle est loin d’être développée : « Il y en a plein, il y a plein de métiers que je veux faire mais y en aucun que j’arrive à trouver. » Nombreux sont les entretiens qui illustrent cela. Jean par exemple en suivi en mission locale nous dit la même chose autrement :

« Quand on écoute les autres et qu’ils te disent, “si si, y a du travail, il faut se forcer et tout ça”, je veux bien le croire, c’est possible, mais je veux dire que ça marche qu’en théorie quoi ! Quand on va sur le terrain c’est pas du tout la même chose, donc je sais pas. Est-ce que les gens n’ont pas eu le temps de voir l’évolution qui s’est passé dans le travail ? Ou est-ce qu’il veut pas le voir ? »

31Les enseignants et responsables d’établissements ne semblent pas tous exprimer, de façon manifeste, des préoccupations pour le développement des capabilities for education. Toutefois certains établissements mettent au cœur des dispositifs l’intérêt pour l’éducation. Les élèves doivent « se sentir bien à l’école », retrouver le goût des études (lycée agricole de Montravel), le plaisir qu’il leur permettra de raccrocher au système éducatif. L’accent peut être mis sur le contenu, le sens des études, l’intérêt des études. Ainsi les enseignants que nous avons rencontrés au lycée professionnel Martin Luther King expliquent :

« Et nous profs de français on s’aperçoit souvent que celui qui va s’en sortir professionnellement c’est d’abord celui qui est capable de s’approprier la langue ; c’est-à-dire celui qui est capable de dire ce qu’il veut, qui est capable de formuler une demande, de comprendre et donc cette déqualification du français en lycée professionnel renforce l’idée que c’est une matière secondaire et donc il est beaucoup plus difficile pour nous d’en faire comprendre l’intérêt. Finalement ça arrange un petit peu les élèves de se dire le français c’est pas important. »

32En outre pour cet établissement, il s’agit aussi de pratiquer une forme d’action positive en attribuant en priorité des heures de cours aux primo-arrivants. Autrement dit, l’établissement cherche à favoriser des facteurs de conversion supplémentaires d’abord à ceux qui pourraient être le plus empêchés dans leurs parcours scolaires.

Capability for work

33Le plan régional de lutte contre le décrochage scolaire Rhône-alpin intervient dans les établissements. Par définition il est davantage centré sur le scolaire que sur l’emploi. Pour autant, tous les élèves rencontrés ont déjà bien en tête leur insertion professionnelle. Le dispositif peut être perçu comme pouvant garantir un fonctionnement, en l’occurrence « obtenir un emploi ». Pour le dire autrement, ces jeunes restent dans le jeu de la poursuite d’études car c’est important pour avoir un travail. Mais s’agit-il toujours d’un fonctionnement de valeur, c’est loin d’être certain comme en témoigne cet extrait d’entretien emblématique :

« L’objectif final, c’est de trouver un boulot ?
— Bien sûr. » (Le silence qui suit cette affirmation est lourd de contrainte si l’on en croit la réponse à la question suivante.)
Et vous avez une idée de ce que vous voulez faire ?
— Ben je suis en comptabilité, je suis en bac pro compta, si je continue comme ça je pense que je vais finir comptable.
C’est vous qui avez choisi ?
— à la base non. C’était mon dernier recours.
Et vous auriez souhaité faire quoi ?
— Sanitaire et social, un BEP sanitaire et social.
Et cela n’a pas été accepté ?
— J’ai pas été accepté dans les lycées (se racle la gorge) j’étais pas assez bonne dans les matières scientifiques donc du coup ben j’ai postulé ici, en comptabilité. »

34De la même manière que les opérateurs dans les discours ne semblent pas développer délibérément des capabilities for education, tous les opérateurs ne mettent pas en avant la dimension capability for work. Certains opérateurs l’expriment pourtant ouvertement : à la MFR de Chessy, par exemple, on évoque le projet professionnel qui est travaillé en plus des actions menées dans le cadre du plan et l’achat de fiches métiers, ressources supplémentaires aux supports numériques. Si dans l’extrait suivant l’équipe pédagogique du lycée professionnel Marc Seguin effleure les capabilities for education, ce peut être finalement les capabilités pour l’emploi, qui précèdent :

