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Les enfants de l'ombre

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Élise Yvorel

Première partie. L’espace carcéral : prisons ordinaires et prisons spécifiques, séparer les mineurs des adultes

Chapitre II. Les prisons spécifiques pour mineurs : trois expériences, trois échecs

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Géographique :

France

Texte intégral

1L’administration pénitentiaire, puis l’éducation surveillée, ont conscience d’une spécificité de la délinquance juvénile, et par conséquent, du traitement judiciaire qu’il convient de lui réserver. En terme de détention, la promiscuité des adultes et des mineurs est rapidement considérée comme amorale et dangereuse. Aussi, des actions sont menées, avec plus ou moins de succès, pour séparer ces deux catégories. La majorité des mesures concernent les prisons déjà existantes qu’il s’agit d’aménager différemment et de rendre plus commodes pour l’isolement des uns des autres. Toutefois, les quartiers pour mineurs restent en nombre insuffisant et tous les établissements pénitentiaires n’en sont pas pourvus, autant par manque de volonté de politiques locales que pour des raisons d’agencement de locaux vétustes et trop étroits. Les multiples solutions prises, souvent minimalistes, ne sauraient donc pallier les besoins importants d’accueil des jeunes de justice. De plus, ces deniers appartiennent à des catégories différentes de prisonniers qu’il s’agit également de séparer : les condamnés, les prévenus et les enfants de la correction paternelle ne doivent pas bénéficier du même traitement. Aussi, des structures spécifiques, réservées uniquement aux plus jeunes, sont imaginées, créées et peuplées de mineurs délinquants. Ces dernières ont des objectifs officiels divergents, bien que la rééducation soit toujours au cœur du projet. Une fois ces prisons pour mineurs réalisées, la « réalité » de la détention dans ces établissements pour mineurs va systématiquement à l’encontre de l’idéal décrit sur le papier.

La Petite-Roquette ou l’immobilisme pénitentiaire

  • 1 Notamment le mémoire de trois éducatrices Barbaroux M.-N., Broussard J., Hamoniaux M., » L’évoluti (...)
  • 2 Guillot A., Les prisons de Paris et les prisonniers, Paris, E. Dentu Éditeur, 1890.
  • 3 S’ajoutent à ces deux sources : Almereyda M.et Delannoy A., » La Petite-Roquette », l’assiette au (...)
  • 4 Hamelin F., Femmes dans la nuit. L’internement à la Petite-Roquette et au camp des Tourelles (1939 (...)

2Il est bien difficile de faire une histoire exhaustive de la prison pour enfants de la Petite-Roquette. Son évolution historique est, d’une certaine façon, bien connue. La sociologie des jeunes détenus et de leur vie quotidienne a également été étudiée. Seulement, ces travaux retracent l’histoire de cette institution emblématique depuis sa construction, qui débute en 1825, jusqu’à sa fermeture de prison d’enfants en 1865. Pourtant, cette « fermeture » n’est pas réelle. En effet, si elle devient alors une prison de passage pour les prévenus, mineurs et jeunes adultes, un très grand nombre d’enfants des tribunaux de la Seine passent encore par cet établissement dans l’attente de leur jugement ou de leur envoi en colonie pénitentiaire, et ce, jusqu’en 1928. Quelques études abordent cette période1 mais s’arrêtent, malgré tout, aux alentours de l’année 1900. Pour en savoir davantage sur le début du xxe siècle, les sources sont rares et chronologiquement dispersées, du récit de type autobiographique d’Adolphe Guillot de 18902 aux photographies des Studios Henri Manuel de 19323. Ces dernières confirment que les locaux sont vidés des garçons depuis 1928-1929 et remplacés par des détenues. Puis les sources sont muettes. Quelques travaux reprennent l’histoire de la Petite-Roquette à partir de la Seconde Guerre mondiale, alors que l’administration y incarcère les résistantes4. La bâtisse est évacuée en 1973 et détruite en 1974 pour être remplacée par un ensemble HLM.

Naissance de la Petite-Roquette : du cellulaire pour les jeunes délinquants (1825-1900)

  • 5 Barbaroux M.-N., Broussard J., Hamoniaux M., op. cit., p. 38. Cf. planche C, illustration n° 2.
  • 6 Conférence de M. Dufour, dir. des prisons de Fresnes à l’institut de criminologie, cité par Meuril (...)

3La Petite-Roquette est une prison expérimentale sur bien des points. Elle est un essai d’abord par son architecture. Elle doit être une prison modèle, la première prison cellulaire. Aussi, les moyens mis à disposition de l’architecte Hippolyte Lebas sont considérables. Construite de 1825 à 1832, elle est bâtie selon le système panopticon de Jeremy Bentham. De la tour centrale, le directeur et les surveillants doivent pouvoir veiller sur l’ensemble de la détention pendant que les détenus aperçoivent la chapelle où qu’ils se trouvent. À noter également une originalité de cette construction carcérale : « Les fenêtres ne sont munies d’aucun barreau, ni grillage ; cette précaution a été négligée parce qu’elles donnent toutes sur des cours intérieures d’où il est impossible de sortir5. » La construction achevée, il s’avère que le système panopticon n’est finalement pas opérationnel. Le régime y est d’abord auburnien (isolement cellulaire de nuit, travail en commun et en silence de jour) puis dès 1838-1842, on y expérimente le régime philadelphien (isolement cellulaire complet, de jour et de nuit). Les locaux communs sont déjà délaissés. Prévue pour les femmes, elle devient rapidement la première prison pour enfants suivant les exigences de la réflexion pénitentiaire qui fait de la prison la forme principale de la peine. En parallèle, elle cherche à spécifier la prise en charge pénale des jeunes délinquants et, notamment à les séparer des adultes. Après un premier essai peu probant aux Madelonnettes, la Petite-Roquette devient donc, dès 1936, la prison des petits de la correction paternelle et des petits délinquants et vagabonds du département de la Seine. Le régime de l’isolement total est d’abord décrété pour les enfants « corrigés » puis, en 1840, il est étendu à tous les jeunes détenus. Il s’agit de sauver l’enfant des influences néfastes de sa famille, de son milieu urbain et de ses copains de mauvaise vie. Cette idée demeure longtemps prédominante dans la prise en charge des mineurs délinquants comme l’exprime encore Monsieur Dufour, directeur des prisons de Fresnes, dans les années trente : « Les influences qui agissent sur l’enfant sont tout d’abord et exclusivement la famille, puis simultanément, la famille, l’école, l’atelier, les camarades, en un mot le milieu6. »

  • 7 Perrot M. « Les enfants de la Petite-Roquette », L’Histoire, n° 100, mai 1987, p. 30-38.
  • 8 O’Brien P., op. cit., p. 138-140.c

4La vie quotidienne de l’enfant de la Petite-Roquette est sinistre. Les conditions d’hygiène sont lamentables : l’enfant se lave au seul lavabo installé dans le couloir glacial et s’essuie avec la serviette unique qui a servi à quatorze de ses codétenus. L’alimentation est médiocre et suffit à peine à la survie7. Le plus difficilement supportable reste l’isolement absolu et la règle du silence qui ôtent toutes possibilités de communication et de solidarité entre compagnons de misère. L’enfant travaille seul en cellule. Il sort seul une demi-heure par jour dans un préau cellulaire étroit où son cerceau est inutilisable. Une fois par jour, de derrière sa porte de cellule dans laquelle est aménagée une petite grille, il écoute le maître, installé au bout du couloir, dispenser ses cours de lecture et d’écriture. Le moindre cri, le moindre pleure est durement réprimé. Les activités qui nécessitent un regroupement sont elles-mêmes organisées de façon à ce que l’enfant demeure solitaire. Pour la messe, il est aménagé deux cent soixante-seize alvéoles où chacun suit l’office sans espoir d’apercevoir son voisin. Pour les déplacements dans la détention, la tête de l’enfant est recouverte d’un capuchon noir qu’il rabat sur son visage pour se cacher de ses camarades et ne pas être vu d’eux. L’ensemble des activités est de plus soumis à une stricte discipline qui alterne punition de cachot et restriction alimentaire. Si ce système semble satisfaire l’élite parisienne, il est toutefois finalement reconnu coûteux8 et les premières « prisons aux champs » apparaissent en 1840.

  • 9 Gillet J., La Petite-Roquette et les prisons d’enfants au xixe siècle, mémoire de maîtrise, Paris (...)

5Jeanne Gillet a étudié les caractéristiques sociologiques des quatre cent sept gavroches détenus à la Petite-Roquette9 en 1852. Ce sont essentiellement de petits miséreux de province qui peuplent les minuscules cellules de l’établissement. Enfermés à partir de 7 ans, ils sont souvent orphelins ou enfants naturels, pris principalement pour vagabondage et vol simple. Citée d’abord en modèle, la Petite-Roquette est en fait un mouroir où les enfants sont fréquemment atteints de maladies mentales ou bien périssent de maladies non soignées :

  • 10 Perrot M., « Les enfants de la Petite-Roquette », L’Histoire, n° 100, mai 1987, p. 30-38.

« Ce sombre tableau clinique est corroboré par des taux de mortalité particulièrement élevés : jusqu’à 12 % des détenus en 1841. Léon Faucher parle de “barbarie”, visible dans la monstruosité des petits détenus. Visages hébétés, regards éteints ou fuyants, corps déformés disent la torture subie, au point que recule l’optimisme salvateur des convaincus : Béranger, président de la société de patronage des libérés de la Seine, et Tocqueville lui-même10. »

  • 11 L’établissement sert alors de prison militaire pour les Gardes nationaux et soldats.
  • 12 Guillot A., Les prisons de Paris et les prisonniers, Paris, E. Dentu Éditeur, 1890, p. 328.

6Les premiers à dénoncer les conditions de vie déplorables du lieu sont les enfants eux-mêmes. Graffitis et inscriptions diverses recouvrent les murs et les latrines de l’établissement, suicides et tentatives se multiplient puis des révoltes et des émeutes éclatent. Finalement, une évacuation partielle est opérée en 1848, puis totale en 1850. La Petite-Roquette n’est plus une prison communale mais une maison d’arrêt ordinaire dépendante de l’État. Elle est désormais réservée aux jeunes prévenus puis, rapidement, aussi aux jeunes condamnés que ne suffisent plus à contenir les colonies correctionnelles. L’emprisonnement individuel, partout abandonné du moins pour les jeunes, demeure le régime de détention à la Petite-Roquette. Cette barbarie prend fin avec la visite de l’impératrice Eugénie, qui, insultée par l’un des gamins, décide de la suppression du pénitencier le 7 août 1865. Il est dit, dans les études d’historiens, que désormais la Petite-Roquette est une prison de passage pour les prévenus des tribunaux de la Seine, enfants et adultes. Seulement, la prévention dure parfois plusieurs mois, un quartier de correction paternelle est toujours largement utilisé et, de fait, elle reçoit toujours de très nombreux « gosses » de la capitale. L’enfermement à la Petite-Roquette est d’autant plus sollicité que les colonies pénitentiaires et leur rééducation par la terre, semblent peu appropriées pour le relèvement moral des petits parisiens. Après une parenthèse conjoncturelle due à la Commune11, la Petite-Roquette reprend sa vocation de prison cellulaire pour mineurs. Elle perd alors en partie son strict régime d’isolement puisqu’un atelier de fleurs artificielles est proposé aux garçons les plus méritant en 189012 et, pour eux, des jeux communs dans les cours sont permis. Cependant, l’expérience échoue au bout de dix-huit mois et les enfants réintègrent leurs cellules individuelles et l’isolement total est de nouveau de rigueur. Pour autant, dans les rapports annuels de fonctionnement de l’administration pénitentiaire, la Petite-Roquette n’apparaît plus jamais dans le décompte des prisons cellulaires qui permettent l’application de la loi du 5 juin 1875.

  • 13 Barbaroux M.-N., Broussard J., Hamoniaux M., op. cit., p. 39.

7À la fin du xixe siècle, la Petite-Roquette accueille deux catégories principales de détenus : les enfants de moins de 16 ans et les adultes de 16 à 21 ans. Ces derniers sont des condamnés à des peines privatives de liberté de moins d’un an (les prévenus sont à Mazas) et les enfants, environ cent cinquante, sont de la correction paternelle, en attente de jugement, acquittés pour avoir agi sans discernement ou en attente de transfert dans une colonie pénitentiaire ou dans un patronage. Certains, des petits abandonnés qui attendent leur transfert dans des maisons de l’assistance publique, peuvent être âgés de seulement 7 ans. Ces derniers ont un régime spécial dit de l’infirmerie qui laisse les portes des cellules ouvertes et permet aux enfants de jouer entre eux (jusqu’à 12 ans). Outre ce régime spécial pour les plus petits, deux autres sont en vigueur dans l’établissement : les adultes des deux étages supérieurs portent le costume pénal classique en droguet marron et sont soumis au régime alimentaire commun à toutes les détentions ; les mineurs du premier étage sont vêtus d’un pantalon et d’une blouse bleue et bénéficient d’un régime alimentaire amélioré. Le travail est obligatoire pour les grands comme pour les petits mais ces derniers, à qui l’on confie les tâches qui demandent le moins d’attention, sont plus mal rémunérés que leurs aînés : fabrication de bourses métalliques, de tapis, collage de fleurs artificielles etc. Ces différentes tâches permettent aux enfants de gagner un maximum de soixante-dix centimes pour les plus habiles (contre 2,50 F pour les adultes) dont la moitié est prélevée par l’administration13. Enfin, deux instituteurs se partagent les cours prodigués aux adultes et aux mineurs. Ces derniers officient dans la chapelle aux deux cent soixante-seize alcôves et dispensent un enseignement différent selon les niveaux d’instruction :

  • 14 Guillot A., op. cit., p. 224.

