Chapitre IX. « Penser internationalement »
p. 291-318
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Texte intégral
1Le travail militant de Longuet, qui prit souvent la forme d’un « dévouement au petit point », se voulait au service de ce qu’il appelait parfois « l’Idée » ou « la Cause ». S’il conserva toujours un certain détachement à l’égard des diverses responsabilités ou fonctions acceptées, c’est que celles-ci demeuraient secondes par rapport à ce qu’il ne définissait guère, mais formulait d’un mot comme une nouvelle promesse de rédemption pour l’humanité. Le choix prioritaire des questions internationales lui permettait d’ailleurs de se sentir le plus proche possible de cette idée, de l’essence même du socialisme, éloigné en esprit des tracas et de la besogne de la politique quotidienne qu’il accomplissait. En quelque sorte, il préfigurait le militant évoqué par Blum dans la conclusion de son livre À l’Échelle humaine : « Quand l’homme se trouble et se décourage, il n’a qu’à penser à l’Humanité. »
2Penser à l’Humanité, pour Longuet, c’était avant tout penser à l’Internationale, et, penser à l’Internationale, c’était rechercher les moyens qui rendraient possible le passage de l’institution socialiste à la communion du genre humain. En attendant, Longuet était aussi convaincu de la nécessité de respecter le sentiment national que de l’impérative obligation de « penser internationalement » le monde et ses problèmes. Longuet aimait cette formule qui, sans surprise, lui venait d’Angleterre : c’était George Bernard Shaw qui avait proposé ce mot d’ordre au parti travailliste, en réponse, au « il faut penser impérialement1 » de Kipling. Il aurait fallu que, sinon chaque militant, du moins, chaque organisation, chaque parti national, considérât les événements mondiaux d’un point de vue objectif, dégagé des déviations nationales et le plus près possible de la vérité internationale, que l’IOS se devait d’exprimer.
Que faire du pouvoir ?
Des ministres socialistes
3Les socialistes se méfièrent longtemps du pouvoir, et ce d’autant plus qu’ils n’en étaient pas très éloignés, et que, dans une certaine mesure, ils en avaient déjà fait l’expérience pendant la guerre, même si les circonstances avaient été très particulières2. Même Blum, qui y avait été directement associé, qui le rappelait à l’occasion, se servait de cet exemple pour montrer la réserve qu’il convenait de garder. Longuet soutenait le même argument : « La participation des socialistes au pouvoir pendant la guerre a fait la scission de Tours3. » En Europe pourtant était souvent venue l’heure des gouvernements dirigés par les socialistes ou les sociaux-démocrates. Mac Donald dirigea le gouvernement britannique avec l’appui des libéraux en 1924, avant de revenir au pouvoir en 1929, Stauning fit à peu près de même au Danemark, Branting forma plusieurs gouvernements en Suède entre 1920 et 1924 et ses successeurs reprirent le pouvoir avec Albin Hansson en 1932 pour le conserver sans interruption jusqu’en 1970, la Finlande en 1926, la Norvège en 1928, la Belgique en 1925 après une première expérience prolongée jusqu’en 1921, connurent également des présidents du conseil socialistes, alors que la France dut attendre 1936. L’Allemagne fut un cas à part, mais les ministres sociaux-démocrates de 1928-1930 purent être considérés comme des camarades par les Français. Longuet s’intéressa à l’action des ministres socialistes en Tchécoslovaquie et en Espagne, avant même la formation et la victoire du Frente Popular. Bref, sans être exhaustive, la liste suffit à montrer que le problème de l’exercice du pouvoir se posait et ne pouvait échapper au commentaire d’un spécialiste de politique internationale.
4Dans les années 1920, pourtant, le silence ou la discrétion l’emportèrent largement, comme si face au rival communiste, il n’était pas de bon ton d’évoquer ces expériences. Il fallut la victoire du Cartel et l’offensive du courant participationniste au sein du parti pour voir Longuet exposer les différences entre la Suède, le Danemark, la Grande-Bretagne et la France. La réponse était claire : la force du Parti communiste en France changeait tout. Branting ne participait pas, mais avait pris le pouvoir, car il n’était pas gêné par une concurrence sur sa gauche. En revanche, la participation du SPD au gouvernement Stresemann avait eu comme conséquence une remontée spectaculaire du KPD aux élections qui venaient de se tenir en Allemagne : il fallait éviter de donner prise « à la démagogie communiste » et donc continuer la politique « traditionnelle » de soutien à une politique gouvernementale républicaine4. Longuet ne fit guère que répéter ces arguments les années suivantes, précisant au besoin l’inconvénient supplémentaire dans la situation française d’une liaison faible entre le parti et le syndicat. À ce moment-là, la lecture des participations gouvernementales faite par Longuet restait étroitement politique et affaire de circonstances, selon l’attitude compréhensive ou non des masses, position constante chez lui depuis l’expérience Millerand et fidèle à l’interprétation qu’il avait toujours donnée de la motion « caoutchouc » du congrès international de Paris (1900). Jadis, le danger était l’attrait du syndicalisme révolutionnaire, aujourd’hui, il s’incarnait dans la mystique du communisme, mais la solution était semblable.
Le travaillisme au gouvernement : une tragédie optimiste ?
5Après le premier, mais relatif, succès de 1924, la victoire attendue des travaillistes britanniques se produisit aux élections du 30 mai 1929. Pour Longuet, ce fut comme une consécration personnelle. Sa sympathie pour le Labour était telle qu’elle s’accompagnait d’un peu de « snobisme » : il était toujours très fier d’annoncer les adhésions obtenues au sein de l’aristocratie britannique, le vicomte Ennismore, la fille de lord Curzon, lady Cynthia, et son époux lord Mosley, la comtesse de Warvic5… De même, dans ses reportages le temps était le plus souvent « splendide » à Londres, le fog ne cessait de diminuer, le palais de Westminster du « meilleur gothique moderne », les Britanniques « courageux et joyeux », et même, parfois, les capitalistes… plus sympathiques qu’en France6 : l’attachement de Longuet à sa patrie natale était aussi affaire de sympathie immédiate et étendue à bien des aspects de la vie nationale.
6Aux élections, les travaillistes obtenaient les conditions espérées depuis toujours par Longuet : unité de classe presque parfaite (le seul député communiste sortant était battu), solidarité du mouvement social et du mouvement politique de la classe ouvrière, forte avance des travaillistes sur leurs alliés libéraux, dirigeants éprouvés par des décennies de combats militants. Pour Longuet, cela allait signifier l’heureux début des « difficultés » qu’allaient ressentir en 1936 les socialistes français. Il n’était pas insensible aux réalités économiques. S’il n’eut jamais l’aisance d’exposition de Blum, il était cependant à même de familiariser ses lecteurs avec les grandes données des problèmes qui se posaient et de faire « passer » dans l’opinion militante un certain nombre d’arguments et son intérêt pour Keynes a déjà été noté. Il était sans doute informé, en dehors de ses amis anglais7, par un jeune universitaire socialiste, Paul Franck, traducteur de Keynes et auteur d’un livre consacré aux États-Unis d’Europe, mort prématurément à vingt-cinq ans alors qu’il préparait sa thèse sur la réorganisation financière de l’Autriche8.
7Un an après la victoire sonna l’heure des premiers bilans. Longuet choisit pour ce faire sa méthode préférée : de grandes interviews des principales personnalités. Philip Snowden, chancelier de l’Échiquier, Margaret Bondfield, ministre du Travail, pour les réalisations gouvernementales, Fenner Brockway, député, pour la « critique constructive », plus une visite au Daily Herald, donnèrent ainsi matière à cinq articles importants9. Il n’est pas impossible que le refus poli et motivé de Mac Donald de recevoir son vieil ami politique ait vexé quelque peu celui-ci. En tout cas, il y vit plus tard la preuve d’un certain éloignement des milieux militants. Mais l’essentiel fut qu’en 1930 apparût pour la première fois l’expression publique des difficultés, contradictions, insuffisances ou lacunes des socialistes au pouvoir. Certes, les grandes réformes ne manquaient pas, et Longuet savait les mettre en valeur : amélioration de l’assurance-chômage, impôts directs plus élevés pour les catégories aisées, abattements pour les bas revenus, politique internationale en faveur du désarmement mondial. Toutefois, il était visible que, convaincu de l’absence de responsabilités des travaillistes dans la montée du chômage, Longuet n’en trouvait pas moins peu satisfaisantes les réponses des ministres sur la question. Pour Snowden, les causes du chômage étaient mondiales et les solutions nationales peu appropriées. Il suffisait d’attendre la reprise des échanges internationaux pour voir les exportations britanniques relancées éliminer « le chômage anormal ». Le chancelier de l’Échiquier récusait les programmes de grands travaux car « des travaux d’assistance basés sur des plans qui ne répondraient pas à des nécessités et qui ne seraient pas rémunérateurs seraient un gaspillage d’argent et de travail ». Il n’était pas possible non plus de réduire la masse de main-d’œuvre disponible, en jouant sur l’âge de la retraite et la prolongation de la scolarité. Il était impossible de maintenir la même rémunération pour une retraite avancée et le maintien à l’école des adolescents ne libérerait pas d’emplois correspondants pour les adultes. Longuet ne pouvait pas ne pas ressentir la distance entre ces réponses d’une stricte orthodoxie économique et ce qu’il connaissait des propositions de Keynes et de ses amis libéraux. Margaret Bondfield n’apportait pas davantage de réponses. Son diagnostic du chômage établi, elle exposait à Longuet ses réalisations dans le domaine de l’assurance-chômage et à la question des possibles emplois à créer le renvoyait gentiment en lui disant que ce n’était pas l’affaire de son ministère : « À chacun son job10. » Comme le Premier ministre n’avait pas le temps de recevoir Longuet, que le ministre chargé du dossier, J.-H. Thomas, ne fut pas interrogé, l’envoyé du Populaire dut se contenter du point de vue de Fenner Brockway, député de l’ILP, comme lui spécialisé dans les questions internationales. Brockway réclamait une politique de grands travaux, comparant la timidité du gouvernement (12 % des projets annoncés réalisés) à l’effort de guerre pour l’armement en 1914-1918. Il préconisait une rationalisation de l’industrie, une organisation du commerce mondial sous l’égide de la SDN, une augmentation des possibilités de consommation de la classe ouvrière, donc une intervention massive des pouvoirs publics et une politique davantage fondée sur la demande. Ses griefs concernaient également la politique en Inde du gouvernement. Longuet assurait donc sa mission de « passeur » en donnant les principaux éléments de débat aux lecteurs du Populaire.
