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Défense et colonies dans le mode atlantique

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David Plouviez

Première partie. Les colonies, territoire d'une pensée stratégique ?

La guerre de course et la défense de la Martinique pendant la guerre de Succession d’Autriche

The privateering war and the defense of Martinique during the War of Austrian Succession

Patrick Villiers

Résumé

Trop souvent confondue avec la piraterie, la course antillaise a bel et bien existé de Louis XIV à Napoléon Ier. Trop d’archives ont malheureusement disparu. Tel n’est pas le cas pour la guerre de Succession d’Autriche (1744-1748) et la course à la Martinique. J’ai pu quantifier les corsaires mais également leurs prises. Il apparaît ainsi que la course à la Martinique s’approche en valeur des deux premiers ports corsaires de France : Dunkerque et Bayonne. Si la taille des corsaires martiniquais et leur mise hors les apparentent aux Dunkerquois, cette course est fondamentalement une course de la survie pour l’île et ses habitants.

Texte intégral

  • 1 Hrodej P., Jacques Cassard : armateur et corsaire du Roi-Soleil, Rennes, Presses Universitaires de (...)
  • 2 Buchet Ch., Nerzic J.-Y., Marins et flibustiers du Roi-Soleil : Carthagène 1697, Paris, Aspet, Pyré (...)

1Pendant la Révolution et l’Empire, de 1793 à 1810, la course joue un rôle essentiel dans les colonies, principalement à la Guadeloupe, où Victor Hughes s’en sert pour maintenir la présence française en dépit de la quasi-disparition des vaisseaux de ligne de la marine et dans l’océan Indien avec les exploits des corsaires de l’île de France et de la Réunion. Toutefois, cette course coloniale n’est pas née de la Révolution puisqu’elle existe déjà pendant les guerres de Louis XIV et sous les règnes de ses successeurs. Les grandes lacunes des archives coloniales ont conduit beaucoup d’historiens à la passer sous silence mais les travaux de Philippe Hrodej sur Cassard1 et de l’amiral Nerzic sur Pointis et l’expédition de Carthagène2 viennent renouveler notre approche de ce phénomène pour la période moderne.

2Au reste, pour la guerre de Succession d’Autriche, la course joue un grand rôle dans l’économie des petites Antilles et à Saint-Domingue, mais les archives disponibles ne permettent d’étudier avec précision que la Martinique. De 1744 à 1748, la chute du commerce colonial français est indéniable (tableau A).

  • 3 Archives nationales (désormais AN), F12 1834/A, Tableau général contenant la progression annuelle (...)

A. Commerce colonial de la France de 1743 à 1749 (en milliers de livres)3

A. Commerce colonial de la France de 1743 à 1749 (en milliers de livres)3
  • 4 Pour l’organisation des convois, voir ma thèse : Villiers P., Marine royale, corsaires et trafic d (...)

3Pendant la guerre, sur le plan du commerce général comme pour les îles et colonies françaises de l’Amérique, les entrées et les sorties régressent, sans cependant s’arrêter ; seul le commerce avec la Guinée, c’est-à-dire celui de la traite, cesse presque totalement. La moyenne des sorties des cinq années de guerre vers les colonies (traite non comprise) par rapport aux cinq années de paix précédentes présente une baisse de 19,4 % et celle des entrées en provenance des colonies françaises de 41 %. Cependant, dans les deux cas le commerce ne s’est pas interrompu4.

4Dès le début de la guerre, de nombreux corsaires ont été armés aux Antilles. Champigny, gouverneur des îles du Vent, le signale à Maurepas le 20 mai 1744 tout en prévenant le ministre que ces derniers ne sont pas là pour protéger le commerce marchand à la place des vaisseaux du roi absents des eaux de Saint-Domingue :

  • 5 Archives nationales d’outre-mer (désormais ANOM), Aix-en-Provence, fonds Colonies (désormais COL) (...)

« La protection que vous nous demandez d’accorder au commerce ne peut dépendre que des vaisseaux que vous enverrez car je ne dois pas vous laisser ignorer que nous ne devons pas nous promettre de tirer aucun avantage pour escorter les navires marchands dans les débouquements des corsaires qui seront armés à la Martinique. L’avidité du gain faisant le principal objet de ces armements, nous n’avons pas lieu de nous flatter que nous puissions engager les armateurs à exposer leurs batteaux à être enlevés en leur faisant faire des opérations toutes différentes de celles qu’ils se sont proposés5. »

5Champigny rappelle ici que le but des armateurs corsaires est de faire des prises et non d’escorter les marchands. Le 5 octobre suivant, ce même Champigny se plaint des corsaires anglais et de leur audace :

  • 6 Ibid., fo 69. ANOM, COL C8 B21, États de commerce entre la France et les Isles du Vent 1744-1749.