« […] dans cette tour se trouve la salle de classe où les enfants, comme des abeilles captives dans leurs alvéoles, sont enfermés dans des stalles disposées en amphi, où ils viennent recevoir leur nourriture morale ; c’est de l’intérieur de ces boîtes, d’où émerge seulement leur tête, qu’ils suivent les leçons de l’instituteur, que le dimanche ils entendent la messe14. »

  • 15 Pérot M., « Les enfants de la Petite-Roquette », l’Histoire, n° 100, mai 1987, p. 30-38.c
  • 16 Gillet J., op. cit.
  • 17 Guillot A., op. cit., p. 330.

8En sus de cet enseignement, les enfants ont accès à la bibliothèque de l’établissement qui passe d’une collection d’environ cinq cents ouvrages15 en 1850 à une collection d’environ mille ouvrages en 1900. La lecture est en effet particulièrement recommandée à ces enfants finalement assez rarement illettrés16. Pourtant, en cette fin de siècle, le régime de détention a peu évolué : le cellulaire reste très majoritairement appliqué, la discipline y est toujours très rigoureuse et l’hygiène très discutable. L’idée que ces conditions de détention sont trop pénibles et insuffisamment éducatives progresse. Adolphe Guillot considère que « les jeunes détenus doivent être des pupilles plutôt que des condamnés, et la maison où ils sont enfermés ne saurait être confondue avec une prison ordinaire17 ». Or, la Petite-Roquette est bien une prison ordinaire, parfois pire que d’autres. Quelques contemporains tentent de la discréditer, tels les journalistes de l’Assiette au Beurre. Sur le mode de la caricature, ce journal dénonce des faits qui sont similaires à ceux décrits par l’inspection, tout officielle et certainement pas caricaturale, menée par Monsieur Fossé vingt ans plus tard, confirmés parfois par les enfants eux-mêmes.

Évolution des conditions de détention à la Petite-Roquette en vingt ans : une caricature proche de la réalité (1900-1932)

9La majorité pénale est passée de 16 à 18 ans en 1906. Sont désormais désignés comme « enfants de la Petite-Roquette » les mineurs détenus de moins de 18 ans. Les adultes présents dans l’établissement sont de jeunes condamnés à de courtes peines, âgés de 18 à 21 ans. Mineurs de justice, adultes et enfants de la correction paternelle cohabitent dans la prison. Ce constat s’impose aussi bien aux journalistes de L’Assiette au Beurre qu’à l’inspecteur chargé du rapport d’inspection des prisons de la Seine, malgré une vision divergente entre représentants de l’opinion publique et représentants de l’administration. Les journalistes sont manifestement choqués par l’incarcération des « corrigés » et ce, d’autant plus qu’ils sont mêlés aux jeunes délinquants :

  • 18 Almereyda M., Delannoy A., op. cit.

« Il existe donc à La Roquette deux sortes de détenus : les délinquants proprement dits et les « corrections paternelles et maternelles ». C’est là une distinction toute théorique établie entre eux, car le régime des uns et des autres est, à peu de choses près, le même. Ces détenus – dont certains n’ont pas huit ans – sont maintenus en cellule comme les autres18. »

10Le rapport d’inspection de 1927 ne fait pas d’autre constat quand il rappelle les différentes catégories de détenus que renferme l’établissement : prévenus et accusés mineurs de 13 à 16 ans et de 16 à 18 ans, mineurs de 18 ans acquittés comme ayant agi sans discernement et en attente de transfert, mineurs de 16 ans condamnés à plus de six mois et moins de deux ans d’emprisonnement en attente de transfert, mineurs de 16 à 18 ans condamnés à moins d’un an d’emprisonnement, adultes de 18 à 21 ans prévenus ou condamnés à une peine de moins d’un an et un jour d’emprisonnement et enfin les enfants de la correction paternelle. Somme toute, ce sont là les catégories de détenus que reçoit la prison pour enfant depuis 1865. Seuls les moins de 13 ans semblent avoir déserté les locaux. Toutefois, ce qui est vu comme une ineptie par les journalistes, est considéré comme de peu d’importance par l’inspecteur Fossé :

  • 19 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », 31-12-1927, (...)

« La Petite-Roquette contient un ensemble de détenus mineurs, non pas au sens pénal mais au sens civil, c’est-à-dire âgés de moins de vingt et un ans et non de moins de dix-huit ans. Cette situation serait très regrettable si la Petite-Roquette n’était pas cellulaire19. »

  • 20 Pour faire de la Petite-Roquette une prison militaire américaine.
  • 21 Vimont J.-C., la prison à l’ombre des hauts murs, Paris, Gallimard, 2004, p. 52.
  • 22 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », op. cit., p (...)
  • 23 Ibid., p. 639.

11Pourtant, le régime subi par les intéressés semble avoir empiré avec le temps. Dans les années vingt, la Petite-Roquette est en effet régulièrement surencombrée. Depuis la réintégration des enfants à la suite de leur évacuation de 191820, l’effectif est passé de cent à cent cinquante en moyenne à un nombre compris entre quatre cents et cinq cents21. L’administration pénitentiaire gère cette difficulté comme dans les autres établissements et, de fait, « plusieurs cellules sont doublées, leur exiguïté seule empêche qu’on les triple22 ! ». La séparation des différentes catégories pénales, grâce au système cellulaire que vante le rapporteur de la Commission, ne semble pas tout à fait opérationnelle. Ce dernier estime d’ailleurs que la confusion mineurs/adultes est un état nécessaire et indispensable puisque des condamnés adultes sont sciemment « destinés à purger leur peine à la Petite-Roquette pour alimenter l’effectif des services généraux23 ».

  • 24 Cf. planches C et D.

12À l’inverse de leurs opinions divergentes sur la population détenue à la Petite-Roquette, journalistes et inspecteur se rejoignent, tant objectivement que subjectivement, sur les conditions d’hygiène et sur la disposition des locaux. Rien ne semble ni changé ni modifié depuis la construction de l’édifice. Messieurs Almereyda et Delannoy s’allient pour décrire les cellules de 1907, l’un en prose l’autre en image, pendant qu’un poème d’un enfant de la correction paternelle de 1910-1912 montre que la situation est demeurée inchangée trois à cinq ans plus tard24. Vingt ans après, bien qu’un peu moins vertement décriées, les conditions de chauffage et les installations en tous genres sont toujours déplorables :

  • 25 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », op. cit., p (...)

« […] il n’y a pas de salle de balnéation satisfaisante, pas même de lavabos. Les cellules ne sont pas munies d’appareils de vidange. Le chauffage à l’aide de poêles, ne se répand guère que dans les couloirs. À part quelques ateliers, on s’y éclaire au pétrole. Certains préaux sont inutilisables par suite de leur délabrement25. »

13Les enfants et les femmes n’ont la priorité des intentions généreuses que dans la vie libre. En prison, ils sont les plus mal traités. Après la « non-séparation » des différentes catégories juridiques et l’état de l’hygiène, la question du travail à la Petite-Roquette est prédominante. Celui-ci est obligatoire pour tous, ce qui en soi n’est pas particulièrement répréhensible pour l’époque, bien au contraire. Sauf que les petits détenus sont extrêmement mal rémunérés. L’anarchiste Almereyda et son partenaire dessinateur font un inventaire des industries alors en place dans l’institution : confections de bijoux bon marché, de petits éventails, de peignes, de bourses en métal, de chaînes etc., ces dernières étant déjà fabriquées à la fin du siècle précédent. Avec leur verve propre, ils dénoncent l’État et les entrepreneurs comme de honteux exploiteurs de la main-d’œuvre enfantine :

  • 26 Almereyda M., Delannoy A., op. cit.

« Ces divers travaux, confiés à l’administration de la prison par des entrepreneurs civils réalisant sur la main-d’œuvre pénale des bénéfices considérables, sont dérisoirement rétribués à ceux qui les exécutent. L’administration prélève sur les salaires, déjà peu rémunérateurs, la moitié du gain réalisé26. »

  • 27 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », op. cit., p (...)
  • 28 Ibid.

14Le rapport de 1927, d’une certaine façon, corrobore ces propos puisqu’il indique que « les salaires de ces détenus [les enfants] sont en général assez bas27 ». Les jeunes détenus sont d’ailleurs toujours assujettis aux mêmes types de travaux : les éventails sont toujours là, tout comme divers articles en fil de fer mais la confection de jouets est venue s’ajouter aux industries vieilles de plus de cent ans. Qu’y a-t-il de plus normal que de faire construire des jouets par des enfants ? L’inspecteur, quant à lui, se fait bien plus de soucis pour le manque de productivité des enfants que pour leur faible revenu, obsession qui revient à trois reprises dans le rapport : « Les enfants travaillent peu et mal surtout en cellule28. » Pourtant, il dénonce également les conditions de travail dans l’établissement :

  • 29 Ibid., p. 664.

« Un très gros obstacle au développement du travail dans les prisons de la Santé et de la Petite-Roquette provient […] du défaut ou de l’insuffisance de l’éclairage, et même du manque de chauffage. C’est dire que la tâche journalière est conditionnée par les saisons et les intempéries, au point qu’il a fallu pour la Petite-Roquette adopter un tarif d’été correspondant aux plus longs jours, et un tarif d’hiver29. »

  • 30 Almereyda M., Delannoy A., op. cit.
  • 31 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », op. cit., p (...)

15Il ne s’inquiète pas pour autant de l’influence du froid et du manque d’éclairage sur le rendement des enfants. Pourtant, les journalistes dénoncent déjà en 1907, qu’à « certaines époques de l’année, le froid est si intense dans les cellules, qu’il est impossible aux détenus de commencer leur travail avant d’avoir ingurgité la soupe du matin » et ils relèvent « la terrifiante monotonie des heures employées à un travail mécanique, dénué d’intérêt30 ». Ni la santé des enfants ni le manque d’intérêt pédagogique du travail, ne sont jamais abordés dans les cinquante-quatre pages imprimées du rapport d’inspection. Une exception cependant. L’inspecteur s’inquiète du suivi médical des enfants car ces derniers « demandent à être mieux suivis au point de vue psychique et sanitaire, de beaucoup plus près que les adultes31 ». Or, des plaintes ont été enregistrées à cet égard :

  • 32 Ibid.

« Des incidents se sont produits au sujet d’enfants qui ont quitté la Petite-Roquette à la suite de jugements intervenus, confiés à des patronages et qui y sont arrivés dans un état de santé qui démontrait qu’ils n’avaient pas été suivis d’assez près32. »

  • 33 Ibid., p. 622.

16Parmi les enfants à qui cette vie est imposée, des innocents et des acquittés sont présents. Cette même indifférence quant au sort des jeunes apparaît dans les solutions que propose l’inspecteur pour pallier la vétusté des établissements pénitentiaires de la Seine. En 1927, malgré la tentative de discrédit de L’Assiette au Beurre, la Petite-Roquette est toujours debout et renferme de trois cents à quatre cents mineurs. Or, quand l’inspecteur imagine le transfert de ces détenus à Fresnes, le souci d’amélioration des conditions de détention est absent. Deux raisons motivent sa suggestion : premièrement, cela permettrait à l’administration de faire de substantielles économies sur le personnel administratif et de surveillance puisque plusieurs catégories de détenus seraient regroupées à Fresnes ; deuxièmement, cela ouvrirait la possibilité de placer tout ou partie des femmes de Saint-Lazare à la Petite-Roquette, tout aussi vétuste mais plus fonctionnelle avec « sa forme hexagonale [qui] en même temps qu’elle facilite la surveillance, permet des divisions par quartiers qui accentuent la sélection33 ». Mais surtout, cette inspection a indéniablement pour but de désigner les prisons de la Seine qui peuvent être fermées, dans le cadre de la politique du gouvernement Poincaré de 1926 (réduction des établissements). Finalement, la solution qui consiste à évacuer les mineurs de la Petite-Roquette vers Fresnes pour les remplacer par les femmes de Saint-Lazare est adoptée l’année suivant le rapport. Les enfants sont évacués en 1929 dans la toute nouvelle maison d’éducation surveillée de Fresnes et les dames emménagent en 1932. Ce que fait l’administration pénitentiaire dans l’établissement pendant ces quatre ans est passé sous silence. Travaux d’assainissement ? Condamnation des locaux les plus vétustes ? Installation de sanitaires ? Rénovation de l’infirmerie ?