8En 1931, la rupture interne au travaillisme fut un coup rude pour lui. À tel point qu’il ne réagit pas aussitôt. Ce fut Blum qui se chargea d’exprimer les sentiments des socialistes français : « Stupeur11 ! » Une nouvelle fois, les militants socialistes avaient été conquis par le pouvoir, non l’inverse. Longuet suivit la difficile campagne travailliste aux élections d’octobre 1931, participant lui-même à un meeting, resserrant ses liens avec Lansbury qui allait diriger officiellement le parti de 1932 à 1935. Il salua la nouvelle génération qui prenait les commandes du parti : Hugh Dalton (1887-1962), Philip Noel-Baker (1889-1982), Herbert Morrisson (1888-1965) et il ne manquait pas une occasion de souligner le rapide rétablissement du travaillisme britannique. Il ne semblait guère connaître personnellement le nouveau leader Attlee, mais il accepta d’autant mieux le départ de Lansbury qu’il était lui-même en accord avec les positions de fermeté antifasciste défendues par les nouveaux dirigeants. À l’égard de Mac Donald, le ton s’aigrit tant que celui-ci demeura le Premier ministre du gouvernement d’Union nationale. Il redevint plus serein avec la maladie, puis la mort de l’ancien ami.
9L’analyse lucide se voulait aussi acte de foi : la conquête de la municipalité de Londres, « la plus grande cité de l’univers » constituait aussi une réponse à l’écrasement sanglant de « Vienne-la-rouge », un encouragement aux militants à ne pas désespérer et à prendre conscience des forces conservées à l’échelle internationale. Face aux nombreuses défaites en Europe centrale, la force des organisations socialistes et sociales-démocrates de l’Europe du Nord était aussi pour Longuet l’assurance d’un possible redressement de la situation, le gage qu’à l’échelle mondiale les succès fascistes demeuraient limités et par conséquent réversibles.
Les débuts du modèle scandinave : la découverte de la dévaluation
10Sans doute pour contrebalancer le fâcheux exemple britannique, pour donner des raisons d’espérer face à la montée des dictatures et aux progrès nazis en Allemagne, Longuet s’enthousiasma pour les élections suédoises et la victoire sociale-démocrate. Son titre « Vive la Suède rouge12 ! » pourrait paraître quelque peu forcé. Lui qui n’avait guère suivi l’action des gouvernements formés par Branting ou Stauning s’intéressa désormais au travail des sociaux-démocrates suédois et danois, notamment contre la crise économique et le chômage. La lutte contre le fascisme, qui se nourrissait de la crise économique, représentait l’enjeu déterminant de la période. Dans ce contexte, Longuet voyait dans la force des organisations sociales-démocrates de l’Europe du Nord une force de résistance essentielle : les pays scandinaves étaient « à l’avant-garde » et Longuet était d’autant plus surpris qu’il les voyait résister victorieusement aux difficultés du pouvoir. Il jugea ainsi la victoire des sociaux-démocrates danois « d’autant plus remarquable » qu’elle intervenait « après six années d’occupation du pouvoir13 » et alors que le Danemark était également touché par la crise économique. La raison déterminante de ces résultats comme de l’absence de fort mouvement fasciste en Scandinavie tenait selon lui à la « forte instruction » de ces pays anciennement civilisés.
11Face à la crise économique, les réponses données par les Scandinaves intéressaient au plus haut point Longuet. Il avait retenu de la tentative travailliste quelques principes : la nécessité d’une action internationale contre le chômage fondée sur la réduction de la journée de travail à six heures, et donc la semaine de 36 heures, la relance de la consommation par la hausse du pouvoir d’achat et des grands travaux d’équipement (électrification des voies ferrées, téléphone, nouveaux carburants…) Très attaché à la tradition libérale, il pourfendait « l’éternelle et paresseuse solution protectionniste » qui aggraverait les conditions de vie du peuple, donc diminuerait la consommation et entraînerait une hausse du chômage.
12La politique de grands travaux, réponse sociale-démocrate à la crise, opposée à la déflation, s’exprima d’abord en Suède. Au Danemark, elle s’accompagna également chez le ministre de l’Instruction publique, Borgbjerg, d’un éloge des effets positifs de la dévaluation pour relancer l’activité et de réflexions politiques utiles à une future expérience française. Le thème des nationalisations fut lui abordé à propos de la Nouvelle-Zélande14. Longuet aurait souhaité que ces expériences ne restassent pas lettres mortes pour les Français et son insistance même sur les leçons qu’il convenait d’en tirer montrait son inquiétude de voir ses amis insuffisamment préparés le moment venu. Longuet surtitrait ainsi son interview de Borgbjerg par « Ce qu’on apprend sur les bords du lac Léman ». L’aspect le plus original portait sur les réponses économiques possibles à la crise en régime capitaliste. Certes, la réponse essentielle demeurait politique et le Front populaire l’axe stratégique. Mais il put relayer les analyses de Georges Boris qui rejoignaient elles-mêmes celles de Keynes15. Ainsi, il fut un des rares dirigeants socialistes à présenter, dès 1934, comme outils économiques nécessaires dans certaines occasions la dévaluation et l’abandon de l’étalon-or. La connaissance concrète de la situation britannique lui donnait une longueur d’avance sur d’autres dirigeants socialistes16. La prise de position la plus explicite en faveur de la dévaluation fut l’interview d’Hjalmar Branting, fils de l’ancien Premier ministre, lui-même sénateur et juriste, qui, encore étudiant, avait traduit en suédois Terroristes et policiers. Branting présenta la politique de son gouvernement comme tournée essentiellement vers la baisse du chômage. Il expliquait les résultats obtenus par un plan de grands travaux et la dévaluation de la couronne suédoise. En outre, il confortait le point de vue international de Longuet, en se présentant comme pacifiste, fidèle à Jaurès, mais refusant d’être une proie facile pour le fascisme hitlérien, favorable aux sanctions contre l’Italie et au développement de l’aviation17.
13Longuet ne fut pas entendu. Ou, du moins, car il ne menait pas de campagne systématique, les informations et avis communiqués à ses amis ne suffirent pas à convaincre les responsables qualifiés pour prendre la décision lors de l’accession au pouvoir. La dévaluation alors fut bien envisagée, mais non réalisée pour des raisons essentiellement politiques18. Lorsqu’elle intervint, en septembre, Longuet rappela qu’Attlee l’avait conseillée « le plus tôt possible » à Blum et Auriol et qu’elle avait donné de bons résultats en Grande-Bretagne, en Suède et aux États-Unis19. Sans discuter avec les experts en économie (Jules Moch fut chargé d’expliquer « l’alignement » dans Le Populaire, le terme de « dévaluation » étant banni), il se contentait d’appeler par son nom cette dévaluation et d’opposer aux raisonnements la formule britannique : « Stupide, mais vrai comme un fait ». Pour les mêmes raisons, il apprécia le New Deal américain. Pourtant, ses premiers jugements furent réservés : la victoire attendue de « l’aimable Roosevelt » marquerait un premier pas vers le socialisme en montrant son impuissance et les promesses « contradictoires » et non dénuées de « démagogie » du nouveau président ne laissaient pas espérer d’autre solution à la crise que la chute du capitalisme20. Longuet reconnut cependant dès l’été 1933 la portée des réformes du premier New Deal : renforcement des organisations syndicales, diminution de la durée du travail, augmentation des salaires, contrats collectifs… Lui qui attendait depuis 1920 le redressement des socialistes américains finit par juger aussi de manière très positive l’action de progressistes comme La Guardia élu maire de New York en 1933 ou la tentative de son ami Upton Sinclair de se faire élire gouverneur de Californie21. Il entretenait de bonnes relations avec les deux ambassadeurs américains successifs à Paris, Jessie Strauss et William Bullitt et en 1936 « l’aimable Roosevelt » était devenu « l’homme d’État éminent, pacifiste et démocrate sincère » dont la réélection était souhaitée. Longuet pouvait alors répliquer à Marianne qui lui reprochait d’avoir présenté le président américain comme un homme de gauche que « s’il était de droite, nous serions heureux d’en avoir de semblables chez nous ». Roosevelt était placé au-dessus de Wilson car il avait évacué Haïti, le Nicaragua, reconnu l’indépendance de Panama et l’autonomie des Philippines, et surtout Longuet comptait sur son intervention prompte en cas de guerre européenne22.
Réformer ou renverser le système colonial ?
14La dimension très européenne de l’IOS a déjà été mentionnée, de même que ses difficultés à intervenir sur les questions coloniales. Toutes les civilisations et les cultures n’étaient pas mises sur le même plan, ne serait-ce que dans le langage courant. Ainsi, l’Asie était souvent connotée de manière péjorative chez Longuet, mais il s’agissait d’une Asie aux confins du réel et de l’imaginaire, d’une idée d’Asie opposée à la civilisation. Longuet pouvait ainsi juger la dictature hongroise plus « asiatique » qu’ » européenne ». Il n’était pas le seul à employer sans cesse le terme d’asiate ou d’asiatique à l’encontre du bolchevisme. Manie de langage sur laquelle il ne faut pas extrapoler : cette Asie était celle du despotisme, de la servitude des armées perses menaçant la liberté des cités grecques, un souvenir de collège bien plus qu’une référence géographique ou sociologique.
15Longuet ne concevait pas un parti socialiste évolué dans des pays qui n’étaient pas passés par la phase de la révolution industrielle, du développement économique et donc de la formation de la classe ouvrière acquérant peu à peu la conscience de classe qui l’érigeait en classe révolutionnaire. Aussi, manifestait-il la plus totale incompréhension face à l’Internationale communiste et à sa stratégie anticolonialiste. Pour lui, un congrès du « Sanhédrin bolchevique » servait à « recevoir le knout de Zinoviev et les ordres « marxistes » des représentants ( ?) « communistes » de Boukhara, du Turkestan ou du pays des Samoyèdes23 ». Cette dernière phrase visait bien sûr moins les Turkmènes, Ouzbeks et autres Samoyèdes que la manipulation politique dont ils étaient l’objet. Il n’en restait pas moins que les cultures nationales des pays ruraux, sans littérature écrite connue, sans un développement de l’art et de la civilisation urbaine, bref, « sans histoire », n’étaient guère considérées par Longuet. Il ironisa ainsi sur ceux qui voulaient traiter la Syrie, foyer d’antique civilisation à la population évoluée et d’un haut niveau culturel « comme une colonie du centre de l’Afrique24 ». La connaissance des classiques du marxisme, peu avares en réflexions sarcastiques à l’encontre des peuples dont le destin gênait le mouvement révolutionnaire, n’était d’ailleurs pas de nature à le dissuader et l’encouragea même à « railler les lieux communs vides de sens […] et les phrases sentimentales sur la fraternité de tous les songe-creux de l’Europe25 ». Certes, il en comprenait les motifs circonstanciels, n’envisageait aucune infériorité par nature d’un quelconque groupe national et concevait un avenir mondial de l’Internationale appelée à se confondre avec le genre humain. Mais en attendant, les pays qui n’étaient pas passés par les différentes phases du développement humain évoquées par Marx et Engels dans leur préface à la Contribution à la critique de l’économie politique n’avaient pas à se muer en donneurs de leçons à l’égard des pays plus avancés. La conception étapiste et modulée de l’IOS ne le choquait donc pas. À condition toutefois qu’elle fût respectée. Il était plus facile aux socialistes de chaque pays de réclamer l’indépendance ou l’émancipation des colonies des autres pays. Au moment de la conférence préparatoire au traité de Versailles, L’Humanité avait plus aisément parlé de la cause égyptienne que de la syrienne. La France détenait cependant deux colonies situées par l’IOS dans la catégorie des peuples opprimés qui avaient droit à l’autodétermination immédiate et à l’indépendance politique complète : le mandat de la Syrie et le protectorat sur l’Annam.
