Chapitre VII. L’épuisement professionnel ou burnout
p. 147-158
Texte intégral
1La notion d’épuisement professionnel ou de burnout s’ancre dans un contexte professionnel « postindustriel » où la pénibilité physique a eu tendance à décroître pour laisser place à la pénibilité psychologique, qui elle ne semble pas cesser d’augmenter. Le concept du burnout est né aux États-Unis dans les années 1970 (Bradley, 1969 ; Freudenberg, 1974 ; Maslach, 1976). Plusieurs définitions existent sur l’épuisement professionnel, toutes basées sur les descriptions faites par des personnes en ayant fait l’expérience plus qu’à partir de modèles théoriques (Maslach, Leiter et Schaufeli, 2008). L’épuisement professionnel est appréhendé comme la conséquence d’un stress professionnel (Truchot, 2015). Il peut être considéré comme la phase ultime du stress en un épuisement de l’organisme, tant physique que psychologique (Légeron, 2011).
L’épuisement professionnel : de l’émergence d’un concept à la définition tridimensionnelle d’un processus
L’évolution conceptuelle de l’épuisement professionnel
2Bien que le terme burnout ait été utilisé initialement par Bradley (1969), le burnout est pour la première fois décrit précisément par Freudenberger (1974). Ce dernier considère le burnout comme le syndrome de « la maladie du battant ». Pour Freudenberger (1974), le burnout est engendré par un engagement excessif en réponse à une trop grande demande. Dans son approche du burnout, Freudenberger fait état d’un individu submergé par ces émotions et prend essentiellement en compte des symptômes comportementaux pour le décrire (Truchot, 2015). Maslach (1976) identifie le fait de travailler avec d’autres comme une cause de burnout en se basant sur ses études avec des populations d’infirmier(e)s et d’avocat(e)s. À l’inverse de Freudenberger (1974) qui identifie surtout des causes personnelles à l’émergence de ce syndrome, Maslasch (1976) va plutôt s’intéresser aux causes de l’environnement de travail (Truchot, 2015). Le contexte organisationnel et ses caractéristiques joueraient donc un rôle important dans l’émergence de l’épuisement professionnel qui, de fait, ne peut pas être considéré comme une problématique exclusivement liée à des causes personnelles.
3L’épuisement professionnel correspond à une rupture d’adaptation qui résulte d’un déséquilibre à long terme entre les exigences du travail et les ressources dont dispose l’individu (Schaufeli et Buink, 1996) ce que nous qualifions, tout au long de cet ouvrage, de déséquilibre psychosocio-organisationnel. Cette définition n’est pas sans rappeler celle du « stress », l’épuisement professionnel est en fin de compte le nom donné à un « stress » émotionnel (Maslach et Jackson, 1984) extrêmement puissant et handicapant. Selon Pines (1993), l’épuisement professionnel est associé à l’écart entre les attentes des personnes et la situation. Pour Truchot (2015), le burnout tel qu’il est défini par Pines s’apparente alors à une incapacité à trouver une signification existentielle dans son travail.
4Pour Truchot (2015), l’épuisement professionnel est associé à des réactions émotionnelles (ex : angoisse, dépression), cognitives (ex : difficultés à se concentrer), motivationnelles (ex : perte d’intérêt pour son travail), comportementales (ex : isolement, cynisme), physiologiques (ex : diabète de type 2), si bien qu’il nuit à la santé et à la qualité de vie au travail. Truchot (2015) estime qu’il existe plusieurs formes d’épuisements professionnels et qu’il convient alors de le considérer comme un processus.
Une définition tridimensionnelle du processus de l’épuisement professionnel
5Selon Pines et Aronson (1988), l’épuisement professionnel est « un état d’épuisement physique, émotionnel et mental causé par l’implication à long terme dans des situations qui sont exigeantes émotionnellement » (p. 9). C’est une réponse inadaptée au stress professionnel chronique (Lee et Ashford, 1996) se traduisant par une augmentation des sentiments d’épuisement émotionnel, de dépersonnalisation et une diminution de l’accomplissement personnel. Le processus d’épuisement professionnel est donc constitué de trois grandes étapes (Cordes et Daugherty, 1993 ; Maslach et Jackson, 1984 ; Maslach et Leiter, 2011)
6La première est celle de l’épuisement émotionnel. La personne, trop engagée dans ses activités professionnelles, n’a plus d’énergie émotionnelle, sa vitalité physique est réduite et elle épuise peu à peu son capital énergie. Afin de pouvoir mener ses tâches à bien, l’individu va piocher dans ses ressources personnelles, qui n’étant pas illimitées, finissent par s’épuiser. Ainsi, la personne va se sentir vidée, au bout du rouleau, si bien qu’elle pensera ne pas avoir de moyens à disposition pour « recharger ses batteries ». En raison de ce manque d’énergie, la seule pensée de devoir affronter une nouvelle journée de travail lui est insupportable.
