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L'observatoire de Toulouse aux xviiie et xixe siècles

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Jérôme Lamy

Troisième partie. L’observatoire et la République (1870-1908)

Chapitre 7. Toulouse et l'ambition républicaine pour l'astronomie

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Géographique :

France

Texte intégral

1L'organisation d'une nouvelle cartographie des observatoires français passe, à Toulouse, par une relance de l'établissement existant.

2La création de carrières pour les astronomes et les liens avec la faculté des sciences modifient la position de l'institution garonnaise, aussi bien localement qu'à l'échelle du territoire national. Il convient d'étudier la passation des pouvoirs entre une municipalité longtemps gestionnaire de l'observatoire et un État soucieux d'intégrer toutes les composantes de l'activité scientifique dans une structure unique.

3Enfin, nous examinerons comment l'espace savant se déploie en plusieurs coupoles, abritant des instruments de grande taille et comment il se projette sous des cieux plus clairs.

Un redéploiement des observatoires français

4Le régime républicain se veut le créateur d'une recherche astronomique ambitieuse, organisée dans une multitude d'observatoires répartis sur tout le territoire. Nous nous interrogerons sur les origines de ce vaste projet, puis nous analyserons la constitution d'un corps d'astronomes, hiérarchisé et unique. Enfin, nous étudierons les rapports entre l'observatoire garonnais et la structure universitaire qui est, elle aussi, refondue.

L'œuvre de la IIIe République : création ou amplification ?

  • 1 Jérôme Grondeux, La France entre en République (1870-1893), Paris : Librairie Générale Française, (...)
  • 2 Louis Pasteur, « Pourquoi la France n'a pas trouvé d'hommes supérieurs au moment du péril », in Pa (...)
  • 3 C. Charle, op. cit., p. 137.

5Au lendemain de la défaite de Sedan et de la chute du Second Empire, les savants français participent à ce que Jérôme Grondeux appelle un « examen de conscience national1 » dans lequel ils tentent d'imputer au régime défait les causes d'un cuisant échec militaire. Louis Pasteur s'emporte contre « les pouvoirs publics », qui « ont méconnu [...] cette loi de corrélation entre la science théorique et la vie des nations. Victime sans doute de son instabilité politique, ajoute le biologiste, la France ne fit rien pour entretenir, propager, développer le progrès des sciences dans notre pays ». La position de l'Allemagne était au contraire bien plus favorable : elle « multipliait ses universités, [.] établissait entre elles la plus salutaire émulation, [...] entourait ses maîtres et docteurs d'honneurs et de considération [...], créait de vastes laboratoires dotés des meilleurs instruments de travail », pendant que « la France, énervée par les révolutions, toujours occupée de la recherche stérile de la meilleure forme de gouvernement, ne donnait qu'une attention distraite à ses établissements d'instruction supérieure2 ». Cette opinion d'une insuffisance des moyens attribués par Napoléon III aux activités de recherche, entraînant un « manque de méthode et d'esprit scientifiques dans le traitement des problèmes3 » semble assez répandue parmi l'élite universitaire et savante.

  • 4 Benjamin Baillaud, Discours prononcé à la distribution solennelle des prix du Lycée de Saint-Quent (...)

6En 1871, un jeune normalien, agrégé de mathématiques, Benjamin Baillaud, enseignant au Lycée de Saint-Quentin est chargé par le proviseur de faire, pour la distribution des prix, un discours sur les causes des « désastres » en détaillant « l'état de la science contemporaine ». Le futur directeur de l'observatoire de Toulouse développe avec verve ses opinions résolument « républicaines et antibonapartistes ». Le réquisitoire qu'il dresse contre le Second Empire n'est guère différent de celui prononcé par Pasteur. Baillaud s'en prend au régime de Napoléon III, accusé de célébrer l'insouciance et de laisser les forces vives du pays sombrer dans « la mollesse ». Le jeune enseignant fustige l'imprévoyance coupable d'une administration indifférente à la science et y décèle lui aussi les raisons de l'échec militaire face à une puissance germanique soucieuse d'organiser ses recherches : « Tandis que nos savants arrivaient à la vieillesse sans être remplacés, il s'élevait au contraire chez nos voisins un grand nombre de jeunes hommes pleins d'ardeur pour la science et pour les patientes recherches, assure Benjamin Baillaud. Tandis que nous connaissions à peine les travaux de l'illustre physicien Fresnel, les Allemands s'en emparaient, y cherchaient des idées fécondes, les développaient, se les assimilaient, de sorte que si à la France revenait la gloire d'avoir découvert le véritable mécanisme de la lumière, l'Allemagne a si bien su tirer parti de ces découvertes qu'elle semble en avoir la propriété4 », conclut le jeune normalien.

  • 5 C. Nicolet, op. cit., p. 286.

7Ce tableau fort sombre met en lumière, par contraste, l'activisme et l'efficacité d'un nouveau régime qui, à partir des années 1870, insuffle à l'ensemble de la société des valeurs républicaines, puisées dans la Révolution et fondées sur le scientisme et l'idée de progrès5. Les activités scientifiques semblent emportées par un vaste mouvement de redéploiement, libérateur d'énergies. Il ne faut pas minimiser, pour l'astronomie française, cet élan réorganisateur qui permet l'élaboration d'une nouvelle cartographie des observatoires. Les établissements de Bordeaux, Besançon et Lyon sont créés dans les années 1870, et ceux déjà existants, de

8Marseille et Toulouse sont relancés. L'ensemble s'ordonne selon un plan hiérarchisé et uniforme au sein de chacune des institutions savantes.

  • 6 Sur la construction du télescope de Foucault, voir W. Tobin, op. cit., p. 227-230.
  • 7 Urbain Le Verrier, « L'Observatoire de Paris, sa situation, son avenir », Compte rendu de l'Académ (...)
  • 8 Sur l'épisode montpelliérain, voir J.-M. Faidit, Le Pavillon d'astronomie du Jardin des Plantes de (...)
  • 9 U. Le Verrier, « L'Observatoire de Paris, sa situation, son avenir », art. cité, p. 1076.
  • 10 Ibid., p. 1080.
  • 11 Ibid., p. 1080-1081.
  • 12 Dans cette présentation, Le Verrier ne mentionne pas la station d'Alger, qui, sous la direction de (...)
  • 13 Ibid., p. 32.
  • 14 Philippe Véron rappelle notamment que les deux hommes se sont voué une indéfectible haine après le (...)

9Toutefois, les linéaments d'un semblable projet apparaissent assez nettement sous le Second Empire. Lors d'une séance à l'Académie des sciences en 1867, Urbain Le Verrier, alors directeur de l'observatoire de Paris, revient sur la genèse récente de l'établissement astronomique marseillais. Le découvreur de Neptune explique que le télescope de Léon Foucault, mis au point entre 1862 et 18646, nécessitait une atmosphère totalement sereine pour que son usage soit permis. Or, dans la Capitale, « l'état du ciel s'opposait à toute observation avec des moyens puissants ». L'astronome parisien décide alors de « chercher ailleurs une succursale où l'on put en tirer un bon parti ». Il paraît indispensable de « se diriger vers le Sud » car « on y trouve un meilleur ciel ». Foucault et Le Verrier inspectent les « rivages de la Méditerranée » pour y ériger « une nouvelle station [...] qui permet d'utiliser les plus grands instruments pour l'observation des phénomènes les plus délicats7 ». Trois villes offrent « spontanément une contribution pour obtenir l'érection chez elle de la nouvelle station astronomique : Montpellier8, Marseille et Toulon9 ». Le choix du physicien et de l'astronome se porte finalement sur la cité phocéenne. L'établissement qui est achevé en 1864 sur le plateau de Longchamp est une dépendance de l'institution savante de la Capitale : « cette station fait partie de l'Observatoire impérial, comme si elle était établie dans les jardins mêmes de Paris10 », martèle Le Verrier. La station marseillaise est en pleine expansion en 1867 : « une nouvelle et belle lunette [...] va être installée à Longchamp. Immédiatement après, un astronome de plus sera attribué à l'établissement ». Le bouillonnant directeur de l'observatoire parisien trace ensuite le projet qui lui tient à cœur. Il se félicite qu'« un traité ait été signé avec la ville de Montpellier, dans des conditions qui permettraient d'y créer un établissement sérieux, et il dépend de l'État de passer à l'exécution ». Le Verrier assure que « la ville de Bordeaux [...] ne refuserait pas non plus son concours ». Dans cet inventaire prospectif, la cité garonnaise n'est pas oubliée. L'astronome parisien rappelle qu'il a été établi « un observatoire qui a coûté fort cher et dont la salle méridienne est à peu près identique à celle de Paris ». Sûr de lui, le directeur de l'établissement de la Capitale estime qu'« il ne faut pas douter de l'excellent accueil qui serait fait par les édiles de la cité toulousaine à un projet de mise en activité de cet Observatoire ». Le Verrier ignore délibérément l'activité de Daguin, qu'il a pourtant recommandé. Le tableau d'une France astronomique affaiblie, favorise son plan d'organisation qu'il résume en une formule : « on a bien souvent exprimé le désir que des observatoires fussent constitués dans les départements. On y arrivera par cette voie, dans laquelle nous sommes entrés depuis 186211 », c'est-à-dire la recherche de nouveaux points d'appui pour l'institution astronomique parisienne12. Ce projet qu'esquisse Le Verrier n'est pas suivi d'effets. La situation de la science astronomique française est particulièrement délicate. Françoise Le Guet-Tully et Hamid Sadsaoud évoquent à la fois « les querelles intestines de l'observatoire de Paris » et « la féroce opposition entre ce dernier et le Bureau des Longitudes [.] réduit à un bureau calculatoire lors de la réforme de 185413 ». Le caractère de Le Verrier, autoritaire et cassant, ainsi que sa toute puissance dans la discipline génèrent des tensions qu'alimente la rancœur des humiliations subies. L'irascible directeur de l'établissement savant de la Capitale est destitué au début de la guerre en février 1870, et c'est Charles Delaunay, un de ses plus farouches opposants, qui prend sa succession14. Pendant les deux ans où il dirige l'astronomie française, il s'emploie à mettre en œuvre, tout en l'adaptant, le programme annoncé en 1867 par son redoutable adversaire provisoirement déchu.

  • 15 AMT, 4D 95, Extrait du registre des délibérations du Conseil Municipal, séance du 26 mai 1871.
  • 16 Annuaire de la Haute-Garonne, année 1871, Toulouse, 1871, p. 230.
  • 17 Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 7e série, T. III, (...)
  • 18 Ibid., p. 406-407.
  • 19 Ibid., p. 407.
  • 20 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Théodore Despeyrous à Charles Delaunay, 5 novembre 1871.
  • 21 Ibid., 9 novembre 1871.
  • 22 Ibid., 5 novembre 1871.

10Toutefois, en ce qui concerne Toulouse, la réorganisation de l'observatoire ne vient pas de la Capitale, mais des édiles de la cité qui s'inquiètent de l'avenir de l'institution savante. Le lieu, abandonné à son sort, subit les morsures du temps : « l'eau du ciel pénètre dans certaines parties [.] et menace de détruire les richesses » instrumentales. Un « prompt remède » est indispensable pour contrer le « mal15 » qui ronge le bâtiment. La ville ne se désintéresse pas totalement du devenir de son institution astronomique : elle instaure dès 1871 une « commission administrative » composée de Gascheau, titulaire de la chaire de mathématiques appliquées à la faculté des sciences et du doyen de cette même faculté, Molins16. Dans une conjoncture politique délicate, marquée par de multiples revirements, le Conseil municipal supprime « du budget le traitement du Directeur de l'observatoire17 » à la fin de l'année 1871. L'Académie des sciences de Toulouse, dans sa séance du 29 décembre, regrette cette décision « qui revient à la suppression de l'Observatoire lui-même, c'est-à-dire à la suppression des divers travaux scientifiques qui s'y accomplissaient depuis la fondation de l'Établissement18 ». La Compagnie savante tente à tout prix de sauver l'observatoire, et « exprime le vœu » qu'il « reçoive successivement, et autant que les finances de la commune le permettront, toutes les améliorations dont il a encore besoin pour être à la fois en rapport avec les exigences de la science, et digne d'une ville qui ne veut pas cesser de mériter le titre de ville savante19 ». Usant d'une rhétorique désormais classique qui consiste à lier le devenir du monument astronomique au prestige de la cité garonnaise, l'Académie demande à la commune de sauver le bâtiment. Les bouleversements politiques et les renversements des majorités municipales n'y changent rien, l'orgueil des édiles reste un ressort puissant pour susciter leur réaction et obtenir des subsides. Plusieurs membres du Conseil municipal envisagent une nouvelle relation avec le pouvoir central et imaginent un partage des financements. La ville confie alors à un ancien directeur de l'observatoire, Théodore Despeyrous, la tâche de convaincre les autorités astronomiques parisiennes du bien fondé de la démarche entreprise. Le premier contact est pris en novembre 1871. L'éphémère astronome de la cité garonnaise écrit au directeur de l'observatoire de la Capitale, Charles Delaunay, pour lui exposer la situation. Il rappelle « qu'il existe à Toulouse un Observatoire construit sous la direction de M. Petit, décédé depuis 6 ans, et aux frais de la municipalité20 ». Dramatisant l'état du bâtiment astronomique, il ignore l'activité savante qui s'y est déroulée au xixe siècle. Despeyrous assure qu'il s'agit d'un « observatoire mort depuis 68 ans », car « dès 1802 [...] cet établissement a cessé de vivre21 », écrit-il à son correspondant parisien. Empruntant les accents funèbres qui conviennent à une situation désespérée, le savant toulousain veut alarmer Delaunay et susciter de sa part une réaction rapide. Despeyrous explique ensuite les origines de sa démarche : « étant professeur d'Astronomie à la Faculté des Sciences de Toulouse, plusieurs membres du Conseil Municipal de notre ville m'ont prié de vous demander si vous ne consentiriez pas à mettre en ordre l'observatoire municipal comme votre prédécesseur l'a fait pour Marseille, c'est-à-dire à meubler cet établissement de bons instruments et de bons observateurs22 ».

  • 23 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'Observatoire de Toulouse », Mémoires de l'Académie des Scien (...)
  • 24 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Charles Delaunay au ministre de l'Instruction Publique, 13 mai 1872.
  • 25 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Charles Delaunay au maire de Toulouse, 13 mai 1872.
  • 26 AMT, 1D 68, Registre des délibérations du Conseil municipal (1871-1872), séance du 30 décembre 187 (...)
  • 27 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Charles Delaunay à Théodore Despeyrous, 7 novembre 1871.
  • 28 Ibid., Lettre du ministre de l'Instruction Publique à Charles Delaunay, 15 mai 1872.
  • 29 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, Paris : Typographie de Delalain, 1882, p. 821. Décre (...)

11L'initiative d'une réorganisation de l'établissement astronomique toulousain n'est pas portée par le nouveau régime qui se met en place à Paris, mais bien par les édiles locaux. La demande du Conseil municipal, formulée par Théodore Despeyrous, intéresse Delaunay qui « se préoccupait de l'organisation des études astronomiques et de la création d'observatoires nouveaux23 ». Il est très difficile de discerner dans cette entreprise d'expansion menée par le nouveau directeur de l'institution savante parisienne, la part d'investissement dans un projet personnel longuement mûri, et celle d'une action vengeresse qui lui permettrait de réaliser ce que son redoutable rival n'a pu mener à bien. Quoi qu'il en soit, il saisit l'opportunité toulousaine et tente de rallier à sa cause les autorités politiques nationales et locales. Le 13 mai 1872, il trace pour le ministre de l'Instruction Publique un plan sommaire des mesures à prendre. Il convient dans un premier temps de « consulter le Bureau des Longitudes » qui demeure pour la science astronomique l'autorité de référence. Puis il sera nécessaire de rédiger « un décret [.] pour organiser l'Observatoire de Toulouse24 ». Dans le même temps, Delaunay écrit au maire de la cité garonnaise et lui confirme que « le moment est venu de mettre en activité » l'établissement astronomique sur lequel il veille. Pour cela, le conseil municipal doit « par un acte officiel mettre le terrain et les bâtiments de l'Observatoire à la disposition du Ministre de l'Instruction Publique et prendre l'engagement de fournir annuellement une allocation de 10 000 francs tant que l'État fournira une somme égale pour former par l'ensemble le budget annuel de l'établissement ». Lorsque les édiles auront donné toute l'assurance nécessaire sur ce point, « un décret sera rendu pour organiser l'Observatoire de Toulouse ». Charles Delaunay ne ménage pas sa peine et n'hésite pas à mobiliser le registre affectif dans sa rhétorique, assurant qu'il « attache une très grande importance » à ce projet. Sa conclusion se veut à la fois une preuve de la munificence de la Capitale et une marque d'attention destinée à flatter les membres de l'administration municipale : « c'est un vrai cadeau que nous vous faisons25 », écrit Delaunay. Vaincu ou convaincu, le Conseil « accepte à l'unanimité » les conditions imposées par le savant parisien et reconnaît avec solennité que « le parti le plus avantageux qu'on pourrait tirer des sommes employées jusqu'à ce jour » pour l'observatoire, « consisterait à demander à l'État qu'il veuille bien en faire une succursale de celui de Paris ». Allouant « une subvention qui viendrait ainsi alléger le budget du Ministère de l'Instruction Publique », les édiles se félicitent de pouvoir ainsi « conserver à [l'] Observatoire un caractère municipal26 ». Exsangue, la municipalité consent à céder un peu de son indépendance dans la gestion de l'établissement astronomique, mais veille à ne pas laisser échapper un monument qu'elle a bâti. Charles Delaunay se garde de froisser les susceptibilités municipales et opte pour un discours rassurant quant à une éventuelle hégémonie parisienne. Il explique à Despeyrous que « dans [s]es idées, [l'] Observatoire doit être indépendant, doit avoir son Directeur à Toulouse ». Toutefois, s'il fallait « transitoirement » faire de l'établissement toulousain « une succursale de l'Observatoire de Paris, avant qu'il ne fût en état de voler de ses propres ailes », il n'y ferait « aucune opposition27 ». Les efforts de Delaunay portent leurs fruits car le ministre exprime le 15 mai 1872 « le désir de faire pour Toulouse tout ce qui sera possible ». Il félicite le directeur de l'établissement parisien de sa « démarche auprès du Maire28 » de la cité garonnaise. Le « décret d'organisation pour l'Observatoire de Toulouse29 » traduit en termes législatifs la convergence de vue entre les autorités savantes et les différentes administrations locales et nationales. Le texte détermine les ressources humaines, instaure une hiérarchie des fonctions, fixe les traitements et prévoit un contrôle de l'activité astronomique.

  • 30 F. Le Guet Tully, H. Sadsaoud, « La création de l'observatoire d'Alger », art. cité, p. 33.
  • 31 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Charles Delaunay à Théodore Despeyrous, 7 novembre 1871.
  • 32 Ibid., Lettre de Charles Delaunay au ministre de l'Instruction Publique, 15 mai 1872.

12Pour Delaunay, le dispositif qu'il souhaite mettre en place est bien plus ambitieux que ce seul décret. Dès le mois de mars 1872, il a obtenu que l'observatoire de Marseille soit organisé « hors de la tutelle de l'observatoire de Paris30 ». Après Toulouse, l'objectif de l'astronome parisien est d'étendre le mouvement de mobilisation astronomique à tout le territoire et d'y associer les municipalités concernées. « Une des choses que je désire le plus, écrit-il à Théodore Despeyrous dès novembre 1871, c'est de voir les Observatoires se multiplier en France31 ». Au début de l'année 1872, Delaunay poursuit son patient travail d'explication auprès des autorités politiques et parvient à obtenir de l'Assemblée Nationale que les crédits « pour les observatoires de Bordeaux et Besançon » soient simplement « ajournés et non refusés32 ». Le directeur de l'observatoire de la Capitale s'enthousiasme pour ces premiers résultats positifs et tente de convaincre le ministre de seconder son projet.

  • 33 F. Le Guet Tully, H. Sadsaoud, « La création de l'observatoire d'Alger », art. cité, p. 33.
  • 34 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 845. Rapport présenté à la Commission d'organisat (...)

13La mort de Delaunay en août 187233 n'interrompt pas pour autant le vaste mouvement qui transforme totalement la cartographie des observatoires français. Une commission est mise en place par les instances ministérielles en novembre 1872. Elle est présidée par Le Verrier, de retour en grâce. Le long rapport qu'elle rend, trace en détail la nouvelle structure de l'organisation astronomique en France. Le texte propose de multiplier les « stations astronomiques » sur « toute la surface [du] pays34 ». Les expériences déjà engagées sont encouragées. Les membres de la commission soulignent ainsi :

  • 35 Ibid., p. 841.

La ville de Toulouse a remis à l'État la direction de son Observatoire ; Bordeaux, Lyon et Dijon ont offert des subventions pour contribuer à l'érection d'un Observatoire de l'État. Besançon, à l'exemple d'une ville voisine Neufchâtel, demande un Observatoire plus spécialement fondé en vue de venir en aide au progrès de l'horlogerie35.

  • 36 Ibid., p. 840.
  • 37 Ibid., p. 841.
  • 38 Ibid., p. 842.

14Les astronomes souhaitent « que de semblables ouvertures soient reprises avec Montpellier et faites à d'autres villes, particulièrement aux chefs-lieux d'Académie qui possèdent des Facultés des sciences36 ». Le procès-verbal de la commission porte en filigrane la marque de Le Verrier, puisqu'il propose que « le traité passé, il y a quelques années entre le Gouvernement et la ville de Marseille pour l'érection de l'Observatoire de Longchamp » pourrait « servir de guide dans la rédaction des traités semblables à intervenir37 ». Ici la filiation avec le plan esquissé à la fin du Second Empire est clairement soulignée. La tentative de définition d'une philosophie générale des rapports entre Paris et la province dans ce vaste réseau d'observatoires disséminés s'écarte assez sensiblement toutefois de la centralisation hégémonique envisagée par Le Verrier en 1867. La commission assure que tous les établissements devront être « indépendants de l'Observatoire de Paris », même si les astronomes qui effectueront leurs recherches pourront trouver auprès de leurs collègues de la Capitale « l'appui moral et scientifique [...] nécessaire ». Mais, répètent les rapporteurs, « ce sera là une tutelle de pure bienveillance sans aucun lien administratif38 ». Visiblement converti à ce principe de décentralisation, Le Verrier, qui dirige la commission, n'a pourtant pas renoncé à ordonner les recherches ni à coordonner la constellation d'observatoires en germe risquant de s'éparpiller. Un passage du texte révèle cette sourde volonté du hiérarque autoritaire de l'astronomie française de conserver la haute main sur sa discipline :

  • 39 Ibid., p. 844.

Notre président nous l'a souvent répété, écrivent les rapporteurs, l'indépendance ne doit pas être l'isolement. Il faut une institution qui réunisse et fasse converger vers un même but les travaux de tous les observateurs, en les coordonnant suivant le plan le mieux approprié aux besoins actuels de l'astronomie39.

  • 40 Ibid., Décret relatif aux Observatoires de l'État, 13 février 1873, p. 840.
  • 41 Ibid., p. 841.
  • 42 Ibid., p. 840.

15Le « décret relatif aux Observatoires de l'État40 » est promulgué en février 1873. Il organise la vie astronomique française et distingue en particulier le cas de l'établissement parisien pourvu d'un Conseil scientifique41 et les structures provinciales « dépendant du Ministère de l'Instruction Publique42 ».

  • 43 Ibid., p. 87, Décret relatif à l'Observatoire d'Alger, 26 décembre 1873.
  • 44 A. de Beauchamp, op. cit., T. III : 1875-1883, Paris : Typographie de Delalain, 1884, Décret porta (...)
  • 45 Ibid., Loi relative à l'Observatoire d'astronomie physique de Meudon, 15 avril 1879, p. 250-251.
  • 46 Ibid., Décret relatif à l'Observatoire du Pic-du-Midi, 31 octobre 1882, p. 682-683.
  • 47 A. de Beauchamp, op. cit., T. VI : 1898-1909, Paris : Delalain Frères, 1909, Décret portant organi (...)

16L'œuvre législative du nouveau régime qui ne porte par encore le nom de IIIe République, est particulièrement foisonnante en ce qui concerne les observatoires, à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle. Un texte du 26 décembre 1873 institutionnalise l'observatoire d'Alger43. En 1878, trois décrets permettent la création des observatoires de Besançon, Bordeaux et Lyon44, un quatrième définit à nouveau les liens entre les différents espaces astronomiques et le ministère de l'Instruction Publique. La loi du 15 avril 1879 instaure un « observatoire d'astronomie physique45 » à Meudon et le décret du 31 octobre 1882 fait entrer la station du Pic-du-Midi dans le giron des établissements gérés par l'État46. Enfin, un nouveau texte, établi en février 1907, remodèle encore le plan d'« organisation des Observatoires astronomiques47 ». On mesure donc combien la cartographie des établissements savants s'est considérablement étoffée sous l'impulsion de la IIIe République. Une architecture législative dense et précise structure un secteur entier de la science française. Il n'empêche, s'il revient au nouveau régime de soutenir un mouvement d'ampleur, les réflexions de Le Verrier, prononcées devant l'Académie en 1867, portent en elles un programme de redéploiement des observatoires sur tout le territoire. Les premiers gouvernements républicains ont donc donné corps à un projet déjà ébauché et ont présenté cette refonte complète de l'astronomie en France comme une décentralisation des compétences parisiennes. Pour l'institution toulousaine au caractère municipal affirmé, le nouveau dispositif général la prive d'une indépendance acquise définitivement en 1837 et l'intègre dans un système uniformément défini à l'échelle du territoire. En effet, l'ensemble des décrets produits de 1872 à 1907 ne se contentent pas d'ériger des observatoires ou de ressusciter des établissements moribonds, ils s'attachent à définir la fonction d'astronome en précisant les exigences de compétences et en instaurant un système hiérarchique.

Le corps des astronomes

  • 48 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 842. Décret relatif aux observatoires de l'État, (...)

17L'ambition du régime républicain pour l'astronomie ne se limite pas à la création de nouveaux établissements dans les villes universitaires de province. Le décret fondateur de 187348 propose une nouvelle définition de la profession d'astronome et modifie totalement les contours d'une carrière savante qui, à Toulouse, reposait jusque-là sur la munificence de la municipalité et sur les fonctions d'enseignant à la faculté. Le rapport qui sert de socle au texte législatif organisant la science des astres, permet l'émergence de statuts professionnels inédits et uniformes. Le credo décentralisateur du nouveau régime y est repris avec force.

  • 49 Ibid., Rapport présenté à la commission d'organisation des observatoires, p. 842.
  • 50 Ibid., p. 840. Décret relatif aux observatoires de l'État, 13 février 1873.
  • 51 Ibid., p. 840. Dans la version de 1872 du décret organisant l'observatoire de Toulouse, le grade d (...)
  • 52 Ibid., p. 844.
  • 53 Ibid., p. 846.

18Les astronomes de la commission prennent pour point de départ la situation des savants attachés à l'établissement parisien qui seront bientôt « délégués à la direction » des observatoires provinciaux. Détachés de leur institution d'origine, ils doivent « pouvoir y revenir plus tard si les besoins du service l'exigent ». Les architectes de l'astronomie française au début des années 1870, soulignent qu'ils désirent donner chair « à ce besoin d'un lien permanent entre les Observatoires » et faciliter la circulation des hommes dans l'espace scientifique français. Ils proposent donc d'établir « l'état des astronomes. Une fois entré dans la carrière l'astronome [.] est en possession d'un titre qu'il ne perd point, quelles que soient ses fonctions et sa résidence ». L'accent est mis sur une uniformisation des situations et la fin des enclaves particulières comme à Toulouse. Les rapporteurs insistent : désormais, « le personnel astronomique forme un corps homogène, se gouvernant lui-même49 ». Le décret de 1873 respecte cette disposition et son premier article indique que « le service des Observatoires de l'État est confié à un personnel astronomique dépendant du Ministère de l'Instruction Publique50 ». Le texte législatif instaure un système hiérarchique « comprenant des astronomes titulaires, des astronomes adjoints et des aides astronomes51 ». Les établissements scientifiques « sont dirigés par un astronome directeur52 » nommé sur l'avis d'une assemblée représentant la communauté des observateurs. Une grille de salaires très détaillée affine encore la gradation des fonctions. Les aides astronomes « sont divisés en trois classes » et perçoivent de 1 500 à 2 500 francs par an. Les astronomes adjoints sont eux aussi répartis « en trois classes53 », et leurs traitements varient de 4 500 à 5 500 francs.

  • 54 Le texte du 21 février 1878 qui organise « les observatoires ressortissant du Ministère de l'Instr (...)

19Les promotions de carrière permettent de passer d'un grade inférieur à un autre plus élevé. Les décrets qui scandent la vie astronomique institutionnelle en 1878 et 1907 maintiennent la structure générale du texte et ne modifient qu'à la marge les termes législatifs qui définissent ce nouveau corps scientifique au service de l'État54.