Pro Syria
16Après 1920, Longuet n’intervint pas particulièrement sur les problèmes indochinois dont son ami Moutet restait le spécialiste. En revanche, il suivit les affaires de Syrie pour lesquelles il était directement informé par l’émir Chékib Arslan (1869-1946), notable druze et directeur de la revue la nation arabe (1930-1938). La position socialiste de principe demandait l’unité de la grande Syrie, ce qui incluait dans le même ensemble l’actuelle Syrie avec le Liban et ce qui était la Palestine. Position de principe, sans grande incidence sur la vie politique quotidienne. La Syrie apparut dans l’actualité française avec les troubles de 1925 : moment embarrassant pour les socialistes. Le gouvernement Painlevé bénéficiait encore de leur soutien. Le haut-commissaire (1924-1925) était le général Sarrail, ferme républicain estimé à gauche et membre du comité central de la Ligue des droits de l’homme. Paul-Boncour, encore membre de la SFIO, refusa sa succession qui fut assurée par Henry de Jouvenel. Les socialistes, qui venaient de se mobiliser non sans difficultés sur la guerre du Rif, affichèrent une discrétion remarquable sur le dossier syrien. La place qu’y consacra le Populaire n’excéda pas ce qui avait été fait au sujet de la partie germanique du Tyrol annexée par l’Italie ou du sort des îles Aaland rattachées contre leur gré à la Finlande. Certes, Longuet voulait parler net : l’indépendance du peuple syrien, « sans ambages, ni réticences », légitimée par son « antique culture, [son] haut niveau de civilisation26 », figurait dans le programme unanime du parti. Longuet s’en prenait à la formation du Liban, voulue par le général Gouraud et n’acceptait l’autonomie du « Liban de 186027 » que dans le cadre d’une Syrie entièrement indépendante. La position socialiste en ce domaine ne semblait guère relever d’une connaissance profonde et détaillée des réalités orientales. Elle reprenait les thèses de ses principaux informateurs et rejoignait le préjugé favorable aux grands ensembles régionaux, opposé à l’exacerbation des moindres nationalismes. Le choix de la grande Syrie rappelait celui des maintiens de l’ensemble austro-hongrois, de la Fédération balkanique ou du cadre ottoman que les socialistes soutenaient avant la guerre.
17La fermeté du ton ne masquait cependant pas que de tels articles demeuraient exceptionnels dans la presse socialiste et que les autres responsables ne se hâtaient pas pour porter la contradiction aux gouvernements confrontés à la révolte. Painlevé évoquait encore en 1928 « nos possessions » d’Afrique du Nord et de Syrie, mettant ainsi sur le même plan, départements français d’Algérie, protectorats et mandats. Certes, ici et là d’autres interventions socialistes pouvaient être relevées, mais lorsque Paul Faure titrait un billet consacré à la Syrie : « Tout ce qu’on voudra, sauf la peau d’un soldat français », il montrait plus la distance qui séparait son pacifisme radical de l’analyse raisonnée de Longuet qu’une vraie solidarité anticolonialiste. Au demeurant, les protestations du maire de Châtenay demeuraient limitées : un article de presse tous les deux ou trois ans n’était pas en mesure de gêner l’action gouvernementale. Il restait à la presse socialiste de commenter les hauts-commissaires jugés bienveillants, mais sans pouvoirs réels (Ponsot) ou au contraire « proconsuls arbitraires » (de Martel).
18En 1936, Longuet proclama que le Front populaire allait « changer tout cela » et « abréger la période de transition ». Il attendait le remplacement immédiat du haut-commissaire, pensant sans doute lui succéder28. Le congrès socialiste débattit de la question et une délégation du comité de défense du peuple syrien, comprenant Longuet, pressa le secrétaire d’État Viénot de prendre les mesures attendues : amnistie, signature du traité en vue de l’indépendance totale de la Syrie, nomination d’un dernier haut-commissaire29. Si Viénot maintint le haut-commissaire à son poste, il mena assez rapidement les négociations pour que les traités avec le Liban et la Syrie, prêts en septembre, fussent signés en décembre 1936. Ceux-ci ne furent cependant jamais soumis à ratification. La Syrie dut attendre et traverser quelques moments difficiles avant d’obtenir son indépendance. L’actualité internationale, avec la guerre sino-japonaise, les menaces contre la Tchécoslovaquie et la guerre d’Espagne accaparèrent l’attention de Longuet, qui dut croire le dossier réglé sur le fond, puisque la volte-face de Bonnet en décembre 1938 fut postérieure à son décès.
19En ce qui concerne la Palestine voisine, les éléments manquent pour déterminer les sentiments exacts de Longuet30. Il connaissait bien de très nombreux militants juifs d’Europe centrale, de toutes obédiences, y compris dans le mouvement sioniste. Il avait ainsi introduit auprès de Jaurès, vers 1908, Marc Jarblum31, venu de Pologne. En France, il avait entretenu des relations amicales avec Élie Eberlin, un des premiers (1904) à présenter la cause sioniste dans les Cahiers de la Quinzaine. Plusieurs de ses collègues et amis (Moutet, Livian, Jean-Richard Bloch…) furent liés à la gauche sioniste de l’après-guerre, à une époque où elle pouvait se concilier avec un même soutien aux causes nationales arabes32. Le cabinet d’avocat de Longuet favorisait cette ouverture. Son secrétaire, Albert Schneidermann, traducteur de yiddish, drainait une clientèle populaire d’exilés et d’immigrés. Parmi ses clients plus célèbres, Longuet compta aussi bien l’émir Arslan déjà évoqué que le leader du mouvement sioniste Chaïm Weizmann, qui devint le premier président de la République israélienne, ou encore Abbas Hilmi, l’ancien khédive d’Égypte. Longuet n’appartint lui-même, semble-t-il, à aucune organisation spécifique. Le plus probable est qu’il envisageait avec sympathie le développement des aspirations nationales et de l’autonomie culturelle de chaque nationalité au sein d’ensembles plus vastes et démocratiques, comme il l’avait souhaité pour l’Europe balkanique ou l’ancien Empire ottoman. Et, bien sûr, il manifestait affabilité et intérêt à l’égard de tous les hommes de bonne volonté. Qu’il n’ait pas écrit sur le sujet est aussi un signe. Il l’aurait fait si cela lui avait paru pouvoir être utile. Sinon, il écoutait et s’informait.
Les amitiés de Maghreb33
20Longuet avait participé à la campagne socialiste contre la guerre du Maroc, mais n’avait guère eu l’occasion de reparler de ce pays avant la guerre du Rif en 1925-1926. Il fut alors très actif, d’une part parce qu’il était le spécialiste international de son parti, de l’autre, parce qu’il n’était pas assuré de voir ses analyses partagées d’emblée par celui-ci. Il fut amèrement déçu par le comportement de Painlevé. Il ressentit aussi la difficulté de son parti à mener campagne contre un gouvernement « ami » et dut mener une courtoise controverse dans le Combat social avec son camarade Weill-Raynal. Longuet estimait que ce « petit peuple » avait « droit à l’indépendance » et demandait une campagne d’envergure de son parti contre « cette abominable aventure militariste et financière ». Il acquit une connaissance plus intime du Maroc grâce à un voyage à Casablanca en novembre 1927. Il y plaida le procès en appel de deux militants socialistes, Yves Farge, agent général des savonneries de Marseille, et Michel Antonelli, négociant en vins, condamnés après les manifestations pour Sacco et Vanzetti. Longuet avait obtenu l’acquittement et noué des liens amicaux avec les accusés. Yves Farge devint son correspondant sur place, succédant en quelque sorte au vieux chérif Abd el Hakim, admirateur de Jaurès34. Sa contribution au débat colonial dans la nouvelle revue socialiste a déjà été évoquée. En février 1928, il alerta Longuet du bombardement de Beni-Mellal. Longuet intervint à son tour et Renaudel se prononça à la Chambre contre ces opérations militaires dénuées de tout contrôle parlementaire35. Avec son fils Robert, il devint un spécialiste des affaires marocaines, même après le retour en métropole d’Yves Farge et le décès accidentel d’Antonelli (1933).
21Les Longuet furent contactés par les Jeunes Marocains (Balafrej, Ouazzani et Abdeljalil). Ensemble, ils décidèrent de constituer une revue, Maghreb, à partir du 1er juillet 1932. Son originalité était d’associer les Jeunes Marocains, qui assuraient le financement et une bonne part du travail éditorial à un appui français par le biais d’un comité de rédaction prestigieux destiné à protéger leur action et éventuellement à la relayer36… Le comité de rédaction recouvrait en fait davantage les fonctions d’un comité d’honneur, sur le modèle fourni jadis par Pro Armenia. Par ses relations amicales ou cordiales avec de nombreuses personnalités politiques, Longuet fut en mesure de donner à Maghreb l’appui de quelques grands noms républicains qui représentaient la tradition du réformisme colonial de la gauche parlementaire. Outre lui-même, y participait son vieil ami et adversaire Pierre Renaudel. Celui-ci s’expliqua sur le sens de ce soutien :
« Maghreb rendra vite de grands services, non seulement au Maroc et aux marocains, mais encore à la France elle-même. Ne va-t-il pas exercer ce contrôle de l’opinion publique auquel chacun se réfère aujourd’hui et que l’on voudrait pouvoir considérer comme une grande puissance – d’action, de règle et de frein – internationale. Et où donc y aurait-il plus besoin de ce contrôle qu’en matière de colonisation ou de protectorat ? »
22Un troisième socialiste, Antonelli (1879-1971), professeur d’économie politique à la faculté de droit de Lyon, député de Haute-Savoie, était le cousin de Michel Antonelli. Universitaire de grand renom, il apportait à Maghreb un concours précieux. Deux autres députés socialistes les rejoignirent rapidement : fin 1932, Sixte-Quenin, député d’Arles, très anticlérical, ami du militant syrien Djabri, cofondateur de La Nation arabe, et au printemps 1933 Georges Monnet, jeune député de l’Aisne, un proche de Blum. Deux radicaux, François Albert et Gaston Bergery, siégeaient au sein de ce comité. Ancien ministre et grande figure de la laïcité37, François Albert présidait la commission des Affaires étrangères dont relevaient les protectorats, Maroc et Tunisie notamment38. Bergery, avocat brillant, député radical de Seine-et-Oise, affichait des vues audacieuses en politique internationale39. Enfin, la partie espagnole du Maroc était représentée par l’écrivain Jaime de Argila40 et le député socialiste Fernando de Los Rios, ancien ministre de la Justice et ministre de l’Instruction publique du gouvernement Azana41. À partir de janvier 1933, Maghreb disposa du renfort prestigieux du philosophe Ortega y Gasset, ancien secrétaire de la Ligue espagnole des droits de l’homme et du citoyen, alors empli d’espoir dans la nouvelle République, député aux Cortès et gouverneur civil de Madrid (1931-1933).
