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Les dynamiques des parcours sociaux

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Vincent Caradec
, 
Servet Ertul
, 
Jean-Philippe Melchior

Deuxième partie. La dimension résidentielle des parcours sociaux

Des conditions d’existence à la valorisation du capital humain. Le statut de l’espace dans la prospective économique en matière de logement

Lucie Bonnet

Résumé

Cette contribution est consacrée aux différentes figures de mobilité au cœur des débats sur les politiques publiques du logement, au sein de groupes de travail du Commissariat général du plan, puis du Conseil d’analyse stratégique. Celles-ci nous permettent de suivre les évolutions constatées dans les questionnements relatifs au logement, mais aussi dans les cadres d’analyse mobilisés. Les mobilités ainsi décrites sont celles d’individus autonomes et responsables, capables de faire des choix. Mais elles délimitent également certaines finalités, posées comme objectivement souhaitables. D’une attention à l’accès le plus large à la satisfaction de « besoins » quasi naturels ou d’une « préférence collective » portant les individus vers l’accession à la propriété, l’accent est désormais porté sur les compétences que l’inscription dans un logement et, plus généralement, dans un territoire, doit permettre de valoriser de manière optimale.

Texte intégral

Introduction

  • 1 Nous nous appuierons sur un corpus constitué des rapports produits par les différents groupes de t (...)
  • 2 Desrosières A., La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique, Paris, La Déco (...)
  • 3 La perspective adoptée dans cet article s’inspire largement de l’analyse de Laurent Thévenot et Ol (...)

1Ce chapitre vise à analyser les différentes formes de mobilités résidentielles au cœur des débats sur les politiques publiques du logement, telles qu’elles ont été formalisées et discutées au sein de groupes de travail du Commissariat général du plan, puis du Conseil d’analyse stratégique. À partir de l’analyse d’un corpus de textes produits par les différents groupes de travail consacrés au logement et à l’habitat entre les années 1950 et 2000, nous pointerons les évolutions constatées dans les questionnements relatifs au logement, mais aussi dans les cadres d’analyse mobilisés1. Nous nous intéressons à un espace, entre science et État, où la description et l’évaluation supposent de manière privilégiée le recours à la mise en forme statistique2. Ce passage à la quantification repose sur un ensemble de conventions et de dispositifs de mesures permettant de représenter ces mobilités, mais aussi sur des cadres théoriques convoqués pour les analyser3.

  • 4 Thévenot L., « Pragmatiques de la connaissance », in Borzeix A., Bouvier A. et Pharo P. (dir.), So (...)

2Ces différentes mises en forme et en mesure de mobilités supposent une qualification des personnes et posent des attentes sur leurs comportements4. Dans le corpus que nous aborderons ici, ces attentes sont en premier lieu celles d’un homo oeconomicus, doté de préférences et visant à maximiser ses utilités sur un marché. Certaines finalités, posées comme objectivement souhaitables, orientent ces mobilités : le logement moderne et confortable comme besoin quasi naturel, la propriété comme préférence collective, ou encore une mise en valeur optimale des compétences sur un marché. Nous nous intéresserons par conséquent à l’étude de variations dans les questionnements politiques relatifs au logement, et à leur traitement par des expertises qui proposent une certaine manière de prendre la mesure des problèmes identifiés. Nous envisagerons dans ce cadre, le passage de modèles fondés sur la conception de trajectoires linéaires, constituées d’une succession d’étapes résidentielles ordonnées dans la durée, à la notion de parcours de vie, lorsqu’elle est prise en charge par des approches économiques en termes de capital humain. Ces analyses éclairent la manière dont le rapport à l’espace peut être traité comme objet de politiques, en tant que condition d’existence d’une population donnée ou ressource, permettant le déploiement de projets et l’exercice de capacités individuelles.

Les « candidats au déménagement » : coordonner un marché pour les aspirants à la « modernité »

3L’entre-deux-guerres a vu l’affirmation progressive d’une nécessité de l’action publique en matière de logement, cet engagement devient effectif aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Les principes variables – civiques, hygiénistes, familialistes, voire eugénistes – aux noms desquels une promotion par le logement devait être assurée se recentrent, dans les documents liés à la planification et les grandes enquêtes nationales sur le logement, sur l’évaluation des besoins en logement et leur satisfaction. Le logement, au même titre que les autres consommations étudiées dans les nomenclatures utilisées par l’INSEE ou le CREDOC, renvoie à un poste de consommation désormais étudié en tant que tel, et non systématiquement dans ses liens avec les autres postes de consommation. À travers ces nomenclatures, le logement a donc le statut d’un besoin « naturel », d’une « fonction », à côté d’autres postes de consommation tels que l’alimentation. Toutefois, la description des consommations que permettent ces enquêtes est polarisée sur un questionnement : la diffusion du logement moderne et confortable au sein de nouvelles catégories de population. C’est par conséquent cette articulation entre mobilité sociale et logement que permettent de suivre ces enquêtes, celle par laquelle un « candidat au déménagement » se porte vers un nouveau logement : un logement moderne et confortable. Elle révèle l’horizon d’attente de ces mobilités, qui est celui d’une entrée dans la modernité. Elle converge vers une problématique des inégalités sociales, dans la mesure où la structuration du marché du logement doit permettre à terme un nivellement des consommations en logement des membres des différentes catégories sociales.

Des candidats à la modernité

  • 5 « Une enquête par sondage. Désirs des Français en matière d’habitation urbaine », Population, INED (...)
  • 6 Sauvy A., « Logement et population », Population, INED, no 3, juillet-septembre 1946, p. 441-452.