« Donc on imaginait au départ qu’un élève qui a déjà acquis des compétences professionnelles pourrait leur [élèves repérés en difficultés] donner du sens en intervenant auprès de débutants. Donc ils se sont retrouvés […] avec des élèves de terminales ayant déjà une vraie qualification professionnelle de façon à ce qu’ils voient vers quoi ils pourraient arriver s’ils se mettaient au travail […]. Un travail qui serait à la fois de remédiation sur des insuffisances disciplinaires, un travail aussi de construction d’un projet personnel et professionnel qui aboutirait à ce que l’élève se soit éventuellement réconcilié avec l’institution scolaire et intègre véritablement sa formation. » (Enseignants, lycée professionnel.)

35Ici, les capabilities for work semblent primer parce que motiver l’élève et lui donner des capacités d’agir passent avant tout par la découverte de l’emploi. À l’inverse, les établissements peuvent également travailler le goût des études et les capacités à agir au sein de l’école pour développer éventuellement plus tard des capabilités pour l’emploi :

« Tu prends l’exemple de G, c’est un exemple typique de l’élève qui est en échec scolaire qui voulait même plus travailler et là : mauvaise note sur mauvaise note, on n’a pas envie de travailler, on baisse les bras. Alors que là, il a renoué avec le succès donc là on est tombés dans un cercle vertueux, bonne note sur bonne note il a envie de travailler encore un peu plus, etc. Ça c’est deux extrêmes, y a des supers exemples et le but c’est déjà qu’on arrive à les faire venir à l’école, qu’ils soient heureux dans l’établissement. C’est déjà le premier gain. » (Enseignant, lycée agricole de Montravel.)

Les ressources attribuées donnent-elles la capacité d’édifier leur bien-être aux élèves les plus en difficulté sur le plan scolaire ?

36Que disent nos observations si nous les articulons autour de ce questionnement ? Pour cela il nous faut tenter de repérer si ce que les élèves – grâce à ces ressources – accomplissent effectivement correspond à ce qu’ils choisiraient d’accomplir. Auquel cas, les conditions d’un accroissement de liberté réelle seraient alors réunies.

37Ici, à l’aune de l’approche par les capabilités, l’analyse de notre matériau fait apparaître que globalement les « situations scolaires » dans lesquelles s’inscrivent les projets relèvent rarement d’un choix délibéré de l’élève. Par « situation scolaire », nous entendons établissement, filière et diplôme visé. Les projets interviennent au sein d’une scolarité largement engagée, l’élève est au lycée, dès lors, si une contrainte préexistait, elle persiste. Les projets ne sont pas conçus pour réduire cette contrainte première mais pour éviter le décrochage. La seule liberté dont les élèves disposent serait celle-là : ne pas être contraint à décrocher – qu’ils aient ou non choisi cet établissement, cette filière, ce diplôme – et accroître ainsi leurs chances d’accéder à une qualification. En quoi les projets accroissent ou réduisent cette « liberté »-là ?

38Les moyens pour convertir les ressources attribuées en capabilités peuvent être inattendus. Par exemple, dans une filière contrainte, accompagner un élève pour mener à bien sa scolarité, et ainsi lui garantir plus sûrement d’avoir un diplôme, peut l’autoriser à la poursuivre dans une voie choisie cette fois. Le diplôme initial joue le rôle d’un sésame. Dès lors, il est possible d’envisager l’accompagnement comme un facteur de conversion favorisant une réalisation de valeur. Le dispositif accroît alors in fine la liberté réelle.