23Fort de quarante à cinquante pages par livraison, Maghreb, sous-titré « Les documents marocains », « revue mensuelle de documentation économique et sociale », était composé de quelques grands articles et de petits échos, au ton vif42. Robert-Jean Longuet, rédacteur en chef, et les Jeunes Marocains se chargeaient de l’essentiel de la rédaction dont le travail consista, pour reprendre une expression de Georges Oved, « à informer » et donc « d’abord à démystifier ». Les articles rédigés par des militants français provenaient des proches des Longuet, Depreux notamment. Les révélations sur la misère populaire et l’arbitraire colonial provoquèrent une vive réaction des milieux coloniaux et Maghreb fut interdit au Maroc le 1er septembre 1932. Longuet fut encore en mesure d’obtenir d’Herriot le report de cette décision, mais le trouble avait gagné les milieux de gauche, métropolitains comme marocains. À Paris, la revue ne put remplacer François Albert par une autre personnalité radicale et ses animateurs durent répondre aux critiques de Vandervelde, qui « s’étonnait » du soutien de Renaudel et de Longuet à Maghreb, s’affirmant avec toute son autorité de président de l’Internationale Ouvrière Socialiste favorable à « la civilisation européenne » et hostile au « fanatisme religieux ». Monnet aurait souhaité que les Jeunes Marocains adhérassent à la SFIO afin de les préserver de l’accusation d’être des « féodaux » et des « réactionnaires ». Robert-Jean Longuet organisa une réunion publique le 19 mai 1933 avec monde, la revue de Barbusse proche des communistes. Malgré leurs réserves, Jean Longuet, Renaudel et Monnet y prirent la parole aux côtés de Balafrej et Benjelloun. Longuet relaya du reste les critiques de Maghreb dans le Populaire43. Une fois de plus, Longuet marquait sa déception devant les nombreux cas de répression et d’arbitraire couverts par des républicains dans lesquels il avait placé quelques espoirs, tels le Résident général Ponsot et le président du conseil Paul-Boncour. Maghreb fut enfin interdit au Maroc en mai 1934. Le renversement d’alliances consécutif au 6 février ne permettait plus à Longuet d’intervenir avec la même efficacité : la SFIO était désormais dans l’opposition au gouvernement d’Union nationale auquel appartenaient les radicaux. La revue continua cependant de paraître jusqu’au début de 193644.
24Elle avait auparavant subi le feu de la critique de la fédération socialiste du Maroc, vivement pris à partie elle-même par Robert-Jean Longuet, qui n’avait pas hérité de son père la modération de ton. La protestation, d’abord d’ordre interne, devint publique à l’occasion du débat sur le Populaire, ouvert devant le 30e congrès (14 au 17 juillet 1933). Le secrétaire fédéral, Jean Le Nabec, réclama une page coloniale dans le quotidien socialiste, nécessaire en raison de l’existence de revues proclamant « leur sympathie pour les classes indigènes qui ne doivent pas intéresser le socialisme ». La formule, malheureuse, mais révélatrice, suscita un tollé qui amena l’orateur à préciser qu’il voulait parler de « la bourgeoisie indigène » et que Maghreb se livrait à « l’apologie continuelle des féodaux du Maroc » et au dénigrement « des fonctionnaires du Maroc ». Blum se déclara étranger à la polémique, mais précisa que l’éventuelle page coloniale serait publiée sous le contrôle de la direction du Parti et du journal, non sous celui des fédérations intéressées. Toutefois, seul Longuet proclama sa pleine solidarité à l’égard de son fils et de sa revue. Il présenta l’équipe des Jeunes Marocains comme des intellectuels, étudiants et professeurs, et se situa dans la fidélité à la ligne constante du socialisme national et international. Le Nabec poursuivit ses attaques dans le socialiste marocain, en les accentuant et en mettant en cause la probité des Longuet, mais son passage au Parti socialiste de France mit fin cette polémique personnelle45. Sur un autre ton, elle se poursuivit cependant avec les socialistes restés à la SFIO dans Le Maroc socialiste, en opposant le nationalisme bourgeois des Jeunes Marocains aux besoins sociaux réels des masses indigènes.
25Maghreb ne se contenta pas de mener campagne sur les réalités économiques et sociales de la vie marocaine. Le groupe des Jeunes Marocains établit un plan de réformes présenté le 1er septembre 1934 à Pierre Laval, ministre des Affaires étrangères46. Les Longuet avaient réussi à dépasser les difficultés des mois précédents et à élargir leur comité de soutien : outre Renaudel, Monnet et Bergery, ils reçurent en effet le soutien de Félicien Challaye, philosophe pacifiste et anticolonialiste, et de Magdeleine Paz, animatrice de la commission coloniale de la SFIO, tous deux actifs à la Ligue des droits de l’homme, des députés radicaux Campinchi, Piot, De Tessan et Henri Clerc, du radical dissident Gabriel Cudenet, de l’avocat André Berthon, ancien député communiste, et des journalistes Andrée Viollis et Louis Roubaud. Longuet connaissait bien Campinchi, son collègue au barreau47, et Jean Piot, rédacteur en chef de l’Œuvre. Appuis de qualité, mais partiels : la presse de gauche, dont certains titres étaient dirigés par des membres du comité de patronage, resta silencieuse ou réservée. Ces parlementaires souhaitaient faire évoluer les choses, et donc favoriser un « dialogue » et des « progrès », mais la méfiance devant les risques de dérapage nationaliste les empêchait d’aller plus loin. Les Jeunes Marocains durent se contenter de ces manifestations de sympathie et de ces possibilités d’être écoutés, ce qui n’était pas insignifiant, mais limité.
26Les élus les plus proches des Jeunes Marocains étant écartés du pouvoir de 1934 à 1936, l’active attente restait concevable. Encore que la disparition de la revue à la veille des élections ne fût pas de très bon augure48, l’espérance que la victoire du Front populaire allait « changer tout cela » comme l’écrivait Longuet à propos de la Syrie était grande chez les animateurs de Maghreb. Le parti socialiste n’avait-il pas fortement aidé à l’organisation en mars 1935 d’une Fédération des peuples colonisés, qui comprenait des militants marocains (Ouazzani, Bouhelal) et des parlementaires socialistes (Longuet, Moutet, Morizet, Lagrosillière) sous la présidence d’André Berthon, membre du comité de patronage du Plan de réformes ? La nomination du général Noguès au poste de Résident général au Maroc fut une surprise désagréable pour les Longuet qui espéraient la désignation de leur ami Campinchi. Bien accueilli au demeurant par l’opinion marocaine, Noguès ne tarda pas toutefois à assumer la répression des revendications exprimées par le Comité d’Action marocaine, dont trois dirigeants furent arrêtés dès novembre 1936. Longuet intervint au conseil national et Farinet, l’ancien secrétaire fédéral de la Seine, publia une tribune libre dans Le Populaire, prises de position qui contribuèrent à la libération des emprisonnés le 11 décembre 1936. La politique suivie au Maroc ne fut cependant pas modifiée sur le fond et le général Noguès put dissoudre le Comité d’action en mars 1937 sans que Le Populaire fût en mesure de réagir. Le bannissement au Gabon d’El Fassi et l’arrestation de centaines de militants à l’automne 1937 plaçaient encore les socialistes dans une position difficile puisqu’ils participaient au gouvernement et que leur responsabilité était engagée dans ces décisions. Ils protestèrent néanmoins, en France (Bracke, Magdeleine Paz, Daniel Guérin…) comme au Maroc et Jean Longuet, après une nouvelle intervention à un conseil national, prit l’initiative d’une pétition, mesurée, mais attendant des mesures « d’humanité » et une « enquête objective et impartiale49 ». Avec modération, mais insistance, il intervint à nouveau sur ce sujet le 7 juin 1938 au congrès de Royan50.
27Maghreb a été une date importante de l’histoire du mouvement national marocain et de ses rencontres avec la gauche française. Si la responsabilité militante en revint avant tout à Robert-Jean Longuet, celle d’avoir permis d’esquisser la rencontre entre ces Jeunes Marocains et des milieux dirigeants de la gauche française incomba davantage à son père. Certes, la rencontre avorta, après les espoirs mis dans les gouvernements radicaux de 19321933 et surtout dans le gouvernement de Front populaire. Le poids des adversaires de tout changement, la timidité de ceux qui en étaient partisans, la fragilité à chaque fois de leur pouvoir, l’indifférence de beaucoup, ne permirent même pas une amorce de réalisation des réformes coloniales parfois envisagées.
Contre la guerre et le fascisme, la recherche des alliances
SDN et BIT
28Jusqu’en 1924, Longuet comme la plupart des socialistes s’était montré assez sévère envers la SDN, institution jugée trop gouvernementale et pas assez populaire, trop liée aux seuls vainqueurs. La poussée à gauche en Europe fit bouger les choses. Longuet expliqua que l’attitude du socialisme international à l’égard de la Société des Nations « ne saurait être évidemment envisagée sous une forme statique. C’était au contraire un problème essentiellement dynamique, dont les aspects s’étaient complètement modifiés au fur et à mesure du déroulement des événements eux-mêmes51 ». Il voyait désormais avec sympathie la SDN et il en attendait qu’elle fût ce qu’elle proclamait être. Il espéra en octobre 1935 que le vote de sanctions efficaces contre l’Italie démontrât la justesse de la politique d’arbitrage et de sécurité collective préconisée par les socialistes. Longuet assistait de plus en plus fréquemment aux sessions de la SDN, il mourut d’ailleurs alors qu’une nouvelle fois, il s’apprêtait à se rendre à Genève suivre les travaux de l’assemblée plénière.
29Dès le départ, son jugement sur le BIT fut moins négatif et il estimait son œuvre « utile », mais voulait la dissocier du travail « d’élus d’un parti de lutte de classe et de révolution52 ». Revenant sur le sujet à l’occasion d’un voyage à Genève, il jugea de manière très flatteuse le bilan des dix premières années. Non seulement il était impressionné par les résultats obtenus (enquêtes, bibliothèque, prises de position…)53, mais il voyait dans le BIT l’émergence « d’une pensée internationale », élaborée non à partir de chaque échelon national, par un effort commun, mais directement produit par une réflexion menée dès l’abord au niveau des enjeux internationaux. En ce sens, le BIT lui apparaissait animé d’un esprit supérieur, plus démocratique, que celui de la SDN. L’action personnelle de Thomas avait permis d’associer davantage de pays, non seulement les vaincus de 1918 (l’Allemagne avait été admise à la SDN en 1926), mais aussi les États-Unis et l’Union soviétique.
