Les enfants de l'ombre
|Deuxième partie. Le temps carcéral : temps vides et temps pleins
Chapitre III. L’emploi du temps et les gestes du quotidien
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1Le législateur se préoccupe relativement tôt de la manière de juger les mineurs pénaux et des sanctions qui peuvent leur être infligées. Même si elles ne sont que peu appliquées dans un premier temps, les lois de 1850 ou de 1912 illustrent cette tendance. Mais, jusqu’en 1945, les politiques se soucient peu d’établir des règles spécifiques de conditions de détention des jeunes. Les colonies pénitentiaires puis les Maisons d’éducation surveillée captent seules l’attention des ministères responsables. La séparation des adolescents d’avec leurs aînés semble être la seule question, relative à l’aménagement de la vie quotidienne, soulevée au cours des débats des assemblées successives des xixe et xxe siècles. Le régime d’incarcération des enfants est donc globalement le même que celui des adultes : une journée composée d’une très grande part de temps morts, entrecoupés d’événements ponctuels planifiés en fonction d’horaires stricts. En fait, l’amélioration du régime de détention des mineurs dépend presque exclusivement de la volonté personnelle des directeurs d’établissements. Pendant la première moitié du xxe siècle, le quotidien carcéral ne change guère ni pour les adultes ni pour les mineurs. Quelques rares notes de services, dont les moins de 18 ans sont l’objet, font figures d’exception mais leur application effective est souvent invérifiable. Puis, Après-guerre, la réforme Amor, son objectif d’humanisation des conditions de détention et l’avènement du régime progressif entraînent quelques évolutions. L’indépendance de l’éducation surveillée décrétée la même année influe plus particulièrement encore sur le sort des mineurs. Circulaires et décrets se greffent, peu à peu, aux quatorze points édictés par le ministre de la Justice afin de préciser les adoucissements dont doivent bénéficier les adolescents emprisonnés. L’idée qu’il faut occuper en permanence les adolescents prisonniers devient une obsession. À l’image des pratiques de l’éducation surveillée, la direction des prisons tente divers aménagements de leur emploi du temps. Ces derniers doivent être constamment affairés, pris par des activités scolaires, professionnelles, sportives, culturelles… bref, éducatives. Ces nouveaux emplois du temps sont mis en pratique avec plus ou moins de succès. Ils sont entrecoupés par deux activités vitales dont ni l’administration pénitentiaire ni les détenus ne peuvent faire abstraction : manger et dormir. Ces gestes simples, voire primaires, prennent une importance fondamentale en prison et apparaissent bien plus compliqués à accomplir qu’il n’y paraît au premier abord.
Inactivité ou suractivité pour les jeunes détenus ?
Le rythme de la journée : la rigidité des horaires
- 1 Montaron J.-P.,« Réflexion.“On nous enfonce” »,in Enfants en prison, Paris, Eshel, 1990, p. 103.
« Après les formalités de l’arrivée en prison, le temps se fige dans des répétitions, se dilue dans l’attente.
Repas. Promenade. Repas. Extinction des feux. Jour après jour.
Étau des habitudes.
Parenthèse de l’attente.
Mise à l’écart1. »
- 2 Yvorel E., « Enfants et adolescents en prison “ordinaire” : incarcération des mineurs et statistiq (...)
- 3 Cornil P., « La réforme des prisons », Revue pénitentiaire et de droit pénal, janv.-mars 1962, p. (...)
- 4 Buffard S., « Y a-t-il une évolution de la prison ? », Réflexion du groupe multiprofessionnel de L (...)
- 5 Perrot M. (dir.), L’impossible prison : recherches sur le système pénitentiaire au xixesiècle, Par (...)
- 6 Fize M.,« L’impossible socialisation des jeunes dans des conditions de contraintes maximum : l’ex (...)
- 7 AN Fontainebleau, 960136, art. 94, « Note pour M. le Dir. du Centre Pénitentiaire de Saint-Martin- (...)
- 8 Art. D. 255 du CPP.
- 9 Les règlements intérieurs sont très complets mais peu distribués aux détenus jusqu’à la circulaire (...)
- 10 Montaron J.-P., Les jeunes en prison, « on nous enfonce », Paris, Seuil, 1977, p. 50.
2Dans bien des domaines, la prison semble immuable : les bâtiments utilisés à fin d’incarcération sont parfois les mêmes depuis plus d’un siècle ; la punition de cachot, le « mitard », est toujours d’actualité ; des barreaux ornent encore les fenêtres ; les dortoirs ne sont pas tous transformés en cellules et, à l’exception de la période de l’entre-deux-guerres2, la surpopulation carcérale est une constante et le manque de personnel en est une autre. Bref, la vie en prison connaît peu de changements structurels au cours du siècle. Et si de nombreux titres d’ouvrages de réflexion sur le système carcéral évoquent l’idée d’une évolution ou d’une réforme3, plus nombreux encore sont ceux qui se demandent : « Y a-t-il une évolution de la prison4 ? », pour conclure finalement à l’impossible prison5. Cette conclusion est prédominante dès que le cas des mineurs détenus est abordé6. L’un des exemples le plus démonstratif de l’immuabilité pénitentiaire est sans conteste celui des horaires. Fixés par le règlement intérieur de chaque établissement, ils sont souvent similaires à une demi-heure près. Ils établissent les heures du lever et du coucher, des repas, de la promenade, du travail et de l’extinction des feux. Cependant, en ce qui concerne les maisons d’arrêt, il n’est pas facile d’en trouver des exemplaires puisque, la plupart du temps, « la communication en est faite verbalement aux intéressés, chaque fois qu’il y a lieu7 ». Néanmoins, à partir de 1965, plusieurs règlements intérieurs qui définissent « les particularités du régime propre à l’établissement8 » sont mis à l’étude et informent enfin très précisément sur le rythme de la journée9. Les exemples proposés dans le tableau ci-après font apparaître la similitude des horaires entre les établissements, quelle que soit l’époque. Ainsi, les dîners de 1966 et de 1948-1952 ont lieu à trente minutes d’intervalle, les prisonniers d’aujourd’hui se lèvent à la même heure que les pupilles de la Petite-Roquette à la fin du xixe siècle. Cette constance et cette rigidité des horaires sont oppressantes pour les jeunes détenus à l’instar du sentiment exprimé par un adolescent de Fleury-Mérogis en 1972 : « J’ai le cafard rien que de penser à cette discipline, ces heures pour dormir, pour ce lever, pour manger10… » De plus, les journées sont particulièrement courtes et, par conséquent, les nuits, propices à l’angoisse, sont longues.
- 11 L’établissement détient alors entre un et neuf mineurs de 18 ans.
3Note111
- 12 L’auteur précise : « Au 6 octobre 1889, il y avait à la prison, 42 enfants en prévention, 61 jugés (...)
4Note212
- 13 AN Fontainebleau, 960136, art. 100, « Règlement intérieur type proposé par la direction régionale (...)
5Des « espaces-temps » minimums sont également prévus dans l’élaboration des emplois du temps. Ainsi, le règlement intérieur type de 1966 et le nouveau guide du prisonnier précisent qu’il est nécessaire de « prévoir un intervalle d’au moins six heures entre leurs deux principaux repas13 ». Ce souci, à première vue, prend en compte les besoins naturels et biologiques de l’être humain. Pourtant, en comparaison avec le rythme de la journée généralement pratiqué dans les foyers des Français libres, celui de la prison paraît bien décalé. Les détenus se lèvent aux aurores et se couchent « avec les poules ». En fait, ces pratiques sont exclusivement tributaires des nécessités du service et des horaires des fonctionnaires d’où un manque de malléabilité difficile à contrecarrer :
- 14 Ministère de l’Intérieur. Extrait du rapport présenté par l’inspection générale de AP, 1949-1950, (...)
« […] il fallait augmenter la journée du détenu. Celle-ci était généralement comprise entre le lever à 7 heures et le coucher à 19 heures, soit douze heures seulement alors que l’activité d’un homme normal, sous des formes diverses, est de 16 heures en moyenne.
L’emploi du temps des détenus ne pouvait être aménagé […] sans modifier par corrélation les horaires du personnel14. »
6Dans ce contexte chaque activité qui vient rompre la monotonie de la journée est la bienvenue. Au côté des efforts d’ensemble dirigés vers le régime de détention des prisonniers français, le gouvernement d’après-guerre s’attache plus spécialement à améliorer celui des plus jeunes. L’administration pénitentiaire, imitant l’éducation surveillée, développe alors, dans ses textes, un véritable programme d’occupation des jeunes détenus. S’il semble fonctionner à peu près correctement dans les institutions carcérales créées spécialement pour cette catégorie pénale, sa mise en place dans les maisons d’arrêt est bien plus aléatoire.
Occuper les jeunes, une obsession vaine de l’administration pénitentiaire dans les maisons d’arrêt : vers une amélioration des conditions de détention
- 15 Quincy-Lefebvre P., Famille, institutions et déviance. Une histoire de l’enfance difficile, 1880-f (...)
- 16 Pierre M., « Les prisons de la IIIe République », in Petit J.-G. (dir.) op. cit., p. 277.
- 17 Haussonville G. (dir.), op. cit., p. 326.
- 18 Ibid., p. 312-313.
- 19 Vimont J.-C., op. cit., 127 p.
7La pédagogie de l’éducation des jeunes, pendant longtemps, est marquée par une pédagogie de la méfiance qui se traduit par la mise en place d’un emploi du temps plein dans tout espace réservé à cette catégorie de la population : il faut occuper en permanence les adolescents afin de les préserver des « mauvaises pensées » et prévenir la fomentation de « mauvais coups ». Cette logique marque toute l’éducation des mineur(e)s des xixe et xxe siècles15. Or, l’une des singularités de la vie en prison est qu’elle est constituée de longs temps morts. Aussi retrouve-t-on dans les essais de réforme des prisons pour mineurs, une volonté de se rapprocher du modèle de remplissage du temps déjà largement pratiqué dans les lycées, les couvents et plus encore dans les « maisons de correction » où les colons « travaillent de 7 h à 11 h le matin, de 13 à 17 h le soir16 ». Les jeunes « difficiles » incarcérés dans les prisons « ordinaires » devraient donc être occupés de la sorte. En 1875, Gabriel d’Haussonville affirme au terme de son enquête sur les établissements pénitentiaires que « ce qui doit dominer le traitement des jeunes détenus, ce n’est pas l’idée de la répression pénitentiaire, c’est celle de l’éducation réformatrice17 ». L’idée n’est pas nouvelle. Il fait évidemment allusion au fonctionnement des colonies pénitentiaires, mais également aux prisons départementales où « la promiscuité est en quelque sorte la règle ; la séparation par quartier l’exception18 ». Cela implique que les enfants comme les adultes subissent la promiscuité, les privations et l’inaction due au chômage. L’administration pénitentiaire semble se concentrer uniquement sur la séparation des plus jeunes d’avec les plus âgés dans le cadre, entre autres, de « sa fièvre cellulaire19 ». Durant la première moitié du xxe siècle, malgré quelques adoucissements du régime de détention des mineurs pénaux, l’obsession de remplissage de l’emploi du temps des jeunes détenus demeure largement hypothétique. Ce n’est qu’à partir de la Seconde Guerre mondiale que la tendance générale à l’humanisation du régime de détention et à l’individualisation des peines touche particulièrement les moins de 21 ans et, par extension, les moins de 18 ans. Par souci d’occupation continue du temps, principe affirmé par l’ordonnance de 1945, de nombreux projets voient le jour dont ceux des prisons-écoles et des centres spéciaux d’observation de l’éducation surveillée. Cependant, dans les maisons d’arrêt, rien ne change réellement même si, sensibilisés par les nouveaux préceptes, certains directeurs de prison tâchent de faire bénéficier les mineurs de conditions de vie plus décentes, tel celui de Toulouse qui prétend organiser toutes sortes d’activités.
- 20 AN Fontainebleau, 960279, art. 26, Dossier n° 107, « Le surveillant chef de la MA de Toulouse à M. (...)
Document 2 – Emploi du temps des jeunes détenus de Toulouse en 194820

- 21 Ibid., « Le dir. de la circonscription pénitentiaire de Paris à M. le ministre de la Justice », 7- (...)
8Ce programme est des plus prometteurs mais, esseulé, il semble assez peu crédible : sur les onze maisons d’arrêt parisiennes qui reçoivent des mineurs, huit les isolent effectivement des adultes, six leur proposent quelques heures d’enseignement, aucune ne leur fournit de petits travaux rémunérés et huit organisent des séances de culture physique. Parfois, comme à Pontoise, rien de tout cela existe21. Aussi, les rappels de la législation en vigueur sont légions. La circulaire du 29 décembre 1952 réitère, explicite et officialise les modalités de condition de détention des enfants :
- 22 Circ. du 29-12-1952, sur le régime de détention des mineurs dans les MA, op. cit.
« Le régime applicable aux mineurs […] doit faire une large place à l’éducation et comporte les mesures nécessaires pour éviter que les intéressés demeurent dans l’oisiveté ou soient contaminés par les détenus adultes ou par d’autres mineurs22. »
- 23 AN Fontainebleau, 960136, art. 45, « Note pour MM. les directeurs de circonscriptions pénitentiair (...)
- 24 Art. D. 514 du CPP.
- 25 Art. D. 516 à D. 518 du CPP.
- 26 Art. D. 519 du CPP.
- 27 Exercice 1959, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1960, p. 72.
9Autrement dit, le mineur doit bénéficier d’un régime spécial et d’un emploi du temps plein et structuré. Or, cela est rarement respecté. Une note de rappel, quelque peu insistante, deux ans plus tard23 ne change guère la donne et les législateurs de 1959, à l’occasion d’une réécriture du code de procédure pénale, sont dans l’obligation de spécifier, une nouvelle fois, les modalités du régime des mineurs : ce dernier est applicable « quel que soit l’établissement de détention […] aux prévenus comme aux condamnés24 » et même prévenus, les adolescents « doivent recevoir du travail, ne sont pas astreints au port du costume pénal, bénéficient d’un régime alimentaire amélioré, mais ne peuvent fumer25 ». De plus, pour la énième fois dans l’histoire de la détention des mineurs, il est rappelé l’obligation de « l’institution d’un quartier spécial de mineurs dans la maison d’arrêt26 ». Or, cet arrêté, « ainsi que celui qui fixera le régime de ces quartiers spéciaux, n’interviendra qu’ultérieurement27 », ce qui provoque des situations très préjudiciables, à l’instar de celle de treize jeunes de la maison d’arrêt de Strasbourg en 1961 :
- 28 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Le procureur général près de la cour d’appel au garde des Sce (...)
« Ces mineurs se trouvaient répartis dans quatre cellules […]. En effet, ces jeunes détenus qui couchent à trois et à quatre dans une même cellule, où ils passent la totalité de leur journée, ne disposent d’aucune salle de séjour ou atelier et se trouvent ainsi dans une promiscuité gênante, susceptible de nuire grandement à leur relèvement. Dépourvus, d’autre part, de toute activité, ils sont tentés de se complaire dans le désœuvrement et de prendre de mauvaises habitudes28. »
- 29 AN Fontainebleau, 960136, art. 45, « Note de A. Perdriau, dir. du bureau de l’application des pein (...)
- 30 Ibid., « Conclusion du groupe de travail chargé de l’étude des conditions de détention des mineurs (...)