4La première enquête menée par l’INED en vue « d’informer une politique de l’habitation » se penche sur les « désirs des Français en matière d’habitation urbaine ». Conçue avant la guerre dans le cadre de la Fondation française pour l’étude des problèmes humains, cette enquête par sondage ne fut réalisée qu’en 1945 par la section de psycho-sociologie de l’Institut national d’études démographiques nouvellement créé. Elle recueille les opinions des Français, leurs « désirs » et leurs « réticences » sur des propositions de conception de l’habitat : maisons individuelles ou logements collectifs, aménagements extérieurs et intérieurs, désirs des nouvelles commodités conçues par les architectes et, pour ces dernières, celles pour lesquelles les Français se déclarent prêts à payer5. Dans son article programmatique sur l’étude des rapports entre logement et population6, Alfred Sauvy se réfère différemment à cet horizon de modernité. Il ne s’agit pas de sonder les attitudes et réticences des Français vis-à-vis des nouvelles commodités, mais d’expliquer l’obsolescence et l’insuffisance des logements en France en lien avec l’état de la population. Selon lui, le blocage des loyers, décrété en 1914, ne peut être tenu pour seul responsable de ce marasme : l’élan vers la création porté par une population jeune et en croissance a fait défaut à la France, et explique l’obsolescence des logements, leur dépréciation par rapport à l’évolution des goûts et des techniques.

  • 7 Aspects du logement en France en 1963. Extraits du bulletin statistique du ministère de la Construc (...)

5À la différence de ces premières enquêtes sur les besoins en logement menées par l’INED, celles qu’effectueront l’INSEE et le CREDOC à partir de 1955 sur le logement ne se réfèrent pas aux problèmes de population. Elles reprennent toutefois cette articulation entre conditions de logement et désir de modernité. L’INSEE et le CREDOC ont été chargés par le Commissariat général du plan d’orienter leurs travaux sur les problèmes économiques du logement7. L’exploitation par ces organismes des premières enquêtes logement scrute la diffusion, d’une enquête à l’autre, du sentiment d’être mal logé dans de nouvelles catégories de la population. Elle tente d’apporter des éléments de réponse à des résultats qui surprennent :

  • 8 Aspects du logement en France en 1963, op. cit., p. 9.

« La liaison qui existe entre le sentiment d’être mal logé et les mauvaises conditions de logement n’est pas aussi tendue qu’on pourrait le penser. Par ailleurs, une proportion non négligeable des ménages qui s’estiment mal logés déclare ne pas souhaiter déménager8. »

  • 9 Cette référence à des besoins de nature « psychosociologique » pour décrire ce qui sera par la sui (...)
  • 10 Ces arguments sont développés notamment par Paul Henri Chombart de Lauwe, dans le dialogue qu’il e (...)

6Comment se fait-il que de mauvaises conditions de logement objectives ne se traduisent pas par le sentiment d’être mal logé ? Comment expliquer aussi que le sentiment d’être mal logé ne se traduise pas toujours par un désir de mobilité ? Le sentiment d’être mal logé et le désir de changer de logement sont les indices à partir desquels s’apprécie la diffusion, au sein de la population française, de nouvelles aspirations. Ces interrogations prennent sens dans des arguments qui s’intéressent à une étude « psychosociologique9 » des besoins en logement, associant un état de la personne à ses conditions matérielles d’existence. À côté d’arguments qui, comme ceux développés par Alfred Sauvy, voient dans la satisfaction de ces besoins l’essor d’une population capable de soutenir l’effort productif de la nation, d’autres arguments en font une possibilité de mise à distance de la contrainte matérielle, permettant le déploiement de nouvelles aspirations10.

Soutenir l’effort des ménages pour se déprendre de « mauvaises habitudes » et se porter vers des logements de qualité

7Si l’entrée dans la modernité est le mouvement vers lequel les ménages doivent tendre, elle revêt le caractère d’un effort. Cet effort consacre la déprise de mauvaises habitudes, et ce par quoi le ménage manifeste sa volonté. Il ne s’agit plus de pallier les vulnérabilités ou l’imprévoyance des ouvriers par des incitations portées de proche en proche, comme l’envisageaient les réformateurs sociaux de la fin du XXe siècle, mais de soutenir l’effort de consommation des ménages.

  • 11 Commissariat général du plan, Rapport du groupe de travail Habitat 2000. Préparation du VIIIe plan (...)
  • 12 Citation extraite de Henrard J., Le système économique urbain. Le financement public du logement, (...)
  • 13 Halbwachs M., L’évolution des besoins dans les classes ouvrières, Paris, Alcan, 1933, p. 28.
  • 14 Le rapport consacré au logement pour la préparation du VIe plan (1971-1975) discute ainsi les hypo (...)