39Mais les modalités de cet accompagnement sont parmi les premiers facteurs de conversion. Rejoue-t-il sur le même mode ce qui s’est joué en classe en utilisant par exemple exclusivement l’écrit comme forme pédagogique quand les élèves ont les plus grandes difficultés en orthographe ? Dans ce cas, le dispositif a peu de chance d’être capacitant. Des élèves nous ont dit avoir besoin d’aide mais ne pas la trouver dans l’offre proposée :

« C’est toujours la même chose. On voit les choses qu’on fait dans le programme, franchement, moi je me dis que j’en ai vraiment pas besoin, que je peux me débrouiller bien tout seul.
Et vous auriez souhaité avoir une autre aide que celle-là ?
— Peut-être oui.
Quoi par exemple ?
— Des… je ne sais pas quoi comme aide en fait. » (élève de terminale, lycée professionnel.)

40À l’inverse favoriser l’apprentissage des matières générales en lycée professionnel, lutter contre le « misérabilisme éducatif » pour reprendre les termes entendus au CLEPT, l’étude d’une matière comme le français, accroît l’attrait vers et l’implication dans le dispositif. Même si l’inscription dans cet établissement relève d’une préférence adaptative, cela fonctionne. La motivation des élèves rejoint l’objectif attribué au projet : la poursuite d’études.

L’articulation des capabilités

  • 9 Les travaux du Céreq démontrent ainsi la réalité récurrente en France selon laquelle « la formatio (...)

41Là encore, l’articulation des trois capabilités mérite d’être interrogée. En effet, en France, la capacité à exprimer librement ses préférences (capability for voice) et celle de choisir son insertion professionnelle (capibility for work) apparaissent largement inféodées à la capacité de choisir son éducation (capability for education). Autrement dit, une capability for education faible génère la faiblesse des deux autres capabilités. A contrario, une capability for education forte (partant de l’hypothèse que par choix les élèves viseraient la réussite de leur scolarité) entraîne de fortes capability for voice (affirmer ses choix d’orientation, par exemple) et work (accéder à un emploi de valeur, i. e. librement choisi). Mais, on sait qu’à résultats scolaires équivalents, les enfants des catégories favorisées sont plus diplômés que les enfants des catégories défavorisées. Les premiers ont une capacité d’expression (faire accepter leur choix d’orientation pour continuer sur le même exemple) que les seconds n’ont pas : la voice agit en ce sens sur l’education. Une capability for work faible entraîne en écho une voice affaiblie qui s’exprime notamment par une faible demande de formation continue9 et donc, par effet de retour, des chances de s’éduquer tout au long de la vie extrêmement faibles. Ces effets peuvent se schématiser tels que :

42Si rien ne vient rectifier la donne de départ : l’education ou l’effet de la catégorie d’appartenance sociale sur la voice (capacité d’expression plus forte des plus favorisés) ces effets s’expriment de manière pérenne. Au final – au regard de la structure actuelle du marché de l’emploi en France –, la triangulation des capabilités fait apparaître que l’absence ou la faiblesse du niveau de diplôme ou de qualification (education) ne permet pas aux personnes d’édifier leur bien-être. Se définit ainsi leur qualité de pauvres : « On peut soutenir que la pauvreté n’est pas une question de faible niveau de bien-être, mais d’incapacité à édifier son bien-être, en raison, précisément d’un manque de moyens économiques. » (Sen, 2000, p. 160.)

Freins et limites au développement des capabilités

43Dans les établissements et malgré les dispositifs, de nombreuses contraintes et l’absence de facteurs de conversion limitent toutefois les « capabilités » des élèves. Tout d’abord, l’affectation pour certains élèves n’est pas véritablement un choix. Avant même l’entrée dans les dispositifs, les acteurs rappellent cette contrainte initiale. Ensuite, si des dispositifs engagés laissent toute latitude pour y participer ou non, il s’avère dans le même temps que des élèves peuvent être empêchés et/ou dissuadés d’y participer. Par exemple une activité visant à l’insertion professionnelle peut venir parasiter le dispositif :

« J’ai dû commencer [cette activité en groupe] avec eux, ça devait être courant décembre je pense. Ça n’a pas commencé tout de suite. Sur l’année y’en a pas eu beaucoup, parce que c’est quand même des élèves qui sont beaucoup en stage. Donc ça, j’ai dû intervenir grand maximum une vingtaine de fois pas plus. » (Surveillant, lycée professionnel.)

