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    Plan détaillé Texte intégral « L’esprit public ne règne guère que dans la classe raisonnante de la société » « L’esprit public prend la teinte des mœurs particulières de chaque profession et de chaque rang » Notes de bas de page Auteur

    Vers un ordre bourgeois ?

    Ce livre est recensé par

    • Guillaume Boissel, Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, mis en ligne le 30 mars 2008. URL : https://journals.openedition.org/abpo/393 ; DOI : https://doi.org/10.4000/abpo.393
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    Table des matières

    L’introuvable bourgeoisie

    Réflexion sur une absence dans les premières enquêtes sur l’opinion (1814-1848)

    Pierre Karila-Cohen

    p. 403-414

    Entrées d’index

    Index géographique : France

    Texte intégral « L’esprit public ne règne guère que dans la classe raisonnante de la société » « L’esprit public prend la teinte des mœurs particulières de chaque profession et de chaque rang » Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1En 1814, dans un contexte de profonde crise politique, s’invente ‑ou se réinvente si l’on prend en compte quelques précédents révolutionnaires – un genre nouveau d’enquête d’État, qui se situe à mi-chemin de l’enquête administrative et de l’enquête policière, et dont l’objet exclusif consiste à saisir la situation de « l’esprit public », un concept proche de celui d’« opinion publique1 ». Le ministère de l’Intérieur, sous l’inspiration de Guizot, qui en est le secrétaire général, la direction générale de la Police du Royaume, occupée par Beugnot, et d’autres ministères encore mettent au point des questionnaires longs et précis sur « l’état des esprits » et missionnent des observateurs pour recueillir sur place les « détails qui trahissent l’esprit public2 ». Sous la première Restauration, et dans les premières années de la seconde, la « situation morale et politique » de la France constitue une véritable obsession pour les dirigeants français mais aussi, plus largement, pour les principaux dirigeants européens3 : à l’heure où diverses solutions politiques se disputent le monopole désormais détruit de la légitimité, les passions et les fluctuations d’opinion françaises inquiètent. Loin de s’éteindre dans les années suivantes, l’enquête politique s’enracine dans les pratiques politiques et administratives pendant les années de la monarchie constitutionnelle. Il y a à cela de nombreuses raisons qui s’entrecroisent : la forte promotion du concept d’opinion alors que l’on assiste à l’avènement du parlementarisme et à l’essor de la presse, l’angoisse, souvent vérifiée, qu’adviennent complots et révolutions, le triomphe enfin, au temps de Villermé, du paradigme de l’enquête comme mode de déchiffrement d’un monde mouvant, illisible, incertain.

    2Poser la nécessité gouvernementale de saisir l’opinion engendre toutefois quantité de problèmes, qui sont très loin d’être résolus sous la monarchie constitutionnelle. L’existence même de cette instance que tous les contemporains proclament tout à la fois incontournable et insaisissable constitue une première difficulté, et de taille. Les moyens de la saisir divisent, car personne n’est d’accord sur les véritables signes qui y donnent accès. Enfin, expliquer les modes de formation des opinions individuelles et collectives n’a rien d’évident. C’est paradoxalement dans ce trouble que réside la grande richesse de ces enquêtes : comme il n’existe aucun procédé unanimement reconnu d’appréhension de l’esprit public, chaque administrateur, et, au-delà de l’administration, chaque publiciste, est amené à créer sa propre grille de lecture, de description et d’analyse. On est frappé dès lors de la fréquence, chez les observateurs, d’un schéma d’ordre « sociologique » ou socioprofessionnel dans le mode d’exposition et d’explication de la distribution des opinions politiques. « Les intérêts font les opinions4 », pense l’immense majorité d’entre eux qui s’efforcent en conséquence de définir les contours sociaux des opinions politiques.

    3On pourrait s’attendre à ce que la « bourgeoisie » – ou au moins la « classe moyenne » – de grands contemporains tels que Guizot, Thierry et Mignet fasse figure de concept clef dans la sociologie un peu fruste des administrateurs de la monarchie censitaire. Or, à la lecture de centaines de rapports écrits entre 1814 et 1848 sur « l’esprit public », « l’opinion publique », « l’état des esprits », la « situation morale et politique », il apparaît clairement qu’il n’en est rien, ou du moins que les choses apparaissent d’une manière plus complexe. Produit, selon Habermas5, de la formation d’un espace public bourgeois, l’opinion n’est pas pensée en ces termes, ou, pour mieux le dire, en ce terme, par les administrateurs de la monarchie censitaire dont certains, la plus grande partie sous le régime de Juillet, incarnent pourtant cette bourgeoisie en ascension dans la première moitié du siècle. L’usage très rare des termes « bourgeois » et « bourgeoisie » dans les enquêtes politiques des années 1814-1848 6 appelle réflexion tout à la fois sur l’historicité de ces concepts, sur leurs usages politiques et sur la valeur opératoire que leur prêtent les contemporains pour décrypter leur propre monde. Si la « bourgeoisie » est introuvable, ou du moins très rare, dans ces rapports, il faut d’abord s’interroger sur les modalités de son absence, c’est-à-dire sur ce qui la remplace dans le vocabulaire et les schémas d’explication des administrateurs. C’est seulement au prix de cette recherche que l’on pourra la voir apparaître sous d’autres formes.