20Le vaste mouvement impulsé par les gouvernements républicains, à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, dessine une figure savante inédite, inséré dans une organisation générale qui façonne un cursus évolutif. L'objectif de la commission, à l'origine de cette refonte complète de la carrière astronomique, est de permettre une double mobilité, géographique et hiérarchique. La création d'observatoires disséminés sur le territoire et le recrutement de scientifiques pour animer ces établissements imposent une définition unique et généralisée de la profession d'astronome. La singularité toulousaine n'est désormais plus permise et l'observatoire de la cité garonnaise doit se conformer aux exigences d'unification du régime républicain.

21Sur le modèle de l'institution astronomique parisienne, le décret de 1873 propose de constituer dans chaque établissement un collectif scientifique. L'activité savante est conçue comme un travail d'équipe, coordonné par le directeur, dont le pouvoir est considérable au sein de l'observatoire.

  • 55 Craig Zwerling, « The emergence of the École Normale Supérieure as a centre of scientific educatio (...)
  • 56 Ibid., p. 42.
  • 57 Sur cette rupture dans les carrières des normaliens, voir : Victor Karady, « Normaliens et autres (...)

22Le profil des deux astronomes, agrégés et normaliens, qui, de 1873 à 1908, occupent cette place à Toulouse, traduit nettement les changements profonds intervenus entre la fin du Second Empire et l'avènement de la IIIe République dans la science française. Craig Zwerling assure que pour l'École normale supérieure, « the years between 1857 and 1867 were the crucial ones in which new research-oriented career became established among normaliens ». L'historien souligne en particulier que c'est pendant cette période « that mathematicians first began to follow the research-oriented career pattern55 ». Le lycée ne constitue plus l'acmé du cursus professionnel des agrégés de la rue d'Ulm. L'enseignement dans les structures éducatives secondaires reste une sorte de passage obligé en début de carrière, mais la perspective d'entreprendre des recherches scientifiques s'affirme peu à peu comme le nouvel objectif des normaliens. Craig Zwerling a montré comment les administrateurs de l'École normale supérieure, depuis le baron Thénard en 1846 jusqu'à Louis Pasteur en 1867, ont œuvré pour recruter les meilleurs étudiants et leur offrir des carrières parisiennes avantageuses ou à défaut la poursuite de leurs travaux savants lorsqu'ils sont contraints de débuter en province56. L'École normale supérieure cesse de pourvoir aux besoins des enseignants de lycées et s'attache davantage à façonner des profils professionnels centrés sur la recherche57.

23Les élèves de la prestigieuse institution scolaire constituent, pour les premiers gouvernements républicains, un réservoir de scientifiques prêts à investir les observatoires en gestation.

  • 58 AN, F17, 23129, Examens semestriels de Félix Tisserand, 1865.
  • 59 P. Véron, op. cit., p. 518.
  • 60 AN, F17, 23129, Note sur les travaux de M. F. Tisserand, astronome adjoint à l'observatoire de Par (...)
  • 61 AN, F17, 23129, Lettre de Louis Pasteur au Président de la République, 17 février 1873.
  • 62 Ibid., Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Cultes et des Beaux-Arts, 1er mars 1873.

24Félix Tisserand est un ancien pensionnaire de la rue d'Ulm, qu'il a quittée en 1866. Il s'est « particulièrement distingué58 » en mathématiques, discipline dans laquelle il est reçu à l'agrégation. Après avoir enseigné quelques mois au lycée de Metz, puis à Paris au lycée Louis Le Grand, il est nommé astronome adjoint à Paris, le 24 septembre 186659. Il s'initie à la pratique observationnelle et aux subtilités de la science astronomique sous la férule d'Urbain Le Verrier. Tisserand soutient sa thèse en 1868, avant de s'embarquer pour l'île de Malacca, afin d'examiner avec Édouard Stéphan et Georges Rayet, « l'éclipse totale de Soleil du 18 août 1868 ». À son retour en France, il est « attaché à M. Yvon Villarceau pour étudier la géodésie60 » à l'observatoire de Paris. L'influence de Pasteur est déterminante dans la carrière du jeune normalien. Les instances républicaines cherchent un directeur pour l'observatoire de Toulouse que le décret de 1872 ressuscite. Le chimiste rédige le 17 février 1873 à l'intention du Président de la République une missive très favorable à Tisserand. Il ne manque pas, dès le début de sa lettre, de rappeler qu'il a « constamment suivi avec le plus vif intérêt les travaux et la carrière de M. Tisserand, ancien élève de l'École normale supérieure ». Pasteur vante l'aptitude de son protégé « pour les hautes mathématiques ». Il rapporte en outre les propos de Delaunay qui vient de mourir. L'ancien directeur de l'observatoire de Paris « parlait de Tisserand en termes tellement flatteurs qu'on eût dit que l'avenir de l'astronomie française reposait en partie sur le talent de ce jeune homme61 ». Pasteur s'implique donc fortement dans la carrière de l'ancien élève de l'école qu'il a longtemps dirigée et milite activement pour permettre à Tisserand d'occuper une place importante dans la recherche astronomique française en pleine transformation. Le jeune normalien est nommé à la tête de l'observatoire de la cité garonnaise le 1er mars 187362. En 1878, il quitte l'établissement toulousain pour intégrer la faculté des sciences de Paris.

  • 63 B. Baillaud, Mes Souvenirs [Manuscrit non publié], Toulouse, 1991 [1re édition Toulouse, 1928], p. (...)
  • 64 AN, F17, 23735, M. Bertin, Section des Sciences mathématiques, s.d. [1869].
  • 65 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 22-28. et p. 29-33.

25Benjamin Baillaud, qui lui succède, a connu un parcours très semblable. Après des études secondaires au lycée de Lyon, il entre à l'École normale supérieure en 1866. Un de ses enseignants, Puiseux, lui confie, alors que Le Verrier propose « ses projets relatifs à la création d'observatoires académiques à Bordeaux, Toulouse, Lyon, Besançon [et] Alger » à l'Académie des sciences, et qu'on envisage à sa sortie de l'École de le désigner « pour diriger l'Observatoire de Bordeaux63 ». Comme Tisserand, Baillaud a opté pour les mathématiques. Dans les dernières années du Second Empire, c'est donc à l'intérieur même de l'École normale supérieure que se dessinent les orientations professionnelles des futurs agrégés. L'enseignant chargé de rédiger l'appréciation scolaire à la fin de la troisième année note en 1869 que Benjamin Baillaud est « consciencieux et qu'il aime l'enseignement ». Il ajoute qu'« il pourra y parcourir une belle carrière si l'observatoire ne vient pas l'enlever à l'Université64 ». Reçu à l'agrégation de mathématiques en 1870, le futur astronome doit, dans l'immédiat, se plier au rite initiatique d'une pratique pédagogique dans le secondaire. Il enseigne à Montauban, puis à Saint-Quentin65.

  • 66 Ibid., p. 30.

26Alors que la France subit une sévère défaite à Sedan, Benjamin Baillaud décide « d'aller porter au Ministre une demande d'admission à l'Observatoire » de Paris. Le sous-directeur de l'École normale supérieure, « M. Bertin », l'accompagne mais ne parvient à convaincre les autorités d'intégrer le jeune agrégé à l'institution savante de la Capitale. L'ancien élève de la rue d'Ulm réitère sa demande l'année suivante, et c'est un de ses professeurs, Briot, qui selon les propres mots de Baillaud « arrangea l'affaire ». Le jeune enseignant reconnaît que le soutien actif des enseignants de l'École normale supérieure a facilité son insertion dans la carrière scientifique : « Je n'avais qu'à me laisser mener par ces maîtres admirables et dévoués, Briot et Bouquer, Puiseux [et] Hermitte66. » Leur autorité et leurs appuis politiques constituent les linéaments d'un réseau de normaliens qui, d'enseignants en anciens élèves, maillent peu à peu, à la fin du xixe siècle, la science astronomique française et plus généralement encore la recherche et l'enseignement supérieur.

  • 67 AN, F17 23735, Lettre de Charles Delaunay au ministre de l'Instruction Publique, 6 décembre 1871.
  • 68 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 37.
  • 69 B. Baillaud, Exposition de la méthode d'Hugo Gylden pour le développement des perturbations des co (...)

27Benjamin Baillaud entre à l'observatoire de Paris en 1872 et y rencontre Félix Tisserand. Comme lui, il apprend le maniement des instruments et la pratique astronomique. Charles Delaunay tient à ce que les futurs observateurs passent par l'établissement savant de la Capitale, « pour y faire une sorte de surnumérariat, destiné à les initier aux travaux astronomiques ». Cette période probatoire permet de mettre à l'épreuve les candidats et de vérifier « d'une manière certaine s'ils sont réellement la vocation qui est indispensable pour la pénible carrière de l'astronomie d'observateur67 ». L'ascèse et la discipline du savant s'acquièrent dans ces rudes années de formation. Baillaud travaille donc sous l'inflexible autorité d'Urbain Le Verrier. Ce dernier « consentit à [l'] avoir comme suppléant [...] dans la chaire d'astronomie à la Sorbonne ». Briot, qui suit toujours de très près le parcours de son étudiant, l'incite à soutenir une thèse, l'engageant ainsi un peu plus dans la voie de la recherche68. Son sujet, l'Exposition de la méthode d'Hugo Gyldenpour le développement des perturbations des comètes69, lui est indiqué par un autre de ses professeurs, Hermitte.

  • 70 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 44.

28En 1878, Benjamin Baillaud s'apprête à poursuivre son enseignement dans le secondaire, lorsque le ministre de l'Instruction Publique, A. Bardoux, le nomme « chargé de cours d'astronomie à la Faculté des Sciences de Toulouse et délégué à la direction de l'Observatoire70 ».

29L'affirmation progressive d'une carrière astronomique s'appuie à la fois sur l'abandon d'un cursus classique dans l'enseignement secondaire pour les normaliens et l'architecture législative que met en place le régime républicain afin de réorganiser l'astronomie française. Toutefois, la coïncidence de ces deux mouvements institutionnels n'a pu s'opérer sans les efforts souterrains des enseignants de l'École normale supérieure, qui, dans le cas de Félix Tisserand et Benjamin Baillaud, ont largement contribué à leur arrivée à la tête de l'observatoire de Toulouse, en préparant le parcours de leurs protégés et en usant de toute leur autorité pour les imposer.

30Ce réseau de normaliens ne cesse de s'étendre par provignements successifs dans la dernière partie du xixe siècle. Le recrutement d'une partie de l'équipe scientifique secondant les directeurs de l'établissement de la cité garonnaise, constitue à cet égard un exemple marquant de l'emprise de l'École Normale sur l'astronomie française. L'orientation disciplinaire de Baillaud et Tisserand, qui sont tous les deux mathématiciens, détermine ensuite plus précisément le secteur dans lequel les relations d'amitié et les marques de reconnaissance sont les plus fortes.

  • 71 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 844. Décret relatif aux observatoires de l'État, (...)
  • 72 C. Charle, op. cit., p. 149.

31Les astronomes qui dirigent les observatoires de province peuvent, jusqu'en 1907, choisir les éléments du collectif savant qui les entoure. Le décret du 13 février 1873 prévoit en effet, dans son article 11, que « les astronomes adjoints et les aides astronomes sont nommés par le Ministre, sur la présentation des directeurs71 ». Il s'agit là d'un système de cooptation. Les savants placés à la tête de l'établissement astronomique toulousain puisent dans deux cercles très distincts pour engager leurs collaborateurs. Ils recoupent les « deux voies de formation72 » mises à jour par Christophe Charle pour le système universitaire. Les directeurs de l'observatoire de la cité garonnaise attirent des agrégés de mathématiques ou bien développent des stratégies de recrutement local. Dans le premier cas, Benjamin Baillaud n'hésite pas, comme Briot l'avait fait pour lui, à favoriser l'accession des normaliens aux postes disponibles à Toulouse.

  • 73 B. Baillaud, « Henry Andoyer », Journal des Observateurs, vol. XII, n° 11, 1929, p. 193.
  • 74 Sally H. Dieke, « Henri Andoyer » in Charles C. Gillispie (ed.), Dictionary of Scientific Biograph (...)
  • 75 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 30 septembre 1884.
  • 76 Henri Andoyer, Contribution à la théorie des orbites intermédiaires, Thèse présentée à la faculté (...)
  • 77 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 31 mars 1887.
  • 78 Armand Lambert, Henri Andoyer, s.l.n.d., [Paris, 1929], p. 6-12, et Philippe Véron, op. cit., p. 8 (...)
  • 79 Notice sur les travaux scientifiques d'Eugène Cosserat, Toulouse : Imprimerie et Librairie Edouard (...)
  • 80 AN, F17, 25705, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Beaux-Arts et des Cultes, 25 aoû (...)
  • 81 Ibid., 25 novembre 1907.
  • 82 Ibid., Lettre de Jules Tannery à Benjamin Baillaud, 1907.

32L'astronome cherche en 1884 « un homme distingué à des points de vue multiples », afin « d'augmenter le personnel ». Il s'adresse à son beau-frère, « Jules Tannery, [s]on cacique à l'École Normale, dont il était devenu sous-directeur73 » qui lui recommande un de ses élèves, Henri Andoyer, reçu premier à l'agrégation74. Le jeune normalien est donc promu « aide astronome à l'Observatoire de Toulouse75 », le 30 septembre 1884. Après avoir soutenu sa thèse en 188676, il devient « astronome adjoint77 » de troisième classe l'année suivante. Andoyer quitte finalement l'établissement de la cité garonnaise en 1892 pour entrer dans une prestigieuse carrière parisienne à l'Université78. Un an auparavant, Benjamin Baillaud fait venir Eugène Cosserat à Toulouse. Normalien, il obtient l'agrégation de mathématiques en 1886 et conquiert sur le champ le titre d'« aide astronome ». Docteur ès sciences mathématiques trois ans plus tard, il accède au grade d'astronome adjoint avant d'abandonner son poste pour rejoindre la faculté des sciences de Toulouse en 189 579. Le parcours d'Alphonse Blondel, élève de l'École normale supérieure, agrégé de mathématiques en 190780, et recruté la même année par Baillaud pour occuper la fonction d'aide astronome dans la cité garonnaise81, est similaire à ceux d'Andoyer et de Cosserat. Blondel est lui aussi recommandé par Jules Tannery qui le décrit comme « un excellent élève » qui a « dès sa seconde année [...] manifesté le désir se tourner du côté de l'astronomie82 ».

  • 83 AASP, Dossier biographique d'Eugène Cosserat, Benjamin Baillaud, Rapport sur les travaux de M. Eug (...)

33La rue d'Ulm constitue pour le directeur de l'observatoire toulousain un réservoir permanent de collaborateurs. Profitant de ses liens personnels et professionnels tissés avec l'École normale supérieure, Baillaud entraîne de jeunes agrégés dans la cité garonnaise et fait peu à peu de l'établissement astronomique qu'il dirige une filière attractive, façonnant un cursus classique entre Paris et la province. Les jeunes normaliens recrutés sont tous mathématiciens et n'ont donc aucune expérience concrète de la pratique astronomique. Le directeur de l'établissement savant de la cité garonnaise les initie sur place au maniement des instruments et aux subtilités de l'examen céleste. Benjamin Baillaud explique ainsi, à propos d'Eugène Cosserat que « la première année de son séjour à l'Observatoire [de Toulouse] a été consacrée à son instruction astronomique et à son éducation d'observateur83 ».

  • 84 Louis Rascol, Claude-Marie Perroud, (1839-1919). La vie et l'œuvre d'un universitaire au xixe sièc (...)
  • 85 AMT, 2R 112, B. Baillaud, Rapport sur les services et les titres scientifiques de M. Henry Bourget (...)
  • 86 AMT, 2R 126, Notice individuelle d'Henry Bourget, novembre 1904.
  • 87 AN, F17 25713, Lettre de Claude-Marie Perroud au directeur de l'enseignement secondaire de l'Acadé (...)
  • 88 AN, F17 25713, Concours d'agrégation des sciences mathématiques, année 1890.
  • 89 AMT, 2R 126, Notice individuelle d'Henry Bourget, novembre 1904.
  • 90 AN, F17 25713, Lettre de Claude-Marie Perroud au directeur de l'enseignement secondaire de l'Acadé (...)
  • 91 Ibid., 21 août 1890.
  • 92 AMT, 2R 126, Notice individuelle d'Henry Bourget, novembre 1904.
  • 93 P. Véron, op. cit., p. 152.

34Henry Bourget est lui aussi agrégé de mathématiques, mais il n'est pas normalien. Néanmoins, son parcours n'est pas sans rapport avec les relations nouées par Benjamin Baillaud. Il est le fils du recteur Justin Bourget ami et successeur de Claude-Marie Perroud à la tête de l'administration académique de Clermont-Ferrand. Perroud, nommé à Toulouse fraternise avec le directeur de l'établissement astronomique, qu'il côtoie fréquemment dans les affaires touchant à l'Université84. Henri Bourget, licencié en mathématiques et en physique, obtient en 1888 un poste au collège de Condom, mais apprend en arrivant « que la chaire était supprimée85 ». Le jeune professeur s'adresse donc au représentant du ministère de l'Instruction Publique dans l'Académie de Toulouse qui le recommande au directeur de l'observatoire86. Après une année d'étude sous la conduite de Benjamin Baillaud « qui dirige [son] travail87 », Bourget est reçu agrégé de mathématiques en 189088. Il poursuit sa formation à Gôttingen avant d'obtenir le titre d'aide astronome en 189589. Bourget qui épouse la fille de Perroud, Camille, en 1897, est totalement pris en charge par son beau-père et le directeur de l'observatoire de Toulouse qui joignent leurs efforts pour lui façonner une carrière sur mesure. Conscients que le jeune homme pourrait être pénalisé dans son parcours professionnel par le fait qu'il ne soit pas normalien, le recteur et l'astronome lui imposent de faire ses preuves dans les lycées. « On n'a pas le sens exact des choses universitaires si on n'a pas professé quelques années au moins dans l'enseignement secondaire90 », martèle Perroud. Si Bourget n'est pas passé par la rue d'Ulm, ses deux protecteurs sont persuadés « qu'il donnera sa mesure après91 ». Dès lors, sa trajectoire est proche de celle des agrégés normaliens. Elle passe par la soutenance d'une thèse de doctorat92 qui lui permet de devenir immédiatement astronome adjoint. Il est promu directeur de l'observatoire de Marseille en 190793.

  • 94 Théodore Chauvin est entré à l'École normale supérieure en 1884. Il devient maître de conférences (...)
  • 95 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 17 mars 1885.
  • 96 Agrégé de sciences physiques et naturelles en 1885, Mathias devient préparateur au laboratoire d'e (...)
  • 97 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Beaux-Arts et des Cultes, 15 avril (...)

35Le cercle des aides astronomes et des astronomes adjoints dont s'entoure Baillaud ne se limite pas aux seuls agrégés de mathématiques. Le service météorologique et magnétique qu'il met en place à partir de 1885 l'oblige à faire appel à des physiciens de la faculté des sciences de Toulouse. Une fois encore, le réflexe corporatiste de l'ancien élève de la rue d'Ulm le pousse à s'adresser à des normaliens, agrégés de sciences physiques. C'est le cas de Théodore Chauvin94, qui entre à l'observatoire le 17 mars 18 8 595 et de son successeur Émile Mathias96 accueilli le 15 avril 189397.

36Si le profil des agrégés est privilégié par Benjamin Baillaud, il ne constitue pas le seul critère de sélection des directeurs de l'observatoire de Toulouse. La nécessité de trouver rapidement un personnel compétent pour constituer une équipe de travail active, contraint les astronomes administrant l'établissement à puiser des collaborateurs dans un deuxième cercle, moins strict en ce qui concerne les exigences de formation, mais aussi plus circonscrit dans la géographie du recrutement. Lorsque Félix Tisserand arrive à Toulouse en 1873, il n'est secondé par aucun astronome. Il doit former lui-même ses assistants.

  • 98 AN, F17 22921, Lettre de Félix Tisserand au ministre de l'Instruction Publique, 6 juin 1873.
  • 99 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Beaux-Arts et des Cultes, 13 févrie (...)
  • 100 AASP, Dossier biographique de Joseph Perrotin, Jules Janssen, Rapport sur Joseph Perrotin, 1897.
  • 101 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Beaux-Arts et des Cultes, 13 févrie (...)
  • 102 Ibid., 28 janvier 1879.
  • 103 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 49.
  • 104 AN, F17 23739, Lettre de Félix Tisserand au ministre de l'Instruction Publique, 16 décembre 1876.
  • 105 AASP, Dossier biographique de Guillaume Bigourdan, Curriculum simplifié de Guillaume Bigourdan, 19 (...)
  • 106 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 3 janvier 1877.

37Joseph Perrotin, étudiant à la faculté des sciences de Toulouse, « jouit de l'estime de tous ceux qui l'ont connu ». Ses professeurs font « de lui les plus grands éloges98 », et convainquent Tisserand de s'adjoindre ses services. Les titres universitaires de Perrotin qui est licencié ès sciences mathématiques et ès sciences physiques99, ainsi que son expérience « dans l'enseignement d'État [...] en qualité de maître d'études100 », suffisent à le faire nommer « aide astronome de 2e classe101 » en février 1873 et astronome adjoint six ans plus tard. Félix Tisserand l'aide à accélérer sa carrière en lui faisant soutenir sa thèse de doctorat en 1879102. Perrotin ne tarde pas à quitter Toulouse peu après le départ de son maître, pour prendre la tête de l'observatoire de Nice, érigé par Bischoffsheim103. Le double emploi de Félix Tisserand à l'observatoire et à la faculté lui permet de repérer, dans la seconde, les éléments les plus disposés à entrer dans le premier. Il remarque en 1876, un de ses étudiants, Guillaume Bigourdan, qui prépare les licences ès sciences. « Laborieux et intelligent », juge le directeur de l'établissement, le jeune homme « a toutes les qualités voulues pour faire un astronome104 ». Tisserand propose donc à Bigourdan « de venir travailler avec lui105 » et l'installe dans la fonction d'« aide astronome106 » à l'observatoire le 28 décembre 1876. Le jeune homme suit Tisserand à Paris et y poursuit sa carrière. Les premières années de l'établissement savant toulousain, sont des instants fébriles où domine l'improvisation. Des carrières rapides s'ouvrent et permettent à deux licenciés d'accéder à la profession d'astronome.

  • 107 AMT, 2R 102, Lettre du maire de Toulouse à Félix Tisserand, 5 mars 1877.

38Peu à peu cependant, les directeurs mettent en place un dispositif plus complexe et introduisent de nouvelles subdivisions pour les observateurs recrutés dans la cité garonnaise. En mobilisant la municipalité qui participe à l'effort financier dont l'État supporte désormais la plus grande part, les deux directeurs ébauchent un cursus subalterne dans lequel les titres universitaires ne sont pas exigés. Félix Tisserand réclame auprès du Conseil municipal « la création de trois emplois d'élèves astronomes107 » en mars 1877. Le maire de la ville approuve cette mesure. Le statut de ces collaborateurs, instruits par le directeur, est reconnu par le ministère de l'Instruction Publique qui délivre les arrêtés de leurs nominations, même si aucun décret n'a prévu leur existence. Parallèlement, la ville verse parfois une bourse municipale pour pourvoir à leur traitement. Lorsque ce n'est pas le cas, une somme est débloquée par l'observatoire et constitue une rémunération directe. Dans la cité garonnaise, la désignation des élèves astronomes comme leur formation sont assurées par le directeur qui peut ainsi diffuser au sein de l'observatoire une émulation pédagogique en même temps qu'il structure son personnel.

  • 108 AMT, 2R 124, Lettre du recteur de l'Académie à Benjamin Baillaud, 2 février 1880.
  • 109 P. Véron, op. cit., p. 341.
  • 110 AMT, 2R 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 6 févri (...)
  • 111 AN, F17 22614, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 23 décembre 1879
  • 112 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 1er janvier 1883.
  • 113 P. Véron, op. cit., p. 262.

39Benjamin Baillaud obtient deux élèves astronomes en 1880108 : Édouard Jean et Charles Fabre. Le premier, « bachelier, sorti de l'école primaire supérieure de Toulouse109 » ne poursuit pas sa carrière dans l'établissement astronomique et professe dans le secondaire. L'entrée de Fabre à l'observatoire n'est pas sans rapport avec son statut social. Il « appartient à une des meilleures familles de Toulouse » et son « père a été maire de Toulouse ». Dans les premières années d'un établissement savant encore soutenu par la municipalité, Baillaud favorise la carrière de ce fils de notable et l'empêche à tout prix « de quitter définitivement110 » l'observatoire. Fabre montre en outre, « un goût prononcé pour les observations » et s'exerce « à la pratique des instruments d'astronomie111 ». Il obtient le titre d'aide astronome par arrêté ministériel en janvier 1882112, avant d'entrer à la faculté des sciences de Toulouse comme maître de conférences de chimie l'année suivante113.

  • 114 Ernest Mouchez, Élèves-astronomes. Organisation des études, Paris : Gauthier-Villars, s.d. [1880], (...)
  • 115 Ibid., p. 3.
  • 116 AN, F17 13576, Ernest Mouchez, Rapport sur les travaux du 1er trimestre de 1880, 30 avril 1880.
  • 117 Ibid., 28 octobre 1881.
  • 118 AMT, 2R 124, Lettre du ministre de l'Instruction Publique des Beaux-Arts à Benjamin Baillaud, 18 f (...)
  • 119 AMT, 2R 107, Lettre d'Ernest Mouchez à Benjamin Baillaud, 8 février 1882.

40Les postes d'élèves astronomes initiés par la cité garonnaise sont distincts de ceux des étudiants de l'École d'Astronomie fondée par le contre-amiral Mouchez en 1880 et destinée à « préparer un personnel nombreux, instruit et exercé114 » pour les établissements nouvellement créés. L'astronome parisien instaure cette structure pédagogique spécialisée à l'observatoire de Paris. Il espère qu'« en choisissant quelques jeunes gens parmi les candidats les plus instruits », et en leur faisant passer « deux années dans un laboratoire scientifique aussi puissamment organisé » que l'établissement savant de la Capitale, « on aura formé d'habiles astronomes, pleins d'ardeur115 ». Le jeune Jean Rey suit les cours de Maurice Loewy et d'Aimable Gaillot et « paraît avoir pour les applications théoriques des aptitudes spéciales116 ». Son « assiduité » et son « travail régulier » lui permettent d'être « classé au second rang117 » à la sortie de l'école. Nommé aide astronome à l'observatoire de Paris118, Jean Rey est réclamé à Toulouse par Benjamin Baillaud qui souhaite, en 1882, compléter « l'instruction119 » du jeune homme et l'intégrer à son personnel. L'école, mise en place par Mouchez, ne formera qu'une poignée d'étudiants, avant de disparaître au milieu des années 1880.

41Dans le même temps, à Toulouse, le dispositif de recrutement d'élèves astronomes se complique davantage encore. Les candidats doivent franchir une sorte d'examen probatoire avant d'être acceptés. Benjamin Baillaud écrit au premier magistrat de la cité garonnaise à la fin de l'année 1879, que son « attention s'[est] portée sur le jeune Saint Blancat, bachelier ès sciences, ancien élève de l'école normale de Toulouse ». Le directeur invite « ce jeune homme à venir provisoirement à l'Observatoire afin que ses aptitudes puissent être plus exactement appréciées ».

  • 120 AMT, 2R 124, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 24 décembre 1879.
  • 121 AMT, 1D 117, Registre des délibérations du Conseil municipal (1879), séance du 23 décembre 1879, f (...)
  • 122 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 12 avril 1883.
  • 123 Notice sur les travaux scientifiques de M. D. Saint blancat, Toulouse : Imprimerie et Librairie Ed (...)
  • 124 Dominique Saint Blancat, « Action d'une masse intramercurielle sur la longitude de la Lune », Anna (...)
  • 125 AMT, 1D 122, Registre des délibérations du Conseil municipal (1884), séance du 11 août 1884, ff 11 (...)
  • 126 Ibid., f° 1177.
  • 127 AN, F17 26289, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 18 août 1886.
  • 128 Louis Montangerand, Titres et travaux scientifiques et participation aux œuvres sociales de M. Lou (...)

42Le résultat de cette mise à l'épreuve dépasse « toutes [s]es espérances120 » et Baillaud obtient pour Saint Blancat une allocation d'élève astronome121. Par la suite, le boursier est promu « aide astronome de 2e classe122 » en 1883 et intègre ainsi la hiérarchie classique du cursus défini par le décret de 1873. Il est nommé astronome adjoint en 1890123 et soutient sa thèse de mathématiques en 1906124. Louis Montangerand est le dernier élève astronome recruté au xixe siècle. Comme Saint Blancat, il doit d'abord faire ses preuves en participant pendant « huit mois au service de l'Observatoire gratuitement125 » après avoir obtenu son baccalauréat ès sciences. Le 11 août 1884, le Conseil municipal lui accorde une bourse d'« élève astronome126 ». Benjamin Baillaud forme lui-même le jeune homme et reconnaît qu'« il est le type le plus complet de l'astronome observateur, intelligent, patient, consciencieux, doué d'une énergie et d'une santé rare127 ». Le directeur de l'observatoire permet à Montangerand de s'élever dans la hiérarchie astronomique et de passer du statut d'aide astronome en 1889 à celui d'astronome adjoint en 1899128.

