L'acteur de cinéma: approches plurielles
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L'influence de Delsarte sur le jeu de l'acteur de cinéma aux Etats-Unis
Texte intégral
Une postérité paradoxale
- 1 Alain Porte (François Delsarte, une anthologie, IPMC, 1992) a eu accès à la quasi totalité des arc (...)
1Les travaux sur la gestuelle et l’art oratoire du professeur de chant et de déclamation François Delsarte (1811-1871), qui n’ont jamais été publiés jusqu’à la récente anthologie d’Alain Porte1, ont connu un destin contradictoire. Enseignés en France entre 1850 et 1870, ils y sont oubliés à sa mort tandis qu’ils trouvent un écho favorable aux États-Unis. Élaborés à l’origine pour les chanteurs, les orateurs et les comédiens de théâtre, c’est dans une discipline que Delsarte n’avait pas envisagée, la danse, qu’ils seront utilisés avec le plus de clairvoyance.
- 2 Odette Allard, Isadora, la danseuse aux pieds nus ou La révolution isadorienne : d’Isadora Duncan (...)
2Ses théories sont en effet fièrement revendiquées par les danseurs qui affirment que « le legs de Delsarte était cette perception vitale du mouvement intérieur de la vie, source de toute authenticité. Le fait, que ce soit le geste, le chant, l’accent ou le mot, qui primait l’idée, le code ou le système » (Alain Porte). Pour eux, « François Delsarte parvint à déceler les mécanismes des gestes spontanés. Il les inventoria dans leur infinie diversité. Il en fit comprendre autour de lui l’exactitude dans leurs nuances et fixa, pour mieux les reproduire, non pas un code fait de règles conventionnelles, mais une loi résultant de l’ordre naturel comme le principe même de la vie2 »
- 3 Andrew Higson, « Film Acting and Independent Cinema », Screen, May-August 1986, vol. 27, n° 3-4.
- 4 « François Delsarte : A Codification of Nineteenth-Century Acting », George Taylor, Theatre Resear (...)
- 5 Richard Dyer, Stars, BFI, 1979, p. 156.
- 6 Gautam Dasgupta, « Commedia Delsarte », Performing Arts Journal 4 5, 1993.
3Au contraire, dans le domaine du jeu de l’acteur, le nom de Delsarte est connoté péjorativement. Par exemple, à l’article « Koulechov » de leur Dictionnaire théorique et critique du cinéma (Nathan, 2001), Jacques Aumont et Michel Marie attribuent à Delsarte la paternité d’une technique de jeu archaïque consistant à exprimer des émotions en utilisant « une correspondance bi-univoque entre un geste et un état d’esprit, dans la filiation de la vieille tradition physiognomonique. » Delsarte est ainsi présenté comme le promoteur d’une gestuelle décomposée et mécanique, faisant fi de l’intériorité et de la psychologie. Ailleurs, le nom de Delsarte est communément associé à un type de jeu mélodramatique (« Delsarte’s codification of melodramatic gestures3 »), codifié (« Codification of Nineteenth-Century Acting4 ») et au nombre de figures limité (« limited vocabulary of melodramatic signs5 »). Certains patient même de « Commedia Delsarte6 ».
- 7 Nancy Lee Chalfa Ruyter, Cultivation Of Body And Mind In Nineteenth-Century American Delsartism, S (...)
- 8 Odette Aslan, L’Acteur au xxe siècle : évolution de la technique, problème d’éthique, Paris, Seghe (...)
4Si, comme le rapporte Nancy Lee Chalfa Ruyter, auteur d’un ouvrage sur la capillarité des idées de Delsarte aux États-Unis à la fin du xixe siècle7, la lignée théâtrale de Delsarte a vu en son système « une formule rigide et mécanique pour l’expression », nous pouvons dire avec Odette Aslan8 que ce sont les danseurs qui « comprendront le mieux les idées de Delsarte et les débarrasseront de toute idée de pathos et de cliché ».
5Comment une même source de pensée a-t-elle pu donner deux lignées diamétralement opposées ?
Les dérives codificatrices
6En l’absence de publication officielle de la pensée authentique de Delsarte, celle-ci a été mal transmise et déformée par des vulgarisateurs qui, en reprenant « le squelette de la méthode Delsarte, sans en prendre l’âme » (la formule est de Thomas Étienne Hamel), ont donné ce que le chorégraphe Dominique Dupuy dénomme dans la préface de l’ouvrage d’Alain Porte « le delsartisme américain et son cortège de pacotille ».
- 9 Dans son unique texte publié, Delsarte condamne vivement l’enseignement prodigué au Conservatoire (...)
7Delsarte en réalité édifia son système en révolte contre les enseignements du Conservatoire de Paris dont il trouvait qu’ils produisaient un style de jeu conventionnel et non naturel9.
- 10 A History of American Acting, Bloomington, Indiana University Press, 1966, p. 101-102.
- 11 Angélique Arnaud, Delsarte, ses cours, sa méthode, Dentu, Paris, 1859, p. 12.
- 12 Voir le numéro 132 de la revue xviie siècle, consacré à la rhétorique du geste et de la voix à l’â (...)
- 13 Emile Zola, Le Naturalisme au Théâtre (1881), présentation et notes de Chantai Meyer- Plantureux, (...)