    « L’esprit public ne règne guère que dans la classe raisonnante de la société7 »

    4L’absence des termes « bourgeois » et « bourgeoisie » dans la sociologie politique empirique des administrateurs de la monarchie censitaire prend deux formes principales. Soit ces concepts apparaissent trop vastes par rapport à des découpages sociaux plus fins qu’établissent les observateurs, soit, à l’inverse, il s’agit d’ensembles trop réduits par rapport à une représentation binaire de la société. Cette dernière, extrêmement banale dans la France du premier xixe siècle, est bien connue. Elle sépare nettement les « classes élevées » et les « classes inférieures de la société », classes départagées non seulement par leur niveau de fortune mais aussi par leur accès inégal à la raison. Les préfets de la monarchie censitaire abondent dans ce sens dans leur description de l’opinion départementale. En 1815, Rouillé d’Orfeuil, préfet d’Eure-et-Loir envisage ainsi séparément la « masse générale du peuple » et les « classes les plus distinguées de la population8 ». D’Allonville, préfet de la Somme, procède de la même manière en 1819 en séparant son rapport en deux parties qui correspondent à ces deux pôles de la société9. En 1835, le sous-préfet d’Orange évoque quant à lui, par antinomie avec la masse de la population, la « population jugeante et pensante10 ». On pourrait multiplier les exemples. Le fossé qui sépare ces deux « classes » – le terme est utilisé bien souvent – possède une profondeur ontologique : comme l’explique Arros, préfet de la Meuse en 1828, « les classes inférieures n’ont pas d’opinions » mais plutôt « une tendance, un instinct, des affections11 ». Ce fort contraste entre l’ordre de l’instinct, qui caractérise le peuple, et celui de la raison, réservée aux plus fortunés, qui disposent à la fois de temps et d’instruction, n’a ici rien de surprenant tant il entre en résonance avec l’organisation politique de régimes censitaires fondé sur la distinction entre la mince cohorte des électeurs et des éligibles et l’immense majorité de la population reléguée hors du système. Cette représentation s’impose aux administrateurs sans même qu’ils aient à la penser. Elle se trouve confortée, dans le domaine spécifique de la réflexion théorique sur l’esprit public, florissante à l’époque et potentiellement lue par les préfets et les sous-préfets, par un discours unanime, jusqu’aux rangs des républicains eux-mêmes, qui fait de la possession d’une opinion et de la formation d’une opinion publique l’apanage d’une minorité instruite.

    5La conséquence de cette représentation sociale duale est l’évacuation d’une éventuelle spécificité bourgeoise par rapport à la noblesse, qu’elle soit d’Ancien Régime ou d’Empire. Une sorte de fusion des élites s’opère par le discours. Il faut noter toutefois que la dilution – pour ne pas dire la disparition – de la bourgeoisie dans cet ensemble sans contours véritablement défini ne s’opère pas sans ambiguïté. On peut se demander en effet si la partie la plus modeste de cette bourgeoisie, ou du moins de ce que l’historiographie désigne sous ce terme12, fait partie des « classes élevées ». Comment répondre à cette question alors que le découpage manichéen adopté possède une si grande force d’évidence pour ceux qui en usent que le tracé de la frontière entre les deux classes et surtout sa hauteur ne sont jamais précisés ? À cet égard, il s’agit de reconnaître de manière plus générale l’aspect fuyant du concept dans la première moitié du siècle. La lecture des articles « bourgeois » et « bourgeoisie » de l’édition de 1835 du Dictionnaire de l’Académie française permet en effet de saisir le caractère peu sûr de ces termes à cette date. L’article « bourgeoisie » est très bref : la bourgeoisie est définie comme la « qualité de bourgeois » ou comme un « terme collectif » qui signifie « le corps des bourgeois, les bourgeois en général ». C’est donc à ce dernier terme qu’il faut se référer pour en savoir davantage. Le « bourgeois » est défini d’abord, par référence à l’ancien usage, comme le « citoyen d’une ville » et les bourgeois comme « le corps des citoyens d’une ville ». Un deuxième élément de définition indique qu’au pluriel le terme s’emploie « parmi les ouvriers » pour désigner « les personnes pour lesquelles ils travaillent, quelle que soit leur qualité ». En troisième lieu, « Bourgeois » se dit « par opposition à Noble », mais aussi à « Militaire ». Enfin, précisent les académiciens, le terme peut posséder une valeur péjorative pour dire d’un homme « qu’il n’est pas noble ou qu’il n’a aucun usage du grand monde ». Suivent plusieurs exemples d’expressions qui insistent sur cet aspect péjoratif.

    6La différence entre « bourgeois » et « nobles » est donc bel et bien marquée dans cet article du dictionnaire, de même que le bourgeois semble caractérisé par la domination économique qu’il exerce sur l’ouvrier, comme en témoigne le deuxième élément de la définition. Mais l’opposition avec l’état militaire, placée sur le même plan que celle avec la noblesse, brouille les cartes et il n’est en outre question à aucun moment des professions ou des niveaux de fortune qui pourraient donner accès au titre de bourgeois. L’ensemble reste en définitive assez vague. De manière générale, le concept de « bourgeois » ne semble pas structurer de manière déterminante les représentations sociales de la première moitié du siècle. Il n’y a donc pas là de cécité préfectorale particulière : « bourgeois » est très rare dans les rapports administratifs de la monarchie censitaire au même titre qu’il est absent du Dictionnaire des idées reçues de Flaubert13.