10Au cours de l’année 1962, un groupe de travail chargé de (re)définir le régime de détention des mineurs est constitué car « les conditions de détention des mineurs de 21 ans posent actuellement un problème particulièrement préoccupant dans de nombreux établissements29 ». Après enquête, il ressort qu’il est « nécessaire d’occuper en permanence les mineurs par des activités scolaires, professionnelles, éducatives, culturelles ou sportives30 ». Ces propos sous-entendent que ce n’est pas le cas. Effectivement, certaines maisons d’arrêt n’ont pas de quartier réservé et sont donc dans l’incapacité d’organiser un tel programme. En revanche, lorsque ces lieux existent, les mineurs y reçoivent souvent des suppléments alimentaires et sortent deux heures par jour dans la cour. L’emploi du temps complet qui comprend formation professionnelle, scolaire et activités sportives, quant à lui, reste rare. Seize ans plus tard, seul un certain favoritisme institutionnel révèle quelques progressions :
- 31 AN Fontainebleau, 960136, art. 32, « Réponses à la question écrite n° 8500 du 30-11-1978 posée par (...)
« Dans les petites maisons d’arrêt, en effet, les effectifs du personnel, et souvent la disposition même des lieux, ne permettent pas d’assurer une prise en charge spécifique des mineurs.
Il est, dans ces conditions, apparu préférable de concentrer les efforts en la matière sur les établissements recevant un grand nombre de jeunes détenus, tels que les centres spécialisés de Fleury-Mérogis, de Bordeaux-Gradignan ou les quartiers de jeunes des grandes maisons d’arrêt31. »
11Soit, mais les grands établissements conçus depuis la fin des années 1960 pour les mineurs et jeunes majeurs fournissent-ils réellement davantage d’activités à leurs pensionnaires ? Cela semble évident et pourtant, le doute surgit face aux quelques témoignages disponibles. Le récit d’un jeune détenu au CJD au début des années 1970, frappant par sa concision et sa précision dans les horaires, l’illustre :
- 32 Montaron J.-P., op. cit., p. 19.
« Matin : réveil général pour tout le monde à 6h45 : on fait sa toilette, plie la literie, nettoie la cellule, reçoit son pantalon […] et on attend avec plus ou moins d’impatience le petit déjeuner. Après c’est la morne et enquiquinante inactivité pour certains, pour d’autres c’est l’école ou l’atelier. 11h30 le déjeuner et après la vie reprend son cours normal jusqu’à la promenade qui dure une heure… Vers 5h30 le repas du soir et la journée est bientôt finie. Vers 8 heures on sort pantalon et ceinture, ça rassure les gardiens. Puis la nuit vient et tout le monde s’endort32. »
- 33 Perez A., Fleury-Mérogis, Paris, La pensée universelle, 1982, p. 8.
- 34 Circ. du 4-2-1994, sur le nouveau régime de détention des mineurs, fonds historique de Vaucresson.
12Quatre ans plus tard, Angel Perez, jeune détenu de 16 ans, confirme : « En tout, sur 450 détenus en moyenne, condamnés ou pas, seulement travaillent 150, 50 autres vont en classe, le reste demeure en cellule 22 h/24, inoccupé, c’est-à-dire à ne rien faire33 ! » Une circulaire de 1994 sur le nouveau régime de détention des mineurs avoue que « jusqu’à l’habilitation de certaines maisons d’arrêt, les détenus mineurs étaient le plus souvent isolés au sein des détentions, souvent sans activités » et elle précise pourtant que « par ailleurs, il ne peut être admis que les détenus mineurs restent oisifs pendant le temps de leur détention34 ». Cette situation, fréquente en maison d’arrêt, semble plus rare dans les institutions conçues spécialement pour les jeunes de justice, des prisons-écoles créées par l’administration pénitentiaire pour les jeunes majeurs aux centres spéciaux d’observation de l’éducation surveillée près des maisons d’arrêt.
Quels emplois du temps dans les institutions spécifiques d’après-guerre ?
Les longues journées théoriques des prisons-écoles : un certain regard sur Loos
- 35 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947 », op. cit., p. 184.
- 36 Gayraud A., op. cit., p. 685.
- 37 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Note sur l’amélioration des conditions de détention des jeune (...)
13Que ce soit une prison-école qui fasse les frais des premiers essais de régime progressif mis en place par la réforme Amor n’est pas innocent. Dans l’esprit des législateurs de l’époque, le jeune homme ou la jeune fille est, plus que les adultes, « susceptible de recevoir avec profit une instruction professionnelle et morale tout particulièrement poussée35 ». Or, dans les quartiers spéciaux pour mineurs des maisons d’arrêt, le programme d’activité scolaire et physique n’est ni applicable, ni appliqué. Aussi, faut-il au moins qu’il le soit dans un lieu conçu tout spécialement pour les plus jeunes. Les prisons-écoles sont créées spécialement en vue de permettre un « reclassement36 », une « réintégration » pour utiliser un terme plus moderne, dans la vie libre. À cette fin, elles adoptent un système semi-communautaire qui laisse normalement une certaine marge de manœuvre aux jeunes. Elles soumettent également ces derniers à « un régime éducatif axé selon leur personnalité sur le travail pénal, l’enseignement scolaire ou la formation professionnelle37 ». Dans les faits, dès 1951, la formation professionnelle apparaît prioritaire :
- 38 AN Fontainebleau, 960279, art. 2, « Conclusion sur l’AP et le système répressif », 26-9-1951, p. 1 (...)
« […] en ce qui concerne les détenus eux-mêmes, le Comité estime que leur formation professionnelle constitue l’un des meilleurs éléments de l’œuvre entreprise, leur reclassement définitif dépendant en partie de la possibilité où ils se trouvent d’obtenir un emploi à leur libération. Le Comité demande donc que l’apprentissage soit développé38. »
- 39 Exercice 1963, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1964, p. 65.
14Or, l’apprentissage d’un métier nécessite de nombreuses heures de travail, théoriques et pratiques. Ce programme est d’autant plus praticable dans les prisons-écoles qu’elles accueillent uniquement des condamnés à de longues peines. Aussi, les règlements d’Oermingen et de Loos-lez-Lille, prévoient de longues journées d’activité. Le rapport de fonctionnement annuel de l’administration pénitentiaire pour l’exercice 1963 permet l’analyse minutieuse de l’emploi du temps de la prison-école de Loos, de discerner les divergences entre textes officiels et pratiques concrètes. Deux ans après l’ouverture du centre, cet écrit constitue « un exposé plus complet sur les particularités du régime de l’établissement et dresse un premier bilan des résultats obtenus39 ».Trois cent trente-trois pensionnaires sont alors incarcérés, dont quatorze mineurs pénaux. La prison-école de Loos prévoit, dans ces statuts et fonctions, la mise en place d’un régime progressif « classique » dont l’inactivité semble exclue :
- 40 Ibid., p. 66.
« Le régime du centre de jeunes condamnés est fondé sur les principes suivants :
— régime cellulaire de nuit ; activités en commun dans la journée ;
— activités des jeunes condamnés orientés vers : le travail, les cours scolaires, les sports, les loisirs dirigés ;
— activités soutenues, continues et dirigées tout au long de la journée, afin que les adolescents soient le moins possible livrés à eux-mêmes40. »
15Afin de répondre à ces objectifs, la journée des garçons est basée sur quatorze heures d’activité, soit un lever à 7h et un retour en cellule à 21h mais une extinction des feux prévue vers 22h30, première différence d’avec les maisons d’arrêt. Plus proche de la vie quotidienne d’un citoyen libre, ce temps de soirée respecte également mieux les besoins biologiques des adolescents. Cette liberté est possible grâce à l’indépendance de l’établissement par rapport au service d’une maison d’arrêt ordinaire. En journée, l’emploi du temps des jeunes gens, extrêmement précis, semble chronométré :
- 41 Ibid.
« a) Jours de la semaine (journées scolaires).
— hygiène corporelle, entretien des cellules, repas, repos entre deux activités : 3 heures ;
— travail : 6 à 8 heures, suivant les emplois ;
— cours scolaires : 3 à 6 heures, suivant le niveau des cours ;
— promenades, sports : 1 à 2 heures
b) Le jeudi et le samedi soir (après 17 h).
— activités à caractère culturel ou distrayant, à la place des cours scolaires. c) Le dimanche.
— activités sportives, cinéma, théâtre41. »
- 42 Ibid., p. 65.
16À chaque action, loisirs compris, correspond un temps limité. Par exemple, si les émissions de radio sont variées (musique moderne ou classique, théâtre…), le temps d’écoute lui est immuable du lundi au samedi : il a lieu de 11h15 à 12h15, et de 21h à 22h. Au premier abord, la journée de l’adolescent paraît effectivement bien chargée et toutes les facilités pour occuper le corps et l’esprit semblent accessibles. D’après Robert Schmeck, l’école pénitentiaire est pleine de promesse et remplit son rôle de formation puisque « les résultats aux examens ont été très encourageants » et « les activités sportives ont été développées en priorité et au maximum pour tenir compte des grands besoins de dépenses d’énergie ressentis par ces adolescents détenus ». De plus, les pensionnaires eux-mêmes paraissent confiants : « Il est encourageant de constater que les jeunes se montrent sensibles aux efforts qui ont été faits en leur faveur42. » Pourtant, sans mettre en doute certains bons résultats d’éléments motivés, une lecture plus attentive du rapport montre quelques brèches dans le principe de l’activité soutenue pour tous.
- 43 Ibid. Les 280 jeunes correspondent aux condamnés de moins de 25 ans puisque les jeunes adultes plu (...)
- 44 Exercice 1963, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1964, p. 68.
- 45 Ibid., p. 69.
- 46 AN Fontainebleau, 960136, art. 100, « Règlement – Mémento à l’usage des détenus-MC de Loos, centre (...)
17Au total, deux cent vingt-huit garçons ont un travail (dont cinquante-cinq aux services généraux) et l’on peut donc se demander ce que font les cent cinq adolescents absents des chantiers et ateliers. Sont-ils en classe ? Certainement pour ceux qui suivent des études supérieures ainsi que pour les élèves de 3e qui préparent le BEPC, mais cela ne peut être le cas pour les autres. En effet, même avec l’exclusion dans le décompte des détenus de plus de 25 ans qui n’ont pas accès aux cours, les sept classes de différents niveaux que possède l’école « fonctionnent régulièrement tous les soirs, entre 16 et 21 heures ». La cinquantaine de jeunes de moins de 25 ans qui ne travaillent pas n’a donc pas cours en journée. De plus, « aucune fréquentation scolaire n’est imposée » et l’enseignement concerne en fait « environ 160 élèves sur 280 jeunes, soit 60 % de l’effectif43 ». Rien n’empêche d’imaginer qu’une partie des adolescents sans travail refusent de participer à la classe. Peut-être sont-ils en sport ? Là encore, rien n’est moins certain. De même que pour la formation scolaire, « seuls les volontaires sont inscrits ». Or, 200 détenus (environ trois quarts de l’effectif total) figurent sur les listes en athlétisme, course et cross, hand-ball, basket-ball ou volley-ball44. Tous les jeunes ne sont donc pas concernés par les activités physiques. Peut-être alors participent-ils à l’une des activités culturelles proposées ? C’est possible. Cependant, les horaires de diffusion d’émissions de la TSF sont limités et, de plus, pour assister aux séances de cinéma, de théâtre ou de chorale organisées tous les quinze jours, « les détenus paient une participation suffisante pour couvrir les frais de location45 ». Parfois sans travail, certains jeunes sont forcément dépourvus d’argent de poche. Pour ce qui est des autres activités offertes, telles que cercle de lecture ou de musique, atelier de bricolage et « jeux dits “intellectuels” », outre le fait qu’elles ne sont pas diurnes, elles sont de plus réservées aux détenus inscrits aux cours scolaires. Sous une foison apparente d’occupations proposées aux condamnés, il s’avère fort probable que quelques-uns soient exclus, volontairement ou malgré eux, de toute activité une partie de la journée. Les jeunes détenus sans travail, en particulier, ne paraissent pas pouvoir se rabattre sur un loisir physique ou intellectuel pendant les six ou huit heures que leurs camarades passent derrière des machines. À cette population de « chômeurs », il faut adjoindre les arrivants soumis à l’observation et laissé sans activités rémunératrices pendant trois semaines, les malades puisque l’obtention d’un emploi dépend « des capacités, de l’état de santé et d’une manière générale, de la personnalité du candidat » et les indisciplinés mis à l’isolement « en quartier disciplinaire, qui entraîne la privation de tabac, de la correspondance, des visites, de la lecture et l’application d’un régime alimentaire réduit46 ». Certes, à part cette dernière catégorie, aucun des détenus de la prison-école ne semble devoir passer une journée complète dans sa cellule. Cependant, une minorité de prisonniers subie des temps d’inactivités dans un emploi du temps pourtant théoriquement bien remplit. Si l’administration pénitentiaire s’inspire, pour ses prisons-écoles, du régime progressif prévu pour les adultes, l’éducation surveillée se tourne davantage vers le modèle des grands internats.
Les centres spéciaux d’observation de l’éducation surveillée : la prédominance de l’observation
- 47 Pierre M., « Les prisons de la IIIe République », in Petit J.-G. (dir.), op. cit., p. 277.
18À l’éducation surveillée, dans les colonies pénitentiaires aussi bien que dans les grands internats d’Après-guerre, la journée est toujours strictement divisée en temps de travail et en temps scolaire auxquelles s’ajoutent d’éventuels loisirs. Le colon, le pupille puis l’élève sont constamment occupés à quelques activités lucratives ou ludiques. Certes, pendant longtemps c’est un « univers de violence, de travail répétitif sans véritable apprentissage47 » mais, Après-guerre, la formation prend le dessus dans les IPES de l’éducation surveillée, direction nouvellement indépendante. Ce système semble satisfaisant puisqu’il est intégré au canevas des centres spéciaux près des maisons d’arrêt de Lyon, Marseille et Fresnes qui formeront et observeront. Ce dernier objectif, n’est pas sans rappeler la fonction prêtée au centre de triage de Fresnes trente ans auparavant. Cependant, au CSOES de Fresnes, l’observation se fait moins par l’entretien avec l’adolescent, que par le biais de l’analyse de son comportement pendant des activités diverses. Aussi, l’emploi du temps de ce centre est à la base du projet de rééducation des jeunes et doit comporter une grande variété d’activités exercées à un rythme, si possible, soutenu. L’observation est constituée de trois temps distincts : l’accueil, l’observation et la post-observation. Ces deux dernières étapes sont les plus longues et celles où l’emploi du temps des jeunes, reconstitué ci-après, prend le plus d’importance.
- 48 Emploi du temps reconstitué à partir du rapport annuel de fonctionnement du CSOES de 1966 et d’apr (...)
Document 3 – Emploi du temps des jeunes détenus du CSOES (semaine)48. Observation et post-observation (l’emploi du temps est inversé chaque jour par groupe).

- 49 Fonds Brisset, « Rapport d’inspection du CSOES de MM. Certhoux et Pretot », juin 1978, p. 26.