8Or, cet effort est jugé, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, largement insuffisant. La loi sur les loyers adoptée en 1948 a donc eu pour objectif d’augmenter à terme le montant des loyers et d’instituer une normalisation des loyers en fonction de la qualité des logements loués. En 1948, le loyer représente en moyenne 4 % du salaire de base. L’objectif des pouvoirs publics est alors d’en tripler le montant, pour ramener le niveau de loyer à 12 %11. Eugène Claudius-Petit qui allait devenir, trois mois plus tard, ministre de la Reconstruction, présente cette loi de 1948 sur les loyers comme « une loi de désintoxication ». Les Français ont contracté « une mauvaise habitude » : ils ont « perdu de vue que la part essentielle de l’activité d’une nation doit être consacrée à abriter les familles […] au moment même où les Françaises ont repris une bonne habitude, celle de faire des enfants utiles à la nation12 ». Cette « mauvaise habitude » renvoie à ce que Maurice Halbwachs avait établi comme un « trait essentiel de la condition ouvrière13 », à savoir la modération de la dépense pour le logement. Porté par la croissance de l’économie et de ses revenus, l’ouvrier doit désormais se porter parmi les « candidats au déménagement », dont les enquêtes sondent la volonté et les désirs de changement. Plus généralement, dans les analyses prospectives sur l’évaluation des besoins en logement, c’est à partir des hypothèses retenues en termes de taux d’effort que va être apprécié le poids de cet effort pour aboutir, à terme, au nivellement des consommations et à la satisfaction des besoins14.

Des salariés modestes aux « candidats au déménagement » : d’une politique sociale à l’équilibre d’un marché

  • 15 Magri S., « Des “ouvriers” aux “citoyens modestes”. Naissance d’une catégorie : les bénéficiaires (...)
  • 16 Aspects du logement en France en 1963, op. cit., p. 60.

9Dans les enquêtes sur l’étude des besoins en logement, le point d’équilibre visé est le suivant : il s’agit de proportionner le nombre et la taille des logements à celles des familles. Pour parvenir à cet équilibre, la cible privilégiée de l’intervention publique ne sera plus l’ouvrier, ni même le salarié modeste bénéficiaire des habitations bon marché15. C’est la figure du « candidat au déménagement » que scrutent les enquêtes menées sous l’égide de l’INSEE et du CREDOC. L’analyse des besoins en logement doit permettre d’anticiper les inflexions majeures au niveau de l’offre comme de la demande et d’atteindre un équilibre de marché. Dans cette perspective, les ménages capables d’alimenter une demande globale et d’imprimer des flux sur ce marché sont au centre de l’analyse du « fonctionnement du marché du logement16 ». Les enquêtes Logement comportent différents éléments permettant de décrire les conditions de logements et le fonctionnement d’un marché, c’est-à-dire, dans les analyses qui sont faites de ces enquêtes, de savoir quels types de ménages occupent tel type de logements, selon quelles modalités, et ce vers quoi ils entendent se porter.

Garantir l’équité des parcours résidentiels

10Attachons-nous désormais à une autre figure, celle qui informe la réforme des financements du logement de 1977, plus connue sous le nom de réforme Barre. Cette réforme s’inscrit dans une série de rapports publics qui ne cessent, à partir du milieu des années 1970, de souligner la nécessaire prise en compte d’un resserrement de la contrainte budgétaire. Celui-ci est présenté comme une opportunité de réforme des interventions en matière de logement et de prise en compte des critiques qui prennent de l’ampleur sur les grands ensembles, leur mode de construction, ainsi que sur le caractère réducteur de la notion de besoin en logement.

Une grammaire libérale pour faire valoir l’irréductible diversité des aspirations en matière d’habitation

  • 17 Rapport de la commission d’étude d’une réforme du financement du logement présidée par Raymond Barr (...)
  • 18 Ibid., p. 7.

11La lettre de mission qui, en 1975, institue la commission d’étude d’une réforme du financement du logement – dite commission Barre – situe en effet ses travaux « dans le cadre d’une réflexion générale sur les modes d’habiter répondant aux aspirations diverses des Français », avant de l’engager à étudier « les moyens d’accroître l’efficacité économique et sociale des aides de l’État, de simplifier et d’assouplir les circuits et les procédures de financement, de moderniser et de décloisonner les structures de production et de gestion17 ». Cette « réflexion générale sur les modes d’habiter18 » est présentée comme un partage des tâches entre différentes commissions : à d’autres le soin d’étudier les besoins quantitatifs, cette commission entend développer une approche qualitative des aspirations des Français et, sur cette base, fournir des perspectives d’amélioration de l’efficacité économique et sociale des systèmes de financement du logement.

  • 19 Ibid., p. 12.
  • 20 Ibid., p. 14.
  • 21 Par « grammaire libérale », nous entendons ici une modalité spécifique de faire valoir et de trait (...)

12Quelles sont donc ces aspirations auxquelles les politiques publiques se doivent de répondre ? À cette question, la commission Barre apporte une réponse : « Nul ne peut prévoir avec certitude quelle forme prendra en l’an 2000 la demande d’un meilleur habitat19. » Plus qu’une incapacité à dire l’avenir, c’est une posture a-normative qui est revendiquée, mettant en valeur le respect du « choix » de chacun : « Chacun définit l’habitat de son choix selon des critères qui lui sont propres et qui sont très largement subjectifs20. » À la question de savoir quelles sont les qualités du logement ou du cadre de vie que l’action publique doit reconnaître et étendre, il est donc répondu selon une grammaire libérale21, dans laquelle les différends sont reformatés en tant qu’opinions ou intérêts a priori d’égale valeur, sans être rapportés à un principe commun d’évaluation.

  • 22 Pour une analyse de la critique des grands ensembles et de ses déplacements, cf. Tissot S., L’État (...)
  • 23 D’autres groupes de travail du Commissariat au plan sont consacrés à cette étude de besoins plus « (...)