44D’autres élèves doivent également subvenir à leurs besoins en travaillant. Ou encore, les heures de soutien scolaire mis en place peuvent rentrer en contradiction avec le fait que « des profs et des élèves [sont] saturés d’heures de cours » (chef d’établissement, lycée professionnel). Des temps de transports trop longs entre domicile et établissement scolaire peuvent aussi décourager des élèves.

45Au-delà des projets, les contextes semblent plus ou moins intervenir comme variable exogène sur le déploiement des capabilités (emplacement de l’établissement, problématiques individuelles des élèves). Ces exemples tendent à montrer par ailleurs que le déploiement des capabilities for voice, work et education ne peut se réduire à des dispositifs et projets scolaires, et nécessite probablement une politique transversale développant des facteurs de conversion certes individuels mais aussi sociaux et environnementaux. Les entretiens élèves/opérateurs/décideurs montrent que les facteurs de conversion le plus souvent opérants sont des facteurs de conversion individuels (FCI) dans ces dispositifs : soutien scolaire, restauration de l’estime de soi, élargissement à la culture attendue scolairement. Ainsi, des ressources financières supplémentaires émanant par exemple de la politique de la ville ou de la famille permettraient à des élèves de se procurer davantage d’opportunités et de choix dans leurs parcours scolaires.

46Par ailleurs, les entretiens contribuent à mettre au jour des pistes et des actions favorables aux développements des capabilités non forcément prises en compte par les projets. En effet, certaines des aides reçues pour favoriser la réussite scolaire peuvent être traduites en termes de facteurs de conversion dont certains peuvent être extérieurs au projet :

  • l’année de réalisation des enquêtes de terrain est la première année d’application de la réforme du bac professionnel. Dans un établissement, le cursus raccourci d’une année (de 4 à 3 ans) a rassemblé dans une même classe des élèves de première année et de seconde année de brevet d’enseignement professionnel. Les nouveaux ont bénéficié de l’aide des anciens plus avancés qu’eux dans les matières techniques ;
  • pour favoriser la réussite scolaire ces élèves préconisent des classes moins surchargées. Cela permettrait à leurs yeux que les enseignants puissent se consacrer à tous et pas seulement aux meilleurs d’entre eux ;
  • l’ambiance est une variable importante. Qu’ils se sentent bien entre eux favorise leur scolarité, certains des élèves rencontrés le mettent en avant pour l’internat. Au sein de la structure, que les enseignants ne soient pas les seuls à soutenir les élèves est un plus.

47De manière plus globale et pour favoriser leur scolarité, les variables qui comptent pour les élèves sont les suivantes :

  • un soutien aux apprentissages tout au long de la scolarité ;
  • une orientation qui ne soit pas contrainte par les enjeux trop souvent dominants des logiques de remplissage des classes ;
  • un emploi du temps qui tienne compte de leur temps de trajet et de leurs contraintes de transport. Les enseignants en ont bien conscience mais manque de solutions ;
  • une concertation quant aux changements des règles du jeu dans la vie de l’établissement ;
  • une forme de pédagogie où l’écrit est moins central.

48À l’aide des facteurs de conversions individuels (FCI), les dispositifs mis en œuvre dans les lycées contribuent à transformer le jeune en élève pour lui permettre ainsi de mener plus sûrement à bien son projet de scolarité. Mis à part dans un établissement atypique de l’éducation nationale et animé par une équipe militante, pour les autres ce projet ressort le plus souvent d’une préférence adaptative. Préserver leur droit à l’obtention d’un diplôme les contraint à adapter leurs préférences aux possibilités qui s’offrent à eux. Les entretiens en rendent compte : dans la palette de l’offre de filières extrêmement large en France, seule est accordée aux élèves les plus en difficulté une formation dans une filière dévalorisée à leurs yeux (et pas seulement à leurs yeux, puisque dans la plupart des cas ce sont des filières en déficit de recrutement).