19Il n’est guère question ici de traiter de la pertinence des méthodes d’observation mais d’analyser les temps d’occupation des adolescents, de voir les similitudes et les différences d’avec les régimes de détention des mineurs dans les maisons d’arrêt classiques et en prisons-écoles. Cet emploi du temps, s’il semble tout aussi structuré et chronométré que celui en vigueur dans ces dernières, diffère de celui des maisons d’arrêt. Néanmoins, la journée est moins longue qu’à Loos : atelier, classe et éducation physique occupent seulement 6h30 de la journée. Le reste du temps est consacré aux activités d’expression, aux loisirs, aux repas et au nettoyage. Au final, « outre la nuit, les mineurs sont dans leurs cellules de 11h30 à 13h30 (ou 14h) et de 17h30 à 19h30 pour les repas49 ». Ces temps correspondent, peu ou prou, à ceux appliqués en prisons « ordinaires ». Cependant, entre ces pauses, l’occupation des jeunes est réelle grâce à des éducateurs qui s’emploient à compenser le manque de moyens et de places par de multiples occupations de leur invention. De plus, l’instruction scolaire est imposée à tous les garçons et, au gré des demandes, le CSOES est susceptible de s’adapter, à l’inverse des pratiques propres aux maisons d’arrêt :
- 50 Fonds Brisset, « Rapport annuel du CSOES », année 1966, p. 17.
« À l’usage, il a été constaté la désaffection des élèves pour les activités scolaires même pratiques ; aussi avons-nous diminué les heures de classe pour les remplacer par des activités dirigées50. »
- 51 Fonds Brisset, « Rapport d’inspection du CSOES de MM. Certhoux et Pretot », juin 1978, p. 26.
- 52 Les jeux de société sont encore interdits en MA.
- 53 Yvorel E., Le Centre spécial d’observation de l’éducation surveillée de 1958 à 1979, op. cit.
20Le même constat s’impose pour les pratiques sportives. Pour ces adolescents en pleine croissance, enfermés, la dépense physique est salvatrice. À but d’observation, des challenges et des tournois sont donc régulièrement organisés. En dehors des heures de travail prises en charge par des éducateurs titulaires, les éducateurs de groupe organisent loisirs et activités dirigées aux rôles récréatifs et non plus d’observation. Ce dessein n’est pourtant pas facile à réaliser. En effet, le planning reproduit met en valeur des horaires et un rythme de vie de maison d’arrêt classique qui, à Fresnes, suivent les obligations de service de la prison pour adultes. Les repas préparés par la maison d’arrêt des majeurs sont servis à la même heure, les jeunes se lèvent à 7h et éteignent leur lampe de chevet à 21h alors que les inspecteurs Certhoux et Pretot estiment, à l’instar de ce qui se fait à Loos, que « l’heure du coucher devrait être plus tardive51 ». Malgré ces inconvénients, le personnel cherche à atténuer le régime carcéral en proposant moult occupations en lieu et place de l’oisiveté, en soirées, en fin de semaines mais également en journée. À noter que la participation à l’un de ces ateliers récréatifs est obligatoire : nul ne doit rester seul et inoccupé en cellule. Pourtant, là encore, malgré la variété des animations et des jeux autorisés52, la place laissée à ces instants privilégiés est chronométrée, calculée au plus juste, dépendant du cadre carcéral. Au CSOES, tout se fait à l’intérieur, dans le même perpétuel décor austère, avec constamment les mêmes individus. Cela marque les jeunes gens et amène à l’acquisition d’une culture carcérale inhérente à tous lieux d’enfermement53.
21Les emplois du temps dans les quartiers réservés aux mineurs ou dans les prisons spécifiques sont toujours extrêmement précis du lever au coucher. Chacune des institutions suit d’ailleurs une logique interne propre où le règlement et sa mise en œuvre n’ont pas toujours beaucoup de points communs. De fait, au CSOES comme dans les prisons-écoles, l’emploi du temps, aisément accessible au chercheur, est structuré, extrêmement précis et (presque) correctement appliqué. Celui des quartiers des maisons d’arrêt, difficilement trouvable, est vague et très peu concrétisé. Cependant, il est un point commun qui se retrouve dans tous les aménagements temporels de toutes les prisons de France tout au long du xxe siècle : les horaires du coucher, des repas, du couvre-feu, l’heure de promenade (souvent seule activité effectivement proposée aux détenus), sont immuables. Les détenus sont très souvent astreints à patienter, en cellule, jusqu’aux seules ruptures d’un temps monotone : les heures des repas et de l’extinction des feux.
La satisfaction d’un besoin vital : les aléas de la nourriture carcérale
- 54 Seyler M., La consommation dans les établissements pénitentiaires, Nemours, CESDIP, n° 41, 1985, 2 (...)
22Au cours du siècle, la notion d’adolescence s’affirme puis se confirme. Cette catégorie particulière, ce passage souvent délicat de l’enfance à l’âge adulte, dépasse la simple définition, théorique, de la minorité pénale. La reconnaissance puis l’acceptation des besoins spécifiques que réclament un corps en développement et une sentimentalité exacerbée modifient les mentalités. Le régime des mineurs en prison finit par considérer, lentement et avec retard par rapport aux pratiques du monde libre, un certain nombre de facteurs nécessaires à l’épanouissement, au moins physique, des jeunes. Les politiques de l’administration pénitentiaire tentent d’intégrer quelques-uns de ces besoins spécifiques notamment en matière d’alimentation. Le résultat est souvent mitigé, toujours incomplet. Si un élément de la vie quotidienne est représentatif de la rigidité du règlement interne des prisons, c’est bien la question de l’alimentation. Sujet constant de réclamations de la part des détenus, souci perpétuel des économes puis des nutritionnistes des prisons, objet de chantage pratique pour les surveillants, la nourriture est au cœur de la vie pénitentiaire54.
Vers une prise en compte des besoins spécifiques des mineurs en matière de régime alimentaire
- 55 Petit J.-G., « Les travaux et les jours (1800-1875) », in Petit J.-G. (dir.), op. cit., p. 156.
23Dans le premier xixe siècle, le « régime alimentaire quotidien des prisons n’est en réalité composé que de 750 grammes de pain de mauvaise qualité et d’un litre d’eau où nagent quelques dizaines de grammes de pommes de terre ou de légume secs55 », l’équivalent de l’ordinaire des paysans démunis. En fait, une bonne partie du régime alimentaire des détenus dépend alors, et jusqu’à la fin du siècle comme en témoigne le Vicomte d’Haussonville, des achats qu’ils pourront effectuer en cantine avec le fruit de leur travail :
- 56 Haussonville G. (dir.), op. cit., p. 98.
« […] l’alimentation doit se borner aux substances strictement nécessaires à l’entretien des forces vitales, la réparation des forces dépensées au travail devant s’opérer à l’aide d’aliments payés par le détenu sur le produit de ce travail56. »
- 57 Instruction du 2-2-1857 sur le service des MA, de justice et de correction – Exécution du décret d (...)
24De plus, tout au long du siècle, la nourriture « forme la partie la plus importante du régime économique57 » des établissements pénitentiaires. Aussi, les compositions et méthodes de préparation des repas sont-elles fréquemment décrites avec précision, comme dans ce code des prisons du début de la troisième République :
- 58 Arrêté du 18-2-1890, Cahier des charges, pour l’entreprise générale des services économiques et de (...)
« La qualité du pain se juge par la couleur, par l’odeur, et plus encore par le goût. Pour être bon, il ne doit pas être brûlé ; il doit être bien cuit et d’une couleur dorée également. La croûte ne doit pas se détacher de la mie. À l’ouverture d’un bon pain, on sent une odeur douce et balsamique ; on voit la mie semée d’œils nombreux ; à la dégustation une saveur agréable reste dans la bouche […]. Un pain bien fabriqué doit être de forme ronde, bombée dans le milieu, et présenter au plus quatre baisures58. »
25Aussi louables et alléchantes soient-elles, ces consignes ne peuvent guère être respectées faute de moyens, de temps et de volonté du personnel pénitentiaire. Si la faim semble être, pour l’administration, un mal nécessaire dans les prisons, au moins se fait-elle légèrement moins âpre au début du xxe siècle. Pour autant, « la qualité du pain » n’y est guère et le menu, tel celui des enfants de la Petite-Roquette en 1907, n’est toujours pas appétissant :
- 59 Almereyda M., Delannoy A., op. cit.
« Le régime alimentaire est formé d’une “boule de son” pesant 750 g, tantôt brûlée, tantôt spongieuse, recelant souvent des détritus, des cafards, parfois même des cadavres de souris ; d’un vague bouillon à neuf heures du matin ; d’un tiers de gamelle de légumes cuits, le soir, à quatre heures. Deux fois par semaine, jeudi et dimanche, les détenus reçoivent une portion de viande59. »
- 60 Cf. planche P, illustration n° 2.
- 61 Pierre M., « Les prisons de la IIIe République », in Petit J.-G. (dir.), op. cit., p. 280.
- 62 AN Vienne, « Cahier des charges pour l’entreprise générale des services des MA, de Justice et de c (...)
- 63 Rapport du 6-12-1910, sur les services pénitentiaires présenté au président du Conseil, par l’insp (...)
- 64 Ibid. Elle passe à un kilo par jour un an plus tard.
- 65 Circ. du 14-11-1921, aux directeurs des MC et des prisons de Fresnes, au sujet de la fixation du r (...)
- 66 Décret du 19-1-1923, portant règlement d’administration publique sur le régime intérieur et l’orga (...)
- 67 Décret du 19-1-1923, op. cit., p. 75 et décret du 29-6-1923, op. cit., art. 72.
- 68 Note du 16-11-1931 aux directeurs des circonscriptions pénitentiaires, relative au régime alimenta (...)
26Les rations distribuées aux détenus sont effectivement calculées en deçà des besoins nutritifs journaliers. Ce stratagème suit une logique toute pénitentiaire : les détenus sont ainsi astreints à travailler pour pouvoir améliorer leur pitance de denrées proposées en cantine, moyen de chantage contre l’oisiveté et la paresse. Les mineurs ne sont pas épargnés par cette rude manière de faire et le pécule accumulé par les enfants est susceptible de pourvoir autant à l’indispensable, tel pain et œufs, qu’au superflu, chocolaté dans le cas raconter par un petit de la Petite-Roquette60. À cette « tactique de sous-alimentation pénitentiaire », s’ajoutent des abus fréquents de la régie chargée de la gestion de l’établissement et, notamment, « il est ainsi de règle de tromper l’administration (parfois complice) sur la qualité et la quantité de la nourriture fournie aux prisonniers61 ». Au-delà des obligations économiques des prisons-entreprises, les administrateurs cherchent, en apparence, à respecter certains besoins rudimentaires et les menus évoluent en fonction de l’accroissement des connaissances en nutrition. Pourtant, la première prise en compte d’une différence physiologique, celle entre l’homme et la femme que l’on retrouve notamment dans les cahiers des charges pour l’entreprise générale des maisons d’arrêt de l’Ouest de 1906 à 1923, est un prétexte pour réduire de quelques grammes journaliers les menus des prisonnières62. Quant à la catégorie « jeunes détenus » elle n’apparaît guère sur ces registres. Dans les faits, « le régime alimentaire des colonies, qui se différencie profondément du régime des prisons63 », n’est pas étendu aux enfants des maisons d’arrêt. C’est ainsi qu’en 1921, la ration journalière de pain des colons est comprise entre huit cent cinquante grammes et neuf cents grammes64 alors que dans les maisons d’arrêt, le pain quotidien pèse huit cent cinquante grammes pour les hommes et huit cents grammes pour les femmes, les mineurs y compris65. Il est vrai que ces derniers ne sont pas astreints aux travaux des champs. Dans le code pénitentiaire il n’est jamais question du régime alimentaire des détenus de moins de 18 ans qui dépendent, comme leurs aînés, des décrets du 19 janvier et 29 juin 192366 : soit deux régimes gras par semaine dans les prisons cellulaires et un seul dans celles en commun en sus de l’accès à la cantine où ils peuvent « sur le produit de leur travail, être autorisés à se procurer soit une ration de vin qui ne doit pas dépasser 30 centilitres par jour, soit une ration de bière ou de cidre de 50 centilitres au plus67 ». Ce n’est qu’en 1931 que le directeur de l’administration pénitentiaire prend enfin en compte les plaintes enfantines et décide « qu’à la demande des mineurs il leur sera attribué une ration de vivre supplémentaire, de façon à porter leur ration quotidienne à une ration et demie d’adulte68 ». Le fait que la requête nécessite une démarche de la part de l’enfant rend cette consigne peu susceptible de faire évoluer la situation. Une exception s’opère à la Maison d’éducation surveillée de Fresnes. Les garçons y ont exactement le même régime nutritionnel que le reste de la population pénale mais le personnel, sans qu’aucun texte ne le prescrive, améliore le quotidien :
- 69 Meurillon R., op. cit.
« Ce régime pouvant convenir à des hommes faits est insuffisant pour des adolescents en plein développement qui trouvent dans le courant de la journée l’occasion de se dépenser, aussi y a-t-on ajouté le café au lait du matin, et tous les jours une portion supplémentaire consistant soit en pâté de foie, soit en fromage, soit en confiture69. »
- 70 Instruction n° 69, du 4-11-1937 portant modification des art. 32, 33 et 34 du règlement du 15-2-19 (...)
27Ce singulier agrément est toutefois à tempérer car, dans cet établissement, le chômage des enfants est endémique et, de surcroît, ils n’ont pas accès à la cantine. L’initiative de l’institution hybride est bientôt reprise pour l’ensemble des mineurs des maisons d’arrêt et, le 4 novembre 1937, ils bénéficient officiellement d’une alimentation plus substantielle que les adultes, la même que celle des pupilles des IPES, à savoir quatre régimes gras par semaine et un kilo de pain quotidien70. Mal interprétée, la note-circulaire fait l’objet d’un rappel qui précise quels sont les adolescents susceptibles de bénéficier d’un tel régime :
- 71 Instruction n° 26, à MM. les directeurs des services extérieurs, 16-4-1938, Code pénitentiaire, t. (...)
« 1° Les mineurs de 18 ans en prévention. Passé cet âge, ils sont majeurs pénalement et donc soumis au régime ordinaire ;
2° Les mineurs confiés à mon administration par les tribunaux pour enfants et adolescents en instance de transfèrement dans une Institution publique d’éducation surveillée et retenus à ce titre comme passagers ;
3° Les mineurs de 18 à 21 ans déjà pupilles de l’administration pénitentiaire et retenus en maison d’arrêt, sur évasion ou révocation de libération provisoire ou d’une mesure de faveur analogue, en vue de leur réintégration dans une institution publique d’éducation surveillée, et non prévenus d’un nouveau délit. S’ils sont sous le coup de poursuites pour un nouveau délit, ils rentrent bien entendu, dans la catégorie des prévenus majeurs pénalement en ce qui concerne le régime alimentaire qui leur est applicable.
D’autre part, le mineur de 18 ans que le tribunal a reconnu comme ayant agi avec discernement et qui est condamné à une peine de prison, doit-être mis au régime alimentaire de remplacement prévu par l’arrêté du 25 octobre 1937 pendant toute la durée de sa peine71. »
- 72 En gras l’explication de ce phénomène dans l’extrait de l’instruction, reproduit ci-dessus.
28Disposition surprenante, le régime alimentaire des jeunes incarcérés en maisons d’arrêt ne dépend pas uniquement de leur âge (donc du développement physique) mais aussi de leur statut juridique. Il s’avère que si tous les moins de 18 ans bénéficient du régime des pupilles des colonies pénitentiaires, ce n’est guère le cas des jeunes adultes, alors inégaux devant la nourriture carcérale72 : un récidiviste de plus de 18 ans reçoit les mêmes rations qu’un adulte alors que son camarade échappé de la « maison de correction » dans laquelle il était détenu, a les mêmes repas que ses cadets. Outre cette distinction qui privilégie la pénibilité de la peine, ces prescriptions paraissent impossibles à satisfaire. Comment, en effet, est-il possible, dans ces maisons d’arrêt vétustes et surencombrées, de prévoir un menu distinct pour les différentes catégories de détenus sans éveiller jalousies et sentiments d’injustice ? Probablement, la ration de pain est effectivement augmentée mais l’individualisation des repas paraît fort improbable d’autant plus que les conflits mondiaux viennent perturber davantage encore le ravitaillement et la distribution.
