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L'observatoire de Toulouse aux xviiie et xixe siècles

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Jérôme Lamy

Première partie. Le foisonnement des Lumières (1734-1789)

Chapitre 3. Les astronomes toulousains dans la République des Lettres

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Géographique :

France

Texte intégral

  • 1 L. Daston, « The ideal and reality of the Republic of Letters in the Enlightenment », Science in C (...)
  • 2 D. Roche, Le Siècle des Lumières en Province, op. cit., T. I, p. 256.
  • 3 D. Roche, « La diffusion des Lumières. Un exemple : l'Académie de Châlons sur Marne », Annales E.S (...)

1Les astronomes de la cité garonnaise ne s'isolent pas continuellement dans leurs observatoires. Ils s'insèrent au contraire dans la communauté savante du xviiie siècle. Il convient d'abord de mieux cerner cette République des Lettres, d'en fixer plus précisément les contours1. Daniel Roche soutient qu'elle « désigne pour l'essentiel la conscience d'appartenir à une communauté de commerce intellectuel, fondée dans des références et des images communes, porteuses du même idéal de transparence et de progrès, mais aussi l'ensemble des réseaux culturels différenciés qui participent de cette communauté2 ». Cet espace mental ne concerne que le « sommet de la hiérarchie sociale urbaine3 » et s'incarne d'abord dans les académies, héritées, en France, du siècle précédent.

  • 4 M. Taillefer, « L'échec d'une tentative de réforme académique : le Musée de Toulouse (1784-1788) » (...)
  • 5 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 65.

2Les deux principaux observateurs, François Garipuy et Antoine Darquier, s'investissent dans les cercles académiques qui animent la vie intellectuelle de la cité garonnaise au xviiie siècle. Ils sont tous les deux membres de l'Académie des Beaux-Arts. Darquier a également participé, en 1784, à la création du Musée de Toulouse dont l'objectif est de favoriser les collaborations interdisciplinaires entre sciences, arts et lettres4. Présents dans les plus importants cénacles culturels locaux, Garipuy et Darquier s'impliquent toutefois davantage dans les activités de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres qui s'impose comme le cadre principal de la sociabilité élitaire toulousaine5.

  • 6 Jérôme Hadancourt n'a jamais appartenu à l'Académie des sciences de Toulouse. Jacques Vidal n'y en (...)

3Si tous les astronomes toulousains ne sont pas membres de l'assemblée savante6, leur proximité avec cette institution est toutefois très grande. Il convient de mesurer leur implication dans ce cénacle savant et le rôle qu'ils jouent dans son administration. Au-delà de leur engagement académique, les observateurs toulousains prennent place dans la communauté plus restreinte des astronomes qu'ils soient français ou étrangers. Les modes de circulation des informations et les échanges de données qui structurent ce groupe spécifique, empruntent les réseaux plus vastes de la République des Lettres. Une hiérarchie entre Paris et la province s'esquisse alors, qui permet de mieux comprendre le processus de reconnaissance entre astronomes.

Au sein de l'Académie des sciences de Toulouse

  • 7 R. Hahn, L'anatomie d'une institution scientifique, op. cit., p. 59.

4Roger Hahn assure qu'au xviiie siècle, « ce fut une conception transformée de l'Académie qui fournit à la république des lettres un cadre institutionnel viable, à la fois élitiste et dirigé en communauté7 ». Nous avons vu la prégnance de l'Académie toulousaine dans la fondation ou le maintien des observatoires.

5Le creuset académique est indissociable des débuts de l'astronomie dans la cité garonnaise. La Société des sciences a fourni des capitaux et s'est muée en interlocuteur privilégié des instances politiques locales lorsque l'observatoire était menacé.

6Les principaux astronomes se sont impliqués dans le fonctionnement de la Compagnie savante. Le cénacle académique offre à l'opposition entre cartésiens et newtoniens l'occasion de définir de nouvelles normes savantes.

Implication académique

  • 8 Nous reviendrons sur ce mode de communication des informations astronomiques dans ce même chapitre (...)

7Malgré le désir d'indépendance des fondateurs d'observatoires, l'Académie des sciences de Toulouse reste le premier réceptacle des travaux astronomiques entrepris. Les observateurs viennent y lire les comptes rendus de leurs recherches ou les mémoires de leurs différentes études, lors des séances hebdomadaires8.

  • 9 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 187.
  • 10 Ibid., p. 198. Les sciences médicales représentent 27 % des mémoires de la Compagnie.
  • 11 Daniel Roche signale qu'à Châlons-sur-Marne, et malgré l'absence d'observatoire, « l'astronomie s' (...)

8Michel Taillefer a quantifié la part de l'astronomie dans l'ensemble des communications produites au xviiie siècle, elle ne représente « que 13 % de ses activités9 », c'est-à-dire, à peine la moitié du nombre de mémoires consacrés aux disciplines médicales10. Ce chiffre ne traduit pas l'émulation à Toulouse autour de la science des astres11. Quelques académiciens, en dehors du cercle des observateurs de la cité garonnaise, enthousiasmés par leurs descriptions du firmament, n'ont pas hésité à communiquer à la savante assemblée les manifestations célestes dont ils ont été témoins.

  • 12 Histoire & Mémoires de l'Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse,(...)

9Le Marquis d'Orbessan, conseiller au Parlement et ordinaire de la classe de Botanique, fait part à l'Académie de son observation d'une aurore boréale en 1780. Il décrit « un arc radieux, d'où sortaient plusieurs faisceaux de lumière, qui s'élevant assez haut, s'étendirent avec célérité vers plusieurs partie du ciel, depuis l'horizon jusqu'au zénith12 ».

  • 13 Ibid., p. 11.

10Plus proche des astronomes, quoique n'ayant jamais pris part à un examen direct des phénomènes célestes, Jean-Baptiste Marcorelle, qui intervient pour relever l'évolution de la température lors des éclipses, rapporte à la Compagnie savante trois observations d'aurores boréales en 1780. Il reconnaît dans la deuxième une aurore « de l'espèce [...] qu'on nomme tranquille13 » et compare son attentif examen du phénomène au compte rendu qu'en fait Antoine Darquier.

11Les études présentées ici, ne nécessitent pas l'usage d'outils mathématiques que manient quotidiennement les astronomes : il ne s'agit que de descriptions de phénomènes inopinés.

  • 14 Jean-Baptiste Mercadier, « Tables de la hauteur et de la longitude du nonagésime, calculées pour l (...)
  • 15 Gardeil, avant d'être l'académicien référant de Mercadier a été son professeur de mathématique au (...)

12L'un des correspondants de l'Académie de Toulouse à Bélestat, Jean-Baptiste Mercadier, lui aussi étranger au petit groupe d'astronomes qui travaillent dans la cité garonnaise, propose à l'Académie des « Tables de la hauteur du nonagésime, calculées pour l'Observatoire de l'Académie Royale des Sciences14 », dont le but est de donner « l'ascension droite du milieu du ciel », et qui reposent sur des méthodes mathématiques raffinées. Cet ingénieur de la province, correspondant du médecin Gardeil, a donc profité de l'émulation toulousaine autour de l'astronomie pour mettre en avant ses qualités de calculateur15.

  • 16 AAST, Registre des délibérations, T. V, séance du 21 juillet 1746, Article XVII des statuts de l'A (...)

13Si d'autres académiciens que les observateurs ont produit quelques mémoires sur la science des astres, les astronomes ont, quant à eux, proposé des communications dans d'autres disciplines que la leur. Les statuts de la Compagnie savante toulousaine invitent à cette polyvalence académique. Ils rappellent que « quoyque chaque académicien en particulier soit obligé de s'appliquer à l'Étude qui concerne La classe où il est attaché cependant Tous les académiciens en général seront exhortés à étendre Leurs recherches sur Tout ce qui peut contribuer à la perfection des Sciences et des Belles Lettres16 ».

  • 17 AAST, Registre des mémoires copiés, T. I, Bourrust, « Sur les Mathématiques », lu en séance le 19 (...)

14Les mathématiques constituent, comme nous l'avons vu, le socle d'une culture savante commune aux principaux observateurs toulousains. Bourrust, premier protecteur du jeune Garipuy à la Société des sciences, souligne dès 1729 l'importance de la science mathématique et assure qu'elle « est la première science des hommes17 ». Les astronomes toulousains délaissent parfois leurs habituels comptes rendus d'observation pour se consacrer aux mathématiques ou s'intéresser aux applications concrètes de leurs recherches.