L’Union soviétique : de la critique solidaire au blocus moral, du blocus moral à la solidarité critique
30Dans les années 1920, l’analyse de la réalité soviétique par Longuet demeura sous le double sceau de la solidarité avec la Révolution socialiste et de la dénonciation toujours plus incisive de la dictature et de l’impérialisme bolchevik. Jusqu’à ce que l’échec de la conférence des trois Internationales fût consommé, Longuet garda un ton des plus modérés. Contre les attaques de Lénine, qu’il estimait toujours « mal informé », mais auquel il reconnaissait « un génie réaliste », il protestait toujours de sa bonne foi socialiste54. Attitude fréquente au Parti socialiste où on réserva souvent à Lénine le beau rôle de génie de la Révolution alors que les aspects négatifs du bolchevisme étaient portés au débit de Zinoviev et d’autres polémistes (Radek notamment)55.
31Longuet mena campagne pour l’aide à la Russie, victime des famines, et continuait à réclamer sa reconnaissance diplomatique. Au vrai, il semblait parfois ne plus comprendre : comment demander de l’aide, vouloir obtenir des emprunts et en même temps se livrer à « des provocations », pourquoi signer un « traité modèle » avec la Perse et envahir la Géorgie56 ? Son amertume éclata avec le procès des socialistes révolutionnaires de l’été 1922. Les violences et les procédés expéditifs étaient compris en période révolutionnaire, mais les maintenir alors que la paix des armes était rétablie, le pouvoir assuré, transformer des accusés en otages (l’exécution de la peine capitale dépendrait du comportement des adversaires des bolcheviks) révulsait Longuet : il parlait de « vent de folie », d’attitude « abjecte », de « verdict hypocrite et lâche », et évoquait « un blocus moral57 ». Le Populaire, au demeurant sous le contrôle de Paul Faure depuis juin 1922, rendait compte désormais avec une grande régularité et précision de la « terreur rouge58 » en Russie et accueillait les articles des socialistes exilés. Contrairement à beaucoup d’analystes, Longuet ne croyait pas que la victoire de Staline fût réellement porteuse d’un retour proche à la « démocratie ouvrière ». S’il attendait d’une « nouvelle génération », grâce à l’effort d’instruction de la jeunesse, la réconciliation nécessaire, la victoire de Staline représentait pour lui celle « des représentants de la réalité russe ». Or cette réalité russe avait précisément été formée par des siècles d’autocratie, « on n’y trouvait aucune trace de traditions démocratiques, aucune éducation de la liberté politique59 ». Le régime soviétique pouvait même être qualifié d’impérialiste lorsque les réalités coloniales de sa politique en Asie centrale étaient dévoilées60. Toutefois, ces amères et vives critiques ne remettaient pas en cause le statut révolutionnaire, malgré tout, du régime communiste. Même dans la période des pires relations entre Longuet et les communistes, il se refusait néanmoins à assimiler purement et simplement la dictature russe aux autres dictatures : « Non, camarades, on ne peut pas soutenir que de près ou de loin la dictature bolcheviste présente les mêmes dangers que les autres dictatures61. »
32L’appréciation évolua, chez Longuet comme beaucoup d’autres, à partir de 1935, en raison du tournant soviétique, désormais favorable à une ligne unitaire et antifasciste, mais aussi en raison des succès économiques, au moins apparents, obtenus par l’Union soviétique dans les années 1930. Longuet ne fut jamais trop disert cependant sur l’Union soviétique. L’alliance avec le parti communiste, le fait qu’il n’eut jamais l’occasion de visiter l’Union soviétique, l’absence de tout témoin ou correspondant informé, l’amenaient à conserver une certaine prudence. Contrairement à Zyromski, il ne manifesta jamais une confiance enthousiaste dans la diplomatie soviétique. Les « méthodes » jadis dénoncées n’étaient pas oubliées, et la reprise des grands procès suffisait à maintenir leur souvenir à l’esprit. Longuet ne mena pas campagne à leur sujet, en raison des nécessités de l’action antifasciste, il n’ajouta pas de commentaire personnel aux prises de position de l’IOS ou aux commentaires du Populaire, mais il ne cachait pas non plus ses sentiments :
« Le procès de Moscou fait un mal énorme ! […] Et les procédés de la justice bolchevik sont unanimement condamnés. Ce procès dans le monde entier a fait partout la plus lamentable impression. Malgré cela, on rend hommage au merveilleux effort constructif de l’URSS. Mais “cela, c’est une autre histoire”62. »
Défendre la Chine
33L’Orient lointain occupa moins l’attention de Longuet. Depuis la révolution chinoise, les socialistes s’affirmaient solidaires du Guo Min Dang de Sun Yat-sen dont le petit Parti social-démocrate chinois était l’allié officiel. Entre 1924 et 1927, Yang Kantao fut ainsi son informateur et lui donna des articles pour le Combat ou la nouvelle revue socialiste63. Longuet publia aussi des articles contre l’agression japonaise dans le Populaire, adhéra à la Société des Amis du peuple chinois et participa à des réunions publiques. Il ne cessait de réclamer la fermeté pour décourager le Japon. Il défendait le principe des sanctions, estimant qu’un pays aussi dépendant de ses importations et de ses exportations que le Japon serait rapidement amené à céder s’il était « boycotté » et si les États-Unis, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas se refusaient à lui fournir du pétrole. Longuet ne donnait toutefois guère d’aperçus de la situation intérieure en Chine ou au Japon. Visiblement, il lui manquait pour aller plus loin de ce dont il disposait pour la Syrie ou le Maroc : un ou des informateurs directs. Le plus souvent, il donnait donc à lire au public français les informations et les analyses de la presse anglo-saxonne, notamment du Manchester Guardian.
Démocratie ou Barbarie
Comprendre et combattre le nazisme
34Les difficultés socialistes à appréhender le sens et la portée nouvelle du nazisme ont déjà été soulignées, notamment à propos des commentaires de Léon Blum dans le Populaire. Son rédacteur en chef, Oreste Rosenfeld, attentif au danger représenté par le « parti des déclassés », semblait craindre davantage une dictature du général von Seeckt, l’homme du grand capital64. Il analysait le nazisme comme une « révolte stérile et réactionnaire, mais tout de même une révolte contre le régime capitaliste65 » : 19 millions d’Allemands avaient donc voté contre le capitalisme (total des voix en faveur du KPD, du SPD et du NSDAP)… même s’il ajoutait que seul le SPD serait efficace dans cette lutte. Au reste, comment Longuet, envoyé suivre la campagne électorale, aurait-il pu se montrer plus alarmiste que Rudolf Breitscheid ? L’analyse de celui-ci paraissait assez convaincante : « Une masse énorme d’électeurs aux aspirations troubles, mécontents, ulcérés », avait voté pour Hitler. Parmi ces « nouveaux pauvres », « issus de la petite bourgeoisie », « jeunes étudiants, jeunes employés », mais aussi « anciens officiers, fonctionnaires, jeunes filles et vieilles femmes » […] se retrouvaient « beaucoup de tendances socialistes inconscientes et confuses, mêlées de nationalisme et d’antisémitisme », « les meilleurs deviendront à la lumière de l’expérience de véritables socialistes ». La conclusion politique en revanche était plus hasardeuse : « Je suis bien tranquille : tout cela ne tiendra pas. » Les députés nazis étaient en effet des « aventuriers les plus extravagants », peu cultivés, le programme de « la bouillabaisse », et même arrivés au pouvoir, « expérience dangereuse pour l’Europe », les nazis s’effondreraient en quelques mois66.
35Certes, il faut faire la part de l’optimisme proclamé nécessaire dans toute bataille politique. Breitscheid n’excluait pas tout à fait l’hypothèse d’une prise de pouvoir par le nazisme, d’un danger pour l’Europe. Revenu en France, Longuet ne cachait pas le caractère « grave » et « inquiétant » de la situation67. Les polémiques contre Poincaré, Tardieu et les chauvins français, présentés comme les pères spirituels d’Hitler, la confiance proclamée dans la capacité de la social-démocratie à vaincre le nazisme, empêchaient sans doute ses auditeurs de prendre la dimension du danger. La nomination d’Hitler à la Chancellerie put encore être interprétée comme masquant l’avancée de la Réaction, l’ennemi auquel on était habitué : Von Papen fut ainsi présenté comme « le véritable inspirateur du nouveau ministère68 ». Rosenfeld continuait à croire impossible une « révolution fasciste » en Allemagne, car « les bailleurs de fonds et les maîtres [du nazisme] ne le voulaient pas » : Hitler allait être obligé de décevoir ses troupes. Les socialistes présentèrent les débuts du régime sous un aspect chaotique, donc fragile : « Débordé, Hitler tente encore de ramener ses troupes au calme », « Le cabinet Hitler multiplie en vain ses efforts pour mettre un frein à la fureur des bandes racistes69 ». L’instauration complète et brutale de la dictature en avril-mai 1933 les obligea à prendre la mesure du changement de régime. Ils furent aidés par les articles alertes et éclairés de Daniel Guérin70. En ce qui concerne Longuet plus particulièrement, les sources manquent pour apprécier dans le détail ses vues sur la victoire du nazisme. Il ressentit naturellement de « l’horreur » et de la « répulsion » pour les « gangsters de Berlin ». Son haut-le-cœur fut visible lorsque Bertrand de Jouvenel ou même son vieil ami Lansbury acceptèrent de rencontrer et de converser avec « le sanglant Fuhrer71 ». Lui qui n’hésitait pas à se rendre dans la Hongrie de l’amiral Horthy pour défendre des militants communistes se refusait à passer une nouvelle fois quelques heures dans l’Allemagne nazie traversée à l’aller72. D’emblée, il fut aussi convaincu, comme le montra son intervention à la Chambre du 9 mars 1933, de la nécessité d’adopter une attitude ferme face au fascisme hitlérien, porteur de tous les germes de guerre. Réaction spontanée, mais qui ne put qu’être encouragée par la semblable analyse de ses camarades travaillistes, à la notable exception de Lansbury, dont le « pacifisme chrétien » ne fut plus jugé adapté à la situation. Longuet séjourna d’ailleurs près de deux mois entiers, en août-septembre 1933, dans son pays natal, et les récents événements d’Allemagne furent la principale matière de ses discussions avec ses amis anglais, notamment Hugh Dalton. Certes, même avec l’Allemagne nazie, qui « a aboli tout ce qui fait la dignité de l’être humain », il voulait « discuter et établir des relations pacifiques », mais, sans céder, en assurant une position de force, comme l’illustrait l’occasion où il tenait ses propos : la ratification du pacte franco-soviétique73.