« Nous allons nous trouver incessamment sans aucun bateau dans ce pays par le grand nombre de corsaires que les ennemis ont dans ces mers, fort supérieur aux nôtres qui n’ont pour ainsi dire encore rien fait, étant armés de mauvais matelots déserteurs de nos vaisseaux, peu de munitions de guerre et sans quelques uns de nos créoles qui se battent comme des lions, nous les aurions presque perdus6. »

6Tout en apportant des renseignements précieux sur l’origine des matelots, souvent des déserteurs des navires du roi, cette lettre reste bien vague à propos des corsaires. Ceux-ci se retrouvent dans les registres des gouverneurs des Antilles, d’où l’intérêt majeur de la correspondance de Caylus, gouverneur de la Martinique et de la Guadeloupe au cours des années 1744-1748, qui détaille le rôle des corsaires de la Martinique. Caylus a envoyé de nombreux états statistiques qui ont été en partie conservés. Dès lors, la question mérite d’être posée : la course a-t-elle joué un rôle prépondérant dans l’économie martiniquaise pendant la guerre de Succession d’Autriche ?

B. Relations commerciales de la Martinique et de la Guadeloupe pendant la guerre de Succession d’Autriche

B. Relations commerciales de la Martinique et de la Guadeloupe pendant la guerre de Succession d’Autriche

ESSAI DE QUANTIFICATION DE LA COURSE À LA MARTINIQUE

7On trouve de nombreuses traces de la course dans la correspondance entre les gouverneurs des Antilles et les autorités françaises mais les seules statistiques détaillées de cette activité aux Antilles subsistant pour les règnes de Louis XV et Louis XVI concernent la Martinique pendant la guerre de Succession d’Autriche. À quelques exceptions près, la course aux Antilles ne se retrouve pas dans les documents de la course métropolitaine, notamment dans les états récapitulatifs ou dans les documents de synthèse. Les états concernant la course coloniale sont assez disparates mais permettent cependant une première approche quantitative :

  • 7 ANOM, COL C8B 21, État des prises anglaises conduites en la rade de Saint-Pierre. Outre les trois (...)

C. Prises conduites à la Martinique, 1744-1747 (en livres coloniales)7

C. Prises conduites à la Martinique, 1744-1747 (en livres coloniales)7
  • 8 En 1746, les résultats ne concernent que les 9 premiers mois.

Note 88

8Les états envoyés au ministre ne précisent pas si les valeurs sont exprimées en livres coloniales ou en livres de France mais il est vraisemblable que la livre coloniale ait été l’unité retenue. Il faut donc minorer d’environ 33 %. Les chiffres du dernier trimestre 1747 manquent ainsi que ceux de 1748. En se fondant sur la correspondance, on peut admettre que ces résultats devraient être majorés d’environ 50 prises pour un total de 2 millions de livres. On atteindrait ainsi un total supérieur à 13 millions en monnaie coloniale soit 10 millions de livres tournois pour plus de 350 prises.

9Il faut souligner que ne sont comptabilisés que les navires conduits à Saint-Pierre de la Martinique et jugés de bonne prise par le tribunal de cette ville. Les prises faites par les vaisseaux du roi ne sont pas comprises ici. Il s’agit donc d’une estimation minimale. Ainsi, un navire négrier anglais chargé de 345 esclaves pris par les corsaires martiniquais mais conduit aux Cayes Saint-Louis y est vendu pour 250 000 livres et apparaît dans les ventes des corsaires de Saint-Domingue. Deux autres négriers pris par des corsaires martiniquais chargés respectivement de 204 et 202 esclaves sont vendus à la ville espagnole de Santo-Domingo pour 19 000 et 18 000 piastres.

10D’après les estimations que j’ai proposées dans ma thèse, de 1744 à 1748, Dunkerque aurait fait 176 prises et 138 rançons pour une valeur totale de 12 millions de livres tournois tandis que Saint-Malo réaliserait 315 prises et 23 rançons pour une valeur variant entre 9 et 12 millions de livres tournois. Dans ces conditions, l’activité corsaire de la Martinique apparaît comme équivalente aux deux premiers ports métropolitains.

11Cette importance se lit également en comparant le nombre de campagnes. Dunkerque arme 28 corsaires en 1744 puis 15 navires en 1748 ; Saint-Malo 28 puis 13 et Bayonne 11 puis 27. À la Martinique, seuls les corsaires ayant fait au moins une prise sont connus. Les corsaires bredouilles et ceux capturés n’ont apparemment pas fait l’objet de recensement connu. On ne peut donc établir que le tableau suivant :

  • 9 ANOM, COL C8 A 58, fo 35, État des corsaires de la Martinique actuellement existant qui sont ou mo (...)