  • 18 AAST, Registre des délibérations, T. VI, séance du 16 juillet 1750, f° 209.

15Darquier propose en 1750 une solution au « Problème sur les Intérêts comparés ». Dans son travail l'observateur montre « combien grande est l'analogie entre les logarithmes et ces sortes de questions18 ».

  • 19 AAST, Registre des délibérations, T. III, séance du 6 juin 1741, f 219.
  • 20 AAST, Registre des délibérations, T. X, séance du 8 juin 1758, f° 140.

16Les édifices qu'érige Garipuy en tant que directeur des travaux publics de la province, lui inspirent également des réflexions qu'il livre à l'Académie. Dès 1740, il disserte « sur la construction des ponts et des chaussées19 », avant de lire un mémoire détaillé sur « la forme que doivent avoir les avant-becs des ponts pour qu'ils résistent à l'effort20 ».

17L'importance des mathématiques dans la formation et la pratique astronomique quotidienne de Garipuy et Darquier explique leur prodigalité dans ce domaine au sein de l'Académie. Les deux observateurs s'illustrent par leur souci de trouver des champs d'application à leurs études mathématiques.

18La production académique des deux astronomes comprend également une part importante de mémoires qui témoignent de leur permanente et insatiable curiosité, de leur intérêt pour l'explication des phénomènes naturels, quels qu'ils soient. Ils exposent à l'Académie les manifestations étranges ou exceptionnelles dont on leur fait part.

  • 21 AAST, Registre des mémoires copiés, T. II, Garipuy, « Observations sur le feu singulier qui a paru (...)
  • 22 A. Darquier, « Sur un tremblement de Terre & sur des effets singuliers de la Foudre », Histoire & (...)

19François Garipuy, au début de l'année 1747, rapporte l'observation d'un « feu singulier qui a paru sur la Rivière de Garone le 15 janvier ». Il évoque « un feu de la grandeur et de la figure d'une Gerbe », et explique qu'il tient ces informations « du batelier qui passe la Rivière21 ». Le récit d'un tremblement de terre qu'expose Darquier, en 1784, est une synthèse des trois missives envoyées par « M. Lavant, Correspondant de l'Académie, témoin des événements qu'il raconte22 ».

  • 23 D. Roche, « Les académies provinciales du xviiie siècle et la diffusion des sciences », Actes du 1 (...)

20Les deux académiciens n'ajoutent aucun commentaire aux comptes rendus qu'ils livrent et se contentent d'être les miroirs fidèles des curiosités qui nourrissent la vie académique. Daniel Roche a souligné l'importance du « projet d'inventaire23 », qui anime les académies des Lumières dans leur tentative de comprendre le monde par les sciences. La Compagnie toulousaine n'échappe pas à ce souci de répertorier les phénomènes naturels, d'élaborer des taxinomies, de mettre à jour les curiosités du monde, d'en saisir toute l'étrangeté.

  • 24 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 1777, f° 200.

21Le 16 juillet 1777, Garipuy montre « à L'académie le dessein de Grandeur naturelle d'un Poisson péché cette année dans la baie de Gibraltar, ce Poisson qu'on pourroit Croire unique [.] a une tête très grosse a proportion du Corps qui est fort effilé et armée de dents très Longues et très aigûes, dont les Rangs se croisent24 ».

22Cette curiosité, jamais assouvie et toujours en alerte, n'est pas incompatible avec les méthodes utilisées par les astronomes dans la pratique de leur science.

  • 25 A. Darquier, « Mémoire sur un Méphitis », Histoire & Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscript (...)
  • 26 Ibid, p. 16.
  • 27 Ibid., p. 20.
  • 28 Ibid, p. 19.
  • 29 Ibid., p. 26.

23Antoine Darquier apprend, en 1782, l'existence d'une « méphitis », c'est-à-dire d'une « vapeur maligne qui cause des effets funestes aux hommes & aux animaux qui la respirent », près du « Canal Royal25 ». En préambule, il enjoint les « Physiciens de tourner leurs vues sur cette partie de l'Histoire Naturelle » et fait part de sa méfiance du phénomène exceptionnel et singulier : « on ne sauroit avoir trop d'observations des mêmes faits ; & d'ailleurs il est presque impossible que deux Méphitis se ressemblent assez parfaitement, pour n'offrir aucune différence à un Observateur habile26 ». Darquier relate les différentes manifestations de ce méphitis, qui a causé la mort d'un homme, puis il présente le « Journal des observations faites au Puits pendant le mois de Septembre 174727 ». De la même manière qu'il note quotidiennement dans le journal astronomique les positions des astres, il établit pour le méphitis un recueil de données chiffrées. Antoine Darquier note « tous les jours quelle étoit la hauteur de la vapeur, & la hauteur du mercure dans le Baromètre28 ». L'obsession de la précision et de l'exactitude imprègne ses recherches dans le puits, comme elle structure son examen du ciel. Ainsi souligne-t-il que les observations barométriques du 19 septembre lui ont « paru faîtes avec trop peu de soin29 » pour être retenues.

  • 30 de Mengaud, « Expériences sur le sel de Tartre, dans le même Méphitis », Histoire et Mémoires de l (...)
  • 31 Voir John Heilbron, Electricity in the seventeenth and eighteenth century : a study of early moder (...)

24Dans l'étude du méphitis, l'astronome transpose la méthode qu'il emploie dans ses travaux d'observations célestes et importe sa culture mathématique. Mais il n'existe pas pour autant un continuum quantitatif dans l'ensemble des disciplines savantes décrivant les phénomènes naturels. Ainsi, l'associé ordinaire de chimie de Mengaud effectue une série « d'expériences sur le sel de Tartre, dans le même Méphitis » que celui examiné par Darquier, sans avoir recours aux chiffres ni à la mesure30. L'historien John Heilbron a mis en évidence l'appropriation progressive des pratiques calculatoires par la philosophie naturelle expérimentale à l'époque moderne31. Les approches divergentes de Darquier et de Mengaud montrent toutefois que ce processus n'est pas encore généralisé au xviiie siècle. L'astronome, familier des nombres et de leur maniement, les utilise pour tous les phénomènes naturels qu'il étudie. Le chimiste s'en tient à la tradition baconienne et reste méfiant quant à l'intrusion des mathématiques dans les observations savantes.

25La curiosité comme point cardinal de la vie académique autorise la coexistence de régimes de pratique distincts. Les règles développées par les astronomes toulousains leur permettent de discipliner l'inventaire des phénomènes naturels et d'y faire pénétrer les chiffres et les mesures. À l'inverse, le chimiste de Mengaud tient à une science expérimentale écartant l'idiome mathématique. Les deux comptes rendus figurent côte à côte dans le premier tome des Mémoires de l'Académie des sciences de Toulouse.

26Les observateurs de la cité garonnaise participent à la vie savante de la Compagnie, mais ils s'impliquent également dans son administration et sa gestion quotidienne.

  • 32 AAST, Registre des délibérations, T. I, séance du 12 août 1732, f° 42.
  • 33 Notons que Bertrand Garipuy a occupé la fonction de directeur en 1781 (M. Taillefer, Une académie (...)
  • 34 Ibid., p. 278.
  • 35 AAST, Registre des correspondances, n° 82, Lettre de Riquet Bonrepos, 20 septembre 1788.
  • 36 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 280.
  • 37 Ibid., p. 279.
  • 38 AAST, Registre des délibérations, T. XI, séance du 4 septembre 1760, f° 149.
  • 39 AAST, Registre des délibérations, T. X, séance du 5 janvier 1758, f° 87.
  • 40 D. Roche, « Les académies provinciales du xviiie siècle et la diffusion des sciences », art. cité, (...)
  • 41 AAST, Registre des délibérations, T. X, séance du 5 janvier 1758, f° 87.