  • 10 Par exemple, une majorité des élèves interrogés dit subir un temps de transport domicilelycée péna (...)

49Enfin, relevons que si le plan de lutte représente en lui-même un facteur de conversion social (FCS) favorisant la transformation d’un droit formel (la diplômation) en droit réel (son obtention), qu’il accorde des ressources (R), moyens transférés des établissements aux élèves, les dispositifs où chacun peut sélectionner ce qui lui convient le mieux sont rares et les facteurs de conversion environnementaux (FCE) restent souvent absents10.

Le « non-recours » : les cas extrêmes de non-conversion

  • 11 Par non recours nous entendons l’action par laquelle « toute personne qui – en tout état de cause (...)

50Il est très difficile d’évaluer l’importance du phénomène du non-recours dans le décrochage scolaire11. Une étude récente conduite en région Rhône-Alpes par la MRIE (mission régionale d’information sur les exclusions) a démontré que c’est un mécanisme qui peut durer puisque les jeunes décrocheurs restent en moyenne 29 mois sans recourir aux services qui leur sont proposés. Dans les deux programmes régionaux étudiés, nous avons pu relever une prise en compte inégale du non-recours. L’action en Aquitaine engage la mise en réseau d’acteurs en prise avec les effets sociaux du décrochage. Le non-recours aux dispositifs pouvant empêcher le décrochage en amont y est une préoccupation pressante. Ils interviennent auprès des jeunes au moment où ses conséquences dramatiques se révèlent, risques d’exclusion sociale notamment. L’action en Rhône-Alpes intervient à l’intérieur des établissements scolaires et donc à une étape du parcours scolaire où l’on peut croire que tout est encore jouable et moins dramatique. Le non-recours revêtirait alors une importance moins grande.

51Le non-recours peut d’abord relever de problèmes d’emploi du temps. Si les élèves ne recourent pas au dispositif, dans plusieurs établissements, ils mettent souvent en avant une raison de cet ordre. Le dispositif est en effet extérieur à leur emploi du temps. Il s’ajoute à un agenda scolaire déjà bien chargé. Mais il peut tout aussi bien se rendre à la question de la stigmatisation possible des élèves qui s’y engagent. Le dispositif peut enfermer dans une identité particulière, « élèves en difficulté », « décrocheurs », étiquetage dévalorisant. Quand les actions désignent, le risque est qu’elles excluent. D’emblée, s’ils sont considérés comme « déficients », en carence, et non comme des individus responsables, les élèves y résistent. L’autonomie des élèves est un autre facteur. Dans sa conception comme dans sa mise en œuvre, si le dispositif n’engage pas l’autonomie de choix, l’implication n’est pas garantie. Les élèves peuvent être contraints de participer aux actions mais n’en retirent aucun bénéfice, n’y trouvent aucune utilité et le vivent sur le mode du rejet : « C’est comme si on était viré » (élève de lycée professionnel). L’absence de capability for voice est un élément clé d’explication du non-recours des jeunes aux aides qui leur sont proposées. Mais s’ils y accèdent, c’est en premier lieu quand l’action est directement centrée sur les apprentissages scolaires. Une utilité du dispositif directement perceptible pour leur scolarité motive les élèves. Inversement, une activité centrée sur d’autres apprentissages (culturels, artistiques) peut en motiver certains. D’après ces élèves, ce qui les motive alors c’est changer du quotidien. S’attacher à des activités où l’on réussit mieux peut être source de revalorisation de soi, de réassurance et un moyen de reprendre ensuite pied dans les matières académiques. Ce peut être une des utilités indirectes proposées par le dispositif. Les modalités d’accès aux dispositifs de prévention ou de remédiation constituent une autre variable clé explicative du non-recours des jeunes. En effet, un accès facile au dispositif constitue clairement une dimension importante. C’est également un facteur de conversion. La ressource doit pouvoir être saisie facilement s’ils estiment en avoir besoin. C’est le cas quand l’accès au dispositif peut se faire sur simple demande, à tout moment et où ce qui les préoccupe a droit de citer.