  • 129 P Véron, op. cit., p. 497.
  • 130 Bulletin de la Société d'Astronomie Populaire de Toulouse, 12e année, n° 58, 1921, T. III, p. 37.
  • 131 Ibid., p. 38.
  • 132 Pour un exemple de franchissement de frontière entre professionnels et amateurs, voir : Susan Leig (...)
  • 133 P. Véron, op. cit., p. 497.
  • 134 AMT, 2R 126, Notice individuelle de Frédéric Rossard, 1907.

43Cet enrôlement d'étudiants locaux intégrés à l'observatoire ne repose pas sur des critères précis d'admission. Les recrutements, plus tardifs, de Frédéric Rossard et d'Émile Besson, témoignent de la relative ouverture de la carrière astronomique au personnel non diplômé. Le premier, fils d'un fabricant de parfum de la cité garonnaise est employé de commerce et n'a fait aucune étude secondaire129. Passionné par la science des astres, Rossard fonde en 1887, « une Société d'astronomie populaire130 » avec l'aide « de M. Sultra, sous chef de bureau des services municipaux131 ». La frontière entre amateurs et professionnels de la science des astres n'est donc pas infranchissable132. L'obstination et la persévérance de Rossard convainquent Baillaud de l'intégrer au personnel de l'observatoire. Il y rentre en 18 8 8133 et reste pendant plus de six ans auxiliaire, l'échelon le plus bas de la carrière astronomique. Nommé assistant en 1895134, il n'obtiendra le titre d'aide astronome qu'en 1920.

  • 135 AMT, 2R 124, Notice individuelle d'Émile Besson, 4 janvier 1904.
  • 136 Ibid., 3 novembre 1904.

44Émile Besson, lui non plus, n'a poursuivi aucune étude secondaire135. Il entre à l'observatoire en 1891 avec le titre d'auxiliaire et devient assistant en 1895136.

  • 137 AN, F17 13587, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 7 mars 1907.
  • 138 AN, F17 24414, Renseignements confidentiels concernant Frédéric Rossard, année 1907.
  • 139 Ibid., année 1908.

45Frédéric Rossard et Émile Besson occupent, dans leurs fonctions subalternes, un rôle très particulier au sein de l'établissement savant. Benjamin Baillaud assure en 1907 que « ces employés sont nécessaires au fonctionnement des observatoires comme à celui de tous les services possibles ». Distincts du « personnel scientifique », ils ne peuvent en atteindre « les rangs inférieurs [...], occupés par les futurs astronomes titulaires ou les futurs directeurs » qu'à la toute fin de leur carrière. Le directeur assure cependant que « leur concours est nécessaire si l'on veut que les membres du personnel scientifique aient le temps de s'instruire et de penser »137. Besson et Rossard se consacrent donc exclusivement à la pratique observationnelle et délaissent les aspects théoriques de la science des astres. La différence de statuts recoupe ici la division des tâches à l'intérieur de l'institution scientifique. À terme, l'instruction insuffisante des deux employés toulousains porte préjudice à leurs cursus professionnels. Benjamin Baillaud juge en 1907 que Frédéric Rossard « a besoin de s'instruire138 ». Cosserat, qui prend la direction de l'observatoire garonnais en 1908, estime quant à lui qu'« il est bien regrettable » que cet employé « ait négligé d'étendre ses connaissances d'ordre théorique139 ».

  • 140 AMT, 2R 95, Benjamin Baillaud, Rapport présenté à M. le Ministre de l'Instruction Publique sur les (...)
  • 141 AMT, 2R 142, Lettre d'Henry Bourget à Benjamin Baillaud, 26 septembre 1900. Nous reviendrons plus (...)

46Invisibles dans cette hiérarchie de la profession d'astronome, les auxiliaires temporaires et les assistants occasionnels appartiennent également au cercle local. Ils sont recrutés parmi les étudiants de la faculté des sciences ou des Écoles normales de la région. Ces techniciens de l'ombre doivent « assister les observateurs140 » dans les coupoles. Leur rôle se limite le plus souvent, à quelques manipulations simples, comme l'ouverture et la fermeture des trappes141. Les archives nous manquent pour reconstituer avec précision les parcours de ce personnel officiellement ignoré par l'administration. Quelques profils peuvent toutefois être tracés.

  • 142 AMT, 2R 129, Lettre d'Amédée Huc à Benjamin Baillaud, 8 octobre 1904.
  • 143 AMT, 2R 129, Lettre de Pascal Huc à Benjamin Baillaud, 7 mai 1907.
  • 144 AN, F17 13587, Inspection académique, de la Haute-Garonne, Rapport sur l'observatoire de Toulouse, (...)
  • 145 AN, F17 25672, Notice sur Henri Crouzel, 1914.
  • 146 AN, F17 13587, Inspection académique, de la Haute-Garonne, Rapport sur l'observatoire de Toulouse, (...)

47Pascal Huc, élève à l'« École Normale de Montpellier142 », entreprend en 1904 un cursus universitaire à la faculté des sciences de Toulouse. Afin de payer ses études, le jeune homme intègre « l'Observatoire où [il se] plai[t] fort143 » comme assistant intérimaire. Il seconde en particulier Dominique Saint Blancat « au service méridien144 ». Henri Crouzel n'a lui, aucune formation scientifique. Bachelier « ès lettres-philosophie », il obtient une licence de droit ainsi qu'un « certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire universitaire145 » en 1908. Tout au long de sa formation, il a pu, comme « auxiliaire libre », aider Frédéric Rossard au « grand équatorial146 ».

  • 147 Émile Mathias, « Sur la constitution et l'utilisation des cartes magnétiques. Application au bassi (...)

48Les aides temporaires ne sont pas choisis au hasard parmi les étudiants de la faculté. Émile Mathias explique en 1897, qu'il est assisté de « M. Fitte [...] [s]on élève147 », lors des mesures magnétiques. Le plus souvent, le disciple appelé à l'observatoire est repéré auparavant par un des membres du personnel scientifique qui enseigne également à la faculté des sciences.

  • 148 R. Baillaud, Souvenirs d'un jeune toulousain (1885-1907), T. I, Rodez : Imprimerie Carrère, 1976, (...)

49Le directeur de l'établissement astronomique emploie aussi temporairement ses deux fils : René Baillaud assiste Frédéric Rossard à l'équatorial et Pierre Baillaud aide Henry Bourget au grand télescope148. Il renoue avec une pratique déjà présente au siècle des Lumières qui confond cercle familial et cercle des observateurs.

  • 149 AN, F17 13587, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 7 mars 1907.
  • 150 AMT, 2R 60, État des sommes dues aux fonctionnaires et auxiliaires pour travaux supplémentaires de (...)
  • 151 AMT, 2R 95, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 22 décembre 1892.

50Lorsque les bras viennent à manquer pour pousser les trappes ou manœuvrer les coupoles, Benjamin Baillaud enrôle le « personnel d'agents149 » qui entretient l'établissement astronomique. En décembre 1900, le gardien Lacourt est ainsi employé à plusieurs reprises pour des « travaux de nuit à la coupole150 ». De même, le garçon de bureau Samazan, est autorisé dès 1892, à « assister la nuit un astronome dans les observations151 ».

  • 152 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 852. Rapport présenté à la Commission d'organisat (...)

51Les auxiliaires temporaires ne parviennent qu'exceptionnellement à intégrer le personnel de l'observatoire. Il n'empêche, les cursus de Rossard et Besson mettent en exergue une relative ouverture de la carrière astronomique qui n'a rien de surprenant. Le décret 1873 ne fixait aucune règle précise sur les critères de recrutement si ce n'est une approbation de la communauté des astronomes. Le rapport qui précédait ce texte fondateur souhaitait explicitement que le corps des observateurs ne soit « pas un corps fermé [...] ; il ouvre ses rangs à tous les savants qui se distinguent par leurs travaux astronomiques152 ». Le fils de Benjamin Baillaud, René, qui vit à Toulouse de 1885 à 1907 avant d'embrasser la profession d'astronome, suggère quant à lui que c'est la nature même de la pratique observationnelle à la fin du xixe siècle qui donnait la possibilité aux directeurs de puiser parmi les agrégés et normaliens pour constituer un pôle scientifique et parmi des candidats locaux sans formation particulière pour mener les tâches routinières d'examen du ciel. Il écrit qu'à la charnière du xixe siècle et du xxe siècle :

  • 153 R. Baillaud, op. cit., T. I, p. 193-194.

Les travaux de la plupart des astronomes [...] relevaient de l'astronomie de position [...]. Les observations exigeaient surtout une bonne vue et du soin [...]. Les directeurs des Observatoires avaient recruté leur personnel en conséquence. Un ou deux astronomes très instruits par observatoire en sus du directeur suffisaient pour diriger les principaux services, pour discuter les résultats des mesures. À ceux-là incombait la tâche de se consacrer aussi à des problèmes plus ardus. Sur cinq astronomes que comptait l'observatoire de Toulouse [en 1900], deux étaient docteurs et un licencié, les deux autres n'étaient peut-être pas bachelier153.

52Cependant les carrières des deux cercles dans lesquels recrutent les astronomes sont différentes dans leur célérité et dans leur acmé.

  • 154 Notice sur les travaux scientifiques de M. Eugène Cosserat, op. cit., p. 7.

53Henri Andoyer, Henry Bourget et Eugène Cosserat ne restent que trois ans aides astronomes154. Le premier poursuit son cursus professionnel à Paris, le second succède à Baillaud à la tête de l'observatoire de Toulouse, et le troisième obtient la direction de l'établissement de Marseille. Louis Montangerand et Dominique Saint Blancat patientent près de dix ans avant d'obtenir le grade d'astronome adjoint. Frédéric Rossard, quant à lui, n'atteindra cet échelon qu'après avoir travaillé trente-deux ans à l'observatoire. Aucun de ces trois observateurs, engagés et formés par Baillaud, n'a quitté Toulouse et l'établissement astronomique de la cité garonnaise est resté leur seul horizon de carrière.

  • 155 AMT, 2R 102, Lettre de Félix Tisserand à Benjamin Baillaud, 26 octobre 1878.
  • 156 ASSP, Dossier biographique de Guillaume Bigourdan, Curriculum simplifié de Guillaume Bigourdan, 19 (...)
  • 157 AMT, 2R 103, Lettre de Félix Tisserand à Benjamin Baillaud, 30 novembre 1878.
  • 158 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 49.
  • 159 AN, F17, 24519, Note d'Albert Sarraut, 1903.
  • 160 AN, F17, 24519, Maurice Loewy, Renseignements confidentiels sur Louis Maneng, 1903.
  • 161 AN, F17, 24519, Copie d'une lettre de Maurice Loewy à Louis Maneng, 28 décembre 1903.
  • 162 AN, F17, 24519, Renseignements confidentiels sur Louis Maneng, année 1910.
  • 163 Ibid., année 1911.

54La mobilité hiérarchique et la mobilité géographique, colonne vertébrale du décret de 1873 dans la définition de la profession d'astronome, dépendent très fortement du niveau d'étude. Le passage par la rue d'Ulm et l'agrégation sont deux exigences tacites pour profiter des développements de carrière, des postes parisiens ou des directions d'observatoire. Joseph Perrotin et Guillaume Bigourdan profitent eux, au début du régime républicain, de circonstances exceptionnelles et de la nécessité pour les instances dirigeantes de l'astronomie française de pourvoir aux besoins nouveaux en personnel. Bigourdan a noué des liens avec Félix Tisserand qui le juge « très méritant à tous égards155 ». Peu de temps après que le premier directeur de l'observatoire soit appelé à Paris en 1878, son disciple rejoint l'établissement astronomique de la Capitale156. À la même époque, Joseph Perrotin songe à prendre la succession de Tisserand à Toulouse. Vexé de ne pas être retenu, il refuse une place de maître de conférences à la faculté des sciences157, mais accepte en 1880 de diriger le nouvel observatoire de Nice, fondé par le banquier Bischoffsheim. Dans ses Souvenirs, Baillaud pointe l'insuffisance du profil de Perrotin pour assumer de telle fonction : « Il eut fallu [à Nice] un directeur instruit en physique comme en mathématiques [...]. Ce n'était pas le cas de Perrotin158. » Ce jugement sévère révèle, par contraste, l'importance d'un cursus tacite, de la rue d'Ulm à la thèse, définissant l'élite de l'astronomie française. En effet, l'arborescence des statuts et la multiplicité des gradations ne doivent pas cacher une césure profonde dans la communauté des observateurs entre les trajectoires rapides et balisées des agrégés et les parcours lents et chaotiques des collaborateurs recrutés sur place. Pour les auxiliaires temporaires, la trajectoire qui mène aux premiers échelons de la hiérarchie astronomique est encore plus incertaine et aléatoire. À Toulouse, Louis Maneng, « maître répétiteur au lycée de Toulouse », préparant sa licence à la faculté des sciences, parvient à occuper « les fonctions d'auxiliaire à l'observatoire159 ». Le jeune homme souhaite en 1903, « s'engager dans une carrière160 » d'astronome et sollicite un emploi dans l'établissement savant de la Capitale. Maurice Loewy qui recueille sa candidature, le prévient que l'institution qu'il dirige a « besoin de calculateurs et d'assistants pour [les] divers services ». C'est seulement à « cette catégorie d'employés161 » qu'il pourra appartenir. Maneng s'obstine et poursuit son parcours professionnel dans les fonctions subalternes de l'observatoire de la Capitale. Quelques années plus tard, Benjamin Baillaud à la tête de l'établissement parisien note à propos de Louis Maneng qu'il « s'est acharné à être astronome », malgré son « peu d'aptitude aux mathématiques ». Le directeur souligne finalement que l'auxiliaire n'est « pas heureux162 » et qu'il s'est probablement « mépris au début de sa carrière sur la vie et le travail de l'astronome163 ».

  • 164 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publiques et des Beaux-Arts, 19 mai 1881.
  • 165 AN, F17, 3763, Lettre du directeur de l'enseignement supérieur à Benjamin Baillaud, 1881.
  • 166 AMT, 2R 97, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 23 novem (...)
  • 167 AMT, 7Z 2, B. Baillaud, Projet d'organisation des observatoires astronomiques. Rapport présenté au (...)
  • 168 AMT, 2R 95, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 18 décembre 1890.
  • 169 AMT, 2R 97, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 9 mai 1900.

55Si le texte de 1873 ne prévoit aucun critère spécifique de sélection, le ministère et les hiérarques de la discipline imposent peu à peu des exigences de formation initiale. L'arrêté du 19 mai 1881, qui augmente le traitement d'Édouard Jean, signale qu'il deviendra « aide astronome » lorsqu'il « aura obtenu le grade de licencié ès-sciences mathématiques164 ». La même année, le rapport du Comité des observatoires de province recommande aux « Directeurs d'être très circonspects dans le recrutement de leur personnel ». Les responsables parisiens de la science des astres notent avec gravité que « c'est sur le choix du personnel [.] que repose l'avenir de la Science astronomique ; il importe donc d'admettre de préférence des jeunes gens qui, par leur instruction scientifique, présentent déjà quelques garanties ». Le Comité assure ne pas être « animé d'un esprit trop exclusif », et « juge utile d'encourager toutes les vocations pourvu qu'elles se manifestent par des preuves particulières, mais il faut néanmoins éviter d'engager un trop grand nombre de jeunes gens non pourvus de titres universitaires qui peuvent bien, il est vrai, rendre quelques services à la science, mais auxquels, selon toute probabilité on ne peut pas présager un grand avenir165 ». Cette recommandation renforce la tentation d'un directeur comme Benjamin Baillaud, de s'entourer d'astronomes dont le profil est proche du sien. La sollicitude du directeur de l'établissement toulousain qui permet aux astronomes adjoints agrégés d'obtenir un avancement conséquent, touche également les employés non pourvus de titres universitaires. Baillaud s'adresse au recteur en novembre 1899, pour signaler que « M. Rossard, par son zèle, son initiative, a pris en fait rang d'aide astronome. Il importe de l'amener à en avoir le titre de façon qu'il puisse, le temps venu, parvenir à la situation qu'il mérite166 ». Le directeur de l'institution savante de la cité garonnaise envisage sa fonction comme le relais d'un système méritocratique qui reconnaît les efforts de ses employés. Dans le rapport qu'il est chargé de rédiger en 1906 en vue d'établir un nouveau décret organisant les observatoires, Baillaud juge indispensable « que, dans un même corps de fonctionnaire chacun soit, dans la mesure du possible traité selon son mérite167 ». L'astronome toulousain ne peut systématiquement accélérer les développements de carrières, mais il s'attache à récompenser le zèle de ses collaborateurs, par des augmentations de traitements ou des distinctions honorifiques. Il écrit au ministre de l'Instruction Publique en 1890, que le mérite et les compétences d'Henri Andoyer « sont hautement appréciés. Il y a lieu sans aucun doute de lui accorder une augmentation de 500 frs.168 » assure Baillaud. Le directeur réclame en 1900 « les palmes académiques » pour Dominique Saint Blancat qui a « rendu depuis son entrée à l'observatoire en 1879 d'excellents services169 ».

56Le régime républicain ébauche une carrière d'astronome structurée et hiérarchisée. Le recrutement du personnel n'est certes pas uniforme, mais l'influence des hiérarques de l'École normale supérieure après la chute du Second Empire permet la colonisation des nouveaux observatoires par les anciens élèves de la rue d'Ulm. Leurs parcours sont rapides et les mènent à Paris, après un détour par la province. Le personnel recruté localement s'insère dans ce cadre professionnel inédit, mais sa progression est plus lente et ne lui permet pas d'envisager un départ de Toulouse. Une distinction tacite structure donc la communauté des observateurs au début du xxe siècle. Le directeur de l'établissement astronomique joue un rôle considérable dans l'accélération des cursus et les aménagements de trajectoires personnelles. La double fonction de Félix Tisserand et de Benjamin Baillaud, à l'observatoire et à la faculté des sciences de Toulouse, renforce leur pouvoir de recrutement. Le dispositif parallèle entre la recherche et l'enseignement se noue dès la création des établissements astronomiques au début des années 1870.

L'observatoire et l'université

  • 170 A. de Beauchamp, Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, T. II : 1848-1874, p (...)

57Le vaste remodèlement de la carte des observatoires français, entrepris par les premiers gouvernements républicains, se double d'une volonté affirmée d'associer les établissements astronomiques aux structures de l'enseignement supérieur. Le rapport de la commission présidée par Le Verrier, qui constitue le support du décret de 1873 « relatif aux Observatoires de l'État170 » précise que ces derniers doivent être prioritairement ouverts dans « les chefs-lieux d'Académie qui possèdent des facultés des Sciences dont l'enseignement théorique trouvera [au sein d'] un

  • 171 Ibid., p. 840. Rapport présenté à la Commission d'organisation des Observatoires.
  • 172 Ibid., p. 845-846.
  • 173 Ibid., p. 846.
  • 174 Voir : Thomas R. Williams, « The development of astronomy in the Southern United States, 1840-1914 (...)

58Observatoire un complément utile171 ». Les astronomes constatent que si les établissements astronomiques « ne font pas partie intégrante des Facultés », il est toutefois préférable « qu'une entente cordiale règle les relations des deux institutions indépendantes172 ». Les relations seront totalement harmonieuses, suggèrent les rapporteurs, « si le directeur de l'Observatoire est en même temps le professeur d'astronomie de la Faculté ». La genèse des institutions astronomiques dans les premières années de la IIIe République, s'appuie donc sur une « union intime173 » entre leurs dirigeants et les facultés. Les astronomes sont invités, malgré l'absence de connexions administratives, à tisser des liens scientifiques fructueux avec les structures universitaires, comme c'est déjà le cas aux États-Unis depuis le milieu du xixe siècle174.

  • 175 AN, F17, 23129, Note du Ministère de l'Instruction Publique, des Cultes et des Beaux-Arts, 29 avri (...)
  • 176 AN, F17, 23129, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Cultes et des Beaux-Arts, 1er ma (...)
  • 177 Notice sur les travaux scientifiques de M. Baillaud, Toulouse : Imprimerie et Librairie Edouard Pr (...)
  • 178 Mary-Jo Nye, Science in the provinces. Scientific communities and provincial leadership in France, (...)
  • 179 Antoine Prost, Histoire de l'Enseignement en France, 1800-1967, Paris : Armand Colin 1968, p. 229.
  • 180 M.-J. Nye, « The Scientific Periphery in France : The Faculty of Sciences at Toulouse (1880-1930)  (...)
  • 181 Sur le rôle de Louis Liard, voir Théodore Zeldin, Histoire des passions françaises (1848-1945), T. (...)
  • 182 M.-J. Nye, « The Scientific Periphery in France : The Faculty of Sciences at Toulouse (1880-1930)  (...)
  • 183 Louis Rascol, Claude-Marie Perroud (1839-1919). La vie et l'œuvre d'un universitaire au xixe siècl (...)
  • 184 M.-J. Nye, « The Scientific Periphery in France : The Faculty of Sciences at Toulouse (1880-1930)  (...)
  • 185 Cité par Marie-France Brive, La politique économique de la ville de Toulouse de 1870 à 1880, mémoi (...)
  • 186 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 53.
  • 187 Madeleine Rebérioux, « Jean Jaurès, élu municipal de Toulouse (1890-1893) », Cahiers internationau (...)

59Toulouse se conforme très exactement à ce désir d'organiser une circulation des directeurs entre l'espace d'observation et l'espace d'enseignement. Félix Tisserand, à la tête de l'institution astronomique de la cité garonnaise, occupe également les fonctions de « chargé de cours à la Faculté175 » avant d'être titularisé en 1876176. Son successeur en 1878, Benjamin Baillaud occupe les mêmes emplois177. Le passage éphémère de Tisserand dans la cité toulousaine ne lui a pas permis de nouer des contacts prolongés avec la faculté des sciences. Au contraire, Baillaud s'implique très activement dans la vie administrative et scientifique de l'établissement d'enseignement supérieur. Il prend en charge le décanat en 1879, le garde jusqu'en 1888, puis le reprend de 1890 à 1893. La démarche de l'astronome s'inscrit dans les efforts politiques destinés à « building republican science178 ». Depuis le ministère Duruy, sous le Second Empire, les facultés suscitent un intérêt réformateur que la IIIe République poursuit et amplifie179. Mary-Jo Nye souligne qu'un « emergent goal of the scientistic, radical-republican ministries of public education was the decentralisation of higher education180 ». Au sein de la cité garonnaise, le maire Camille Ournac et un de ses adjoints, Jean Jaurès, qui adhèrent aux ambitions éducatives du ministre Jules Ferry et du directeur de l'enseignement supérieur à partir de 1880, Louis Liard181, relaient les impulsions parisiennes avec enthousiasme182. Le recteur de l'Académie, Claude-Marie Perroud, ami de Jaurès et de Benjamin Baillaud, participe lui aussi activement à « l'œuvre de redressement et de réorganisation des Facultés183 ». L'entente et la coordination de ces différents acteurs permettent d'ériger « a thriving régional university184 ». Leur première tâche fut de permettre la construction de nouveaux locaux pour chacune des unités d'enseignement. Lors de leurs visites en 1876, les inspecteurs généraux notent que « la Faculté des sciences étouffe dans une masure de [la] cité185 ». Après avoir entamé la construction de « baraquements sans étages » et provisoires, la municipalité décide d'ériger des bâtiments définitifs « dans le Jardin des Plantes ». Baillaud donne ses « indications » pour « les plans de la Faculté des Sciences186 » et suit la construction dans les moindres détails. L'achèvement des travaux en 1890 marque une avancée importante vers leur réunion en une structure universitaire unique. Au cours de la cérémonie d'inauguration, en présence du président de la République, Sadi Carnot, Benjamin Baillaud, alors doyen, milite en ce sens187.

  • 188 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 50.
  • 189 Ibid., p. 55.
  • 190 AN, F17, 23735, Ministère de l'Instruction Publique, Enseignement supérieur, Renseignements, 1894.
  • 191 Ibid., 1893.
  • 192 AN, F17, 23735, Ministère de l'Instruction Publique, Enseignement supérieur, Renseignements, 1882.

60L'astronome ne ménage pas sa peine pour développer la structure d'enseignement et commence par accroître le nombre de professeurs qui passe de huit en 1878 à dix-huit en 1899188. Le contingent d'étudiants est multiplié par cinq dans la même période189. En 1894, Perroud assure que la « valeur de professeur » de Benjamin Baillaud, « répond à sa haute capacité administrative190 ». L'année précédente le recteur résumait en termes apologétiques l'œuvre organisationnelle de l'astronome : « Si la Faculté des Sciences de Toulouse est vraiment une Faculté [.], si elle a pris un développement digne de l'importance de la ville, c'est à l'action persévérante et éminemment intelligente de M. Baillaud qu'elle le doit191. » Les relations de l'astronome avec ses collègues de la Faculté des sciences sont parfois tendues. Perroud souligne en 1882 que Baillaud est un doyen « plus redouté qu'aimé » par les professeurs et qu'il lui arrive d'être « rude avec plusieurs192 ».

  • 193 M.-J. Nye, « The Scientific Periphery in France : The Faculty of Sciences at Toulouse (1880-1930)  (...)
  • 194 B. Baillaud, « Henry Andoyer », art. cité, p. 193.
  • 195 Ainsi Eugène Cosserat, nommé aide astronome en 1886 touche à ce titre 3 000 francs auxquels il fai (...)

61Le directeur de l'observatoire, par ses fonctions d'enseignant et de doyen, répond à la volonté des rapporteurs préparant le décret de 1873, qui réclamaient des liens puissants entre les structures universitaires et les établissements astronomiques. Sa position privilégiée au sein de la faculté et ses réseaux personnels dans les lieux de pouvoir parisien lui permettent d'orienter les recrutements. Mary-Jo Nye remarque que « Baillaud was an ambitious man, and his colleagues in Paris informed him about good scientists193 ». Le doyen ne se contente pas de faire venir à Toulouse des enseignants pour la faculté, il repère dans le profil des candidats ceux qui, outre leurs tâches pédagogiques, pourront également mener des recherches astronomiques à l'observatoire. Baillaud assure que la nomination d'« une même personne à la fois à l'Observatoire et à la Faculté » est une mesure « d'économie194 », pour des établissements provinciaux aux finances limitées. On peut également suggérer que la double fonction d'astronome et de professeur, qui permet de cumuler le salaire d'observateur et une indemnité d'enseignant195 est particulièrement attractive pour de jeunes normaliens qui ne pourraient avoir les mêmes avantages à Paris.

  • 196 B. Baillaud, « Henry Andoyer », art. cité, p. 193.
  • 197 AMT, 2R 112, B. Baillaud, Rapport sur les services et les titres scientifiques de M. Henri Bourget (...)
  • 198 Notice sur les travaux scientifiques de M. Eugène Cosserat, op. cit., p. 5.
  • 199 AASP, Dossier biographique d'Eugène Cosserat, Rapport sur les travaux de M. E. Cosserat à l'appui (...)

62Jules Tannery, directeur de l'École normale supérieure et beau-frère de Benjamin Baillaud, lui recommande en 1884 un de ses élèves, Henri Andoyer, qui vient d'obtenir l'agrégation des mathématiques. Le jeune homme est « immédiatement chargé de conférences à la faculté des Sciences de Toulouse et nommé en même temps aide astronome à l'Observatoire ». Le doyen et directeur insiste sur le fait que le brillant normalien « conserv[e] ces fonctions avec les titres de maître de conférences et d'astronome adjoint jusqu'en 1892196 », date de son départ pour l'Université de Paris. Baillaud prend soin de faire nommer dans la cité garonnaise de jeunes scientifiques capables d'entreprendre des recherches astronomiques et d'assurer un enseignement à la faculté. La nomination d'Henri Bourget en 1895, répond au même désir de constituer une équipe de scientifiques polyvalents. Agrégé de mathématiques sans être passé par la rue d'Ulm, il entre « à Toulouse comme chef des travaux pratiques de mathématiques » et « aide astronome à l'Observatoire ». Immédiatement après avoir soutenu sa thèse, Bourget progresse dans la hiérarchie des deux carrières et devient « astronome adjoint le 22 avril [1898] et maître de conférences à la Faculté des Sciences le 20 octobre de la même année197 ». Tous les agrégés recrutés par Benjamin Baillaud exercent dans les deux structures. Ainsi Eugène Cosserat, après avoir été reçu au concours en 1886, obtient le grade d'« aide astronome à l'Observatoire de Toulouse », puis en 1888, cumule cet emploi avec un « cours complémentaire à la Faculté des Sciences ». Son titre de docteur ès sciences mathématiques en 1895 lui permet d'accéder à la chaire de « calcul différentiel et intégral198 » à laquelle il se consacre alors exclusivement. Benjamin Baillaud souligne que « son enseignement à la Faculté a été [.] une des causes qui ont maintenu ses recherches dans le domaine des mathématiques199 » et explique son choix de quitter l'observatoire. On mesure donc combien le recrutement des astronomes parmi les élèves de l'École normale supérieure est aussi un moyen pour le directeur de tisser des liens plus étroits avec la structure d'enseignement supérieur en créant cette double carrière.