27Dès 1732, François Garipuy occupe la place de secrétaire de la Société des sciences32. Il sera ensuite élu comme directeur puis vice-président de l'Académie des sciences après 174633. Riquet de Bonrepos remplira cette fonction à deux reprises, en 1755 et 175634. Il refuse cependant la présidence de la Savante assemblée en 1788, en arguant des effets « de [s]on grand âge35 », qui l'empêcheraient d'accomplir son travail. L'abbé de Sapte puis l'abbé de Rey, collaborateurs ponctuels des principaux astronomes toulousains, ont successivement occupé la très lourde charge de secrétaire perpétuel36. Darquier, enfin, s'est vu confié la vice-présidence de l'Académie des sciences en 1770 et 178737, et s'est illustré alors qu'il en était le directeur en 1760. Le secrétaire de séance note, lors de l'ultime réunion de l'année, que l'auteur des Lettres astronomiques a su « concilier les Intérêts de L'académie et ceux de la vérité aux Égards et les ménagements que la plus délicate sensibilité peut prescrire38 ». Totalement pénétré des idéaux de la Compagnie le même Darquier rappelle à la rentrée de 1750 « les Engagements académiques » qui se résument « à l'intérêt du public, La gloire et l'avantage de la Patrie bienfaisante39 ». L'astronome précise ensuite, dans un élan marqué par cette « volonté de progrès par les sciences40 » qu'évoque Daniel Roche, qu'il existe encore « bien du terrain à défricher et à découvrir41 ».

28On mesure donc à quel point les fondateurs de la cité garonnaise, malgré leur désir d'autonomie dans la pratique de l'astronomie, sont impliqués dans la vie académique dont ils portent et défendent les aspirations.

  • 42 AAST, Registre des délibérations, séance du 29 août 1748, f° 227.
  • 43 Ibid., séance du 4 mai 1747, f° 108.
  • 44 AAST, Registre des délibérations, T. VI, séance du 18 juin 1750, f 183.
  • 45 Ibid., séance du 2 juillet 1750, f° 202.

29Les astronomes mettent également leurs compétences au service de la Compagnie. Celle-ci nomme chaque année des « commissaires pour la Librairie42 », chargés de « rendre compte des Livres nouveaux ». François Garipuy et Antoine Darquier occupent ces fonctions à plusieurs reprises « pour le genre Phisico-mathématiques43 ». Ils doivent, en 1750, examiner l'ouvrage de « M. Joli [...] qui a pour titre Méthode courte et facile pour connoître les principales Étoiles44 », pour en faire leur rapport à l'Académie. Les deux astronomes estiment « que les Calculs de cet ouvrage ont été faits sur de bons principes », mais notent toutefois qu'il manque « le calcul des Lieux du Soleil et des planettes a celuy des Étoiles en se servant des Tables les plus exactes45 ».

  • 46 AAST, Registre des délibérations, T. XI, séance du 6 mars 1755, f° 23.

30La Compagnie mobilise ponctuellement les compétences des astronomes. Le 6 mars 1755, elle charge Darquier « d'examiner le calcul de l'éclipse de Lune qui arriva le 27 de ce mois, que M. De Vaussenville avoit envoyé à l'Académie46 ».

  • 47 F. Garipuy, « Histoire de l'Astronomie à Toulouse », art. cité, p. 51.
  • 48 Ibid., p. 51-52.
  • 49 Ibid., p. 52.

31L'audience de cette savante assemblée était encore faible, « cependant elle fut consultée dans les premiers jours de l'année 1737 », sur une question relative à l'astronomie. Un prêtre d'une paroisse voisine de Toulouse « étoit mort dans la nuit du dernier Décembre 1736, au premier Janvier 173747 », sans qu'on puisse dater le décès avec précision. Quelques paysans « jugèrent unanimement que les trois Étoiles du Baudrier d'Orion [...] avoient passé au Méridien une heure & demie avant la mort du Curé48 ». Le calcul de Garipuy assure que le décès « étoit arrivé à 10h 37' V4. Cette réponse fixa la mort au premier Janvier & la Collation du Bénéfice fut faite en conséquence sans réclamation49 ».

  • 50 V. Ferrone, « L'homme de sciences », art. cité, p. 238.

32À l'intersection de la vie académique et de la pratique de l'observation, la figure de l'astronome prend un nouveau relief. Vincent Ferrone assure qu'au xviiie siècle « l'homme de science est un sujet reconnu et reconnaissable50 ». L'identité des astronomes toulousains est indissociable de leur appartenance à l'Académie des sciences. C'est en son sein qu'ils déploient leur savoir-faire, que peu à peu leur autorité est reconnue, et que leurs compétences sont sollicitées. Le cadre académique est également l'espace privilégié du débat, long et virulent, opposant newtoniens et cartésiens.

Astronomes newtoniens et clercs cartésiens

  • 51 Stéphane Van Damme, Descartes. Essai d'histoire culturelle d'une grandeur philosophique, Paris : P (...)
  • 52 Pierre Brunet, L'introduction des théories de Newton en France au xviiie siècle avant 1738, Genève (...)

33Stéphane Van Damme note qu'au début du xviiie siècle, dans les académies provinciales, « l'héritage cartésien est discuté51 ». L'introduction des théories de Newton52 se heurtait à la physique cartésienne, et les cénacles académiques résonnaient des disputes autour de ces deux conceptions. Toulouse n'échappe pas à ce débat.

  • 53 Ordinaire de la classe de géométrie (M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit.,(...)
  • 54 AAST, Registre des délibérations, T. I, séance du 14 février 1730, f° 12.
  • 55 Ibid., séance du 22 février 1730, f° 12 v°.
  • 56 Ibid., séance du 28 février 1730, f° 12 v°.

34La jeune Société des sciences de la ville connaît dès 1730, les premiers éclats d'une discussion qui oppose le père Planque à Banières53. Le premier « lut une dissertation sur le système de M. Descartes du flux et du reflux de la mer54 », dans laquelle il nie toute influence de la Lune sur les marées. Le second fait un discours « contenant quelques objections sur celui que lu M. Planque55 ». Quelques voix s'élèvent parmi les membres de la Société pour s'inquiéter de l'ampleur que semble prendre le débat. Le secrétaire de séance note malgré tout « que de pareils combats faisoient honneur à la pluralité des voix56 ».

35Cette première controverse inaugure une longue série de discussions virulentes dont l'apogée se situe dans la décennie 1740. L'Académie de Toulouse est alors le théâtre des convulsions d'agonie du système cartésien des tourbillons partout ailleurs moribond. Deux camps au sein de la Compagnie s'opposent autour des thèses de Newton et de Descartes. Leur affrontement et le triomphe sans partage, au milieu du siècle, des théories du savant anglais, constituent les étapes d'une lente conversion académique.

  • 57 Histoire & Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, T. II, (...)
  • 58 Ibid., p. 99.
  • 59 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 259.

36Les deux plus acharnés partisans de Descartes sont le père Reynal et le Père Cavallery. Le premier, « Supérieur Général de la Congrégation de la Doctrine Chrétienne57 », enseigne au Collège de l'Esquille et brille aussi bien à l'Académie des Jeux Floraux, qu'à celle des Sciences. Il est décrit comme « sévèrement attaché58 » au système de Descartes. Le père Cavallery, jésuite, enseigne à la Faculté de théologie59. Ces deux religieux développent, au sein de l'Académie des sciences de Toulouse, leurs arguments en faveur des théories de Descartes et se heurtent aux astronomes François Garipuy et Antoine Darquier.

  • 60 Etienne Hyacinthe de Ratte, op. cit., p. 14.
  • 61 AAST, Registre des délibérations, T. III, séance du 26 mars 1744, ff° 319-324.

37L'adhésion de ces deux observateurs aux thèses de Newton, si elle ne fait aucun doute, doit cependant être nuancée. De Ratte dépeint Garipuy comme un zélé partisan de Leibniz, et s'il « admiroit les sublimes découvertes de Newton [...], comme Métaphysicien, il n'admettoit pas toutes les conséquences qu'en tirent plusieurs de ses disciples : il croyoit que Newton n'avoit rien à perdre étant associé à Leibniz60 ». Quant à Darquier, sa première prise de position résolument opposée aux cartésiens ne date que de 174461.

38C'est autour de ces quatre acteurs qu'une controverse se développe sur plusieurs fronts. La fertilité du débat multiplie en effet les thèmes d'affrontement et fragmente les espaces de divergence.

39Les tourbillons constituent le cœur du système de Descartes, la pierre angulaire de sa conception de l'Univers. Ses partisans s'emploient donc à en justifier l'existence et la pertinence.

  • 62 AAST, Registre des mémoires copiés, T. III, P. Reynal, « Dissertation sur les Tourbillons des Plan (...)
  • 63 René Descartes, Les principes de la philosophie, Paris : chez Théodore Girard, 1681, p. 115.
  • 64 AAST, Registre des mémoires copiés, T. III, P. Reynal, « Dissertation sur les Tourbillons des Plan (...)