7La deuxième étape du burnout se traduit par un état de dépersonnalisation. Cet état est caractérisé par une attitude négative et détachée de la part de l’individu envers les personnes avec qui il interagit dans son contexte professionnel et qu’il finit par traiter comme des objets. Afin de protéger son capital énergie, qui devient au fur et à mesure de plus en plus précieux, l’individu va mettre en place spontanément des mécanismes de défense personnelle. Ainsi, des barrières émotionnelles entre lui, les personnes qui l’entourent et les situations susceptibles d’exiger trop d’énergie, seront mises en place. Ce détachement excessif est alors souvent accompagné d’une perte d’idéalisme.
8Le dernier stade est celui de la diminution du sens de l’accomplissement et de la réalisation de soi, que nous nommerons non-accomplissement personnel au travail (à l’instar de Lourel et Mabire, 2008). L’individu aura un regard particulièrement sévère et dévalorisant sur la plupart de ses réalisations et accomplissements, qu’ils soient personnels ou professionnels. La personne est démotivée, la confiance qu’elle a en elle-même ainsi que son estime de soi sont affectées et diminuent. Dans cette configuration, la personne est incapable de faire face à ces obligations professionnelles et peut souffrir d’états dépressifs.
9Selon Demerouti et al. (2001), les deux premières dimensions de l’épuisement professionnel (épuisement émotionnel et dépersonnalisation) sont davantage corrélées entre elles qu’avec le non-accomplissement personnel au travail. Les auteurs les considèrent alors comme centrales dans le syndrome d’épuisement professionnel.
L’épuisement professionnel : un processus touchant l’ensemble des travailleurs
10Si l’épuisement professionnel est clairement identifié comme affectant les métiers basés sur des contacts en face à face (Maslach et Leiter, 2011), Truchot (2015) estime qu’il ne peut leur être exclusivement associé et touche aussi les autres métiers. Nous admettons avec lui que l’épuisement professionnel a longtemps été considéré comme un syndrome psychologique spécifique aux professions « aidantes ». Cependant, aujourd’hui de plus en plus de métiers nécessitent une interaction avec un public (Maslach et Leiter, 2011) notamment à cause de la tertiarisation de l’économie. Des métiers de services de plus en plus nombreux imposent une efficacité et un contact direct avec la clientèle, les nouvelles technologies permettant (ou imposant) cette disponibilité (mail, téléphone, appel en visio, etc.). De plus, des modes de fonctionnement en équipe ou par projet sont de plus en plus favorisés, imposant davantage aux salariés de collaborer avec les collègues plutôt que de mener à bien leur activité de manière individuelle. De ce fait, l’émergence de l’épuisement professionnel tend à être de plus en plus importante au regard de la croissance de contextes de travail qui lui sont traditionnellement associés. Par conséquent, nous partons du point de vue que l’épuisement professionnel n’est pas uniquement spécifique aux professions dites aidantes mais touche l’ensemble des salariés, quelle que soit leur activité.
L’épuisement professionnel, une perturbation psycho-socio-organisationnelle plus qu’une faille individuelle
11Comme l’épuisement professionnel se manifeste au niveau des émotions et du comportement des individus, il est souvent associé uniquement à la personne, l’environnement professionnel n’étant alors pas mis en cause (Maslach et Leiter, 2011). Notons bien cette personnalisation presque culpabilisante du problème, comme c’est souvent le cas pour les perturbations PSO, que ce soit le harcèlement moral ou l’addiction au travail. Ainsi, les personnes épuisées professionnellement seraient en fin de compte défaillantes, que ce soit au niveau de leur caractère, dans leur comportement ou leur productivité. Maslach et Leiter (2011) constatent que « les psychiatres, les psychologues cliniciens et les travailleurs sociaux corroborent cette thèse, considérant le burnout comme un trouble psychiatrique qui serait du ressort de la thérapie individuelle » (p. 64). Ce constat alarme le chercheur et le praticien en désignant une vision trop psychologisante. Une telle explication psychologisante de l’épuisement professionnel alimente hélas une absence de remise en cause situationnelle et une telle vision – nonobstant le fait qu’il s’agit bien d’individus touchés – est lourde de conséquences dans la mesure où elle dédouanne les entreprises en les confortant dans l’idée que le problème est individuel.