13Toutefois, cette commission avance des réponses sur le contenu probable de ces « besoins nouveaux » : un désir de confort accru, mais surtout des aspirations à une meilleure qualité de l’environnement de l’habitat. Pour prendre en compte cette « mutation des besoins », il faut passer d’une économie de la construction à une économie de la qualité. Contre l’« uniformité architecturale », la « monotonie dans le dessin des nouveaux quartiers », la « morne alternance de tours et de barres qui encerclent nos villes », une économie de la qualité doit permettre de satisfaire une plus grande variété. La critique du « mal des grands ensembles22 », l’ennui et le repli qu’ils généreraient, se porte sur une critique de la standardisation. D’autres rapports, produits également dans l’orbite du Commissariat au plan, s’inscrivent alors dans ce même diagnostic, pour développer le thème de la participation des habitants dans les modes de conception et de production de l’urbain23. Dans le rapport de la commission Barre, cette standardisation n’affecte pas un désir d’appropriation ou une volonté de maîtrise des habitants. Elle empêche que se déploie une épreuve proprement marchande, dans laquelle la concurrence entre opérateurs doit sanctionner leur capacité à offrir des produits ajustés aux désirs des acquéreurs et des consommateurs.

Les trajectoires résidentielles et leurs garanties en termes d’équité : la propriété comme préférence collective et sortie de l’aide publique

14Dans cette perspective, la construction du marché ne passe plus par une planification permettant d’ajuster une offre globale et une demande globale. Le marché doit être structuré de telle sorte qu’il permette l’expression des choix des individus. Ceci passe, nous l’avons vu, par une diversification et une plus grande concurrence entre opérateurs, mais aussi par un redéploiement des aides publiques. Plutôt que de favoriser directement le développement d’une offre de logement, les aides doivent permettre une égalité des chances dans la réalisation des choix résidentiels et intervenir de manière plus ciblée. C’est par conséquent un autre type de mobilité qui va être formalisé : la réalisation d’une trajectoire résidentielle.

  • 24 Driant J.-C., Politiques de l’habitat et crise du logement, Paris, La Documentation française, 200 (...)
  • 25 Bonvalet C., « Sociologie de la famille, sociologie du logement. Un lien à redéfinir », Sociétés c (...)

15Cet horizon de mobilité est sous-jacent à la réforme des financements du logement de 1977. Elle part du postulat d’une ascension sociale des ménages, auxquels une aide momentanée doit être fournie dans les premières étapes de leur cycle de vie, le marché étant désormais suffisamment structuré et la pénurie quantitative résorbée pour pouvoir faire face aux besoins en logement. De manière schématique, les jeunes « décohabitants », quittant leurs parents et constituant ainsi un nouveau ménage, iront dans un premier temps dans le secteur locatif privé, bénéficiant éventuellement d’aides pour le paiement de leur loyer. Ils se marieront ensuite et le secteur locatif social pourra leur permettre de trouver un logement adapté à leur nouvelle situation familiale et de se constituer une épargne. Ils accéderont ensuite à la propriété, en bénéficiant éventuellement d’une aide à l’accession pour une première acquisition, et n’en ayant plus besoin ensuite lorsqu’ils changeront de logement24. Cette formalisation des trajectoires est adossée à des modèles économiques du cycle de vie, dans lequel un individu – le chef de ménage – ajuste ses comportements d’épargne et arbitre entre les avantages relatifs de la location et de la propriété25. L’aide publique, pour être juste et efficace, doit par conséquent se porter sur le début de cette trajectoire, pour améliorer la solvabilité de jeunes ménages et leur permettre de se constituer une épargne et un patrimoine. La propriété du logement est placée comme le terme de cette trajectoire, en tant que « préférence collective » des Français, et sortie du système d’aides publiques.

Réduire les injustices dans les conditions d’habitat : aides publiques et « rentes de situation »

  • 26 Sauvy A., op. cit., p. 450.
  • 27 Commissariat général du plan, Le logement, Armand Colin, 1970, p. 22.

16De ce fait, la critique des dysfonctionnements du marché se déplace des conditions de logement à l’allocation des aides. Alfred Sauvy s’indignait de ces jeunes ménages qui occupent de grands logements, sans pour autant s’inscrire dans la perspective de faire des enfants26. Il proposait ainsi des mesures fiscales à même de corriger ces effets, pour que la distribution des logements soit conforme à leur peuplement. Ce principe de bonne distribution se lit également dans les travaux sur les besoins en logements des années 1960. À défaut d’une « mobilité parfaite » au sein du parc de logements, il faut introduire dans le calcul des besoins en logement une certaine dose de sous-peuplement et modifier par conséquent la structure du parc au profit des grands logements27. La mauvaise allocation du parc du fait de mobilités imparfaites renvoie donc à l’objectif de proportionner les logements aux besoins, principalement saisis en termes d’occupation du logement.

  • 28 Concernant les modèles économétriques mobilisés et, plus généralement, l’institution et le fonctio (...)

17Avec la refonte des politiques du logement qui intervient en 1977, les critères de cette bonne répartition se resserrent sur les seuls critères monétaires. Ce qui indigne, c’est moins le gaspillage que représente un logement sous-occupé, que les rentes de situation conférées aux locataires « aisés » habitant un logement aidé. Aussi, une des ambitions de la réforme de 1977 est de mettre fin à ces rentes de situation et de lier les aides à la solvabilité du ménage28. Elle inscrit ce faisant le logement social en tant qu’étape dans une trajectoire, dont l’horizon est la sortie du système d’aides publiques. Elle appelle de ce fait nécessairement la spécialisation du parc social, saisi davantage par ses qualités de logement « aidé » que de logement « moderne et confortable ».