40Le père Reynal explique que « la rotation des Planètes secondaires autour des Planètes principales [...] annonc[e] une cause qui produit, qui dirige, qui entretient ces mouvemens et cette cause dans le Système de L'Impulsion, ne peut être attribuée qu'à l'action d'un fluide invisible qui circul[e] autour de chaque planète62 ». L'ecclésiastique toulousain reprend ici la démonstration de René Descartes expliquant « que la matière du Ciel où sont les Planètes, tourne sans cesse en rond ainsi qu'un tourbillon qui auroit le Soleil à son centre63 ». Le père Reynal reconnaît que l'hypothèse des tourbillons est largement contestée et se propose « de répondre aux difficultés qui détruisent L'Edifice des Tourbillons64 ».

  • 65 AAST, Registre des Mémoires copiés, T. III, P. Reynal, « Dissertation sur l'Existence et la nécess (...)

41Bien plus qu'une stratégie de résistance à l'intrusion des thèses de Newton, le religieux adopte une attitude résolument offensive. Il ne se contente pas de soutenir la cohérence du système cartésien, mais propose au contraire de l'affiner, de le rendre encore plus pertinent. Ainsi, lorsque le père Reynal s'interroge sur « la diversité du Tourbillon Lunaire », il se propose d'étendre sa réflexion aux satellites du système solaire. Il examine en particulier les différences entre la Terre, qui n'a qu'un satellite, et les planètes qui en ont plusieurs. Il assure que les satellites ont leurs propres tourbillons qui se combinent avec celui de l'astre autour duquel ils effectuent leurs révolutions. Si « Jupiter et Saturne tournent plus vite autour d'eux-mêmes que la terre » c'est parce que ces deux planètes possèdent chacune plus de satellites. Le fervent cartésien ajoute que « tous les Tourbillons des satellites agissent sur le fluide inférieur et ils le dirigent vers les planètes centrales avec plus ou moins de force suivant qu'ils sont puissants du côté du nombre ». Pour le père Reynal, « Jupiter et Saturne doivent rouler plus vite que la terre dans la proportion correspondante à l'action de leurs satellites et aux causes particulières qui peuvent L'augmenter ou la diminuer65 ».

42Cette défense acharnée du système tourbillonnaire de Descartes, renforcée par un souci de perfectionnement, ne suscite guère de réactions de la part des partisans de Newton.

  • 66 AAST, Registre des délibérations, T. III, séance du 26 mars 1744, f° 319.
  • 67 Ibid., f° 322.
  • 68 Ibid., f° 321.
  • 69 Ibid., ff° 321-322.
  • 70 Ibid., f° 324.

43Darquier a formulé en 1744 une longue objection aux tourbillons dans son mémoire Sur le mouvement des planètes dans le tourbillon solaire tel que les cartésiens le conçoivent66. L'astronome toulousain ne s'adresse pas directement aux cartésiens de l'Académie, mais sa critique porte sur le « sistème de M. Molière ». Il se propose de prouver « La fausseté du sistème des Carthésiens67 ». Antoine Darquier assure que dans cette conception « Le mouvement de Rotation des planètes devroit être Contraire à celluy qu'on Leur a découvert, C'est d'orient en occident68 ». L'observateur de la cité garonnaise use d'une métaphore pour convaincre l'auditoire et détruire la proposition de l'abbé Molière. « Il est sur, explique Darquier, que dans un moulin à nef placé dans le Courant d'une Rivière, Les Roues tournent d'un Sens opposé au Courant de L'eau, il devrait donc être de même des planètes qui Tournent autour du Soleil, c'est-à-dire que Leur mouvement de rotation devroit être contraire au mouvement de Révolution69. » L'observateur toulousain conclut, ironique, « qu'il est impossible de faire mouvoir les planètes par L'impulsion du fluide solaire sans renverser Leurs mouvements Les plus avérés70 ».

44Les protagonistes se livrent donc, sur les tourbillons, un duel à distance, évitant l'algarade, ils préfèrent développer leurs arguments et exposer leurs conceptions. Les oppositions les plus directes ne portent pas sur les tourbillons eux-mêmes, thématique centrale du système cartésien, mais sur des sujets plus périphériques.

  • 71 Antoine Cavallery, « Dissertation sur la cause physique du flux et du reflux de la mer », in Pièce (...)
  • 72 Jérôme Lalande cité par G. Bigourdan, « Histoire de l'astronomie à Toulouse de l'origine à la fond (...)
  • 73 A. Cavallery, « Dissertation sur la cause physique du flux et du reflux de la mer », art. cité, p. (...)
  • 74 Ibid., p. 9-10.
  • 75 AAST, Registre des délibérations, T. III, séance du 29 mai 1742, f° 231.

45L'explication des marées fait ainsi l'objet d'une âpre discussion entre François Garipuy et le père Cavallery. Ce dernier est l'auteur d'une Dissertation sur la cause physique du flux et du reflux de la mer71, parue en 1741 et qui a obtenu l'année précédente le prix de l'Académie des sciences de Paris, grâce au « crédit des vieux partisans de Descartes : Cassini, Fontenelle, Réaumur, etc.72 ». Le père Cavallery soutient dans ce texte une ferme position cartésienne. Il avance qu'il existe des « Fluides que nous n'apercevons pas, mais dont nous voyons les effets73 », qui expliquent la rotation et la révolution des astres. Le religieux assure doctement : « examinons les mouvemens & les efforts de ces Fluides, nous y trouverons une cause de la régularité & des prétendues irrégularités du Flux et du Reflux de la Mer74 ». Fort de son succès à l'Académie de Paris, le père Cavallery présente en janvier 1742 ses réflexions à la Compagnie toulousaine. Le 29 mai suivant, François Garipuy fait part à l'Académie des commentaires que lui inspire « le mémoire du père Cavallery Sur le flux et le reflux ». L'assemblée prie l'astronome « de suivre ces idées et de former un mémoire qui y puisse Être conservé par la société75 ». Ces encouragements académiques témoignent à la fois de l'intensité des débats engagés et de l'indécision de la Compagnie quant au cartésianisme.

  • 76 Ibid., séance du 10 juillet 1742, f 235.

46Peu après cependant, la position du père Cavellery semble s'affaiblir et il est contraint d'avancer des arguments supplémentaires. En juillet 1742, l'Académie de la cité garonnaise réclame à François Garipuy « Les Observations qu'il peut avoir faites au sujet de ce système du père Cavallery ». La Compagnie insiste en soulignant qu'elles engageraient le jésuite à fournir de « nouveaux Eclaircissemens76 ».

47Dans cette passe d'armes entre le partisan de Descartes et le défenseur de Newton, l'opinion académique paraît avoir basculé. Elle ne marque pas, pour autant, la fin de l'offensive cartésienne sur la question du flux et du reflux de la mer.

  • 77 Ibid., T. VI, séance du 22 janvier 1750, f° 128.
  • 78 Ibid., f° 129. Newton explique en effet dans les Principia, que « le flux et le reflux de la mer v (...)

48En janvier 1750, le père Reynal rapporte à l'Académie « Les hipothèses par lesquelles MM. Newton et Descartes ont cherché à rendre raison » du mouvement des marées. L'ecclésiastique est conscient que les thèses du philosophe français sont largement rejetées et il opte pour une stratégie originale. Il énumère dans les deux théories « les difficultés [qu'il] regarde comme insolubles ». Le père Reynal assure « quelles doivent être abandonnées L'une & l'autre », au profit d'une troisième « qui à la vérité est fondée sur les Tourbillons de même que celle de M. Descartes77 ». Le religieux, s'il se défend de recourir aux explications de Descartes, attribue néanmoins les marées « à la pression que Le Tourbillon de la Terre et celuy de la Lune exercèrent réciproquement L'un sur L'autre ». Il soutient que « plusieurs circonstances doivent rendre cette pression plus ou moins forte », il est donc « tout naturel que les marées suivent ces différences ». Il intègre ici dans son système des éléments de la théorie newtonienne des marées en ajoutant à ces mouvements tourbillonnaires « les différentes positions du Soleil, de la Lune et de La Terre78 ».

  • 79 AAST, Registre des délibérations, T. VI, séance du 22 janvier 1750, f° 129.

49Cette tentative des cartésiens toulousains de s'adapter à un contexte largement dominé par les thèses de Newton marque un net recul de leurs positions. Si l'Académie de Toulouse tolère encore ce mémoire du père Reynal sur les marées, elle ne se prive pas d'en diminuer la portée. Le secrétaire de séance note que le religieux « rend raison, un peu en gros à la vérité des principales Circonstances observées dans Le flux et reflux de la mer79 ».