  • 200 AMT, 2R 124, Lettre de Louis Liard à Benjamin Baillaud, 18 mars 1885.
  • 201 Ibid., 17 avril 1893.

63Les deux physiciens, Théodore Chauvin200 puis Émile Mathias201, qui dirigent les services météorologiques et magnétiques de l'observatoire, sont tous les deux maîtres de conférences à Toulouse lorsque Benjamin Baillaud fait appel à eux.

  • 202 Louis Montangerand, Titres et travaux scientifiques de M. Louis Montangerand, op. cit., p. 1.
  • 203 AMT, 2R 112, Rapport annuel de Louis Montangerand, 1er novembre 1903-1er novembre 1904.

64Certains observateurs qui n'ont pas emprunté la voie de l'agrégation, mais gravissent les échelons de la carrière astronomique, sont eux aussi appelés par le directeur de l'observatoire à exercer au sein de la faculté. Louis Montangerand, assistant à Jolimont, est nommé « préparateur d'astronomie202 » en 1888. À ce titre, il effectue « la surveillance des compositions pratiques des étudiants de M. le Professeur Baillaud203 ».

  • 204 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 846. Rapport présenté à la Commission d'organisat (...)
  • 205 AN, F17, 23735, Ministère de l'Instruction Publique, Enseignement supérieur, Renseignements, 1898- (...)
  • 206 Ibid., 1887.
  • 207 B. Baillaud, Cours d'astronomie. Première partie : quelques théories applicables à l'étude des sci (...)
  • 208 Université de Toulouse. Annuaire pour l'année 1902-1903, Toulouse : Imprimerie Edouard Privat, 190 (...)
  • 209 AMT, 2R 112, Rapport annuel du service méridien, 1898.
  • 210 AMT, 7Z 67, Agenda de Jean Carrère, 15 mai 1902.

65L'exigence d'une relation harmonieuse entre les deux institutions ne se limite pas à la circulation des astronomes et des physiciens et à la constitution de carrières géminées. La commission, présidée par Le Verrier en 1872, précise que les étudiants doivent pouvoir « vivre [.] la vie des astronomes et [.] disposer pour [leurs] études de quelques bons instruments spéciaux ». Cette immersion dans l'observatoire et cette familiarité avec la pratique scientifique doivent permettre la genèse de vocations. Les membres de la commission assurent que grâce à cette incitation concrète, il sera possible de « choisir un personnel d'élite, sans être obligé [.] de prendre à l'essai, sur des recommandations parfois incompétentes, des jeunes gens dont a souvent grand peine à débarrasser l'Observatoire, qu'on y garde même parfois, ne sachant qu'en faire, ni au dedans ni au dehors204 ». Respectant cette injonction, Benjamin Baillaud instaure d'abord un cours magistral à la faculté. Il y enseigne l'astronomie205 et développe pour les élèves de licence un programme récapitulant les « théories générales de la mécanique céleste » et la « théorie des instruments206 ». Le directeur de l'observatoire prolonge même sa pratique didactique en publiant ses leçons en 1893207. L'apprentissage des rudiments de la science des astres passe également par un enseignement in situ, sur les hauteurs de Jolimont. L'Annuaire de l'Université paru en 1902, indique que « les étudiants sont admis à fréquenter l'Observatoire astronomique, météorologique et magnétique de Toulouse. Ils y sont familiarisés avec l'emploi des instruments, dont quelques uns peuvent être mis entièrement à leur disposition208 ». Les différents observateurs, qu'ils aient ou non une fonction à la faculté, s'appliquent lors des séances pratiques à faire quelques démonstrations concrètes. Pendant le mois de janvier 1898, Besson donne des « explications [...] aux étudiants du cours d'astronomie sur la détermination du nadir et du tour de vis209 ». Afin de n'omettre aucun détail dans la formation des élèves et de leur montrer toutes les facettes de la discipline astronomique, c'est à Jean Carrère, mécanicien de l'observatoire, qu'est confiée la tâche d'expliquer au public universitaire le « démontage du Micromètre à Étoiles doubles du Télescope ainsi que [...] son éclairage210 ».

66Les étudiants comme les astronomes circulent entre la faculté et l'établissement astronomique. Ce dernier se définit comme un espace pédagogique complémentaire du travail didactique classique. Sa vocation est non seulement d'éveiller la curiosité des élèves, mais également de les confronter très rapidement au quotidien de la science des astres et à la multiplicité de ses aspects.

  • 211 AN, F17, 23735, Ministère de l'Instruction Publique, Enseignement supérieur, Renseignements, 1892.
  • 212 AN, F17, 3763, Décret du président de la République, 28 juin 1899.
  • 213 AMT, 2R 97, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 31 mars 1902.
  • 214 Rapport adressé à M. le Ministre de l'Instruction Publique par le Conseil de l'Université de Toulo (...)
  • 215 Ibid., p. 12.
  • 216 AMT, 2R 104, Lettre de Bernard Brunhes à Benjamin Baillaud, 16 octobre 1903.
  • 217 C'est le décret du 28 décembre 1885 qui institue un Conseil dans chaque université. Voir A. Prost, (...)
  • 218 AMT, 2R 104, Lettre de Bernard Brunhes à Benjamin Baillaud, 16 octobre 1903.

67L'alliance entre les deux institutions, souhaitée par les rapporteurs à l'origine du principal décret réorganisant la vie astronomique française dans les années 1870, est également défendue par le recteur de l'Académie de Toulouse, Claude-Marie Perroud. Ce dernier remarque, en évoquant son ami Benjamin Baillaud, que les « fonctions de Directeur ne peuvent se séparer ici de celles de professeur d'astronomie211 ». Pourtant, si cette union semble reconnue, le sceau administratif tarde à l'officialiser. Ce n'est qu'en juin 1899 qu'un décret présidentiel rattache « l'Observatoire de Toulouse [...] à l'Université de Toulouse212 ». La situation privilégiée de la faculté au cœur de la cité et son prestige estompent l'image d'un établissement astronomique plus lointain. De plus, l'incorporation de l'observatoire à la structure d'enseignement supérieur suscite parfois des confusions. Le 31 mars 1902, Baillaud reçoit une invitation pour assister « au congrès de médecine » qui se tient à Toulouse. Il note que la lettre est adressée à « M. Baillaud, professeur à la faculté des sciences ». L'astronome s'en émeut et souligne que « l'habitude n'est pas encore prise par le secrétaire de l'Université de regarder l'observatoire comme un établissement ayant dans l'université son existence propre, à côté des facultés213 ». Les rapprochements administratifs et les échanges de personnels ont brouillé l'identité de l'institution vouée à l'astronomie. Parfois confondu avec la faculté, l'observatoire est souvent rejeté à la marge de l'organisation universitaire. Le Conseil de l'Université de Toulouse, dans son rapport adressé au ministre de l'Instruction Publique en 1907, classe l'établissement astronomique dans « les services annexes214 », au même titre que « la station d'essai de semences et de pathologie végétale215 ». Cette situation très floue n'est pas propre à Toulouse. Le physicien Bernard Brunhes, directeur de l'établissement météorologique installé au Puy de Dôme, s'adresse à Benjamin Baillaud en 1903, et lui soumet quelques propositions pour donner aux observatoires une place plus importante dans le système d'enseignement supérieur français. Il suggère notamment de faire entrer dans le Conseil supérieur, regroupant l'ensemble des facultés réparties sur le territoire national, « un délégué des observatoires216 ». Brunhes justifie ainsi son assertion : « puisque les Conseils de [chaque] Université217 renferment les directeurs d'Observatoires comme membres de droit, il serait naturel que cette branche spéciale de l'activité scientifique de nos universités, qui a des intérêts spéciaux, eut un représentant spécial. Le corps électoral pourrait [.] être composé des directeurs et astronomes (ou météorologistes), titulaires et adjoints ». Le physicien réclame enfin une répartition des subsides qui ne soit pas systématiquement à l'avantage des structures d'enseignement supérieur. Brunhes regrette qu'« en abandonnant les droits d'inscriptions aux Universités, tout en laissant aux Facultés des sciences [.] les crédits de collection, l'État [ait] fait à ces Facultés un cadeau. Les observatoires n'ont au contraire bénéficié en rien de cette mesure218 ». L'établissement astronomique n'échappe pas à cette difficile insertion dans le cadre universitaire renouvelé à la fin du xixe siècle. Il peine à s'inscrire dans une architecture institutionnelle centrée principalement sur l'activité pédagogique. Même s'il reste perçu comme un espace de recherche autonome et distinct de la faculté, l'observatoire de la cité garonnaise noue des liens avec cette institution. La circulation des astronomes et des étudiants, ainsi que la position dominante de Baillaud, dessinent les contours d'une alliance fondée sur la complémentarité des deux établissements, malgré la prééminence déséquilibrante de l'université.

68La restructuration des observatoires dans les premières années du régime républicain, comme celle des facultés, modifie profondément les rapports jusqu'ici entretenus par les astronomes avec la ville. Celle-ci laisse la place à l'État, sans pour autant se désintéresser d'un espace astronomique qu'elle a contribué à ériger.

Affirmation de l'État et effacement de la ville

69Le vaste programme impulsé par les premiers gouvernements républicains dans les années 1870, est envisagé comme une opération de décentralisation savante. L'espace national devient la trame d'une organisation scientifique portant une constellation d'observatoires de province. À Toulouse, l'entreprise prend cependant un tout autre sens. Jusqu'à la chute du Second Empire, l'établissement astronomique de la cité garonnaise est essentiellement une institution municipale. Paris, depuis 1808, n'a cessé de rétrocéder à la ville les pouvoirs relatifs à l'observatoire. Le décret de 1872 instaurant sa réorganisation marque un rattachement aux autorités centrales et une dépendance directe à la communauté des astronomes. Les liens organiques que tissent les différents textes législatifs de 1872 à 1908, renforcent l'hégémonie de la Capitale et placent l'observatoire dans une architecture savante de grande échelle. Les relations de la cité garonnaise à son institution astronomique s'en trouvent bouleversées. Les efforts budgétaires marquent concrètement le nouveau rapport de force entre les pouvoirs locaux et nationaux. La ville n'abandonne pas l'observatoire, mais elle ne peut rivaliser en termes financiers avec la puissance étatique. La mise en place de dispositifs de contrôle très pointilleux souligne la dissymétrie des pouvoirs toulousains et parisiens.

Le partage des financements

  • 219 AMT, 1D 68, Registre des délibérations du Conseil municipal (1871-1872), séance du 30 décembre 187 (...)
  • 220 AMT, 2D 195, Registre des correspondances du maire de Toulouse (1870-1872), lettre n° 2595 adressé (...)
  • 221 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 278.
  • 222 AMT, 2R 143, Extrait des registres des délibérations du Conseil municipal, séance extraordinaire d (...)
  • 223 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Charles Delaunay à Théodore Despeyrous, 7 novembre 1871.
  • 224 Georges Rayet, « Observatoire de Bordeaux », Observatoires astronomiques de province, année 1880, (...)
  • 225 La politique budgétaire de la cité garonnaise, en ce qui concerne l'instruction publique en généra (...)
  • 226 Rapport adressé par le Comité consultatif des observatoires astronomiques de province à M. le Mini (...)
  • 227 M.-J. Nye, op. cit., p. 18.
  • 228 Louis Liard, Universités et facultés, Paris : Armand Colin, s.d. [1890], 262 p. ; L. Liard, L'ense (...)
  • 229 Bulletin du Comité International permanent pour l'exécution de la Carte du ciel, T. I, 1887, p. 87
  • 230 B. Baillaud, Discours prononcé à la séance générale du Congrès des Sociétés Savantes le samedi 8 a (...)

70Lorsqu'à la fin de l'année 1871 le Conseil municipal de la cité garonnaise se réunit pour évoquer l'avenir de l'observatoire, les édiles reconnaissent sans ambages que les ressources de la commune ne permettent pas de maintenir une activité scientifique, ni d'entretenir les instruments astronomiques219. Le 15 mai 1872, la cité garonnaise met donc « à la disposition de M. le Ministre de l'Instruction Publique, les terrains et les bâtiments actuels de l'observatoire ainsi que les instruments qu'il renferme220 ». Charles Delaunay envisageait, comme nous l'avons vu, d'associer les municipalités à la restructuration de l'astronomie française qu'il ébauchait. Il incite les administrations locales à soutenir l'effort national. Un traité est donc signé « en 1873 entre la ville et l'État » pour assurer « le développement de l'Observatoire ». Il impose aux édiles de voter « une subvention annuelle de 10 000 francs221 ». L'autorité communale interprète à sa manière le versement de cette allocation. Le Conseil souligne qu'il s'agit d'« alléger le Budget du Ministère de l'Instruction Publique » tout en consacrant à l'institution savante « un caractère municipal222 ». La ville ne désespère donc pas de conserver un certain contrôle sur l'établissement dont elle a longtemps eu la charge. L'investissement qu'elle fournit est ici clairement compris comme un moyen de concurrencer l'État dans la lutte qui semble s'organiser pour la prééminence sur l'observatoire. Delaunay douche rapidement les ambitions des édiles et résume dans une lettre adressée à Théodore Despeyrous en 1871, la nouvelle répartition des rôles : « que le Conseil Municipal [...] réponde aux bonnes intentions du Ministre et tout ira bien223 ». Dans les autres villes de province concernées par l'installation d'un monument astronomique après 1873, les efforts communaux sont comparables à ceux de la cité garonnaise. Les édiles bordelais versent ainsi chaque année 10 000 francs pour l'observatoire érigé à Floirac224. L'examen du budget de l'établissement astronomique toulousain de 1873 à 1908 et l'analyse de la répartition des sources de financement révèlent une implication accrue de l'État dès 1879 et surtout après 1889. De 1873 à 1888, la somme allouée par la ville est sensiblement la même que celle délivrée par le pouvoir central. Puis dans les années 1890, la part de la municipalité diminue sensiblement jusqu'à représenter moins du quart du budget global de l'observatoire. En 1906, l'investissement de la cité garonnaise ne représente que 13,8 % de la totalité des subsides accordés à l'institution savante. L'indemnité communale de 10 000 francs reste constante de 1873 à 1908225. En revanche, sur la même période, les sommes apportées par l'État ne cessent de croître, passant de 10 000 à 52 000 francs. Cette augmentation traduit la volonté du régime républicain de pérenniser l'organisation astronomique mise en place à ses débuts. L'observateur parisien Maurice Loewy, s'adressant au ministre de l'Instruction Publique en 1883, reconnaît que « la situation favorable » des observatoires de province est due « pour une grande part à [son] administration qui a entrepris et dirigé cette œuvre de réforme de l'astronomie française avec une constante sollicitude226 ». Même s'il n'est pas exempt d'une certaine flagornerie, le propos met en exergue l'effort financier de l'État, qui s'inscrit dans une démarche politique volontariste. Mary-Jo Nye remarque que les républicains sont, dans les années 1880, globalement « ambivalent about the best course to take for fundamental structural reform227 ». Toutefois, la myriade d'observatoires revitalisés dans les années 1870, préfigure les réformes décentralisatrices de Louis Liard en ce qui concerne les facultés228. Surtout, l'engagement financier de l'administration parisienne s'identifie avec la participation des astronomes de Toulouse, Paris, Bordeaux, et Alger au grand projet du contre-amiral Mouchez : la Carte du ciel. L'objectif de cette entreprise de coopération scientifique internationale, entamée en 1887, est de « constater l'état général du Ciel à l'époque actuelle229 ». Il s'agit, pour chaque établissement, de photographier une zone précise du firmament et de repérer toutes les étoiles sur les clichés obtenus. L'achat d'instruments adaptés et la mobilisation d'un personnel plus nombreux « entraînent pour les observatoires participants des dépenses considérables ». Benjamin Baillaud rappelle en 1899 que c'est « grâce à un crédit provisoire accordé par l'État [que] les observatoires français se sont mis à l'œuvre230 ».

71L'ascendant financier de l'État sur l'observatoire se fait au détriment de l'influence dont les édiles municipaux comptaient pouvoir encore jouer. Le déséquilibre entre les forces en présence n'est pas immédiat, il s'amplifie avec l'écart budgétaire.

  • 231 AMT, 2R 116, Inventaire des objets achetés par l'État pour l'observatoire de Toulouse, 2 juillet 1 (...)
  • 232 AMT, 2R 116, Premier inventaire du mobilier et du matériel de l'observatoire, s.d. [1873].

72Un an après son arrivée, Félix Tisserand prend soin de ne pas froisser les susceptibilités locales lorsqu'il compose les inventaires du matériel et des instruments présents à Jolimont. Il distingue « les objets achetés par l'État231 », de ceux « payés [...] par la ville232 ». Le maire de la ville, Étienne Ébelot, est associé à l'opération de recension et signe tous les documents établis. De la même manière en 1899, alors que les sommes attribuées par la municipalité et par la Capitale sont encore presque identiques, Benjamin Baillaud prévient le ministre de l'Instruction Publique qu'il n'est pas possible de retarder plus longtemps la promotion au rang d'aide astronome des boursiers municipaux, Charles Fabre et Édouard Jean. L'emprise locale est très forte et il ne peut être question d'ignorer que c'est la ville qui rémunère ces jeunes étudiants. Ne pas reconnaître, par une nomination officielle, les efforts de la ville pourrait paraître « humiliant », écrit Baillaud. L'astronome ajoute :

  • 233 AMT, 2R 95, Rapport adressé par l'astronome directeur à M. le Ministre de l'Instruction Publique d (...)

Le recrutement du personnel de nos observatoires ne peut se faire comme celui d'un grand observatoire. Nous devons nous préoccuper de donner satisfaction, dans la mesure du possible, à la municipalité qui fournit plus de la moitié de nos ressources233.

  • 234 AMT, 2R 95, Lettre du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts à Benjamin Baillaud, 11 (...)
  • 235 AMT, 2R 100, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 19 mai 1882.
  • 236 ADHG, 2O Toulouse 110, Lettre de Louis Liard au Préfet de la Haute-Garonne, 11 mars 1898.

73Dans les années 1870, les services parisiens reconnaissent implicitement l'importance de la subvention toulousaine et hésitent à revendiquer leur droit de propriété, pourtant légitime, sur l'observatoire. Le ministre évoque en septembre 1877, « la subvention annuelle allouée à l'État par la ville de Toulouse à titre de fonds de concours pour contribuer aux dépenses de son observatoire234 ». Le ton change au fur et à mesure que la part communale s'efface devant celle de l'État. Le directeur de l'institution savante proteste, en 1882, contre la lenteur des services de la ville pour le versement de la somme de 10 000 francs. Benjamin Baillaud explique au premier magistrat de la cité garonnaise, Louis Huc, qu'un « long retard amène chez les fournisseurs un mécontentement et des difficultés dont les résultats sont pour l'avenir une exactitude moindre à exécuter les travaux et une élévation notable des prix235 ». Les paiements municipaux sont de plus en plus tardifs, ce qui irrite l'astronome. Informé, le directeur de l'enseignement supérieur, Louis Liard, charge en 1898 le préfet de la Haute-Garonne de sermonner les édiles. L'accent comminatoire de sa missive laisse peu de place à la courtoisie diplomatique. Le haut fonctionnaire rappelle que « la ville de Toulouse s'est engagée à verser annuellement dans la Caisse du Trésor Public [.], une somme de 10 000 francs pour acquitter les dépenses de l'Observatoire ». Liard ajoute que la commune « n'ayant pas encore acquitté sa dette pour 1898 et ce retard étant de nature à entraver la marche régulière des services », il convient d'« insister auprès de M. le Maire pour qu'il prenne le plus promptement possible la disposition nécessaire en vue d'assurer le versement de la subvention précitée236 ».

  • 237 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 45.

74Interlocuteur respecté lorsqu'il finance à part égale l'observatoire avec l'État, le Conseil municipal est peu à peu assujetti au pouvoir central, lorsque celui-ci impose sa puissance économique dans la gestion de l'établissement. Ce recul des instances communales ne signifie pas que la ville se désintéresse totalement du bâtiment astronomique. Elle ne se contente pas d'assurer une participation annuelle, mais intervient, en dehors des lignes budgétaires habituelles, pour aider l'observatoire. Benjamin Baillaud remarque qu'en 1878, « Ébelot, Maire de Toulouse, avait de sa propre initiative, obtenu de la Municipalité, un crédit de quinze mille francs pendant trois ans pour former trois jeunes élèves237 ».

  • 238 AMT, 2R 102, Lettre du maire de Toulouse à Félix Tisserand, 10 mars 1877.
  • 239 AMT, 2R 102, Lettre de Félix Tisserand au maire de Toulouse, 19 mars 1877.
  • 240 Par exemple, AMT, 2R 100, Lettre du maire de Toulouse à Benjamin Baillaud, 9 janvier 1900.

75La commune s'investit régulièrement dans les financements annexes de l'établissement savant. Le 10 mars 1877, le premier magistrat de la cité garonnaise demande à Félix Tisserand de lui adresser ses « propositions sur les dépenses à faire pour le service de l'Observatoire238 ». Le directeur s'empresse de soumettre à la ville son projet « de publier prochainement un volume239 » d'Annales, regroupant l'ensemble des recherches entreprises depuis 1873. Par la suite, le Conseil municipal alloue pour chaque tome une somme destinée à éditer les travaux des astronomes240.

  • 241 AMT, 1D 122, Bulletin Municipal de la ville de Toulouse, n° 10, 3e année, octobre 1884, séance du (...)
  • 242 Ibid., f° 1812.

76L'État verse systématiquement les subventions indispensables au renouvellement de l'arsenal technique de l'établissement scientifique. Les moyens limités du pouvoir local ne lui permettent pas de rivaliser avec les subsides qu'investit l'autorité parisienne pour développer les capacités instrumentales des observatoires aux destinées desquels elle préside. Cependant la ville de Toulouse défend fermement sa prééminence passée en ce qui concerne les objets techniques. Le Conseil municipal n'oublie pas, après 1873, qu'il a, seul, acquis le télescope de 80 centimètres demandé par Frédéric Petit. En 1884, Baillaud constate que la monture en bois, trop instable, ne permet pas des « mesures micrométriques ». Il est nécessaire pour « reconstruire la monture de l'appareil, de substituer la fonte au bois ». L'astronome alerte les édiles. Il remarque que l'État a attribué une subvention de 15 000 francs « pendant trois ans ». Le devis fixe le prix total de l'opération à 40 000 francs. Le directeur de l'observatoire « demande à la ville les quinze mille francs qu'il est tout à fait impossible de se procurer autrement241 ». La municipalité reçoit avec enthousiasme cette proposition. Elle se déclare « entièrement dévouée à la science » et reconnaît avec une fierté non dissimulée qu'« une découverte dans le champ presque infini des phénomènes célestes [...] est une gloire pour la Ville où elle est faite et pour le pays242 ». La somme accordée est conçue comme le prix de l'orgueil communal, le moyen de s'inscrire modestement au côté d'un État prométhéen.

77Plus qu'une prise de contrôle officielle, réglée par des traités ou des conventions, le pouvoir central s'impose par sa puissance financière et s'empare de l'observatoire de Toulouse en marginalisant l'allocation municipale dans le budget de fonctionnement de l'établissement.

78L'administration parisienne, qui contrôle l'établissement savant grâce à sa capacité financière, impose ses modes de surveillance et de vérification des activités scientifiques.

Inspections et surveillance

  • 243 Observatoires astronomiques de province. Année 1879, Paris : Société d'Imprimerie et Librairie adm (...)

79L'observatoire de la cité garonnaise, ressuscité par le régime républicain, est inséré dans un système de contrôle très raffiné. L'architecture législative, bâtie dans les années 1870, instaure deux dispositifs pour surveiller l'état et l'activité de l'institution savante : l'inspection annuelle et la réunion, à Paris, d'un « Comité consultatif des observatoires astronomiques de province243 ».

  • 244 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 821. Décret d'organisation de l'Observatoire de T (...)
  • 245 Ibid., p. 844. Décret relatif aux Observatoires de l'État, 13 février 1873.

80La visite de vérification est prévue par le décret de 1872 qui stipule dans son article 5 que « tous les ans, l'Observatoire est inspecté par une Commission composée du maire de Toulouse, [.] d'un délégué du Conseil municipal de la ville, de deux délégués du Bureau des Longitudes et d'un délégué au Ministère de l'Instruction Publique ». Le rôle de cet aréopage est très clairement détaillé : il « visite l'établissement, entend les explications du directeur et présente au Ministre un rapport détaillé sur le personnel, le matériel, l'état des travaux et des publications244 ». Le texte de février 1873 qui réorganise l'ensemble des observatoires français, conserve l'inspection annuelle, mais réduit la commission à deux membres : « un délégué du Ministère de l'Instruction Publique et [.] un délégué du Conseil général ou de la municipalité, dans le cas où le département ou la ville contribue aux dépenses de l'Observatoire245 ».

  • 246 AMT, 2R 143, Lettre du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts au maire de Toulouse, (...)
  • 247 L'ensemble des missives nommant les représentants du ministre de l'Instruction Publique est regrou (...)
  • 248 AMT, 2R 143, Mairie de Toulouse, récapitulatif des personnels successivement désignés pour représe (...)

81L'examen in situ des activités de l'établissement astronomique est donc confié aux représentants de ses deux sources de financement. La mise en application de ces dispositions réglementaires est particulièrement lente, puisque la première inspection de l'observatoire de Toulouse n'intervient qu'en 1882. La composition de la délégation est étoffée puisqu'elle comprend, outre les légats de la municipalité et de l'autorité centrale, un membre de la faculté des sciences, nommé par le ministre de l'Instruction Publique, qui renforce ainsi son pouvoir. De 1882 à 1907, l'administration parisienne nomme systématiquement un « inspecteur d'Académie de la Haute-Garonne246 », Fraissinhes, Lostalot-Bachoué puis Istria. Les enseignants du supérieur successivement désignés sont Despeyrous, l'ancien directeur de l'observatoire, puis Légoux, titulaire de la chaire de mathématiques appliquées, Brillouin, professeur de physique, Stieltjes, professeur de mathématiques pures et enfin Paraf, maître de conférences à la faculté des sciences247. De son côté, le maire de la cité garonnaise propose le plus souvent un de ses adjoints pour le représenter lors de l'inspection. Il s'agit de 1882 à 1895 de Lavigne, Mabilleau, Doublé, Passerieu et Jaurès. Entre 1895 et 1897, le conseiller municipal Juppont est finalement choisi, avant que la ville ne désigne son ingénieur pour la représenter de 1898 à 1908248. Ce désintérêt ostensible de la commune à l'endroit de l'inspection annuelle, qui n'est plus assurée, à la fin de notre période, que par un membre du personnel technique de la cité, doit être rapproché de la domination progressive de l'État sur l'observatoire. Au fur et à mesure que le pouvoir central déploie sa puissance financière, la municipalité voit son rôle marginalisé. La nomination d'un ingénieur de la ville en lieu et place d'un adjoint, signale cette nouvelle distribution des pouvoirs et prend acte de leur dissymétrie.

  • 249 AMT, 2R 90, Lettre de M. Istria à Benjamin Baillaud, 12 février 1895.
  • 250 AMT, 2R 128, Lettre de Benjamin Baillaud au personnel de l'observatoire, 17 mars 1906.
  • 251 AMT, 2R 115, Rapport hebdomadaire de Henry Bourget du 14 au 21 mars 1905.

82L'organisation de l'inspection annuelle perpétue en quelque sorte le rituel de l'inventaire initié dans la première partie du xixe siècle. La visite se déroule selon un mode immuable et les rapports ensuite rédigés, traduisent, dans leur intangible structuration, le caractère protocolaire de la démarche. La délégation indique une date « pour la visite annuelle de l'observatoire249 » au directeur. Ce dernier informe alors ses collaborateurs de l'imminence de l'inspection et « invite chacun d'eux à y assister250 ». Surtout, les astronomes adjoints doivent veiller à ce que tout soit « mis en ordre et nettoyé dans [leur] service251 ».

  • 252 AN, F17, 3763, Rapport de la commission de l'observatoire de Toulouse, 11 avril 1900.
  • 253 Ibid., 23 mars 1890.
  • 254 Ibid., 8 avril 1895.
  • 255 AMT, 2R 143, Rapport de la commission de l'observatoire de Toulouse, 23 mars 1896.
  • 256 Ibid., 23 mars 1896.
  • 257 AN, F17, 3763, Rapport de la commission de l'observatoire de Toulouse, 28 mars 1897.
  • 258 Ibid., 11 avril 1900.
  • 259 AMT, 2R 143, Rapport de la commission de l'observatoire de Toulouse, 27 mars 1895.
  • 260 AMT, 2R 95, Lettre du directeur de l'enseignement supérieur à Benjamin Baillaud, 19 mai 1888.
  • 261 AMT, 2R 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique et des B (...)