    7Dès lors, il n’est pas surprenant que l’économie générale de l’enquête politique passe à côté du terme et du concept. Les grandes circulaires de demande de renseignement sur l’esprit public n’en font jamais une catégorie spécifique de description et de réflexion. La circulaire qu’adresse Guizot au corps préfectoral du 26 janvier 1815, qui fournit aux destinataires un véritable vademecum de saisie de l’opinion, sépare par exemple très classiquement la « multitude » et les « classes élevées14 ». Dans la circulaire de février 1827, qui lance la plus longue et sans doute la plus importante enquête politique de ces décennies, il est question, sans mention aucune à la bourgeoisie, de cerner l’opinion des « différentes classes de la société, la magistrature, l’armée, le commerce, l’industrie etc. », sans que l’on sache très bien si l’énumération qui commence avec la magistrature constitue ou non le contenu prêté aux « différentes classes de la société15 ». Quant aux avancées opérées en termes de catégorisation dans les enquêtes de la monarchie de Juillet, enquêtes électorales et enquêtes sur les journaux, elles touchent exclusivement les dénominations politiques. Les ministres de l’Intérieur successifs commencent à diffuser des questionnaires qui, pour la première fois, divisent les sensibilités politiques selon une découpe homogène que doivent réutiliser les préfets – « adhérens (sic) au système de gouvernement », « opposition démocratique prononcée » ou « modérée », « opposition légitimiste prononcée » ou « modérée » – mais ils ne se livrent jamais au même effort d’homogénéisation en ce qui concerne les appartenances sociales.

    8Il est dès lors de plus en plus commun sous la monarchie de Juillet, bien plus que sous la Restauration, d’opérer dans les rapports sur l’opinion des découpes partisanes détachées de toute considération sociale. Reflétant une tendance qui s’affirme au sein du corps préfectoral de Louis-Philippe, le sous-préfet de Nontron isole ainsi dans son arrondissement en 1833 deux « classes » : il ne s’agit plus des « classes élevées » et des « basses classes » de ses collègues et prédécesseurs mais des « légitimistes » et de ceux qu’il désigne sous le terme d’ « ultralibéraux16 ». Ici une logique en remplace une autre. Il ne faut certes pas sous-estimer le poids du tacite dans ce discours. D’une part, sous la plume des administrateurs de la monarchie de Juillet, dénoncer les légitimistes de leur ressort consiste implicitement à blâmer l’attitude politique des nobles. D’autre part – et cela joue davantage encore – la description partisane non assortie de précisions sociologiques, même très limitées, repose sur une évidence partagée : la « classe pensante » étant limitée aux sommets de la société, il n’est plus besoin de l’écrire et il ne s’agit donc plus que de déterminer dans cette classe/opinion qui sont les « amis » et les « ennemis » du régime. La bourgeoisie n’est plus ici un concept introuvable parce qu’il est peu pensé par les contemporains, mais une donnée invisible car point aveugle d’une observation qui s’effectue à partir d’elle.

    9De l’indifférence à l’évidence, la « bourgeoisie » se trouve donc arasée par la mise en place d’une vision de l’opinion indexée sur une représentation étroitement binaire de la société. Mais elle n’est pas davantage perçue comme un concept opératoire lorsque les administrateurs se livrent à une description plus fine des différents rangs et états présents dans la société.

    « L’esprit public prend la teinte des mœurs particulières de chaque profession et de chaque rang17 »

    10Aussi puissant soit-il, l’empire de la représentation duale de la société n’est pas absolu sous la plume des administrateurs qui observent l’esprit public entre 1814 et 1848. Sous la Restauration davantage que sous la monarchie de Juillet, beaucoup d’entre eux mettent en place des taxinomies sociales originales pour rendre compte de la situation contrastée de l’opinion selon les individus. En mars 1827, par exemple, le maire de Marseille établit l’existence de quatre classes sociales caractérisées chacune par des opinions politiques différentes. La première classe, formée par le « haut commerce », « l’ancienne noblesse », les « riches propriétaires » et les « anciens négociants retirés du commerce », professe des opinions libérales parce qu’elle est influencée par ses contacts avec l’étranger et parce qu’une « disposition à l’indépendance et d’éloignement pour toute supériorité » caractériserait depuis toujours les habitants de cette ville, « surtout dans les classes aisées ». La seconde classe, qui ne comprend que le « commerce inférieur », serait acquise, elle, au régime : le maire ne donne pas de raison particulière à cet attachement. La troisième classe, politiquement libérale, est celle des « avocats, avoués, notaires ». Enfin la « classe ouvrière », au sein de laquelle l’auteur du rapport distingue les portefaix et les ouvriers des manufactures est politiquement bonne car elle sentirait tous les bienfaits apportés par la monarchie18. Fréquentes, ces nomenclatures sont également mouvantes car elles changent d’un observateur à un autre. Ainsi, alors que le maire de Marseille distingue quatre classes et mêle dans la première la noblesse et les sommets de la bourgeoisie, le préfet des Bouches-du-Rhône établit quant à lui exactement au même moment, en mars 1827, l’existence de trois classes seulement, la première « déterminée par les distinctions sociales et l’importance des possessions foncières », la seconde composée de « tous les rangs intermédiaires où l’exercice des talens (sic) et divers genres d’industrie est le seul moyen de considération » et la troisième mêlant « tous les hommes qui tirent leur subsistance d’un travail manuel, [c’est-à-dire] les artisans et les gens de la campagne19 ».