12C’est justement parce que nous estimons que l’environnement professionnel a toute sa place dans l’émergence de l’épuisement professionnel, que nous le considérons comme une perturbation psycho-socio-organisationnelle. L’épuisement professionnel est une perturbation PSO, traduisant un déséquilibre du système PSO où se jouent des interactions complexes entre l’entreprise et son organisation, le salarié et ses caractéristiques, le collectif de travail et les comportements sociaux qui lui sont associés. Le RPSO est bien lié au fait qu’un nombre de facteurs de risques (surtout relatif à l’organisation du travail) entraîne une perturbation (un dommage tel que l’épuisement professionnel) dont les conséquences pourront être délétères sur la santé du travailleur, le collectif de travail ainsi que le fonctionnement de l’entreprise
13Maslach et Leiter (2011) estiment qu’à partir de leurs recherches approfondies, force est de constater que cette vision individualisant le problème est erronée, que l’épuisement professionnel n’est pas lié aux personnes elles-mêmes, mais à l’environnement de travail. Pour les auteurs, la structure et le fonctionnement de l’entreprise, ainsi que sa capacité à reconnaître l’aspect humain, sont déterminants sur la façon dont les personnes pourront réaliser leur travail et donc sur l’émergence de l’épuisement professionnel.
Les causes de l’épuisement professionnel
Les causes organisationnelles
14Certains auteurs ont volontairement identifié plutôt des causes organisationnelles de l’épuisement professionnel tels Maslach et Leiter (2011). Tout d’abord, l’intensification du travail, dans un objectif de productivité accrue par le contexte économique mondial. Décompresser sur son lieu de travail devient difficile, les salariés étant amenés à travailler plus dur du fait des réductions d’effectifs qui impactent la qualité de vie au travail. Le rythme de travail est également incriminé. Le travail demande davantage de temps, les semaines s’allongent et les nouvelles technologies qui sont parfois associées au travail, même en dehors de l’entreprise, épuisent les salariés. Des journées de travail longues et intenses se poursuivent parfois à la maison et la frontière entre la vie au travail et la vie hors travail est de plus en plus perméable. De plus, les emplois deviennent de plus en plus complexes du fait que les personnes réalisent plusieurs tâches simultanément. Dans certains cas, cela s’est associé à une réduction des effectifs, notamment dans le secteur public. Dans un contexte de crise, il n’est pas rare que l’on sollicite davantage les salariés alors que leur salaire stagne ou décroît. Les primes et autres avantages se raréfient alors qu’ils constituaient des facteurs d’implication et même de motivation vers l’atteinte des objectifs.
15Outre la complexité, le manque de contrôle sur son activité ainsi que l’impossibilité de prendre des décisions sur ce que l’on fait, peuvent faire perdre du temps aux salariés et surtout de l’intérêt, du sens dans leur travail. Cette perte de sens s’associe aussi à la perte de plaisir au travail. Pourtant, comme le remarquent Maslach et Leiter (2011), les individus compétents dans ce qu’ils font, apprécient le processus du travail : « ils éprouvent une agréable concentration d’attention et d’énergie qui crée une sorte de flux positif » (p. 87), que l’on peut associer à la notion de flow au travail (Csíkszentmihályi, 2006). Cependant, les changements de nature du travail et la surcharge empêchent les salariés d’éprouver ce sentiment de plaisir et d’aborder leur tâche avec plus d’efficacité.
16Également intimement lié aux changements dans le travail que la crise a induit, ou peut-être juste accéléré, le collectif de travail a beaucoup souffert ces dernières années. La perte de sécurité de l’emploi et l’importance excessive accordée au profit à court terme, qui exclut la considération pour les individus, ont ébranlé le collectif de travail et les relations interpersonnelles entre les salariés. Pourtant, le travail d’équipe reste courant alors même que l’esprit communautaire diminue et le sentiment d’isolement croît (Maslach et Leiter, 2011). Ce manque de communauté, de synergie qui est censé caractériser un groupe de travail au sein duquel confiance, franchise et respect mutuel devraient être les maîtres-mots est contre productif. Le groupe, supposé de travail, n’est en fait qu’un groupe d’individus « davantage susceptibles de se gêner mutuellement que d’améliorer leur performance en tant que groupe » (p. 92). Des conflits peuvent y naître et des problèmes d’équité s’installer en n’assurant plus au sein du groupe la confiance, la franchise et le respect. Ces trois éléments sont pour Maslach et Leiter (2011) nécessaires pour qu’une société soit juste.