D. Armements victorieux en course à la Martinique, 1744-17479

D. Armements victorieux en course à la Martinique, 1744-17479

12La course à la Martinique ne cesse de prendre de l’ampleur à partir de 1744, avec un pic en 1746, mais elle se maintient à un niveau élevé en 1747 et au début de l’année 1748.

  • 10 Ibid., Caylus à Maurepas, fo 36, 10 mars 1748.

13Une lettre du gouverneur Caylus donne le nombre des corsaires en mer ou en armement à Saint-Pierre au 10 mars 1748 qui permet en outre de connaître leur type et leur puissance de feu10 :

E. État des corsaires de la Martinique au 10 mars 1748 en fonction du nombre de canons

E. État des corsaires de la Martinique au 10 mars 1748 en fonction du nombre de canons

14Tous ces corsaires sont également armés de pierriers, petits canons tirant des boulets en pierre. Les plus petits corsaires en portent 4 à 8. L’artillerie de ces navires martiniquais est donc dérisoire. Champigny en a donné une des causes principales, avec la difficulté à trouver poudre et boulets. Tout vient de métropole ou provient de prises antérieures. De ces 27 corsaires, 17 naviguaient en 1747. Neuf des 30 corsaires ayant fait au moins une prise en 1747 ne sont plus notés en 1748 sans que l’on puisse savoir s’ils ont été capturés ou si leurs armateurs leur ont donné une nouvelle affectation. Aucun état n’existe du nombre des corsaires martiniquais capturés mais il semble qu’en dépit du blocus étroit de l’île par les escadres anglaises les cas aient été limités. L’explication principale se trouve dans l’inadaptation des vaisseaux et frégates de guerre anglais incapables d’intercepter des bâtiments rapides aux équipages connaissant admirablement la côte.

15Les corsaires martiniquais utilisent exclusivement deux types de bâtiments : les goélettes et les bateaux. La goélette est un bâtiment à deux mâts pouvant dépasser les 200 tonneaux mais à la Martinique, les 8 goélettes recensées sont de faible tonnage et leur armement varie de 2 pierriers à 6 canons. Le bateau, dont le dérivé européen est le cutter ou cotre, n’a qu’un seul mât mais les Martiniquais, à l’imitation des Nord-Américains, leur donnent un tonnage élevé. Ici, l’armement va de 2 canons et 2 pierriers à 12 canons et 18 pierriers pour les plus grosses unités. À partir de divers recoupements, on peut estimer que les corsaires de moins de 2 canons avaient un tonnage de 10 à 25 tonneaux, ceux de 2 à 6 canons variaient de 25 à 50 tonneaux, les autres de 50 à 80 tonneaux. Seul le Rubis de 12 canons dépasse probablement 100 tonneaux.

16La goélette et le bateau sont des types de navires spécifiquement nord-américains et antillais. Il s’agit de bâtiments extrêmement rapides et très toilés, construits pour la plupart en Nouvelle-Angleterre. Pendant la paix, ces bâtiments étaient employés au cabotage et à l’interlope tandis qu’au moment de la guerre, les armateurs corsaires les achetaient dans les îles neutres ou utilisaient les meilleures prises à la course. Au nombre de ces prises se trouvent cinq corsaires de la Barbade et d’Antigua qui ont été réemployés sous pavillon français. En mars 1748, Caylus estime à 3 000 hommes le nombre total des marins montant les corsaires de la Martinique mais il met en doute leur capacité à attaquer les grands navires hollandais :

  • 11 Ibid.

« Les navires que cette nation envoyent dans les colonies sont d’un port considérable et bien armés et il ne faut pas douter que dans cette occurrence ils n’augmentent leurs forces. Mes corsaires sont de faibles batteaux de 6 et 8 canons, de 40 à 80 hommes d’équipage, à la réserve de 3 ou 4 de 10 à 12 canons et de 120 à 130 hommes qui seraient les seuls en état d’attaquer des bâtimens aussi bien armés que les Hollandais11… »

  • 12 Villiers P., Marine royale…, op. cit., t. I, 2e partie, chap. iii, « La guerre de course en Atlanti (...)