    11La « bourgeoisie » et les « bourgeois » trouvent parfois place dans ces taxinomies hétérogènes qui obéissent à des logiques individuelles comparables mais non exactement semblables. En 1814, le délégué de police De la Coste évoque ainsi les inimitiés politiques qui existent en Vendée entre la « noblesse » et la « bourgeoisie20 ». En 1820, Fumeron d’Ardeuil, préfet de l’Allier, envisage les opinions politiques des « simples bourgeois », c’est-à-dire, précise-t-il, « les avocats, notaires, greffiers et la classe des gens de loi21 ». Sous la monarchie de Juillet, enfin, le préfet de Seine-et-Oise demande à ses sous-préfets d’indiquer, dans un tableau, la « qualité sociale » des maires de leur arrondissement, en leur proposant quatre dénominations : « nobles », « bourgeois », « hommes de lois », « cultivateurs22 ». La confrontation entre les deux derniers exemples montre bien que même dans les rares occasions où il apparaît, le terme de bourgeois ne possède pas de sens évident et partagé : ici, les hommes de loi, qui constituent l’essentiel de la bourgeoisie pour le préfet de l’Allier, forment ainsi un groupe différent aux yeux de celui de la Seine-et-Oise. De même, sous la plume d’un préfet du Nord en 1829, on peut voir une catégorie « commerce et barreau » exister à côté d’une catégorie « anciens propriétaires et bourgeois23 », ce qui exclut de fait le commerce et le barreau de la bourgeoisie et semble en réserver l’accès aux propriétaires. « Bourgeois », au total, ne semble ne jamais désigner qu’une partie de la bourgeoisie et jamais l’ensemble de ses composantes. L’historien en quête de « bourgeoisie » dans les rapports préfectoraux de la Restauration et de la monarchie de Juillet doit dès lors se rabattre sur les énumérations de professions et de situations que les administrateurs préfèrent nettement à la catégorie abstraite et englobante de bourgeoisie. Cette dernière est à la fois partout et nulle part dans les taxinomies préfectorales et pas forcément là où on la nomme. Où se trouve-t-elle et où ne se trouve-t-elle pas, par exemple, parmi les « classes » déterminées par le préfet de la Côte d’Or en 1828 : la « grande et moyenne propriété », la « haute industrie », « tout ce qui est commerçant », « tout ce qui appartient au barreau, aux études de jurisprudence, et à ce que l’on appelle professions libérales », les « fonctionnaires publics », la « classe industrielle » et enfin « tout ce qui est militaire24 » ? On en conviendra : le concept s’affaiblit tout autant par la dispersion entre mille situations que par la dilution au sein des « classes élevées ».

    12À lire attentivement l’ensemble de ces rapports et des circulaires ministérielles qui en stimulent l’écriture, il apparaît que cet émiettement des catégories reflète la coexistence peu maîtrisée de plusieurs logiques de description. La focalisation sur les professions, ou plutôt sur des fonctions assumées dans la société, est très puissante. Elle s’impose comme un des modes privilégiés d’éclairage du social et de ses liens avec le politique. La magistrature, l’armée, le commerce et l’industrie, pour reprendre les catégories mises en avant par l’enquête de 1827-1830, constituent aux yeux des concepteurs de l’enquête comme de ceux qui la mènent sur le terrain, les leviers les plus efficaces d’une analyse sociopolitique. On ne se situe là pas très loin d’une écriture d’exploration sociale commune à l’époque, très représentée par exemple dans Les Français peints par eux-mêmes, qui paraissent dans les années 1840. Les « types » qui y sont observés sont la plupart du temps des types professionnels, du journaliste au marchand de parapluies et du cafetier au botaniste. De la même manière, les administrateurs qui se livrent à une exploration relativement détaillée de la société politique locale établissent des types politiques provinciaux. Les professions juridiques, suivies de près par la « classe commerçante et industrielle » constituent à cet égard la bête noire des préfets et des sous-préfets de la Restauration. Elles incarnent à elles seules le mal du siècle, c’est-à-dire le refus de l’autorité. En estimant que les « avocats, notaires, avoués et généralement tous les légistes […] ne sont d’accord que pour détruire25 », le préfet des Côtes-du-Nord en 1828, Fadatte de Saint-Georges, ne fait qu’exprimer un topos que l’on trouve dans nombre de rapports de ses collègues. Puymaigre, ancien émigré, ancien de l’armée de Condé, ultra parmi les ultras sous la Restauration, vitupère de même en 1828 contre les « avocats, avoués, notaires, huissiers, […], négocians, marchans, commis-voyageurs », bref contre « la bourgeoisie en général, cette classe intermédiaire qui avec plus ou moins de fortune, plus ou moins d’instruction, se croit supérieure ou au moins égale par ses lumières, soit aux fonctionnaires, soit à la classe plus élevée26 ». Si Puymaigre est l’un des rares à recourir en définitive à une unification de ces professions sous le terme de « bourgeoisie », sa prose est révélatrice d’une représentation plus générale parmi ses pairs : la crainte que « ces classes intermédiaires » honnies de rapport en rapport ne rejouent le drame révolutionnaire pour les mêmes raisons qu’en 1789, c’est-à-dire par leur refus de la supériorité sociale et politique de la noblesse.