36Après le procès de Leipzig et l’acquittement de Dimitrov, les communistes constituèrent un comité Thaelmann pour animer les campagnes contre le nazisme. Présidé par Gide, Malraux, Langevin et Romain Rolland, animé par André Seigneur, il reçut à partir de juillet 1934 le renfort de responsables socialistes, parmi lesquels Jean Longuet. Les deux avocats qui présidaient la commission juridique du comité, Campinchi, député radical, et de Moro-Gaffieri, ancien député républicain-socialiste, étaient également en bons termes avec lui. Le député-maire de Châtenay-Malabry participa à de nombreuses réunions publiques : le 13 avril 1935 avec Malraux, Sangnier et Cachin au stade Buffalo, le 13 mai avec Pierre Cot et Rivet à la Mutualité, etc. Il collabora à une des trois brochures du comité, parue en mars 1937 : de l’incendie du reichstag à l’incendie de l’espagne. Préfacée par Langevin, cette brochure était à l’image du Front populaire puisque rédigée par un radical (Bayet), un socialiste (Longuet) et un communiste (Bonte). La participation de Longuet permit au comité Thaelmann de se recommander de son nom pour proposer une action commune à l’IOS et elle cautionna les partisans d’un front populaire allemand refusé par les sociaux-démocrates de la SOPADE.
No Pasaran !
37Les liens de Longuet avec les socialistes espagnols étaient anciens. Outre les souvenirs des luttes passées, telle l’affaire Ferrer, la camaraderie avec Fabra Ribas, longtemps exilé en France74, la chute de la dictature, puis de la monarchie et les premiers temps de la République ravivèrent son intérêt. Surpris par l’enthousiasme populaire lors de l’inauguration du monument Pablo Iglesias à Madrid, où il représentait à la fois l’IOS, la SFIO et le SPD, il avait annoncé la chute prochaine de la monarchie et proclamé la force du PSOE75. Revenu en Espagne, accompagné de son épouse, en août-septembre 1932, il ne dissimulait pas dans ses reportages son émotion et son plaisir de rencontrer un parti aussi puissant et organisé dont les réalisations lui rappelaient l’enracinement social du parti belge. Les remous de la période 1933-1934 ne furent pas retracés dans le détail par le Populaire. L’évolution à droite des radicaux fut bien dénoncée, alors que les mesures anticléricales du début de la République (séparation de l’Église et de l’État, dissolution des Jésuites…) avaient été d’autant mieux acceptées en France qu’elles semblaient aligner l’Espagne sur le droit républicain.
38Le quotidien socialiste resta cependant prudent face à l’insurrection d’octobre 1934 et à la « Commune des Asturies ». Longuet lui-même ne commenta pas ces événements alors qu’à la même époque, il ne cessait de mettre en garde les militants français contre les tentations putschistes décelées chez les pivertistes. La répression permit à la solidarité de se manifester à nouveau et le Populaire mena campagne contre la condamnation à mort des députés socialistes et la sévérité des mesures prises contre les anciens insurgés76. Longuet put alors recommander l’unité du socialisme espagnol mis à mal par les événements récents. La victoire de février 1936 fut donc ressentie comme une juste sanction de la corruption et de la trahison des radicaux espagnols tout autant que comme une défaite du fascisme. L’inquiétude n’était pas apaisée pour autant. Si Longuet excusait et présentait sous le jour le plus favorable « les mouvements spontanés de la masse », « les représailles prolétariennes », il n’en recommandait pas moins implicitement leur cessation et s’alarmait publiquement des divisions du PSOE, y voyant la possibilité pour le fascisme vaincu de relever la tête77. Le putsch du 18 juillet fut donc personnellement ressenti par Longuet qui écrivait à nouveau plusieurs fois par semaine dans le Populaire. D’emblée, il polémiqua avec tous ceux qui ne se situaient pas résolument du côté du gouvernement républicain, la presse de droite, ses « mensonges » et sa « bassesse d’âme », mais aussi une part de la presse radicale.
39La non-intervention troubla d’autant plus Longuet qu’elle s’articulait autour des relations franco-britanniques et qu’en conséquence, il était placé au cœur du débat. Ernest Labrousse a mis en valeur le double « enchaînement » qui déboucha sur la politique de non-intervention : enchaînement de la France à l’Angleterre, enchaînement du gouvernement français aux radicaux78. Longuet ne pouvait que constater la réalité de la pression britannique, notamment lors des entrevues bilatérales des 23 et 24 juillet. Les séances décisives des conseils des ministres des 25 juillet et 8 août 1936 définirent la politique de « non-intervention », malgré la révélation le 30 juillet de l’aide italienne aux putschistes79. Longuet avait tenté de peser en faveur du soutien aux républicains. Il s’était rendu à Londres afin d’obtenir l’aide des secteurs les plus attachés à la fermeté face aux puissances fascistes80. Le 1er août, il accompagna son ami Noel-Baker chez Blum. Certains de ses projets furent audacieux et rappelaient la tradition chevaleresque des révolutionnaires du xixe siècle, comme Garibaldi ou Cipriani. Il avait ainsi soutenu l’idée d’un soulèvement des Rifains contre les franquistes, en échange de l’autonomie politique et d’un fort appui matériel. L’ambassadeur Araquistain, Jouhaux et Pierre Cot auraient participé, de concert avec Ouazzani et Abdeljalil, à l’élaboration de ce plan, dont l’organisation pratique aurait été confiée à Robert-Jean Longuet et à son amie, l’avocate communiste Léo Wanner. Le refus gouvernemental de prendre en considération ce projet serait évidemment lié à l’inquiétude d’une contagion du mouvement autonomiste marocain. Partisan en 1936 d’une prudente diplomatie, soucieux – à l’excès ? – de maintenir le calme en Afrique du Nord et dans l’Empire, le président du conseil ne dut pas regretter alors de n’avoir pas confié de responsabilité diplomatique au fondateur du Populaire81. Longuet obtint le 28 septembre une résolution unanime des deux Internationales, socialiste et syndicale, qui demandait à la France et à la Grande-Bretagne un nouvel examen de leur politique en raison des violations incessantes de l’accord de non-intervention par l’Allemagne et l’Italie. Il fut naturellement de toutes les réunions du comité exécutif qui s’efforçait, sans grands résultats, de favoriser l’aide à l’Espagne républicaine82. Une entrevue avec deux représentants de l’Internationale communiste (Dimitrov et Cachin) eut même lieu à Annemasse en juin 1937, mais les réticences des partis davantage attachés au maintien de la paix qu’à la cause des républicains espagnols paralysèrent de fait les activités de l’IOS.
40Longuet avait séjourné en septembre 1936 à Saint-Jean-de-Luz où il avait rencontré de nombreux réfugiés, des militants républicains et aussi l’ambassadeur Herbette, peu favorable à Madrid. Les articles de Longuet dans le Populaire, qui réclamaient l’application des accords légaux entre les deux Républiques, empêchée par la décision du 8 août, furent d’autant plus facilement accueillis que les responsables du journal, le directeur intérimaire Bracke, et le rédacteur en chef Rosenfeld, étaient tous deux peu convaincus par la non-intervention. Il respectait cependant une solidarité de fond avec Blum et ses critiques demeuraient modérées à l’égard du gouvernement français. Il put juger la non-intervention comme « un moindre mal » que la chute du gouvernement et il insista sur les responsabilités britanniques, sans oublier de répliquer aux communistes que l’Union soviétique ne s’était guère manifestée avant le 15 octobre alors qu’elle avait les mains libres pour le faire. En revanche, il polémiqua plus durement avec les partisans de Franco, la presse conservatrice ou avec les responsables de la politique britannique. Sa particularité fut en effet de mener campagne contre la politique de non-intervention… du gouvernement conservateur. Toutes les déclarations du parti travailliste de soutien aux républicains étaient mises en valeur. Il citait abondamment le récit reproduit du manchester Guardian des exactions franquistes. Il insistait particulièrement sur toutes les preuves de l’intervention directe de l’Italie et de l’Allemagne afin de démontrer la duperie de la non-intervention et amener le gouvernement à changer sa politique. En revanche, du côté français, il garda longtemps quelques précautions politiques et diplomatiques avant que l’aggravation de la situation militaire ne l’amenât à parler plus vivement. Il avait longtemps conservé un certain optimisme, ou du moins une espérance, tant sur la situation militaire espagnole, que sur les capacités gouvernementales à ne pas être « deux fois dupes » comme il l’expliquait à Jean-Richard Bloch83.
41En 1937, son langage se fit plus déterminé et pressant : « Les manœuvres dilatoires doivent cesser84. » Il resta poli lorsque Blum employa l’expression – malheureuse, il est vrai – selon laquelle il fallait « piquer d’honneur » les gens de Berlin et de Rome, mais il estima cette espérance « fallacieuse »… et cita le Daily Herald qui parlait « d’erreur stupide85 ». Il insista de nouveau, soutenu par Zyromski, Bracke et Grumbach, au congrès de Marseille (10 au 13 juillet 1937). Il commença même à remettre en cause la doctrine traditionnelle favorable au désarmement, récusant tout désarmement unilatéral, indiquant l’acceptation par les travaillistes et les Suédois du réarmement nécessaire et concluant qu’il était impossible de faire abstraction des régimes d’Hitler et de Mussolini. Ce fut la première fois que, devant un congrès, et non sans lui avoir rendu hommage pour toutes sortes de choses auparavant, Longuet, qui refusa également en raison de la question espagnole de signer la motion majoritaire, prit de nettes distances à l’égard de l’action de Blum :
« J’ai le chagrin de le dire, malgré ma très grande confiance en la clairvoyance et l’intelligence magnifique de notre camarade Léon Blum, je crains qu’il ne se soit trompé. Et qu’avec lui se soit trompé, d’une manière générale, un gouvernement au sein duquel, d’ailleurs, je me hâte de l’ajouter, il n’était pas tout seul à décider, dans lequel il devait tenir compte et de l’action des ministres radicaux, et de la position prise par l’Angleterre conservatrice. Cela, évidemment, explique bien des choses. Cela ne justifie pas toutes choses. […] Je comprends le sentiment ardemment pacifiste de nos masses. […] Mais la question est de savoir si nous maintiendrons bien la paix en permettant au fascisme international, au fascisme italien, au fascisme allemand alliés, de conquérir sans cesse des positions plus fortes, qui risquent de nous acculer demain à la guerre, que nous aurions pu éviter hier, alors qu’ils eussent dû céder86. »
42Raisonnement que Blum, pourtant de plus en plus convaincu de la nécessité d’adopter une ligne ferme à l’égard des puissances fascistes, n’était pas encore en mesure de tenir. Chef du parti, il se devait certainement à plus de prudence que Longuet, mais aussi, il ne le voulait pas encore. Il accepta de reconnaître que beaucoup de ses prévisions avaient été infirmées, beaucoup d’espérances trompées ou déçues, mais il se refusait absolument à « se résigner pour aujourd’hui à des actes contenant un danger immédiat de guerre, par la raison que si on ne les accomplit pas, le danger de guerre pourra être plus redoutable demain87 ». Pourtant peu enclin à tout ce qui pouvait ressembler à des activités de groupe ou de tendance organisées, Longuet avait accepté de participer au CASPE, comité d’action socialiste pour l’Espagne. Le CASPE, issu du Comité d’action socialiste pour la levée de l’embargo, constitué le 1er décembre 1936 par quelques militants de la Gauche révolutionnaire, regroupait des militants de diverses tendances (600 selon ses dires). Au noyau initial s’étaient agrégés Zyromski et des membres de la Bataille socialiste ainsi que Jean Longuet, le seul à représenter l’habituel groupe majoritaire et à être proche de Blum88. Certains rechignèrent d’ailleurs à cette présence qui leur paraissait affadir leur initiative. Le comité édita un bulletin, L’Espagne socialiste (avril 1937), tiré à dix mille exemplaires, qui portait en exergue la formule : « Pour rétablir l’Espagne dans ses droits, et le socialisme dans ses devoirs. » Comme dans le Populaire, Longuet critiqua sévèrement la non-intervention au moyen des attaques travaillistes contre l’inaction des gouvernements Baldwin et Chamberlain. La politique française était aussi visée, même si la personne du Président du conseil était épargnée tout comme la direction du parti. Longuet préférait s’en prendre au « Quai d’Orsay », polémiquant avec Delbos comme si celui-ci était le seul responsable de la politique extérieure89… et il réservait les termes les plus vifs à l’égard des ministres britanniques, Chamberlain en particulier (« un des politiciens les plus néfastes que l’Angleterre ait jamais vu installé à la direction de sa politique étrangère »). Son raisonnement le conduisit à souhaiter le maintien des socialistes au gouvernement. Il se méfiait des gouvernements radicaux, davantage encore lorsqu’ils étaient dirigés par Camille Chautemps, un des pères de la politique de non-intervention et un des principaux partisans de la politique d’apaisement. Qualifiant la non-intervention de « comédie abominable », il espérait que les ministres socialistes pourraient engager une action prompte. On sait que ses avis, conjoints à ceux des autres partisans d’une aide massive à l’Espagne républicaine, ne furent vraiment entendus de Blum qu’en 1938, la brièveté du deuxième gouvernement Blum ne permettant pas de modifier les données de la situation. Les avertissements de Longuet furent donc condamnés à demeurer des témoignages. Lui-même participa à toutes sortes de réunions pour l’aide à l’Espagne, accueillit naturellement des enfants espagnols dans sa commune, préfaça et vraisemblablement fut à l’origine de la publication française du roman militant d’Upton Sinclair, no Pasaran90, il n’était cependant plus en mesure d’exercer une influence déterminante sur la définition de la politique socialiste, même si ses objurgations contribuèrent sans doute à faire mûrir et à radicaliser les conceptions de Blum et de ses amis. Il n’ignorait pas non plus les drames intérieurs de la République espagnole, mais, contrairement à Marceau Pivert, il préférait rejoindre Zyromski dans sa solidarité totale avec Negrin et Prieto qui avaient « la lourde charge de tenir le gouvernail » et se contenter d’amicaux conseils « contre le sectarisme et l’intolérance91 ».