8Selon l’historien américain Garff B. Wilson, « le but du système qui résulta de ses recherches était d’éliminer l’artificiel et le mécanique dans le mouvement et leur substituer le réel et le vrai comme la nature les lui avait révélés10 ».Un texte manuscrit de Delsarte, intitulé « Mes épisodes révélateurs », reproduit dans l’ouvrage d’Alain Porte, cadre mal avec le portrait de chantre de la codification des expressions qu’on a l’habitude de lui dresser. Delsarte y raconte comment il s’acharna dans sa jeunesse, lors de la préparation d’un rôle, à trouver un geste juste au lieu d’imiter platement la forme préconçue que lui donnait comme modèle son professeur. Car son but était justement de combattre les « formules arrêtées et inflexibles11 » prônées par les institutions académiques : le Conservatoire d’art dramatique12 bien sûr, mais aussi l’Académie de danse ou de peinture. Le Conservatoire, une institution dont le nom, comme nous le rappelle Zola : « suffit à indiquer qu’il s’agit d’y conserver les traditions, d’y enseigner un art en quelque sorte hiératique, dont toutes les recettes sont immuables. Tel geste signifie telle chose et ce geste ne saurait être changé. Il y a un jeu de physionomie pour l’étonnement, un pour l’effroi, un pour l’admiration, et ainsi de suite, toute une collection de jeux de physionomie qui s’apprennent et qu’on finit par savoir employer, même avec une intelligence médiocre13 ».
- 14 Paul Bourcier, Histoire de la danse en Occident, Seuil, 1978.
- 15 La danseuse Martha Graham se plaindra par exemple que dans le ballet classique « un geste de la ma (...)
9En danse, comme le rappelle l’historien de la danse Paul Bourcier14, le système académique « recherche l’exécution, portée au maximum de beauté formelle, de gestes codifiés sans rapport direct avec l’état mental de l’exécutant ». Ce système érige des canons15 qui seront répertoriés en 1830 par le danseur Carlo Blasis dans un Code complet de la danse.
- 16 Voir par exemple Expression des passions de l’Âme, Aux Amateurs de Livres, Bibliothèque Interunive (...)
- 17 Des Visages, essai d’anthropologie, Métailié, Paris, 2003.
10En peinture, Charles Le Brun16 établissait quant à lui à la fin du xviie siècle, dans ses conférences à destination des peintres et des sculpteurs devant l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, un inventaire des passions universelles et sans nuances, exprimées par un nombre limité et incontestable de figures schématisées. Comme le résume David Le Breton, « il ne s’agit pas de comprendre un homme souriant dans une situation donnée, mais de décrire [...] les passions comme des objets séparables des hommes qui les ressentent17 »
11Or, ce sont de ces caractéristiques codificatrices-là (faire se succéder, sans transition et avec outrance, des postures ou des expressions préétablies) que les plus influents héritiers de Delsarte vont contribuer à affubler l’œuvre du maître, et partant, à en trahir l’esprit. Pourtant, sa plus fidèle élève française, Angélique Arnaud, avait averti dès la fin du xixe siècle : « Delsarte [...] donne des exemples faits pour développer le sens artistique et le diriger ; mais il défend l’imitation pardessus toute chose : il sait bien que les copistes sont le fléau des arts. »
- 18 À l’instar de l’ouvrage d’Edmund Shaftesbury, Lessons in the Art of Acting, 1889, de l’opuscule an (...)
12Odette Aslan l’explique de cette façon : « Le danger de la vulgarisation des idées de Delsarte fut qu’on s’empara des graphiques publiés aux États-Unis pour les imiter platement. Dans tel sentiment, le corps prend telle position, donc si je prends telle position, j’exprimerai tel sentiment. » D’innombrables lexiques gestuels contenant des reproductions de postures ou de sculptures proliférèrent aux États-Unis à la fin du xixe siècle en se réclamant de la « méthode Delsarte18 ». Ils ont été la conséquence conjuguée d’une mauvaise compréhension des schémas illustrant le livre d’un de ses élèves français, Alfred Giraudet, et de la réception ambiguë des « gammes d’expression » dont son disciple américain James Steele MacKaye parsemait ses conférences sur le système de Delsarte.
- 19 Hovey fait surtout le lien entre Steele MacKaye et le danseur Ted Shawn, puisque, après avoir été (...)
13Par ailleurs, les préceptes delsartiens ont inspiré des domaines qui ont débordé l’art dramatique et oratoire. Ainsi, quand Garff B. Wilson parle du système de Delsarte comme des « pantomimes compliquées accompagnées par de la musique et des récitations », il ne s’agit que de l’interprétation personnelle de la comédienne Genevieve Stebbins qui, après avoir été l’élève de Steele MacKaye, a complètement certain mouvement du bras suggérait une Heur sauvage ou la croissance du maïs. Pourquoi vouloir faire d’un bras une tige de maïs ou d’une main la pluie ? La main est une chose trop admirable pour qu’on la réduise à une imitation ». Martha GRAHAM, Mémoire de la danse (Blood Memory), Doubleday, 1991 (Actes Sud, 1992 pour la traduction française). stylisé l’enseignement delsartien en mettant en scène, durant les deux dernières décennies du xixe siècle, des performances à base de tableaux vivants déjà plus proches de la danse que de l’art dramatique. Il a même existé une forme mondaine du delsartisme, prodigué notamment par Henrietta Hovey19, qui apprenait à bien se tenir en société (comment marcher, s’asseoir, bailler...)
14La classification delsartienne des différentes postures du corps était une méthode pour arriver à un certain résultat, et non une fin en soi, ce qui la démarque, malgré les ressemblances, des traités de rhétorique plus anciens, tels le Chirologia-Chironomia du britannique John Bulwer (1644) qui prescrivait les canons gestuels de la main dans l’art oratoire sous la forme de « chirogrammes ».