    13La description de ce danger, qui renoue d’une sinistre manière la chaîne des temps en faisant de 1828 un nouveau 1788, occupe une bonne partie des rapports préfectoraux des trois dernières années de la Restauration. Tout irait pour le mieux sans l’intervention de ces classes politiquement perverses, comme en témoigne le tableau idyllique que le marquis de la Foresta, ancien émigré lui aussi, brosse en 1828 du département de la Vendée qu’il administre : « Dans cette agreste contrée – écrit-il – sous la chaumière du laboureur comme sous le modeste toit du gentilhomme, il y a stabilité de position, uniformité dans la manière de vivre, fixité dans les manières de voir. Les principes y sont stationnaires et les opinions moins vacillantes ; de telle sorte que les mois s’écoulent, que les années se succèdent sans qu’il y ait lieu de modifier ce qui a pu être avancé dans un premier rapport. » Cette tranquillité, pourtant, est troublée par « une classe d’individus » qui, dans les « bourgs », lisent les journaux27. Il n’est pas difficile de voir dans ce tableau une métaphore sommaire de la Révolution, œuvre perverse d’une bourgeoisie destructrice de l’harmonie sociale de l’Ancien Régime. C’est parce qu’elle n’a pas sa place dans cette harmonie qu’elle vient la troubler. Cette interprétation pourtant n’est pas réservée à une relecture du passé. Elle constitue la matrice d’une lecture du présent. Les membres de la classe intermédiaire incarnent la diabolique absence de fixité des conditions et la circulation anarchique d’idées subversives qui contaminent l’esprit public : la bourgeoisie, en somme, c’est le mouvement, ou, pour mieux le dire, l’insupportable dynamique du siècle. Son existence non seulement rend impossible le retour à la douce immuabilité de l’ordre ancien mais ruine également la certitude que la restauration de la monarchie soit définitive. Sous cet angle, la bourgeoisie – ou plutôt les avocats, commerçants etc. – est bel et bien omniprésente dans les rapports administratifs de la fin des années 1820, ce qui finalement n’a rien d’aberrant au regard de la révolution qui vient et de l’institution de la monarchie « bourgeoise » de Louis-Philippe.

    14On touche là sans doute à la cause principale de la difficile présence du terme et du concept de bourgeoisie dans ces rapports administratifs sur l’opinion. L’objectif, rappelons-le, est policier et politique. Il s’agit, selon une représentation générale de l’esprit public perçu comme une essence fragile ouverte à toutes les corruptions, de traquer les individus ou les groupes d’individus par lesquels pourrait se déclarer et se propager l’infection. Dans ce cadre de saisie, la bourgeoisie n’a rien d’un concept opératoire. On veut établir l’influence politique des « gros propriétaires non nobles » ou des « avocats et avoués », on ne cherche pas à établir l’éventuelle cohérence politique d’un groupe bourgeois. Seul cet effeuillage des différentes situations bourgeoises peut garantir l’efficacité de l’analyse et, partant, de l’action prophylactique des autorités. Cette recherche policière des influences est le principe fondamental autour duquel s’établit cette sociologie politique d’occasion. Elle balaye dès lors les considérations autres à partir desquelles saisir l’importance sociale des individus. Le propriétaire n’est intéressant que parce que cette situation de propriétaire le met en contact avec une foule d’individus qu’il pourrait influencer. Dès lors, on pourra voir promu dans les demandes ministérielles d’enquête et dans les rapports qui s’ensuivent des personnages qui ne sont pas forcément très considérables socialement, du moins selon une logique objective et nationale de mesure de la fortune, mais qui intéressent les autorités parce qu’ils occupent une situation intermédiaire dans les sociétés locales qui les mettent au contact d’une partie importante de la population. Les membres du clergé, les directeurs des postes, les petits hobereaux locaux, et encore une fois, les avoués et les notaires, « disséminés dans tous les cantons et exerçant une sorte de magistrature de confiance » selon une circulaire du ministère de la Justice en 182028, sont placés de ce point de vue sur un même plan, indifférent à la fortune ou à la naissance considérées pour elles-mêmes mais très attentif à la fonctionnalité de l’activité exercée et à ses conséquences sur le rayonnement des individus concernés.

    15C’est pourquoi cette sociologie policière, que son utilitarisme pousse à une certaine finesse qu’interdirait l’usage d’un concept aussi englobant que celui de bourgeoisie, apparaît avant tout comme une sédimentation de diverses logiques de découpes du monde social réunies pour leur efficacité présumée. L’une des premières demandes d’enquête politique de la Restauration, imaginée par Beugnot en 1814, témoigne remarquablement de ce qui relève tout à fois d’une ébullition intellectuelle et d’un bricolage. Ce long questionnaire adressé à des délégués de police et destiné à constituer un tableau politique de la France à cet instant précis porte sur les opinions et l’influence de catégories très variées – les « principaux fonctionnaires », les « bonapartistes », les « partisans prononcés des anciennes doctrines », les « acquéreurs de biens nationaux », les « sectateurs » des différents cultes, les « militaires », la gendarmerie –, interroge sur les différences d’opinion entre villes et campagnes et s’inquiète de l’état du commerce et de l’industrie29. Sont donc mêlées des logiques professionnelles, politiques, religieuses, économiques qui donnent lieu à des catégories destinées à saisir dans sa variété la société française de 1814 et ses opinions. Ce creuset conceptuel syncrétique reste en vigueur tout au long de la monarchie censitaire, accueillant et expulsant des catégories selon les besoins administratifs et politiques du moment. Plastique, il peut abriter les « bourgeois » et la « bourgeoisie ». Mais ces concepts ne parviennent jamais à s’imposer ni comme les paradigmes uniques de lecture de la société ni même comme des outils vraiment utiles de cette lecture.