17On sépare généralement les corsaires du Ponant en trois types. Le premier type regroupe les navires de moins de 50 tonneaux. L’équipage est réduit, moins de 50 hommes, le bâtiment navigue près de la côte, l’investissement est réduit et le capital d’origine locale. Le navire du deuxième type va de 50 à 200 tonneaux. Ici, le bâtiment est capable d’une certaine autonomie et a presque toujours été construit spécifiquement pour la course. L’investissement est conséquent et les actionnaires sont en partie étrangers au port. Certains nobles d’épée prennent des participations. Le troisième type peut atteindre la taille d’une corvette ou d’une frégate royale. L’investissement est très élevé et le capital comprend presque toujours des nobles de la cour. Ce dernier type très fréquent au temps des guerres de Louis XIV diminue au XVIIIe siècle12.

18Les corsaires antillais appartiennent aux premier et deuxième types. Ceux du premier type, ayant un équipage d’une quarantaine d’hommes, croisent dans les eaux martiniquaises et ne restent en mer que quelques jours consécutifs. Seuls ceux du deuxième type croisent au large d’Antigua ou de la Barbade, tentant d’intercepter les navires isolés au moment de l’atterrage aux îles du Vent et n’hésitant pas à croiser le long des côtes de l’Amérique espagnole. J’ai pu établir pour 1745 et 1747 un tableau mensuel des prises qui permet de mesurer la menace que les corsaires martiniquais faisaient peser sur le commerce anglais (page ci-contre en haut).

19Il n’existe plus à ma connaissance, du moins aux Archives nationales, de registres des congés en guerre vendus aux Antilles. Ainsi, il n’est pas possible de savoir s’ils ont été pris pour deux, trois ou quatre mois. D’après mes recoupements, les campagnes corsaires à la Martinique durent quatre mois, escales comprises, une durée identique à celles qui se déroulent à Saint-Malo ou Bayonne alors qu’à Dunkerque la campagne dure deux mois environ. Le nombre de corsaires simultanément en mer varie de cinq à quinze selon les mois. Exceptionnellement, certains mois, il y en eut une vingtaine mais la saison des ouragans d’août à octobre avait tendance à limiter les sorties des corsaires comme celles des marchands anglais.

20La plupart des corsaires martiniquais opèrent seuls mais quelques-uns naviguent en association, généralement par deux. L’armateur François Bacqué pratique cette tactique qui lui rapporte quelques belles prises mais les profits les plus élevés sont le fait des capitaines naviguant en solitaire.

  • 13 ANOM, COL C8A 56, État des corsaires… et l’ensemble de la correspondance Colonies de 1744 à 1748 ; (...)

F. Valeur mensuelle des prises conduites à Saint-Pierre de la Martinique, 1745 et 1747 (en livres coloniales)13

F. Valeur mensuelle des prises conduites à Saint-Pierre de la Martinique, 1745 et 1747 (en livres coloniales)13

LA RENTABILITÉ DE LA COURSE MARTINIQUAISE

21Les sources qui subsistent ne permettent qu’une approche globale. La correspondance officielle ne mentionne aucun exemple de mise hors de corsaire antillais ni de partage d’une campagne de course. Aucune source sur le dixième de l’amiral ou le 6 deniers pour livres des Invalides ne semble avoir été conservée. On ne peut donc faire qu’un classement par armateur et seulement jusqu’en octobre 1746.

G. Hiérarchie des armateurs martiniquais en fonction du montant des prises, 1744-1747 (en livres coloniales)

G. Hiérarchie des armateurs martiniquais en fonction du montant des prises, 1744-1747 (en livres coloniales)

22Le nombre des armateurs martiniquais apparaît extrêmement réduit. Il est clair que l’autofinancement joue un rôle essentiel dans la croissance de cette activité. L’année 1744 ne voit que 13 armements victorieux bénéficiant à 9 armateurs de Saint-Pierre plus un de la Guadeloupe. Six armements seulement dépassent 33 000 livres tournois. Ceux qui connaissent la réussite en 1744 tels que Desabaye, Canqueret ou Antheaume la retrouvent les années suivantes. Le nombre des armateurs augmente fortement en 1746, conséquence logique de l’augmentation du nombre et surtout de la valeur des prises.

23La cause principale semble résider logiquement dans le choix du type de corsaire. Ainsi, l‘étude des résultats de 1747 confirme que les navires les plus puissants firent les plus belles prises. En 1746, Caulonque possède deux corsaires de 10 canons et 14 pierriers chacun, le Parfait et la Parfaite. Desabaye arme la Réale de 8 canons et 16 pierriers et la Marie-Catherine de 6 canons et 6 pierriers. Canqueret arme le César de 8 canons et 12 pierriers. Le Parfait, le César et la Parfaite font les trois plus belles courses de 1746 avec un montant brut respectivement de 681 794 livres coloniales, 357 582 livres et 253 258 livres.