  • 12 Nous pensons là au défaut dans les apprentissages premiers laissés-pour-compte quelquefois dans le (...)

52En matière de non-recours – entendu ici comme le fait pour des individus éligibles à une prestation, un droit ou un service de ne pas y accéder (cf. infra) –, une piste explicative peut être posée, celle du rejet de la dépendance. D’une part, s’agit-il plus de combattre la vulnérabilité ou de la réguler ? Certains parcours de décrochage trouvent leur origine dans une forme d’abandon12 en amont des dispositifs, « vies plus exposées que d’autres » ? D’autre part, pour échapper à la vulnérabilité scolaire, les dispositifs n’entraînent-ils pas une certaine forme de dépendance aux aides conçues ? Le rejet de cette dépendance n’est-il pas alors une source possible de non-recours ? Si adhérer à une politique spécifiquement définie pour une catégorie déclarée « vulnérable » entraîne l’endossement d’une identité dévalorisante et d’une « impuissance », le non-recours s’expliquerait peut-être aussi par le refus de l’identification que le dispositif sous-tend.

Conclusion

53Au final, les expérimentations Rhône-Alpes et Aquitaine montrent qu’il existe différentes voies pour développer les capabilités des élèves. Malgré les ressources qu’ils proposent, ces dispositifs révèlent des contraintes et l’absence de facteurs de conversion pourtant indispensables au renforcement des capabilités. Aussi, de telles expérimentations souffrent peut-être de se focaliser sur quelques facettes – le plus souvent individuelles – du décrochage (soutien scolaire, travail sur soi et/ou repérage et suivi des décrocheurs).

54Pour que les dispositifs visent à une amélioration globale des capabilités des décrocheurs, il est sans doute nécessaire de travailler sur des politiques transversales. On rejoint ce faisant la question de la gouvernance de ces politiques et de la responsabilité des décideurs publics. En effet, le développement de capabilités propres à enrayer un phénomène massif de décrochage scolaire – rappelons qu’on estime que le décrochage concerne environ 150 000 jeunes par an en France – suppose la prise en compte de nombreux facteurs liés au décrochage (transports, santé, logement, emploi, etc.). Or, la sectorisation de l’action publique autant que les conflits de compétences entre acteurs publics nationaux et territoriaux empêche le développement d’une politique intégrée et orientée vers le développement des capabilités de ces jeunes laissés pour compte. Ainsi, une politique publique de lutte contre le décrochage scolaire soucieuse de développer les capabilités individuelles devrait être nécessairement orientée vers une coordination verticale (territoriale) et horizontale (intersectorielle et multiacteurs).

55Enfin, une telle politique devrait selon nous porter une attention soutenue aux processus de non-recours. Une connaissance approfondie des raisons pour lesquelles les jeunes en difficultés scolaires ou ayant décroché n’utilisent pas les ressources institutionnelles de prévention ou de raccrochage qui leur sont proposées apparaît comme un élément crucial. En particulier, la capacité d’expression des préférences individuelles et leur prise en compte réelle apparaissent comme des éléments clés de la réussite des dispositifs et de la capacité des jeunes à s’y engager.

Bibliographie

Bibliographie

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Verd J. et LópezAndreu M., « The Rewards of a Qualitative Approach to Life-Course Research. The Example of the Effects of Social Protection Policies on Career Paths », Forum Qualitative Sozialforschung/Forum: Qualitative Social Research, North America, 12 septembre 2011, disponible sur: [http://www.qualitative-research.net/index.php/fqs/article/view/1753/3259].