  • 34 Lorrain J., Petite Roquette, l’autre Monsieur Vincent, Paris, Spes, 1954, 159 p.
  • 35 Cf. planche E.

17Ce qui se passe dans l’enceinte de la Petite-Roquette à partir de 1932, les sources disponibles ne permettent guère vraiment de l’historiciser. Cependant, les photographies des studios Henri Manuel, confrontées à la biographie des sœurs Marie-Joseph, autorisent quelques spéculations avérées en partie par celle qui fut la bibliothécaire détenue de l’institution de 1937 à 1941, Jeanne Lorrain34. D’abord, l’hypothèse de travaux effectués entre 1928 et 1932 semble confirmée. Les clichés montrent largement les pièces communes telles que le réfectoire et les salles de classe, mais insistent surtout sur l’infirmerie où la pharmacopée et les instruments les plus modernes (et blancs de propreté) ont les devants de la scène. Ensuite, des modifications dans le régime de détention sont visibles. Il apparaît, par exemple, que quelques képis ont été remplacés par quelques cornettes. De même, l’isolement cellulaire n’est plus, sinon aboli, du moins systématique puisque les photographies montrent des femmes réunies pour les repas et la promenade35. La biographie de Jeanne Ancelet-Hustacle, confirme ces faits :

  • 36 Ancelet-Hustache J., Les sœurs des prisons, Grasset, 1934, p. 244.

« Les femmes travaillent en atelier et couchent en cellule.
Les huit heures quotidiennes d’atelier sont silencieuses, hors le temps des lectures à haute voix. L’autorisation de parler n’est donnée que pendant les deux promenades-récréations36. »

  • 37 La présence des rats a marqué toutes les détenues à qui France Hamelin a donné la parole dans son (...)
  • 38 Statistiques pénitentiaires pour l’année 1935, 1940, p. 182.
  • 39 Hamelin F., op. cit., p. 379.

18Enfin, si les photographies ne suffisent pas à prouver la disparition des punaises et autres poux, l’une d’elle met en scène un chat au milieu des détenues, animal susceptible de débarrasser les locaux des rats37. Pourtant, un constat demeure. Toutes les prisons immortalisées par les objectifs des studios Henri Manuel mettent en scène des prisonniers et prisonnières dans des salles d’eau pendant la toilette ou le ménage, dans toutes les prisons, sauf à la Petite-Roquette. Ce que ces photographies ne laissent guère paraître, c’est la présence éventuelle de jeunes filles de moins de 18 ans. Certaines des détenues paraissent bien jeunes mais cela n’est pas suffisant pour certifier la détention de mineures à la Petite-Roquette. Les statistiques des rapports de fonctionnement de l’administration pénitentiaire confirment, presque, cette présence : elles sont trois cent soixante-quatre prévenues à être détenues au cours de l’année 1932 dans les prisons de la Petite-Roquette et de Fresnes. Cependant, ce chiffre ne différencie pas les deux établissements38. Les rapports de 1939, laissent les cases « mineures » vides pour la détention à la Petite-Roquette ce qui laisse supposer qu’il n’y a pas de filles de moins de 18 ans présentes. Or, France Hamelin et ses camarades résistantes, détenues à la Petite-Roquette dès 1939, ont dépouillé les registres du greffe qui révèlent la détention de jeunes filles de 17 ans : peu nombreuses au début de la guerre, elles sont une soixantaine en 194139. La présence de filles n’ayant pas atteint leurs 18 ans à la Petite-Roquette de 1932 à sa fermeture en 1973 reste à éclaircir.

  • 40 Ibid., p. 139.

19La Petite-Roquette est un établissement à part. Seule prison pour enfants pendant longtemps, elle n’appartient réellement à aucun des types d’établissements recensés par l’administration pénitentiaire. Elle n’est ni colonie correctionnelle, ni centrale. Elle est, à partir de 1850, maison d’arrêt mais reçoit exclusivement des mineurs aux catégories légales très différentes. Certains, des condamnés à plus de six mois mais moins d’un an d’emprisonnement, y purgent leur peine en entier, d’autres sont de petits orphelins qui n’ont commis aucun délit. Puis quelques jeunes adultes sont placés aux côtés des enfants. Le régime de détention appliqué dans l’établissement est lui-même exceptionnel, bien loin des idées qui régissent, en théorie, le fonctionnement des colonies pénitentiaires. L’isolement cellulaire est strictement appliqué, sans beaucoup d’aménagement malgré le jeune âge des détenus ou peut-être, à cause de cette jeunesse. Rapidement délaissée dans sa forme première de prison pour peine, l’administration continue pourtant à y enfermer jeunes délinquants jugés par les tribunaux de la capitale et jeunes de la correction paternelle. L’état de la prison se dégrade et les conditions de détention suivent le mouvement. Cependant, c’est bien là le seul facteur de changement que connaît la Petite-Roquette. Pendant cent ans, elle reçoit peu ou prou la même population pénale qui vit dans des conditions de détention immuables. Ils y effectuent les mêmes tâches répétitives et mal rémunérées dans un froid toujours glacial et sans que jamais ne soit installé un système sanitaire correct. Cette politique prend fin finalement en 1928-1929, dans un silence de l’administration pénitentiaire presque total. La prison s’adapte enfin quelque peu aux nouvelles normes pénitentiaires pour l’accueil des détenues de Saint-Lazare. La trêve rénovatrice est de courte durée, les punaises font rapidement leur retour car « la Petite-Roquette connut pendant la guerre une affluence record. Des milliers de femmes “Droit Commun” (DC) et “Politique” (DP) y attendirent le verdict » et, parmi elles, quelques mineures40. Mais ceci est une autre histoire qui ne prend fin qu’avec la démolition de la bâtisse en 1974.

À la marge des prisons pour mineurs : les prisons-écoles

L’émergence de la catégorie « jeunes majeurs » et son traitement judiciaire

  • 41 Le secteur privé constitue l’autre pôle de prise en charge des délinquants juvéniles.
  • 42 La notion de « jeune adulte » existe depuis près d’un siècle mais, jusque-là, elle concerne les je (...)
  • 43 Chazal J., Pinatel J., « Séance de section du 19-12-1953 : Rapport sur le statut des jeunes adulte (...)
  • 44 Delerneux A.-M., « La prison-école par A.-M. Delerneux, dir. adjoint de l’établissement pénitentia (...)

20Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la sauvegarde et la protection de la jeunesse sont l’une des priorités de l’État. L’ordonnance du 2 février 1945 et la création de l’éducation surveillée semblent régler le sort des mineurs pénaux de 18 ans, avec une volonté affirmer de leur éviter la prison. Ces derniers doivent bénéficier de mesures éducatives et non plus de répression par le tout carcéral. Désormais, ils ne sont confiés qu’exceptionnellement à l’administration pénitentiaire qui, jusque-là, prenait en charge la presque totalité des mineurs de justice41. Or, si la loi fixe la majorité à 18 ans, les législateurs sont unanimes à penser qu’un jeune homme ou une jeune fille reste particulièrement influençable, en bien comme en mal, quelques années encore après leur majorité. Toute une réflexion s’ouvre alors sur le sort pénal à réserver à cette nouvelle catégorie qui émerge dans les mentalités42. L’administration pénitentiaire prend à cœur de leur créer des structures législatives et pénitentiaires spécifiques. En 1953, un rapport de Chazal et de Pinatel propose une base à l’élaboration d’un statut de jeune adulte délinquant. L’âge pour le définir irait de 18 à 25 ans et certains des principes avancés par ces deux magistrats semblent bien inspirés de la législation qui s’applique aux moins de 18 ans. Quelques-unes des suggestions sont représentatives : le jeune majeur pénal « échappe à toutes sanctions répressives », sa peine doit être réduite par rapport à celle encourue par les adultes, un tribunal spécial lui est réservé, il « ne doit être placé provisoirement en maison d’arrêt qu’en cas de nécessité43 », etc. En attendant l’adoption d’un statut juridique particulier pour ces « jeunes majeurs », les législateurs règlent d’ores et déjà le problème de leur placement pénal. Pour ce faire, l’administration pénitentiaire associe deux principes fondamentaux. L’un est directement issu de la réforme Amor : « La peine privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le reclassement social du condamné ». Le second est inspiré des conceptions récentes de la jeunesse : le jeune majeur condamné est susceptible de recevoir avec profit une éducation professionnelle, physique et morale adaptée à sa condition et différente de celle prodiguée aux adultes. Puisque la législation sur les tribunaux pour enfants n’est pas applicable au jeune majeur, qu’il ne peut être envoyé dans un établissement d’éducation surveillée et qu’il est en principe soumis au même régime que les adultes, Paul Amor et ses confrères inventent un nouveau type d’institution spécialement pour cette catégorie : les prisons-écoles de l’administration pénitentiaire. Fortement inspirées du modèle de la prison-école belge qui fonctionne depuis 192344, les institutions françaises sont conçues, à l’origine, exclusivement pour les 18-28 ans. Cependant, un processus maintes fois répété dans l’histoire de la jeunesse en prison, amène des mineurs à fréquenter ces institutions.

  • 45 Statistiques pénitentiaires pour l’année 1945, 1947, p. 75.

21Une première distinction est faite entre les jeunes majeurs condamnés de droit commun et ceux jugés par les Cours de Justice. Pour ces derniers, la première création de l’administration pénitentiaire, dès novembre 194545, ne manque pas d’originalité quant au choix du lieu et de la pédagogie adoptée. L’influence de la guerre et une vision encore sévère de la jeunesse se font durement sentir dans les propos de Paul Amor :

  • 46 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947. Rapport de M. Amor, dir. de l’AP – Présidence d (...)

« Il importait, en effet, qu’à l’éducation morale et à la formation professionnelle viennent s’ajouter pour ces derniers [les jeunes adultes condamnés par les Cours de Justice] une véritable rééducation civique. C’est pourquoi nous les avons rassemblés au centre pénitentiaire de Struthof, situé dans les Vosges, à 800 mètres d’altitude. Il s’agit d’un ancien camp d’extermination allemand où près de 20 000 patriotes ont trouvé la mort. Nous y avons pieusement conservé les fours crématoires, la chambre à gaz, la salle de vivisection, les potences et autres instruments de torture, ce qui nous permet de faire ressortir aux yeux de cette jeunesse égarée le contraste entre deux cultures : l’allemande poussée à son paroxysme par des doctrines nationales socialistes et la nôtre empreinte d’humanisme46. »

  • 47 Extrait du rapport d’ensemble présenté par l’inspection générale de l’administration. 1949-1950, m (...)

22Il n’est pas certain que les mille quatre cents jeunes gens, tous âgés de 18 à 22 ans, trouvent très humain d’être condamnés à rester dans ce lieu, macabre s’il en est, et qui garde d’ailleurs la dénomination officielle de « camp ». Quoi qu’il en soit, ils y reçoivent des cours de formations générale et professionnelle dispensées par des détenus adultes. Peu à peu, de nombreux métiers sont représentés, des carrières commerciales aux métiers du fer, du bois, du bâtiment ou de la cordonnerie. L’histoire de ce camp reste néanmoins à faire et il est actuellement impossible d’établir si des mineurs de 18 ans, condamnés pour collaboration, y ont séjourné. Cependant, comme cette catégorie de jeunes prisonniers est inhérente au contexte de guerre, elle est vouée à disparaître progressivement. De fait, le rapport de fonctionnement de l’administration pénitentiaire de 1950 spécifie que cet établissement n’est plus47. En parallèle à cette première initiative, la même commission de réforme crée les premières prisons-écoles pour les jeunes adultes condamnés de droit commun.

  • 48 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947 » op. cit., p. 183.

23Exceptionnellement, ce sont les jeunes filles de 18-22 ans dont les législateurs se préoccupent en premier lieu, avec la création de ce que M. Amor qualifie d’ » embryon de prison-école dans les établissements situés à Doullens48 », dès la fin de l’année 1946. En fait, ce nouvel établissement est d’abord le pendant féminin de Struthof puisqu’il accueille uniquement les jeunes détenues condamnées pour des faits de collaboration. Puis, l’ » embryon » se fortifie et devient, dès 1950, une prison-école à part entière pour les jeunes femmes condamnées de droit commun :

  • 49 Germain C., « Rapport annuel sur l’exercice 1950. Réalisations nouvelles dans le sens d’une plus g (...)

« Vingt-six délinquantes y ont été dirigées le 18 avril 1950, principalement des infanticides. Leur âge est de 18 à 27 ans. Progressivement, toutes les détenues de cette catégorie, c’est-à-dire majeures au moment des faits et insusceptibles en raison de la durée de leur peine de demeurer en prison au-delà de 27 ans, y seront groupées49. »

24Le principe de fonctionnement est progressif et basé essentiellement sur la qualification professionnelle, ce qui ne diffère guère des Écoles de préservation d’avant-guerre :

  • 50 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947 » op. cit., p. 184.