83Les comptes rendus de cet examen annuel de l'institution astronomique détaillent le cérémonial. La commission explique en 1900 qu'elle « s'est transportée le vendredi 16 mars à l'observatoire, pour procéder à son inspection annuelle. Sous la conduite de Mr. le directeur elle a parcouru l'établissement252 ». Benjamin Baillaud fait parfois précéder la visite d'un discours dans lequel il expose les « modifications survenues dans le matériel et dans les services depuis l'année dernière, ainsi que [l]es projets en cours253 ». En 1895, le mémoire remis au ministre indique que la délégation a arpenté les services de l'observatoire sous la conduite de « Mr. le directeur assisté de son personnel254 ». La commission vérifie que « les répertoires du matériel et de la Bibliothèque [sont] régulièrement à jour255 », puis elle examine les bâtiments et les coupoles, ainsi que les instruments qui s'y trouvent. Les rapporteurs remarquent en 1896 que « les différents pavillons qui contiennent les appareils astronomiques proprement dits n'ont subi aucun changement » et que « tous les appareils sont en bon état256 ». Les modifications et les améliorations sont minutieusement répertoriées. Les moindres variations dans les bâtiments et les outils sont l'occasion pour la délégation de signaler le dynamisme de l'institution et le soin apporté à l'arsenal technique. Dans son rapport de 1897, la commission note ainsi qu'elle s'est particulièrement attachée « aux modifications survenues depuis l'année précédente ». Les inspecteurs remarquent avec satisfaction que « la cave magnétique dont le besoin était si urgent est enfin terminée et en plein fonctionnement257 ». Trois ans plus tard, le mémoire délivré au ministre de l'Instruction Publique insiste longuement sur les perfectionnements apportés au grand télescope, l'évocation des recherches scientifiques en cours est plus discrète et ne retient que les éléments les plus saillants258. Les rapporteurs se contentent d'écrire en 1895, que « parmi les travaux du service photographique », ils signalent « la belle épreuve de la nébuleuse d'Orion à pause de 4 heures reproduite en photogravure ». De la même manière, les considérations sur les employés de l'observatoire sont très laconiques. La commission note, toujours en 1895, que « le personnel était au complet259 ». L'inspection se termine invariablement par l'énoncé des transformations souhaitables, des réparations à effectuer et des progrès à apporter. Ces conclusions reprennent le plus souvent les desiderata du directeur lui-même. La confusion survenue après l'envoi au ministère du mémoire de 1888 indique clairement que les inspecteurs expriment les desseins de l'astronome à la tête de l'observatoire. Les services de l'administration centrale s'adressent à Benjamin Baillaud « après avoir pris connaissance du rapport de la commission chargée de l'inspection de l'observatoire », et lui font « part des remarques [...] qu'il a lui été donné de faire à ladite commission au cours de la visite ». Le ministère s'inquiète de ce que « les boussoles de variations pour l'étude du magnétisme terrestre » aient été installées « dans des conditions défectueuses », à proximité « des grandes masses d'acier et de fer des coupoles »260. Le directeur de l'établissement astronomique rassure ses interlocuteurs et avoue que « les remarques relatives à l'installation des instruments magnétiques ont été faites par [lui]-même à la commission ». Cette dernière a fidèlement relayé les craintes de Baillaud. La démarche de l'astronome avait pour but de précipiter l'ouverture d'un fonds qu'il avait précédemment réclamé « pour l'agrandissement [des] terrains vers le nord » de l'observatoire, où devait être établie « une cave magnétique qui serait surmontée d'un pavillon météorologique261 ».

84L'inspection de l'institution savante de la cité garonnaise, totalement ritualisée et codifiée, prolonge l'opération d'inventaire menée au début du xixe siècle et qui permettait à la ville de contrôler l'état du bâtiment qu'elle gérait. La visite instaurée sous la IIIe République, permet aux pouvoirs de tutelle, l'État et la municipalité, de surveiller à leur tour l'établissement astronomique qu'ils subventionnent.

85L'architecture et le corpus instrumental retiennent l'attention des délégations qui parcourent chaque année les coupoles et les pavillons. La qualité des travaux, les méthodes d'observation et les choix des objets de recherche n'intéressent guère la commission. Son rôle se limite principalement à relever dans ses rapports les moindres modifications dans les structures immobilières et les outils techniques. Benjamin Baillaud utilise ces visites pour faire accélérer des décisions ou appuyer des demandes.

  • 262 A. de Beauchamp, op. cit., T. III : 1875-1883, p. 292. Arrêté instituant un Comité consultatif des (...)

86Le second dispositif de contrôle, instauré par le régime républicain, s'organise autour d'un « Comité consultatif des Observatoires astronomiques de province », mis en place par l'arrêté du 27 novembre 1879. Ce texte remarque qu'il existe déjà « près l'Observatoire de Paris, un Conseil qui donne son avis sur les questions intéressant cet établissement ». Le législateur pense « qu'il est nécessaire d'assurer les mêmes avantages aux Observatoires astronomiques de province, dont l'importance devient tous les jours plus grande ». Le Comité « est institué au Ministère de l'Instruction Publique262 ». Cette structure a donc pour objectif de renforcer les liens entre les établissements astronomiques disséminés sur le territoire et l'État. La dépendance de chaque observatoire au pouvoir central s'inscrit dans un nouvel ordre administratif, qui contrôle d'une manière plus précise que les inspections, les pratiques savantes au sein des observatoires.

  • 263 La liste des membres du Comité consultatif des Observatoires de province est imprimée dans le rapp (...)

87Outre le ministre de l'Instruction Publique, le Comité réunit, en 1879, des membres parisiens de la communauté savante. On y retrouve les astronomes et académiciens Hervé Faye, Jules Janssen, Maurice Loewy, Ernest Mouchez et Félix Tisserand. Le physicien Marcelin Berthelot et E. Goepp, chef du deuxième bureau de l'enseignement supérieur, complètent cette autorité de surveillance263. Le Comité est chargé « de donner son avis sur toutes les questions qui lui seraient soumises par le ministre relativement à ces établissements ». Surtout, les directeurs des institutions astronomiques de province rédigent chaque année « un rapport détaillé sur la situation et les travaux de leurs Observatoires ». Ces documents sont examinés par le Comité consultatif « qui charge un de ses membres de résumer et de présenter la situation comparée des Observatoires de province ».

  • 264 A. de Beauchamp, op. cit., T. III : 1875-1883, p. 292. Arrêté instituant un Comité consultatif des (...)
  • 265 AMT, 2R 95, Lettre du ministre de l'Instruction Publique à Benjamin Baillaud, 11 janvier 1881.

88L'organisation du texte que doivent soumettre les astronomes est régie par des normes précises. L'arrêté ministériel indique les chapitres à aborder : « matériel, personnel, travaux accomplis par chacun des fonctionnaires de l'établissement264 ». Le ministre de l'Instruction Publique, Jules Ferry, prie les directeurs d'observatoires, dans une circulaire de 1881, « d'apporter le plus grand soin à la rédaction ». Ces documents « sont destinés à être publiés265 », ce qui doit pousser leurs auteurs à faire montre de rigueur et d'attention. Benjamin Baillaud qui rédige de 1879 à 1907 tous les rapports remis au Comité consultatif, respecte dans l'ensemble ces dispositions formelles.

  • 266 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », in Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supé (...)
  • 267 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », in Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supé (...)
  • 268 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », in Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supé (...)

89Le directeur passe en revue, pour chaque instrument, toutes les recherches entreprises, en notant le nombre d'observations réalisées. En 1889, l'astronome évoque les examens d'étoiles doubles à l'équatorial Brunner menés par Eugène Cosserat et Dominique Saint Blancat. « Il a été obtenu, écrit-il au Comité, 304 observations complètes de deux coordonnées, comprenant chacune quatre mesures de l'angle de position et quatre de la plus courte distance266. » L'emploi du temps des astronomes est minutieusement détaillé. Henry Bourget, au « grand télescope Gautier » a ainsi consacré en 1902 « 27 soirées à des observations diverses, savoirs : 8 soirées employées à des photographies de nébuleuses et d'amas faites simultanément au télescope et à l'astroplanar de Zeiss ; 14 consacrées à des essais préliminaires pour l'obtention des clichés de raccordement photométrique267 ». L'activité des astronomes est réduite à une suite de chiffres et une accumulation de séances. Cette recension des travaux doit mettre en avant l'ardeur du personnel, le zèle des observateurs et la productivité de l'établissement. Cette dernière est également mesurée à l'aune des recherches publiées. L'année 1896 est particulièrement fructueuse puisque Baillaud annonce que « les observations de planètes et de comètes faites par M. Rossard ainsi que les observations méridiennes de Vesta par Mr. Saint Blancat » ont été transmises « aux Comptes rendus et au Bulletin astronomique. Le directeur a lui-même édité un cours d'astronomie et a donné au Bulletin des sciences mathématiques une analyse détaillée des tomes III et IV du Traité de mécanique céleste de F. Tisserand268 ».

90Les rapports des observatoires de province, identiques dans leur forme et leur présentation, sont lus en séance et doivent permettre au Comité consultatif de synthétiser l'ensemble des recherches entreprises. Un texte final est ensuite rédigé par l'un des membres de l'organe de surveillance. Il constitue un préambule aux documents fournis par les directeurs. Ces introductions, publiées avec les rapports à partir de 1879, forgent l'image d'une activité astronomique coordonnée dans l'espace national et structurée selon un schéma visant à l'efficacité.

  • 269 Enquêtes et documents relatif à l'enseignement supérieur, T. XIX : Rapport sur les observatoires a (...)

91En 1883, le Comité consultatif assure que « les travaux accomplis [...] sont tous basés sur un plan mûrement concerté par MM. les directeurs ». L'organisation de ce réseau savant est « méthodique » et « dans ce plan de travail général, chaque observatoire accomplit la tâche propre qui lui est départie, en tenant compte de toutes les conditions particulières où il se trouve placé ». L'agencement global de la cartographie astronomique française doit « éviter les superfétations [...] et permet d'embrasser toutes les branches de l'astronomie269 ».

  • 270 Enquêtes et documents relatif à l'enseignement supérieur, T. XX : Rapport sur les observatoires as (...)
  • 271 Enquêtes et documents relatif à l'enseignement supérieur, T. VIII : Rapport sur les observatoires (...)

92Le ton employé dans les rapports du Comité, ainsi que le registre lexical mobilisé, décrivent une pratique savante bouillonnante. Marcel Loewy, astronome à l'observatoire de Paris, assure en 1885 « que partout [...] règne la plus grande activité270 ». Le texte de présentation de 1882 souligne que les astronomes « ont pu recueillir une abondante moisson d'observations précieuses destinées à servir de point de départ pour de nombreuses et importantes recherches271 ».

  • 272 AN, F17 3752, Comité consultatif des observatoires de province, séance du jeudi 25 mars 1880.

93Les rapports du Comité consultatif des observatoires de province sont l'occasion de magnifier le rôle de l'État, de célébrer un culte aux efforts déployés par le Ministère et de rendre un hommage appuyé aux munificences du pouvoir républicain. Dumont rappelle, lors de la séance du 25 mars 1880 que « les chambres sont très désireuses de faire, mais elles ont besoin d'être éclairées. C'est ce que [fait] la publication [des] rapports272 ».

94La synthèse de 1883 salue une « situation favorable » des établissements français et, s'adressant au ministre de l'Instruction Publique, les membres du Comité écrivent :

  • 273 Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XIV : Rapport sur les observatoires (...)

Nous avons le devoir [...] d'en rapporter pour une grande part à votre administration qui a entrepris et dirigé cette œuvre de réforme de l'astronomie française avec une constante sollicitude, et nous saisissons avec empressement l'occasion qui nous est offerte, pour vous adresser l'expression de notre vive gratitude273.

  • 274 Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XCIC : Rapport sur les observatoires (...)
  • 275 Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XIV : Rapport sur les observatoires (...)
  • 276 Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XCIC : Rapport sur les observatoires (...)

95En 1908, le mémoire introductif conserve cette profonde déférence à l'égard de l'autorité politique et assure que « ce sera pour tous une grande satisfaction que d'avoir par la lecture de ces rapports, la preuve patente que les sacrifices faits par les pouvoirs publics pour l'astronomie aboutissent aux plus heureux et importants résultats274 ». Ce lyrisme flagorneur et presque obséquieux construit une représentation flatteuse de la recherche astronomique, engagée dans une « marche régulière275 » et laissant dans ses prodigieux développements une « impression [...] heureuse276 ».

96Émulation du ministère de l'Instruction Publique, le Comité consultatif des observatoires de province célèbre, dans ses rapports successifs, ce qu'il considère comme l'impulsion créatrice de la IIIe République et s'attache à souligner le bon usage des subsides reçus. Cependant, les correspondances, les échanges informels entre l'organe de surveillance et le directeur de l'établissement toulousain, révèlent des tensions latentes et des mots bien plus vifs que ceux qui sont imprimés.

97Les astronomes parisiens qui évaluent le travail de leurs homologues provinciaux font preuve, dans leurs relations épistolaires, d'une grande sévérité et d'un dirigisme très autoritaire. Le directeur de l'enseignement signale à Benjamin Baillaud en 1881 que « la recherche des petites planètes » qu'il propose dans son rapport annuel « est depuis longtemps organisée [.] dans beaucoup d'Observatoires tant en France qu'à l'étranger ». Reprenant la remarque du Comité consultatif, il ajoute « qu'il n'y a aucune opportunité à entreprendre ce genre de travail qui n'est provoqué par aucune nécessité scientifique et n'est plus aujourd'hui de nature à jeter un grand éclat sur un Observatoire ». Dans la même lettre, le représentant de l'administration ministérielle revient sur une remarque générale formulée par l'organe de surveillance de l'astronomie qui a constaté que :

  • 277 AN, F17, 3763, Lettre du directeur de l'enseignement supérieur à Benjamin Baillaud, 1881.

MM. les Directeurs de province consacrent une partie très notable de leur temps à l'organisation du service météorologique et magnétique, ainsi qu'à la direction de ce genre de travaux. Il en résulte des inconvénients sérieux pour les études astronomiques. La météorologie est de nos jours, assez grandement organisée [...].
Il n'est donc plus nécessaire de faire de ces travaux un objet d'études dans les observatoires277.

98Le ton est ferme et directif ; il contraste avec les discours imprimés à la gloire d'une science harmonieusement structurée. Le Comité consultatif s'implique avec autorité dans le choix des recherches entreprises, il décourage les projets qu'il juge superfétatoires. Plus qu'une surveillance des activités savantes, il organise et gère la pratique, distribue les secteurs de recherche et ajuste la répartition entre les différentes sciences de l'observatoire.

  • 278 AMT, 2R 95, Lettre du ministre de l'Instruction Publique à Benjamin Baillaud, 20 mars 1880.
  • 279 AMT, 2R 95, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 15 avril 1880.

99Les correspondances, plus discrètes que les rapports édités, déploient une rhétorique parfois coercitive et comminatoire. Lorsque Benjamin Baillaud fait parvenir sa synthèse pour l'établissement toulousain en 1880, il reçoit une lettre de Jules Ferry, ministre de l'Instruction Publique et président du Comité consultatif, qui constate « que l'observatoire de Toulouse a fort peu produit [en 1879] dans le domaine des observatoires astronomiques ». Il conclut sèchement sa missive : « J'appelle votre plus sérieuse attention sur ces critiques, persuadé que vous saurez en tenir compte et imprimer à vos collaborateurs toute l'activité que nous sommes en droit d'attendre d'eux et de vous278. » Baillaud, sommé de s'expliquer à la fois sur l'apathie générale de ses collaborateurs et son incapacité à impulser une action générale, fournit une réponse embarrassée. Il avoue que « la désorganisation du personnel de l'observatoire résultant de ce que MM. Perrotin et Bigourdan s'attendaient à [les] quitter d'un jour à l'autre a certainement eu sur les travaux une influence fâcheuse ; il a été impossible d'avoir sur eux la même influence que je peux avoir sur le personnel actuel279 ».

  • 280 L'observatoire de Toulouse n'est pas le seul établissement à subir les foudres du Comité consultat (...)

100Le rappel à l'ordre du Comité consultatif, par la voix du ministre, montre l'implication totale de l'état dans la sphère scientifique280. Le pouvoir central, s'il octroie des fonds, exige en retour des observatoires une certaine qualité dans les travaux. L'organe de contrôle, fondé en 1879, se fait fort de suivre minutieusement l'activité des établissements astronomiques, de redéfinir, au besoin avec force, les contours de la pratique savante, et de veiller au zèle des agents de l'État dispersés sur le territoire. Les rapports publiés nourrissent une image élogieuse d'une astronomie française foisonnante et énergique. Toutefois, les correspondances rectifient les écarts et révèlent avec sévérité les insuffisances. Les inspections annuelles et la surveillance du Comité consultatif sont deux modes de contrôle et de gestion des observatoires de province, mis en place par le régime républicain. Les visites instaurent, à Toulouse, une présence visible des autorités de tutelle. Elles permettent de relayer les demandes financières de Benjamin Baillaud. Le Comité supervise l'ensemble des établissements répartis sur le territoire et dirige de manière souterraine l'orientation scientifique générale. La réorganisation de l'astronomie, impulsée par les premiers gouvernements républicains à partir de 1872, ne s'appuie pas uniquement sur l'élaboration d'un double système de surveillance des pratiques savantes au sein de chaque institution astronomique. Elle s'attache également à développer le corpus instrumental et à étendre l'espace d'observation.

Extension des moyens techniques et expansion de l'espace d'observation

  • 281 Jim A. Bennett, « On the power of penetrating into space : the telescopes of William Herschel », J (...)
  • 282 Dieter B. Hermann, The history of astronomy from Herschel to Hertzprung, Cambridge : Cambridge Uni (...)
  • 283 Dieter B. Hermann donne un aperçu général de cette évolution au xixe siècle dans le quatrième chap (...)
  • 284 W. Tobin, op. cit., p. 251.

101Les changements impulsés par le nouveau régime dans les années 1870 coïncident avec un essor technique majeur. Les instruments de grande taille ne sont plus réservés aux seuls observateurs fortunés, comme Herschel281 au xviiie siècle ou Lord Rosse au milieu du xixe siècle282. Les constructeurs s'en emparent, les perfectionnent en lien avec les astronomes et permettent la généralisation de leur usage283. Les innovations optiques de Léon Foucault autorisent à partir du Second Empire « la construction de miroirs énormes284 ». Outre les télescopes, les équatoriaux et les cercles méridiens sont peu à peu introduits au sein des observatoires français, dans leurs dimensions les plus imposantes.

102Il convient d'examiner pour Toulouse, l'émergence de ce nouvel arsenal technique dont l'inscription dans le paysage modifie la topographie des lieux. Les astronomes poursuivent l'entreprise de claustration, déjà menée par Frédéric Petit avant 1870. L'établissement savant de la cité garonnaise s'abstrait de son environnement, cherche à s'isoler du grondement urbain et à détourner les provignements de plus en plus rapides d'une ville en pleine expansion. Les alentours de l'observatoire font l'objet d'une lutte permanente pour préserver le confinement de la pratique savante. Lorsque cette dernière paraît menacée, les astronomes toulousains s'installent ailleurs, notamment sur les hauteurs du Pic du Midi.

L'ère des grands instruments : l'archipel des coupoles

103Le corpus technique de l'observatoire de Toulouse est totalement remodelé dans les premières années du régime républicain. Alors qu'il négocie en 1871 une reprise en main par l'État de l'établissement astronomique, Théodore Despeyrous ne manque pas de souligner les insuffisances instrumentales et l'obsolescence des outils scientifiques qui s'y trouvent. L'ancien directeur décrit à Charles Delaunay, à la fin de l'année 1871, l'arsenal en place :

  • 285 AOP, Ms, 1060 V, Lettre de Théodore Despeyrous à Charles Delaunay, 9 novembre 1871.

La lunette méridienne est celle que possédait l'Observatoire de Paris au commencement de ce siècle et qui a été mise au rebut en 1839 ; le cercle mural construit par Bird est celui dont s'est servi l'illustre Lalande à la fin du siècle dernier ; l'équatorial ne mérite plus le nom d'instrument de précision ; la pendule moyenne, construite par Berthoud ne peut plus être réparée285.

  • 286 Ibid., 31 décembre 1871.

104De cet inventaire patrimonial médiocre et dépassé, Despeyrous ne sauve que le télescope de 33 centimètres, construit par Foucault. Le professeur d'astronomie précise qu'un « objet similaire de 80 cm est en cours d'acquisition ». Il relève la « valeur historique » des autres objets présents dans l'observatoire, mais leur dénie toute « valeur scientifique286 ».

105Le capital technique réuni par Frédéric Petit pendant sa direction est donc présenté comme désuet et suranné. Cet arsenal instrumental est effectivement délaissé par les nouveaux directeurs. En revanche, il intéresse le contre-amiral Mouchez de l'observatoire de Paris qui, en 1879 fonde un musée d'histoire de l'astronomie qu'il compte garnir d'outils devenus inutiles en raison du renouvellement technique accéléré. Il décrit ainsi son projet :

  • 287 Ernest Mouchez, Rapports annuels de l'Observatoire de Paris, Paris : Gauthier-Villars, T. I, 1878- (...)

J'ai [...] pensé qu'il y aurait une grande utilité de rechercher tous les instruments anciens qu'on pourrait encore acquérir par achat ou par don [...]. On pourrait ainsi réunir dans des vitrines toujours surveillées les instruments qui ont servi à établir la base du système métrique287.

  • 288 AMT, 2R 95, Lettre du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts à Benjamin Baillaud, 30 (...)
  • 289 AMT, 2R 95, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 1 (...)

106L'astronome parisien contacte Benjamin Baillaud en 1880 et lui demande quels sont les objets dont il pourrait se séparer afin d'étoffer la collection du musée qu'il ébauche. Le savant de la cité garonnaise cède « trois des anciens instruments appartenant à l'Observatoire de Toulouse [...] [à] savoir : le quart de cercle de Lalande, le sextant de Lacaille et un grand secteur en cuivre288 », c'est-à-dire précisément les objets que Frédéric Petit avait choisis pour remplacer ceux de François Garipuy. Baillaud explique en 1881 « qu'il y a bien peu d'intérêt à ce que ces instruments restent à Toulouse, où ils demeurent ignorés et en quelque sorte perdus289 ».

107Le processus de réorganisation technique s'accélère sous la IIIe République. Si le xviiie siècle se caractérisait par une grande stabilité des arsenaux scientifiques, le xixe siècle, au contraire, instaure des ruptures répétées et de plus en plus fréquentes dans la constitution du patrimoine instrumental de l'observatoire.

  • 290 J. Payen, « Les constructeurs d'instruments scientifiques en France au xixe siècle », art. cité, p (...)
  • 291 AMT, 2R 110, Lettre de Félix Tisserand au maire de Toulouse, 3 mai 1875.
  • 292 B. Baillaud, « Notices sur le développement successif des études astronomiques à Toulouse », Revue (...)
  • 293 AMT 1D 70, Registre des délibérations du Conseil municipal (1873-1874), séance du 21 janvier 1874, (...)
  • 294 AMT, 2R 110, Lettre de Secrétan à Félix Tisserand, 30 avril 1873.
  • 295 AMT, 2R 110, Lettre de Secrétan à Félix Tisserand, 29 mai 1873.
  • 296 AMT, 2R 110, Lettre de Secrétan à Félix Tisserand, 30 avril 1873.

108En arrivant dans la cité garonnaise en 1872, Félix Tisserand doit constituer, en hâte, un nouvel équipement technique. Il emploie les premiers fonds qu'il reçoit pour acheter au fabricant parisien très renommé Eichens290, un « beau chercheur de comète coûtant 12 000 fr., dont l'objectif a sept pouces ouvertures291 ». Il l'installe « dans une construction élevée au sommet de l'Observatoire ». Le directeur de l'établissement reçoit également le télescope de 80 centimètres, commandé par Frédéric Petit, promis à Pierre-Adolphe Daguin et enfin livré en 1875292. L'objet technique a été entièrement payé par la ville de Toulouse293. Tisserand, afin d'enrichir son corpus instrumental, s'adresse en 1873 au constructeur parisien Secrétan pour obtenir une lunette équatoriale. L'ingénieur de la Capitale comprend que l'établissement de la cité garonnaise « ne dispose pas d'un crédit illimité » et doit « regarder un peu à la dépense ». Il propose à l'astronome toulousain d'acquérir une lunette équatoriale de 108 millimètres dont il connaît le propriétaire. Celui-ci s'en séparerait « moyennant 2 500 fr. ». Secrétan assure que même « vendu à un prix très bas, l'instrument est en parfait état de conservation et ne laisse rien à désirer au point de sa construction294 ». Séduit par cette proposition, Tisserand achète l'objet295 que convoitait l'observatoire de Paris296. Il s'agit là du dernier objet de seconde main agrégé au corpus instrumental de l'établissement astronomique toulousain. Ce mode d'acquisition était encore fréquemment utilisé sous le Second Empire ; il disparaît totalement avec la IIIe République. Le prêt, comme nous le verrons dans un prochain chapitre, subsiste encore et structure les solidarités savantes provinciales. Cependant il ne concerne que des instruments de petite taille, utilisés en appoint.

109L'achat direct aux constructeurs d'instruments devient, à partir des années 1870, le mode d'acquisition dominant pour l'observatoire de la cité garonnaise. Cette rupture dans l'économie technique est liée à l'évolution du matériel disponible.

  • 297 D. B. Hermann, op. cit., p. 158.
  • 298 A. van Helden, « Telescope building, 1850-1900 », art. cité, p. 40.
  • 299 D. B. Hermann, op. cit., p. 160.
  • 300 B. Baillaud, « Notices sur le développement successif des études astronomiques à Toulouse », art. (...)
  • 301 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'observatoire de Toulouse », art. cité, p. 278.

110Dieter B. Hermann remarque que « the active industrial production of astronomical instruments grew throughout the course of the nineteenth century. This was closely connected with the development of measuring instruments, tools, and technical equipment of other sciences297 ». Les fabricants d'outils scientifiques s'attachent d'abord à développer les techniques relatives aux télescopes. Albert Van Helden souligne que « the period 1850-1900 saw the growth of the refracting telescope to the greatest size it has attained to date, and also the introduction of the modern reflecting telescope with its metal-coated glass miror298 ». Les autres types d'instruments astronomiques profitent de ces transformations et, assure Hermann, « at the turn of the nineteenth century a new epoch of refractors was initiated299 ». L'astronomie française épouse les contours de cette évolution technique qui accroît la puissance des outils d'observation. Le matériel acheté par Félix Tisserand est, en outre, très rapidement frappé d'obsolescence. Benjamin Baillaud souligne en 1889 que les objets rassemblés par son prédécesseur sont « insuffisants pour les travaux difficiles que l'on attend des Observatoires publics300 ». Le chercheur de comètes de Eichens « est trop instable pour servir à autre chose qu'à la recherche des petites planètes, et trop petit pour que cette que cette recherche pût être continuée longtemps ». Enfin, la monture en bois du télescope de 80 centimètres « n'obéissait pas au mouvement d'horlogerie, ce qui rendait inutile les mesures micrométriques301 ».

111Le contexte politique favorable de la IIIe République, engagée dans une réorganisation complète des observatoires, favorise donc l'acquisition d'objets de grande dimension. Toutefois, les efforts financiers déployés dans les années 1870 pour ériger ou rétablir des établissements astronomiques n'impliquent pas que l'État délivre automatiquement les instruments. Il s'agit au contraire d'une démarche volontaire et active du directeur qui doit argumenter et convaincre le ministère de lui allouer les fonds nécessaires.

  • 302 AMT, 2R 110, Lettre de Félix Tisserand au ministre de l'Instruction Publique, 7 mai 1876.

112Tisserand souhaite en 1876 faire installer un « équatorial de neuf pouces d'ouverture » à Toulouse. Il a pour cela demandé « un devis estimatif des frères Brunner, constructeur à Paris » auxquels il pense « confier l'exécution de l'instrument ». L'astronome explique au ministre de l'Instruction Publique que la dépense est évaluée à « soixante mille francs ». Il insiste sur le fait « que cet instrument [...] est tout à fait indispensable ». Tisserand souligne que « tout observatoire sérieux en possède un semblable » et que « l'Observatoire de Marseille a le sien depuis plus de deux ans ». Le directeur met ainsi en exergue une dissymétrie dans le traitement des établissements astronomiques de province. Implicitement, il redoute que Toulouse puisse pâtir de l'absence d'un équatorial. Tisserand assène un dernier argument pour obtenir son instrument : sa demande est appuyée par le « Conseil général des Observatoires302 ».

  • 303 AMT, 2R 135, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 21 mars 1879.
  • 304 Ibid., 12 avril 1880.