- 20 Charles Aubert, L’art mimique, suivi d’un Traité de la Pantomime et du Ballet, 200 dessins par l’a (...)
- 21 Douailler, Technique et Pratique du Tragédien et Comédien lyrique, 1911.
- 22 Conférence sur les techniques du cinéma (1917-18), Fonds Edmond Benoît-Lévy, Paris, Bibliothèque N (...)
- 23 E. Kress, L’art mimique au cinématographe : le geste et l’attitude. Huitième conférence, Paris, « (...)
- 24 Adolfo Andrade, Pour une danse enfin libérée, Paris, R. Laffont, 1988, p. 10.
- 25 Dictionnaire encyclopédique du théâtre, article « Acteur », Larousse, 1998.
15Dans la lignée de ce type de guides de jeu plus ou moins contraignants (faussement) attribués à Delsarte, dont le nom était alors à la mode, d’autres « traités » sur le jeu ont existé au début du xxe siècle, comme ceux de Charles Aubert20 à l’attention des comédiens de théâtre ou celui de Douailler21 pour les jeux de scènes à l’opéra. En ce qui concerne le cinéma, dans les années 1910 par exemple, si les prescriptions de Edmond Benoît-Lévy22 pour une bonne performance actorale sont justifiées par les impératifs techniques de l’époque, comme la netteté des prises de vues, d’autres comme celles de E. Kress participent d’une pensée réellement codificatrice23. Mais on est bien loin de Delsarte, qui n’aura cessé « tout au long de sa vie, de combattre tous les stéréotypes, toutes les “manières”24 ». Delsarte avait bien compris que cette nouvelle connaissance et maîtrise du corps ne devaient plus résulter « ni de la pure imitation de soi-même ou d’autrui, ni des images peintes ou sculptées, mais d’une intériorité qui sait s’exprimer par l’expérience personnelle25 ».
16La pensée delsartienne était tout le contraire d’une pensée dualiste séparant corps et esprit, puisqu’elle était une tentative de comprendre les liens naturels entre le sentiment et son expression par le geste, en considérant le corps dans son ensemble et ses parties dans leur interaction.
- 26 Comme le fait Cooper C Graham dans « Unmasking Feelings, The Portrayal of Emotions in the Biograph (...)
- 27 James Naremore par exemple rapproche le style de jeu décomposé de Marlene Dietrich de « the entire (...)
17L’influence de Delsarte sur le jeu de l’acteur aux États-Unis ne se situe donc pas du côté du cinéma muet et d’un style de jeu mélodramatique26, stylisé ou expressionniste27.
18Il serait plus pertinent à mon sens, au regard des véritables intentions delsartiennes, d’étudier l’influence de la danse moderne sur le jeu au cinéma, dans la mesure où des générations d’acteurs hollywoodiens ont été formées par des danseurs qui considèrent Delsarte comme le « père » de leur discipline.
L’influence de la danse moderne sur la formation de l’acteur de cinéma américain
- 28 Gérard Paquet évoquant sa rencontre avec Hermès Pan lors de la préparation d’un documentaire sur l (...)
19Il serait peut-être utile, pour le spécialiste de la danse, d’étudier les mouvements des acteurs dans les scènes chorégraphiées par Hermès Pan, collaborateur de très nombreuses comédies musicales américaines avec notamment Fred Astaire et Ginger Rogers dans les années 1930, lui qui aurait, selon son propre témoignage, été initié à « la gestuelle de François Delsarte qui, dit-il, l’influença, sa vie durant, sans qu’il sut vraiment qui il était28 ».
- 29 Découvrant Delsarte dans les années dix, Ted Shawn sera l’un des artisans de la perpétuation de so (...)
- 30 Catherine Tatge, Martha Graham, le corps révélé, Arts, La Cinquième, diffusé sur Arte le 16 novemb (...)
- 31 Robert Abirached, « Les jeux de l’être et du paraître », in Daniel Couty, Alain Rey (dir.), Le Thé (...)
20Mais au niveau du jeu proprement dit, les découvertes les plus fructueuses seraient probablement à faire du côté d’une des pionnières de la danse moderne : Martha Graham. Formée par Ted Shawn29, elle eut pour élèves des acteurs aussi célèbres et différents que Kirk Douglas, Bette Davis, Gregory Peck, Liza Minnelli, Ingrid Bergman ou Woody Allen. Sans parler de Louise Brooks qui aimait à dire qu’elle avait appris à jouer en la regardant danser. Graham raconte dans ses mémoires : « Je faisais un cours de technique du mouvement à l’intention des acteurs. J’y tempérais un peu ce que j’aurais exigé de danseurs, mais je les traitais toujours comme mes élèves. » Comme nous le rappelle un documentaire consacré à la célèbre danseuse, les acteurs de Hollywood venaient travailler avec Martha Graham pour « apprendre non pas à danser, mais à se mouvoir, à lier corps et émotion, âme et pensée30 ». Certains membres de l’Actors Studio ont complété leur formation en suivant l’enseignement de Martha Graham. Eli Wallach par exemple rapporte que Graham préconisait de vivre les situations plutôt que d’essayer de les recopier. Anne Jackson quant à elle témoigne avoir recouru à une technique grahamienne basée sur la respiration, la tension et le relâchement des muscles, pour provoquer des sanglots dans une scène de So Young So Bad (Bernard Vorhaus, 1950). La préface de l’ouvrage d’Alain Porte indique que « la danse américaine des premières décennies du siècle a trouvé ses premiers fondements dans des grandes lois – telle celle de la tension-relâchement – issues ou proches de celles de Delsarte [...] ». Cette technique pourrait donc trouver sa source chez Delsarte qui, pour Robert Abirached, a « établi un réseau de correspondances entre les sentiments et les mouvements, jetant du même coup les bases d’une connaissance scientifique de la respiration » et « aurait été un des premiers à mesurer l’importance de la respiration dans la maîtrise du musculaire et du trajet physique des émotions31 ». Mais l’élève de Delsarte, Alfred Giraudet, affirmait déjà à la fin du xixe siècle que « personne avant lui n’avait étudié, au point de vue spécial de l’art, la physiologie de la respiration, du larynx et de la bouche ».