17Toutes ces causes organisationnelles, non exhaustives, sont autant de facteurs possibles d’émergence de l’épuisement professionnel. Ce « portrait » que dressent Maslach et ses collaborateurs corrobore ceux de différents rapports relatifs au RPSO (Gollac et Baudier, 2009, 2011 ; Nasse et Légeron, 2008 ; Poisson, 2011). Ainsi, nous remarquons que ces différents éléments caractéristiques de l’épuisement professionnel, peuvent l’être aussi pour d’autres perturbations PSO. De fait, le RPSO est pluri-factoriel, un facteur de risque peut alors être associé à plusieurs perturbations et devenir prioritaire dans une démarche de prévention du RPSO.
Les causes individuelles
18Bien que nous réfutons la thèse d’un déterminisme « culpabilisant » d’une causalité directe entre, d’une part des caractéristiques personnelles, et d’autre part l’émergence de l’épuisement professionnel, force est de constater que plusieurs études ont montré des liens entre les deux. Nous distinguerons ici deux grandes catégories de caractéristiques personnelles pouvant être prises en compte, les caractéristiques génétiques et biographiques ainsi que les caractéristiques liées à la personnalité.
Les caractéristiques génétiques et biographiques
19Les caractéristiques génétiques font référence à des particularités des personnes telles que l’âge ou encore le sexe. Concernant le sexe, Truchot (2015) constate que les études sont parfois contradictoires sur la nature des liens existant entre les deux sexes et l’épuisement professionnel. Néanmoins, indirectement, la situation des femmes les expose potentiellement davantage à l’émergence de l’épuisement professionnel. En effet, selon Truchot (2015), les inégalités de répartition des tâches domestiques et familiales entre les sexes rendent la vie des femmes occupant un emploi plus difficile et plus stressant, comme le montre l’étude de Price et Spence (1994). Concernant le vieillissement au travail, Truchot (2015) estime que l’épuisement professionnel ne progresse pas nécessairement avec l’âge et l’ancienneté. En revanche, certaines études identifient un pic de l’épuisement professionnel au cours des trois premières années de travail. Ce constat peut, en partie, être expliqué par des caractéristiques liées à la personnalité des individus.
Les caractéristiques liées à la personnalité
20Parmi les caractéristiques individuelles identifiées dans la littérature, plusieurs traits de personnalité sont associés à l’épuisement professionnel. Parmi les cinq traits de personnalité du « big five » (Costa et McCrae, 1992), le névrosisme, surtout, est considéré comme un prédicteur de l’épuisement professionnel (Goddard, Patton et Creed, 2004 ; Truchot, 2015). Une autre dimension liée à la personnalité, les affects négatifs, sont aussi corrélés à l’épuisement professionnel (Iverson, Olekalns et Erwin, 1998 ; Zellars, Perrewé et Hochwarter, 1999). Enfin, d’autres facteurs liés à la personnalité des individus ressortent également. Précisons que ces facteurs sont des caractéristiques individuelles, qui à l’inverse des traits de personnalité, considérés comme indépendants des influences environnementales (McCrae et al., 2000), sont eux sensibles à l’environnement. Ainsi, pour Cordes et Dougherty (1993) certains facteurs individuels peuvent être interrogés lorsque l’on s’intéresse à l’épuisement professionnel comme les niveaux d’attentes (en termes de reconnaissance, d’avancement de carrière, de challenges professionnels, etc.) ou encore l’implication. Dans la même veine, Leroy, Machado, Desrumaux et Valléry (2015 à paraître) identifient l’estime de soi, Ntsame Sima, Desrumaux, Lemoine et Moundjiegout (2015 à paraître) l’assertivité.
Les facteurs interindividuels (conflits, harcèlement, absence de soutien)
21Au-delà de la personnalité, l’épuisement peut résulter de causes interindividuelles. Les relations « déséquilibrées, injustes, des conflits (harcèlement, agressions, violence) » (Truchot, 2015) ainsi que la présence ou non de soutien social sont des facteurs explicatifs importants. Ce déséquilibre peut alors être associé chez les personnes, à des comportements anti-sociaux qui peuvent impacter la charge de travail d’une personne, mais aussi l’isoler comme c’est le cas avec le harcèlement moral au travail. Notons que cette liste de facteurs n’est pas exhaustive (pour un chapitre détaillé, voir Truchot, 2015).