24Il faut cependant que la chance soit au rendez-vous. Dailhencq capitaine du Parfait n’engrange à sa deuxième campagne que 21 000 livres. Il commandait précédemment la Réale avec laquelle il avait fait 4 prises d’un montant brut de 189 260 livres. La réussite de ses campagnes résulte à chaque fois de la capture de bâtiments de grande valeur : trois valant respectivement 335 219, 138 911 et 114 539 livres en une seule course du Parfait, deux autres vendus 88 576 et 73 208 livres au profit de la Réale.

25La plus belle prise est faite le 2 avril 1747 par Desarnault qui captura l’Espérance valant 500 000 livres, un négrier selon toute vraisemblance. Son corsaire ne porte que 4 canons et 8 pierriers mais lors des deux courses suivantes il ne fera que 70 589 livres et 35 000 livres de prises.

26Cette irrégularité des résultats se retrouve chez tous les capitaines, cependant il est indiscutable que les corsaires de moins de 4 canons font en moyenne des prises de valeur beaucoup plus faible que celles des corsaires à l’armement supérieur.

27Les armateurs qui peuvent investir dans ces navires sont les mieux récompensés. Caulonque, absent en 1744 se lance dans l’armement corsaire en 1745 avec la Parfaite de 10 canons. Les deux campagnes de ce navire le placent au premier rang des armateurs en 1745. Réarmant la Parfaite et lui adjoignant le Parfait, armé lui aussi de 10 canons, Caulonque est encore premier en 1746. Desabaye a moins de réussite avec ses deux corsaires en 1745 mais l’année suivante le dédommage largement. L’absence de renseignements sur le montant des mises hors interdit toute analyse approfondie. On peut cependant remarquer que les corsaires martiniquais semblent avoir été réarmés plus souvent que les corsaires métropolitains. Ainsi, la Réale est armée 7 fois, la Marie-Catherine 7 fois et la Parfaite 6 fois. En mars 1748, sur les 28 corsaires recensés, quatre naviguent à la course depuis 1745 et 10 depuis 1746. Une telle longévité, très favorable aux intéressés à l’armement ne se retrouve qu’à Bayonne.

  • 14 Hayot E., Les gens de couleurs libres du Fort-Royal (1679-1823), Paris, Société française d’histoir (...)

28L’île souffrant du blocus, la course joue un rôle très important à la fois pour la population de l’île et en matière d’emploi. Le gouverneur de la Martinique, Caylus, note que les corsaires embauchent plus de 3 000 hommes. On imagine volontiers les dépenses qu’ils font dans les diverses tavernes et commerces de Saint-Pierre ou de Fort-Royal. Les équipages corsaires se composent souvent de déserteurs des navires marchands, désertions quelquefois encouragées par leurs propres capitaines qui n’avaient pas à payer de salaires à des marins désœuvrés attendant la formation d’un convoi. Il peut également s’agir de déserteurs étrangers. Caylus nota l’arrivée de plus de mille « flibustiers » extérieurs à la Martinique. Cependant, beaucoup étaient tout simplement les hommes d’équipage des caboteurs qui naviguaient en temps de paix entre la Martinique, la Guadeloupe, les autres îles des petites Antilles et l’Amérique espagnole. On note aussi la présence d’hommes de couleur libres et même d’esclaves qui pouvaient gagner leur liberté en cas d’action d’éclat. De nombreux patrons des petits caboteurs sont des descendants de mulâtres affranchis. Ce groupe social jouera un rôle décisif à la Guadeloupe en armant des corsaires pendant la Révolution et l’Empire14.

29La Martinique ne dispose pas de chantiers de constructions mais la réparation navale y est fort soutenue. La plupart des équipages ne reçoivent donc au début de la campagne que les deux mois d’avances réglementaires mais les jugements de prises semblent avoir été rendus très rapidement et les parts de prises distribuées presque aussitôt, condition essentielle pour un réinvestissement éventuel. D’un point de vue global, il semble que la course ait été beaucoup plus rentable à la Martinique, du fait des frais de mise hors et de campagne plus faibles qu’en métropole. Mais il n’existe aucun exemple de mise hors d’un corsaire antillais. On peut cependant admettre par comparaison avec la course métropolitaine que l’investissement y a été beaucoup plus faible qu’à Dunkerque ou à Bayonne. En conséquence, intéressés comme équipages ont eu indiscutablement de belles parts de prises à se partager.