Assurer la fluidité des parcours résidentiels

18À partir des années 1980, on voit émerger une autre figure de mobilité. Il ne s’agit plus de tabler sur des trajectoires typiques en posant des garanties d’équité sur la manière dont des individus peuvent s’y porter. Il faut désormais assurer la fluidité des marchés et des mouvements qui les animent, pour conforter les conditions d’exercice du choix résidentiel des ménages. Ces parcours résidentiels sont par conséquent a priori moins déterminés, et se déploient sur des empans temporels plus courts. La mobilité est valorisée en tant qu’elle permettrait d’assurer la fluidité des marchés du logement, mais également en tant qu’expression de la capacité de choix d’un ménage. Dans les travaux de prospective plus récents, qui se réfèrent à la notion de « capital humain », la mobilité est aussi l’aune à laquelle se mesure une mise en capacité des individus. Les positions acquises – celles des générations précédentes, celles liées à des statuts d’occupation, mais aussi celles qui découlent de la ségrégation spatiale –, constituent donc des freins à ces mobilités. Elles empêchent une valorisation optimale des compétences des individus. C’est dans ce cadre qu’est pensé le rapport à l’espace, par une attention à l’ombre portée par des territoires sur la valorisation individuelle des compétences et des qualifications.

Un marché concurrentiel : garantir le financement du logement sur les marchés financiers

  • 29 Commissariat général du plan, Rapport du groupe de travail « Financement du logement ». Préparatio (...)

19À partir des années 1980 et du diagnostic de crise porté par les gouvernements successifs, une nouvelle conception des marchés du logement et de leur caractère concurrentiel s’impose dans les documents liés à la planification. Dans les travaux des commissions qui, pour les IXe (1984-1988) et Xe plan (1989-1992), sont consacrés au financement du logement, la concurrence n’est plus avancée comme vecteur des transformations souhaitables pour conforter la qualité et la diversité des biens produits. Elle figure désormais comme « contrainte », à travers la concurrence entre différents types de placements financiers. Le logement doit rester un placement attractif, afin de capter l’épargne et l’investissement pour assurer le financement du logement. Dans une certaine mesure, ces travaux reprennent donc l’option de la réforme de 1977, en entérinant le libre jeu sur un marché d’acteurs diversifiés. Et de fait, c’est davantage le fait qu’elle se soit basée sur des hypothèses économiques qui se sont avérées erronées que critiquent ces rapports. Avec l’ampleur qu’ont pris les aides personnelles au logement, l’effort budgétaire de l’État a atteint ses limites29. Ce constat ne conduit pas à une remise en cause de la volonté de banalisation des circuits de financement du logement engagée depuis la réforme Barre. Dans son prolongement, les investisseurs privés et les établissements de crédit sont appelés à prendre une part active dans la couverture des besoins en logement et le financement du secteur.

  • 30 Ibid., p. 5.
  • 31 Cf. notamment Logement. L’autre politique, Club socialiste du livre, 1981.
  • 32 Ibid., p. 57.

20Aussi, des éléments structurant les controverses politiques des décennies précédentes ne sont plus à même de nourrir les débats. En plaçant comme « composante fondamentale du droit au logement » la « faculté de choisir le mode d’usage et les caractères essentiels du logement que l’on veut occuper30 », le rapport du groupe de travail sur le financement du logement de 1983 fait encore référence à la valeur accordée à la propriété par la réforme de 1977. La revendication d’un « droit à l’habitat », dans le contexte des débats politiques de la fin des années 1970, fait sens dans une alternative entre accession à la propriété et politique du logement social31. L’essentiel de la critique portée par le Parti socialiste à la réforme des politiques du logement de 1977 portait sur la revendication d’un « droit à l’habitat » et d’une liberté de choix, associée à une défense de l’habitat HLM et à des revendications en faveur de l’autogestion dans l’habitat. Sont ainsi critiquées des mesures par lesquelles les HLM voyaient « leur rôle confiné dans un habitat ditsocial”, dont le poids relatif diminuait progressivement et dont la médiocrité traduisait bien sur le terrain sa fonction réelle32 ».

  • 33 Commissariat général du plan, Financement du logement. Rapport de la commission présidée par M. Da (...)

21Le rapport du Commissariat au plan sur le financement du logement de 1991 considère désormais cette controverse comme vaine33. Accession à la propriété ou location aidée : la prééminence à accorder à tel ou tel statut d’occupation constitue un débat dépassé. C’est envers l’ensemble des segments du marché immobilier que l’effort doit être porté. Dans un contexte de concurrence accrue sur les marchés financiers, il convient de veiller à ce que chacun d’entre eux puisse trouver les ressources appropriées, qu’il s’agisse de l’accession à la propriété d’occupation, de l’investissement locatif privé, ou du parc locatif social. Dans cet équilibre, peuvent être recherchés un développement harmonieux des villes, la réponse aux besoins des plus défavorisés, et la satisfaction des aspirations de plus favorisés. C’est là encore à partir d’une grammaire libérale que cette controverse apparaît désormais vaine : l’action publique doit rejeter toute définition substantielle des fins poursuivies par des individus, pour se concentrer sur des garanties d’équité dans la réalisation de fins individuelles.

Neutralité des aides et fluidité des parcours

  • 34 Ibid., p. 45.