Manger en prison en temps de guerre
- 73 Darmon P., Vivre à Paris pendant la Grande Guerre, Paris, Fayard, 2002, p. 163-190.
29Pendant les guerres, le ravitaillement est une gageure quotidienne pour tous les citoyens73 mais qu’en est-il en prison ? Les archives d’époque ont été en grande partie détruites aussi est-il difficile de se faire une idée précise de la vie en prison pendant ces périodes mouvementées. Cependant, les archives de l’Isère recèlent les rapports de visites mensuelles (et détaillées) des maisons d’arrêt du département effectuées par le conseiller de préfecture M. Dauphin, source rare, qui permet d’éclaircir l’état des modalités alimentaires en milieu carcéral de 1939 à 1945. Contrairement à la population libre, les détenus, confinés entre quatre murs, n’ont pas accès au marché noir ou au « système D » :
- 74 Instruction n° 34ter, du 4-7-1940, restriction de la consommation du pain, Code pénitentiaire, t. (...)
« Le pain, étant actuellement la base de l’alimentation des détenus, il ne me paraît pas possible d’assimiler les prisonniers à la population libre qui peut par des moyens variés compléter son alimentation par d’autres produits se trouvant à sa disposition dans le commerce74. »
- 75 Circ. du 16-6-1917, aux directeurs des MC, circonscriptions pénitentiaires, régie des prisons de P (...)
- 76 AD Isère, 4670W10, « Lettre du procureur général au préfet de l’Isère », 24-3-1941.
30Malgré ce constat, il s’agit d’économiser les réserves de céréales du pays et de suppléer au rationnement du pain par une distribution de vivres d’une autre nature. Monsieur Camboulives remet en vigueur la circulaire de son prédécesseur de 1917 qui réduit la ration journalière de pain de deux cents grammes75, soit six cents grammes pour les hommes et jeunes gens et cinq cent cinquante grammes pour les femmes et jeunes filles. Le secrétaire d’État au ravitaillement abaisse cette ration à quatre cents grammes quatre mois plus tard. C’est le début d’une longue période de restriction et de famine pour les détenus des prisons françaises et d’un bras de fer entre le garde des Sceaux et le secrétaire d’État au ravitaillement. En mars 1941, le procureur de la cour d’appel de Grenoble s’inquiète de la situation des incarcérés de Saint-Joseph qui, d’après la lettre d’un détenu, connaîtraient « des décès et des hospitalisations en nombre anormal76 » :
- 77 Ibid., « Lettre d’un détenu [pour distribution de tract communiste] à son avocat », 13-5-1941.
« Le matin à 7h½ un quart de café noir. À 8h½ nous touchons pour la journée environ 400 grammes d’un pain lourd et sans profit, à 10h une demi-gamelle de bouillon de poireaux, je dis bien bouillon, car on ne peut donner le nom de soupe, a une vague eau graisseuse dans laquelle nagent quatre ou cinq bouts de poireaux, et il nous faut attendre 16h pour toucher une nouvelle demie gamelle de bouillon […] sauf pour le jeudi et le dimanche matin, ou le bouillon de poireaux et remplacé par un bout de viande (et pas toujours) du poids d’environ 20 grammes et je suis généreux […]. Voilà le vrai régime en vigueur ici pour le détenu qui n’a pas le moyen de cantiner […] car avec un tel régime, il suffit de quelques mois pour faire d’un Homme bien portant un cadavre vivant […]77. »
31Une enquête administrative est lancée. Le préfet de l’Isère dément et fait son propre inventaire :
- 78 Ibid., « Le préfet de l’Isère au procureur général près la cour d’appel de Grenoble », 22-4-1941.
« Objet : État de santé et régime alimentaire des détenus à la maison d’arrêt de Grenoble […].
— Pain : 400 grammes par jour
— la soupe le matin
— deux pitances de légumes, se composant de 390 g de carottes et de rutabagas, trois pitances de 53 g de riz, deux pitances de 53 g de pâtes alimentaires, 10 g de graisse par jour, 215 g de viande le dimanche78. »
- 79 AD Isère, 8Y, « Rapport de M. Dauphin, visite du 10-11-1941 ».
- 80 Ibid., « Rapport de M. Dauphin, visite du 17-7-1941 ».
32Pourtant, tout ne semble pas si simple. Il est probable que le détenu exagère la situation, du moins est-il possible de le supposer. Quant au préfet, les mêmes doutes peuvent être émis à son égard. Le conseiller de préfecture chargé des visites, insiste d’ailleurs régulièrement sur de réelles difficultés d’approvisionnement de la prison de Grenoble. Quant à la qualité de la nourriture, elle serait parfois acceptable puisque la soupe « est comme celle que l’on donne dans les restaurants79 », parfois douteuse comme ces pommes de terre dont « quelques-unes sont véreuses intérieurement80 ». Cahin-caha, il paraîtrait que les prisonniers aient suffisamment à manger. M. Dauphin fait même remarquer, à juste titre, que la ration de pain est supérieure à celle des tickets de rationnement des citoyens libres. Ce favoritisme apparent se justifie toutefois par un manque à gagner :
- 81 Instruction n° 64 le 18-11-1940, le secrétaire d’État au ravitaillement à M. le garde des Sceaux, (...)
« […] il convient de tenir compte du fait que les nécessités budgétaires vous interdisent de distribuer aux détenus une ration hebdomadaire de viande égale à celle des autres citoyens et ne permettent pas non plus de compléter, dans une proportion suffisante, le régime alimentaire des détenus par certaines denrées non contingentées (légumes frais, fruits, etc.). Aussi la ration journalière de pain des détenus pourrait-elle être portée à 400 grammes81. »
- 82 Circ. du 22-3-1942, relative à l’alimentation des détenus (denrées supplémentaires, sucre, pâte al (...)
- 83 AD Isère, 8Y, « Rapport de M. Dauphin, visite du 17-7-1941 ».
33Le pain est donc juste un complément à une alimentation frugale qui ne peut être améliorée par les voies de traverses pratiquées à l’extérieur. Pourtant la mesure est encore insuffisante et le régime alimentaire « condamnait inexorablement une grande partie de la population pénale à des troubles physiologiques extrêmement graves82 ». L’hiver et l’intensification des difficultés d’approvisionnement poussent le ministre de la Justice à prendre de nouvelles mesures : il autorise l’envoi de colis de vivres par les familles et permet aux organismes d’entraide, telle la Croix-Rouge, de pénétrer dans les établissements pénitentiaires83. Ainsi, curieusement, en cette période de crise, la prison s’ouvre quelque peu sur l’extérieur. Malgré ces mesures exceptionnelles, les détenus se plaignent encore de la faim au point qu’une poignée de prisonnières a le courage d’émettre une pétition en ce sens :
- 84 Ibid., « Plainte des détenues de la MA de Grenoble au préfet », 26-11-1941. Lettre reproduite dans (...)
« Nous avons l’honneur de solliciter de votre bienveillance pour une réclamation au sujet du régime de la maison d’arrêt, étant donné que le matin à 9h½ nous avons qu’une pauvre malheureuse gamelle ne contenant que de l’eau chaude, dont le contenu est d’à peine un demi-litre (sans légumes) et après-midi donc vers 2h½ nous avons notre deuxième gamelle qui est semblable à celle du matin avec quelques bouts de légumes au fond.
Nous sommes 16 femmes au quartier prévenues dont deux mineures âgées de 19 ans qui n’ont aucun supplément et pourtant sans vous le certifier je crois que la prison de Grenoble est pour passer comme prison centrale or entre nous toutes, il nous est impossible de pouvoir tenir plus longtemps à ce régime, sans oser vous dire que nous mourrons de faim terme peut-être un peu vulgaire.
Je compte sur votre haut pouvoir pour améliorer notre sort qui je crois est notre droit.
Un groupe de malheureuses qui meurt de faim.
Recevez Monsieur le préfet nos salutations respectueuses
[Suit la signature des femmes (huit)]84. »
- 85 Ibid., « Rapport de M. Dauphin, visite du 10-11-1941 ». Rumeurs provoquées par la lettre du détenu (...)
34Il est assez rare que les hautes instances de la Justice et les détenus énoncent les mêmes faits pour supposer que la plainte des prisonnières recèle quelque véracité : la frugalité des menus qu’elles décrivent peut fort bien entraîner les « troubles physiologiques extrêmement graves » que mentionne le garde des Sceaux. Les mineurs de justice, quant à eux, sont absents de tous les textes émis par les responsables pénitentiaires. En revanche, à la suite de « certains bruits qui circulent dans certains milieux judiciaires », le délégué du conseiller de la préfecture prend l’initiative de « procéder à une visite détaillée des lieux85 » en novembre 1941. Son rapport indique clairement que des suppléments alimentaires sont alloués aux mineurs de 18 ans :
- 86 Ibid.
Document 4 – L’état du ravitaillement de la maison d’arrêt de Grenoble (1941)86.

P de T = Pommes de terre
TC = Détenus toutes catégories
JD = Jeunes détenus
Détenus toutes catégories, tous les jours : Pain = 0,400
Jeunes détenus, tous les jours : Café = 0,005 Sucre = 0,010
35Ce même rapport précise que la mortalité des jeunes n’est pas excessive : en douze mois, sur une moyenne mensuelle de six enfants, un seul est décédé. Les inquiétudes d’avril 1941 quant aux détenus victimes des décès en nombre anormal ne seraient donc pas justifiées. Cependant, il est impossible de vérifier si les rations mentionnées sont effectivement distribuées aux jeunes. L’intention est là mais la pratique peut très bien prendre quelques libertés d’autant que, d’après les propos prudents de Joseph Barthélemy, le personnel ne serait pas toujours exempt de tout reproche :
- 87 Circ. du 22-3-1942, relative à l’alimentation des détenus (denrées supplémentaires, sucre, pâte al (...)
« […] certains membres du personnel de surveillance et même du personnel administratif se seraient laissés aller à compléter leur alimentation personnelle en prélevant des denrées sur les rations des détenus dont ils ont la charge ; je me suis élevé avec force contre ses allégations malintentionnées qui, j’en ai la ferme conviction, ne peuvent correspondre à la réalité. Mais s’il devait m’être mentionné que, contrairement à la tradition du personnel pénitentiaire, certains agents oublient à ce point leur devoir le plus élémentaire, je n’hésiterais pas à prendre contre eux les plus sévères mesures87. »
- 88 AD Isère, 8Y, « Compte-rendu de la visite du 9-1-1942 de la MA de Grenoble par le conseiller délég (...)
- 89 Debesse M., l’adolescence, PUF, Que sais-je ?, Paris (1943), 12e édition, 1969, p 37.c
- 90 Circ. du 4-9-1942, relative à l’alimentation des femmes enceintes, enfants en bas âge, mineurs des (...)
- 91 AN Fontainebleau, 960279 art. 26, dossier n° 107, « Le dir. de l’AP à M. l’inspecteur général », 6 (...)
- 92 AD Isère, 4670W10, « Note sur la mortalité anormale constatée à la MA de Grenoble, au cours de l’h (...)
36La prolongation du conflit entraîne un accroissement de la population pénale et il est de plus en plus difficile de pourvoir à son approvisionnement. Dès janvier 1941, l’inspecteur relève que le nombre de jeunes détenus à Grenoble est passé de cinq à treize et souligne que « cette augmentation considérable de l’enfance délinquante méritait d’être signalée, de même qu’il convient de souligner qu’elle se produit au moment des gros froids88 ». Ce phénomène, conforme à une tendance nationale, conduit le secrétaire d’État au ravitaillement à produire le 4 septembre 1942 une circulaire sur les modalités applicables à certaines catégories de détenus, notamment aux J2 et J3 id est aux adolescents de 13-16 ans et de 16-18 ans. Ces derniers doivent bénéficier de tickets de rationnement qui considèrent leurs besoins physiologiques spécifiques. En effet, il est désormais acquis que les jeunes ont des besoins alimentaires importants. Puisque « tout est rêve dans la jeunesse […] sauf la faim89 », les jeunes prisonniers peuvent désormais prétendre à « un régime identique à celui dont jouissent, dans la vie libre, les consommateurs ordinaires de cette catégorie90 ». En résumé, face à ces contradictions et au manque d’archives, il demeure nombre de doutes quant à la réalité du régime alimentaire des détenus pendant la guerre de 1939-1945. Il est toutefois établi que les hauts responsables du gouvernement ont progressivement le souci des mineurs incarcérés. Cependant, ce scepticisme est renforcé par des papiers postérieurs à la signature de la paix. En 1946, le directeur de l’administration pénitentiaire revient sur la délicate question de la nourriture dans une enquête nationale sur la situation des prisons au début de la guerre91. Quelques mois auparavant, à Grenoble, l’inspecteur général de la magistrature frappé par « la mortalité anormale constatée à la maison d’arrêt de Grenoble, au cours de l’hiver 1940-194192 », a déjà interrogé les responsables du pouvoir exécutif du département. Les réponses de ces derniers sont quelque peu contradictoires. Le procureur de la République de l’Isère justifie son manque d’action de l’époque par une réponse où une connotation fataliste se mêle à de la mauvaise foi :
- 93 Ibid., « Lettre du procureur de la République à l’inspecteur général de la magistrature », 7-2-194 (...)
« Cette mortalité excédant la moyenne habituelle ne m’avait pas particulièrement inquiété pour la raison, qu’à la même époque, une élévation considérable du nombre des décès m’avait été signalée à l’hôpital psychiatrique départemental. Je l’avais constaté […] notant même que les survivants, en grand nombre, n’avaient plus la force de quitter leur lit. Les médecins avaient convenu que, privés de l’appoint de colis substantiels dont les circonstances ne permettaient plus l’envoi, les malades, réduits à la ration des tickets, subissaient une sous-alimentation persistante les conduisant à une cachexie mortelle93. »
37Interrogé à son tour, le procureur général près de la Cour d’appel de l’Isère émet des doutes sur la crédibilité des rations alimentaires indiqués par le préfet en 1941 :
- 94 Ibid., « Lettre du procureur général au garde des Sceaux, toujours à propos de cette affaire », 24 (...)
« Ce fonctionnaire y affirmait que l’administration de la maison d’arrêt de Grenoble ne souffrait aucune critique. Les rations énumérées dans cette lettre étaient peut-être celles qui étaient prévues par le règlement, mais on peut douter qu’elles aient été effectivement distribuées aux détenus en 1941, car il faudrait en conclure que ceux-ci étaient bien mieux nourris que le reste de la population, et la mortalité anormale constatée serait absolument inexplicable94. »
38Cette surmortalité carcérale pendant la guerre est également reconnue, le 9 janvier 1945, par le nouveau directeur de l’administration pénitentiaire Paul Amor. Contradictions, incertitudes et diversités d’un établissement à un autre s’associent à une extrême misère carcérale :
- 95 Circ. du 9-1-1945, régime alimentaire des détenus, Code pénitentiaire, t. XXXI, p. 5.
« Le nombre considérable de décès et de carences constatés dans les prisons dans les quatre dernières années et leur mauvais état sanitaire général, sont la preuve indiscutable que le régime accordé jusqu’ici était inférieur au minimum nécessaire pour qu’un homme, même inactif, puisse subsister95. »
39Combien de mineurs, plus fragiles encore que les majeurs, font partie de cette hécatombe ? Face aux mensonges et aux contradictions, aucune certitude n’est possible en la matière.