L’ORIGINE DES PRISES CONDUITES À LA MARTINIQUE

30Le tableau ci-dessous permet une première analyse :

H. Origine géographique des prises conduites à Saint-Pierre de la Martinique de 1744 à octobre 1746 (en livres coloniales)

H. Origine géographique des prises conduites à Saint-Pierre de la Martinique de 1744 à octobre 1746 (en livres coloniales)

31Encore marginale en 1744, la course prend son essor en 1745 et devient une gêne incontestable pour le commerce anglais. Le détail par port permet de mieux mesurer quels furent les ports les plus frappés.

I. Géographie des prises par port d’origine des navires de 1744 à 1746 (en livres coloniales)

I. Géographie des prises par port d’origine des navires de 1744 à 1746 (en livres coloniales)

32Boston est le port le plus touché avec la prise de 30 navires d’une valeur totale de 761 493 livres. Viennent ensuite la Barbade et Antigua puis Bristol et Philadelphie, chacun d’entre eux ayant eu plus de 10 navires pris. Le tableau de la répartition des prises en valeur permet de mieux cerner le tort subi par les armateurs anglais :

  • 15 J’ai tenu compte de la surévaluation de la livre coloniale de 33 %, ce qui explique le choix du dé (...)

J. Bilan de la course martiniquaise de 1744 et 1747 en fonction de la valeur des prises (en livres coloniales)15

J. Bilan de la course martiniquaise de 1744 et 1747 en fonction de la valeur des prises (en livres coloniales)15

33Il faut rajouter à ce bilan les prises d’une valeur supérieure à 133 300 livres coloniales, une de 161 811 livres en 1744, une de 117 820 livres en 1745, cinq d’un total de 968 299 livres pour les neuf premiers mois de 1746 et sept en 1747 d’un total de 1 577 025 livres. Ces riches prises sont des gros navires chargés de vivres venant de Grande-Bretagne et des négriers. Les prises vendues de 33 601 à 133 300 livres sont pour l’essentiel des navires venant de Nouvelle-Angleterre, chargés de poissons : morues et maquereaux salés, nourriture particulièrement recherchée pour nourrir les esclaves.

34Les corsaires martiniquais se sont surtout attaqués au commerce le moins protégé : commerce entre les Antilles britanniques et commerce avec la Nouvelle-Angleterre. Le mauvais temps qui disperse souvent les convois et l’indiscipline des capitaines qui en sortent pour arriver les premiers au port et bénéficier des hauts cours ont été deux facteurs qui ont considérablement favorisé les prises des corsaires martiniquais. Le gouverneur Caylus a dressé pour Maurepas le bilan de cette course. Son jugement, qui porte sur les trois premières années peut être appliqué à l’ensemble de la guerre :

  • 16 ANOM, COL C8A 57, Caylus à Maurepas, 20 novembre 1746.

« Il vous sera facile de juger par cet état de quelle importance ont été pour la Colonie les secours que ces mêmes prises lui ont procurés et conséquemment d’exalter le zèle de ceux qui font la course en ces mers par les avantages qui en résultent. C’est la multiplicité seule de ces prises qui nous a procuré des vivres en assez grande quantité pour nous dédommager du peu que nous apportait le commerce de France et d’assez mauvaise qualité quant au bœuf16… »

35Caylus poursuit en soulignant la bravoure des Martiniquais :

  • 17 Ibid.

« Parmi les capitaines de corsaires dénommés dans cet État, il y a en a plusieurs qui ont fait ce qu’on peut appeler de belles actions et qui méritent récompense ; et entre autres, le sieur Discord, créole de naissance qui seul a deffendu contre un brigantin et deux batteaux corsaires anglais, trois bâtimens chargés de vivres qu’il convoyait à Sainte-Lucie… Le sieur Aulger de Bayonne a fait une résistance incroyable contre un senault du Roy anglais de 14 pièces de canons, une galiote armée en guerre et 13 chaloupes des vaisseaux de guerre détachées inutilement par l’amiral Townsend pour prendre ce bâtiment de quatre canons seulement que commandait ce corsaire que des forces supérieures avaient forcé de se retirer sous une petite batterie qui défend l’anse du Ceroit. Ne pouvant par moi-même récompenser ce brave capitaine comme je le désirais, j’ai acheté exprès un batteau que j’ai armé en course et dont je lui ai donné le commandement17… »

36Caylus concluait en demandant l’envoi de brevets du roi pour la campagne, des épées d’honneur et des médailles. En mars et octobre 1745, Auger commanda la Marie-Catherine puis la Réale en février de la même année, commandée précédemment par Dailhencq. Après un violent combat, Auger s’empara du Thomlison de Boston mais la prise, trop endommagée, coula deux jours plus tard. En 1746, il commanda à nouveau la Réale avec laquelle il fit trois prises. Auger passa en septembre sur le Ruby commandé précédemment par le chevalier Grenier, et fit deux captures dans ce seul mois.