- 32 Daniel Dobbels, Martha Graham, éd. Bernard Coutaz, 1990.
21Martha Graham raconte aussi que l’actrice Joanne Woodward « a eu la gentillesse de dire que ce cours l’a aidée lorsqu’elle a joué le personnage à facettes multiples de Three Faces of Eve (1957), qui lui a valu un Oscar. D’abord incertaine de ce qu’il fallait faire, elle s’était souvenue de [son] cours et avait joué un des personnages en contraction (en expiration, le souffle expulsé du corps), un autre normalement et le troisième en release (en inspiration dans le corps)32 ».
22À la vision du film, on observe en effet que Woodward construit chaque personnage selon une inclinaison différente de son corps qui rappelle la loi de la trinité de Delsarte ; celui-ci conçoit l’homme comme une unité tripartite : le corps, l’esprit et l’âme, dont chaque composante peut à son tour « être subdivisée en trois autres et ainsi de suite jusqu’à l’infini » (Andrade). Le corps par exemple peut être divisé en trois zones : la tête, région de l’intellect (l’esprit) ; le tronc, centre émotionnel (l’âme) ; les jambes, caractérisant l’animalité (le corps pur). Woodward adoptera donc trois postures distinctes : « concentrique » et tendue, recroquevillée pour sa facette timorée et nerveuse ; « excentrique », affalée vers l’arrière, les jambes (la partie vitale par excellence selon Delsarte) souvent en évidence, pour la facette allumée et allumeuse ; une position médiane enfin, droite et apaisée, pour sa facette « normale ».
- 33 J. G. Lavater, La pbysiognornonie ou l’art de connaître les hommes, Lausanne, L’âge d’homme, 1979, (...)
23Le jeu de Joanne Woodward dans ce film peut apparaître systématique et évoquer les techniques conventionnelles de Charles Aubert, quand celui-ci proclame : « Être assis très droit, les coudes serrés au corps, les genoux sur une même ligne et serrés l’un contre l’autre, c’est exprimer : La timidité, L’attente respectueuse. [...]. Si vous êtes assis, le buste renversé et les jambes très écartées, vous donnez l’impression : de la vulgarité, du sans-gêne, de l’impudence. » La loi de la trinité a en effet des airs physiognomonistes et évoque Lavater lorsqu’il écrit : « la vie animale, [...] la plus voisine de la terre, s’étendrait dans toute la région du ventre jusqu’aux organes de la génération, qui en seraient le foyer. La vie moyenne ou morale aurait son siège dans la poitrine, son centre et son foyer dans le cœur. La vie intellectuelle, celle qui tient le premier rang dans la triarchie, régnerait dans toute la tête et trouverait son foyer dans l’œil33 ».
24Mais Delsarte n’était pas un physiognomoniste, ce que confirment certains de ses propos restitués par Alain Porte : « Je vous prie [...] d’ennoblir vos études sur le geste en les rapportant à l’étude de l’homme. Ce travail magnifique remplacera fort utilement les puérilités de Lavater et les dangereuses doctrines des phrénologues matérialistes. »
25Mais surtout, ce que prône Ted Shawn (cité par Alain Porte), à savoir l’« utilisation constante, rythmique, maîtrisée et pertinente de la tension et du relâchement » contre « la pauvreté rythmique du ballet du xixe », rappelle une technique plus moderne, caractéristique de l’Actors Studio, celle de l’alternance entre imprégnation et décharge d’énergie, surtout lorsque Shawn avance : « dans tout mouvement corporel existe une alternance équilibrée et rythmique, une phase de détente précédant nécessairement une phase de tension, et toute tension étant suivie par une détente. [...] De même que nous tendons la corde de l’arc avant de décocher la flèche, nous observons tout le temps dans la nature le principe de tension et de relâchement... ».
26Penchons-nous à présent sur les similitudes plus générales que le système de Delsarte partage avec celui de Stanislavski.
Une influence générale sur la formation de l’acteur au xxe siècle – Stanislavski delsartien ?
- 34 Jeff Corey, interviewed by Patrick McGilligan, Tender Comrades, St Martin’s Press, New York, 1997.
- 35 Comme le rapportent René Marchand et Pierre Weinstein dans Le cinéma dans la Russie nouvelle 1917- (...)
27Dans l’entretien qu’il donne à Patrick McGilligan34, l’acteur et enseignant Jeff Corey confie avoir appris le « Delsarte Chart », que l’on pourrait traduire par « Tableau de Delsarte », et qu’il présente comme étant un tableau de gestes (« a gesture chart ») prévoyant un geste approprié pour chaque situation émotionnelle, physique ou mentale. La « méthode Delsarte » a été enseignée sous cette forme dans la majorité des écoles de jeu, aux États-Unis (la Feagin School of Dramatic Art de New York par exemple, où Corey a appris la technique dans les années trente), mais également en Russie, notamment à l’Institut d’État de l’Art de l’Écran à Leningrad dans les années vingt où elle consiste en un travail sur les mimiques35.