22Dans cette perspective, le rapport du groupe de travail sur le financement du logement de 1991 insiste sur la neutralité que doivent avoir les aides publiques vis-à-vis des différents segments des marchés du logement. L’achat dans le neuf ne saurait être plus favorisé que celui dans l’ancien. Les différentes règlementations qui s’appliquent aux loyers et ont des incidences sur leurs montants n’apparaissent pas plus justifiées. Ces différences, attachées à un type de logements du fait de sa réglementation plutôt qu’à la situation économique de leurs occupants, apparaissent comme le résultat d’un processus de sédimentation passif, imposant une remise à plat. Si l’action publique doit être neutre vis-à-vis des différents types de segments du marché immobilier, elle doit garantir que les ménages puissent se porter vers les biens dont ils ont besoin ou qui correspondent à leurs aspirations. La mobilité est dès lors entendue comme l’exercice de cette liberté de choix et condition d’efficacité d’un marché34. Les aides et réglementations qui privilégient un segment du parc immobilier plutôt qu’un autre introduisent donc des distorsions et des freins à la mobilité.

23Dans cette perspective également, les aides ont une dimension fortement incitative. Pour favoriser le développement d’un marché actif et diversifié, les aides publiques doivent inciter les agents actifs sur différents segments de ces marchés. L’aide à l’accession à la propriété comme les mesures en faveur de l’investissement locatif privé, par le biais d’incitations fiscales, doivent orienter l’épargne et l’investissement vers le financement des logements. Les logements ainsi financés viendront alimenter une offre et, par une série de mobilités, améliorer les conditions de logement des ménages les plus modestes. Ces logements n’ont donc pas nécessairement à être destinés à des populations ayant des difficultés à se loger, dans la mesure où, par effet de chaîne supposé, la construction d’un logement viendra atténuer les tensions sur un marché.

La mobilité comme remède à l’inégale mise en valeur de capacités

  • 35 Mistral J. et Plagnol V., La demande, l’offre, l’équilibre du marché du logement, La Documentation (...)

24Les documents de planification ou, plutôt, de prospective produits depuis 2004 s’inscrivent dans cette même perspective. Ils pointent toutefois plus directement certains des freins et distorsions à un fonctionnement efficace de ces marchés. Aussi la critique des « rentes de situation » de locataires en habitat social dépassant les plafonds de revenus ou sous-occupant leur logement s’est étendue à une mise en cause non seulement de l’avantage monétaire qui leur était conféré, mais à celle de leur maintien dans les lieux. Il s’agit donc désormais d’« activer le parc social35 ».

  • 36 Centre danalyse stratégique, France 2025. Diagnostic stratégique. Rapport du groupe de travail «  (...)

25Le Conseil d’analyse stratégique – remplaçant le Commissariat général au plan en 2006 – a rendu public les conclusions des différents groupes de travail mis en place en 2008, chargés d’engager une démarche prospective à l’horizon 2025. Le logement et l’habitat y ont été traités par le groupe de travail « vivre ensemble36 ». Ce rapport place la mobilité comme souci et remède majeurs. Aussi, la mobilité doit prévaloir dans la réponse à donner à la crise du logement. Celle-ci est présentée comme étant avant tout une crise de l’offre locative. Ce rapport déplore l’insuffisante construction de logements locatifs, notamment sociaux, effectivement accessibles aux ménages les plus modestes, tout comme la raréfaction du « parc social de fait ». Ce constat d’une crise de l’offre locative est aussi une invalidation de la « demande » en maisons individuelles en accession à la propriété. Consommatrices d’espace et éloignées des zones d’emplois et de services, elles ont par ailleurs le désavantage de lester la mobilité de leurs habitants, sachant que les propriétaires sont moins enclins que les locataires à la mobilité. Aussi les leviers d’action proposés ne concernent pas les moyens d’accroître une offre de logements locatifs accessibles, mais se consacrent aux moyens d’accroître la mobilité. Contre des réglementations des rapports locatifs qui induiraient des difficultés d’entrée, puis une stabilité des locataires – « figeant » ainsi leurs parcours résidentiels – de nouvelles pistes doivent être recherchées pour assurer une « flexicurité » des locataires. Une seconde proposition vise à mettre fin à la « dichotomie » entre logement locatif social et privé en attachant la qualification de « logement social » à son occupant, quel que soit le type de logement occupé, et non plus à un type de logements, déterminé par son financement.

  • 37 Fitoussi J.-P., Laurent E. et Maurice J., Ségrégation urbaine et intégration sociale, La Documenta (...)
  • 38 Ibid., p. 66.

26Cette exigence d’ouverture et de fluidité des marchés doit permettre de lever les freins à la mobilité, mais également de satisfaire à une mise en valeur optimale des compétences individuelles. Ce rapport préconise d’inscrire les nouvelles modalités de régulation des parcours de vie dans une stratégie de valorisation du capital humain. Concernant les scénarios prospectifs sur l’urbain, la ségrégation socio-spatiale constitue une inquiétude majeure. Elle renvoie à un processus qualifié d’« hystérésis spatiale », en reprenant ainsi une notion développée dans un rapport du Conseil d’analyse économique37. Cherchant à définir l’ombre portée sur un territoire par les effets conjoints du chômage de masse et de la ségrégation urbaine, ce terme vise à décrire un processus de perte de capacité, de mobilité ou d’information des chômeurs, qui perdure au-delà de la disparition de ses causes. Le logement et l’habitat figurent ainsi comme facteurs influant de manière positive ou négative sur la valorisation des compétences individuelles. L’habitat est un contexte social et culturel de proximité ayant des effets sur la mise en valeur des compétences, appréciée en termes de réussite scolaire, de valorisation des diplômes obtenus sur le marché de l’emploi ou de perte de capacités des chômeurs. La situation résultant de ces processus conduit à des équilibres inefficaces, « en ce qu’elle s’accommode d’un sous-emploi durable et même cumulatif de forces productives38 ».