La contagion du courage
43Le refus de l’abjection nazie était total chez Longuet :
« Les nazis qui ne respectent rien, ni la vie humaine, ni à plus forte raison la dignité de l’homme, rien de ce qui sépare ce “roseau pensant” comme disait Pascal de l’animalité, sont lâchés sur l’Autriche. […] Et c’est avec un pareil régime, niant, piétinant tout ce qui constitue la “dignité éminente de l’homme” que certains complices ou ignorants croient qu’on peut “s’entendre”92. »
44Au congrès de Royan, il présenta personnellement le rapport des délégués à l’IOS et il dressa un parallèle entre l’affaire espagnole et celle des Sudètes. S’exprimant avec autorité, délaissant les formulations usuelles du langage socialiste, il évita toute référence idéologique pour s’en tenir au terrain élémentaire du refus de l’esclavage. Il rappela que pour sa part, il avait exprimé des réserves sur l’organisation de la Tchécoslovaquie et la question des Sudètes dès 1919, mais que l’hitlérisme changeait toutes les données du problème et qu’en tout état de cause les Allemands de Tchécoslovaquie disposaient de plus de libertés que les Allemands d’Allemagne ou que ceux du Tyrol italien. Il invoqua le « Résister » de la protestante d’Aigues-Mortes au xviiie siècle et fit valoir que « de même que la lâcheté, le courage était contagieux93 ». Il s’attaquait ainsi aux fondements de l’argumentation pacifiste des amis de Paul Faure et citait Albarda, président de l’IOS : « Nous haïssons de toutes nos forces la guerre, mais il y a un moment où parce que l’on ne veut pas subir l’esclavage, il faut résister. »
45Le ton se faisait vif : le terme d’ » abjecte » était répété pour qualifier aussi bien la volonté de domination du fascisme hitlérien que la soumission à la loi du plus fort. Il évitait de s’en prendre directement à Paul Faure, visé au travers de critiques exprimées à l’encontre des positions « mi-trotskistes, mi-tolstoïennes » de la Gauche révolutionnaire. Pourtant, ce ne fut pas avec un pivertiste, mais bien avec un des proches du secrétaire général, L’Hévéder, que Longuet polémiqua lorsque le député du Morbihan réclama de « très grands sacrifices […] pour éviter une guerre générale, qui serait peut-être la fin du monde civilisé ». Pour Longuet, « de reculades en reculades, vous serez fatalement acculés à la guerre, mais à une guerre destructive aboutissant fatalement à notre écrasement ». Outre Zyromski, dont les analyses internationales rejoignaient celles de Longuet depuis plusieurs années, Louis Lévy défendit dans des termes voisins la politique de fermeté et l’engagement de Blum fut beaucoup plus net qu’à Marseille.
46Certes, Longuet mourut avant les grands affrontements qui déchirèrent la SFIO au moment de Munich et au congrès de Montrouge (décembre 1938). Le sens de son engagement était cependant des plus clairs. Son dernier article, publié par Le Populaire la veille de sa mort, le 10 septembre 1938, s’intitulait : « La cause de l’Espagne et celle de la Tchécoslovaquie sont étroitement solidaires ». Après une charge contre les « conseils abjects » de nos « capitulards » (Flandin, Bonnet, Barthélemy…), il en appelait à « l’unité culturelle de l’Europe brisée par la répudiation dans les barbares pays fascistes de toutes les valeurs morales qui constituent notre civilisation moderne ». Les dernières lignes condamnaient à l’avance les accords de Munich :
« En dehors de toute préoccupation démocratique et prolétarienne, en dehors du souci éminent de défendre la cause – indivisible – de la Liberté et de la Démocratie dans le monde, les citoyens de France et d’Angleterre ayant simplement le souci élémentaire de la sécurité de leur pays, ne feront-ils pas enfin entendre avec force, voire avec rudesse, à leurs gouvernements, dupés ou complices de ceux que Julien Benda appelle “les États carnassiers” qu’ils n’entendent pas se laisser dévorer ? »
Notes de bas de page
1 J. Longuet, « Pensez internationalement », Le Soir, 21 octobre 1928.
2 CF. A. Bergounioux et G. Grunberg, L’Ambition et le Remords, Fayard, 2005, qui reprend et renouvelle le Long Remords du pouvoir (Fayard, 1992).
3 Congrès fédéral de la Seine, Le Populaire, 13 janvier 1930.
4 Congrès extraordinaire des 1er et 2 juin 1924, Le Populaire, 2 juin 1924. De même, Conseil national des 14 et 15 avril 1925, Le Populaire, 20 avril 1925.
5 J. Longuet, « Un grand espoir européen, la victoire du Labour », Le Populaire, 31 janvier 1929.
6 J. Longuet, « Un don de 125 millions pour la science », Le Populaire, 21 octobre 1936.
7 Ainsi l’économiste E. F. Wise (1885-1933), député travailliste de Leicester auquel Longuet rendit hommage dans Le Populaire du 14 novembre 1933.
8 La Nouvelle Revue socialiste, 9, 15 août-15 octobre 1926.
9 Le Populaire, 26, 27, 29 juin, 1er et 2 juillet 1930 et « Ce que le Labour a fait contre le chômage », id., 25 avril 1931.
10 J. Longuet, « Le « diagnostic » du chômage » et « Comment fonctionne l’assurance-chômage », Le Populaire, 1er et 2 juillet 1930.
11 L. Blum, « Stupeur ! », Le Populaire, 25 août 1931.
12 J. Longuet, « Vive la Suède rouge ! », Le Populaire, 28 septembre 1932.
13 J. Longuet, « La belle victoire des socialistes danois », Le Populaire, 25 octobre 1935.
14 J. Longuet, « Ce que les socialistes ont fait en cinq mois en Nouvelle-Zélande », Le Populaire, 14 mai 1936.
15 Cf. M. Nouschi, « Georges Boris, analyste de la crise économique », Le Mouvement social, 115, avril-juin 1981.
16 « Beaucoup d’hommes de gauche étaient attachés […] à l’étalon-or […] le slogan (de la gauche) le plus fréquent était : ni dévaluation, ni déflation » (P. Mendès France, colloque Léon Blum chef de gouvernement, 1965, Presses de la FNSP, 1967/1981).
17 J. Longuet, « Un gouvernement socialiste a éliminé le chômage », Le Populaire, 5 décembre 1935. Longuet insiste sur l’intérêt de l’expérience avec un surtitre appuyé : « Du Nord nous vient la lumière ».
18 Cf. M. Margairaz, « Les socialistes face à l’économie et à la société en juin 1936 », Le Mouvement social, 93, octobre-décembre 1975, p. 103, rend implicitement hommage à Longuet : « Le Populaire est un des seuls quotidiens à informer ses lecteurs de manière sérieuse sur des expériences économiques étrangères telles que le New Deal ou la dévaluation du gouvernement Van Zeeland. »
19 J. Longuet, « Après l’alignement. La justification de l’expérience », Le Populaire, 28 septembre 1936.
20 J. Longuet, « L’élection présidentielle des États-Unis » et « La poussée socialiste aux États-Unis », Le Populaire, 8 et 12 novembre 1932.
21 J. Longuet, « Upton Sinclair et son étonnante campagne de Californie », La Nouvelle Revue française, 1er février 1935.
22 J. Longuet, « Le président Roosevelt à l’œuvre » et « Roosevelt ambassadeur de la paix », Le Populaire, 29 novembre et 1er décembre 1936.
23 J. Longuet, « L’Internationale à l’œuvre », Le Populaire, 15 juillet 1924.
24 J. Longuet, « Donnez ses libertés au peuple de Syrie ! », Le Populaire, 31 mai 1936.
25 J. Longuet, « Karl Marx et la Pologne », préface à La Question polonaise devant l’Assemblée de Francfort, op. cit.
26 Jean Longuet, « Pour l’indépendance du peuple syrien », le Populaire, 21 mars 1928.
27 De 1861, en fait. Le « Petit Liban » correspondait au Liban à majorité maronite et druze de la montagne, donc sans les régions de la Bekaa, ni des extrêmes nord et sud de l’actuel Liban. La carte la plus accessible se trouve dans N. Picaudou, la déchirure libanaise, Bruxelles, Complexe, 1989, p. 259.