113La rhétorique déployée par Benjamin Baillaud en 1879 pour obtenir un cercle méridien est très proche de celle utilisée par son prédécesseur. Ses développements sont même plus subtils et plus raffinés, puisqu'ils cherchent à inscrire cette nouvelle demande dans le prolongement des objets déjà acquis. Le directeur, dans sa lettre au ministre en mars 1879, décrit par le menu les multiples possibilités qu'offrira la lunette équatoriale commandée par Tisserand aux frères Brunner : elle va « permettre d'entreprendre des travaux de longue haleine, notamment la vérification et l'étude des catalogues d'étoiles multiples en vue de la détermination des mouvements propres de ces systèmes stellaires ». Le nouvel outil technique donnera à Toulouse l'occasion « de prendre une part active à l'observation de nombreuses petites planètes, dont il est urgent que tous les observatoires s'occupent ». Baillaud s'empresse d'ajouter, avec gravité, que « ces deux sortes d'observations et toutes celles qui nécessitent des mesures précises, imposent aux observateurs la nécessité de déterminer les étoiles de comparaison. Ces déterminations, précise l'astronome, sont impossibles à l'observatoire de Toulouse, qui ne possède pas d'instrument méridien ». La démonstration du directeur de l'établissement astronomique pour obtenir un tel objet repose sur l'idée qu'il existe une complémentarité entre l'équatorial et le cercle méridien. Ces deux outils forment donc un continuum technique, et Baillaud soutient que l'achat du premier implique inéluctablement l'acquisition du second. Le reste de l'argumentaire souligne, comme l'avait fait Tisserand en 1876 pour la lunette équatoriale, que « tous les observatoires sans exception, ont un instrument méridien construit suivant les exigences de l'astronomie moderne303 ». De même, Baillaud rappelle au ministre que le Comité consultatif des établissements de province a exprimé « le vœu que l'Observatoire de Toulouse soit doté dans les plus brefs délais d'un cercle méridien de 7 pouces d'ouverture304 ».

114Les directeurs de l'établissement savant de la cité garonnaise mènent donc une entreprise de persuasion pour obtenir les grands instruments qui constituent à partir des années 1870, l'essentiel du capital technique des observatoires.

  • 305 Congrès astrophotographique international tenu à l'Observatoire de Paris pour le levé de la Carte (...)
  • 306 Ileana Chinnici, La Carte du ciel. Correspondance inédite conservée dans les archives de l'Observa (...)

115Un seul objet est installé à Toulouse sans que Benjamin Baillaud ait eu à le réclamer : l'équatorial photographique de la Carte du ciel. Le vaste projet international mené à l'initiative du contre-amiral Mouchez à partir de 1887, afin d'établir « l'Inventaire exact et aussi complet que possible de l'univers perceptible à la fin du xixe siècle305 » nécessite l'emploi d'instruments d'observations spécifiques. En France, Paris, Toulouse, Bordeaux et Alger s'associent à l'entreprise. Mouchez « réussit à obtenir du Gouvernement le financement pour la construction de trois grands équatoriaux photographiques destinés à autant d'observatoires de province306 ». Ainsi l'établissement de la cité garonnaise obtient l'outil destiné à cartographier le ciel sans avoir à argumenter, ni à convaincre le pouvoir central.

  • 307 J. Payen, « Les constructeurs d'instruments scientifiques en France au xixe siècle », art. cité, p (...)

116Les demandes des institutions astronomiques réparties sur le territoire national, pour constituer leur capital d'instruments de grande taille, contribuent à modifier un marché technique déjà en pleine mutation. Jacques Payen souligne que l'industrie française des objets scientifiques est en proie, dans la dernière partie du xixe siècle, à de sourdes inquiétudes face à la concurrence étrangère307.

  • 308 Solange Grillot, « Les instruments des observatoires français au xixe siècle », L'astronomie, vol. (...)
  • 309 J. Payen, « Les constructeurs d'instruments scientifiques en France au xixe siècle », art. cité, p (...)
  • 310 S. Grillot, « Les instruments des observatoires français au xixe siècle », art. cité, p. 282-284.
  • 311 J. Payen, « Les constructeurs d'instruments scientifiques en France au xixe siècle », art. cité, p (...)
  • 312 Ibid., p. 136.
  • 313 S. Grillot, « Les instruments des observatoires français au xixe siècle », art. cité, p. 282-283.
  • 314 J. Payen, « Les constructeurs d'instruments scientifiques en France au xixe siècle », art. cité, p (...)

117L'économie technique est centrée sur la Capitale et se concentre, pour l'astronomie, autour de quelques noms seulement. Les outils de grande taille sont coûteux et complexes, ils nécessitent des moyens de construction importants. Dans ce contexte très sélectif, le marché des objets techniques se rétracte considérablement. Louis Secrétan fournit les télescopes des établissements de Marseille, Toulouse et Paris308 et conserve « une grande importance à la fin du xixe siècle pour les instruments d'astronomie, géodésie, topographie, nivellement et physique309 ». Émile et Léon Brunner construisent les lunettes équatoriales de Toulouse, Lyon et Paris310 et bâtissent une œuvre instrumentale « considérable311 ». La maison Paul Gautier, fondée en 1876, absorbe celle d'Eichens en 1866312, et domine ensuite outrageusement l'économie des outils d'observation de grande taille. Cet atelier conçoit et réalise les équatoriaux de Besançon, Bordeaux, et Meudon, les méridiennes de Besançon, Nice, Toulouse, Alger et Meudon, ainsi qu'un télescope de 100 centimètres dans ce dernier observatoire313. La familiarité de Paul Gautier avec les instances décisionnaires de l'astronomie française explique pour une part la surabondance de ses productions dans les établissements réorganisés par la IIIe République. L'ingénieur « était "artiste" du Bureau des Longitudes, l'adresse de la maison était 56 bd Arago, c'est-à-dire à proximité de l'Observatoire314 ».

  • 315 Charles Trépied, Commentaires des décisions prises par les Conférences Internationales qui se réun (...)
  • 316 I. Chinnici, La Carte du ciel, op. cit., p. 8.
  • 317 Ibid., p. 4.
  • 318 Gautier, quant à lui, fabrique la « monture équatoriale d'horlogerie » (AMT, 2R 137, Traité pour l (...)

118L'espace marchand réduit contribue à une certaine homogénéité du corpus technique des établissements astronomiques français de la fin du xixe siècle. L'uniformisation technique se généralise notamment grâce à la construction des équatoriaux photographiques de la Carte du ciel. Le comité qui pilote l'opération entreprend de fixer les caractéristiques du futur outil scientifique : « les instruments employés seront exclusivement des réfracteurs [...] la distance focale de l'objectif doit être de 3m43 et à la limite supérieure de son ouverture 0m33315 ». La plupart des astrographes équipant les dix-huit observatoires dans le monde associés à ce projet, sont « du type Henry-Gautier utilisé à l'Observatoire316 » de Paris, à l'exception des variantes de Grubb à Dublin et de Repsold à Hambourg. Les frères Paul et Prosper Henry, astronomes et opticiens au sein de l'établissement de la Capitale, travaillent depuis 1879 dans un « atelier photographique317 » et mettent au point un objectif qui constitue la matrice de tous les objectifs mis en place dans les observatoires participant à la Carte du ciel318. Cette immense entreprise de coopération scientifique se double ainsi d'une standardisation massive des techniques instrumentales.

119Le capital technique des observatoires français à la fin du xixe siècle semble homogène dans ses sources d'approvisionnement. Il l'est également dans sa composition. En effet, l'idée que chaque établissement doit posséder un corpus-type d'outils, émerge peu à peu pendant cette période.

  • 319 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport sur l'état et le fonctionnement de l'Observatoire de Toulouse en (...)
  • 320 S. Grillot, « Les instruments des observatoires français au xixe siècle », art. cité, p. 283.

120Baillaud remarque, dans le rapport adressé au ministre en 1891, que le cercle méridien qu'il vient de recevoir « complète de la façon la plus heureuse [leur] collection319 ». Solange Grillot note que dans la dernière partie du xixe siècle, « un observatoire de province possède toujours deux ou trois équatoriaux et un ou deux cercles méridiens320 ». Toulouse, Marseille et Alger disposent en outre d'un télescope.

  • 321 Émile Paloque, Roger Bouigue, « L'observatoire de Toulouse. Historique, travaux, outillage. Récent (...)

121En 1908, lors du départ de Benjamin Baillaud, l'établissement de la cité garonnaise renferme quatre instruments de grande dimension : un équatorial de Brunner installé dès 1880, un télescope de 80 centimètres dont la monture en bois a été remplacée par une structure en fonte de Gautier en 1880, un astrographe érigé en 1890 et un cercle méridien mis en place la même année321.

122L'acquisition de ces outils suppose des procédures précises et des aménagements particuliers. Après la réception du télescope de 80 centimètres de Secrétan en 1875, la ville n'intervient plus dans les tractations relatives aux achats d'instruments. Ce retrait est un nouveau signe de son effacement progressif au profit d'un État qui dispense sa munificence pour équiper ses observatoires. Les traités sont donc signés entre les constructeurs et le directeur de l'établissement astronomique.

  • 322 AMT, 2R 101, Extrait du Bulletin administratif de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, n° 393 (...)

123Quels que soient ses représentants, l'État impose une législation très précise qui régule l'économie instrumentale et l'organise pour tous les observatoires. L'État supervise les constructions et contrôle l'exécution, il s'adapte à l'évolution de l'économie instrumentale. Le décret de 1862 qui régit le mode de paiement des outils techniques « rend parfois impossible de traiter avec certains constructeurs d'instruments astronomiques qui sont dans l'usage de demander, avant le commencement des travaux, une avance de fonds égale au tiers du marché ». Un nouveau texte est promulgué en novembre 1876 ; il décrète que « les marchés de gré à gré, passés par le Ministre de l'Instruction Publique, pour la construction des instruments scientifiques et de précision pourront stipuler, en faveur des constructeurs, des avances de fonds qui ne devront jamais excéder le tiers du total de la dépense322 ».

124Le pouvoir central parvient, à la fin du xixe siècle, à encadrer le marché des instruments astronomiques et à organiser son fonctionnement. Le projet républicain visant à créer ou à développer des observatoires sur le territoire national s'accompagne d'une uniformisation de l'économie technique entre les mains de quelques artistes, et soumis à un régime législatif précisant l'ensemble des procédures d'acquisition.

  • 323 B. Baillaud, « Notices sur le développement successif des études astronomiques à Toulouse », art. (...)

125L'intrusion des instruments de grande dimension dans l'observatoire modifie l'agencement du lieu. Il est nécessaire, pour les placer convenablement, de trouver des espaces appropriés. Benjamin Baillaud relate, en 1889, les efforts de son prédécesseur pour obtenir « de la ville, l'agrandissement des terrains du côté sud323 ». Cette extension de la surface de l'établissement permet de construire des coupoles ou des pavillons pour y abriter les outils scientifiques. La taille inhabituelle de ces derniers oblige à les séparer du bâtiment principal et brise l'unité du lieu. L'observatoire est donc un espace fragmenté qui prend désormais la forme d'un archipel d'édifices consacrés à l'examen du ciel.

  • 324 AMT, 2R 137, Lettre de Paul Gautier à Benjamin Baillaud, 28 septembre 1885.
  • 325 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport sur l'état et le fonctionnement de l'Observatoire de Toulouse en (...)

126L'architecture des coupoles répond à des impératifs précis. Elles enveloppent les objets techniques et doivent leur laisser la plus grande liberté de mouvement. En 1885, Paul Gautier donne ses conseils à Benjamin Baillaud pour ériger un bâtiment adapté à l'astrographe : « Il n'y a aucun inconvénient, écrit l'artiste parisien, à donner à la coupole [un] diamètre [...] [de] 6,50 m. vous pouvez également augmenter la hauteur de la Tour pourvu que son rapport avec le pilier soit le même324. » L'aménagement du lieu doit permettre une protection optimale de l'instrument. La salle méridienne n'est pas une coupole, mais un bâtiment avec un toit s'ouvrant en deux parties au faîtage pour permettre le pointage de la lunette au méridien. Sa conception intègre les indispensables précautions qui concourent à la conservation de l'outil. Baillaud explique en 1891 que cette pièce est « complètement achevée ». Il ajoute qu'« elle est revêtue sur toutes les faces d'un lambris en bois isolé des murs325 ».

  • 326 AMT, 2R 110, Lettre de Félix Tisserand au ministre de l'Instruction Publique, 7 mai 1876.

127La construction des coupoles est confiée à des ouvriers toulousains et c'est un architecte de la ville qui supervise les travaux. Félix Tisserand signale au ministre en mai 1876 qu'en prévision d'une acquisition de l'équatorial, il a « fait faire un devis des dépenses pour la construction de la coupole de l'équatorial par M. Fitte, architecte de la ville [.] depuis longtemps familiarisé avec les constructions de [l'] observatoire326 ». L'érection des bâtiments destinés à recevoir les grands instruments témoigne d'une division des tâches particulières : les artistes parisiens fabriquent des objets sans avoir à respecter de contraintes architecturales, tandis que les maîtres d'œuvre de la cité garonnaise adaptent le bâti protecteur aux outils techniques grâce à une connaissance intime des lieux. Les ressources de la Capitale et de Toulouse sont donc complémentaires et leur répartition souligne davantage encore le renforcement de la polarisation parisienne dans le domaine de la création d'instrument.

128Si l'économie technique de la fin du xixe siècle est marquée à Toulouse par l'irruption d'objets scientifiques de grande dimension, cela ne signifie pas que les astronomes ne se procurent pas d'outils plus petits. Toutefois, il s'agit le plus souvent d'instruments destinés à compléter l'équipement des coupoles ou bien à étoffer les services météorologique et magnétique naissants.

  • 327 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport présenté à M. le Ministre de l'Instruction Publique sur les trava (...)

129Dans son rapport envoyé au ministre de l'Instruction Publique en 1892, Baillaud écrit qu'« aucune modification n'a été introduite dans les grands instruments d'observation ». En revanche, souligne l'astronome, « leur ensemble a été considérablement amélioré par l'établissement de trois excellentes pendules dues à M. Fénon ». Les micromètres, indispensables outils de repérage installés au foyer des instruments, complètent leur équipement. L'observatoire de Toulouse en commande un « à très grand champ » en 1892 pour remplacer un oculaire « qui ne permet pas des pointés de haute précision327 ».

130Les études magnétiques et climatiques s'inscrivent, elles aussi, dans le paysage et se joignent à la constellation de coupoles qui entoure le bâtiment principal de l'observatoire.

  • 328 AMT, 2R 97, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 23 mars 1894.

131Baillaud fait ériger, en 1894, un « pavillon météorologique [.] en forme de salle méridienne nécessaire pour la détermination de [la] longitude et de [la] latitude ». Une telle installation nécessite de délicats aménagements : des « travaux de terrassement » sont indispensables ainsi que « la plantation d'arbustes à feuilles persistantes [.] destinés à supprimer la réverbération qui fausserait les indications des thermomètres328 ».

  • 329 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », in Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supé (...)

132En 1897, « un pavillon magnétique » est « établi tout au nord des terrains, à 80 mètres du bâtiment principal de l'observatoire329 ».

133L'établissement astronomique de la cité garonnaise, dans la dernière partie du xixe siècle, s'insère dans une économie technique remaniée, centrée sur des instruments de grande taille et répartie entre quelques constructeurs. L'irruption de ces nouveaux objets techniques ainsi que les aménagements des services magnétiques et météorologiques dessinent un archipel de coupoles et de pavillons qui étendent la surface d'observation et modifient l'environnement immédiat de l'établissement.

Neutraliser les environs, s'éloigner de Toulouse

134Le travail de domestication du paysage avoisinant l'observatoire, entrepris par Frédéric Petit sous le Second Empire, se poursuit avec Félix Tisserand et Benjamin Baillaud.

  • 330 AMT, 1D 109, Registre des délibérations du Conseil municipal (1872), séance du 26 juillet 1872, f° (...)
  • 331 ADHG, 2O Toulouse 110, Décret du ministre de l'Intérieur, 25 octobre 1871.
  • 332 ADHG, 2O Toulouse 110, Extrait des registres des délibérations du Conseil municipal, séance du 26 (...)

135Le dégagement des lignes méridiennes reste une préoccupation essentielle des directeurs de l'institution savante toulousaine. Dès 1872, les astronomes pressent le Conseil municipal de prendre des mesures pour « empêcher que des constructions puissent s'élever dans le prolongement des lignes méridiennes au-dessus de la ligne d'horizon de l'observatoire330 ». La commune poursuit donc la politique d'achat des terrains libres qui subsistent autour du lieu de science et menacent potentiellement l'usage des instruments. Aidée par un décret ministériel de 1872, qui proroge les décisions de Louis-Philippe en 1847, en déclarant « d'utilité publique le dégagement des lignes méridiennes331 », l'assemblée municipale achète de nouvelles parcelles qu'elle cède à l'observatoire332.

  • 333 AMT, 2R 135, Note de Benjamin Baillaud au préfet de la Haute-Garonne, 26 juin 1891.
  • 334 ADHG, 2O Toulouse 110, Lettre du maire de Toulouse au préfet de la Haute-Garonne, 2 octobre 1893.

136Le respect de cette neutralisation des alentours reste une question sensible que les directeurs soumettent régulièrement aux édiles. Baillaud souligne en 1891 qu'il existe encore des parcelles vierges, à la merci de n'importe quel « spéculateur » susceptible d'ériger une « maison avec cheminée333 ». Alerté, le maire de Toulouse s'inquiète du « danger résultant, au point de vue du dégagement des lignes méridiennes de[s] constructions qui pourraient être édifiées, de plantations d'arbres qui pourraient être faites sur des propriétés privées et le long du chemin de ronde ». Il note que si ses craintes sont fondées, « on serait obligé de recommencer l'opération faite à chers deniers en 1861 et 1872, afin que rien ne vienne obstruer la vue au-dessus de l'horizon334 ».

  • 335 AMT, 1D 114, Registre des délibérations du Conseil municipal (1876), séance du 23 novembre 1876, f (...)

137Autour de l'observatoire, le paysage fait donc l'objet d'une veille attentive et scrupuleuse. La recomposition spatiale imposée par l'introduction des instruments de grande taille et la construction des coupoles les enveloppant, ne modifie pas la politique de claustration inaugurée par Frédéric Petit. L'agrandissement de l'espace d'observation repousse un peu plus loin le mur d'enceinte. Félix Tisserand exige en 1876 « le reculement du mur de clôture de l'Observatoire, pour isoler complètement le grand Télescope déjà établi et l'équatorial qui le sera probablement au mois de Février [1877] ». Le Conseil municipal, saisi de cette demande, reconnaît « qu'il importe [...] d'isoler complètement les instruments [...] afin que M. le directeur ne puisse pas être dérangé dans ses observations astronomiques335 ».

  • 336 ADHG, 2O Toulouse 110, Arrêté préfectoral du 28 juillet 1893.
  • 337 Bulletin municipal de la ville de Toulouse, n° 8, 11e année, 9 août 1892, p. 933.

138La croissance de l'établissement dans la dernière partie du xixe siècle contraint à une incessante redéfinition des frontières matérielles. Au début des années 1890, « il est reconnu que l'Observatoire de Toulouse et ses dépendances sont établis sur un emplacement trop circonscrit ». Benjamin Baillaud propose donc à la ville d'étendre la surface de son établissement pour lui donner « un développement suffisant » et permettre « d'installer convenablement les divers services qui en dépendent336 ». Le Conseil municipal accède à cette demande et autorise le directeur « à démolir les murs de clôture existants et à les réédifier [...] sur les nouvelles limites337 ».

  • 338 D. Aubin, « The Fading Star of the Paris Observatory in the Nineteenth Century : Astronomers' Urba (...)
  • 339 Ibid., p. 94.

139La quiétude des astronomes, la sérénité requise pour leur activité, le nécessaire isolement d'un observatoire thébaïde, restent les arguments mis en avant pour justifier l'enfermement et la claustration. Imposées par Frédéric Petit, ces exigences d'éloignement et de retranchement sont reprises sous la IIIe République par les directeurs de l'établissement savant. Cependant, après 1870, la volonté des astronomes de préserver leur espace de recherche s'oppose au développement urbain qui, inexorablement, gagne du terrain. David Aubin a souligné qu'au xixe siècle, l'observatoire de Paris « had to react and adapt directly to the local challenges posed by expanding city338 ». L'historien remarque que, « not all forms of the ideals of the modern city suited the observatory339 ».

  • 340 Yves Lequin, « Les citadins et leur vie quotidienne », in M. Agulhon (dir.), Histoire de la France (...)
  • 341 Ibid., p. 306.
  • 342 Marcel Roncayolo, « La production de la ville », in M. Agulhon (dir.), Histoire de la France urbai (...)
  • 343 Ibid., p. 126.

140Toulouse connaît sous la IIIe République une importante expansion urbaine. Yves Lequin note de manière générale que le gonflement des villes au xixe siècle « se fait d'abord par un glissement vers le chef-lieu, qui constitue [...] l'agglomération la plus dynamique »340. Pour Toulouse, cette mobilité des hommes s'étend même bien au-delà de la Haute-Garonne, car on vient « de l'Ariège, du Tarn, du Tarn-et-Garonne, du Gers et du Cantal [...], du Gard et des Bouches-du-Rhône341 ». La population qui afflue en masse dans la cité garonnaise, s'installe en bordure du centre-ville, à la périphérie du cœur urbain. La cité s'étend donc dans une « croissance non maîtrisée342 », et s'approche peu à peu de l'observatoire. Ces provignements parfois anarchiques s'accomplissent « dans une clandestinité tolérée343 », comme le rappelle Marcel Roncayolo. Le faubourg dans lequel s'insère l'observatoire de Toulouse à la fin du xixe siècle est donc un territoire urbain morcelé, diffus, qui s'organise peu à peu le long de voies nouvelles et emprunte au centre-ville les aménagements indispensables à la circulation des populations.

141Le directeur de l'établissement astronomique doit composer avec l'irruption des aménagements citadins qui troublent l'isolement souhaité pour la pratique savante et l'examen du ciel.

  • 344 AMT, 2R 100, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 18 juin 1881.
  • 345 AMT, 2R 100, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 28 juin 1897.
  • 346 AMT, 2R 100, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 18 juin 1881.

142Benjamin Baillaud écrit au maire de Toulouse en juin 1881 pour attirer son attention « sur les inconvénients de la plus extrême gravité que présenterait pour l'observatoire l'éclairage du plateau de la Colonne » envisagé par le Conseil municipal. Le directeur admet qu'« il est désirable pour la sécurité de tous que les chemins déserts qui avoisinent le plateau soient suffisamment éclairés ». L'astronome souhaite « concilier tous les intérêts » et suggère « que la distribution de l'éclairage ne soit faite qu'après une étude contradictoire344 ». Une quinzaine d'années plus tard, les becs de gaz qui s'alignent à proximité de l'observatoire gênent à nouveau l'activité savante : leur « éclat impressionne les plaques photographiques employées au grand télescope345 ». Benjamin Baillaud se veut diplomate et cherche une solution acceptable pour la ville. Il explique au premier magistrat de la cité garonnaise qu'il lui est « impossible de remédier à cet inconvénient par une surélévation du mur de clôture dont il aurait fallu porter la hauteur à huit mètres ». Il ne faut pas pour autant « songer à supprimer les becs de gaz ». En revanche, l'astronome propose de « remplacer par des verres rouges, les deux verres de chacune des lanternes qui sont tournées vers la coupole du grand télescope ». Conciliant mais résigné, le directeur de l'observatoire souligne en conclusion que ces transformations devraient permettre de « supprimer l'action photographique. Ce serait pour le moment un palliatif suffisant aux difficultés que nous éprouvons346 ».

  • 347 M. Roncayolo, « La production de la ville », art. cité, p. 125.

143Le faubourg est un espace urbain particulier, régit par un « principe libéral ». Marcel Roncayolo rappelle que « le champ d'action du propriétaire [y] est d'autant plus vaste que l'industrialisation, le développement des quartiers populaires et des banlieues, restent en marge du système haussmannien347 », matrice des structurations urbaines au xixe siècle.

144Le directeur de l'observatoire lutte pied à pied pour éloigner de son établissement les activités polluantes qui cherchent, elles aussi mais pour d'autres raisons, l'isolement qu'offre la périphérie de Toulouse. Benjamin Baillaud informe le maire en 1885 que « le Sieur Roussille » souhaite « établir une fabrique de cuirs vernis [.] à quinze mètres de l'entrée de l'Observatoire ». Il souligne doctement que « les fabriques de cuirs vernis appartiennent à la classe des établissements incommodes et insalubres ; elles produisent des émanations d'essences diverses et de matières animales, et offrent de grands dangers d'incendie ». L'astronome énonce ensuite par ordre d'importance les trois arguments pour s'opposer à l'installation inopportune de la manufacture. Il rappelle d'abord « que les astronomes qui sont astreints au logement à l'Observatoire [.] ont des droits particuliers à ce que leur résidence ne soit pas insalubre ». Puis Baillaud fait remarquer que « les étrangers qui visitent l'Observatoire » seront « nécessairement incommodés par l'odeur qui se dégage d'un établissement de cette nature », ce qui pourrait nuire à l'image de la ville. Enfin, le directeur de l'observatoire insiste longuement sur l'inconcevable cohabitation entre une fabrique polluante et un espace savant :

  • 348 AMT, 2R 100, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 20 avril 1885.

J'ai le devoir d'attirer votre attention, écrit-il au premier magistrat de la cité garonnaise, sur l'impossibilité où je me trouverais de protéger les objectifs et les miroirs de nos instruments contre les altérations produites par les émanations d'essences employées à chaud. La perfection de nos instruments dépend d'épaisseurs moindres qu'un dix millième de millimètre, épaisseurs auxquelles rien dans les usages ordinaires n'est comparable348.

  • 349 D. Aubin, « The Fading Star of the Paris Observatory in the Nineteenth Century : Astronomers' Urba (...)

145David Aubin note qu'au xixe siècle, « if cities came to trouble observatories, it was a direct consequence of the latter's culture of high precision349 ». Cette dernière n'est, en outre, assimilable avec celle que l'on pourrait rencontrer ailleurs que dans un lieu de science. L'observatoire ne peut être confondu avec un autre établissement. Les pratiques qui s'y déploient sont étrangères aux autres activités urbaines, la finesse des instruments et l'exactitude de leurs mesures défient le sens commun. Dans un environnement jugé hostile, l'astronome fait valoir la spécificité de l'espace qu'il occupe et la singularité de son travail.

  • 350 AMT, 2R 91, Lettre de Benjamin Baillaud au préfet de la Haute-Garonne, 27 novembre 1887.
  • 351 AMT, 2R 91, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 25 octobre 1887.

146Malgré les mises en garde successives, le directeur doit à nouveau s'opposer en 1887 à l'installation d'un « atelier de secrétage de peaux et poils de lièvres et de lapins350 ». Baillaud prie le maire de s'« opposer [...] à l'installation de cet atelier ». Il paraît inadmissible à l'astronome « qu'un établissement public aussi important que l'observatoire, pour lequel la ville et l'État ont dépensé plus de 700 000 francs, soit exposé aux émanations d'un atelier insalubre, placé dans un voisinage immédiat, à dix mètres du mur de clôture351 ». Afin d'obtenir gain de cause, Baillaud s'adresse directement au ministre de l'Instruction Publique le 11 mars 1888. Il souligne que malgré les interdictions prononcées à l'encontre du « sieur Alezais », celui-ci a « continué à exercer son industrie » en arguant qu'il ne « faisait plus de secrétage, mais seulement le coupage et que le coupage n'est pas interdit par la loi ». Le directeur de l'établissement astronomique s'emporte contre ce contournement juridique et explique au ministre que « si la première industrie est insalubre, la seconde est beaucoup plus grave encore pour un observatoire ». Le coupage nécessite l'emploi d'une machine à vapeur qui fait « un bruit continu ». Baillaud met en avant l'indispensable silence qui doit entourer la pratique astronomique :

  • 352 AMT, 2R 91, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 11 mars 1888.

Dans nos salles d'observations, dont l'une, celle de l'équatorial n'est pas à 40 mètres de l'atelier du sieur Alezais, le bruit est absolument intolérable, et indépendamment des observations où il faut entendre la pendule, qu'il rend impossible, ce bruit viendrait causer aux observateurs, un trouble qui pourrait vicier toutes les observations les plus délicates, où la plus extrême attention est nécessaire352.

  • 353 AMT, 2R 100, Lettre d'Alezais à Benjamin Baillaud, 29 octobre 1887.

147La pratique astronomique réclame une disponibilité sensitive absolue et ne souffre le moindre dérangement. L'observateur a besoin pour effectuer ses recherches, d'une atmosphère qui ne soit altérée par aucune émanation ni déchirée par aucun son. Pour se défendre, Alezais soutient au directeur qu'il n'aura « à subir le moindre inconvénient de [son] travail », qui se « fait dans des appartements clos », sans que les « émanations putrides353 » s'échappent.

148Ces échanges autour de l'atelier de secrétage témoignent d'une dénivellation des sensibilités entre l'artisan et les astronomes. La culture de la précision impose une réceptivité exacerbée et une attention sensorielle extrême, adaptées à la précision des instruments. Le bruit communément supporté par les habitants du faubourg ne peut convenir aux astronomes implorant le silence total.