Conclusion

  • 39 Rawls J., Théorie de la justice, Paris, Le Seuil, coll. « Points Essais », 1997.
  • 40 Sen A., L’économie est une science morale, Paris, La Découverte, 2003.
  • 41 De Munck J., « Qu’est-ce qu’une capacité ?, » in De Munck J. et Zimmermann B. (dir.), Raisons prat (...)
  • 42 Thévenot L. et Monso O., op. cit., p. 22.

27À partir de ce corpus, nous avons caractérisé trois figures de mobilités résidentielles qui articulent différemment logement et mobilité sociale. Elles posent différentes modalités pour apprécier les conditions de justice dans le déroulement de ces mobilités. D’une attention à l’accès le plus large à des finalités posées comme objectivement souhaitables, en tant que « besoin » quasi naturel ou « préférence collective », l’accent est désormais porté sur les capacités que l’inscription dans un logement et, plus généralement, dans un territoire, doit permettre de déployer. En ce sens, ce mouvement pourrait s’analyser comme le passage d’une conception de la justice qui s’appuie sur la notion de « biens premiers », telle que l’a formulée John Rawls39, à des conceptualisations qui mettent en avant la notion de « capacités », telle qu’elle découle des travaux d’Amartya Sen40. Il ne s’agirait pas de garantir l’accès le plus large à des libertés formelles, des revenus ou des ressources, mais à des « capacités », ce qui suppose une attention à ce que les individus sont réellement capables de faire des revenus, ressources ou libertés qui leur sont garanties. Toutefois, associées à des théories économiques en termes de capital humain, la délimitation des capacités susceptibles d’être valorisées tend à être réduite aux seules perspectives de valorisation des compétences d’un individu sur le marché de l’emploi. Nous rejoignons par conséquent la critique portée par J. De Munck sur la manière de « ne pas mener une politique des capacités41 », par des politiques et des cadres théoriques qui revendiquent ce même déplacement, tout en réduisant la délimitation des « capacités » devant être ouvertes aux personnes à des schémas utilitaristes. La forme que prend l’expérience ne vaut que « rapportée à son influence sur la carrière future42 » des individus. Ce faisant, c’est également la nature des inégalités qu’il convient de résorber qui se trouve modifiée. L’objectif n’est pas d’apprécier l’amélioration relative des conditions d’existence de certaines catégories de la population. Il s’agit de s’inquiéter du degré d’ouverture des sociétés et des chances d’ascension individuelle permises, en compensant les situations initiales trop dégradées ou en pointant les positions acquises freinant l’équilibre optimal de ces mobilités. C’est sur ce fond que s’analyse la question des territoires ségrégés, en tant qu’effets du territoire sur la capacité des chômeurs à se porter vers l’emploi, ou sur les rendements futurs attendus d’un individu de ses investissements en formation.

Notes

1 Nous nous appuierons sur un corpus constitué des rapports produits par les différents groupes de travail sur le logement du Commissariat au plan entre 1967 et 1991 – date de la préparation du 10e et dernier plan –, puis du Conseil d’analyse stratégique en 2008. À ce corpus, nous avons ajouté un article de l’INED daté de 1946, proposant, avant que ces études ne soient développées au sein de l’INSEE et du CREDOC, de poser les jalons d’une analyse des besoins en logement, ainsi que le rapport de la Commission d’étude d’une réforme du financement du logement présidée par Raymond Barre, publié en 1976, constituée en marge des instances de planification. Nous avons également traité certains des rapports publics ou des exploitations d’enquêtes auxquels il était fait référence dans le corpus principal. Nous avons exclu, dans le cadre de cet article, l’étude des rapports les moins orientés vers la planification économique en matière de logement, à savoir ceux consacrés, lors de la préparation du VIIIe plan (1981-1985), au cadre de vie. Il reste à indiquer que nous n’aborderons pas ici les transformations internes au Commissariat au plan et le contexte de la production de ces rapports. Nous n’interrogeons pas non plus la continuité, ici établie de fait, entre le Commissariat au plan et le Conseil d’analyse stratégique, appelé à remplacer cette instance une fois décrétée son obsolescence et, plus largement, celle de la planification qui lui était associée.

2 Desrosières A., La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, 1993.

3 La perspective adoptée dans cet article s’inspire largement de l’analyse de Laurent Thévenot et Olivier Monso sur les développements des enquêtes Formation et Qualification professionnelle et de leurs exploitations. Cf. Thévenot L. et Monso O., « Les questionnements sur la société française pendant quarante ans d’enquêtes Formation et Qualification professionnelle », Économie et statistique, no 431-432, 2010, p. 13-36.

4 Thévenot L., « Pragmatiques de la connaissance », in Borzeix A., Bouvier A. et Pharo P. (dir.), Sociologie et connaissance. Nouvelles approches cognitives, Paris, Éditions du CNRS, 1998, p. 101-139.

5 « Une enquête par sondage. Désirs des Français en matière d’habitation urbaine », Population, INED, no 4, octobre-décembre 1946, p. 763.

6 Sauvy A., « Logement et population », Population, INED, no 3, juillet-septembre 1946, p. 441-452.

7 Aspects du logement en France en 1963. Extraits du bulletin statistique du ministère de la Construction, INSEE, CREDOC, 1965.