« Les détenues sont divisées en groupes d’une quinzaine ayant à leur tête une monitrice choisie en raison de son autorité. Une institutrice, aidée d’une éducatrice, dirige l’ensemble des activités scolaires et professionnelles.
Tôt levées, tard couchées, les détenues mènent une vie très active, depuis la séance de gymnastique au matin jusqu’aux heures de lecture le soir. Le matin, elles effectuent trois heures de travail scolaire ; l’après-midi, elles se livrent à des travaux professionnels50. »

  • 51 Circ. n° 51-67 instituant création des prisons-écoles d’Oermingen et de Doullens, Bulletin de l’Un (...)
  • 52 AN Fontainebleau, 960136, art. 88, « Rapport d’inspection du centre pénitentiaire de Rennes », 12, (...)

25Voici donc un établissement destiné à recevoir toute jeune condamnée à plus d’un an de prison ferme, majeure pénale, et dont la peine s’achève avant 28 ans révolus. Peu après, la création (officielle) des prisons-écoles de Doullens et d’Oermingen (la première prison-école pour garçons) est instituée par une circulaire de mai 195151. Faute d’archives disponibles, les informations sur le fonctionnement interne de Doullens ne peuvent pas être poussées plus avant. Cependant, une étude de 1946 qui vise à connaître l’état des jeunes hommes et jeunes femmes « détenus au 1er janvier 1946 dans les établissements pénitentiaires […] condamnés par les cours de justice à moins de 10 ans de prison, de réclusion ou de travaux forcés pour des faits de collaboration commis alors qu’ils n’avaient pas encore 18 ans révolus et qui étaient âgés de moins de 21 ans au 1er janvier », permet de supputer que des mineures pénales y sont incarcérées. Du moins, un cas est-il décelable : parmi les sept demoiselles recensées à la maison centrale de Rennes, l’une d’entre elle, condamnée pour « intelligence avec l’ennemi », n’a pas encore atteint ses 18 ans au moment de l’enquête. Or, le transfert de ces jeunes filles à Doullens est prévu pour le 12 janvier, sans distinction d’âge. Il est également possible de proposer quelques éléments sur le devenir de l’établissement : la prison-école est transférée à Rennes en 1959 lors de la (ré)ouverture du grand centre pénitentiaire de cette ville « conçu pour absorber la maison centrale d’Haguenau [pour condamnées] et la prison-école de Doullens52 ». Le rapport d’inspection de la prison de Rennes de la fin de l’année 1962 fournit quelques renseignements quant au fonctionnement de la nouvelle prison-école. Au départ, il est prévu que « la prison-école subsisterait avec des locaux séparés et un règlement intérieur distinct ». Cependant, une exception est d’ores et déjà consentie :

  • 53 Ibid.

« […] le centre d’apprentissage étant ouvert aussi bien à l’intention des condamnées de la maison centrale qu’à celles de la prison-école, le faible effectif du centre pénitentiaire (en moyenne aux alentours de 200 condamnées) ne permettant pas d’instituer des formations diversifiées pour deux catégories de détenues, les contacts ne peuvent être totalement évités entre les deux établissements53. »

26Rapidement, il est constaté que « le nombre de jeunes jugées aptes à subir leur peine en prison-école est beaucoup moins élevé qu’il n’était prévu ». Par conséquent, rien ne semble distinguer réellement les jeunes femmes de la prison-école des adultes de la maison centrale qui bénéficient du centre de formation professionnel. À ces considérations matérielles s’ajoutent quelques notes sur le particularisme des jeunes femmes elles-mêmes :

  • 54 Ibid.

« Parmi les condamnées ayant une peine suffisamment longue pour être transférées à Rennes, se trouvent très peu de jeunes relevant véritablement d’un traitement de prison-école : beaucoup en effet, quoique âgées de moins de 28 ans, sont déjà mère de famille et d’une maturité telle que leur affectation à la maison centrale paraît mieux adaptée à leur situation54. »

  • 55 Ibid., « Rapport d’inspection du centre pénitentiaire de Rennes », 12, 13-11-1962.

27Ces constats établis, devant la visible inutilité d’une prison-école pour jeunes filles, il est décidé quelques mois après l’inspection que Renne sera réaménagé et que le centre de formation professionnelle absorbera la prison-école. Il est bien connu que « la maturité des jeunes femmes étant beaucoup plus précoce que celle des jeunes gens, il paraît en ce qui les concerne moins utile, et parfois même inopportun, de les faire bénéficier du régime d’une prison-école55 ». Il est évident, qu’en la matière, une fois de plus, les garçons sont mieux servis que les filles.

Quand les mineurs font leur entrée chez les jeunes majeurs… faute de mieux

  • 56 Extrait du rapport d’ensemble présenté par l’inspection générale de l’administration. 1949-1950, m (...)
  • 57 Oermingen devient autonome en janvier 1948 mais reçoit des jeunes gens dès septembre 1947.
  • 58 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947 » op. cit., p. 184.

28Pour les jeunes garçons relevant de droit commun, un projet équivalent à Doullens est mis en place quelques mois plus tard pour une durée de vie bien plus longue. « Le premier établissement fondé dans l’esprit de la réforme56 », la prison-école d’Oermingen, ouvre ses portes à la fin 1947 dans une ancienne caserne cédée par le ministère de la Guerre57. Dans cet établissement, « il sera fait appel essentiellement à la formation professionnelle par l’apprentissage, […] mais aussi et surtout la rééducation et le reclassement social58 ». Et en effet, lors de son autonomie définitive le 1er janvier 1948 :

  • 59 Extrait du rapport d’ensemble présenté par l’inspection générale de l’administration. 1949-1950, m (...)

« Oermingen, dans l’ensemble de la réforme pénitentiaire est réservé aux jeunes condamnés de 18 à 25 ans, primaires ou récidivistes, n’ayant pas à subir en principe de peine supérieure à 5 ans de réclusion. Ces jeunes détenus sont soumis à quatre phases successives de rééducation avant d’atteindre leur mise en liberté définitive, soit sous forme de libération conditionnelle, soit en fin de peine59. »

  • 60 « Annexe » supprimée en 1956.
  • 61 Gayraud A., op. cit., p. 680.
  • 62 Extrait du rapport d’ensemble présenté par l’inspection générale de l’administration. 1949-1950, m (...)
  • 63 Ibid.
  • 64 En 1974, des ateliers de plâtrerie, limousinerie, béton armé, plomberie, chauffage central, peintu (...)
  • 65 Extrait du rapport d’ensemble présenté par l’inspection générale de l’administration. 1949-1950, m (...)
  • 66 Ibid., p. 59.

29C’est donc sous le signe d’un régime sélectif et progressif que devront évoluer ces jeunes gens. Ce schéma de fonctionnement type, repris par Paul Amor pour l’élaboration du système progressif dans les centrales, est fortement empreint du règlement des maisons d’éducation surveillée. Un rapport d’inspection de l’administration pénitentiaire pour les années 1949 et 1950 et un article de 1952 du directeur de la dite prison-école, A. Gayraud, décrivent le fonctionnement de la toute nouvelle institution. La première phase, celle d’observation, consiste en un isolement de trois mois à Rethel60, « centre d’attente et de triage où les jeunes condamnés, soumis à la plus austère discipline pénitentiaire, vivent isolément dans des cellules tristes, voûtées, aux petites lucarnes haut placées et armées de barreaux ». S’ils « ne se révèlent pas indignes ou non susceptibles de bénéficier de l’école61 », l’observation se poursuit à Oermingen dans un pavillon isolé ou « les fenêtres sont sans barreaux. Au-delà d’une faible barrière en barbelé la vue s’étend sur la campagne. Déjà on oublie la prison62 ». Pendant cette période d’essai, le jeune majeur est mêlé aux autres pensionnaires à l’occasion de cours en commun d’éducation physique et d’instruction générale, mais il n’est astreint à aucun travail. En outre, afin que puissent être détectées ses aptitudes particulières, « il est soumis à l’observation quotidienne d’un éducateur et à l’observation intermittente du directeur, du sous-directeur, de l’assistante sociale, du juge présidant la commission de classement, du surveillant-chef, du médecin et des divers ministres du culte63 ». La seconde phase est celle de l’apprentissage professionnel qui débouche sur l’obtention d’un CEP ou d’un CAP. Ce travail s’effectue par groupes de trente environ sous la surveillance des éducateurs qui les ont suivis pendant la première période d’observation. Les jeunes gens peuvent alors choisir entre plusieurs ateliers suivant leurs aptitudes. À l’ouverture de la prison-école, sept métiers classiques du milieu de la rééducation sont représentés : menuiserie, mécanique générale, ajustage, métaux en feuilles, forge, maçonnerie et cordonnerie64. La classe, quant à elle, est assurée par des détenus adultes. Il est vrai que les textes de loi, contrairement à ceux des mineurs, ne prévoient pas de séparation jeunes adultes- » vieux adultes ». La nuit, les jeunes sont répartis dans des dortoirs cellulaires. Cette phase dure un minimum de six mois. Ce délai expiré, une commission de classement détermine si les signes d’amendement que manifeste le jeune détenu lui permettent d’entrer dans la troisième phase, dite de confiance. Cette avant-dernière étape n’est guère différente de la précédente. Seuls quelques avantages matériels sont concédés tels que la chambre individuelle dotée d’un lavabo, l’uniforme neuf, le parloir libre et l’accès, le samedi, à la TSF. De plus, les détenus peuvent obtenir des suppléments alimentaires « par leur propre travail, dans un jardin mis à leur disposition et par un clapier qu’ils peuvent entretenir ». Lors de la phase de confiance, les plus méritants, « qui se trouvent à trois mois de leur libération définitive ou à trois mois de leur libération conditionnelle à terme préfixé » et dont « la récidive est peu probable et l’apprentissage professionnel terminé65 », intègrent éventuellement la dernière phase, celle de semi-liberté, dont le home est à Nancy. Ils sont alors placés dans un atelier ou à l’usine et demeurent au home pendant les soirées et les week-ends. La conclusion de cette description du fonctionnement interne de la prison-école est : « Peut-on en faire plus ? » Mais la suite de ce rapport, moins descriptif et plus analytique, précise qu’il est « nécessaire de perfectionner la sélection à l’entrée pour ne recevoir que des éléments vraiment susceptibles de bénéficier du régime de l’école » et qu’il conviendra à l’avenir « d’exclure les jeunes qui se révèlent à l’observation vraiment inéducables66 ». C’est, entre autres, cette requête qui amène les directeurs de l’administration pénitentiaire à ouvrir de nouvelles prisons-écoles légèrement différentes. En effet, Oermingen ne donne pas tout à fait les résultats escomptés.

30Le rapport général de fonctionnement de 1960 informe sur une nouvelle prérogative de l’administration pénitentiaire. Elle prend en considération les besoins relevés dans le rapport de l’année précédente et constate, de fait, que tous les jeunes adultes ne peuvent bénéficier de l’ouverture laissée par la prison-école d’Oermingen :

  • 67 Exercice 1960, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1961, p. 25.

« Il s’agit parfois de jeunes délinquants qui ne possèdent pas les connaissances scolaires de base, nécessaires pour suivre avec profit un enseignement scolaire, ou encore de condamnés qui devront être élargis antérieurement à l’examen qui sanctionnera leurs études.
Mais ce sont, le plus souvent, des éléments assez difficiles, que leur comportement rend indésirables dans un établissement ouvert67. »

  • 68 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Note de service du dir. du Bureau de l’application des peines (...)
  • 69 Finalement libérée de ses activistes en 1966, Toul aura un quartier cellulaire affecté à l’incarcé (...)
  • 70 Exercice 1960, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1961, p. 25.
  • 71 Art. D.450 du CPP.

31Par conséquent, l’administration pénitentiaire crée des prisons-écoles fermées. La première est aménagée à la maison centrale de Toul d’après une décision de janvier 195868. Elle ne survit cependant que très peu de temps car l’établissement est réquisitionné dès décembre 1959 pour les détenus nord-africains, nombreux en cette période de guerre d’Algérie69. En remplacement, sont aménagés des centres de jeunes condamnés dans les centrales de Melun et d’Ensisheim. Leur logique est pourtant différente. Ces créations ne font pas bénéficier leurs pensionnaires du régime progressif, mais seulement d’un « traitement rééducatif, auquel participent les éducateurs70 ». Le reste du temps, ils travaillent dans les mêmes ateliers que les adultes de la centrale. C’est la raison pour laquelle ces institutions, éphémères, ne reçoivent jamais de mineurs de 18 ans, contrairement aux prisons-écoles. Au sujet des majeurs pénaux âgés de moins de 21 ans, « toutes facilités doivent leur être données pour qu’ils puissent profiter d’un enseignement scolaire et professionnel71 », même s’ils sont trop inadaptés à un régime ouvert. Comme ce précepte législatif paraît bien difficile à appliquer dans les maisons d’arrêt surpeuplées, qu’Oermingen tend de plus en plus vers l’ouverture et que Toul n’est plus disponible, l’administration ouvre la prison-école fermée de Loos-lez-Lille, en 1961. Prison centrale cellulaire déjà pourvue de vastes ateliers, elle convient parfaitement à l’usage que l’administration pénitentiaire désire en faire. De trois cent soixante places initiales, elle passe à quatre cent dix à compter de l’exercice 1966. La demande est forte. Cette institution possède à peu près le même fonctionnement progressif qu’Oermingen même si les ateliers de formation ne sont qu’au nombre de trois et la surveillance plus drastique :

  • 72 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Note sur l’Amélioration des conditions de détention des jeune (...)