- 36 Before Stanislavsky : American Professional Acting Schools and Acting Theory 1875-1925, Metuchen, (...)
28Il serait plus juste de suggérer, à l’instar d’historiens du théâtre américain tels que James McTeague36 ou Garff B. Wilson, que les recherches de Delsarte ont été tout simplement à la base de la formation théâtrale du xxe siècle. C’est en effet le disciple américain de Delsarte James Steele MacKaye, homme de théâtre, qui fonde à New York en 1884 la première école aux États-Unis à proposer une formation professionnelle aux acteurs. Son premier directeur, Franklin Haven Sargent, un fidèle et direct collaborateur de MacKaye, aura probablement pu intégrer et propager les véritables enseignements delsartiens.
29Cette institution deviendra l’« American Academy of Dramatic Arts » et accueillera des acteurs célèbres tout au long du xxe siècle, de Spencer Tracy à Robert Redford en passant par Grace Kelly.
- 37 Jean Douchet, « Le naturalisme, passage obligé du cinéma », in Le Naturalisme au cinéma. Conférenc (...)
30Mais au-delà de sa transmission directe, la démarche de Delsarte apparaît, en théorie, analogue à celle de Stanislavski, dans l’intention (une même obsession dans la recherche de la vérité dans l’expression), comme dans les méthodes (une étude plus minutieuse de son prochain et de son propre corps : Delsarte ne disait-il pas « Un élève de ma méthode est un observateur silencieux des phénomènes qui l’entourent et se manifestent au-dedans de lui-même ? ») S’il est avéré, comme l’avance Garff B. Wilson, que « le but des recherches de Delsarte était de découvrir des mouvements naturels, la réaction de personnes réelles dans des situations réelles », et que « pour cela, il a étudié l’anatomie et la physiologie, il a visité des hôpitaux et des chambres de dissection, il a passé des heures interminables à observer les gens marcher dans la rue », il nous semble que Delsarte anticipait ainsi Émile Zola et le naturalisme théâtral. Zola, connu pour en avoir été « le Père, le théoricien et surtout le grand prêtre37 », préconisait dans Le Naturalisme au Théâtre « qu’il faudrait étudier plus sur la nature et moins dans le répertoire ».
- 38 Jean-Pierre Sarrazac, « Un art populaire et savant », Comédie-Française, n° 162, 1er novembre 1987
31Mais la doctrine naturaliste de Zola et sa réalisation pratique par André Antoine, « le père français de Stanislavski38 » n’interviendront que dans les années 1880 soit plus de dix ans après la mort de Delsarte. Et il faudra attendre la fin du siècle pour découvrir le travail de Stanislavski et du Théâtre d’Art de Moscou. Comme le rappelle le Dictionnaire encyclopédique du théâtre de Larousse à l’article « Jeu (techniques de jeu) » : « l’oeuvre de François Delsarte, au milieu du xixe siècle, fait figure d’exception ». La patiente observation scientifique de ses congénères le situe alors parmi les précurseurs du naturalisme, à l’instar de Balzac étudiant les passants pour sa Théorie de la démarche (1833).
- 39 « Dans la manifestation directe de l’état intérieur de l’homme, le geste précède toujours la parol (...)
- 40 Antoine Vitez nous rappelle que la méthode des actions physiques est « bien autre chose qu’un simp (...)
- 41 Sonia Moore, Stanislavski Revealed The Actor’s Guide to Spontaneity Stage, Applause Theatre Books, (...)
32Les lois delsartiennes (de la concordance entre le geste et l’émotion, de la succession de la parole au geste39) pourraient, comme le suggère Nancy Lee Chalfa Ruyter, être considérées comme les ancêtres de la méthode dite des « actions physiques », qui, en venant compléter les techniques d’introspection, est l’accomplissement du système de Stanislavski40. La stanislavskienne Sonia Moore, qui avait elle-même contribué à la mauvaise compréhension de la méthode delsartienne en la présentant comme des « clichés faisant appel à une gestuelle préétablie41 », décrit la méthode des actions physiques en des termes fort delsartiens :
« Chaque émotion – comme tous les autres processus mentaux – est liée à des muscles spécifiques dans notre torse. Au lieu de provoquer une émotion un acteur doit être capable de trouver le muscle auquel cette émotion est reliée. Le procédé nécessite beaucoup d’entraînement, d’exercice et d’expérimentation. Le corps de l’acteur doit être entraîné pour parvenir au plus haut degré de sensibilité. Une fois qu’il a atteint ce niveau d’harmonie psychophysique, un mouvement du muscle droit va déclencher la vraie émotion. L’acteur va obtenir des liaisons psychophysiques ; son comportement sera spontané, vivant. »
- 42 Poudovkine analyse ainsi la méthode stanislavskienne : « Il suffit de perdre, de sauter le chaînon (...)
33L’objectif premier de Delsarte était de parvenir à un jeu naturel grâce à une meilleure compréhension, à l’entraînement et à la maîtrise par l’acteur de son corps et de sa voix. La nouveauté de son approche physiologique du jeu de l’acteur a donné lieu à une technique de préparation basée sur l’interconnexion entre l’émotion et le geste permettant à l’acteur d’être capable de transmettre l’émotion juste. Il préfigure en ce sens la technique stanislavskienne obligeant l’acteur à vérifier constamment la réalité et la justesse des liens existant entre le sentiment et la parole qui est la base de la formation actorale moderne42.
- 43 Selon Stanislavski, « la tension des muscles, qui tient sa source dans la tension intérieure, étai (...)