  • 80 Sur la figure de la terre : Antonio Lafuente, José L. Peset, « La question de la figure de la Terr (...)
  • 81 I. Newton, Les principes mathématiques de la philosophie naturelle, Livre III, Proposition XIX, Pr (...)
  • 82 Arkan Simaan, La science au péril de sa vie. Les aventures de la mesure du monde, Paris : Vuibert/ (...)
  • 83 A. Lafuente, José L. Peset, « La question de la figure de la Terre. L'agonie d'un débat scientifiq (...)
  • 84 Sur cette controverse à l'Académie au début du xviiie siècle : P. Brunet, op. cit., p. 153-298.

50La polémique entre les astronomes et les religieux porte également sur la figure de la Terre80. Le livre III des Principia d'Isaac Newton démontre, à partir de l'explication de la gravitation que la Terre est un sphéroïde aplati aux pôles81. Les premières mesures de la méridienne de Paris par Jean Dominique Cassini et son fils, entre 1682 et 171882, conduisent à une conclusion opposée et « l'analyse des renseignements obtenus rendait plus plausible la thèse d'une Terre oblongue, aplatie à l'équateur83 ». Cette contradiction entre théorie et expérience se double, au début du xviiie siècle à l'Académie des sciences de Paris, d'une opposition entre les options cartésienne et newtonienne de l'étude du monde physique. Deux clans s'affrontent alors dans le cénacle parisien : les cartésiens autour de Fontenelle et Cassini, les newtoniens avec Maupertuis84.

  • 85 AASP, Procès-verbaux de l'Académie Royale des Sciences de Paris, séance du 23 décembre 1733.

51La réalisation de nouvelles mesures paraît alors indispensable et Louis Godin défend, dans une séance de l'Académie de 1733, « l'utilité d'un voyage sous l'équateur85 ». L'idée d'un autre voyage, dans le nord de l'Europe, est également acceptée.

  • 86 Sur le récit de ces expéditions et la discussion des résultats : A. Lafuente, « L'aventure et la s (...)

52Les résultats des deux expéditions marquent le triomphe des newtoniens et la défaite des cartésiens : les mesures des degrés de méridiens indiquent que la sphère terrestre est effectivement aplatie aux pôles86.

53Cette querelle parisienne n'est pas ignorée en province, et les lignes de front entre partisans de Descartes et défenseurs de Newton s'activent à Toulouse autour de la figure de la Terre.

54L'initiative de la dispute et l'occupation du terrain de la controverse reviennent aux cartésiens de la cité garonnaise, qui s'emploient à réduire les thèses du mathématicien anglais.

  • 87 AAST, Registre des mémoires copiés, T. II, A. Cavallery, « Examen de la Solution que Mr Newton a d (...)
  • 88 Ibid., f° 390.

55Le père Cavallery présente un « Examen de la Solution de Mr. Newton a donné du 3e Problème au livre 3e de ses Principes87 ». Le mémoire est une charge violente contre Newton, où l'ironie se mêle à la démonstration. Le jésuite relève que le calcul de l'aplatissement terrestre donné dans les Principia diffère des « plus exactes observations faites en France ». Mordant, le père Cavallery écrit « qu'on est réduit à convenir que cet oracle des Physiciens anglois ne sçavoit pas bien tout ce qu'il enseignoit sur cet article ». Il se récrie « contre la crédulité de tant de phisiciens modernes qui sans examiner ont admis comme certain le rapport que M. Newton détermine entre la force centrifuge et la pesanteur88 ».

  • 89 Ibid., f° 395.

56Le religieux profite de cette flagrante contradiction entre l'aplatissement prévu et celui mesuré pour condamner le système de Newton et réintroduire la conception cartésienne qu'il défend. Son explication de la forme de la Terre suppose « qu'originairement La Planète fut un fluide [...] homogène ». Celui-ci « venant rouler autour d'un axe, il forme le corps d'une planète dont toutes les colonnes étoient en équilibre autour du centre ». Le père Cavallery conclut que « cette planète ne pouvoit être qu'un de ces tourbillons dont le mécanisme a été profondément examiné par tant de célèbres Carthésiens89 ».

  • 90 AAST, Registre des mémoires copiés, T. III, P. Reynal, « Mémoire sur l'aplatissement de la Terre. (...)
  • 91 Ibid., f° 175.

57Cette défense arc-boutée du système tourbillonnaire et des conceptions de Descartes devient peu à peu intenable pour les deux clercs toulousains. Le père Reynal, en critique polymorphe, tente de rendre cohérentes les thèses cartésiennes et les mesures montrant un aplatissement du sphéroïde terrestre. L'ecclésiastique toulousain assure ainsi « qu'on peut trouver dans L'hipothèse de Descartes La cause phisique de L'aplatissement de la Terre90 ». Le religieux s'étonne que « Descartes Étant mort en 1650, c'est-à-dire plus de vingt ans avant qu'il ne fut question de L'aplatissement du globe Terrestre, il eut pourtant arrangé le système général du monde de telle sorte que cet aplatissement s'y trouvat expliqué avant même qu'il fut connu91 ».

  • 92 Ibid., f° 176.
  • 93 Ibid., f° 178.

58L'ecclésiastique rapporte la conception du philosophe français en indiquant que la circulation de « la matière subtile » du tourbillon solaire au tourbillon terrestre, suppose un mouvement par rapport à la Terre qui va « d'un pôle à l'autre parallèlement à son axe92 ». L'action de cette matière, qu'il appelle « polaire », est contrariée par la force centrifuge, à laquelle le père Reynal n'accorde qu'une importance secondaire. Le fluide, « en traversant le Tourbillon de la Terre participe a son mouvement circulaire, et en vertu de ce mouvement, [il] S'Échappe entre les globules par les voyes étroites qui L'amènent à la circonférence ». Le fervent cartésien conclut en expliquant que dans la description des mouvements qu'il vient de faire, « l'impression de cette matière sur les corps est donc plus forte vers les pôles que vers L'Équateur93 ».

59Le père Reynal réussit le tour de force d'adapter les propositions de Descartes aux mesures expérimentales que les cartésiens ont longtemps combattues. Capable de tout expliquer, d'intégrer toutes les données d'observations, la théorie cartésienne devient peu à peu une matrice conceptuelle privée de sa substance et défendue comme une forteresse vide.

60L'ardeur des partisans du philosophe français est d'autant plus vaine que, sur ce thème de la figure de la Terre, les astronomes toulousains s'expriment peu.

  • 94 Mercure de France, septembre 1735, f° 2022.

61En 1735, François Garipuy donne « trois Démonstrations fort simples et fort subtiles, au sujet de la fameuse Question, [de savoir] si la Terre est une Sphéroïde allongée ou aplatie. Il fit voir que la meilleure méthode pour la décider est justement celle que nos géomètres et nos Astronomes vont mettre en pratique au Pérou, par Ordre du Roy94 ».

  • 95 AAST, Registre des délibérations, T. III, séance du 14 avril 1739, f° 165.
  • 96 Cité par M. Taillefer, L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse au xvii (...)

62L'observateur de la cité garonnaise n'attend pas le retour de cette expédition pour triompher, et annonce à l'Académie les premières mesures de Maupertuis en Laponie, qui prouvent « que la Terre a la figure d'un Sphéroïde aplati95 ». Les newtoniens de Toulouse s'en tiennent là et ne polémiquent pas sur ce sujet avec les religieux cartésiens. Ces derniers s'agacent de la conversion progressive de l'Académie. Le père Cavallery tient à rappeler en 1748 que « les Newtoniens ne sont guère plus avancés que les partisans de M. Descartes96 ».

  • 97 AAST, Registre des délibérations, T. V, séance du 11 août 1746, f° 33.
  • 98 Ibid., séance du 2 août 1747, f° 147.

63Le choix du sujet pour le prix de l'Académie en 1747 cristallise la position de la savante assemblée toulousaine au milieu du siècle. La Compagnie retient « La Cause Physique de L'aplatissement de la Terre, tel qu'il a été déterminé par les opérations faites au Cercle Polaire, en France et dans l'équateur97 ». L'Académie souligne l'importance du problème qu'elle soumet en estimant « qu'il semble estre la pierre de Touche de l'attraction98 ».