37Discord fut un des premiers capitaines de la Martinique à devenir corsaire. Il fit trois prises en 1744, deux en 1745 et dix en 1746. Le député gouverneur anglais d’Antigua avait conquis l’île de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy avec seulement 300 hommes, pour la plupart corsaires. La Touche tenta en vain de les reprendre. Discord participa à l’attaque de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin avec les frégates du roi l’Amphitrite et la Mégère. Au cours de cette attaque, qui fut repoussée par les colons anglais, le capitaine corsaire Roulleau trouva la mort. Caylus parlait avec raison de la fierté et du courage des créoles de la Martinique. La Chevrottière, commandant le Saint-André, s’empara le 25 juin 1746 d’une goélette corsaire. Il en attaqua deux autres quelques jours plus tard en société avec la Parfaite, commandée par Balanqué, mais il trouva la mort au cours de ce combat qui dura plus de six heures. Audibert capitaine du Lévrier fut lui aussi tué en combattant une goélette corsaire ennemie. En 1746, de nombreuses plaintes s’élevèrent chez les Anglais contre la Royal Navy et son incapacité à protéger le cabotage et le grand commerce à Antigua ou à la Barbade.

38Les combats contre les navires marchands anglais furent très fréquents. Le contraste est frappant entre la correspondance de Guillot, commissaire aux classes de Saint-Malo qui se plaignait du manque d’esprit combatif de certains Malouins, et celle en provenance de la Martinique. On peut donc conclure à une efficacité indiscutable de la course martiniquaise sur le double plan du profit pour les actionnaires et celui des équipages. Par ailleurs, elle permit aux habitants d’éviter la disette. L’importance des prises faites en 1747 permit à l’île d’attendre l’arrivée du convoi du marquis de l’Estenduère. La vente des cargaisons des navires capturés et la distribution des parts de prises aux équipages profitèrent largement aux fonctionnaires, hommes de justice, prêteurs sur gages, commerçants et artisans de Saint-Pierre, et aux habitants des bourgades alentour en général. Il n’en alla pas de même pour l’économie de plantation.

  • 18 ANOM, COL C8B 21, Martinique, État des corsaires… ; COL C8A 57, Caylus à Maurepas, 29 décembre 174 (...)

39La guerre priva les planteurs de l’arrivée des captifs africains et du débouché régulier de leur production vers la France. Cependant, les corsaires martiniquais s’emparèrent de plusieurs négriers anglais et on peut estimer à 1 000 les captifs ainsi introduits de 1744 à 1747. Le 29 décembre 1747, 400 noirs pris par un corsaire furent vendus dans la matinée pour un prix moyen variant entre 1 200 et 1 300 livres. En 1748, la capture de deux négriers hollandais en amena plus de 80018. Ce nombre de captifs était bien inférieur aux besoins de la colonie, il en résultera un boom négrier bien connu après la guerre.

40Ainsi la course martiniquaise a joué un rôle essentiel dans l’économie de guerre de la Martinique. Les chiffres manquent pour les autres îles et pour les guerres suivantes mais il est incontestable que la course à la Martinique pendant la guerre de Succession d’Autriche anticipe le rôle qu’elle jouera à la Guadeloupe où à l’île de France pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire.

41Le profit n’en est d’ailleurs pas la motivation initiale mais la survie d’une île isolée de sa métropole.

Notes

1 Hrodej P., Jacques Cassard : armateur et corsaire du Roi-Soleil, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002.

2 Buchet Ch., Nerzic J.-Y., Marins et flibustiers du Roi-Soleil : Carthagène 1697, Paris, Aspet, Pyré-Graph, 2002.

3 Archives nationales (désormais AN), F12 1834/A, Tableau général contenant la progression annuelle de la valeur intrinsèque des marchandises étrangères de toutes espèces entrées en France comparée avec la valeur intrinsèque des marchandises de toutes espèces sorties pour l’Étranger formant la Balance du Commerce de la France avec l’Etranger depuis et compris l’année 1716, époque du travail ordonné par l’arrêt du Conseil du 29 février 1716.

4 Pour l’organisation des convois, voir ma thèse : Villiers P., Marine royale, corsaires et trafic dans l’Atlantique, Lille, ANRT, 2008, thèse à la carte, t. I, 2e partie.

5 Archives nationales d’outre-mer (désormais ANOM), Aix-en-Provence, fonds Colonies (désormais COL) C8 A 56, fo 41, Champigny à Maurepas (20 mai 1744).