Du pain-soupe au repas solide
- 96 Faugeron C., « De la libération à la guerre d’Algérie », in Petit J.-G. (dir.) op. cit., p. 296.
- 97 Note du 19-2-1947, à MM. les directeurs régionaux des services pénitentiaires, les directeurs des (...)
40Après le second conflit mondial, le particularisme des mineurs en matière de régime alimentaire est de nouveau à l’ordre du jour. L’après-guerre reste cependant une période délicate ponctuée de difficultés d’approvisionnement où les tickets de rationnement sont toujours de vigueur96. À cette époque, le menu est encore composé exclusivement de pain et de soupe, éventuellement de purée, plat plus consistant appelé « pitance ». Quant aux mineurs, en fait de suppléments, ils doivent se contenter de « percevoir les rations de chocolat prévues pour les consommateurs ordinaires de leur catégorie97 ». Or, d’après le directeur de l’administration pénitentiaire, il semble que la faim persiste encore en prison en 1948 :
- 98 Note du 11-3-1948, relative à l’alimentation des détenus, Code pénitentiaire, t. XXXIII, p. 335.
« Il m’est signalé de divers côtés que dans beaucoup de prisons l’alimentation serait insuffisante à la fois en qualité et en quantité. Les soupes et les pitances seraient claires, et les détenus ne recevant pas de colis seraient sous-alimentés98. »
- 99 Circ. du 12-9-1951 sur le nouveau régime alimentaire des détenus valides. an fontainebleau, 960136 (...)
- 100 Ibid., « Note pour M. le garde des Sceaux (du dir. de l’AP, Charles Germain) », 4-2-1952.
41Dans l’ensemble, il apparaît que les adolescents sont, sur la question de la nourriture, privilégiés malgré une absence de réglementation spécifique assez frappante. Pendant près d’un demi-siècle les repas des détenus sont identiques, année après année, sans qu’aucune circulaire ne vienne perturber cet état de fait jusqu’à celle du 12 septembre 195199. La composition du menu carcéral est alors rectifiée car « ce régime fixé avant 1890, à une époque où les connaissances en diététique n’étaient pas ce qu’elles sont maintenant, était en effet loin de donner satisfaction100 ». Le tableau ci-dessous compare les rations officielles de 1893 avec le régime d’avant-guerre et celui de 1951 :
- 101 Circ. du 29-12-1952, sur le régime de détention des mineurs dans les MA, op. cit.
- 102 AN Fontainebleau, 960136, art. 102, « Note pour MM. les directeurs régionaux des services pénitent (...)
- 103 Ibid.
- 104 Ibid.
- 105 AN Fontainebleau, 960136, art. 32, « Question écrite n° 16.155, 26-6-1962-M. Le Pen », 26-6-1962.
- 106 Ibid., « Question écrite n° 16.155, 26-6-1962-M. Le Pen-Réponse », 10-7-1962.
42La comparaison des régimes de 1893 et de 1939 permet de constater l’immobilisme alimentaire à deux époques pourtant éloignées (les divergences peuvent être imputées aux sources de nature différente). En revanche entre 1939 et 1951, le régime des détenus s’enrichit de certaines denrées jusque-là absentes des maisons d’arrêt tandis que d’autres sont plus largement distribuées : par exemple, le lait et le poisson font leur apparition tandis que les pâtes et le riz remplacent pour partie les légumes secs. Quant au pain, si son grammage diminue, c’est qu’il est de meilleure qualité et plus facilement assimilable. Pourtant, la circulaire novatrice de 1951 oublie les moins de 18 ans. Ce n’est qu’en 1952 qu’il est décidé que leur « ration de pitance doit être doublée101 » et, comme les problèmes de rationnement ne sont plus, il est permis de penser que la circulaire peut être aisément respectée. Or, la profusion de textes qui paraît les années suivantes, notamment une note de 1961, qui relève qu’ » un certain nombre d’établissements ont […] plus ou moins perdu de vue la dernière circulaire remontant au 12 septembre 1951 qui a fixé le taux des rations du régime actuel102 » dit bien qu’il n’en est rien. Un nouveau régime qui fait appel à « des données scientifiques qui sont à la base de l’alimentation rationnelle » est donc mis en place. Le menu ressemble désormais davantage à celui de la population libre des classes moyennes : la charcuterie et les œufs sont introduits, le pain est distribué à discrétion, la quantité de lait est augmentée et celle de légumes secs considérablement réduite, remplacée par les pâtes et le riz. Deux nouvelles préoccupations apparaissent également dans cette note : celle de l’apparence puisqu’il « faut encore que ces vivres soient rendus assimilables et bien préparés, c’est-à-dire cuisinés convenablement pour être appétissants103 » et celle des dispositions particulières à prendre pour les détenus musulmans. Souvent jeunes, nombreux en cette période de guerre d’Algérie, ces derniers reçoivent notamment un plat de couscous et « un potage dit “Chorba” ou une soupe au vermicelle » deux fois par semaine et « la charcuterie de porc sera remplacée par une charcuterie d’une autre nature ». Cependant, ces prescriptions sont valables seulement « si dans un établissement la proportion de musulmans est suffisante pour justifier la préparation de plats spéciaux et si les intéressés le sollicitent104 ». Pour mention, suite à ces prescriptions, des détenus de confession israélite réclament des attentions analogues. Ainsi, à la suite d’une revendication d’un capitaine juif, le député poujadiste Jean-Marie Le Pen interroge le ministre de la Justice sur son intention à « mettre fin à ces mesures discriminatoires à l’égard des pratiquants de la religion juive105 ». Ce à quoi il lui est répondu que « la solution de ce problème est rendue délicate par la difficulté […], d’une part d’acquérir les produits alimentaires conformes aux prescriptions de la religion juive et, d’autre part, de faire préparer ces aliments conformément aux dites prescriptions106 ». Cette note démontre la tendance à l’individualisation du régime carcéral et la prise en compte des convictions de chacun. Pourtant, les détenus mineurs sont absents de ce texte officiel et ce n’est que par l’entremise de notes internes qu’il est possible d’affirmer qu’ils reçoivent généralement un régime amélioré. Les modalités d’ouverture d’un centre pour prévenus âgés de moins de 20 ans à Rouen marquent le début de la généralisation de cette pratique :
- 107 AN Fontainebleau, 960136, art. 45, « Note du dir. de l’AP pour le dir. de la prison de Rouen », 16 (...)
« Il comportera pour tous les détenus, c’est-à-dire aussi bien pour ceux âgés de plus de 18 ans que pour les autres, l’alimentation améliorée prévue par l’article D.517 du code de procédure pénale car celle-ci paraît effectivement justifiée à la fois par la nécessité du développement physique des intéressés et par le manque à gagner sur le produit de leur travail107. »
43Depuis plusieurs années déjà, globalement, les adolescents reçoivent des rations alimentaires supplémentaires. Cela semble évident, les textes sont normalement applicables tant aux jeunes hommes qu’aux jeunes femmes. Pourtant, les interrogations de la directrice de la Petite-Roquette laissent bien perplexe sur le sort qui peut être fait aux demoiselles incarcérées. Le directeur du bureau de la détention, Xavier Nicot, y répond pourtant fort simplement :
- 108 AN Fontainebleau, 960136, art. 102, « Note du bureau de la détention pour Mme la directrice de la (...)
« Au cours d’un récent entretien téléphonique, vous avez appelé mon attention sur la situation des détenues de votre établissement âgées de moins de 21 ans en me demandant si ces jeunes femmes devaient recevoir les mêmes rations alimentaires que les adultes ou si vous pouviez prévoir de leur accorder quelques suppléments par rapport au régime ordinaire.
Je vous informe qu’il me paraît souhaitable de faire bénéficier les intéressées dont les besoins physiologiques sont généralement importants, d’un régime alimentaire amélioré108. »
44De fait, la prise en compte des besoins physiologiques est désormais omniprésente. Les réunions et les décisions sur l’amélioration du régime pénitentiaire dans son ensemble sont nombreuses et l’alimentation est au cœur de ces débats. En 1963, le chantage par la faim est officiellement condamné :
- 109 Ibid., « Propositions présentées par M. Perdriau à la suite de la réunion du 5-7-1963 sur l’alimen (...)
« Par modification de ce qui était admis jusqu’ici, la nourriture servie à l’ordinaire des prisons doit satisfaire aux besoins physiologiques des détenus, et non plus être calculé légèrement en dessous pour obliger ceux-ci à travailler afin de se procurer en cantine l’appoint indispensable109. »
45Bon an mal an, théories et pratiques semblent enfin se rejoindre. Cependant, dans le domaine de l’alimentation, les archives révèlent que les mineurs ne sont pas l’objet de préoccupations singulières. Les jeunes prisonniers peuvent prétendre à un régime amélioré, celui dit des J3, qui consiste en l’attribution de rations supplémentaires de telle ou telle denrée. Rien de plus. La pratique est acquise et le code de procédure pénale de 1972 se contente de rappeler :
- 110 AN Fontainebleau, 960136, art. 94, « Modifications apportées au CPP : décret n° 72-852 du 12-9-197 (...)
« La nouvelle rédaction de l’article D. 354 relatif à l’alimentation s’inspire d’un principe contenu dans les règles minima selon lequel la nourriture servie aux détenus doit être convenablement préparée et présentée, respectée les règles de la diététique et de l’hygiène tout en tenant compte de l’âge, de l’état de santé, du travail exercé et dans toute la mesure du possible des convictions philosophiques ou religieuses des détenus110. »
- 111 AN Fontainebleau, 960136, art. 103, « Le dir. de l’AP, H. Le Corno, aux directeurs régionaux. Obje (...)
- 112 AN Fontainebleau, 960136, art. 89, « Enquête sur les couteaux en usage dans les prisons », n. d. ( (...)
- 113 Montaron J.-P., op. cit., p. 53.
- 114 « Peines perdues-3 », là-bas si j’y suis, France Inter, une émission de Daniel Mermet, diffusée le (...)
46Les textes réglementaires autour des repas ne disparaissent pas pour autant mais tournent autour de nouvelles considérations. Les éléments de vaisselle fournis aux détenus, par exemple. Jusqu’à présent ces derniers reçoivent une assiette, un bol, un verre et une fourchette « non dangereuse ». Or, « les progrès dans la composition des menus rendent cependant nécessaire l’usage fréquent d’un couteau de table111 ». Ce dernier, fragile, pliant, à bout rond est donc mis en vente en cantine en 1964112 puis distribué gratuitement en 1969. Cependant, la nourriture reste sujette à plainte. Elle est au cœur des revendications des révoltes de 1971-1974, notamment à Fleury-Mérogis où un adolescent note que « la nourriture en quantité est suffisante mais la qualité n’est pas toujours la mieux choisie113 ». De même, plus récemment, à Bois-d’Arcy devant la choucroute distribuée entre 17 h 30 et 18 h les réactions sont bien négatives : « C’est dégueulasse la barquette aujourd’hui, c’est dégueulasse la choucroute… » le couscous reste le plat préféré114. Les changements dans les habitudes alimentaires, formes et contenus, sont incontestables mais comme dans toutes communautés, les repas restent sujets de mécontentement. Après un bon dîner, équilibré et sain, les jeunes détenus devraient pourvoir profiter d’une bonne nuit de sommeil mais le repos en prison est bien difficile à obtenir.
La satisfaction d’un besoin fondamental : sommeil impossible et repos artificiel
L’inconfort
- 115 Haussonville G. (dir.), op. cit., p. 115.
47En prison, le temps imparti au sommeil, ou plus exactement le temps d’oisiveté, est conséquent. À la fin du xixe siècle, le vicomte d’Haussonville dénonce déjà « les trop longues heures passées au dortoir115 », litanie reprise cinquante ans plus tard par les inspecteurs des prisons de la Seine, Petite-Roquette y compris :
- 116 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », 31-12-1927, (...)
« Il convient d’ailleurs de noter que les prescriptions de la circulaire de 1920 qui ont fixé ces heures, pour le lever à 6 h 30 en été et 7 h en hiver, pour le coucher à 19 h en semaine et 18 h le dimanche, sont en fait presque partout transgressées […]. C’est ainsi qu’à la Santé le réveil a lieu à 7h30 en été comme en hiver, et le coucher à 18h en semaine et 17h le dimanche. Il en est de même à la Petite-Roquette116. »
48Or, il est impossible de consacrer ces treize heures et demie au sommeil, d’autant que celui-ci est généralement perturbé par l’angoisse d’un jugement ou les soucis de l’éloignement familial. À ces considérations d’ordre psychologique s’ajoutent des raisons plus prosaïques pour empêcher l’endormissement des détenus et des enfants de la Petite-Roquette :
- 117 Almereyda M., Delannoy A., op. cit.
« Pour dormir, on s’allonge sur la planche, enroulé dans une seule couverture. Mais les nuits s’écoulent sans possibilité de sommeil durable, à cause de l’intensité du froid, de la dureté de la couche, des affres causées par le jeûne, enfin par la sensation poignante que l’on a d’être esseulé, éloigné de toute humanité et de toute tendresse, et la persistante idée d’un irrémédiable abandon dans un lieu de mort117. »
49Même si l’on oublie, l’espace d’un instant, la cohabitation quasi systématique de plusieurs détenus dans huit à douze mètres carrés, il reste l’état du couchage. En dortoir comme en cellule, les lits sont durs, étroits et la literie souvent sommaire et en piteux état. Le confort pénitentiaire est minimum et il ne connaît pas de nettes améliorations dans les premières années du xxe siècle. Les décrets de 1923 portants sur le service et le régime des prisons individuelles et communes, dont dépendent aussi bien les détenus adultes que mineurs, le rappellent :
- 118 Décret du 19-1-1923, op. cit. p. 85.
« Art. 85 – Le coucher des détenus comprend : une couchette en fer, une paillasse ou un matelas, un traversin de paille, une paire de draps, une couverture de coton en été et deux couvertures, dont une de laine, en hiver118. »
50Jusque dans les années 1960, le couchage est effectivement le plus souvent une simple paillasse, c’est-à-dire de la paille recouverte d’un tissu adipeux plus ou moins déchiré et maculé. L’état de la literie est presque partout fustigé et pendant les guerres, la situation est plus critique encore comme le démontre ce cri d’alarme d’un directeur régional à la santé de l’Isère :
- 119 AD Isère, 8Y, « Lettre du dir. régional de la santé et de l’assistance à l’intendant dir. du ravit (...)
« J’ai vu au cours de ma dernière visite de la prison de Grenoble, des cellules servant de dortoir pour 6, 8, 12 et 14 détenus, dépourvues de paillasse, et où la couche de paille n’aurait pas été changée, m’a dit le gardien-chef, depuis cinq mois, faute de pouvoir obtenir une paille fraîche119. »
51Parmi les détenus de la maison d’arrêt de Grenoble, entre cinq et dix mineurs occupent une salle qui leur est réservée. Rien n’indique qu’ils ont le droit à une literie plus conforme à l’usage. Après-guerre, les situations se résorbent jusqu’à être parfois convenables, comme pour les jeunes de Toulouse en 1948 :
- 121 Note du 12-6-1948, relative à la propreté de la literie : enveloppes de paillasses et de traversin (...)
52Toutefois, il s’agit d’une exception puisque le directeur de l’administration pénitentiaire de 1948, Charles Germain, est amené à produire une note qui constate « que dans un grand nombre d’établissements, la literie, c’est-à-dire les couvertures, et surtout les enveloppes de paillasses et de traversins, sont souvent très sales121 ». Quel que soit l’état de la literie, des différences sont à envisager selon que les heures noires se passent en commun ou en cellule.