34Les lois de Delsarte n’avaient rien de l’arbitraire du code. Delsarte ne les a pas inventées mais simplement découvertes. Stanislavski lui-même reconnaît leur existence et impute à leur ignorance par les acteurs la cause d’un jeu déclamatoire et artificiel43. Pour conclure avec Andrade, « si système il y a, il est inhérent à la nature humaine. Vouloir ignorer ces principes, prétendre transgresser ces lois serait tomber dans l’absurde [...] Rien n’y est arbitraire ou conventionnel ».
Conclusion
- 44 E. T. Kirby, « The Delsarte Method : Three Frontiers of Acting », The Drama Review, vol. 16, numbe (...)
35Bien avant le « grand réformateur » du jeu de l’acteur qu’a été Stanislavski, François Delsarte a tenté de comprendre les mécanismes du mouvement naturel. Certains avancent même que ses théories sont à la source de travaux ultérieurs sur le mouvement (Laban, kinésique de Birdwhistell) ; et les exercices qu’il préconise partagent des similitudes avec certaines techniques de relaxation (Alexander Technique, mouvements Feldenkrais et même T’ai Chi Ch’uan44).
- 45 Lee Strasberg, cité dans Toby Cole and Helen Krich Chinoy (ed.), Actors on Acting- The Theories, T (...)
36Mais ce « génial découvreur », pour reprendre la formule d’Adolfo Andrade, avait peut-être trop d’avance sur son temps, d’où l’échec du passage de sa théorie à la pratique, comme le résume Lee Strasberg : « L’époque n’était pas prête. Car la compréhension du conscient et de l’inconscient, le fonctionnement des sens et la connaissance du comportement affectif n’avaient tout simplement pas encore été suffisamment développés pour pouvoir être concrètement utilisés en pratique45. »
37Gageons pour notre part, que si le terme delsartien est évoqué dans de futures études sur l’acteur, il ne sera plus employé pour qualifier un acteur dont la gestuelle est exagérée ou dont les expressions ne sont qu’une suite apprise de figures figées. Dans le sillage des danseurs, qui ont clamé leur ambition, notamment lors de l’exposition qu’ils ont consacrée à Delsarte il y a une dizaine d’années à Toulon, de « mettre à jour une recherche incessante, non publiée, mal comprise, oubliée ou déformée », nous avons tenté de faire le point sur le véritable apport delsartien au jeu de l’acteur aux États-Unis, en le distinguant du simple delsartisme avec lequel il est généralement confondu.
Ouvrages cités
38Abirached Robert, « Les jeux de l’être et du paraître », in Daniel Couty, Alain Rey (dir.), Le Théâtre, Paris, Bordas, 1980.
39Allard Odette, Isadora, la danseuse aux pieds nus ou La révolution isadorienne : d’Isadora Duncan à Malkovsky, Paris, Éd. des Écrivains associés, 1997.
40Andrade Adolfo, Pour une danse enfin libérée, Paris, Robert Laffont, 1988.
41Arnaud Angélique, Delsarte, ses cours, sa méthode, Paris, Dentu, 1859.
42Chalfa Ruyter Nancy Lee, Cultivation Of Body And Mind In Nineteenth-Century American Delsartism, Series# : 56, Contributions to the Study of Music and Dance, Greenwood Press, 1999.
43Cole Toby and Chinoy Helen Krich (ed.), « François Delsarte » (p. 187-190), Actors on Acting – The Theories, Techniques and Practices of the World’s Great Actors, Told in their own words, New York, Crown, 1970.
44Dasgupta Gautam, « Commedia Delsarte », Performing Arts journal 45, 1993.
45Delaumosne (Abbé), Pratique de l’art oratoire de Delsarte, 1874.
46Delsarte François, « Esthétique appliquée – Des sources de l’art », Conférences de l’Association philotechnique, Paris, Victor Masson et fils, 1865.
47Giraudet Alfred, Mimiques : physionomie et gestes, méthode pratique, d’après le système de F. del Sarte, pour servir à l’expression des sentiments, Paris, Librairies-imprimeries réunies, 1895.
48Graham Cooper C, « Unmasking Feelings, The Porttayal of Emotions in the Biograph Films of 1908-1910 », Library of Congress Performing Arts Annual, 1988, ed. Iris Newsome, Washington, Library of Congress, 1989.
49Hamel Thomas Étienne, Cours d’éloquence parlée d’après Delsarte, imprimerie de la compagnie de « l’événement », 30 rue de la Fabrique, Québec, Canada, 1906.
50Kirby E. T., « The Delsarte Method : Three Frontiers of Acting », The Drama Review, volume 16 number 1 (T. 53), march 1972.
51Mcteague James, Before Stanislavsky : American Professional Acting Schools and Acting Theory, 1875-1925, Metuchen, Scarecrow, 1993.
52Moore Sonia, Stanislavski Revealed, The Actor’s Guide to Spontaneity Stage, Applause Theatre Books, New York, 1991.
53Porte Alain, « François Delsarte et la danse moderne américaine », 4e Biennale de la danse Lyon : Un siècle de danse aux Etats-Unis (13 septembre/6 octobre 1990).
54Porte Alain, François Delsarte, une anthologie, IPMC, 1992.
55Porte Alain, « François Delsarte, le Théâtre et l’Esprit de l’Auteur », in Les Fondements du mouvement scénique, actes du colloque « Par delà Stanislavski », avril 1991, Saintes, Éditions Rumeur des âges, 1993.