  • 99 Ibid., T. VI, séance du 25 août 1750, f° 228.
  • 100 Ibid., f° 230.
  • 101 Ibid., T. X, séance du 5 mai 1757, f° 25.
  • 102 Alexis Clairaut, « Nouvelle figure de la Terre où l'on concilie les mesures actuelles avec les pri (...)

64Riquet de Bonrepos, qui est chargé de remettre le prix, lors de l'assemblée publique, dresse un portrait apologétique du lauréat, Alexis Clairaut, et de son œuvre : « en concluant par une analyse exacte et précise de celui qui réunit les suffrages en sa faveur, il fait sentir Les traits de génie et de Savoir qui le rendent digne de son Illustre Auteur99 ». L'ancien magistrat assure que les techniques employées par Clairaut sont « si ingénieuses qu'il n'est pas facile de décider ce qui mérite Le plus d'Éloge dans son ouvrage du mérite, de l'invention ou des ruses subtiles de calcul100 ». Après quelques modifications101, le mémoire paraît finalement en 1758 sous le titre de Nouvelle figure de la terre102.

  • 103 AAST, Registre des délibérations, T. VI, séance du 25 août 1750, f° 228.

65Riquet de Bonrepos signale clairement que cette récompense marque, à l'Académie de Toulouse, le triomphe sans partage de « l'attraction Newtonienne » sur « Les Tourbillons de Descartes103 ».

66Pour les partisans du philosophe français, la défaite n'est pas seulement académique, elle signale également une transformation complète de la physique.

67Yves Gingras a montré comment la réception des travaux de Newton a modifié les relations entre physique et mathématiques.

  • 104 Yves Gingras, « What did Mathematics do to Physics ? », Cahiers d'Épistémologie, n° 274, 2001, p. (...)
  • 105 AAST, Registre des mémoires copiés, T. III, P. Reynal, « Mémoire sur la Cause du flux et du Reflux (...)
  • 106 AAST, Registre des délibérations, T. V, 15 juin 1747, f° 131.
  • 107 Ibid., T. VII, séance du 4 janvier 1751, f° 36.
  • 108 AAST, Registre des mémoires copiés, T. II, P. Reynal, « Mémoire sur l'aplatissement de la Terre. E (...)

68L'abbé de Molière, critiqué par Antoine Darquier, « preferred the "à peu près" of the vortex to the artificial geometrical precision of Newtons metaphysical forces104 ». Les ecclésiastiques toulousains, partisans de Descartes, répugnent à recourir aux mathématiques. Le père Reynal précise que le philosophe français dont il exploite les concepts suit « des idées plus physiques105 ». Développant ses arguments en faveur des propriétés de la matière subtile, le même religieux prévient qu'« elles sont communément plus familières aux Physiciens qu'aux Géomètres106 ». Le cartésien ne se contente pas de mettre à distance les mathématiciens, il met en doute l'usage même de leur science en physique. « On sçait, confie-t-il en 1751, que par les Secours même de La géométrie, La Physique ne peut toujours se garantir des faux pas ; soit à cause que L'incertitude de ses principes rejaillit nécessairement sur les conséquences Les plus exactes qu'on en peut tirer ; soit que les procédés de la nature ne puissent toujours se prêter sans altération aux décompositions, auxquelles Le géomètre est obligé d'avoir recours pour donner prise à son art107 ». Cependant face aux attaques des newtoniens, qui ont, eux, recours aux mathématiques, cette position devient rapidement intenable. Et le père Reynal constate que son explication de la matière polaire est « du Roman » pour « ceux qui n'aiment que le vray qu'on trouve au bout du compas108 ».

  • 109 Alexandre Koyré, « Sens et portée de la synthèse newtonienne », in Études newtoniennes, Paris : Ga (...)
  • 110 Louis Châtellier, Les espaces infinis et le silence de Dieu. Science et religion, xvie-xixe siècle (...)

69Alexandre Koyré a montré comment la synthèse newtonienne modifie la conception du monde, désormais saisi dans sa dimension géométrique109. Cette mathématisation de l'Univers a inquiété les ecclésiastiques dès le xviie siècle. Louis Châtelier rapporte que certains religieux virent dans ce processus « l'œuvre diabolique de savants désireux de s'élever jusqu'à Dieu par la découverte des secrets de sa Création110 ».

  • 111 Y. Gingras, « Mathématisation et exclusion : socio-analyse de la formation des cités savantes », i (...)

70Pierre Reynal et Antoine Cavellery témoignent au siècle des Lumières de cette crainte rémanente. Cependant cette attitude ne suffit pas à expliquer les réticences des cartésiens. La conversion de l'Académie toulousaine aux thèses de Newton marque également le passage d'une conception de la physique fondée sur des « idées claires et distinctes mais essentiellement verbales111 » à une physique largement mathématisée.

  • 112 Ibid., p. 123.

71Reprenant la thématique bachelardienne de la cité savante, Yves Gingras assure qu'elle est au xviiie siècle « un champ scientifique en processus de formation112 ». L'agressivité de certains auteurs, et en particulier des cartésiens, est une réaction aux obstacles et aux droits d'entrée que constituent désormais la maîtrise et la pratique des mathématiques en physique. Si les clercs cartésiens ont tout à craindre d'une intrusion de la géométrie qui risquerait de les exclure des cercles savants, les astronomes newtoniens, qui manient quotidiennement les calculs et la géométrie, n'ont, au contraire rien à redouter de ce nouvel usage.

72Les mathématiques deviennent l'indispensable laisser-passer pour la cité savante au xviiie siècle. Elles sont, pour les astronomes toulousains, le socle de leur culture et le langage de leur pratique d'observateurs : leur adhésion aux travaux de Newton n'en est que plus facile.

73La circulation des informations dans cette communauté savante s'effectue selon diverses modalités, qu'elles soient orales ou écrites. Il convient d'analyser ces supports de transmission et leur importance dans le processus de reconnaissance des astronomes au sein de la République des Lettres.

Rendre compte et faire savoir

  • 113 Hans Bots, Françoise Waquet, La République des Lettres, Paris : Belin, De Boeck, 1997, 192 p.

74Les astronomes toulousains du xviiie siècle s'insèrent dans cet espace savant dont Hans Bots et Françoise Waquet ont tracé les contours113. Ils en empruntent les réseaux de communication, ses modes d'échange d'informations.

75La correspondance et les voyages permettent aux observateurs de trouver leur place dans cette trame. Leurs propres travaux viennent ensuite grossir le flux des publications qui, sanctionnées ou célébrées, constituent la pierre de touche du système de reconnaissance savante. Les astronomes toulousains ne s'adressent pas uniquement, dans leurs ouvrages ou leurs discours, aux observateurs dont ils partagent la pratique. Un effort de vulgarisation et de transmission par la traduction, est à l'œuvre à Toulouse au xviiie siècle. Dépassant le strict cadre de leur activité savante, Garipuy, et surtout Darquier, investissent le champ très prisé de la communication au grand public.

76Ces modes de diffusion du savoir astronomique se structurent peu à peu, et délimitent les contours d'une communauté des observateurs qui élaborent ses dispositifs d'échanges et ses hiérarchies.

Circulation des informations : correspondances, périodiques et voyages

77Dans son discours à la société des sciences de Montpellier en 1774, le docteur Girard fait l'éloge de la correspondance épistolaire en ces termes :

  • 114 ADH, D 199, Docteur Girard, Discours présenté à la Société Royale des Sciences de Montpellier, 177 (...)

Le commerce entre les sçavans que Le hazard de la naissance ou le désir de La gloire ont fixé sur les grands théâtres, et ceux qu'un sort plus digne d'Envie a attaché dans leur province à la culture de l'héritage paternel [...] devient, pour Les derniers, aussi avantageuse que Le Séjour de La Capitale, sans les exposer aux mêmes Embarras même qu'une telle correspondance supplée quelque fois a bien des années d'observation et d'étude114.

78Ainsi, pour l'académicien de province, les échanges de lettres réduisent les disparités géographiques et l'hégémonie parisienne.

79Daniel Roche a souligné l'importance de la correspondance savante au xviiie siècle :

  • 115 D. Roche, Les Républicains des lettres, op. cit., p. 264.

Le rôle des échanges épistolaires est l'une des traditions qui organise le plus fortement la notion même de « République des Lettres ». C'est un élément indispensable de la circulation des informations et écrire des lettres, en recevoir, y répondre constitue l'une des tâches principales des érudits et des savants. Le commerce des postes permet de rester en contact et de transmettre comme de réceptionner savoirs et nouvelles115.