149La périphérie est un espace frontière où la ville et la campagne s'encastrent sans qu'une ligne de séparation nette puisse être tracée. Ce lieu mixte où se mêlent urbanité et ruralité n'attire pas qu'une population laborieuse souhaitant développer des activités polluantes, il séduit aussi une foule oisive, profitant de la vue panoramique du plateau de Jolimont.

  • 354 Julia Cserco, « Extension et mutation du loisir citadin, Paris, xixe-début xxe s. », in A. Corbin (...)
  • 355 AMT, 2R 100, Lettre de Félix Tisserand au maire de Toulouse, 17 octobre 1876.
  • 356 AMT, 4D 95, Pétition adressée au maire de Toulouse, 12 mai 1877.

150Julia Csergo a montré comment Paris secrète au xixe siècle une nouvelle culture citadine reposant sur un usage hédoniste du temps libre dans lequel s'entrecroisent « les rythmes et itinéraires d'une ville "à jouir"354 ». Toulouse voit, elle aussi, s'étendre des espaces de loisirs et de flânerie. Les déambulations bucoliques et bourdonnantes des promeneurs sont aussi gênantes pour les astronomes que le vrombissement des machines. En 1876, Félix Tisserand tente de convaincre le maire qu'il est « important d'isoler [le] grand télescope », car les observateurs sont dérangés « par les conversations plus ou moins bruyantes des promeneurs355 ». Il réclame donc une nouvelle clôture plus vaste que l'ancienne. Mais le voisinage s'émeut de ce projet et 139 personnes signent, le 12 mai 1877, une lettre adressée au premier magistrat de la cité garonnaise. Les flâneurs qui goûtent cette excursion estiment que le mur « aura pour résultat d'empêcher le Public d'aller en ce lieu jouir de la vue magnifique ». Ils assurent que celui-ci « vient en masse se délasser le dimanche en cet endroit, et tous les soirs d'été ». La foule va y « respirer un air frais et pur. Ce plateau qui est l'unique promenade des habitants du Quartier, et qui reçoit journellement la visite de nombreux étrangers à cause des souvenirs historiques qu'il rappelle et la vue splendide dont on y jouit, va devenir le jardin de l'observatoire, où le Public ne sera pas admis356 ».

151Les astronomes n'ont cessé, à la fin du xixe siècle, d'agrandir leur espace d'observation et de le clôturer. Ils se coupent du reste des habitants, mais s'approprient également un lieu de libre circulation, où la densité urbaine s'atténue pour se laisser gagner par la campagne environnante. Les promeneurs acceptent mal qu'un lieu sans activité apparente leur soit retiré et réclame qu'une portion du plateau de Jolimont soit laissée ouverte. Les alentours de l'observatoire sont donc un lieu de tensions importantes. Le déplacement des populations qui y vivent ou qui y viennent, contrarie la pratique astronomique. En retour, cette dernière discipline l'espace qui borde l'établissement savant et tente de maîtriser ce flux de population.

  • 357 AMT, 4D 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 18 déce (...)

152Le faubourg est également un espace social, dont Baillaud ne manque pas de souligner la spécificité. Il remarque en 1891 que « le quartier à l'extrémité duquel est situé l'observatoire est extrêmement pauvre, mal construit, habité exclusivement par les employés les plus modestes du chemin de fer du midi et par une nombreuse population d'espagnols ou d'italiens, mendiants ou musiciens ambulants357 ».

  • 358 M. Roncayolo, La ville et ses territoires, Paris : Gallimard, 1997, folio essais, p. 113-114.
  • 359 Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du (...)
  • 360 Bulletin municipal de la ville de Toulouse, n° 8, 11e année, août 1892, p. 132.

153Marcel Roncayolo souligne qu'au xixe siècle un nouveau type d'espace urbain apparaît : « le quartier industriel et ouvrier, confondant à la fois activités et note sociale, [et] exprimant directement dans le paysage — et d'une manière fortement individualisée et ségréguée, la nouvelle condition prolétarienne358 ». Le regard bourgeois que Baillaud porte sur le faubourg que l'entoure discerne ces « classes dangereuses », décrites par Louis Chevalier359. À l'écart du centre-ville, de sa rassurante opulence et de son quadrillage policier, le faubourg est un lieu trouble où les astronomes repèrent les errances douteuses, les vagabondages suspects, les circulations interlopes. Après une requête du directeur en 1892, le Conseil municipal reconnaît que les « terrains vagues » à proximité de l'observatoire « servent de rendez-vous aux gamins et vagabonds qui s'amusent à jeter des pierres jusque sur les coupoles et pavillons distants seulement de quelques mètres360 ». Baillaud assure au recteur de l'Académie de Toulouse en 1905, que « pendant la journée, le plateau » est « envahi par des rôdeurs de toute sorte. Trois d'entre eux, le corps nu, s'exercent à la lutte à main plate à quelques pas [du] portail ». Le directeur relate un événement récent qui a suscité l'effroi dans la petite communauté des astronomes de Jolimont :

  • 361 AMT, 2R 97, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 13 mars 1905.

Madame Baillaud montant la rue du 10 avril [qui mène à l'observatoire], s'est trouvée menacée par deux hommes dont l'un la poursuivait en courant par derrière, tandis qu'un autre montait la garde en haut des marches de l'escalier du plateau. La porte de la maison 64 se trouvant ouverte, elle a pu s'y réfugier et échapper ainsi à l'homme qui la voyant courir s'était mis à courir derrière elle [...]. En entrant dans ladite maison, elle entendit l'homme qui montait la garde en haut dire à l'autre : tu te trompes [...]. Une heure après, poursuit Benjamin Baillaud, étant sorti avec le gardien de l'observatoire, M. Lacourt, je vis une femme déboucher de la petite rue de la Colonne monter quelques pas, puis se retourner brusquement. Pendant les vingt secondes que mit Lacourt à gagner la Petit rue, elle avait détalé et était presque en bas361.

  • 362 L'expression est de Victor Hugo, dans Les Misérables, elle sert de titre à l'ouvrage de Simone Del (...)
  • 363 Ibid., p. 655.
  • 364 Ibid., p. 656.

154Dans cet environnement troublé, marqué par des cohabitations forcées de catégories sociales distinctes, le danger guette les astronomes et leur famille, la menace prolétaire sourde, l'agression par des indigents est à craindre. Antichambre des pulsions criminelles, le faubourg est encore plus redoutable la nuit. Simone Delattre a étudié pour Paris ces « douze heures noires362 », qui sont « pour beaucoup le moment d'émergence des bas-fonds dont vagabonds et prostituées ne seraient que les habitués les plus visibles, donc les plus inoffensifs363 ». La bourgeoisie parisienne redoute cette « ombre criminelle364 » qui s'étend au coucher du soleil.

155Les astronomes toulousains de la fin du xixe siècle sont d'autant plus hantés par ces spectres des ténèbres ensauvagées que leurs horaires de travail se confondent avec ceux supposés des malfaiteurs.

  • 365 AMT, 2R 97, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 13 mars 1905.

156À la suite de l'agression de Madame Baillaud, le directeur de l'observatoire souligne qu'il n'y a pas, dans le quartier, « d'agent de police, ni le jour, ni la nuit. Cependant les astronomes entrent et sortent un peu à toute heure ». Il exige « que des mesures soient prises pour garantir leur sécurité au moins jusqu'à minuit et demi365 ». Les nuits fuligineuses qui permettent aux observateurs d'effectuer leurs recherches, couvrent aussi d'un voile sombre les activités criminelles et les pulsions mortifères qui se déchaînent. L'imaginaire bourgeois du directeur de l'observatoire craint ces heures sombres qui drapent l'espace redouté d'un faubourg populaire. Isolé dans ce quartier, l'établissement savant est un lieu de vie particulier dans lequel les astronomes sont repliés.

  • 366 A. de Beauchamp, op. cit., T. III : 1875-1883, p. 177. Décret du 21 février 1878.
  • 367 AMT, 4D 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 18 déce (...)

157Le décret du 21 février 1878 stipule que « le directeur et les observateurs chargés d'un service de nuit sont logés par l'État ou par la ville à proximité des bâtiments d'observation366 ». Baillaud souligne en 1891 que « cette prescription [.] était appliquée à Toulouse, en fait depuis 1873. Le personnel comprenait le directeur et trois observateurs ; tous étaient célibataires, et l'édifice monumental construit vers 1840 permettait de donner aisément à chacun d'eux le logement nécessaire ». Cette situation reste inchangée jusqu'à la fin des années 1880. Mais les mariages de Dominique Saint Blancat, Henri Andoyer et ceux « à très brefs délais » d'Eugène Cosserat et de Louis Montangerand en 1891, nécessitent la construction de « logements [...] pour quatre assistants ». Benjamin Baillaud ne souhaite pas que son personnel s'installe dans les maisons du quartier. Il doute que la circulation noctambule des observateurs puisse être sereine dans ces conditions : « la sécurité des astronomes rentrant en ville à une heure avancée de la nuit n'est nullement assurée », écrit-il au ministre. Les constructions doivent permettre d'éviter une inconfortable et éprouvante proximité. L'implantation de ces logements est fixée par Baillaud qui assure que « l'étendue des terrains de l'Observatoire et leur disposition ne permettent pas [.] de construire de maison d'habitation, sans nuire à la qualité des images fournies par les instruments367 ». Des bâtiments proches de l'établissement savant, mais non dans l'enceinte : c'est ainsi que le directeur impose une redistribution spatiale des demeures de son personnel. L'activité savante et la vie quotidienne s'organisent dans des espaces distincts, à l'exception du directeur qui loge toujours dans l'édifice principal.

  • 368 AMT, 2R 132, Projet de maisons pour deux astronomes. Devis et charges générales, 15 avril 1895.
  • 369 AMT, 4D 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 18 déce (...)
  • 370 AMT, 2R 132, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 20 mars 1896.

158L'insistance de Benjamin Baillaud lui permet d'obtenir en 1895 « la construction de deux bâtiments contigus avec cave [...] premier étage et mur de clôture368 », ainsi qu'« un petit jardin369 ». Les travaux ne s'achèvent qu'en 1897, mais dès 1896 le directeur se plaît à souligner que « la maison est très bien dans sa simplicité. J'y pourrai loger trois ménages et un célibataire ou un concierge, ajoute-t-il. Elle répond entièrement à nos besoins actuels370 ».

159Dans la dernière partie du xixe siècle, les astronomes ne se contentent pas de neutraliser les alentours de l'observatoire. Ils occupent l'espace disponible et colonisent ce lieu interstitiel qu'est le faubourg. Ils luttent pied à pied contre un environnement urbain jugé hostile et une distribution sociale redoutée. Cernés par une ville de plus en plus oppressante, les observateurs toulousains envisagent au début du xxe siècle un éloignement plus grand encore.

  • 371 AMT, 2R 104, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 26 juin 1904.

160L'urbanisation croissante des alentours de l'observatoire nuit, nous l'avons vu, à la pratique scientifique et contrarie ses exigences de précision. La création d'une ligne de tramway à proximité de Jolimont condamne ainsi la fiabilité des mesures magnétiques371.

  • 372 L'analyse du spectre solaire par Gustave Kirchoff et Robert Bunsen en 1859 a permis le développeme (...)
  • 373 AMT, 2R 97, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 4 décemb (...)
  • 374 Jean-Christophe Sanchez, Le Pic du Midi de Bigorre et son observatoire, Toulouse : Éditions Cairn, (...)

161L'irruption de nouvelles techniques instrumentales plus sensibles, comme la spectroscopie à la fin du xixe siècle, impose de plus grandes exigences quant à la localisation des espaces savants qui doivent posséder un ciel d'une limpidité irréprochable372. Benjamin Baillaud songe d'abord, en 1904, à établir une station astronomique dans le Rouergue, d'où sa femme est originaire373. Le Recteur de l'Académie de Toulouse soutient d'abord le projet avant de se raviser. Il suggère plutôt de construire un espace savant consacré à la science des astres au sommet du Pic du Midi374. On ignore la raison de cette palinodie. Le sommet pyrénéen accueille, depuis 1873, une station consacrée à la météorologie, érigée sous l'impulsion du général Champion de Nansouty et de l'ingénieur Célestin Xavier Vaussenat. Il est possible que l'installation d'un observatoire astronomique au Pic constitue un moyen de rentabiliser les subsides investis dans la station météorologique.

  • 375 B. Baillaud, Henry Bourget, « Sur les conditions qu'offrent les observations astronomiques à l'obs (...)
  • 376 B. Baillaud, « Installation d'un grand instrument astronomique au sommet du Pic du Midi », Compte (...)

162Après une évaluation minutieuse de la qualité du ciel montagnard375, Benjamin Baillaud reçoit des crédits du Ministère de l'Instruction Publique et de l'Université garonnaise « pour l'établissement au Pic du Midi d'un grand instrument astronomique annexe à l'Observatoire de Toulouse376 ».

  • 377 E. Davoust, op. cit., p. 134.
  • 378 J.-C. Sanchez, op. cit., p. 123.
  • 379 E. Davoust, op. cit., p. 134.
  • 380 J.-C. Sanchez, op. cit., p. 125.

163Cette intrusion de l'institution savante toulousaine n'enchante guère Émile Marchand, directeur de l'observatoire du Pic du Midi depuis 1892. Il craint notamment « une remise en cause [du] statut de l'observatoire du Pic du Midi377 ». Baillaud, au contraire, souhaite un rapprochement des deux structures. Il n'y parviendra pas mais réussi tout de même à marquer la station du Pic d'une empreinte toulousaine. Outre le logement des astronomes, baptisé « Maison de Toulouse378 », il fait ériger, en 1907, une coupole protégeant un télescope379. La distribution architecturale reproduit à plus petite échelle l'agencement des bâtiments à Jolimont. Elle matérialise également la sourde rivalité entre l'observatoire météorologique et l'observatoire astronomique380.

164Menées par une équipe d'astronomes, dans un espace remodelé, les pratiques savantes au sein de l'établissement de la cité garonnaise, s'organisent, sous le régime républicain, autour d'une intense production de données et de recherches innovantes plus ponctuelles.

Notes

1 Jérôme Grondeux, La France entre en République (1870-1893), Paris : Librairie Générale Française, 2000, La France contemporaine, p. 17.

2 Louis Pasteur, « Pourquoi la France n'a pas trouvé d'hommes supérieurs au moment du péril », in Pages illustres de Pasteur [rassemblées et présentées par Louis Pasteur Vallery-Radot], Paris : Hachette, 1968, p. 240.

3 C. Charle, op. cit., p. 137.

4 Benjamin Baillaud, Discours prononcé à la distribution solennelle des prix du Lycée de Saint-Quentin le 10 août 1871, Saint-Quentin : Imprimerie Hourdequin, 1871, p. 14-32, cité par René Baillaud, « L'insuffisance de la recherche scientifique en France, sous le Second Empire dénoncée par des hommes de science de souche Comtoise et ses suites lointaines », Procès-verbaux et Mémoires de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, vol. 177, 1966-1967, p. 83.

5 C. Nicolet, op. cit., p. 286.

6 Sur la construction du télescope de Foucault, voir W. Tobin, op. cit., p. 227-230.

7 Urbain Le Verrier, « L'Observatoire de Paris, sa situation, son avenir », Compte rendu de l'Académie des sciences, T. LXV, 1867, p. 1076.

8 Sur l'épisode montpelliérain, voir J.-M. Faidit, Le Pavillon d'astronomie du Jardin des Plantes de Montpellier. De l'Observatoire de la Faculté des sciences au Planétarium de Montpellier, Montpellier : Planétarium de Montpellier, Centre culturel de l'astronomie, 2001, p. 12-14.

9 U. Le Verrier, « L'Observatoire de Paris, sa situation, son avenir », art. cité, p. 1076.

10 Ibid., p. 1080.

11 Ibid., p. 1080-1081.

12 Dans cette présentation, Le Verrier ne mentionne pas la station d'Alger, qui, sous la direction de Charles Bulard, survit au milieu de multiples difficultés institutionnelles. Voir F. Le Guet Tully, Hamid Sadsaoud, « La création de l'observatoire d'Alger », Musée des arts et métiers. La Revue, n° 38, juin 2003, p. 26-35.

13 Ibid., p. 32.

14 Philippe Véron rappelle notamment que les deux hommes se sont voué une indéfectible haine après leurs échanges mouvementés dans les années 1860 sur la théorie de la Lune (Philippe Véron, Les astronomes français, 1850-1950 [manuscrit non publié], Observatoire de Haute Provence, 1997, p. 230-231).

15 AMT, 4D 95, Extrait du registre des délibérations du Conseil Municipal, séance du 26 mai 1871.

16 Annuaire de la Haute-Garonne, année 1871, Toulouse, 1871, p. 230.

17 Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 7e série, T. III, 1871, p. 406.

18 Ibid., p. 406-407.

19 Ibid., p. 407.

20 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Théodore Despeyrous à Charles Delaunay, 5 novembre 1871.

21 Ibid., 9 novembre 1871.

22 Ibid., 5 novembre 1871.

23 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'Observatoire de Toulouse », Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 9e série, T. IV, 1892, p. 277.

24 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Charles Delaunay au ministre de l'Instruction Publique, 13 mai 1872.

25 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Charles Delaunay au maire de Toulouse, 13 mai 1872.

26 AMT, 1D 68, Registre des délibérations du Conseil municipal (1871-1872), séance du 30 décembre 1871, f° 97.

27 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Charles Delaunay à Théodore Despeyrous, 7 novembre 1871.

28 Ibid., Lettre du ministre de l'Instruction Publique à Charles Delaunay, 15 mai 1872.

29 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, Paris : Typographie de Delalain, 1882, p. 821. Décret d'organisation de l'Observatoire de Toulouse, 15 juillet 1872.

30 F. Le Guet Tully, H. Sadsaoud, « La création de l'observatoire d'Alger », art. cité, p. 33.

31 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Charles Delaunay à Théodore Despeyrous, 7 novembre 1871.

32 Ibid., Lettre de Charles Delaunay au ministre de l'Instruction Publique, 15 mai 1872.

33 F. Le Guet Tully, H. Sadsaoud, « La création de l'observatoire d'Alger », art. cité, p. 33.

34 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 845. Rapport présenté à la Commission d'organisation des Observatoires.

35 Ibid., p. 841.

36 Ibid., p. 840.

37 Ibid., p. 841.

38 Ibid., p. 842.

39 Ibid., p. 844.

40 Ibid., Décret relatif aux Observatoires de l'État, 13 février 1873, p. 840.

41 Ibid., p. 841.

42 Ibid., p. 840.

43 Ibid., p. 87, Décret relatif à l'Observatoire d'Alger, 26 décembre 1873.

44 A. de Beauchamp, op. cit., T. III : 1875-1883, Paris : Typographie de Delalain, 1884, Décret portant création d'un Observatoire à Besançon, 11 mars 1878, p. 180, Décret portant création d'un Observatoire à Bordeaux, 11 mars 1878, p. 180, Décret portant création d'un Observatoire à Lyon, 11 mars 1878, p. 181.

45 Ibid., Loi relative à l'Observatoire d'astronomie physique de Meudon, 15 avril 1879, p. 250-251.

46 Ibid., Décret relatif à l'Observatoire du Pic-du-Midi, 31 octobre 1882, p. 682-683.

47 A. de Beauchamp, op. cit., T. VI : 1898-1909, Paris : Delalain Frères, 1909, Décret portant organisation des Observatoires astronomiques, 15 février 1907, p. 947-950.

48 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 842. Décret relatif aux observatoires de l'État, 13 février 1873. Notons que le décret d'organisation de l'observatoire de Toulouse, promulgué le 15 juillet 1872, c'est-à-dire quelques mois avant celui qui restructure l'ensemble des établissements, préfigure à bien des égards les propositions de la commission dirigée par Le Verrier. Seuls quelques détails ont été modifiés dans le deuxième texte. Le décret de 1872 n'a pas eu de portée concrète à Toulouse, puisque le texte du 13 février 1873 prévoit dans son article 13 que « toutes les dispositions antérieures » sont « abrogées » (ibid., p. 847, p. 821).

49 Ibid., Rapport présenté à la commission d'organisation des observatoires, p. 842.

50 Ibid., p. 840. Décret relatif aux observatoires de l'État, 13 février 1873.

51 Ibid., p. 840. Dans la version de 1872 du décret organisant l'observatoire de Toulouse, le grade d'astronome adjoint n'existe pas, mais les aides astronomes sont divisés en trois classes. La fonction d'astronome titulaire est absente de ce projet, mais est remplacée par celle de directeur (ibid., p. 821).

52 Ibid., p. 844.

53 Ibid., p. 846.

54 Le texte du 21 février 1878 qui organise « les observatoires ressortissant du Ministère de l'Instruction Publique », réduit à deux classes la fonction d'aide astronome (A. de Beauchamp, Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, T. III : 1875-1883, p. 178. Décret relatif aux observatoires de l'État, 21 février 1878). Le décret de 1907 conserve l'architecture générale des textes précédents et maintient en particulier la grille de salaire (A. de Beauchamp, op. cit., T. VI : 1898-1909, p. 949. Décret portant organisation des Observatoires astronomique, 15 février 1907).

55 Craig Zwerling, « The emergence of the École Normale Supérieure as a centre of scientific education in the nineteenth century », in R. Fox, G. Weisz (eds.), op. cit., p. 41.

56 Ibid., p. 42.

57 Sur cette rupture dans les carrières des normaliens, voir : Victor Karady, « Normaliens et autres enseignants à la Belle Époque. Note sur l'origine sociale et la réussite dans une profession intellectuelle », Revue française de sociologie, T. XIII, 1972, p. 35-58.

58 AN, F17, 23129, Examens semestriels de Félix Tisserand, 1865.

59 P. Véron, op. cit., p. 518.

60 AN, F17, 23129, Note sur les travaux de M. F. Tisserand, astronome adjoint à l'observatoire de Paris, 1873.

61 AN, F17, 23129, Lettre de Louis Pasteur au Président de la République, 17 février 1873.

62 Ibid., Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Cultes et des Beaux-Arts, 1er mars 1873.

63 B. Baillaud, Mes Souvenirs [Manuscrit non publié], Toulouse, 1991 [1re édition Toulouse, 1928], p. 30.

64 AN, F17, 23735, M. Bertin, Section des Sciences mathématiques, s.d. [1869].

65 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 22-28. et p. 29-33.

66 Ibid., p. 30.

67 AN, F17 23735, Lettre de Charles Delaunay au ministre de l'Instruction Publique, 6 décembre 1871.

68 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 37.

69 B. Baillaud, Exposition de la méthode d'Hugo Gylden pour le développement des perturbations des comètes, Paris : Gauthier-Villars, 1876, 46 p.

70 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 44.

71 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 844. Décret relatif aux observatoires de l'État, 13 février 1873.

72 C. Charle, op. cit., p. 149.

73 B. Baillaud, « Henry Andoyer », Journal des Observateurs, vol. XII, n° 11, 1929, p. 193.

74 Sally H. Dieke, « Henri Andoyer » in Charles C. Gillispie (ed.), Dictionary of Scientific Biography, New York : Charles Saikner's Sons, 1970, vol. 1, p. 156.

75 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 30 septembre 1884.

76 Henri Andoyer, Contribution à la théorie des orbites intermédiaires, Thèse présentée à la faculté des Sciences de Paris, Paris : Gauthier-Villars, 1886.

77 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 31 mars 1887.

78 Armand Lambert, Henri Andoyer, s.l.n.d., [Paris, 1929], p. 6-12, et Philippe Véron, op. cit., p. 89.

79 Notice sur les travaux scientifiques d'Eugène Cosserat, Toulouse : Imprimerie et Librairie Edouard Privat, 1908, p. 5.

80 AN, F17, 25705, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Beaux-Arts et des Cultes, 25 août 1907.

81 Ibid., 25 novembre 1907.

82 Ibid., Lettre de Jules Tannery à Benjamin Baillaud, 1907.

83 AASP, Dossier biographique d'Eugène Cosserat, Benjamin Baillaud, Rapport sur les travaux de M. Eugène Cosserat, à l'appui de sa candidature à la direction de l'Observatoire de Toulouse, 9 mars 1908.

84 Louis Rascol, Claude-Marie Perroud, (1839-1919). La vie et l'œuvre d'un universitaire au xixe siècle, Paris : Librairie Henri Didier Éditeur, 1941, p. 338.

85 AMT, 2R 112, B. Baillaud, Rapport sur les services et les titres scientifiques de M. Henry Bourget, astronome adjoint à l'observatoire, 1905.

86 AMT, 2R 126, Notice individuelle d'Henry Bourget, novembre 1904.

87 AN, F17 25713, Lettre de Claude-Marie Perroud au directeur de l'enseignement secondaire de l'Académie de Clermont-Ferrand, 15 août 1895.

88 AN, F17 25713, Concours d'agrégation des sciences mathématiques, année 1890.

89 AMT, 2R 126, Notice individuelle d'Henry Bourget, novembre 1904.

90 AN, F17 25713, Lettre de Claude-Marie Perroud au directeur de l'enseignement secondaire de l'Académie de Clermont-Ferrand, 15 août 1895.

91 Ibid., 21 août 1890.

92 AMT, 2R 126, Notice individuelle d'Henry Bourget, novembre 1904.

93 P. Véron, op. cit., p. 152.

94 Théodore Chauvin est entré à l'École normale supérieure en 1884. Il devient maître de conférences de physique à la faculté des sciences. En 1889, il soutient sa thèse, intitulée Recherches sur la polarisation rotatoire magnétique dans le Spath d'Islande. Il meurt en 1892 (P. Véron, op. cit., p. 195).

95 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 17 mars 1885.

96 Agrégé de sciences physiques et naturelles en 1885, Mathias devient préparateur au laboratoire d'enseignement de la Sorbonne. Nommé maître de conférences de physique à la faculté des sciences de Toulouse, il est promu professeur titulaire en 1895 (P. Véron, op. cit., p. 519 et AMT, 2R 126, Notice individuel, 1894).

97 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Beaux-Arts et des Cultes, 15 avril 1893.

98 AN, F17 22921, Lettre de Félix Tisserand au ministre de l'Instruction Publique, 6 juin 1873.

99 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Beaux-Arts et des Cultes, 13 février 1873.

100 AASP, Dossier biographique de Joseph Perrotin, Jules Janssen, Rapport sur Joseph Perrotin, 1897.

101 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Beaux-Arts et des Cultes, 13 février 1873.

102 Ibid., 28 janvier 1879.

103 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 49.

104 AN, F17 23739, Lettre de Félix Tisserand au ministre de l'Instruction Publique, 16 décembre 1876.

105 AASP, Dossier biographique de Guillaume Bigourdan, Curriculum simplifié de Guillaume Bigourdan, 1919.

106 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 3 janvier 1877.

107 AMT, 2R 102, Lettre du maire de Toulouse à Félix Tisserand, 5 mars 1877.

108 AMT, 2R 124, Lettre du recteur de l'Académie à Benjamin Baillaud, 2 février 1880.

109 P. Véron, op. cit., p. 341.

110 AMT, 2R 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 6 février 1880.

111 AN, F17 22614, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 23 décembre 1879.

112 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 1er janvier 1883.

113 P. Véron, op. cit., p. 262.

114 Ernest Mouchez, Élèves-astronomes. Organisation des études, Paris : Gauthier-Villars, s.d. [1880], p. 1-2.

115 Ibid., p. 3.

116 AN, F17 13576, Ernest Mouchez, Rapport sur les travaux du 1er trimestre de 1880, 30 avril 1880.

117 Ibid., 28 octobre 1881.

118 AMT, 2R 124, Lettre du ministre de l'Instruction Publique des Beaux-Arts à Benjamin Baillaud, 18 février 1882.

119 AMT, 2R 107, Lettre d'Ernest Mouchez à Benjamin Baillaud, 8 février 1882.

120 AMT, 2R 124, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 24 décembre 1879.

121 AMT, 1D 117, Registre des délibérations du Conseil municipal (1879), séance du 23 décembre 1879, f 553.

122 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 12 avril 1883.

123 Notice sur les travaux scientifiques de M. D. Saint blancat, Toulouse : Imprimerie et Librairie Edouard Privat, 1908, p. 2.

124 Dominique Saint Blancat, « Action d'une masse intramercurielle sur la longitude de la Lune », Annales de la Faculté des Sciences de Toulouse, 2e série, T. IX, 1907, p. 1-103.

125 AMT, 1D 122, Registre des délibérations du Conseil municipal (1884), séance du 11 août 1884, ff 1177-1178.

126 Ibid., f° 1177.

127 AN, F17 26289, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 18 août 1886.

128 Louis Montangerand, Titres et travaux scientifiques et participation aux œuvres sociales de M. Louis Montangerand, astronome de l'Observatoire de Toulouse, 1937, p. 2.

129 P Véron, op. cit., p. 497.

130 Bulletin de la Société d'Astronomie Populaire de Toulouse, 12e année, n° 58, 1921, T. III, p. 37.

131 Ibid., p. 38.

132 Pour un exemple de franchissement de frontière entre professionnels et amateurs, voir : Susan Leigh Star, James R. Griesemer, « Institutional Ecology, "Translations" and Boundary Objects : Amateurs et Professionals in Berkeley's Museum of Vertebrate Zoology, 1907-39 », Social Studies of Science, vol. 19, 1989, p. 387-420.