56Rambaud Carole et Vincent Geneviève, François Delsarte, 1811-1871 : Sources-pensée : exposition du 21 mars au 14 mai 1991, Musée de Toulon, Théâtre Nat. Danse & Image, 1996.
57Randi Elena, François Delsarte : le leggi del teatro : il pensiero scenico del precursore della danza moderna, Roma, Bulzoni, 1993.
58Randi Elena, Il magistero perduto di Delsarte, dalla Parigi romantica alla modem dance, Esedra, Padova, 1996.
59Shawn Ted, Every Little Movement, a Book about Delsarte, Witmark & Sons, 1954 (Dance Horizons, 1974).
60Stebbins Genevieve, Delsarte’s System of Expression, (1885), NY, Dance Horizons, 1977.
61Taylor George, « François Delsarte : A Codification of Nineteenth-Century Acting », Theatre Research International, vol. 24, n° 1, 1999.
62Wilson Garff B., A History of American Acting, Bloomington, Indiana University Press, 1966.
Notes
1 Alain Porte (François Delsarte, une anthologie, IPMC, 1992) a eu accès à la quasi totalité des archives de Delsarte conservées ; voir aussi les ouvrages de ses disciples directs : Delsarte, ses cours, sa méthode (1859), puis François Delsarte, ses découvertes en esthétique (1882), d’Angélique Arnaud ; Pratique de l’art oratoire de Delsarte (1874) de l’abbé Delaumosne ; Mimique – Physionomie et gestes, méthode pratique d’après le système de F. Del Sarte, pour servir à l’expression des sentiments (1895), d’Alfred Giraudet ; Cours d’éloquence parlée d’après Delsarte (1906), de Thomas Étienne Hamel.
2 Odette Allard, Isadora, la danseuse aux pieds nus ou La révolution isadorienne : d’Isadora Duncan à Malkovsky, Éditions des Écrivains associés, Paris, 1997, p. 96.
3 Andrew Higson, « Film Acting and Independent Cinema », Screen, May-August 1986, vol. 27, n° 3-4.
4 « François Delsarte : A Codification of Nineteenth-Century Acting », George Taylor, Theatre Research International, vol. 24, n° 1, 1999.
5 Richard Dyer, Stars, BFI, 1979, p. 156.
6 Gautam Dasgupta, « Commedia Delsarte », Performing Arts Journal 4 5, 1993.
7 Nancy Lee Chalfa Ruyter, Cultivation Of Body And Mind In Nineteenth-Century American Delsartism, Series, 56, Contributions to the Study of Music and Dance, Greenwood Press, 1999, p. 80.
8 Odette Aslan, L’Acteur au xxe siècle : évolution de la technique, problème d’éthique, Paris, Seghers, Collection L’Archipel, 1974, p. 53.
9 Dans son unique texte publié, Delsarte condamne vivement l’enseignement prodigué au Conservatoire (« Esthétique appliquée – Des sources de l’art », Conférences de l’Association philotechnique, Victor Masson et fils, Paris, 1865).
10 A History of American Acting, Bloomington, Indiana University Press, 1966, p. 101-102.
11 Angélique Arnaud, Delsarte, ses cours, sa méthode, Dentu, Paris, 1859, p. 12.
12 Voir le numéro 132 de la revue xviie siècle, consacré à la rhétorique du geste et de la voix à l’âge classique (juillet/septembre 1981), ainsi que les ouvrages de Sabine Chaouche sur l’art dramatique au xviie siècle : Sept traités sur le jeu du comédien et autres textes : de l’action oratoire à l’art dramatique, 1657-1750, Paris, Honoré Champion, 2001 ; L’art du comédien : déclamation et jeu scénique en France à l’âge classique, 1629-1680, Paris, Honoré Champion, 2001.
13 Emile Zola, Le Naturalisme au Théâtre (1881), présentation et notes de Chantai Meyer- Plantureux, préface de Bernard Dort, Bruxelles, Éd. Complexe, 2003, p. 119.
14 Paul Bourcier, Histoire de la danse en Occident, Seuil, 1978.
15 La danseuse Martha Graham se plaindra par exemple que dans le ballet classique « un geste de la main n’avait d’autre sens que la représentation de la pluie en train de tomber. Un certain mouvement du bras suggérait une Heur sauvage ou la croissance du maïs. Pourquoi vouloir faire d’un bras une tige de maïs ou d’une main la pluie ? La main est une chose trop admirable pour qu’on la réduise à une imitation ». Martha Graham, Mémoire de la danse (Blood Memory), Doubleday, 1991 (Actes Sud, 1992 pour la traduction française).
16 Voir par exemple Expression des passions de l’Âme, Aux Amateurs de Livres, Bibliothèque Interuniversitaire de Lille, 1990.
17 Des Visages, essai d’anthropologie, Métailié, Paris, 2003.
18 À l’instar de l’ouvrage d’Edmund Shaftesbury, Lessons in the Art of Acting, 1889, de l’opuscule anonyme Pastimes at Home and School : A Practical Manual of Delsarte Exercises and Elocution, Chicago, W.B. Conkey Co., 1897 ou du Delsarte system of Expression (1885) de Genevieve Stebbins.
19 Hovey fait surtout le lien entre Steele MacKaye et le danseur Ted Shawn, puisque, après avoir été l’élève du premier dans les années 1870 (ainsi que du fils de Delsarte, Gustave), elle est celle qui a fait découvrir Delsarte au second au début des années 1910.
20 Charles Aubert, L’art mimique, suivi d’un Traité de la Pantomime et du Ballet, 200 dessins par l’auteur, Paris, E. Meuriot Éditeur, 1901.