Notes

1 Les résultats de cette recherche sont disponibles sur le site du projet : [http://www.workableeu.org].

2 Amartya Sen est un économiste indien qui a reçu le prix nobel d’économie en 1998 pour ses travaux sur la théorie du développement humain. Ses travaux sont aujourd’hui largement reconnus en économie du développement. Elle plonge néanmoins dans la philosophie politique ses principaux traits caractéristiques. Se positionnant par rapport aux théories libérales et à l’individualisme contemporain, il opte pour une posture consistant à tester le paradigme libéral en le portant le plus loin possible. Il développe ainsi une théorie normative de la liberté et s’inscrit au même titre que John Rawls, Michael Waltzer ou Charles Taylor dans une analyse normative du social.

3 Les auteurs de ce chapitre tiennent à remercier leur collègue Benjamin Castets-Fontaine (université de Franche-Comté) qui a contribué à cette recherche notamment sur le volet aquitain.

4 « Les institutions entrent en ligne de compte à plusieurs titres. Elles peuvent aider directement les gens à vivre de la façon qu’ils ont choisi de valoriser. Elles peuvent aussi les rendre plus aptes à questionner telle valeur ou telle priorité, permettant au débat public de se tenir (ce qui met en jeu la liberté de parole et le droit à l’information mais aussi l’existence de lieux physique de discussion informée). » (Sen, 2009, p. 17.)

5 Les élections présidentielles de 2012 ont changé cet état de fait. La clarification des responsabilités réciproques de l’État et des régions sur ce champ est sur l’agenda de l’acte III de la décentralisation en préparation par la nouvelle majorité.

6 « Le niveau de qualification mentionné à l’article L. 313-7 du Code de l’éducation est celui correspondant à l’obtention : 1o Soit du baccalauréat général ; 2o Soit d’un diplôme à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles et classé au niveau V ou IV de la nomenclature interministérielle des niveaux de formation. » (Décret no 2010-1781 du 31 décembre 2010.)

7 Il s’agissait en l’occurrence des tests de repérage des risques de décrochage suivants : ROC (repérage orthographique collectif) et LYCAM (lycée ça m’intéresse).

8 En France, la procédure d’affectation consiste en un appariement des décisions des enseignants et des places disponibles dans les établissements. D’une part, les décisions des conseils de classe (instances qui regroupent enseignants, chefs d’établissements et délégués de parents et d’élèves) peuvent aller à l’encontre des vœux formulés par les élèves, d’autre part, il peut arriver qu’une classe demandée ne soit pas accessible (classes très demandées, mauvais dossiers scolaires, ou les deux). L’académie propose alors une affectation dans les classes où il reste de la place.

9 Les travaux du Céreq démontrent ainsi la réalité récurrente en France selon laquelle « la formation va à la formation ». Autrement dit l’accès à la formation continue est dépendant du niveau de formation initiale des salariés (Lambert, Marion-vernoux et Sigot, 2009, p. 52).

10 Par exemple, une majorité des élèves interrogés dit subir un temps de transport domicilelycée pénalisant. S’il est vrai que le transport concerne une politique qui dépasse celle de l’établissement, les élèves mettent aussi en avant une autre gestion du temps scolaire.

11 Par non recours nous entendons l’action par laquelle « toute personne qui – en tout état de cause – ne bénéficie pas d’une offre publique, de droits et de services, à laquelle elle pourrait prétendre » (selon la définition de l’Observatoire des non-recours aux droits et services).

12 Nous pensons là au défaut dans les apprentissages premiers laissés-pour-compte quelquefois dans le système éducatif. L’échec scolaire étant un facteur majeur de risque de décrochage.

Table des illustrations

Légende Source : Verd J. et López Andreu M., 2011.Figure 1. – Schéma général de l’approche par les capabilités
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