6 Ibid., fo 69. ANOM, COL C8 B21, États de commerce entre la France et les Isles du Vent 1744-1749.

7 ANOM, COL C8B 21, État des prises anglaises conduites en la rade de Saint-Pierre. Outre les trois négriers mentionnés, de nombreuses notes en marge signalent des navires conduits à la Guadeloupe et à Saint-Domingue sans que la valeur en soit connue.

8 En 1746, les résultats ne concernent que les 9 premiers mois.

9 ANOM, COL C8 A 58, fo 35, État des corsaires de la Martinique actuellement existant qui sont ou mouillés en la rade de Saint-Pierre ou en course, ainsy que des noms des capitaines et de la quantité de canons et pierriers dont ils sont armés (1746 ne porte que sur les 9 premiers mois).

10 Ibid., Caylus à Maurepas, fo 36, 10 mars 1748.

11 Ibid.

12 Villiers P., Marine royale…, op. cit., t. I, 2e partie, chap. iii, « La guerre de course en Atlantique et en Manche sous Louis XV », p. 315-389.

13 ANOM, COL C8A 56, État des corsaires… et l’ensemble de la correspondance Colonies de 1744 à 1748 ; par corsaire victorieux, j’entends le nombre de corsaires ayant fait au moins une prise pendant le mois.

14 Hayot E., Les gens de couleurs libres du Fort-Royal (1679-1823), Paris, Société française d’histoire d’outre-mer, 1971. E. Hayot signale que la plupart des patrons de canot résidaient à Saint-Pierre. Si l’on en croit le père Labat, ces patrons de canot de couleur existaient dès la fin du XVIIe siècle. E. Hayot note l’existence prouvée de cinq nègres, un câpre et deux mulâtres, patrons de canot au Fort-Royal de la Martinique en 1786 (p. 38-39). Voir aussi Perotin-Dumon A., Être patriote sous les tropiques : la Guadeloupe, la colonisation et la Révolution (1789-1794), Basse-Terre, Société d’histoire de la Guadeloupe, 1985, p. 205-221. Anne Perotin-Dumon souligne l’importance des corsaires de la Guadeloupe qui se sont armés sans aucun soutien de la métropole par autofinancement à partir de 1793 selon un processus très proche de celui de la Martinique pendant la guerre de Succession d’Autriche.

15 J’ai tenu compte de la surévaluation de la livre coloniale de 33 %, ce qui explique le choix du découpage en valeur.

16 ANOM, COL C8A 57, Caylus à Maurepas, 20 novembre 1746.

17 Ibid.

18 ANOM, COL C8B 21, Martinique, État des corsaires… ; COL C8A 57, Caylus à Maurepas, 29 décembre 1747.

Table des illustrations

Titre A. Commerce colonial de la France de 1743 à 1749 (en milliers de livres)3
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Fichier image/jpeg, 104k
Titre B. Relations commerciales de la Martinique et de la Guadeloupe pendant la guerre de Succession d’Autriche
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/61889/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 167k
Titre C. Prises conduites à la Martinique, 1744-1747 (en livres coloniales)7
Légende Note 88
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/61889/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 48k
Titre D. Armements victorieux en course à la Martinique, 1744-17479
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/61889/img-4.jpg
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Titre E. État des corsaires de la Martinique au 10 mars 1748 en fonction du nombre de canons
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/61889/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 84k
Titre F. Valeur mensuelle des prises conduites à Saint-Pierre de la Martinique, 1745 et 1747 (en livres coloniales)13
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/61889/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 150k
Titre G. Hiérarchie des armateurs martiniquais en fonction du montant des prises, 1744-1747 (en livres coloniales)
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/61889/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 129k
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/61889/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 129k
Titre H. Origine géographique des prises conduites à Saint-Pierre de la Martinique de 1744 à octobre 1746 (en livres coloniales)
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/61889/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 78k
Titre I. Géographie des prises par port d’origine des navires de 1744 à 1746 (en livres coloniales)
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/61889/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 346k
Titre J. Bilan de la course martiniquaise de 1744 et 1747 en fonction de la valeur des prises (en livres coloniales)15
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/61889/img-11.jpg
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Auteur

Professeur émérite en histoire moderne à l’université du Littoral-Côte d’Opale. Fondateur du CRHAL (Centre de Recherches en Histoire Atlantique et Littorale), vice-président et trésorier de la Société française d’histoire maritime, avec deux thèses et ses nombreux ouvrages, il propose une relecture de l’histoire de la marine de guerre et de commerce sous l’Ancien Régime par l’histoire économique et l’architecture navale. Ses dernières publications (Jean Bart, corsaire du Roi-Soleil, La Fayette rêver la gloire et La frégate l’Aurore [1697-1715]) poursuivent cette démarche.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

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