« La maison centrale de Loos qui dispose d’un personnel spécialisé fonctionne selon le régime de la prison-école et reçoit des condamnés à des peines assez longues (3 ans et plus). Les jeunes sont soumis à un régime éducatif axé selon leur personnalité sur le travail pénal, l’enseignement scolaire ou la formation professionnelle. Ils bénéficient d’activités sportives et récréatives72. »

32Cette incursion dans le monde des prisons-écoles des jeunes adultes s’avère nécessaire car l’une et l’autre, la « douce » et la « sévère », pourtant toutes deux conçues pour les majeurs pénaux, accueillent bientôt des mineurs pénaux.

  • 73 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Le garde des Sceaux aux procureurs généraux. Objet : Prisons- (...)

33D’après la circulaire du 16 septembre 1951 et divers rappels, il est nettement affirmé que les prisons-écoles sont « affectées respectivement à la détention des jeunes condamnés de l’un et l’autre sexe, majeurs selon la loi pénale73 ». Le directeur d’Oermingen, en 1952, a d’ailleurs totalement intégré cette donnée :

  • 74 Gayraud A., op. cit., p. 682.

« L’âge des intéressés est toujours situé entre 18 et 25 ans ; c’est de règle. La prison-école est destinée à recevoir les condamnés majeurs selon la loi pénale et dont la peine doit venir à expiration avant qu’ils n’aient atteint l’âge de 25 ans. En deçà de ces limites il s’agirait d’un mineur relevant des services de l’éducation surveillée74. »

  • 75 Décret du 12-4-1952 relatif à l’exécution des peines d’emprisonnement concernant les mineurs et cr (...)
  • 76 Les ISES de Lesparre puis des Sables-d’Olonne issus du décret du 12-4-1952 n’accueillent finalemen (...)

34Or, s’ils ne sont jamais majoritaires dans ces institutions, des condamnés de moins de 18 ans y sont parfois placés. Le processus qui les conduit dans les prisons-écoles relève d’un choix délibéré de l’administration pénitentiaire. Un jeune condamné à un enfermement de plus de douze mois, dans le cadre des dispositions du 2 février 1945, doit normalement exécuter sa peine d’emprisonnement dans une institution spéciale de l’éducation surveillée75. Si le reliquat de peine est inférieur à douze mois, le mineur est affecté à un quartier spécial de maison d’arrêt. Or, ces institutions spéciales n’ont jamais rempli les fonctions pour lesquelles elles ont été créées76 et les quartiers pour mineurs, lorsqu’ils existent, sont surpeuplés. Une note distribuée par l’administration pénitentiaire en 1963 explique la politique qu’elle adopte pour les mineurs de 21 ans, mineurs pénaux compris :

  • 77 Rappel : Ce quartier, dit des « J3 », est à ne pas confondre avec le CSOES. Ce n’est pas un centre (...)
  • 78 AN Fontainebleau, 960136, art. 45, « Note sur la détention des mineurs de 21 ans dans les établiss (...)

« Les institutions spéciales de l’éducation surveillée n’ont pas été créées. Les mineurs, au sens de l’ordonnance du 2 février 1945, suivent en conséquence le sort des majeurs pénaux de 18 à 21 ans et des jeunes adultes.
L’administration pénitentiaire considérant qu’il convient, indépendamment de leur situation juridique […] de soumettre tous les jeunes de 21 ans à un régime approprié, a pu avec les moyens réduits dont elle dispose actuellement en locaux et en personnel ouvrir des quartiers de mineurs, notamment à Fresnes77.
Ces quartiers renferment des prévenus et des condamnés à une courte peine. Les condamnés à une longue peine sont en effet dirigés suivant leur personnalité, soit sur la prison-école ouverte d’Oermingen, soit sur un établissement à régime progressif, soit encore sur la prison-école fermée de Loos (dans la mesure des places disponibles)78. »

  • 79 Ibid., p. 8.

35C’est donc parce qu’il entre « dans la mission normale de l’administration pénitentiaire d’assurer l’exécution des peines d’emprisonnement, à charge pour elle, comme elle le fait d’ailleurs en fait, d’adapter le régime des jeunes condamnés de manière à fournir à ceux-ci les moyens éducatifs et les activités convenant à leur âge79 », qu’elle accepte les condamnés à de longues peines de moins de 18 ans dans ses prisons-écoles. Leur placement dans un établissement à régime progressif ou dans les centres de Melun et d’Ensisheim est en effet exclu puisqu’ils y seraient en compagnie de détenus adultes, situation législativement maintes fois réprouvée. Cet état n’est cependant pas sans créer quelques confusions qui perdurent plus de dix ans après l’ouverture de la première prison-école. Ainsi, malgré un texte clair nombre d’instances judiciaires s’y perdent. Pour démonstration, cette lettre de la cour d’appel d’Aix en 1960 :

  • 80 Les passages soulignés le sont dans le texte original. AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Lettre (...)

« […] la Chambre des Mineurs de la cour est saisie d’un appel concernant le jeune C. Georges.
Ce garçon est né le 8 avril 1943 à Saint-Jean-d’Angely, donc âgé actuellement de 17 ans a été condamné par le TE de Nice le 16 juin et le 11 août 1960 à deux années d’emprisonnement pour vols, tentatives de vols, port d’arme etc.
La cour qui doit rendre son arrêt le 7 novembre prochain aimerait connaître quel serait le régime pénitentiaire auquel serait soumis ce garçon, si la peine était confirmée ou même portée à trois ans d’emprisonnement. Elle aimerait savoir en particulier si C. Georges pourrait bénéficier de l’enseignement d’une prison-école80. »

36Adressé à la direction de l’éducation surveillée, au directeur du bureau de l’application des peines ou directement au garde des Sceaux, ce type de demande de renseignements est fréquent. Il ressort des diverses réponses que, mises à part des conditions de fonctionnement internes spécifiques aux prisons-écoles, rien ne s’oppose effectivement à l’intégration de mineurs pénaux condamnés à de longues peines. Ainsi, dans la réponse du ministre de la Justice, aucune mention n’est faite des 17 ans de Georges :

  • 81 Ibid., « Réponse du garde des Sceaux à M. le Procureur général près de la CA d’Aix-en-Provence », (...)

« […] l’admission dans une prison-école suppose la réunion de plusieurs conditions : la durée de la peine restant à subir à partir du moment où la condamnation devient définitive doit-être supérieure à un an et le condamné ne devra pas être âgé de plus de vingt-huit ans à la date prévue pour l’expiration de la peine (art. 718 et D. 73 du CPP)81. »

37À la même époque, d’autres cependant ne s’y trompent pas. C’est le cas du président du tribunal pour enfants de Marseille qui adresse une requête au ministre de la Justice pour que soient réservées à sa ville des places en prisons-écoles, les petits délinquants de cette commune étant particulièrement turbulents et souvent mineurs :

  • 82 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Lettre du président du TE de Marseille au garde des Sceaux. O (...)

« Le TE des Bouches-du-Rhône a été amené à prononcer ces derniers mois diverses peines d’emprisonnement de longue durée (entre 20 et 30 mois d’emprisonnement) à l’encontre de jeunes délinquants, en faveur desquels tout avait été tenté sans succès sur le plan éducatif :
[suivent les cas de 6 mineurs condamnés de 20 à 30 mois]
Le Tribunal avait alors le ferme espoir que ces peines seraient exécutées en prison-école […]. Monsieur le directeur de la maison d’arrêt vient de me faire connaître lors de ma visite du 24 courant que le transfèrement souhaité n’était réalisable, faute de place.
Je me permets d’attirer tout spécialement et très respectueusement votre attention sur cet état de fait que j’estime préjudiciable à l’intérêt de ces garçons – et qui va à l’encontre du but poursuivi par le Tribunal.
Se plaçant sur un plan plus général, votre administration ne pourrait-elle pas réserver à l’avenir et par priorité à notre grande ville de Marseille – tenant compte des éléments encore jeunes, troubles et remuants dont elle est composée et qui existent à l’état quasi permanent – un certain nombre de places dans l’une des deux prisons-écoles de notre pays82 ? »

  • 83 AN Fontainebleau, 960136, art. 100, « Règlement – Mémento à l’usage des détenus – MC de Loos, cent (...)

38S’il n’est pas donné satisfaction à cette demande, rien cependant n’empêche ce tribunal d’espérer qu’à l’avenir des places se libèrent pour les mineurs pénaux condamnés. C’est ainsi, par exemple, qu’au 1er juillet 1966, trente-six mineurs de 18 ans côtoient soixante et onze mineurs de 21 ans dans la prison-école fermée de Loos. La même année, le règlement interne du centre prévoit quelques spécificités destinées aux mineurs pénaux ce qui équivaut à reconnaître la place qui leur est faite au sein de l’institution83. Les établissements d’Oermingen et de Loos-lez-Lille subsistent avec leur principe basé avant tout sur la formation professionnelle mais, faute de résultats satisfaisants en terme de récidive, et d’un coût élevé, le modèle n’est pas étendu. L’appellation de « prison-école » est délaissée vers 1972. Elle laisse alors la place à la dénomination plus générale de « centre pour jeunes détenus ». Ce terme regroupe non seulement ces deux établissements mais également les quelques quartiers pour jeunes adultes qui sont créés depuis le début des années 1960 près des maisons d’arrêt, les deux maisons d’arrêt parisiennes réservées aux jeunes condamnés majeurs pénaux et bientôt le centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis.

Le CJD de Fleury-Mérogis : la modernité, solution à la délinquance juvénile ?

39À défaut de quartiers spéciaux dans les maisons d’arrêt ou de construction d’établissements spécifiques, les mineurs pénaux se voient systématiquement confiés à des institutions qui n’ont pas été conçues pour la catégorie pénale à laquelle ils appartiennent. Qu’ils soient sciemment mêlés à des adultes dans les prisons-écoles, encadrés par l’éducation surveillée plutôt que par l’administration pénitentiaire dans les Institutions spéciales d’éducation surveillée ou entassés dans les locaux exigus des maisons d’arrêt, les solutions qui sont adoptées pour les moins de 18 ans paraissent toujours être prises « faute de mieux », parce qu’elles semblent être un pis aller. Toujours, ces placements sont en contradiction avec le règlement interne de l’établissement et plus encore avec un ou plusieurs articles de loi, lorsque ce n’est pas directement avec le code de procédure pénale. Il n’est nul besoin d’ajouter que, dans de telles conditions de détention, la rééducation reste lettre morte. L’exemple de la grande maison d’arrêt de Fleury-Mérogis ne déroge pas à la règle. Prévue pour les jeunes majeurs, elle accueille finalement la grande majorité des mineurs, prévenus et condamnés, de la région parisienne.

Aux origines du projet de la plus grande maison d’arrêt du monde

  • 84 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947 » op. cit., p. 167.
  • 85 Exercice 1960, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1961, p. 113

40Puisque la place manque dans les quartiers pour mineurs des maisons d’arrêt, puisque les prisons-écoles sont réservées (théoriquement) aux jeunes adultes condamnés et ne suffisent pas à la demande, puisque l’échec de l’expérience de la Petite-Roquette a eu le temps d’être oublié, le projet « Centre de jeunes détenus de Fleury-Mérogis » peut voir le jour. Au début des années 1960, trois constats préoccupent grandement l’administration pénitentiaire : la grande vétusté du parc pénitentiaire français ; une surpopulation constante et croissante des prisons parisiennes dont une augmentation de la population pénale juvénile ; le sort des jeunes majeurs plus inquiétant encore que celui des adultes. La réforme pénitentiaire de Paul Amor met déjà l’accent sur « l’état généralement lamentable à tous égards84 » des prisons et préconise un programme de construction et de rénovation. Or, exception faite des prisons-écoles, l’administration pénitentiaire opte pour un plan d’urgence afin de pouvoir appliquer au plus vite le régime progressif. Dans un premier temps, elle privilégie donc le réaménagement d’anciens bâtiments plutôt que la mise en chantier de nouvelles structures afin de « permettre d’améliorer les conditions de vie du plus grand nombre possible de détenus, et notamment d’étendre le régime cellulaire85 ». Autrement dit, ce sont les établissements les plus importants et les maisons centrales qui ont la primeur des crédits alloués. De fait, force est de constater que ce sont les locaux où la séparation des mineurs et des adultes est déjà opérationnelle qui sont concernés. Le plus urgent, et le plus économique, est promptement accompli et les projets de nouvelles prisons foisonnent :

  • 86 Ibid., p. 135.