    16Les administrateurs de la monarchie constitutionnelle ont-ils vraiment tort de bouder la bourgeoisie comme élément d’analyse de leurs rapports sur l’opinion ? À lire les historiens, qui, dans bien des cas, montrent la grande hétérogénéité de cette bourgeoisie au xixe siècle, il est permis de s’interroger. Tout l’enjeu des analyses historiques les plus fines consiste en effet à déconstruire le concept pour atteindre des réalités très diverses selon les lieux et les moments dans ces multiples Frances du premier xixe siècle30. Les rapports des préfets et des sous-préfets de la monarchie censitaire sont écrits, d’une certaine manière, antérieurement à cette nécessaire déconstruction. Mais ils témoignent en même temps du déroulement insidieux d’un processus d’appauvrissement des représentations du monde social dont nous sommes les héritiers. Les préfets de la monarchie de Juillet, on l’a vu, semblent avoir davantage recours à des représentations binaires de la société par lesquelles l’opinion apparaît naturellement bourgeoise, reléguant les « classes inférieures » du côté de l’instinct et des passions. Ils mettent en place un schéma évolutionniste d’accès progressif à la compréhension de la politique qui a profondément impressionné, même avec les meilleures intentions, l’historiographie. De ce point de vue, le remplacement progressif après 1830 de « l’esprit public » par « l’opinion publique » dans les catégories d’analyses du corps préfectoral a fortement contribué à rigidifier les visions administratives puis historiennes de la politisation populaire, en ville comme à la campagne. « L’esprit public » permettait d’envisager, la plupart du temps, les manifestations diverses de l’ordre, du désordre et des opinions dans toutes les classes de la société, « l’opinion publique », elle, rétrécit le champ social de l’analyse aux classes élevées et réduit ses manifestations au choix entre des idées et des idéologies politiques. Prêter attention aux formes non parlementaires et non partisanes du politique, et donc accepter l’idée que ce dernier emprunte des voies multiples, changeantes et, pour ainsi dire bâtardes, voilà qui nous ferait peut-être sortir, nous historiens, d’un certain ordre bourgeois ou, du moins, d’une certaine conception bourgeoise du monde.

    Notes de bas de page

    1 Sur l’invention de l’enquête politique sous la Restauration et sa banalisation sous la monarchie de Juillet, nous renvoyons à notre thèse : « L’État des esprits ». L’Administration et l’observation de l’opinion départementale en France sous la monarchie constitutionnelle (1814-1848), Paris 1, 2003.

    2 L’expression est du délégué de police De la Coste en 1814 (Arch. nat., F/7/4338, rapport au directeur général de la Police le 18 août 1814).

    3 Voir à cet égard R. Von Thadden, La centralisation contestée. L’administration napoléonienne, enjeu politique de la Restauration (1814-1830), 1re éd. allemande, 1972, Paris, Actes Sud, 1989, p. 43-55.

    4 L’expression est du préfet de la Charente en 1829, Jahan, dans le rapport qu’il adresse au ministre le 30 mai (Arch. nat., F/7/6768).

    5 J. Habermas, L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, 1re éd. allemande : 1962, Paris, Payot, 1993.

    6 Il faut préciser ici que nous ne prétendons pas nous livrer ici à une étude lexicométrique, seule garante d’un véritable décompte des termes recherchés. Il aurait fallu pour ce faire entrer sur informatique les dizaines voire les centaines de rapports préfectoraux des années 1814-1848 que nous avons lus et analysés, entreprise gigantesque qui constitue un travail à part entière qui n’était pas celui que nous voulions réaliser. En revanche, pour chacun de ces rapports, une attention particulière a été donnée au cours de la lecture aux découpages sociaux imaginés par leurs auteurs. Pour un exemple d’analyse lexicométrique se rapportant à notre période et à nos préoccupations dans cet article, voir M.-F. Piguet, Classe, histoire du mot et genèse du concept : des Physiocrates aux historiens de la Restauration, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996. L’auteur consacre plusieurs développements aux mots et aux concepts de « classe moyenne » et de « bourgeoisie » chez les historiens libéraux.

    7 Arch. nat., F/7/9686. Rapport du sous-préfet de l’arrondissement de Mortagne au préfet de l’Orne le 30 décembre 1817.

    8 Arch. nat., F/7/9809. Rapport du préfet d’Eure-et-Loir au ministre de la Police générale le 9 mars 1815.

    9 Arch. nat., F/7/6741. Rapport du préfet de la Somme au ministre de l’Intérieur le 5 mars 1819.

    10 Arch. dép. Vaucluse, 1/M/768. Lettre du sous-préfet d’Orange au préfet du Vaucluse le 2 août 1835.

    11 Arch. nat., F/7/6770. Rapport du préfet de la Meuse au ministre de l’Intérieur le 26 décembre 1828.

    12 Pour une présentation classique de la bourgeoisie au xixe siècle (unité et diversité), voir A. Daumard, Les bourgeois et la bourgeoisie en France depuis 1815, Paris, Aubier, 1987.

    13 De ce point de vue, même si l’on n’adhère pas complètement à son propos, la remise en cause par Sarah Maza du « mythe » de la bourgeoisie dans la France de la première moitié du xixe siècle (The Myth of the French Bourgeoisie : an Essay on the social Imaginary 1750-1850, Cambridge et Londres, Havard University Press, 2003) nous paraît particulièrement intéressante dans la mesure où l’historienne met en valeur l’absence d’autodéfinition de cette « classe » par elle-même, à l’exception majeure de la prose des historiens libéraux. Quoi qu’on pense de sa réalité « objective », la bourgeoisie paraît bel et bien absente de l’imaginaire social des hommes du premier xixe siècle.

    14 Arch. nat., F/1a/31. Circulaires et instructions ministérielles (1815).

    15 Arch. nat., F/1a/37. Circulaires et instructions ministérielles (1827-1829).

    16 Arch. dép. Dordogne. 2/Z/24. « Compte mensuel général, politique, moral et administratif pour l’arrondissement de Nontron en 1833 ».