- 122 Cf. planche G, illustration n° 1.
- 123 AN Fontainebleau, 960136, art. 32, « Question écrite n° 29 415 du 21-4-1980 posée par Michel Noir (...)
- 124 Ibid. « Réponse du dir. de l’AP à la question écrite n° 29 415 », 12-5-1980.
- 125 AN Fontainebleau, 960279 art. 26, dossier n° 107, « Le dir. de la MA de Bordeaux à M. le ministre (...)
- 126 AD Isère, 4670W10, « Inspection du dir. de la circonscription pénitentiaire de Lyon, de la MA de G (...)
- 127 Les budgets publics sont alors insuffisants pour construire suffisamment de cellules individuelles (...)
- 128 Cf. planche G, illustration n° 2.
- 129 Vocabulaire préconisé par l’instruction n° 8, du 25-2-1940, à MM. les directeurs des services exté (...)
- 130 Cf. planche G, illustration n° 3 (cellule doublée).
- 131 AN Fontainebleau, 960279, art. 26, dossier n° 108, « Note du garde des Sceaux pour MM. les directe (...)
- 132 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Visite trimestrielle des jeunes détenus – Art. 7 du décret du (...)
- 133 AN Fontainebleau, 960136, art. 33, « Réponse à la question écrite posée par M. Pernin, Conseiller (...)
- 134 AN Fontainebleau, 960136, art. 14, « Rapport de visite du quartier J3 à Fresnes par MM. Les magist (...)
53Tous ceux qui ont connu les internats, la caserne ou les colonies de vacances, ne sont pas sans savoir que les dortoirs en commun ne sont pas un lieu de quiétude et de repos exemplaire. Les bruits et mouvements des voisins sont souvent cause de nuits irrégulières et d’agitations. Le décret du 29 juin 1923 sur l’emprisonnement en commun puis le règlement type des maisons d’arrêt de 1966 définissent les normes des dortoirs qui n’ont guère évolué : chacun doit avoir sa propre place mais rien n’empêche les conséquences d’un regroupement d’individus dans une salle unique où les lits sont parfois très proches122. Que dire alors lorsque les dortoirs sont surpeuplés ou quand, faute de place, ils sont installés dans des locaux inadéquats. Tout proche de nous, un parlementaire préoccupé par la situation des prisons lyonnaises, dénonce une telle pratique dans le quartier des femmes où « des lits sont dressés dans les ateliers de travail123 ». Une fois de plus, le directeur de l’administration pénitentiaire ne nie pas la situation mais avoue que « des solutions immédiates ne peuvent être trouvées124 ». Le détenu ou la détenue peut légitimement être surpris lors de la comparaison du texte et de la réalité pénitentiaire. C’est chose déjà dite, la loi impose que les mineurs soient isolés de jour et de nuit, des adultes en priorité, de leurs congénères détenus toutes les fois que cela est possible, bref qu’ils aient une cellule individuelle. Or, cela est très rarement le cas avant 1945 et demeure aléatoire après cette date. En 1948, les jeunes prisonniers de Bordeaux ou de Pontoise, bénéficient effectivement d’une cellule personnelle mais certains états de conditions d’hébergement sont bien moins conformes à la loi. Ainsi, et les exemples sont innombrables, les filles de Bordeaux « sont toutes les 12 dans un dortoir spécial » car « l’état des lieux n’a pas permis et ne permet pas encore la séparation de nuits de ces mineures125 ». Parfois, un compromis entre le dortoir et la cellule, satisfaisant au premier abord, est adopté. C’est le cas à Grenoble où les « cages à poules » remplacent la salle commune jusque-là concédée aux mineurs126. Espèces d’alcôves faites de plaques de tôle et de grillage, elles peuvent être ouvertes simultanément afin que le surveillant exerce un contrôle visuel d’ensemble, tout en assurant la séparation des prisonniers entre eux. Or, ce système mis en place à la fin du xixe siècle127 a été majoritairement abandonné. Dans l’ensemble, puisque les mineurs doivent être isolés de nuit, la solution des dortoirs leur est évitée. Des exceptions persistent, comme au centre d’observation de Marseille près de la maison d’arrêt où les adolescents des années cinquante dorment en commun128. Chaque jeune détenu doit, normalement, se voir assigner sa « chambrette129 », cellule identique à celle des adultes : étroite, munie d’une fenêtre à barreaux haut placée et équipée d’un lit, parfois d’une table et/ou d’un petit meuble de rangement lorsqu’elle n’est pas « doublée130 ». Or, l’isolement en cellule décidé « pour que ces adolescents échappent au danger de la contamination réciproque issue de leur réunion dans des locaux difficiles à surveiller131 » est rarement respecté. Le sureffectif constant ne le permet pas. L’apparition puis l’intensification de l’utilisation des lits superposés ne suffit pas à offrir un couchage convenable à tous, comme à Strasbourg : « L’agencement des cellules est d’ailleurs des plus primitifs […]. Actuellement, au moins 3 de ces mineurs [sur 13], ne disposent pas d’un lit et couchent par terre sur des matelas132. » En plus d’être surpeuplées, ces cellules sont donc souvent mal meublées. À cet égard, l’exemple du délabrement du quartier des J3 à Fresnes est marquant. Ce quartier pour jeunes adultes reçoit néanmoins les mineurs pénaux « les plus âgés et les plus pervertis133 » du CSOES. Une visite des magistrats MM. Vignoux et Laplace en 1963 témoigne, alors que l’effectif est de cinq cent vingt-sept jeunes dont sept ont moins de 18 ans, qu’ » en raison de l’importance de la population pénale la plupart des cellules sont triplées134 ». De plus, les locaux dans leur ensemble sont délabrés et mal entretenus sous prétexte de réfection à venir. Les cellules ne font pas exception :
« Les cellules (même celles qui ont été refaites il y a deux ans) sont sales. Les murs sont presque entièrement couverts d’images découpées dans des journaux illustrés. Une certaine “clochardisation” s’est donc instaurée (couvertures servant de tentures derrière lesquelles on découvre des détritus). »
- 135 Ibid.
- 136 AN Fontainebleau, 960136, art.100, « Règlement intérieur type proposé par la direction régionale d (...)
- 137 Dimensions édictées par les pouvoirs publics pour la construction des HLM. Prost A., « Frontières (...)
- 138 AN Fontainebleau, 960136, art.94, « Brochure de l’Union des jeunes avocats de Lyon », n. d. (début (...)
54Le magistrat conclu qu’il manque « pour que des conditions de détention décentes soient réalisées […] 61 lits à deux étages, 40 lits ordinaires, 150 tables murales, 270 tabourets, 279 matelas, 162 placards. Faute de ces fournitures nous avons vu à plusieurs reprises des cellules où les jeunes ne disposaient chacun que d’une paillasse. N’ayant rien pour s’asseoir, ils étaient obligés d’écrire par terre ou accroupis135 ». Il ne semble pas facile de pouvoir vivre, et encore moins de dormir, dans ces conditions. Pourtant, les règlements intérieurs des prisons à régime cellulaire stipulent bien que « chaque détenu est enfermé seul dans la cellule […] chaque cellule individuelle comprend un lit avec sa literie, une table, un tabouret et une étagère-placard » et elle doit être « équipée d’un lavabo et d’un siège deWC et possède le chauffage central136 ». Les garçons de Fresnes sont loin de bénéficier d’un tel équipement. De même, nombre de cellules destinées au logement d’un seul prisonnier ne font pas les 10 m2 imposés par le code pénal137. Par exemple, en 1972 encore, à la prison lyonnaise de Montluc où les cellules des femmes sont « d’une exiguïté extrême ; une enquête aurait récemment révélé que le cubage d’air était insuffisant138 ».Toutefois, les prisons modernes, celles construites dans les années 1970, semblent prendre en considération le besoin de confort des jeunes détenus. Les cellules du CJD de Fleury, par exemple, sont d’après nombre de témoignages de leurs locataires forcés, dans un état satisfaisant :
- 139 Montaron J.-P., op. cit., p. 17-18.
« La cellule. En entrant dans ma cellule j’ai constaté que celle-ci était relativement belle et propre. Dans un coin se tient le lavabo et les WC, séparé par un muret de béton se trouve le lit scellé au mur. Il est assez confortable grâce à son matelas en mousse. Derrière le lit, se trouve une tablette en bois recouverte de formica et juste à côté il y a une petite armoire assez pratique ; le sol est recouvert de petites dalles de lino et les murs sont peints de différentes couleurs139. »
55Pourtant, cela ne dure pas. D’après le témoignage d’une infirmière en l’an 2000, ces cellules idéales au CJD ont pâti de la dégradation inhérente à la prison et à ses pensionnaires :
- 140 Schachtel M., op. cit., p. 136.
« Le seul moyen qu’ont les détenus de s’opposer à l’institution c’est de montrer qu’ils n’ont aucun respect pour la “zonzon”, comme ils disent. La même réaction les anime dans les cellules lorsque l’on voit l’état de détérioration et de saleté de la plupart d’entre elles140. »
56À la fin de la période étudiée, le problème du couchage ne semble toujours pas définitivement réglé. En 1977, les travaux du quartier pour mineurs de Bois-d’Arcy s’achèvent. Il est composé de cent six cellules dites « ordinaires » prévues pour un ou deux détenus et de quatre cellules de quatre places. L’étude du mobilier y est minutieuse et la cellule type semble conforme aux prescriptions sus-citées. Pour cet établissement en particulier, la direction de l’administration pénitentiaire, observatrice, est aussi clairvoyante :
- 141 AN Fontainebleau, 960136, art. 33, « Dossier d’étude sur les prisons de Metz et de Bois d’Arcy », (...)
« Au cas où l’effectif des détenus qui devront être écroués […] rendrait nécessaire de placer deux d’entre eux dans certaines cellules ordinaires, il conviendrait de prévoir le mobilier en conséquence, en particulier le nombre de lits à deux couchettes superposées, afin d’éviter que certains détenus ne couchent sur un matelas posé à même le sol, comme cela se produit dans certaines maisons d’arrêt récemment construites141. »
57Pourtant, que dire de la promiscuité qui règne dans les cellules des prisons plus anciennes, qui n’ont souvent ni ce mobilier ni les 10 m2 réglementaires que prévoit le code de procédure pénale ?
Les bruits, le froid et autres petits tracas carcéraux et des moyens d’y remédier
58La promiscuité est, tout au long de la chronologie retenue, monnaie courante, que ce soit en cellule ou en dortoir. Les conséquences sont nombreuses. La première, et la plus frappante, est la nuisance sonore. Jours et nuits résonnent les échos des portes qui cognent contre les chambranles, qui grincent sur leurs gonds, portes pleines et lourdes, grandes portes d’acier, portes à barreaux, portes vitrées. La nuit, une porte, à œilleton, est refermée sur les prisonniers qui sont alors isolés du reste de la détention. Mais cette porte n’est pas étanche aux bruits d’un monde clos fait de béton et de métal :
- 142 Montaron J.-P.,« Réflexion.« On nous enfonce » »,in Enfants en prison, Paris, Eshel, 1990, p. 103.
« La prison, ce sont des bruits. Le bruit de la règle métallique sur les barreaux […]. Les paroles criées par la fenêtre à un voisin que l’on ne peut pas voir. Les coups de poings, les coups de pieds qui résonnent contre une porte. L’explosion de rage “Ouvrez”142. »
- 143 Cipriani-Crauste M., Le Bruit en milieu carcéral, une double approche du phénomène, Paris, directi (...)
- 144 Hamelin F., op. cit., p. 148.
59Les appels des gardiens, les interpellations entre détenus, les coups contre les barreaux des fenêtres, les chariots qui roulent sur les allées, les clés qui s’entrechoquent entre elles143 et, dans les prisons de femmes, « le ronron de leurs [les sœurs] prières144 », tout résonne et s’amplifie en détention d’autant plus que l’attention de l’individu, peu sollicitée, se focalise sur des petits riens, sur tous ces bruits qui l’entourent :
- 145 Hivert P., « Aspects psychologiques de la vie carcérale », Revue pénitentiaire et de droit pénal, (...)
« La diminution des apports sensoriels appauvrit la qualité des expériences, mais aiguise l’attention du sujet. Celle-ci se polarise autour de quelques données perçues, tels que les bruits significatifs qui découpent le temps quotidien : pas, clefs, verrous, chariots, etc. Dans ce monde clos et vide, il s’effectue un recentrage de l’intérêt autour de faits mineurs et des petits objets familiers145. »
- 146 Décret du 19-1-1923, op. cit. p. 13.
- 147 Montaron J.-P., op. cit., p. 49.
60Les témoignages de ceux qui ont pénétré un jour en prison convergent dans la description d’une cacophonie inquiétante. Même la loi du silence de la première moitié du xxe siècle qui préconise « qu’aucune parole ne doit être prononcée qu’à voix basse146 » ne peut taire l’environnement sonore qui fait écho entre quatre murs. La moderne Fleury-Mérogis n’échappe pas à la règle au grand dam de l’un des élèves de Jean-Pierre Montaron : « Ce qui me déprime ici ce sont les bruits… les grilles, les portes, tout est automatique147. » La nuit, les bruits sont plus étouffés, moins nombreux mais d’autant plus retentissants que chaque individu est davantage face à lui-même. En 2003, un jeune de Bois-d’Arcy, devant la remarque du journaliste qui dit être surpris par les bruits, explique :
- 148 « Peines perdues-4 », Là-bas si j’y suis, France Inter, une émission de Daniel Mermet, diffusée le (...)
« La nuit c’est encore pire que ça, la nuit ils mettent la musique à fond, on peut pas dormir, ils foutent le bordel, après t’es obligé de rentrer dans le rythme quoi. Tu mets ta musique et puis c’est tout.
— En fait personne dort la nuit ?
— Jusqu’à deux heures trois heures personne dort. À partir de quatre heures tout le monde dort. Couvre feu. Et les matons ils peuvent passer, ils en ont rien à foutre148. »
61L’autre grand cauchemar du sommeil carcéral est le froid. En journée, il est possible de se mouvoir, de se réchauffer par diverses activités, ce qui est strictement interdit la nuit afin d’éviter les bruits intempestifs. Or, s’ils sont pourvus de couvertures, les détenus sont pendant plus d’un demi-siècle, en pyjama ou en slip dès le couvre-feu. En 1953, le ministre de Justice appelle les directeurs à réfléchir sur cette pratique sans imposer pour autant une nouvelle réglementation :
- 149 AN Fontainebleau, 960136, art. 94, « Circ. à MM. les directeurs de circonscription pénitentiaire. (...)
« Il est d’usage dans la majeure partie des établissements pénitentiaires de retirer, pendant la nuit, des cellules et dortoirs les vêtements des détenus. Cette mesure de précaution répond au légitime souci de rendre plus difficile une évasion et de ne laisser à la disposition des intéressés des pièces de vêtement dans lesquelles il serait relativement aisé de dissimuler armes et outils […]. Dans les maisons d’arrêt et de correction qu’elles soient ou non cellulaires, ainsi que dans les autres établissements pourvus de dortoirs, il me semble opportun de laisser aux autorités locales responsables […] le soin de décider si les vêtements seront ou non retirés149. »
- 150 AN Fontainebleau, 960136, art. 103, « Note pour MM. les directeurs de circonscription pénitentiair (...)
- 151 Montaron J.-P., op. cit., p. 50.