« […] maison d’arrêt de Valenciennes dont les travaux ont été attribués et vont commencer en 1961, maison centrale de Muret dont le projet est très avancé et la réalisation pourra vraisemblablement commencer en 1962, maison d’arrêt dans la région parisienne pour laquelle un terrain vient d’être acheté, maison d’arrêt de Bordeaux dont la construction serait hâtée […]86. »

  • 87 Ibid, p. 138.

41L’accent est rapidement mis sur « la construction d’une maison d’arrêt dans la région parisienne, pour remédier à l’encombrement permanent des prisons de Fresnes et de la Santé, qui empêche d’appliquer dans ces établissements cellulaires le régime de l’isolement individuel, et remplacer la prison de femmes en commun de la Roquette87 ». En effet, les détenus sont nombreux à être plusieurs par cellule dans les détentions de la capitale et le ministre de la Justice le déplore :

  • 88 AD Essonne, 930W24, « Compte-rendu de la réunion du 18-2-1965 présidée par M. Foyer, garde des Sce (...)

« Les prisons parisiennes ont une double et fâcheuse caractéristique, à savoir d’être anciennes puisque la Petite-Roquette a été construite en 1825, que la maison d’arrêt de la Santé a été mise en service en 1867 et la prison de Fresnes en 1893. Ces établissements anciens et peu brillants à tous les égards ont de surcroît le défaut d’être inadaptés, quant à leur capacité, aux besoins pénitentiaires actuels. […] la maison d’arrêt de la Santé qui est une maison d’arrêt cellulaire est constituée par 920 cellules et qu’à l’heure actuelle elle reçoit un nombre de détenus qui approche 3 50088. »

  • 89 AD Essonne, 1436W4, « Direction de l’AP, Études et programmes. Centre pénitentiaire de Fleury-Méro (...)
  • 90 AN Fontainebleau, 960136, art. 45, « Note sur les conditions de détention des mineurs de 21 ans in (...)
  • 91 Ibid., « Conclusion du groupe de travail chargé de l’étude des conditions de détention des mineurs (...)
  • 92 AD Essonne, 930W24, « Compte-rendu de la réunion du 18-2-1965 » op. cit., p. 3.
  • 93 AD Essonne, 1436W4, « Correspondance du dir. de l’AP », avril 1964.

42C’est que « de 1861 à 1962, la population de la région parisienne est passée de 2 000 000 à 8 500 000 habitants. Dans cet ensemble, Paris voyait son chiffre multiplié par deux, tandis que celui de la banlieue décuplait : de 400 000 à 4 500 000 […] cependant qu’en 1965 près du tiers de la population pénale totale se trouvait incarcéré dans les prisons de la région parisienne89 ». Enfin, les plus urgentes des grosses rénovations achevées (ou presque), les préoccupations pour la catégorie pénale des jeunes de 18 à 21 ans reprennent de l’ampleur. Les conditions de détention de ces derniers « posent actuellement un problème particulièrement préoccupant pour l’administration pénitentiaire90 » qui désire pouvoir leur offrir un régime en adéquation avec leur jeune âge. Les prisons-écoles d’Oermingen et de Loos-lez-Lille ne suffisent pas, de par leur capacité d’accueil qui est limitée et exclusivement réservées aux jeunes condamnés. Les jeunes prévenus, majoritaires, demeurent dans les maisons d’arrêt faute d’autres structures disponibles. Pendant près de vingt ans, durant les décennies 1950 et 1960, l’administration pénitentiaire semble oublier les mineurs pénaux dans ses programmes immobiliers, voire institutionnels. Cela s’explique aisément. L’esprit des responsables de cette administration suit les préceptes de l’ordonnance de 1945 : l’emprisonnement des moins de 18 ans doit être exceptionnel et ils doivent être « soumis […] à un régime particulier faisant une large place à l’éducation et qui, dans toute la mesure du possible, les préserve de l’action nocive d’autres détenus et leur évite l’oisiveté91 ». Autrement dit, c’est à l’éducation surveillée de placer ces enfants dans des structures appropriées. Ils ne sont donc pas censés être à la charge de l’administration pénitentiaire qui n’a pas à s’en soucier. C’est pour remédier à tous ces inconvénients, de la vétusté des prisons au surencombrement du parc pénitentiaire parisien en passant par le manque de structures spécifiques pour jeunes adultes, que l’administration des prisons prend la décision de construire un ensemble de « ce que l’on a appelé un complexe pénitentiaire qui est sans équivalence92 » dans un petit village paisible de l’Essonne, Fleury-Mérogis. La première pierre de cet énorme édifice est posée au printemps 1964 par le ministre de la Justice lui-même pour qui l’on organise, à cette occasion, « une visite du chantier du centre provisoire de jeunes détenus93 ». Le centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis sera le plus grand et le plus moderne du monde.

43Outre les bâtiments réservés à l’administration et au personnel, il est prévu trois sections distinctes dont la construction doit s’échelonner sur plusieurs années. Dans le rapport d’étude de 1967, un résumé du projet éclaire sur les ambitions d’accueil de la grande prison :

  • 94 Ibid., « Direction de l’AP, Études et programmes. Centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis », n. d. (...)

« Ce nouveau centre pénitentiaire a été construit sur un terrain de 180 hectares situé sur le territoire de la commune de Fleury-Mérogis, à 12 kilomètres d’Évry, chef-lieu du département de l’Essonne, et à 30 kilomètres de Paris à laquelle il est relié par l’autoroute A6. Il comprendra :
— une maison d’arrêt et de correction pour hommes de 3112 places ;
— un établissement pour jeunes adultes de 18 à 21 ans, de 560 places ;
— une maison d’arrêt et de correction pour femmes de 430 places […].
C’est la construction de la prison des hommes qui a été entreprise en mai 1964. Elle sera achevée au début de 1968.
La construction du centre de jeunes détenus a commencé en 1967 et celle de la maison d’arrêt des femmes commencera en 196894. »

  • 95 Béton et béton armé servent aux murs, aux sols et aux plafonds.
  • 96 Cette nouveauté n’en est d’ailleurs pas une : les prisons-écoles et les cellules de la Petite-Roqu (...)
  • 97 Laborde J., « Commande électronique pour ouvrir les cellules – Rasoir électrique pour chaque déten (...)
  • 98 Le Garrec E., Kahn A., « La plus grande prison du monde va transformer la vie de Fleury-Mérogis, p (...)
  • 99 « La nouvelle MA de Fleury-Mérogis permettra de remédier progressivement au surpeuplement de la Sa (...)
  • 100 AD Essonne, 930W24, « Courrier du garde des Sceaux au préfet de l’Essonne au sujet de la mise en s (...)
  • 101 D.P.D, « Une belle réalisation du ministère de la Justice : le centre pénitentiaire de Fleury-Méro (...)

44Ce même rapport revendique les originalités de conception pour cette construction. Les titres de ces quelques pages, à eux seuls, sont des plus significatifs et mettent en valeur la modernité des techniques invoquées et les soucis d’humanisation affichés : la réforme Amor est encore dans les esprits. La prison a « une architecture fonctionnelle », c’est-à-dire qu’elle permet d’assurer la sécurité tout en aménageant « la vie de l’homme en prison suivant des conditions matérielles et morales propres à sauvegarder sa dignité ». Elle est un « établissement sûr » grâce à la nature des matériaux utilisés95, au cloisonnement des détentions et aux conditions de surveillance. À noter cette fierté particulière des commanditaires : « Les traditionnels barreaux de prison ont été remplacés dans les parties fixes éclairant les cellules par du verre triplex infranchissable96. » Quoi qu’il en soit, c’est aussi « un établissement rationnel » prévu pour l’encellulement individuel et dotée de « services généraux modernes ». Les jeunes détenus seront tout particulièrement choyés. Du moins les jeunes détenus du sexe masculin : le CJD sera réservé aux garçons. Ils seront encadrés par un personnel de surveillance motivé et qualifié et par des éducateurs formés. Leurs journées seront entièrement occupées aux travaux scolaires puisque « fonctionnera une école où dix-huit instituteurs donneront un enseignement avant tout pratique97 », ainsi qu’à la formation professionnelle et à l’exercice physique. Les temps morts et l’oisiveté en cellule, plaies des maisons d’arrêt ordinaires, seront bannis du CJD de Fleury-Mérogis. Ces prévisions s’accompagnent d’un objectif d’équipement optimal et moderne, tant en matière médicale que sportive et culturelle. L’initiative est saluée par la presse qui met l’accent sur l’accueil des plus jeunes. Enfin, grâce au CJD, un établissement reçoit dans des conditions décentes l’avenir de la nation. Les « titres louanges » se succèdent, d’année en année. Dès 1963, l’édition spéciale du Grand Paris annonce fièrement que « les normes imposées pour les cellules sont celles des chambres d’étudiant dans les cités universitaires : une surface de 10 m2 par détenu, placards de chêne massif » et il n’y a « plus de barreaux, plus de murs98 ». Quatre ans plus tard, le monde est persuadé que « la nouvelle maison d’arrêt de Fleury-Mérogis permettra de remédier progressivement au surpeuplement de la Santé et de Fresnes99 ». Dès l’ouverture du premier bâtiment de détention, celui des hommes, il est prévu qu’il « sera occupé par des jeunes détenus mineurs de 21 ans, prévenus ou condamnés à de courtes peines100 ». Et, en effet, « 500 détenus de 18 à 21 ans, transférés de Fresnes, seront dès le 2 mai prochain hébergés dans une des divisions prévues pour les adultes. 350 autres jeunes seront transférés dans les semaines à venir101 ».

Les premiers dysfonctionnements

Des mineurs pénaux à Fleury-Mérogis

  • 102 AD Essonne, 1161W1, « Dossiers de détenus classés par dates de sorties », 1968.
  • 103 Ibid., 1969.
  • 104 AD Essonne, 930W24, « Le garde des Sceaux à M. le préfet de l’Essonne à Corbeil. Objet : Répartiti (...)
  • 105 AD Essonne, 930W24, « Le garde des Sceaux au préfet de police de Paris », 7-8-1970.
  • 106 Exercice 1970, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1971, p. 90.

45Le sureffectif croissant des jeunes détenus, plus important encore que celui des adultes, amène les autorités à installer en priorité les moins de 21 ans à Fleury-Mérogis dans l’unique bâtiment fonctionnel, celui des hommes majeurs. Seulement, parmi les détenus du quartier des J3 de Fresnes qui bénéficient de ce transfert, une quinzaine de mineurs pénaux sont présents. Dès sa mise en fonction, le complexe essonnien reçoit des adolescents prévenus et condamnés qui n’ont pas encore atteint 18 ans. De plus, déjà en 1968, certains juges émettent des mandats de dépôt à l’encontre de mineurs, mandats qui conduisent parfois ces derniers directement à Fleury-Mérogis. En 1968, ils sont ainsi deux adolescents de 17 ans à provenir du CSOES102 ; en 1969 deux jeunes de 16 et 17 ans viennent directement de l’état de liberté alors que deux autres mineurs de justice sont transférés sur Fleury-Mérogis après une journée passée au dépôt pour l’un, à la maison d’arrêt d’Étampes pour l’autre103. L’espace, la modernité des techniques de surveillance, le confort, la diversité des loisirs et le personnel de cet établissement sont supposés offrir à ces jeunes gens un encadrement moins traumatisant que les autres prisons surpeuplées et obsolètes. C’est donc sans complexe que l’administration pénitentiaire pense privilégier les quelques tout jeunes délinquants des premiers convois. Puis tout s’accélère. Dans un premier temps, les jeunes détenus sont répartis entre Fresnes et Fleury-Mérogis. Puis le garde des Sceaux annonce au préfet de l’Essonne, dès le 27 octobre 1969, que le CJD « recevra tous les détenus âgés de moins de 21 ans, relevant du TGI de Paris104 ». Parallèlement, le surpeuplement de Fresnes se fait de plus en plus pesant et le directeur appuie de tout son poids pour augmenter encore la quantité de transferts. De leur côté, les juges de la région parisienne sont satisfaits d’avoir à disposition un établissement conçu pour cette population. Auparavant, ils pouvaient hésiter à incarcérer les plus jeunes au vu des mauvaises conditions de détention de Corbeil, de Versailles ou d’Étampes. Quant à l’administration pénitentiaire, face à une France toujours vierge des Institutions spéciales d’éducation surveillée promises par l’ordonnance de 1945, elle reste fidèle à son idée d’offrir les meilleures conditions de détention possibles aux mineurs pénaux. Une fois encore, faute de mieux, elle accueille les moins de 18 ans à Fleury-Mérogis en même tant que les jeunes majeurs, « cet établissement étant pourvu d’équipement et de personnel spécialisé pour le traitement des jeunes détenus105 ». En 1970, à peine deux ans après son ouverture, il accueille déjà « tous les jeunes détenus de moins de 21 ans relevant des juridictions de Paris, Corbeil, Bobigny, Versailles, Créteil et Nanterre106 ». Le CJD proprement dit n’ouvre pourtant officiellement que deux ans plus tard, le 1er juillet 1973. Avant même son inauguration, il a déjà reçu une affectation qui n’est pas celle du projet d’origine, il est déjà « spécialisé » dans la détention des mineurs, de tous les mineurs, puisqu’il accueille aussi bien ceux de 21 ans que ceux de 18 ans.