22Pour aller dans ce sens, une recherche récente (Desrumaux, Jeoffrion, Ntsame Sima et Djazayeri, 2 014 soumis) basée sur des analyses de régression multiples auprès de 431 participants français du Nord et des Pays de la Loire vérifie que le HMT résulte des injustices organisationnelles, de faibles soutiens et de croyances accrues en un monde sacrificiel dans le monde du travail. De façon inédite, les auteurs ont trouvé un enchaînement de deux risques majeurs puisque l’épuisement professionnel résulte d’un HMT, d’un faible soutien et d’une faible croyance en un monde juste.
Les symptômes de l’épuisement professionnel
23L’état d’épuisement professionnel se manifeste par de nombreux symptômes, mais aucune symptomatologie spécifique n’existe. Ce syndrome n’est dans aucun cadre nosographique clairement défini (Canouï et Mauranges, 2004 ; Freundenberger, 1987). À partir de différentes études (Freundenberger, 1974 ; Maslach, 1979), les symptômes peuvent être regroupés dans trois catégories, les symptômes physiologiques et physiques, les symptômes cognitifs et affectifs ainsi que les symptômes comportementaux.
Les symptômes physiologiques et physiques
24Les symptômes physiologiques et physiques peuvent être des troubles du sommeil, une fatigue chronique, des insomnies ou encore des douleurs diffuses chroniques. Ils réfèrent à la première composante de l’épuisement professionnel décrite par Maslach et Leiter (2011), celle de l’épuisement. Ce sentiment d’épuisement, de fatigue intense, de se sentir « vidé » est le symptôme physique le plus typique (Shirom, Melamed, Toker, Berliner et Shapira, 2005). Cette fatigue est chronique (Truchot, 2015), elle ne disparaît pas après une période de repos comme une fatigue temporaire que tout le monde peut connaître. L’épuisement professionnel se manifeste également par des troubles somatiques (Truchot, 2015). Douleurs musculo-squelettiques, mal de ventre et autres désordres psychosomatiques comme des ulcères sont lui sont associés (Truchot, 2015).
Les symptômes cognitifs et affectifs
25Selon Truchot (2004), les personnes victimes d’épuisement professionnel tolèrent moins bien les frustrations, ce qui peut entraîner de l’irritabilité, une sensibilité exacerbée ou encore de l’agressivité. La littérature énonce une grande diversité de symptômes cognitifs et affectifs : dysphorie, hypersensibilité, pessimisme, désespoir, cynisme, indécision, manque de concentration, tendance à tenir les autres et le système responsables des problèmes personnels, isolement et détachement émotionnel ou encore image négative de soi.
Les symptômes comportementaux
26Les symptômes comportementaux peuvent être purement individuels, tels que le développement de conduites addictives, en abusant de substances toxiques comme l’alcool ou la drogue. Ils peuvent également être liés aux symptômes cognitifs et affectifs exprimés sous forme de comportements d’agressivité, d’impulsivité ou de repli sur soi.
L’évaluation de l’épuisement professionnel
27Plusieurs instruments de mesure de l’épuisement professionnel ont été développés aux cours des trente dernières années. L’échelle de Maslach et Jackson (1986), le Maslach Burn-Out Inventory (MBI), l’échelle de Pines et Aronson (1988) ou encore l’échelle de Shirom et Melamed (2006), la Shirom Melamed Burnout Measure (SMBM) ou plus spécifiquement celle de Neveu (1996) destinée au milieu hospitalier. L’instrument de mesure de référence le plus largement utilisé est celui associé à l’auteur la plus reconnue sur le sujet, le Maslach Burnout Inventory (MBI).
Le Malach Burn-out Inventory (MBI)
28Se basant sur sa théorie de l’épuisement professionnel comme syndrome en trois dimensions (épuisement émotionnel, dépersonnalisation, non-accomplissement personnel au travail), Maslach développa le MBI dont plusieurs versions ont vu le jour. Il s’agit d’un questionnaire d’auto-évaluation composé de vingt-deux items (Maslach et Jackson, 1986) repartis dans les trois catégories : épuisement émotionnel (9 items), dépersonnalisation (5 items), non-accomplissement personnel au travail (8 items). Chaque item est évalué au regard de sa fréquence sur une échelle de 0 (jamais) à 6 (tous les jours). Chacune des trois échelles a un score renseignant le degré d’épuisement professionnel, sans que l’outil ne prévoit le calcul d’un score global. Les bornes en termes de scores, caractérisant le degré d’épuisement professionnel, ont été définies de manière arbitraire par Maslach et Jackson (1981). Les coefficients alpha de Cronbach sont satisfaisants pour les trois dimensions (.90 pour l’épuisement émotionnel ; .79 pour la dépersonnalisation ; .71 pour le non-accomplissement personnel au travail).