80La circulation des écrits et la transmission des informations donnent corps à une communauté dont les membres sont disséminés sur le territoire.

81Les astronomes toulousains et leurs correspondants restent tributaires de l'organisation matérielle des échanges et des difficultés dans la transmission des courriers.

  • 116 AOP, B4 9-12, Lettre d'Antoine Darquier à Le Monnier, 24 avril 1786.

82Antoine Darquier explique en 1786 à Le Monnier que sa missive lui est parvenue avec près de neuf mois de retard car elle n'a pas été affranchie116.

  • 117 AAST, Registre des correspondances, Lettre d'Antonio de Ulloa au secrétaire perpétuel de l'Académi (...)

83Le franchissement des frontières accentue, comme pour les livres, les difficultés. La circulation transfrontalière du courrier oblige ainsi les correspondants à activer leurs relais personnels. Le marin et astronome espagnol Dom Antonio de Ulloa explique à l'Académie de Toulouse qu'il a reçu la lettre qui lui été destinée avec du retard « à cause que [s]on correspondant à Paris, Mr. de Bruz, ne voulant pas l'exposer l'a remis à un de [s]es amis117 ».

84Les astronomes toulousains n'ont pas, la plupart du temps, amorcé seuls une correspondance. L'Académie des sciences de la cité garonnaise a joué un rôle considérable dans la genèse des échanges de missives. Son statut de cénacle savant établi et reconnu, permet au jeune Garipuy d'entrer en contact dès 1733, avec l'Académie de Paris.

  • 118 AAST, Registre des correspondances, Lettre de Etienne-Hyacinthe de Ratte à l'abbé de Sapte, 29 déc (...)

85Les échanges épistolaires entre les différentes sociétés savantes constituent souvent le préambule à une collaboration plus étroite, à des liens plus resserrés. Lorsque de Ratte, secrétaire perpétuel de la Société royale des sciences de Montpellier s'adresse à son homologue toulousain, l'abbé de Sapte, en 1746, il « accepte avec plaisir la proposition d'une correspondance [...] entre les deux Académies » et se dit « trop charmé de lier avec lui un commerce dont [il sent] tout le prix118 ».

86La genèse d'une correspondance, lorsqu'elle s'ébauche en dehors des cercles académiques, reste aléatoire et contraint les astronomes toulousains à mobiliser les réseaux qu'ils maîtrisent déjà.

  • 119 J.-M. Faidit, L'Observatoire de la Babote, op. cit., p. 84-85.
  • 120 AOP, B 1-4, Correspondance de Nicolas Delisle, T. IX, n° 85 a, Lettre de François Garipuy à Pierre (...)
  • 121 Ibid., n° 135, Lettre de Nicolas Delisle à François Garipuy, 5 juillet 1748.
  • 122 Ibid., T. X, 5a, Lettre d'Antoine Darquier à Nicolas Delisle, 15 septembre 1748.
  • 123 Ibid., n° 88, Lettre de Nicolas Delisle à François Garipuy, 13 mars 1751.

87En 1746, François Garipuy s'adresse à Pierre François de Guilleminet119, astronome à Montpellier et correspondant de Nicolas Delisle alors à l'observatoire de Saint-Pétersbourg. « J'eusse bien souhaité sçavoir, lui demande-t-il, si vous estes depuis longtemps en correspondance avec M. delisle et par quelle route vous recevés de ses nouvelles et luy envoyés des vostres120. » L'observateur héraultais transmet la missive de Garipuy à son correspondant en Russie. Nicolas Delisle rédige alors une lettre à l'intention de l'astronome de la cité garonnaise. Il comble ses attentes en lui assurant qu'il souhaite « avoir quelque correspondance avec [lui] L'astronomie et la partie de la physique qui regarde les observations météorologiques121 ». Profitant de l'ouverture de cet échange, Antoine Darquier s'empresse d'écrire à Nicolas Delisle pour lui assurer qu'il se fait « un devoir de [lui] communiquer tout ce qui viendra à [s]a connoissance122 ». Mais l'astronome toulousain subit une vive rebuffade de l'observateur de Saint-Pétersbourg. Celui-ci confirme à François Garipuy qu'il a bien reçu la missive de Darquier et insiste : « Je prie M. Darquier de vouloir bien me permettre que ce soit avec vous seul que j'entretienne la correspondance123. » Delisle, qui connaît sa notoriété peut se permettre de choisir ses interlocuteurs et de restreindre l'étendue de son réseau épistolaire.

  • 124 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 8 mars 1781, f 1025.

88L'importance des astronomes avec lesquels les observateurs de la cité garonnaise échangent, induit une économie épistolaire secondaire. Autour de ces correspondances se développent des provignements et des ramifications multiples. Méchain, sachant que Darquier a « l'avantage de correspondre avec [Bernoulli, l']a prié de [lui] adresser les éléments de la comettes de 1780 déduites de ses observations124 ».

  • 125 AOP, B 1-6, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XI, n° 106, Lettre de François Garipuy à Nicolas (...)

89Les échanges institués, les réseaux déjà tracés, permettent à d'autres astronomes de s'y introduire ou de s'y agréger. Les observateurs dont l'audience est largement reconnue, polarisent les correspondances et drainent une multitude d'interlocuteurs. La correspondance avec un astronome éminent signale également l'entrée dans la communauté savante et l'adoubement des observateurs en quête d'interlocuteurs. François Garipuy s'adressant à Delisle, lui fait remarquer qu'après avoir été repoussé, « d'Arquier se félicite que ses observations lui ayant procuré l'avantage d'estre connu de [lui] et qu'il est très sensible aux marques d'estime et de bienveillance [qu'il a] bien voulu luy donner125 ».

  • 126 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 8 mai 1785, f° 1084.
  • 127 AOP, Ms 1029a, Résumé de la correspondance de Nicolas Delisle, T. XIII, n° 126 a, Lettre d'Antoine (...)

90Au-delà d'un évident désir de reconnaissance savante, Darquier, lorsqu'il entreprend une relation épistolaire suivie avec Jean Bernoulli, souhaite gagner son amitié. Il se flatte que son correspondant veuille « bien [le] compter » parmi ses « amis126 ». Le même Darquier souligne l'importance des échanges dans l'entretien des relations fraternelles qu'il a avec Nicolas Delisle : « Je me trouverai extrêmement flatté, lui écrit-il en 1755, de la continuation de votre correspondance et de votre amitié127. »

91Le contenu des lettres que les astronomes toulousains font parvenir à leurs correspondants, décrit leur travail au quotidien, leurs recherches en cours.

  • 128 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 8 mai 1785, ff° 1083-1084.

92À Bernoulli, Antoine Darquier envoie, le 8 mai 1785, « l'occultation de Vénus par la Lune du 12 du mois passé [...] [et] les lieux des deux planètes ». Il l'informe qu'il n'a pas eu le temps d'observer la nouvelle planète découverte par Herschel, mais précise qu'il « compte profiter de [s]es premiers moments Libres pour la rechercher128 ».

  • 129 AOP, Ms 1058, Fonds Séguier, T. I, Lettre d'Antoine Darquier à Flaugergues, 19 décembre 1789.

93Flaugergues, à Nîmes, reçoit d'Antoine Darquier une lettre qui répond à ses interrogations au sujet de l'anneau de Saturne. L'astronome de la cité garonnaise lui retranscrit ce qu'il « trouve écris sur [s]on journal129 », pour ne pas trahir ses observations.

  • 130 Sven Widmalm, « L'espace scientifique scandinave », in Michel Blay, Efthymios Nicolaïdis (dir.), L (...)
  • 131 AAST, Registre des délibérations, T. VI, séance du 7 août 1749, f° 95.

94Sven Widmalm souligne que « grâce à sa correspondance, un astronome du xviiie siècle pouvait agrandir son observatoire : deux observatoires, géographiquement éloignés l'un de l'autre, mais reliés par des échanges de lettres, rendaient possible une vision spectroscopique indirecte des phénomènes célestes, et cela était nécessaire à la détermination exacte des positions et des distances130 ». La communication réciproque des informations est précieuse pour les astronomes qui accumulent les données pour améliorer leurs tables. François Garipuy admet que, lorsqu'il a reçu « les observations de L'Éclipse de Soleil du 25 juillet 1768, et celle de Lune du 8 Aoust de la même année faites L'une et L'autre à Montpellier » par Pierre-François Guilleminet, ses registres se sont « enrichis131 ».