Des débuts peu prometteurs

  • 107 AD Essonne, 930W24, « Le dir. régional à M. le préfet de l’Essonne. Objet : Mise en service du cen (...)
  • 108 Ibid., « Lettre de l’Union des sections syndicales CFDT ; FEN ; CGT du centre pénitentiaire de Fle (...)
  • 109 Ibid.
  • 110 Ibid., « Note du Dr Fully de Fleury-Mérogis au bureau de la détention », 23-9-1968.

46La maison d’arrêt de Fleury-Mérogis reçoit ses premiers détenus, jeunes hommes de 16 à 21 ans, alors que ni les locaux ni le personnel ne sont opérationnels. Aussi, l’administration pare au plus pressé et, dès le 6 mai 1968, il est prévu l’ » arrivée de 45 condamnés adultes destinés aux services généraux de l’Établissement107 ». Des prisonniers mineurs pénaux sont, par conséquent, confiés à des détenus adultes pour ce qui est de la vie quotidienne. De fait, les principes qui font de Fleury-Mérogis un projet ultra moderne et révolutionnaire sont remis en cause dès les premières années d’existence de l’établissement. Il est reproché à cette prison soit l’application de ce qui fait son originalité soit, à l’inverse, la différence entre théorie et pratique. Selon les positionnements de ses détracteurs, la prison quatre étoiles est critiquée soit pour ses excès de confort, soit pour sa froide modernité qui engendre une certaine inhumanité. Des vitres sans barreaux aux impacts de cette prison sur le mental des jeunes gens, rien ne semble fonctionner comme le prévoit le projet d’origine. Dès le 11 mars 1969, lors d’une journée nationale d’action, l’Union des sections syndicales CFDT, FEN, CGT du centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis dénonce l’ouverture de la première tribale avec « un personnel de surveillance particulièrement jeune et sans expérience » et remarque, acerbe que « sans augmenter les effectifs d’un personnel déjà insuffisant, l’administration s’est permis d’ouvrir partiellement une seconde tripale108 ». À cette date, la population carcérale n’est encore constituée que de mineurs de 21 ans qui, à la base du projet, devaient être encadrés par un personnel sensibilisé aux spécificités de la surveillance des jeunes. Or, il s’avère, comme pour le CSOES, que l’affectation des professionnels auprès des jeunes détenus relève davantage du manque de points d’ancienneté, voire de la sanction, que de la vocation des personnels mutés dans la place. De plus, l’Union peut se prévaloir d’une revendication qui ne figure dans aucun texte des autres institutions carcérales : « La pose de barreaudage car les vitres, dites incassables, ne peuvent assurer à l’usage, les garanties minimum de sécurité109. » Fleury-Mérogis est aussi à la pointe de ce qui se fait en matière de médecine et de psychiatrie. L’observation et la détection d’éventuels troubles mentaux chez les délinquants juvéniles y sont considérés comme primordiaux. Il en résulte une présence conséquente de professionnels de la santé au sein de la prison, précaution peu courant jusqu’alors. Ces nouveaux observateurs indépendants de l’administration pénitentiaire ne sont pas prêts à laisser passer les abus dont ils sont témoins. Les dénonciations se succèdent dans un contexte où le corps médical peut étudier, mieux que jamais, les effets négatifs de l’enfermement sur le métabolisme humain. Les psychiatres de Fleury-Mérogis insistent rapidement sur le fait que « la structure de cet établissement est de nature à provoquer chez les éléments fragiles un état dépressif en dépit des efforts poursuivis pour étendre la durée des activités en commun110 ». À la suite du suicide d’un jeune détenu, le directeur du bureau de la détention ne peut qu’approuver la remarque d’autant que les abus des surveillants s’ajoutent à l’inhumanité des lieux :

  • 111 Ibid., « Le dir. du bureau de la détention au dir. du CP de Fleury », 23-9-1968.

« Le quartier disciplinaire, qui a été évacué le 21 septembre à la suite de mes instructions téléphoniques, ne sera plus utilisé pour les jeunes détenus.
Les punitions infligées à ces derniers seront subies dans les cellules ordinaires d’une division se trouvant dans la même tripale que le quartier disciplinaire.
Il importe que le prononcé de telles sanctions se limite aux infractions les plus répréhensibles, telles les coups à surveillants, les sévices exercés sur des codétenus ou des agissements susceptibles de provoquer un mouvement collectif […].
Vous voudrez bien par ailleurs donner les instructions nécessaires pour que les détenus punis de cellule n’aient pas pour changer de costume à parcourir un couloir entièrement dévêtus.
Les errements suivis jusqu’à maintenant constituent une humiliation inutile, que rien ne justifie […].
Je vous prie enfin de vouloir bien reconsidérer l’emploi du temps actuel en l’adaptant aux moyens dont vous disposez (affectation de 10 instituteurs, mise en service d’atelier d’apprentissage, extension du travail pénal), et en gardant le souci de réduire le plus possible la durée de l’isolement cellulaire111. »

47Tout semble dit. Pourtant ces dispositions ne sont pas appliquées et la pénurie de personnel reste endémique. Les mineurs ne bénéficient guère de dispositions plus douces que les jeunes adultes. Les occupants de Fleury-Mérogis, les mineurs pénaux en premier lieu, manquent d’exercice et de la formation professionnelle prévue lors de la construction du centre, voire d’un suivi médical suffisant, mais aussi peut-être tout simplement d’un minimum de considération. C’est une question que l’on peut se poser lorsqu’on lit les propos du directeur de Fleury-Mérogis en 1969 :

  • 112 404 jeunes sont alors écroués à Fleury dont 35 ont moins de 18 ans. AN Fontainebleau, 960136, art. (...)

« Problèmes spécifiques aux mineurs de 18 ans :
Il est un trait commun à ces mineurs de 18 ans, c’est leur profonde perversion ; d’une façon générale ils sont allergiques à toute action éducative et posent un problème encore plus délicat que les jeunes de 18 à 21 ans […].
Si on excepte les très jeunes détenus qui n’ont pas encore achevé leur croissance et qui sont exposés plus que les autres à l’influence nocive et aux sévices des individus plus âgés, il est difficile sur le plan du traitement pénitentiaire de différencier les mineurs de 18 ans et ceux de 18 à 21 ans. Une seule distinction doit exister sans être trop impérative, c’est celle du primaire et du récidiviste. C’est d’ailleurs celle qui est en cours de réalisation à Fleury où les jeunes délinquants occasionnels sont groupés au Bâtiment D3 où ils sont suivis d’une façon régulière par les éducateurs et le service social112. »

  • 113 Schachtel M., op. cit., p. 142-143.

48Force est de conclure que, même dans une prison spécialement conçue pour les jeunes détenus, la séparation entre prévenus et condamnés et entre mineurs et jeunes adultes n’est pas systématiquement respectée. Ici, c’est sciemment que le code de procédure pénale n’est pas pris en compte. Cette pratique ira plus loin encore : à la fin des années 1990 afin de remédier à l’extrême violence qui règne au CJD, les jeunes seront encadrés par des détenus adultes113. Le CJD de Fleury-Mérogis, moderne et spacieux, n’est pas adapté à la population qui y est incarcérée. Dès ses premières années de fonctionnement, il apparaît comme impressionnant et déprimant pour les jeunes. En témoigne cet extrait de rédaction d’un jeune détenu de 1971 ou 1972 :

  • 114 Montaron J.-P., Les jeunes en prison, « On nous enfonce », Paris, Seuil, 1977, p. 18.

« […] je distingue par la fenêtre l’immensité du terrain vague où stagnent quelques bâtiments isolés, sinistres et incomparables à aucune autre chose de l’extérieur. De temps en temps quelques rares oiseaux passent le plus vite possible, ne s’attardant pas à admirer le paysage. Le ciel est gris, menaçant, les couleurs des bâtiments sont si comparables au ciel que l’on dirait que c’est fait exprès114. »

  • 115 Direction de l’administration générale et de l’équipement, Architecture et justice : deux siècles (...)

49De fait, après dix ans de service, au début des années 1980, le CJD de Fleury-Mérogis est déjà reconnu comme le type même d’établissement qui ne convient en rien à la rééducation et à la réinsertion des mineurs délinquants. En 1988, une publication de l’administration pénitentiaire avoue cet échec : « Dans les années qui suivent son achèvement, Fleury-Mérogis va représenter une espèce de référence négative : ce qu’il ne faut plus faire115. » Il est possible de constater avec Claude Faugeron :

  • 116 En italique dans le texte.
  • 117 Faugeron C., » Les prisons de la Ve République : à la recherche d’une politique », in Petit J.-G. (...)

« Le complexe pénitentiaire de Fleury-Mérogis […] est le symbole de la technocratie pénitentiaire de l’époque, qui fait de la désurbanisation116 et du regroupement des prisons son premier principe. Mais la modernité de Fleury-Mérogis induit des modes d’incarcération rigoureux, son manque de convivialité la rend difficilement supportable, aussi bien pour les détenus que pour les surveillants. Fleury-Mérogis ajoute le gigantisme au panoptisme […]. L’expérience est si visiblement mal adaptée qu’elle n’est pas renouvelée117. »

50La situation s’envenime, s’aggrave et devient tellement problématique aux débuts des années quatre-vingt-dix, qu’un groupe de travail interne est mis en place en 1996 pour essayer d’endiguer la violence :

  • 118 Prieur C., « Les violences se multiplient parmi les jeunes incarcérés à Fleury-Mérogis », Le Monde (...)

« Depuis quelques années, le centre des jeunes détenus (CJD) de Fleury-Mérogis (Essonne) souffre d’un mal chronique : la violence s’y est progressivement installée jusqu’à en faire un lieu de réel danger pour les mineurs qui y sont incarcérés. Bagarres, rackets, agressions violentes et répétées… Le CJD, qui accueille en moyenne 365 détenus de treize à vingt et un ans, est quasiment devenu ingérable depuis 1994. La situation a pris une telle ampleur que l’administration pénitentiaire s’est lancée dans un projet de réaménagement de l’établissement, qui devrait voir le jour fin 1999118. »

  • 119 Ibid.

51Parmi les mesures envisagées figure notamment, « la restructuration du CJD, qui […] prévoit de scinder l’établissement en deux, en plus du quartier des treize-seize ans, qui existe déjà. Les mineurs de seize à dix-huit ans seraient ainsi séparés des majeurs, pour être regroupés en six petites unités de vingt détenus119 ». Cet établissement (trop) moderne et victime de son gigantisme est plus propre à achever une désocialisation des jeunes, qu’à leur offrir des points de repère solides avant leur remise en liberté. C’est un nouvel échec de cette utopie persistante que de vouloir créer des prisons sans les inconvénients de la prison quand il s’agit de l’incarcération des mineurs. Et pourtant, comme pour les autres établissements carcéraux, il est largement utilisé et de nombreux jeunes y font un séjour de quelques jours ou de quelques mois.

Notes

1 Notamment le mémoire de trois éducatrices Barbaroux M.-N., Broussard J., Hamoniaux M., » L’évolution historique de la Petite-Roquette », Rééducation. n° 191, mai 1967, p. 2-41.

2 Guillot A., Les prisons de Paris et les prisonniers, Paris, E. Dentu Éditeur, 1890.

3 S’ajoutent à ces deux sources : Almereyda M.et Delannoy A., » La Petite-Roquette », l’assiette au beurre, n° 48, nov. 1907, n. p. ; un ensemble de quelques archives privées de l’enseignant de l’institution composés essentiellement de lettres et de « biftons » d’enfants et de notes de l’instituteur (1910-1912) et l’extrait d’un rapport d’inspection sur les prisons de la Seine publié dans le Code pénitentiaire en 1927.

4 Hamelin F., Femmes dans la nuit. L’internement à la Petite-Roquette et au camp des Tourelles (1939-1944), Luisant, Renaudot et Cie, 1988, 387 p.

5 Barbaroux M.-N., Broussard J., Hamoniaux M., op. cit., p. 38. Cf. planche C, illustration n° 2.

6 Conférence de M. Dufour, dir. des prisons de Fresnes à l’institut de criminologie, cité par Meurillon R., op. cit., p. 2.

7 Perrot M. « Les enfants de la Petite-Roquette », L’Histoire, n° 100, mai 1987, p. 30-38.

8 O’Brien P., op. cit., p. 138-140.c

9 Gillet J., La Petite-Roquette et les prisons d’enfants au xixe siècle, mémoire de maîtrise, Paris VII, 1975, dact., 306 p.