    17 Circulaire de Guizot du 26 janvier 1815 déjà citée.

    18 Arch. nat., F/7/6767. Rapport du maire de Marseille au préfet des Bouches-du-Rhône le 16 mars 1827.

    19 Arch. nat., F/7/6767. Rapport du préfet des Bouches-du-Rhône au ministre de l’Intérieur le 28 mars 1827.

    20 Arch. nat., F/7/4338. Rapport du délégué de police De la Coste au Directeur général de la Police du Royaume le 15 août 1814.

    21 Arch. nat., F/7/6740. Rapport du préfet de l’Allier au ministre de l’Intérieur le 22 décembre 1819.

    22 Arch. dép. Versailles, 2/M/23/1. Circulaire du préfet de Seine-et-Oise à ses sous-préfets le 18 juin 1837.

    23 Arch. nat., F/7/6771. Rapport du préfet du Nord au ministre de l’Intérieur le 2 janvier 1829.

    24 Arch. nat., F/7/6768. Rapport du préfet de la Côte d’Or au ministre de l’Intérieur le 5 juillet 1828.

    25 Arch. nat., F/7/6768. Rapport du préfet des Côtes-du-Nord au ministre de l’Intérieur le 16 octobre 1829.

    26 Arch. nat., F/7/6771. Rapport du préfet de Saône-et-Loire au ministre de l’Intérieur le 1er juin 1828.

    27 Arch. nat., F/7/6772. Rapport du préfet de Vendée au ministre de l’Intérieur le 3 juin 1828.

    28 « Instructions adressées par M. de Serre aux procureurs généraux après la session des chambres (16 juillet 1820) » dans Correspondance du comte de Serre (1796-1824) annotée et publiée par son fils, tome sixième, Paris, A. Vaton, p. 241.

    29 Arch. nat., 124/AP/1, Papiers Eymard. Instructions du comte Beugnot au délégué Eymard.

    30 Cette remarque ne concerne pas que l’étude du xixe siècle. Voici par exemple ce qu’écrit Marc Bloch dans L’étrange défaite : « Il m’est arrivé, ça et là, de prononcer le nom de bourgeoisie. Non sans scrupule. Ces mots, à la fois usés par le temps et sujets à de perpétuelles déviations de sens, encombrent la nomenclature, encore tâtonnante, des sciences humaines, ils enferment, dans des contours trop flous, des réalités trop complexes. Force est bien, cependant, jusqu’à nouvel ordre, d’user du seul vocabulaire qu’un langage imparfait mette à votre disposition. A condition d’en définir les termes ». (L’étrange défaite [1940], Paris, Gallimard, Folio, 1990, p. 194). Et Bloch de se lancer, effectivement, dans une longue définition du terme.

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    Pierre Karila-Cohen

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    1 Sur l’invention de l’enquête politique sous la Restauration et sa banalisation sous la monarchie de Juillet, nous renvoyons à notre thèse : « L’État des esprits ». L’Administration et l’observation de l’opinion départementale en France sous la monarchie constitutionnelle (1814-1848), Paris 1, 2003.

    2 L’expression est du délégué de police De la Coste en 1814 (Arch. nat., F/7/4338, rapport au directeur général de la Police le 18 août 1814).

    3 Voir à cet égard R. Von Thadden, La centralisation contestée. L’administration napoléonienne, enjeu politique de la Restauration (1814-1830), 1re éd. allemande, 1972, Paris, Actes Sud, 1989, p. 43-55.

    4 L’expression est du préfet de la Charente en 1829, Jahan, dans le rapport qu’il adresse au ministre le 30 mai (Arch. nat., F/7/6768).

    5 J. Habermas, L’espace public. Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, 1re éd. allemande : 1962, Paris, Payot, 1993.

    6 Il faut préciser ici que nous ne prétendons pas nous livrer ici à une étude lexicométrique, seule garante d’un véritable décompte des termes recherchés. Il aurait fallu pour ce faire entrer sur informatique les dizaines voire les centaines de rapports préfectoraux des années 1814-1848 que nous avons lus et analysés, entreprise gigantesque qui constitue un travail à part entière qui n’était pas celui que nous voulions réaliser. En revanche, pour chacun de ces rapports, une attention particulière a été donnée au cours de la lecture aux découpages sociaux imaginés par leurs auteurs. Pour un exemple d’analyse lexicométrique se rapportant à notre période et à nos préoccupations dans cet article, voir M.-F. Piguet, Classe, histoire du mot et genèse du concept : des Physiocrates aux historiens de la Restauration, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1996. L’auteur consacre plusieurs développements aux mots et aux concepts de « classe moyenne » et de « bourgeoisie » chez les historiens libéraux.

    7 Arch. nat., F/7/9686. Rapport du sous-préfet de l’arrondissement de Mortagne au préfet de l’Orne le 30 décembre 1817.

    8 Arch. nat., F/7/9809. Rapport du préfet d’Eure-et-Loir au ministre de la Police générale le 9 mars 1815.

    9 Arch. nat., F/7/6741. Rapport du préfet de la Somme au ministre de l’Intérieur le 5 mars 1819.

    10 Arch. dép. Vaucluse, 1/M/768. Lettre du sous-préfet d’Orange au préfet du Vaucluse le 2 août 1835.

    11 Arch. nat., F/7/6770. Rapport du préfet de la Meuse au ministre de l’Intérieur le 26 décembre 1828.

    12 Pour une présentation classique de la bourgeoisie au xixe siècle (unité et diversité), voir A. Daumard, Les bourgeois et la bourgeoisie en France depuis 1815, Paris, Aubier, 1987.