62Parfois, la direction de l’administration pénitentiaire ou le ministre de la Justice lui-même prennent des mesures d’exceptions lorsque les grands froids se manifestent. Cela est le cas, par exemple, lors du rigoureux hiver de 1954 pendant lequel les détenus sont exceptionnellement autorisés à porter leur couverture supplémentaire en pèlerine pendant la journée150. Ce froid peut parfois s’insinuer si profondément au cœur des individus, qu’ils le deviennent eux-même à l’exemple de ce qu’exprime cet adolescent du CJD : « Ici, je me sens froid, une solitude fine, une douleur, une angoisse151… » En 2003 encore, dans le quartier des mineurs de Bois-d’Arcy, un adolescent explique au journaliste qui l’interroge sur ses nuits :
- 152 « Peines perdues-4 », op. cit.
« Il fait très très froid dans la cellule. Y’a un chauffage au sol et au plafond… y’en a même pas ! Les fenêtres, tout autour des joints, l’air il passe. Ça fait qu’il fait super-froid dans la cellule. J’dors avec deux couvertures pour dormir. Et des fois j’dors tout habillé avec le blouson, tout… pour pas avoir froid152. »
63Entre froid et bruit, solitude et obscurité, le sommeil vient rarement. La nuit est souvent un moment particulièrement pénible pour les jeunes gens. Un observateur de la Petite-Roquette imagine, déjà à la fin du xixe siècle, le sommeil perturbé des petits prisonniers :
- 153 Guillot A., op. cit., p. 324-325.
« […] à sept heures les jours ouvrables, et à six heures le dimanche ils vont se coucher, et dès qu’ils sont au lit, on leur enlève leur petit lumignon, on leur retire leurs effets pour prévenir toute velléité d’évasion, et ils dorment s’ils peuvent pendant douze heures ; les rêves mauvais occupent le plus souvent leur esprit153. »
- 154 Brachet M.-C., Itinéraires : 8 mineurs du SOES de Fresnes, 1979, p. 39.
- 155 « Peines perdues-4 », op. cit..
64Plus de soixante-dix ans après, dans d’autres lieux conçus également spécialement pour les mineurs, les cauchemars sont toujours le lot quotidien des mineurs incarcérés. Dans le Centre spécial d’observation de l’éducation surveillée : « Je fais des cauchemars, je me réveille, il y a deux jours, je rêvais que j’étais sur la coursive et puis ça balançait, ça balançait154… » Ou encore, à Bois-d’Arcy au début du xxie siècle : « La première nuit, c’était dur. Mais bon, après j’m’y suis fait155. » Pour remédier à ces insomnies notoires et généralisées, détenus et administration pénitentiaire ont recours à la médecine et à ses progrès en matière de psychotropes. Les médecins distribuent nombre de somnifères et de calmants. Dominique, jeune délinquant multirécidiviste, interviewé par Michel Badevant et Janie Marchand sur son incarcération à Fleury-Mérogis en 1973 en témoigne :
- 156 Badevant M., Marchand J., Histoire de Dominique, vue par lui-même… et quelques autres…, textes int (...)
« Bon, déjà, moi, à Fleury-Mérogis j’étais sous Valium, c’est-à-dire j’avais besoin de ça pour me calmer, j’en prenais comme ça pour dormir surtout, pas pour me calmer, ça calme même pas du tout […]. Moi, je les prenais pas par le toubib, j’en demandais aux gars156. »
- 157 Perez A., op. cit., p. 44.
- 158 OIP, Le nouveau guide du prisonnier, Paris, Les Éditions de l’atelier, 2000, p. 378, et Jean J.-P. (...)
65Angel Perez raconte également qu’il est mis sous traitement après une tentative de suicide. Son parcours, tel qu’il le décrit, montre bien l’engrenage médicamenteux auquel sont soumis les détenus et les soignants : « Et c’est si bon de se droguer de la sorte, légalement, en prison157. » Pour obtenir davantage deValium, il ment, et affirme qu’il ne dort pas. Cette allégation est tout à fait plausible dans ces établissements où l’insomnie règne en maître. Sa dose est donc augmentée… cinq fois d’affilée. Il n’est pour autant pas dupe de cette « camisole chimique158 » dont il bénéficie :
- 159 Perez A., op. cit., p. 88.
« Il est vrai que pendant que les détenus planent tranquillement dans leur cellule et ailleurs, eux [les gardiens] ils sont tranquilles. En fait, on aimerait peut-être que toute la prison se drogue afin d’avoir des loques inoffensives et silencieuses159. »
- 160 Benquet P., « Sécurité : jeunes en prison », Le Monde dimanche, 7-6-1981.
- 161 Jaeger M., Monceau M., op. cit., p. 15.
- 162 Kajman M.,« Femmes en prison », Le monde, 20-9-1977.
66Le « mal » persiste et s’insinue dans toutes les prisons. En 1981, le psychiatre voit toujours défiler dans son bureau autant de jeunes détenus « qui veulent “quelque chose pour dormir”160 ». Dans les prisons de femmes, malgré le manque d’archives pour apporter confirmation, il est aisé de supposer que l’usage des psychotropes est plus intense encore. En effet, les Françaises libres en consomment déjà deux fois plus que leurs compagnons161. Pour la directrice de la maison centrale de femmes de Rennes, « l’usage et l’abus des barbituriques sont […] un sujet de préoccupation162 ». De fait, les psychotropes ont encore une longue vie carcérale devant eux, c’est que leur fonction est double :
- 163 Jaeger M., Monceau M., op. cit., p. 10.
« […] on conviendra que les médicaments psychotropes visent à réduire la douleur psychique des individus incarcérés. Mais ces produits ont, en outre, la particularité d’avoir une fonction institutionnelle, en contribuant au calme de l’institution pénitentiaire et à la sécurité des personnels de surveillance163. »
67Quelle que soit la réalité de la « surconsommation » des tranquillisants, ils ne suffisent pourtant pas toujours pour trouver le sommeil et moins encore le sommeil réparateur. Les mineurs détenus d’hier comme ceux d’aujourd’hui éprouvent de grandes difficultés à dormir. Cependant, les raisons invoquées au début des années quatre-vingt ne sont plus exactement celles du premier xxe siècle :
- 164 Bacquias P., « Le jeune délinquant et la prison, une expérience clinique en MA auprès de jeunes in (...)
« Les troubles du sommeil sont constants, qu’il s’agisse d’une difficulté à l’endormissement ou d’un réveil anticipé ; on évoque à son origine l’inactivité, la sur-consommation de tabac, la perturbation des rythmes fondamentaux. L’insomnie est essentiellement la conséquence de troubles anxio-dépressifs, qu’elle vient d’ailleurs renforcer. La plainte prend souvent l’allure d’une demande de sommeil permanente : on ne dort jamais assez quand on cherche à se noyer dans une fuite du monde et de soi164… »
- 165 Jaeger M., Monceau M., op. cit., p. 9.
68L’agressivité, l’agitation excessive et parfois même un développement physique déficient sont autant de conséquences possibles du manque de repos chez l’adolescent. De fait, « la sanction ne se réduit pas à la privation de liberté : elle se paie aussi en terme de santé, et notamment de santé mentale165 ».
69Les gestes du quotidien, simples et automatiques pour le citoyen libre, prennent souvent l’allure d’un véritable défi pour le détenu. Il est parfois bien compliqué d’assouvir de simples besoins vitaux comme de s’alimenter ou de dormir. En prison, l’individu n’a que très peu de libre arbitre puisque tout est décidé pour lui. Les heures de ses repas et du couvre-feu lui sont imposées, de la même manière que des parents décident pour leurs enfants les moments propices pour passer à table ou pour éteindre la lampe de chevet. Seulement, prévenus et condamnés sont des adultes, éventuellement des adolescents, qui ne peuvent que mal vivre ces injonctions carcérales. Quand on a 16 ans en prison, se trouver, affirmer sa personnalité et faire des projets d’avenir constructifs relèvent de la gageure. Tout est convenu par autrui, imposé souvent par la contrainte, par des adultes qui semblent être là uniquement pour frustrer et obliger. L’épanouissement physique lui-même peut être remis en cause, ralenti ou perturbé par une nourriture insuffisante ou inadaptée, par un sommeil constamment gêné et irrégulier. Pourtant, aussi difficiles soit-ils à assouvir, les repas et le sommeil sont souvent, avec la promenade, les seules « activités » proposées en prison. Les textes et les projets d’occupation du temps par la scolarisation ou la professionnalisation ne manquent pourtant pas mais leur mise en pratique est souvent douteuse, parfois inexistante.
Notes
1 Montaron J.-P.,« Réflexion.“On nous enfonce” »,in Enfants en prison, Paris, Eshel, 1990, p. 103.
2 Yvorel E., « Enfants et adolescents en prison “ordinaire” : incarcération des mineurs et statistiques pénitentiaires (1880-1945) », Crime, histoire et société (ISSN : 1422-0857) (à paraître).
3 Cornil P., « La réforme des prisons », Revue pénitentiaire et de droit pénal, janv.-mars 1962, p. 25-38.
4 Buffard S., « Y a-t-il une évolution de la prison ? », Réflexion du groupe multiprofessionnel de Lyon sur les questions pénitentiaires, Déviance et société, vol. 1, n° 2, sept. 1977, p. 103-108.
5 Perrot M. (dir.), L’impossible prison : recherches sur le système pénitentiaire au xixe siècle, Paris, Seuil, 1980, 317 p.
6 Fize M.,« L’impossible socialisation des jeunes dans des conditions de contraintes maximum : l’exemple de la prison », Annales de Vaucresson, 1988/1, n° 28, p. 201-210.
7 AN Fontainebleau, 960136, art. 94, « Note pour M. le Dir. du Centre Pénitentiaire de Saint-Martin-de-Ré. Objet : publicité de la législation et de la réglementation pénitentiaire dans les établissements », 10-4-1959.
8 Art. D. 255 du CPP.
9 Les règlements intérieurs sont très complets mais peu distribués aux détenus jusqu’à la circulaire AP 72-9 du 30-12-1972 qui spécifie qu’ils ne doivent plus comprendre que « les détails d’ordre pratique propres à l’établissement ». Une notice d’information, résumé du règlement, est théoriquement remise aux arrivants.
10 Montaron J.-P., Les jeunes en prison, « on nous enfonce », Paris, Seuil, 1977, p. 50.
11 L’établissement détient alors entre un et neuf mineurs de 18 ans.
12 L’auteur précise : « Au 6 octobre 1889, il y avait à la prison, 42 enfants en prévention, 61 jugés et 44 détenus par voie de correction paternelle, en tout 147. »
13 AN Fontainebleau, 960136, art. 100, « Règlement intérieur type proposé par la direction régionale de Rennes », n. d. (1966).
14 Ministère de l’Intérieur. Extrait du rapport présenté par l’inspection générale de AP, 1949-1950, p. 31.
15 Quincy-Lefebvre P., Famille, institutions et déviance. Une histoire de l’enfance difficile, 1880-fin des années trente, Paris, Economica, 1997, 437 p.
16 Pierre M., « Les prisons de la IIIe République », in Petit J.-G. (dir.) op. cit., p. 277.
17 Haussonville G. (dir.), op. cit., p. 326.
18 Ibid., p. 312-313.
19 Vimont J.-C., op. cit., 127 p.
20 AN Fontainebleau, 960279, art. 26, Dossier n° 107, « Le surveillant chef de la MA de Toulouse à M. le dir. de la circonscription pénitentiaire de Toulouse », n. d. (oct. 1948).
21 Ibid., « Le dir. de la circonscription pénitentiaire de Paris à M. le ministre de la Justice », 7-9-1948.
22 Circ. du 29-12-1952, sur le régime de détention des mineurs dans les MA, op. cit.
23 AN Fontainebleau, 960136, art. 45, « Note pour MM. les directeurs de circonscriptions pénitentiaires. Objet : Régime de détention des mineurs dans les MA », 11-2-1954.
24 Art. D. 514 du CPP.
25 Art. D. 516 à D. 518 du CPP.
26 Art. D. 519 du CPP.
27 Exercice 1959, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1960, p. 72.
28 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Le procureur général près de la cour d’appel au garde des Sceaux. Objet : Visite trimestrielle des jeunes détenus », 13-3-1961.
29 AN Fontainebleau, 960136, art. 45, « Note de A. Perdriau, dir. du bureau de l’application des peines, à tous les directeurs régionaux de l’AP. Objet : Conditions de détention des mineurs de 21 ans », 11-1-1962.
30 Ibid., « Conclusion du groupe de travail chargé de l’étude des conditions de détention des mineurs et jeunes adultes », juin 1962, p. 3.
31 AN Fontainebleau, 960136, art. 32, « Réponses à la question écrite n° 8500 du 30-11-1978 posée par C. Dablanc de l’Assemblée nationale, par le dir. de l’AP », n. d.
32 Montaron J.-P., op. cit., p. 19.
33 Perez A., Fleury-Mérogis, Paris, La pensée universelle, 1982, p. 8.
34 Circ. du 4-2-1994, sur le nouveau régime de détention des mineurs, fonds historique de Vaucresson.
35 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947 », op. cit., p. 184.
36 Gayraud A., op. cit., p. 685.
37 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Note sur l’amélioration des conditions de détention des jeunes détenus », n. d. (1967).
38 AN Fontainebleau, 960279, art. 2, « Conclusion sur l’AP et le système répressif », 26-9-1951, p. 18.
39 Exercice 1963, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1964, p. 65.
40 Ibid., p. 66.
41 Ibid.
42 Ibid., p. 65.
43 Ibid. Les 280 jeunes correspondent aux condamnés de moins de 25 ans puisque les jeunes adultes plus âgés ne bénéficient pas des cours scolaires.
44 Exercice 1963, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1964, p. 68.
45 Ibid., p. 69.
46 AN Fontainebleau, 960136, art. 100, « Règlement – Mémento à l’usage des détenus-MC de Loos, centre de jeunes condamnés », n. d. (1966), p. 1-3.
47 Pierre M., « Les prisons de la IIIe République », in Petit J.-G. (dir.), op. cit., p. 277.
48 Emploi du temps reconstitué à partir du rapport annuel de fonctionnement du CSOES de 1966 et d’après les renseignements fournis par Guy Tramonti et Denis Collinet, éducateurs en 1972.
49 Fonds Brisset, « Rapport d’inspection du CSOES de MM. Certhoux et Pretot », juin 1978, p. 26.
50 Fonds Brisset, « Rapport annuel du CSOES », année 1966, p. 17.
51 Fonds Brisset, « Rapport d’inspection du CSOES de MM. Certhoux et Pretot », juin 1978, p. 26.
52 Les jeux de société sont encore interdits en MA.
53 Yvorel E., Le Centre spécial d’observation de l’éducation surveillée de 1958 à 1979, op. cit.
54 Seyler M., La consommation dans les établissements pénitentiaires, Nemours, CESDIP, n° 41, 1985, 293 p.
55 Petit J.-G., « Les travaux et les jours (1800-1875) », in Petit J.-G. (dir.), op. cit., p. 156.
56 Haussonville G. (dir.), op. cit., p. 98.
57 Instruction du 2-2-1857 sur le service des MA, de justice et de correction – Exécution du décret du 128-1856, Code pénitentiaire, t. III, p. 49.
58 Arrêté du 18-2-1890, Cahier des charges, pour l’entreprise générale des services économiques et des travaux industriels dans les MC, Code pénitentiaire, t. XIV, p. 24.