133 P. Véron, op. cit., p. 497.

134 AMT, 2R 126, Notice individuelle de Frédéric Rossard, 1907.

135 AMT, 2R 124, Notice individuelle d'Émile Besson, 4 janvier 1904.

136 Ibid., 3 novembre 1904.

137 AN, F17 13587, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 7 mars 1907.

138 AN, F17 24414, Renseignements confidentiels concernant Frédéric Rossard, année 1907.

139 Ibid., année 1908.

140 AMT, 2R 95, Benjamin Baillaud, Rapport présenté à M. le Ministre de l'Instruction Publique sur les travaux exécutés à l'Observatoire de Toulouse en 1891, 4 avril 1892.

141 AMT, 2R 142, Lettre d'Henry Bourget à Benjamin Baillaud, 26 septembre 1900. Nous reviendrons plus loin sur le rôle exact des assistants dans le maniement des instruments.

142 AMT, 2R 129, Lettre d'Amédée Huc à Benjamin Baillaud, 8 octobre 1904.

143 AMT, 2R 129, Lettre de Pascal Huc à Benjamin Baillaud, 7 mai 1907.

144 AN, F17 13587, Inspection académique, de la Haute-Garonne, Rapport sur l'observatoire de Toulouse, 9 mars 1907.

145 AN, F17 25672, Notice sur Henri Crouzel, 1914.

146 AN, F17 13587, Inspection académique, de la Haute-Garonne, Rapport sur l'observatoire de Toulouse, 9 mars 1907.

147 Émile Mathias, « Sur la constitution et l'utilisation des cartes magnétiques. Application au bassin de la Garonne », Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 9e série, T. IX, 1897, p. 454.

148 R. Baillaud, Souvenirs d'un jeune toulousain (1885-1907), T. I, Rodez : Imprimerie Carrère, 1976, p. 194.

149 AN, F17 13587, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 7 mars 1907.

150 AMT, 2R 60, État des sommes dues aux fonctionnaires et auxiliaires pour travaux supplémentaires de calcul et corrections concernant la construction des Catalogues et de la Carte photographique du Ciel. Travaux exécutés pendant les mois d'août à décembre 1900.

151 AMT, 2R 95, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 22 décembre 1892.

152 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 852. Rapport présenté à la Commission d'organisation des Observatoires.

153 R. Baillaud, op. cit., T. I, p. 193-194.

154 Notice sur les travaux scientifiques de M. Eugène Cosserat, op. cit., p. 7.

155 AMT, 2R 102, Lettre de Félix Tisserand à Benjamin Baillaud, 26 octobre 1878.

156 ASSP, Dossier biographique de Guillaume Bigourdan, Curriculum simplifié de Guillaume Bigourdan, 1919.

157 AMT, 2R 103, Lettre de Félix Tisserand à Benjamin Baillaud, 30 novembre 1878.

158 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 49.

159 AN, F17, 24519, Note d'Albert Sarraut, 1903.

160 AN, F17, 24519, Maurice Loewy, Renseignements confidentiels sur Louis Maneng, 1903.

161 AN, F17, 24519, Copie d'une lettre de Maurice Loewy à Louis Maneng, 28 décembre 1903.

162 AN, F17, 24519, Renseignements confidentiels sur Louis Maneng, année 1910.

163 Ibid., année 1911.

164 AMT, 2R 124, Arrêté du ministre de l'Instruction Publiques et des Beaux-Arts, 19 mai 1881.

165 AN, F17, 3763, Lettre du directeur de l'enseignement supérieur à Benjamin Baillaud, 1881.

166 AMT, 2R 97, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 23 novembre 1899.

167 AMT, 7Z 2, B. Baillaud, Projet d'organisation des observatoires astronomiques. Rapport présenté au Comité consultatif des Observatoires des départements en suite de sa réunion de juin 1906, ff° 2-3.

168 AMT, 2R 95, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 18 décembre 1890.

169 AMT, 2R 97, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 9 mai 1900.

170 A. de Beauchamp, Recueil des lois et règlements sur l'enseignement supérieur, T. II : 1848-1874, p. 840. Décret relatif aux Observatoires de l'État, 13 février 1873.

171 Ibid., p. 840. Rapport présenté à la Commission d'organisation des Observatoires.

172 Ibid., p. 845-846.

173 Ibid., p. 846.

174 Voir : Thomas R. Williams, « The development of astronomy in the Southern United States, 1840-1914 », Journal for the History of Astronomy, vol. 27, part. 1, n° 86, février 1996, p. 12-44.

175 AN, F17, 23129, Note du Ministère de l'Instruction Publique, des Cultes et des Beaux-Arts, 29 avril 1875.

176 AN, F17, 23129, Arrêté du ministre de l'Instruction Publique, des Cultes et des Beaux-Arts, 1er mars 1873.

177 Notice sur les travaux scientifiques de M. Baillaud, Toulouse : Imprimerie et Librairie Edouard Privat, 1907, p. 1.

178 Mary-Jo Nye, Science in the provinces. Scientific communities and provincial leadership in France, 1860-1930, Berkeley : University of California Press, 1985, p. 119.

179 Antoine Prost, Histoire de l'Enseignement en France, 1800-1967, Paris : Armand Colin 1968, p. 229.

180 M.-J. Nye, « The Scientific Periphery in France : The Faculty of Sciences at Toulouse (1880-1930) », Minerva, T. XIII, n° 3, automne 1975, p. 376.

181 Sur le rôle de Louis Liard, voir Théodore Zeldin, Histoire des passions françaises (1848-1945), T. II, Orgueil et intelligence, Paris : Payot, 2003, p. 453-454.

182 M.-J. Nye, « The Scientific Periphery in France : The Faculty of Sciences at Toulouse (1880-1930) », art. cité, p. 376.

183 Louis Rascol, Claude-Marie Perroud (1839-1919). La vie et l'œuvre d'un universitaire au xixe siècle, Paris : Librairie Henri Didier, 1941, p. 262.

184 M.-J. Nye, « The Scientific Periphery in France : The Faculty of Sciences at Toulouse (1880-1930) », art. cité, p. 376.

185 Cité par Marie-France Brive, La politique économique de la ville de Toulouse de 1870 à 1880, mémoire de DES, sous la direction de MM. Mauro et Bennassar, université de Toulouse-Le Mirail, 1967, f 70.

186 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 53.

187 Madeleine Rebérioux, « Jean Jaurès, élu municipal de Toulouse (1890-1893) », Cahiers internationaux, n° 107, septembre-octobre 1959, p. 72-73.

188 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 50.

189 Ibid., p. 55.

190 AN, F17, 23735, Ministère de l'Instruction Publique, Enseignement supérieur, Renseignements, 1894.

191 Ibid., 1893.

192 AN, F17, 23735, Ministère de l'Instruction Publique, Enseignement supérieur, Renseignements, 1882.

193 M.-J. Nye, « The Scientific Periphery in France : The Faculty of Sciences at Toulouse (1880-1930) », art. cité, p. 381.

194 B. Baillaud, « Henry Andoyer », art. cité, p. 193.

195 Ainsi Eugène Cosserat, nommé aide astronome en 1886 touche à ce titre 3 000 francs auxquels il fait ajouter 1 000 francs comme « chargé de conférences » à la faculté des sciences (AMT, 2R 124, Eugène Cosserat, Notice individuelle, s.d. [1889]).

196 B. Baillaud, « Henry Andoyer », art. cité, p. 193.

197 AMT, 2R 112, B. Baillaud, Rapport sur les services et les titres scientifiques de M. Henri Bourget, astronome adjoint à l'Observatoire, Maître de conférences à la Faculté des Sciences, s.d. [1904].

198 Notice sur les travaux scientifiques de M. Eugène Cosserat, op. cit., p. 5.

199 AASP, Dossier biographique d'Eugène Cosserat, Rapport sur les travaux de M. E. Cosserat à l'appui de sa candidature à la direction de l'observatoire de Toulouse, par M. Baillaud, 9 mars 1908.

200 AMT, 2R 124, Lettre de Louis Liard à Benjamin Baillaud, 18 mars 1885.

201 Ibid., 17 avril 1893.

202 Louis Montangerand, Titres et travaux scientifiques de M. Louis Montangerand, op. cit., p. 1.

203 AMT, 2R 112, Rapport annuel de Louis Montangerand, 1er novembre 1903-1er novembre 1904.

204 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 846. Rapport présenté à la Commission d'organisation des Observatoires.

205 AN, F17, 23735, Ministère de l'Instruction Publique, Enseignement supérieur, Renseignements, 1898-1899.

206 Ibid., 1887.

207 B. Baillaud, Cours d'astronomie. Première partie : quelques théories applicables à l'étude des sciences expérimentales, Paris : Gauthier-Villars et fils, 1893, 285 p.

208 Université de Toulouse. Annuaire pour l'année 1902-1903, Toulouse : Imprimerie Edouard Privat, 1902, p. 134.

209 AMT, 2R 112, Rapport annuel du service méridien, 1898.

210 AMT, 7Z 67, Agenda de Jean Carrère, 15 mai 1902.

211 AN, F17, 23735, Ministère de l'Instruction Publique, Enseignement supérieur, Renseignements, 1892.

212 AN, F17, 3763, Décret du président de la République, 28 juin 1899.

213 AMT, 2R 97, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 31 mars 1902.

214 Rapport adressé à M. le Ministre de l'Instruction Publique par le Conseil de l'Université de Toulouse, 4 janvier 1907, p. 11.

215 Ibid., p. 12.

216 AMT, 2R 104, Lettre de Bernard Brunhes à Benjamin Baillaud, 16 octobre 1903.

217 C'est le décret du 28 décembre 1885 qui institue un Conseil dans chaque université. Voir A. Prost, op. cit., p. 238.

218 AMT, 2R 104, Lettre de Bernard Brunhes à Benjamin Baillaud, 16 octobre 1903.

219 AMT, 1D 68, Registre des délibérations du Conseil municipal (1871-1872), séance du 30 décembre 1871, f° 97.

220 AMT, 2D 195, Registre des correspondances du maire de Toulouse (1870-1872), lettre n° 2595 adressée au directeur de l'observatoire de Paris, Charles Delaunay, 15 mai 1872.

221 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 278.

222 AMT, 2R 143, Extrait des registres des délibérations du Conseil municipal, séance extraordinaire du 30 décembre 1871.

223 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Charles Delaunay à Théodore Despeyrous, 7 novembre 1871.

224 Georges Rayet, « Observatoire de Bordeaux », Observatoires astronomiques de province, année 1880, Paris : Imprimerie Nationale, 1881, p. 16.

225 La politique budgétaire de la cité garonnaise, en ce qui concerne l'instruction publique en général est globalement constante entre 1888 et 1900. Cf. F. Cavaignac, La politique budgétaire de la municipalité de Toulouse (1888-1900), mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine, sous la dir. de M. Bennassar, université de Toulouse-Le Mirail, 1973, p. 158.

226 Rapport adressé par le Comité consultatif des observatoires astronomiques de province à M. le Ministre de l'Instruction Publique, Paris : Imprimerie Nationale, 1884, p. 6.

227 M.-J. Nye, op. cit., p. 18.

228 Louis Liard, Universités et facultés, Paris : Armand Colin, s.d. [1890], 262 p. ; L. Liard, L'enseignement supérieur en France, T. II, Paris : Armand Colin, 1894, 522 p. Voir également T. Zeldin, « Higher Education in France 1848-1940 », Journal of Contemporary History, novembre 1967, p. 53-80.

229 Bulletin du Comité International permanent pour l'exécution de la Carte du ciel, T. I, 1887, p. 87.

230 B. Baillaud, Discours prononcé à la séance générale du Congrès des Sociétés Savantes le samedi 8 avril 1899, Paris : Imprimerie Nationale, 1899, p. 16.

231 AMT, 2R 116, Inventaire des objets achetés par l'État pour l'observatoire de Toulouse, 2 juillet 1873.

232 AMT, 2R 116, Premier inventaire du mobilier et du matériel de l'observatoire, s.d. [1873].

233 AMT, 2R 95, Rapport adressé par l'astronome directeur à M. le Ministre de l'Instruction Publique des Beaux-Arts, 1879.

234 AMT, 2R 95, Lettre du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts à Benjamin Baillaud, 11 septembre 1877.

235 AMT, 2R 100, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 19 mai 1882.

236 ADHG, 2O Toulouse 110, Lettre de Louis Liard au Préfet de la Haute-Garonne, 11 mars 1898.

237 B. Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 45.

238 AMT, 2R 102, Lettre du maire de Toulouse à Félix Tisserand, 10 mars 1877.

239 AMT, 2R 102, Lettre de Félix Tisserand au maire de Toulouse, 19 mars 1877.

240 Par exemple, AMT, 2R 100, Lettre du maire de Toulouse à Benjamin Baillaud, 9 janvier 1900.

241 AMT, 1D 122, Bulletin Municipal de la ville de Toulouse, n° 10, 3e année, octobre 1884, séance du 25 octobre 1884, f° 1811.

242 Ibid., f° 1812.

243 Observatoires astronomiques de province. Année 1879, Paris : Société d'Imprimerie et Librairie administratives et des chemins de fer Paul Dupont, 1880, p. 3.

244 A. de Beauchamp, op. cit., T. II : 1848-1874, p. 821. Décret d'organisation de l'Observatoire de Toulouse, 15 juillet 1872.

245 Ibid., p. 844. Décret relatif aux Observatoires de l'État, 13 février 1873.

246 AMT, 2R 143, Lettre du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts au maire de Toulouse, 29 janvier 1907.

247 L'ensemble des missives nommant les représentants du ministre de l'Instruction Publique est regroupé dans le carton 2R 143 des Archives Municipales de Toulouse. Sur les enseignants de la faculté des sciences qui interviennent dans cette inspection, voir J. M. Burney, op. cit., p. 285-286.

248 AMT, 2R 143, Mairie de Toulouse, récapitulatif des personnels successivement désignés pour représenter la ville, 22 janvier 1907.

249 AMT, 2R 90, Lettre de M. Istria à Benjamin Baillaud, 12 février 1895.

250 AMT, 2R 128, Lettre de Benjamin Baillaud au personnel de l'observatoire, 17 mars 1906.

251 AMT, 2R 115, Rapport hebdomadaire de Henry Bourget du 14 au 21 mars 1905.

252 AN, F17, 3763, Rapport de la commission de l'observatoire de Toulouse, 11 avril 1900.

253 Ibid., 23 mars 1890.

254 Ibid., 8 avril 1895.

255 AMT, 2R 143, Rapport de la commission de l'observatoire de Toulouse, 23 mars 1896.

256 Ibid., 23 mars 1896.

257 AN, F17, 3763, Rapport de la commission de l'observatoire de Toulouse, 28 mars 1897.

258 Ibid., 11 avril 1900.

259 AMT, 2R 143, Rapport de la commission de l'observatoire de Toulouse, 27 mars 1895.

260 AMT, 2R 95, Lettre du directeur de l'enseignement supérieur à Benjamin Baillaud, 19 mai 1888.

261 AMT, 2R 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 22 mai 1888.

262 A. de Beauchamp, op. cit., T. III : 1875-1883, p. 292. Arrêté instituant un Comité consultatif des Observatoires astronomiques de province, 27 novembre 1879.

263 La liste des membres du Comité consultatif des Observatoires de province est imprimée dans le rapport général de l'année 1879 : Observatoires astronomiques de province, Paris : Société de l'Imprimerie et Librairie administratives et des chemins de fer Paul Dupont 1880, p. 3.

264 A. de Beauchamp, op. cit., T. III : 1875-1883, p. 292. Arrêté instituant un Comité consultatif des Observatoires astronomiques de province, 27 novembre 1879.

265 AMT, 2R 95, Lettre du ministre de l'Instruction Publique à Benjamin Baillaud, 11 janvier 1881.

266 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », in Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XXXVIII : Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1889, 1890, p. 33.

267 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », in Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. LXXI : Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1902, 1903, p. 53.

268 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », in Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. LXVIII : Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1896, 1897, p. 51.

269 Enquêtes et documents relatif à l'enseignement supérieur, T. XIX : Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1884, 1885, p. 6.

270 Enquêtes et documents relatif à l'enseignement supérieur, T. XX : Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1885, 1886, p. 5.

271 Enquêtes et documents relatif à l'enseignement supérieur, T. VIII : Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1883, 1884, p. 3.

272 AN, F17 3752, Comité consultatif des observatoires de province, séance du jeudi 25 mars 1880.

273 Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XIV : Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1883, 1884, p. 6.

274 Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XCIC : Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1908, 1909, p. 1.

275 Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XIV : Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1883, 1884, p. 5.

276 Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XCIC : Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1908, 1909, p. 1.

277 AN, F17, 3763, Lettre du directeur de l'enseignement supérieur à Benjamin Baillaud, 1881.

278 AMT, 2R 95, Lettre du ministre de l'Instruction Publique à Benjamin Baillaud, 20 mars 1880.

279 AMT, 2R 95, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 15 avril 1880.

280 L'observatoire de Toulouse n'est pas le seul établissement à subir les foudres du Comité consultatif des observatoires de province. Le 18 mai 1886, Maurice Loewy souligne « l'insuffisance des publications faites par Lyon, et la nécessité d'en provoquer de nouvelles » (AMT, AN F17 3752, Comité consultatif des observatoires de province, séance du 18 mai 1886).

281 Jim A. Bennett, « On the power of penetrating into space : the telescopes of William Herschel », Journal for the History of Astronomy, vol. 7, Part. 2, n° 19, juin 1976, p. 75-108.

282 Dieter B. Hermann, The history of astronomy from Herschel to Hertzprung, Cambridge : Cambridge University Press, 1984, p. 159-160.

283 Dieter B. Hermann donne un aperçu général de cette évolution au xixe siècle dans le quatrième chapitre de son ouvrage : ibid., p. 157-178. Voir également : Albert van Helden, « Telescope building, 1850-1900 », in O. Gingerich (ed.), The General History of Astronomy, T. IV, Part. A : Astrophysical twentieth-century astronomy to 1950, Cambridge : Cambridge University Press, 1984, p. 40-48.

284 W. Tobin, op. cit., p. 251.

285 AOP, Ms, 1060 V, Lettre de Théodore Despeyrous à Charles Delaunay, 9 novembre 1871.

286 Ibid., 31 décembre 1871.

287 Ernest Mouchez, Rapports annuels de l'Observatoire de Paris, Paris : Gauthier-Villars, T. I, 1878-1891, p. 16. Pour une histoire de ce musée, voir Laetitia Maison, « L'exposition des instruments anciens d'astronomie : histoire et défis actuels », La Lettre de l'OCIM, n° 84, novembre-décembre 2002, p. 40-41.

288 AMT, 2R 95, Lettre du ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts à Benjamin Baillaud, 30 décembre 1880.

289 AMT, 2R 95, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, 16 janvier 1881.

290 J. Payen, « Les constructeurs d'instruments scientifiques en France au xixe siècle », art. cité, p. 131.

291 AMT, 2R 110, Lettre de Félix Tisserand au maire de Toulouse, 3 mai 1875.

292 B. Baillaud, « Notices sur le développement successif des études astronomiques à Toulouse », Revue des Pyrénées et de la France Méridionale, n° 4, 1889, p. 468.

293 AMT 1D 70, Registre des délibérations du Conseil municipal (1873-1874), séance du 21 janvier 1874, ff 529-530.

294 AMT, 2R 110, Lettre de Secrétan à Félix Tisserand, 30 avril 1873.

295 AMT, 2R 110, Lettre de Secrétan à Félix Tisserand, 29 mai 1873.

296 AMT, 2R 110, Lettre de Secrétan à Félix Tisserand, 30 avril 1873.

297 D. B. Hermann, op. cit., p. 158.

298 A. van Helden, « Telescope building, 1850-1900 », art. cité, p. 40.

299 D. B. Hermann, op. cit., p. 160.

300 B. Baillaud, « Notices sur le développement successif des études astronomiques à Toulouse », art. cité, p. 474.

301 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'observatoire de Toulouse », art. cité, p. 278.

302 AMT, 2R 110, Lettre de Félix Tisserand au ministre de l'Instruction Publique, 7 mai 1876.

303 AMT, 2R 135, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 21 mars 1879.

304 Ibid., 12 avril 1880.

305 Congrès astrophotographique international tenu à l'Observatoire de Paris pour le levé de la Carte du Ciel, Paris : Gauthier-Villars, 1887, p. 6.

306 Ileana Chinnici, La Carte du ciel. Correspondance inédite conservée dans les archives de l'Observatoire de Paris, Paris : Observatoire de Paris, Palerme : Osservatorio astronomico di Palermo G.S. Vaiana, 1999, p. 451. L'instrument de l'observatoire de Paris est construit depuis 1885, c'est lui qui permet à Mouchez de donner corps à son projet (ibid., p. 14).

307 J. Payen, « Les constructeurs d'instruments scientifiques en France au xixe siècle », art. cité, p. 136-151.

308 Solange Grillot, « Les instruments des observatoires français au xixe siècle », L'astronomie, vol. 100, juin 1986, p. 282-283.

309 J. Payen, « Les constructeurs d'instruments scientifiques en France au xixe siècle », art. cité, p. 92.

310 S. Grillot, « Les instruments des observatoires français au xixe siècle », art. cité, p. 282-284.

311 J. Payen, « Les constructeurs d'instruments scientifiques en France au xixe siècle », art. cité, p. 110.

312 Ibid., p. 136.

313 S. Grillot, « Les instruments des observatoires français au xixe siècle », art. cité, p. 282-283.

314 J. Payen, « Les constructeurs d'instruments scientifiques en France au xixe siècle », art. cité, p. 137.

315 Charles Trépied, Commentaires des décisions prises par les Conférences Internationales qui se réunirent à Paris en 1887, 1889 et 1891, pour l'exécution photographique d'une Carte du Ciel, Paris : Gauthier-Villars et fils, 1892, p. 7.

316 I. Chinnici, La Carte du ciel, op. cit., p. 8.

317 Ibid., p. 4.

318 Gautier, quant à lui, fabrique la « monture équatoriale d'horlogerie » (AMT, 2R 137, Traité pour la construction d'une monture équatoriale photographique de 12 pouces destinée à la Faculté des sciences de Toulouse, 15 janvier 1887).

319 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport sur l'état et le fonctionnement de l'Observatoire de Toulouse en 1890, 14 mars 1891.

320 S. Grillot, « Les instruments des observatoires français au xixe siècle », art. cité, p. 283.

321 Émile Paloque, Roger Bouigue, « L'observatoire de Toulouse. Historique, travaux, outillage. Récents développements », art. cité, p. 6-13.

322 AMT, 2R 101, Extrait du Bulletin administratif de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts, n° 393, 21 novembre 1876, Décret du 21 novembre 1876.

323 B. Baillaud, « Notices sur le développement successif des études astronomiques à Toulouse », art. cité, p. 474.

324 AMT, 2R 137, Lettre de Paul Gautier à Benjamin Baillaud, 28 septembre 1885.

325 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport sur l'état et le fonctionnement de l'Observatoire de Toulouse en 1890, 14 mars 1891.

326 AMT, 2R 110, Lettre de Félix Tisserand au ministre de l'Instruction Publique, 7 mai 1876.

327 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport présenté à M. le Ministre de l'Instruction Publique sur les travaux exécutés à l'Observatoire de Toulouse en 1891, 4 avril 1892.

328 AMT, 2R 97, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 23 mars 1894.

329 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », in Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1897, Paris : Imprimerie Nationale, 1898, p. 39.

330 AMT, 1D 109, Registre des délibérations du Conseil municipal (1872), séance du 26 juillet 1872, f° 91.

331 ADHG, 2O Toulouse 110, Décret du ministre de l'Intérieur, 25 octobre 1871.

332 ADHG, 2O Toulouse 110, Extrait des registres des délibérations du Conseil municipal, séance du 26 juillet 1872.

333 AMT, 2R 135, Note de Benjamin Baillaud au préfet de la Haute-Garonne, 26 juin 1891.

334 ADHG, 2O Toulouse 110, Lettre du maire de Toulouse au préfet de la Haute-Garonne, 2 octobre 1893.

335 AMT, 1D 114, Registre des délibérations du Conseil municipal (1876), séance du 23 novembre 1876, f 609.

336 ADHG, 2O Toulouse 110, Arrêté préfectoral du 28 juillet 1893.

337 Bulletin municipal de la ville de Toulouse, n° 8, 11e année, 9 août 1892, p. 933.

338 D. Aubin, « The Fading Star of the Paris Observatory in the Nineteenth Century : Astronomers' Urban Culture of Circulation and Observation », art. cité, p. 80.

339 Ibid., p. 94.

340 Yves Lequin, « Les citadins et leur vie quotidienne », in M. Agulhon (dir.), Histoire de la France urbaine, T. IV : La ville de l'âge industriel, op. cit. p. 304.

341 Ibid., p. 306.

342 Marcel Roncayolo, « La production de la ville », in M. Agulhon (dir.), Histoire de la France urbaine, T. IV : La ville de l'âge industriel, op. cit., p. 125.

343 Ibid., p. 126.

344 AMT, 2R 100, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 18 juin 1881.

345 AMT, 2R 100, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 28 juin 1897.

346 AMT, 2R 100, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 18 juin 1881.

347 M. Roncayolo, « La production de la ville », art. cité, p. 125.

348 AMT, 2R 100, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 20 avril 1885.

349 D. Aubin, « The Fading Star of the Paris Observatory in the Nineteenth Century : Astronomers' Urban Culture of Circulation and Observation », art. cité, p. 85.

350 AMT, 2R 91, Lettre de Benjamin Baillaud au préfet de la Haute-Garonne, 27 novembre 1887.

351 AMT, 2R 91, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 25 octobre 1887.

352 AMT, 2R 91, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 11 mars 1888.

353 AMT, 2R 100, Lettre d'Alezais à Benjamin Baillaud, 29 octobre 1887.

354 Julia Cserco, « Extension et mutation du loisir citadin, Paris, xixe-début xxe s. », in A. Corbin (dir.), L'avènement des loisirs 1850-1960, Paris : Flammarion, 1995, p. 132.

355 AMT, 2R 100, Lettre de Félix Tisserand au maire de Toulouse, 17 octobre 1876.

356 AMT, 4D 95, Pétition adressée au maire de Toulouse, 12 mai 1877.

357 AMT, 4D 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 18 décembre 1891.

358 M. Roncayolo, La ville et ses territoires, Paris : Gallimard, 1997, folio essais, p. 113-114.

359 Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses à Paris pendant la première moitié du xixe siècle, Paris : Plon, 1958, Civilisations et mentalités, 566 p.

360 Bulletin municipal de la ville de Toulouse, n° 8, 11e année, août 1892, p. 132.

361 AMT, 2R 97, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 13 mars 1905.

362 L'expression est de Victor Hugo, dans Les Misérables, elle sert de titre à l'ouvrage de Simone Delattre, Les douze heures noires. La nuit à Paris au xixe siècle, Paris : Albin Michel, 2003, Bibliothèque de l'évolution de l'humanité, 851 p.

363 Ibid., p. 655.

364 Ibid., p. 656.

365 AMT, 2R 97, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 13 mars 1905.

366 A. de Beauchamp, op. cit., T. III : 1875-1883, p. 177. Décret du 21 février 1878.

367 AMT, 4D 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 18 décembre 1891.

368 AMT, 2R 132, Projet de maisons pour deux astronomes. Devis et charges générales, 15 avril 1895.

369 AMT, 4D 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 18 décembre 1891.

370 AMT, 2R 132, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 20 mars 1896.

371 AMT, 2R 104, Lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 26 juin 1904.

372 L'analyse du spectre solaire par Gustave Kirchoff et Robert Bunsen en 1859 a permis le développement de l'astronomie physique et la mise au point des premiers spectroscopes. Voir : J. A. Bennett, « The Spectroscope's First Decade », Bulletin of the Scientific Instrument Society, vol. 4, n° 3, 1984, p. 3-6., Charlotte Bigg, Behind the lines. Spectroscopic enterprises in early twentieth Europe, Ph. D Thesis, sous la dir. de Simon Schaffer, Université de Cambridge, 2001.

373 AMT, 2R 97, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 4 décembre 1900.

374 Jean-Christophe Sanchez, Le Pic du Midi de Bigorre et son observatoire, Toulouse : Éditions Cairn, 1999, Lieux de Mémoires Pyrénéens, p. 122.

375 B. Baillaud, Henry Bourget, « Sur les conditions qu'offrent les observations astronomiques à l'observatoire du Pic du Midi », Compte rendu de l'Académie des Sciences, séance du 15 juin 1903, T. CXXXVVI, p. 1417-1418.

376 B. Baillaud, « Installation d'un grand instrument astronomique au sommet du Pic du Midi », Compte rendu de l'Académie des Sciences, séance du 21 octobre 1907, T. CILV, p. 663.

377 E. Davoust, op. cit., p. 134.

378 J.-C. Sanchez, op. cit., p. 123.

379 E. Davoust, op. cit., p. 134.

380 J.-C. Sanchez, op. cit., p. 125.

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