28 J. Longuet, « Donnez ses libertés au peuple de Syrie ! », le Populaire, 31 mai 1936.
29 Le Populaire, 25 juin 1936 ; G. Oved, « Jean Longuet et l’anticolonialisme », dans Jean Longuet, la conscience…, op. cit. ; entretien avec Robert-Jean Longuet, 13 juin 1984.
30 Merci à Catherine Fhima pour son aide experte et amicale.
31 Marc Jarblum (1887-1972), fondateur de Poale Sion en 1913 a donné son témoignage sur cette rencontre dans le mouvement social, 52, juil.-sept. 1965. Cf. C. Nicault, la france et le sionisme, Calmann-Lévy, 1994 (issu d’une thèse d’État, Paris I, 1985).
32 Ainsi la Palestine nouvelle, 6, 15 mars 1919, publiait une lettre de l’émir Feisal du Hedjaz qui exprimait sa sympathie pour le mouvement sioniste, souhaitait aux Juifs « bienvenue à leur rentrée chez eux » et estimait qu’il y avait place pour les mouvements nationaux arabes et juifs en Syrie, car aucun des deux n’était « impérialiste ».
33 Cf. G. Oved, la Gauche française et le nationalisme marocain, 2 t., L’Harmattan, 1984.
34 Cf. G. Oved, op. cit., I, p. 380 et II, p. 392, et entretien avec Robert-Jean Longuet, 10 janvier 1985.
35 Cf. G. Oved, op. cit., II, p. 319-320. La lettre d’Yves Farge était du 14 février, l’intervention de Renaudel du 28 juin, le délai d’intervention ne fut donc pas des plus courts, mais Longuet avait publié rapidement un article : « La civilisation au Maroc. Nos avions ont tué femmes et enfants », le Populaire, 18 février 1928.
36 Cf. M. H. Ouazzani, Combats d’un nationaliste marocain, 2 t., Fès, Fondation Mohamed Hassan Ouazzani, 1987.
37 Il présidait depuis 1923 la Ligue de l’enseignement. Il avait fait en 1931 la connaissance de Robert-Jean Longuet, lié par ailleurs à son fils.
38 François Albert quitta le comité de rédaction lorsqu’il fut nommé ministre du Travail, sans doute avec un certain soulagement, puisqu’il regretta l’absence de tout rôle effectif du comité de rédaction dans une lettre à Robert-Jean Longuet.
39 Des liens professionnels existaient entre Bergery et les Longuet. Bergery, avocat de Ford pour la France, déjeunait une fois par mois avec Robert-Jean Longuet car les Longuet étaient correspondants du cabinet Javitt défenseur des intérêts de General Motors.
40 Argila mourut en 1934, cf. Maghreb, 25-26, septembre-octobre 1934.
41 Los Rios fut remplacé en 1933 par le député socialiste de Madrid Melchior Marial. Pierre Viénot, député républicain-socialiste des Ardennes, avait refusé poliment de siéger au comité et Longuet avait découragé son fils de faire appel à des communistes pour ne pas accumuler les difficultés, cf. G. Oved, op.cit., p. 35.
42 Maghreb comptait mille à mille cinq cents abonnés et vendait près de cinq cents exemplaires au numéro, cf. G. Oved, op. cit., II, p. 374.
43 J. Longuet, « Quelle politique poursuivons-nous au Maroc ? », le Populaire, 1er novembre 1933.
44 Le dernier numéro fut le 31-32, janvier-février 1936. Le numéro précédent, 29-30, septembre-octobre 1935, avait été publié sous le titre de al atlas.
45 Le Socialiste marocain, 67, 22 juillet 1933.
46 Les réformes proposées se voulaient « réalistes et non subversives », elles prévoyaient notamment l’élection au second degré de municipalités, d’assemblées et d’un conseil national, les libertés fondamentales d’opinion et de réunion, des nationalisations, la reconnaissance de l’arabe comme langue officielle, un drapeau et un hymne national, des réformes dans la justice et l’enseignement (apprentissage du Coran, de la géographie et de l’histoire arabes…), etc.
47 Robert-Jean Longuet avait fait son stage d’avocat chez Campinchi qui fut aussi préfacier de son premier ouvrage : Comment devenir avocat, avantages et inconvénients d’une profession.
48 Les Jeunes Marocains arrêtèrent le financement de la revue, dont ils jugeaient l’efficacité trop limitée, cf. M. H. Ouazzani, Combats…, op. cit., p. 108. Robert-Jean Longuet publia par la suite un bulletin, l’informateur marocain (15 numéros du 20 juin 1936 au 24 novembre 1937).
49 Signèrent Magdeleine Paz, Andrée Viollis, Bracke, les Longuet, Challaye, Jourdain, Gide, Massignon, Maritain, Mauriac, Martin-Chauffier, Guéhenno, Rivet, Jean-Richard Bloch, Gabriel Marcel, Jean Hugo…, le Populaire, 7 novembre 1937.
50 35e congrès national tenu à Royan les 4, 5, 6, 7 juin 1938, compte rendu sténographique, p. 546-547.
51 J. Longuet, « L’internationale socialiste et les délégations à Genève », la nouvelle revue socialiste, 9, 15 août au 15 octobre 1926.
52 J. Longuet, « Pas de confusion », le Populaire, 8 septembre 1921.
53 Longuet avait visité le BIT en septembre 1930. Ce fut l’occasion pour les familles Longuet et Thomas de nouer de cordiales relations, après les difficultés de la guerre et de l’après-guerre et une brouille officielle consécutive à leur voyage concomitant aux États-Unis en 1923.
54 J. Longuet, « L’impasse capitaliste », le Populaire, 6 février 1921.
55 Cf. N. Racine, « Le parti socialiste (S.F.I.O.) devant le bolchevisme et la Russie soviétique », revue française de sciences politiques, 2, 1971.
56 J. Longuet, « La politique étrangère des Soviets », le Populaire, 29 septembre 1921.
57 J. Longuet, « Vers le blocus moral », le Populaire, 14 août 1922.
58 Le terme est fréquemment employé par André Pierre, chargé de la politique extérieure au Populaire, cf. A. Pierre, « La terreur rouge en Russie », le Populaire, 21 mars 1924.
59 J. Longuet, « Le problème de l’unité prolétarienne », la nouvelle revue socialiste, 5, 15 avril15 mai 1926.
60 J. Longuet, « L’impérialisme russe dans le Turkestan », le Populaire, 2 et 3 septembre 1928.
61 Congrès extraordinaire de la salle Huyghens, le Populaire, 27 décembre 1927.
62 J. Longuet, lettre à Jean-Richard Bloch, 3 février 1937, Bibliothèque nationale, Manuscrits, Papiers Jean-Richard Bloch, XXXIX.
63 Yang Kantao, « Les revendications du peuple chinois et l’action socialiste », la nouvelle revue socialiste, 14-15, 15 février au 15 avril 1927.
64 O. Rosenfeld, « Le Gal von Seeckt candidat » et « Le parti des déclassés », le Populaire, 11 et 19 août 1930.
65 O. Rosenfeld, « Un vote anticapitaliste », le Populaire, 16 septembre 1930.
66 J. Longuet, « Rudolf Breitscheid nous expose le caractère de la bataille électorale et la situation politique en Allemagne », le Populaire, 20 septembre 1930.
67 À la réunion de la salle Japy, le 15 octobre, pour la paix et le désarmement, compte rendu, le Populaire, 19 octobre 1930.
68 Le Populaire, 31 janvier 1933.
69 Titres des deux articles, non signés, du Populaire, 13 et 14 mars 1933.
70 Les articles de Daniel Guérin furent publiés du 25 juin au 13 juillet 1933, ils servirent de base à son livre, Fascisme et grand capital.
71 « Cet Hitler, M. Bertrand de Jouvenel n’a regardé ses mains que pour en admirer la finesse et l’élégance » dans J. Longuet, « M. Hitler est “pacifiste” et “francophile” », le Populaire, 29 février 1936 et « George Lansbury chez Adolf Hitler », le Populaire, 19 avril 1937.
72 Lettre à Jean-Richard Bloch, 3 février 1937, op. cit.
73 Chambre des députés, séance du 25 février 1936.
74 Fabra Ribas devint directeur du Travail, puis sous-secrétaire d’État au Travail dans les premiers gouvernements républicains après 1931.
75 Le Populaire, 10, 11, 13, 17 avril 1930. Longuet avait déjà traversé l’Espagne pour se rendre au Portugal en octobre 1929.
76 Cf. la création déjà évoquée des Amis de l’Espagne, le Populaire, 15 novembre 1934.
77 32e congrès national, 30 mai au 2 juin 1936, op. cit., p. 60-65.
78 E. Labrousse, « Sur les jugements de l’histoire », Cahiers léon Blum, 2-3, 1977-1978.
79 La réunion déterminante fut celle du conseil de cabinet du 7 août dont les conclusions furent confirmées le lendemain.
80 Outre les travaillistes, il rencontra la duchesse d’Atholl, conservatrice antifasciste, le dirigeant libéral Sinclair, Churchill et H. G. Wells (R.-J. Longuet, Karl marx, op. cit., p. 202).
81 Cf. G. Oved, op. cit., p. 176-177 ; M. H. Ouazzani, Combats…, op. cit., p. 72-87.
82 Longuet assista aux réunions du Bureau les 16, 17 et 24 juin, 16 septembre 1937 et 15 janvier 1938, et du comité exécutif les 25 et 26 juin 1937 et 16-17 janvier 1938.
83 Lettre à Jean-Richard Bloch, 3 février 1937, op. cit.
84 J. Longuet, « Plus de corps expéditionnaires en Espagne », le Populaire, 9 janvier 1937.
85 J. Longuet, « L’Angleterre et ses volontaires », le Populaire, 14 janvier 1937.
86 34e congrès tenu à Marseille du 10 au 13 juillet 1937, compte rendu sténographique, Parti socialiste, 1937, p. 77.
87 Ibid., p. 451.
88 Cf. J. Rabaut, tout est possible ! les « gauchistes » français 1929-1944, Denoël/Gonthier, 1974.
89 J. Longuet, « L’Espagne républicaine et la S.D.N. », L’Espagne socialiste, 5, 1er-15 juin 1937, et « La sinistre farce ne peut plus continuer », ibid., 9, 15 octobre au 1er novembre 1937.
90 U. Sinclair, no Pasaran, Librairie du Populaire, 1937.
91 J. Longuet, « Mise au point », la Bataille socialiste, 17 février 1938. La divergence entraîne l’éclatement du CASPE, cf. T. Hohl, À gauche ! la gauche socialiste 1921-1947, EUD, 2004.
92 J. Longuet, « Les Barbares chez Mozart, l’abaissement de toutes les valeurs morales et humaines », le Populaire, 3 mai 1938.
93 35e congrès tenu à Royan du 4 au 7 juin 1938…, op. cit., p. 195-204.
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