59 Almereyda M., Delannoy A., op. cit.
60 Cf. planche P, illustration n° 2.
61 Pierre M., « Les prisons de la IIIe République », in Petit J.-G. (dir.), op. cit., p. 280.
62 AN Vienne, « Cahier des charges pour l’entreprise générale des services des MA, de Justice et de correction des dépôts et chambres de sûreté des départements de la Vendée, des Deux-Sèvres, de la Vienne et de l’Indre », 1906, 1912, 1920, 1923.
63 Rapport du 6-12-1910, sur les services pénitentiaires présenté au président du Conseil, par l’inspection générale des services administratifs et inséré au journal officiel du 6-12-1910 – Colonie pénitentiaires, Code pénitentiaire, t. XVII, p. 379.
64 Ibid. Elle passe à un kilo par jour un an plus tard.
65 Circ. du 14-11-1921, aux directeurs des MC et des prisons de Fresnes, au sujet de la fixation du régime du pain, Code pénitentiaire, t. XX, p. 176.
66 Décret du 19-1-1923, portant règlement d’administration publique sur le régime intérieur et l’organisation du travail dans les prisons affectées à l’emprisonnement individuel, Code pénitentiaire, t. XXI et décret du 29-6-1923, portant règlement du service et du régime des prisons affectées à l’emprisonnement en commun, Code pénitentiaire, t. XXI.
67 Décret du 19-1-1923, op. cit., p. 75 et décret du 29-6-1923, op. cit., art. 72.
68 Note du 16-11-1931 aux directeurs des circonscriptions pénitentiaires, relative au régime alimentaire des mineurs dans les MA, Code pénitentiaire, t. XXIV, p. 104.
69 Meurillon R., op. cit.
70 Instruction n° 69, du 4-11-1937 portant modification des art. 32, 33 et 34 du règlement du 15-2-1930, Code pénitentiaire, t. XXVII.
71 Instruction n° 26, à MM. les directeurs des services extérieurs, 16-4-1938, Code pénitentiaire, t. XXVII.
72 En gras l’explication de ce phénomène dans l’extrait de l’instruction, reproduit ci-dessus.
73 Darmon P., Vivre à Paris pendant la Grande Guerre, Paris, Fayard, 2002, p. 163-190.
74 Instruction n° 34ter, du 4-7-1940, restriction de la consommation du pain, Code pénitentiaire, t. XXVIII.
75 Circ. du 16-6-1917, aux directeurs des MC, circonscriptions pénitentiaires, régie des prisons de Paris, prisons de Fresnes, colonies de jeunes détenus, dépôt de Saint-Martin-de-Ré, au sujet de la réduction temporaire de la ration de pain, Code pénitentiaire, t. XIX, p. 23.
76 AD Isère, 4670W10, « Lettre du procureur général au préfet de l’Isère », 24-3-1941.
77 Ibid., « Lettre d’un détenu [pour distribution de tract communiste] à son avocat », 13-5-1941.
78 Ibid., « Le préfet de l’Isère au procureur général près la cour d’appel de Grenoble », 22-4-1941.
79 AD Isère, 8Y, « Rapport de M. Dauphin, visite du 10-11-1941 ».
80 Ibid., « Rapport de M. Dauphin, visite du 17-7-1941 ».
81 Instruction n° 64 le 18-11-1940, le secrétaire d’État au ravitaillement à M. le garde des Sceaux, Code pénitentiaire, t. XXVIII.
82 Circ. du 22-3-1942, relative à l’alimentation des détenus (denrées supplémentaires, sucre, pâte alimentaire, fromage), Code pénitentiaire, t. XXIX, p. 126.
83 AD Isère, 8Y, « Rapport de M. Dauphin, visite du 17-7-1941 ».
84 Ibid., « Plainte des détenues de la MA de Grenoble au préfet », 26-11-1941. Lettre reproduite dans son intégralité, en respectant l’orthographe et la ponctuation.
85 Ibid., « Rapport de M. Dauphin, visite du 10-11-1941 ». Rumeurs provoquées par la lettre du détenu communiste et les dénonciations de son avocat.
86 Ibid.
87 Circ. du 22-3-1942, relative à l’alimentation des détenus (denrées supplémentaires, sucre, pâte alimentaire, fromage), Code pénitentiaire, t. XXIX, p. 126.
88 AD Isère, 8Y, « Compte-rendu de la visite du 9-1-1942 de la MA de Grenoble par le conseiller délégué de la préfecture en exécution de la dépêche préfectorale du 13-5-1941 ».
89 Debesse M., l’adolescence, PUF, Que sais-je ?, Paris (1943), 12e édition, 1969, p 37.c
90 Circ. du 4-9-1942, relative à l’alimentation des femmes enceintes, enfants en bas âge, mineurs des catégories J2 et J3, Code pénitentiaire, t. XXIX, p. 205.
91 AN Fontainebleau, 960279 art. 26, dossier n° 107, « Le dir. de l’AP à M. l’inspecteur général », 6-4-1946.
92 AD Isère, 4670W10, « Note sur la mortalité anormale constatée à la MA de Grenoble, au cours de l’hiver 1940-1941 », 7-4-1945.
93 Ibid., « Lettre du procureur de la République à l’inspecteur général de la magistrature », 7-2-1945. Propos sur la situation des asiles isérois corroborés par une équipe de chercheurs de Lyon. famine et exclusion dans la France sous l’occupation, colloque du 20 et 21 nov. 2003, Lyon. Actes à paraître.
94 Ibid., « Lettre du procureur général au garde des Sceaux, toujours à propos de cette affaire », 24-2-1945.
95 Circ. du 9-1-1945, régime alimentaire des détenus, Code pénitentiaire, t. XXXI, p. 5.
96 Faugeron C., « De la libération à la guerre d’Algérie », in Petit J.-G. (dir.) op. cit., p. 296.
97 Note du 19-2-1947, à MM. les directeurs régionaux des services pénitentiaires, les directeurs des MC et établissements assimilés, les directeurs d’IPES et CO, les surveillants-chefs des MA relative aux rations alimentaires des détenus et pupilles, Code pénitentiaire, t. XXXIII, p. 53.
98 Note du 11-3-1948, relative à l’alimentation des détenus, Code pénitentiaire, t. XXXIII, p. 335.
99 Circ. du 12-9-1951 sur le nouveau régime alimentaire des détenus valides. an fontainebleau, 960136, art. 102.
100 Ibid., « Note pour M. le garde des Sceaux (du dir. de l’AP, Charles Germain) », 4-2-1952.
101 Circ. du 29-12-1952, sur le régime de détention des mineurs dans les MA, op. cit.
102 AN Fontainebleau, 960136, art. 102, « Note pour MM. les directeurs régionaux des services pénitentiaires, les directeurs des prisons de la Santé, Fresnes, la Roquette et Marseille, les directeurs des MC et centre pénitentiaire », 26-10-1961.
103 Ibid.
104 Ibid.
105 AN Fontainebleau, 960136, art. 32, « Question écrite n° 16.155, 26-6-1962-M. Le Pen », 26-6-1962.
106 Ibid., « Question écrite n° 16.155, 26-6-1962-M. Le Pen-Réponse », 10-7-1962.
107 AN Fontainebleau, 960136, art. 45, « Note du dir. de l’AP pour le dir. de la prison de Rouen », 16-5-1961.
108 AN Fontainebleau, 960136, art. 102, « Note du bureau de la détention pour Mme la directrice de la MA de la Petite-Roquette », 10-8-1963.
109 Ibid., « Propositions présentées par M. Perdriau à la suite de la réunion du 5-7-1963 sur l’alimentation dans les prisons », 18-9-1963.
110 AN Fontainebleau, 960136, art. 94, « Modifications apportées au CPP : décret n° 72-852 du 12-9-1972 », 30-12-1972.
111 AN Fontainebleau, 960136, art. 103, « Le dir. de l’AP, H. Le Corno, aux directeurs régionaux. Objet : Amélioration des conditions de détention », 10-7-1968.
112 AN Fontainebleau, 960136, art. 89, « Enquête sur les couteaux en usage dans les prisons », n. d. (1964).
113 Montaron J.-P., op. cit., p. 53.
114 « Peines perdues-3 », là-bas si j’y suis, France Inter, une émission de Daniel Mermet, diffusée le 27 septembre 2004 (rediffusion).
115 Haussonville G. (dir.), op. cit., p. 115.
116 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », 31-12-1927, Code pénitentiaire, t. XXII, p. 648.
117 Almereyda M., Delannoy A., op. cit.
118 Décret du 19-1-1923, op. cit. p. 85.
119 AD Isère, 8Y, « Lettre du dir. régional de la santé et de l’assistance à l’intendant dir. du ravitaillement départementale de l’Isère », 26-3-1942.
120 Ibid., « Le surveillant chef de la MA de Toulouse au dir. de la circonscription pénitentiaire de Toulouse », n. d. (oct. 1948).
121 Note du 12-6-1948, relative à la propreté de la literie : enveloppes de paillasses et de traversins et de couvertures, Code pénitentiaire, t. XXXIII, p. 373.
122 Cf. planche G, illustration n° 1.
123 AN Fontainebleau, 960136, art. 32, « Question écrite n° 29 415 du 21-4-1980 posée par Michel Noir au ministère de la Justice ».
124 Ibid. « Réponse du dir. de l’AP à la question écrite n° 29 415 », 12-5-1980.
125 AN Fontainebleau, 960279 art. 26, dossier n° 107, « Le dir. de la MA de Bordeaux à M. le ministre de la Justice », 13-10-1948.
126 AD Isère, 4670W10, « Inspection du dir. de la circonscription pénitentiaire de Lyon, de la MA de Grenoble », 13-4-1959.
127 Les budgets publics sont alors insuffisants pour construire suffisamment de cellules individuelles préconisées par la loi de 1875. Les « cages à poules » sont donc installées dans les dortoirs des MC et des colonies pénitentiaires. Cf. exemple de Fontevrault, planche G, illustration n° 4.
128 Cf. planche G, illustration n° 2.
129 Vocabulaire préconisé par l’instruction n° 8, du 25-2-1940, à MM. les directeurs des services extérieurs, Code pénitentiaire, t. XXVIII.
130 Cf. planche G, illustration n° 3 (cellule doublée).
131 AN Fontainebleau, 960279, art. 26, dossier n° 108, « Note du garde des Sceaux pour MM. les directeurs régionaux de Bordeaux, Paris, Versailles, Pontoise, Strasbourg, Metz, Mulhouse, Toulouse », 20-8-1948.
132 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Visite trimestrielle des jeunes détenus – Art. 7 du décret du 12-4-1952 – MA de Strasbourg – Par le procureur général de la Cour d’appel de Colmar », 13-3-1961.
133 AN Fontainebleau, 960136, art. 33, « Réponse à la question écrite posée par M. Pernin, Conseiller municipal, au ministère de la Justice, sur la situation des mineurs détenus aux prisons de Fresnes », 24-8-1961.
134 AN Fontainebleau, 960136, art. 14, « Rapport de visite du quartier J3 à Fresnes par MM. Les magistrats Vignoux et Laplace au dir. de l’AP », 13-3-1963.
135 Ibid.
136 AN Fontainebleau, 960136, art.100, « Règlement intérieur type proposé par la direction régionale de Rennes », n. d. (1966), p. 3.
137 Dimensions édictées par les pouvoirs publics pour la construction des HLM. Prost A., « Frontières et espaces privés », in Ariès P., Duby G., Histoire de la vie privée, 5, de la Première Guerre mondiale à nos jours, Paris, Seuil, 1999, p. 58. En 2005 il a été question que cette norme soit abaissée à 7 m2…
138 AN Fontainebleau, 960136, art.94, « Brochure de l’Union des jeunes avocats de Lyon », n. d. (début 1972).
139 Montaron J.-P., op. cit., p. 17-18.
140 Schachtel M., op. cit., p. 136.
141 AN Fontainebleau, 960136, art. 33, « Dossier d’étude sur les prisons de Metz et de Bois d’Arcy », avril-juin 1977.
142 Montaron J.-P.,« Réflexion.« On nous enfonce » »,in Enfants en prison, Paris, Eshel, 1990, p. 103.
143 Cipriani-Crauste M., Le Bruit en milieu carcéral, une double approche du phénomène, Paris, direction de l’AP, 1984, n. p.
144 Hamelin F., op. cit., p. 148.
145 Hivert P., « Aspects psychologiques de la vie carcérale », Revue pénitentiaire et de droit pénal, avril-juin 1971, p. 321.
146 Décret du 19-1-1923, op. cit. p. 13.
147 Montaron J.-P., op. cit., p. 49.
148 « Peines perdues-4 », Là-bas si j’y suis, France Inter, une émission de Daniel Mermet, diffusée le 28 septembre 2004 (rediffusion).
149 AN Fontainebleau, 960136, art. 94, « Circ. à MM. les directeurs de circonscription pénitentiaire. Objet : retrait des vêtements pendant la nuit », 17-11-1953.
150 AN Fontainebleau, 960136, art. 103, « Note pour MM. les directeurs de circonscription pénitentiaire », 2-2-1954.
151 Montaron J.-P., op. cit., p. 50.
152 « Peines perdues-4 », op. cit.
153 Guillot A., op. cit., p. 324-325.
154 Brachet M.-C., Itinéraires : 8 mineurs du SOES de Fresnes, 1979, p. 39.
155 « Peines perdues-4 », op. cit..
156 Badevant M., Marchand J., Histoire de Dominique, vue par lui-même… et quelques autres…, textes intégral des différentes interventions ayant permis la réalisation d’un film vidéo, CRIV, 2e édition juin 1986, p. 9.
157 Perez A., op. cit., p. 44.
158 OIP, Le nouveau guide du prisonnier, Paris, Les Éditions de l’atelier, 2000, p. 378, et Jean J.-P., Rapport Toxicomanes et drogues en prison, IGPS, juillet 1996.
159 Perez A., op. cit., p. 88.
160 Benquet P., « Sécurité : jeunes en prison », Le Monde dimanche, 7-6-1981.
161 Jaeger M., Monceau M., op. cit., p. 15.
162 Kajman M.,« Femmes en prison », Le monde, 20-9-1977.
163 Jaeger M., Monceau M., op. cit., p. 10.
164 Bacquias P., « Le jeune délinquant et la prison, une expérience clinique en MA auprès de jeunes incarcérés », Annales de Vaucresson, 1981, n. p.
165 Jaeger M., Monceau M., op. cit., p. 9.
Table des illustrations
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Titre | Document 1 – Horaires quotidiens des jeunes détenus. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/6042/img-1.png |
Fichier | image/png, 27k |
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URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/6042/img-2.png |
Fichier | image/png, 20k |
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Titre | Document 2 – Emploi du temps des jeunes détenus de Toulouse en 194820 |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/6042/img-3.png |
Fichier | image/png, 14k |
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Titre | Document 3 – Emploi du temps des jeunes détenus du CSOES (semaine)48. Observation et post-observation (l’emploi du temps est inversé chaque jour par groupe). |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/6042/img-4.png |
Fichier | image/png, 23k |
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Titre | Document 4 – L’état du ravitaillement de la maison d’arrêt de Grenoble (1941)86. |
Légende | P de T = Pommes de terreTC = Détenus toutes catégoriesJD = Jeunes détenusDétenus toutes catégories, tous les jours : Pain = 0,400Jeunes détenus, tous les jours : Café = 0,005 Sucre = 0,010 |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/6042/img-5.png |
Fichier | image/png, 16k |
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Titre | Document 5 – Régime alimentaire de 1893, d’avant 1939 et de 1951. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/6042/img-6.png |
Fichier | image/png, 18k |
© Presses universitaires de Rennes, 2007