21 Douailler, Technique et Pratique du Tragédien et Comédien lyrique, 1911.
22 Conférence sur les techniques du cinéma (1917-18), Fonds Edmond Benoît-Lévy, Paris, Bibliothèque Nationale de France, centre Richelieu, département Arts du Spectacle.
23 E. Kress, L’art mimique au cinématographe : le geste et l’attitude. Huitième conférence, Paris, « Cinéma-Revue », Bibliothèque générale de cinématographie, 1913, p. 17.
24 Adolfo Andrade, Pour une danse enfin libérée, Paris, R. Laffont, 1988, p. 10.
25 Dictionnaire encyclopédique du théâtre, article « Acteur », Larousse, 1998.
26 Comme le fait Cooper C Graham dans « Unmasking Feelings, The Portrayal of Emotions in the Biograph Films of 1908-1910 », Library of Congress Performing Arts Annual, 1988, ed. Iris Newsome, Washington, Library of Congress, 1989.
27 James Naremore par exemple rapproche le style de jeu décomposé de Marlene Dietrich de « the entire tradition of Delsartean and expressionist theatre » (Acting in the Cinema, University of California Press, 1988, p. 140).
28 Gérard Paquet évoquant sa rencontre avec Hermès Pan lors de la préparation d’un documentaire sur le couple Astaire/Rogers dans François Delsarte, 1811-1871 : Sources-pensée : exposition du 21 mars au 14 mai 1991, Musée de Toulon, Theatre Nat. Danse & Image, 1996.
29 Découvrant Delsarte dans les années dix, Ted Shawn sera l’un des artisans de la perpétuation de son héritage. Il lui consacrera même un ouvrage : Every Little Movement, a Book about Delsarte, Witmark & Sons, 1954 (Dance Horizons, 1974).
30 Catherine Tatge, Martha Graham, le corps révélé, Arts, La Cinquième, diffusé sur Arte le 16 novembre 1997.
31 Robert Abirached, « Les jeux de l’être et du paraître », in Daniel Couty, Alain Rey (dir.), Le Théâtre, Paris, Bordas, 1980.
32 Daniel Dobbels, Martha Graham, éd. Bernard Coutaz, 1990.
33 J. G. Lavater, La pbysiognornonie ou l’art de connaître les hommes, Lausanne, L’âge d’homme, 1979, p. 5.
34 Jeff Corey, interviewed by Patrick McGilligan, Tender Comrades, St Martin’s Press, New York, 1997.
35 Comme le rapportent René Marchand et Pierre Weinstein dans Le cinéma dans la Russie nouvelle 1917-1926 (Éditions Rieder, Paris, 1927).
36 Before Stanislavsky : American Professional Acting Schools and Acting Theory 1875-1925, Metuchen, Scarecrow, 1993.
37 Jean Douchet, « Le naturalisme, passage obligé du cinéma », in Le Naturalisme au cinéma. Conférences du Collège d’Histoire de l’Art Cinématographique, n° 7, printemps 1994.
38 Jean-Pierre Sarrazac, « Un art populaire et savant », Comédie-Française, n° 162, 1er novembre 1987.
39 « Dans la manifestation directe de l’état intérieur de l’homme, le geste précède toujours la parole. [...]. Le geste (par ce terme [...] j’entends aussi la mimique) est de tous le plus proche, le plus directement lié à l’émotion, au sentiment. » Vsevolod Poudovkine analysant le système stanislavskien, « Le travail de l’acteur de cinéma et le système de Stanislavsky », Recherches soviétiques n° 3, 1956, « Cinéma », Paris, p. 52.
40 Antoine Vitez nous rappelle que la méthode des actions physiques est « bien autre chose qu’un simple procédé technique entre autres dans le “système”. Elle se substitue en fait au “système” (« La méthode des actions physiques de Stanislavski », Théâtre populaire, n°4, novembre-décembre 1953.)
41 Sonia Moore, Stanislavski Revealed The Actor’s Guide to Spontaneity Stage, Applause Theatre Books, New York, 1991, p. 7.
42 Poudovkine analyse ainsi la méthode stanislavskienne : « Il suffit de perdre, de sauter le chaînon obligatoire du geste qui relie le sentiment à la parole, pour que tout le travail de l’acteur devienne quelque chose de mort [...] Toute la méthode de travail de Stanislavski éduque chez l’acteur la faculté de sentir avec une grande acuité la moindre rupture de la continuité naturelle survenant dans son jeu [qui] est la cause de tous les échecs, de toutes les difficultés, qui souvent mènent au jeu faux, au cliché mécanique, à une interprétation froide et formelle. » Vsevolod Poudovkine, op. cit., p. 53-55.
43 Selon Stanislavski, « la tension des muscles, qui tient sa source dans la tension intérieure, était l’effet d’ignorer les lois de la nature [...] éternelles et inflexibles qui imposent les normes du bon sens ». Juliusz Tyszka, « Le Système Stanislavski er la convenrion naruraliste du théâtre (le bon sens et la vraisemblance dans le jeu de l’acteur) », Revue d’Histoire du Théâtre, Paris, octobre-décembre 1988.
44 E. T. Kirby, « The Delsarte Method : Three Frontiers of Acting », The Drama Review, vol. 16, number 1 (T. 53), march 1972.
45 Lee Strasberg, cité dans Toby Cole and Helen Krich Chinoy (ed.), Actors on Acting- The Theories, Techniques and Practices of the World’s Great Actors, Told in their own words, New York, Crown, p. 187.
© Presses universitaires de Rennes, 2007