L’épuisement professionnel : perturbation psycho-socio-organisationnelle associée à un déséquilibre prolongé entre les demandes, les ressources et les moyens
29Pour résumer les différentes approches de l’épuisement professionnel, nous avons vu que pour de nombreux auteurs, l’épuisement professionnel est la conséquence d’un stress professionnel. Il peut être considéré comme la phase ultime du stress en un épuisement de l’organisme tant physique que psychologique (Légeron 2011). L’épuisement professionnel est clairement associé à la notion de déséquilibre. Il est engendré par un engagement excessif en réponse à une trop grande demande (Freudenberger, 1974), si bien que l’individu serait alors submergé par ces émotions. L’épuisement professionnel correspond à une rupture d’adaptation qui résulte d’un déséquilibre à long terme entre les exigences du travail et les ressources dont dispose l’individu (Schaufeli et Buink, 1996), ce que nous qualifions de déséquilibre PSO. Ainsi, à l’inverse de Freudenberger (1974), qui identifie surtout des causes personnelles à l’émergence de ce syndrome, Maslasch et Leiter (2011) vont plutôt s’intéresser aux causes de l’environnement de travail.
30En effet, le contexte organisationnel et ses caractéristiques jouent donc un rôle important dans l’émergence de l’épuisement professionnel qui, de fait, ne peut pas être considéré comme une problématique exclusivement liée à des causes personnelles. Plusieurs auteurs avancent que les facteurs organisationnels ont un poids important sur le développement des tensions au travail pouvant amener à l’épuisement professionnel (Cathébras, Begon, Laporte, Bois et Truchot, 2004 ; Gollac et Baudier, 2011 ; Gollac, Castel, Jabot et Presseq, 2006 ; Maslach et Leiter, 2011 ; Poisson, 2011). C’est justement en raison de ces interactions entre différentes sphères, organisationnelles, individuelles et sociales, parce que l’épuisement professionnel traduit un déséquilibre PSO, que nous considérons ce processus comme une perturbation psycho-socio-organisationnelle. Les perturbations PSO peuvent être associées à un déséquilibre entre les exigences, les ressources et les moyens pouvant entraîner à une forme de stress prolongé comme l’épuisement professionnel. Cependant, le déséquilibre du système PSO (organisation, individu, collectif de travail) peut également être dû à un investissement excessif et compulsif dans le travail pouvant amener à l’addiction au travail, ce qui fait l’objet du prochain chapitre.
Synthèse chapitre vii
Pour Freudenberger (1974), le burnout est engendré par un engagement excessif en réponse à une trop grande demande. À l’inverse de Freudenberger (1974) qui identifie surtout des causes personnelles à l’émergence de ce syndrome, Maslasch (1976) va plutôt s’intéresser aux causes de l’environnement de travail. L’épuisement professionnel correspond à une rupture d’adaptation qui résulte d’un déséquilibre à long terme entre les exigences du travail et les ressources dont dispose l’individu (Schaufeli et Buink, 1996). L’épuisement professionnel est en fin de compte le nom donné à un « stress » émotionnel (Maslach et Jackson, 1984) extrêmement puissant et handicapant. Selon Pines (1993), l’épuisement professionnel est associé à l’écart entre les attentes des personnes et la situation. Il est défini par Pines et Aronson (1988), comme « un état d’épuisement physique, émotionnel et mental causé par l’implication à long terme dans des situations qui sont exigeantes émotionnellement » (p. 9). Le processus d’épuisement professionnel est constitué de trois grandes étapes : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et le non-accomplissement personnel au travail (Maslach et Leiter, 2011). Maslach et Leiter (2011) estiment qu’à partir de leurs recherches approfondies, force est de constater que cette vision individualisant le problème est erronée, que l’épuisement professionnel n’est pas lié aux personnes elles-mêmes, mais à l’environnement de travail. Plusieurs instruments de mesure de l’épuisement professionnel ont été développés aux cours des trente dernières années. L’échelle de Maslach et Jackson (1986), le Maslach Burn-Out Inventory (MBI) est la plus usitée.
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