8 Aspects du logement en France en 1963, op. cit., p. 9.

9 Cette référence à des besoins de nature « psychosociologique » pour décrire ce qui sera par la suite décrit sous la catégorie de « besoins quantitatifs » se retrouve, jusqu’au début des années 1970, dans les travaux menés dans l’entourage de Paul Henri Chombart de Lauwe, à l’INED et dans les analyses prospectives de l’INSEE pour le compte du Commissariat au plan.

10 Ces arguments sont développés notamment par Paul Henri Chombart de Lauwe, dans le dialogue qu’il engage dans les années 1950 et 1960 avec les planificateurs et les économistes de l’INSEE. Cf. Chombart de Lauwe P. H., Aspirations et transformations sociales, Anthropos, 1970.

11 Commissariat général du plan, Rapport du groupe de travail Habitat 2000. Préparation du VIIIe plan 1981-1985, La Documentation française, 1979.

12 Citation extraite de Henrard J., Le système économique urbain. Le financement public du logement, Centre d’études des techniques économiques modernes, 1975, p. 159.

13 Halbwachs M., L’évolution des besoins dans les classes ouvrières, Paris, Alcan, 1933, p. 28.

14 Le rapport consacré au logement pour la préparation du VIe plan (1971-1975) discute ainsi les hypothèses retenues en matière de consommation et de taux d’effort, anticipant des critiques qui pointent, sous la délimitation de la demande solvable, des inégalités entre groupes sociaux. En présentant les hypothèses retenues dans leurs travaux, les auteurs de ce rapport pointent des « lacunes », qui renvoient tant à l’existence de pratiques de consommation différenciées selon les groupes sociaux, qu’aux « distorsions » introduites par les inégalités de revenus dans l’appréciation de la demande solvable et des « exigences » susceptibles de s’y exprimer. Cf. Commissariat général du plan, Le logement, Armand Colin, 1970.

15 Magri S., « Des “ouvriers” aux “citoyens modestes”. Naissance d’une catégorie : les bénéficiaires des habitations à bon marché au tournant du XXe siècle », Genèses, no 5, septembre 1991, p. 35-53.

16 Aspects du logement en France en 1963, op. cit., p. 60.

17 Rapport de la commission d’étude d’une réforme du financement du logement présidée par Raymond Barre, La Documentation française, 1976, p. 7.

18 Ibid., p. 7.

19 Ibid., p. 12.

20 Ibid., p. 14.

21 Par « grammaire libérale », nous entendons ici une modalité spécifique de faire valoir et de traiter des différends. Cf. Thévenot L., « Biens et réalités de la vie en société. Disposition et composition d’engagements pluriels », in Breviglieri M., Lafaye C. et Trom D. (dir.), Compétences critiques et sens de la justice, Paris, Economica, p. 37-55.

22 Pour une analyse de la critique des grands ensembles et de ses déplacements, cf. Tissot S., L’État et les quartiers. Genèse d’une catégorie de l’action publique, Paris, Le Seuil, coll. « Liber », 2007.

23 D’autres groupes de travail du Commissariat au plan sont consacrés à cette étude de besoins plus « qualitatifs » dans les années 1970, et notamment le groupe de travail Habitat 2000 pour la préparation du VIIIe Plan (1981-1985). Cf. Commissariat général du plan, Rapport du groupe de travail Habitat 2000, La Documentation française, 1979.

24 Driant J.-C., Politiques de l’habitat et crise du logement, Paris, La Documentation française, 2008.

25 Bonvalet C., « Sociologie de la famille, sociologie du logement. Un lien à redéfinir », Sociétés contemporaines, no 25, 1997, p. 25-44.

26 Sauvy A., op. cit., p. 450.

27 Commissariat général du plan, Le logement, Armand Colin, 1970, p. 22.

28 Concernant les modèles économétriques mobilisés et, plus généralement, l’institution et le fonctionnement de la commission Barre : cf. Bourdieu P. et Christin R., « La construction du marché. Le champ administratif et la production de la “politique du logement” », Actes de la recherche en sciences sociales, 1990, no 81-82, p. 65-85.

29 Commissariat général du plan, Rapport du groupe de travail « Financement du logement ». Préparation du IXe plan 1984-1988, La Documentation française, 1983.

30 Ibid., p. 5.

31 Cf. notamment Logement. L’autre politique, Club socialiste du livre, 1981.

32 Ibid., p. 57.

33 Commissariat général du plan, Financement du logement. Rapport de la commission présidée par M. Daniel Lebègue, La Documentation française, 1991.

34 Ibid., p. 45.

35 Mistral J. et Plagnol V., La demande, l’offre, l’équilibre du marché du logement, La Documentation française, Rapport du CAE, 2008.

36 Centre danalyse stratégique, France 2025. Diagnostic stratégique. Rapport du groupe de travail « Vivre ensemble », CAS, 2008, p. 30.

37 Fitoussi J.-P., Laurent E. et Maurice J., Ségrégation urbaine et intégration sociale, La Documentation française, Conseil d’analyse économique, 2004. Ce rapport, comme celui du Centre d’analyse stratégique, ne propose pas une mesure économétrique de ces effets.

38 Ibid., p. 66.

39 Rawls J., Théorie de la justice, Paris, Le Seuil, coll. « Points Essais », 1997.

40 Sen A., L’économie est une science morale, Paris, La Découverte, 2003.

41 De Munck J., « Qu’est-ce qu’une capacité ?, » in De Munck J. et Zimmermann B. (dir.), Raisons pratiques. La liberté au prisme des capacités. Amartya Sen au-delà du libéralisme, Paris, Éditions de l’EHESS, 2008, p. 44.

42 Thévenot L. et Monso O., op. cit., p. 22.

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