    13 De ce point de vue, même si l’on n’adhère pas complètement à son propos, la remise en cause par Sarah Maza du « mythe » de la bourgeoisie dans la France de la première moitié du xixe siècle (The Myth of the French Bourgeoisie : an Essay on the social Imaginary 1750-1850, Cambridge et Londres, Havard University Press, 2003) nous paraît particulièrement intéressante dans la mesure où l’historienne met en valeur l’absence d’autodéfinition de cette « classe » par elle-même, à l’exception majeure de la prose des historiens libéraux. Quoi qu’on pense de sa réalité « objective », la bourgeoisie paraît bel et bien absente de l’imaginaire social des hommes du premier xixe siècle.

    14 Arch. nat., F/1a/31. Circulaires et instructions ministérielles (1815).

    15 Arch. nat., F/1a/37. Circulaires et instructions ministérielles (1827-1829).

    16 Arch. dép. Dordogne. 2/Z/24. « Compte mensuel général, politique, moral et administratif pour l’arrondissement de Nontron en 1833 ».

    17 Circulaire de Guizot du 26 janvier 1815 déjà citée.

    18 Arch. nat., F/7/6767. Rapport du maire de Marseille au préfet des Bouches-du-Rhône le 16 mars 1827.

    19 Arch. nat., F/7/6767. Rapport du préfet des Bouches-du-Rhône au ministre de l’Intérieur le 28 mars 1827.

    20 Arch. nat., F/7/4338. Rapport du délégué de police De la Coste au Directeur général de la Police du Royaume le 15 août 1814.

    21 Arch. nat., F/7/6740. Rapport du préfet de l’Allier au ministre de l’Intérieur le 22 décembre 1819.

    22 Arch. dép. Versailles, 2/M/23/1. Circulaire du préfet de Seine-et-Oise à ses sous-préfets le 18 juin 1837.

    23 Arch. nat., F/7/6771. Rapport du préfet du Nord au ministre de l’Intérieur le 2 janvier 1829.

    24 Arch. nat., F/7/6768. Rapport du préfet de la Côte d’Or au ministre de l’Intérieur le 5 juillet 1828.

    25 Arch. nat., F/7/6768. Rapport du préfet des Côtes-du-Nord au ministre de l’Intérieur le 16 octobre 1829.

    26 Arch. nat., F/7/6771. Rapport du préfet de Saône-et-Loire au ministre de l’Intérieur le 1er juin 1828.

    27 Arch. nat., F/7/6772. Rapport du préfet de Vendée au ministre de l’Intérieur le 3 juin 1828.

    28 « Instructions adressées par M. de Serre aux procureurs généraux après la session des chambres (16 juillet 1820) » dans Correspondance du comte de Serre (1796-1824) annotée et publiée par son fils, tome sixième, Paris, A. Vaton, p. 241.

    29 Arch. nat., 124/AP/1, Papiers Eymard. Instructions du comte Beugnot au délégué Eymard.

    30 Cette remarque ne concerne pas que l’étude du xixe siècle. Voici par exemple ce qu’écrit Marc Bloch dans L’étrange défaite : « Il m’est arrivé, ça et là, de prononcer le nom de bourgeoisie. Non sans scrupule. Ces mots, à la fois usés par le temps et sujets à de perpétuelles déviations de sens, encombrent la nomenclature, encore tâtonnante, des sciences humaines, ils enferment, dans des contours trop flous, des réalités trop complexes. Force est bien, cependant, jusqu’à nouvel ordre, d’user du seul vocabulaire qu’un langage imparfait mette à votre disposition. A condition d’en définir les termes ». (L’étrange défaite [1940], Paris, Gallimard, Folio, 1990, p. 194). Et Bloch de se lancer, effectivement, dans une longue définition du terme.

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    Ce livre est cité par

    • (2023) La Révolution française. DOI: 10.3917/arco.vovel.2023.01.0209
    • Guicheteau, Samuel. (2014) Les ouvriers en France. DOI: 10.3917/arco.guich.2014.01.0249
    • (2013) Les bourgeoisies en France. DOI: 10.3917/arco.coste.2013.01.0237
    • Villain, Julien. (2021) Les marchands ruraux et la commercialisation des campagnes dans l’Europe du XVIIIe siècle. Histoire & Sociétés Rurales, Vol. 55. DOI: 10.3917/hsr.055.0043

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    Karila-Cohen, P. (2007). L’introuvable bourgeoisie. In J.-P. Jessenne (éd.), Vers un ordre bourgeois ? (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.6419
    Karila-Cohen, Pierre. « L’introuvable bourgeoisie ». In Vers un ordre bourgeois ?, édité par Jean-Pierre Jessenne. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2007. https://doi.org/10.4000/books.pur.6419.
    Karila-Cohen, Pierre. « L’introuvable bourgeoisie ». Vers un ordre bourgeois ?, édité par Jean-Pierre Jessenne, Presses universitaires de Rennes, 2007, https://doi.org/10.4000/books.pur.6419.

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    Jessenne, J.-P. (éd.). (2007). Vers un ordre bourgeois ? (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.6384
    Jessenne, Jean-Pierre, éd. Vers un ordre bourgeois ?. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2007. https://doi.org/10.4000/books.pur.6384.
    Jessenne, Jean-Pierre, éditeur. Vers un ordre bourgeois ?. Presses universitaires de Rennes, 2007, https://doi.org/10.4000/books.pur.6384.
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