10 Perrot M., « Les enfants de la Petite-Roquette », L’Histoire, n° 100, mai 1987, p. 30-38.

11 L’établissement sert alors de prison militaire pour les Gardes nationaux et soldats.

12 Guillot A., Les prisons de Paris et les prisonniers, Paris, E. Dentu Éditeur, 1890, p. 328.

13 Barbaroux M.-N., Broussard J., Hamoniaux M., op. cit., p. 39.

14 Guillot A., op. cit., p. 224.

15 Pérot M., « Les enfants de la Petite-Roquette », l’Histoire, n° 100, mai 1987, p. 30-38.c

16 Gillet J., op. cit.

17 Guillot A., op. cit., p. 330.

18 Almereyda M., Delannoy A., op. cit.

19 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », 31-12-1927, Code pénitentiaire, t. XXII, p. 639.

20 Pour faire de la Petite-Roquette une prison militaire américaine.

21 Vimont J.-C., la prison à l’ombre des hauts murs, Paris, Gallimard, 2004, p. 52.

22 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », op. cit., p. 643.

23 Ibid., p. 639.

24 Cf. planches C et D.

25 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », op. cit., p. 649.

26 Almereyda M., Delannoy A., op. cit.

27 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », op. cit., p. 668.

28 Ibid.

29 Ibid., p. 664.

30 Almereyda M., Delannoy A., op. cit.

31 « Extrait du rapport présenté par l’inspection générale des services administratifs », op. cit., p. 656.

32 Ibid.

33 Ibid., p. 622.

34 Lorrain J., Petite Roquette, l’autre Monsieur Vincent, Paris, Spes, 1954, 159 p.

35 Cf. planche E.

36 Ancelet-Hustache J., Les sœurs des prisons, Grasset, 1934, p. 244.

37 La présence des rats a marqué toutes les détenues à qui France Hamelin a donné la parole dans son ouvrage, Femmes dans la nuit., op. cit.

38 Statistiques pénitentiaires pour l’année 1935, 1940, p. 182.

39 Hamelin F., op. cit., p. 379.

40 Ibid., p. 139.

41 Le secteur privé constitue l’autre pôle de prise en charge des délinquants juvéniles.

42 La notion de « jeune adulte » existe depuis près d’un siècle mais, jusque-là, elle concerne les jeunes de 16 à 20 ans, considérés comme majeurs pénaux jusqu’à l’année 1906. Une instruction du ministre de l’Intérieur du 26 septembre 1860 préconisait déjà d’établir des quartiers spéciaux dans les prisons affectées aux hommes adultes.

43 Chazal J., Pinatel J., « Séance de section du 19-12-1953 : Rapport sur le statut des jeunes adultes délinquants », Revue pénitentiaire et de droit pénal, n° 1 à 3, janv-mars 1954, p. 33-44.

44 Delerneux A.-M., « La prison-école par A.-M. Delerneux, dir. adjoint de l’établissement pénitentiaire à Merxplas », Bruxelles, Vve Ferdinand Larcier, 1923, 34 p.

45 Statistiques pénitentiaires pour l’année 1945, 1947, p. 75.

46 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947. Rapport de M. Amor, dir. de l’AP – Présidence de M. André Marie, garde des Sceaux », Revue pénitentiaire et de droit pénal, n° 4-5-6, avril-mai-juin 1947, p. 182-183.

47 Extrait du rapport d’ensemble présenté par l’inspection générale de l’administration. 1949-1950, ministère de l’Intérieur, Paris, 1951, p. 25.

48 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947 » op. cit., p. 183.

49 Germain C., « Rapport annuel sur l’exercice 1950. Réalisations nouvelles dans le sens d’une plus grande individualisation de la peine », Revue pénitentiaire et de droit pénal, n° 4 à 6, avril-juin 1951, p. 308.

50 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947 » op. cit., p. 184.

51 Circ. n° 51-67 instituant création des prisons-écoles d’Oermingen et de Doullens, Bulletin de l’Union des sociétés de patronage de France, n° 12, 3ème trimestre 1951, p. 962-963.

52 AN Fontainebleau, 960136, art. 88, « Rapport d’inspection du centre pénitentiaire de Rennes », 12, 1311-1962.

53 Ibid.

54 Ibid.

55 Ibid., « Rapport d’inspection du centre pénitentiaire de Rennes », 12, 13-11-1962.

56 Extrait du rapport d’ensemble présenté par l’inspection générale de l’administration. 1949-1950, ministère de l’Intérieur, Paris, 1951, p. 55.

57 Oermingen devient autonome en janvier 1948 mais reçoit des jeunes gens dès septembre 1947.

58 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947 » op. cit., p. 184.

59 Extrait du rapport d’ensemble présenté par l’inspection générale de l’administration. 1949-1950, ministère de l’Intérieur, Paris, 1951, p. 55.

60 « Annexe » supprimée en 1956.

61 Gayraud A., op. cit., p. 680.

62 Extrait du rapport d’ensemble présenté par l’inspection générale de l’administration. 1949-1950, ministère de l’Intérieur, Paris, 1951, p. 55.

63 Ibid.

64 En 1974, des ateliers de plâtrerie, limousinerie, béton armé, plomberie, chauffage central, peinture, électricité, menuiserie, soudage, tournage, fraisage et jardinage se sont substitués à ces sept ateliers.

65 Extrait du rapport d’ensemble présenté par l’inspection générale de l’administration. 1949-1950, ministère de l’Intérieur, Paris, 1951, p. 55.

66 Ibid., p. 59.

67 Exercice 1960, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1961, p. 25.

68 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Note de service du dir. du Bureau de l’application des peines, R. Lut, aux directeurs régionaux à propos de la classification des jeunes condamnés », 9-1-1958.

69 Finalement libérée de ses activistes en 1966, Toul aura un quartier cellulaire affecté à l’incarcération des jeunes détenus de 21 à 23 ans en provenance de Paris. Le 15 septembre de la même année est ouvert le centre de jeunes détenus condamnés à de courtes peines (moins de 6 mois) d’Écrouves.

70 Exercice 1960, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1961, p. 25.

71 Art. D.450 du CPP.

72 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Note sur l’Amélioration des conditions de détention des jeunes détenus », n. d. (1967).

73 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Le garde des Sceaux aux procureurs généraux. Objet : Prisons-écoles », n. d. (fin oct. 1951).

74 Gayraud A., op. cit., p. 682.

75 Décret du 12-4-1952 relatif à l’exécution des peines d’emprisonnement concernant les mineurs et créant les Institutions spéciales d’ES pour les mineurs les plus difficiles, JO 15-04-1952.

76 Les ISES de Lesparre puis des Sables-d’Olonne issus du décret du 12-4-1952 n’accueillent finalement ni mineurs condamnés ni mineurs prévenus contrairement aux termes du texte. Elles reçoivent essentiellement les inadaptés des grandes IPES.

77 Rappel : Ce quartier, dit des « J3 », est à ne pas confondre avec le CSOES. Ce n’est pas un centre d’observation mais bien un quartier pour prévenus et condamnés, le personnel dépend de l’AP et il reçoit essentiellement des majeurs pénaux même si l’on peut noter la présence de quelques mineurs. En 1966, 17 garçons de moins de 18 ans sont incarcérés auprès des 522 majeurs pénaux.

78 AN Fontainebleau, 960136, art. 45, « Note sur la détention des mineurs de 21 ans dans les établissements pénitentiaires », 6-12-1963, p. 5.

79 Ibid., p. 8.

80 Les passages soulignés le sont dans le texte original. AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Lettre du conseiller de la CA d’Aix délégué à la protection de l’enfance et aux œuvres post-pénales au garde des Sceaux », 10-10-1960.

81 Ibid., « Réponse du garde des Sceaux à M. le Procureur général près de la CA d’Aix-en-Provence », 21-10-1960.

82 AN Fontainebleau, 960136, art. 66, « Lettre du président du TE de Marseille au garde des Sceaux. Objet : Affectation de mineurs en prison-école », 25-7-1961.

83 AN Fontainebleau, 960136, art. 100, « Règlement – Mémento à l’usage des détenus – MC de Loos, centre de jeunes condamnés », n. d. (1966).

84 « Conseil supérieur de l’AP – Séance du 30-1-1947 » op. cit., p. 167.

85 Exercice 1960, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1961, p. 113.

86 Ibid., p. 135.

87 Ibid, p. 138.

88 AD Essonne, 930W24, « Compte-rendu de la réunion du 18-2-1965 présidée par M. Foyer, garde des Sceaux, et consacrée aux problèmes posés par la mise en service des établissements pénitentiaires de Fleury-Mérogis », p. 1.

89 AD Essonne, 1436W4, « Direction de l’AP, Études et programmes. Centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis », n. d. (1967), p. 1.

90 AN Fontainebleau, 960136, art. 45, « Note sur les conditions de détention des mineurs de 21 ans incarcérés dans les établissements pénitentiaires », 11-1-1962, p. 1.

91 Ibid., « Conclusion du groupe de travail chargé de l’étude des conditions de détention des mineurs et jeunes adultes », juin 1962, p. 2.

92 AD Essonne, 930W24, « Compte-rendu de la réunion du 18-2-1965 » op. cit., p. 3.

93 AD Essonne, 1436W4, « Correspondance du dir. de l’AP », avril 1964.

94 Ibid., « Direction de l’AP, Études et programmes. Centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis », n. d. (1967), p. 2.

95 Béton et béton armé servent aux murs, aux sols et aux plafonds.

96 Cette nouveauté n’en est d’ailleurs pas une : les prisons-écoles et les cellules de la Petite-Roquette en sont également dépourvues.

97 Laborde J., « Commande électronique pour ouvrir les cellules – Rasoir électrique pour chaque détenu – Paillasses remplacées par des matelas – Pas de barreaux, mais une fenêtre en vitre incassable, ce sont les innovations de la nouvelle prison de Fleury-Mérogis qui abritera 3 100 détenus de la région parisienne », L’Aurore, 25-4-1968.

98 Le Garrec E., Kahn A., « La plus grande prison du monde va transformer la vie de Fleury-Mérogis, petit village de l’Essonne », Grand Paris, Édition spéciale, n. d. (1963).

99 « La nouvelle MA de Fleury-Mérogis permettra de remédier progressivement au surpeuplement de la Santé et de Fresnes », Le Monde, 8-5-1968.

100 AD Essonne, 930W24, « Courrier du garde des Sceaux au préfet de l’Essonne au sujet de la mise en service partielle de Fleury-Mérogis », 27-4-1968.

101 D.P.D, « Une belle réalisation du ministère de la Justice : le centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis », le figaro, le 25-4-1968.

102 AD Essonne, 1161W1, « Dossiers de détenus classés par dates de sorties », 1968.

103 Ibid., 1969.

104 AD Essonne, 930W24, « Le garde des Sceaux à M. le préfet de l’Essonne à Corbeil. Objet : Répartition des jeunes détenus relevant du TGI de Paris entre les prisons de Fresnes et le centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis », 27-10-1969.

105 AD Essonne, 930W24, « Le garde des Sceaux au préfet de police de Paris », 7-8-1970.

106 Exercice 1970, Rapport général présenté à M. le garde des Sceaux par le dir. de l’AP, 1971, p. 90.

107 AD Essonne, 930W24, « Le dir. régional à M. le préfet de l’Essonne. Objet : Mise en service du centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis. Opérations de remplissage et mouvements des détenus », 3-5-1968.

108 Ibid., « Lettre de l’Union des sections syndicales CFDT ; FEN ; CGT du centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis au préfet de l’Essonne », 18-3-1969.

109 Ibid.

110 Ibid., « Note du Dr Fully de Fleury-Mérogis au bureau de la détention », 23-9-1968.

111 Ibid., « Le dir. du bureau de la détention au dir. du CP de Fleury », 23-9-1968.

112 404 jeunes sont alors écroués à Fleury dont 35 ont moins de 18 ans. AN Fontainebleau, 960136, art. 45, « Étude sur le problème posé par les jeunes détenus incarcérés après échec de leur traitement dans les institutions pour mineurs délinquants. Situation au CJD de Fleury-Mérogis, lettre du dir. au garde des Sceaux », avril 1969.

113 Schachtel M., op. cit., p. 142-143.

114 Montaron J.-P., Les jeunes en prison, « On nous enfonce », Paris, Seuil, 1977, p. 18.

115 Direction de l’administration générale et de l’équipement, Architecture et justice : deux siècles d’évolution, ministère de la Justice, 1988, 72 p.

116 En italique dans le texte.

117 Faugeron C., » Les prisons de la Ve République : à la recherche d’une politique », in Petit J.-G. (dir), op. cit., p. 326.

118 Prieur C., « Les violences se multiplient parmi les jeunes incarcérés à Fleury-Mérogis », Le Monde, 23-3-1999.

119 Ibid.

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