  • 132 ASST, 8008824, A. Darquier, Notice abrégé de l'observation de deux comètes qui ont paru cette anné (...)

95Le contenu des missives échangées contamine les mémoires des astronomes et nourrit les réflexions qu'ils exposent devant l'Académie. Antoine Darquier dans le discours qu'il prononce sur « deux comètes qui ont paru [en] 1782 », présente les derniers développements techniques du télescope d'Hershel. Il assure que « c'est dans une Lettre de M. Lexel, célèbre géomètre de L'accadémie de Pétersbourg132 » qu'il puise ces notions.

  • 133 ADH, D 129, F. Garipuy, Observation de l'Eclisse du Soleil du 26 octobre 1753, ff° 102-105.
  • 134 ADH, D 129, A. Darquier, Observation de l'aurore boréale à Toulouse, 1750, ff° 70-72.

96Les observateurs toulousains font eux aussi parvenir leurs recherches à leurs homologues et participent à la circulation des informations astronomiques. Ainsi François Garipuy fournit-il à la Société des sciences de Montpellier, les résultats de son « Observation de l'Éclipse du Soleil du 26 octobre 1753133 ». Antoine Darquier, de son côté, envoie à la même assemblée savante son examen d'une aurore boréale à Toulouse en 1750134.

  • 135 AAST, Registre des délibérations, T. XI, séance du 17 janvier 1760, f° 61.

97Il ne s'agit pas simplement de transmettre des données sur des observations passées. Le flux épistolaire permet aux observateurs de répondre à l'évanescence des phénomènes célestes. Darquier reconnaît qu'il a pu apercevoir une comète le 16 janvier 1760 parce qu'elle « lui avoit été annoncée par une lettre de M. de Ratte [.] qui l'avoit observée le 10135 ».

98La collecte d'informations envoyées par d'autres astronomes permet de compléter des observations imparfaites, ou de combler des examens du ciel rendus impossibles par de déplorables conditions climatiques.

  • 136 Pierre-Jacques Charliat, « Note sur le passage de Vénus et la révolution nautique dans la seconde (...)
  • 137 AAST, Registre des délibérations, T. XII, séance du 2 juillet 1761, f° 42.
  • 138 Ibid., f° 42.
  • 139 Ibid., séance du 16 juillet 1761, f° 48.

99Le 6 juin 1761, les observateurs européens examinent attentivement le passage de Vénus devant le Soleil136. À Toulouse « le ciel [...] avoit été constamment couvert137 » pendant la durée du phénomène. À Nîmes l'atmosphère n'a pas été troublée et Séguier rédige, à l'attention des astronomes de la cité garonnaise une lettre « qui contient Le détail de L'observation qu'il a faite138 ». Le 16 juillet 1761 Darquier lit, lors de la réunion académique hebdomadaire « une Lettre qu'il a reçu de M. de Lalande ». Ce dernier, « informé des Circonstances qui ont empêché d'observer à Toulouze Le dernier passage de Vénus sur le Soleil, Lui a témoigné ses Regrets : et pour Le dédommager en quelque sorte, il lui communique Les Résultats d'une observation faite de ce Phénomène a Stockholm, ou il a été visible dans Toute son Etendue139 ».

100Une solidarité épistolaire permet aux astronomes privés d'observations de n'être pas totalement exclus des débats et de prendre connaissance des données qu'ils n'ont pu recueillir.

  • 140 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 8 mars 1781, f 1026.

101Les missives que s'échangent les observateurs, retranscrivent assez fidèlement l'activité des astronomes, y compris dans ses périodes les moins fécondes. En mars 1781, Darquier avoue sans ambages à Bernoulli que « les sciences n'offrent en ce moment rien de nouveau, et Surtout notre astronomie140 ».

  • 141 AOP, B 4 9-12, Lettre d'Antoine Darquier à Jérôme Lalande, 23 avril 1781.
  • 142 AOP, B 4 9-12, Lettre de Darquier à Le Monnier, 18 septembre 1786.
  • 143 AOP, B 1-7, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XII, Lettre d'Antoine Darquier à Nicolas Delisle (...)

102Les données d'observations, les relevés astronomiques chiffrés, occupent une part importante du contenu des correspondances. Mais lorsque les relations épistolaires se prolongent et se muent en liens amicaux, les lettres s'enrichissent de commentaires personnels. Les missives bruissent alors des échos de la République des Lettres, elles distillent les rumeurs de la communauté savante. Darquier ainsi écrit à Lalande en 1781 : « on nous assure que M. Maskeline a découvert une 8e planète141 ». L'écriture des lettres prend parfois la forme d'une plaisante conversation. Darquier reconnaît, en achevant une lettre pour Le Monnier qu'il a produit « une bien longue Bavardade pour ne rien dire142 ». La conversation littéraire, le dialogue épistolaire se détachent peu à peu des préoccupations astronomiques, et Darquier s'inquiète de cette dérive. Lorsqu'il conclut une interminable missive à Nicolas Delisle, l'astronome toulousain est saisi d'angoisse. « La longueur de ma lettre [...] ne répond pas à la précision du géomètre143 », s'inquiète-t-il. La correspondance ne devrait donc jamais s'écarter de la rigueur du discours astronomique. Darquier craint que les élans chaleureux de sa conversation épistolaire n'apparaissent comme une contradiction avec le souci d'exactitude dont il ne doit jamais se départir.

  • 144 Jean-Pierre Vittu, « Périodiques », in M. Blay, R. Halleux (dir.), op. cit., p. 140.
  • 145 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 15 juillet 1785, P 1088.
  • 146 Ibid., 1er janvier 1780, P 985.
  • 147 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse. Deuxième partie, op. cit., p. 197.
  • 148 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse, op. cit., p. 75.

103La correspondance est la source d'informations principale des astronomes toulousains. La lettre est le véhicule privilégié de la reconnaissance et de la sociabilité savante. Mais les observateurs provinciaux, afin de ne rien perdre des derniers développements de la science des astres, parcourent avidement les gazettes et les périodiques dont Jean-Pierre Vittu notent « qu'ils prolifèrent [...] au long du xviiie siècle, dans toute l'Europe occidentale144 ». Antoine Darquier se plaint à Bernoulli de ne pas recevoir à Toulouse « les transactions philosophiques145 ». L'astronome de la cité garonnaise oriente ses lectures vers les périodiques spécialisés, comme les Lettres astronomiques et le Recueil des astronomes146 de Jean Bernoulli qui rassemblent les découvertes des observateurs et indiquent leurs publications. Les gazettes constituent, pour Darquier, des périodiques de référence dans lesquels il repère en particulier les annonces de comètes. Il apprend la découverte de l'une d'elle, en lisant « la gazette de France, qui arriva le Mardi 9 février [1779]147 ». Il loue par ailleurs cette gazette comme le « périodique le plus avoué de la Nation148 ».

  • 149 D. Roche, Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l'utilité des voyages, Paris : Fa (...)

104Le voyage constitue l'ultime mode de circulation des informations savantes. Daniel Roche souligne que « la République des Lettres peut se passer en partie de voyage mais son idéal de progrès, de communication et de collaboration y trouve un ferment existentiel : rien ne peut remplacer l'accès direct, sinon à la connaissance, du moins à ses médiateurs149 ».

105Le premier déplacement de François Garipuy témoigne de ce désir de rencontrer les savants parisiens, de se faire connaître d'eux, de prouver ses compétences et d'être admis dans la communauté des astronomes. Darquier relate ainsi ce voyage dans la Capitale en 1740 :

  • 150 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 138.

[Garipuy] étoit déjà très avancé dans le calcul différentiel & intégral, qu'il marioit avec beaucoup d'adresse & de facilité, & il avoit acquis une connoissance profonde des principes d'optique, & des théories astronomiques, il se lia particulièrement dans ce voyage avec MM. Clairaut, Maupertuis, Cassini, Bouguer, & le Monnier, celui-ci le fit nommer par l'Académie des Sciences, son Correspondant le 12 mars 1740150.

  • 151 E. Nicolaïdis, « Voyages et voyageurs », in M. Blay, R. Halleux (dir.), op. cit., p. 174.
  • 152 Lettre du Baron de Puymaurin reproduite dans le Journal politique et littéraire de Toulouse et de (...)
  • 153 AOP, B 4 9-12, Lettre d'Antoine Darquier à Le Monnier, 1788.
  • 154 Lettre du Baron de Puymaurin reproduite dans le Journal politique et littéraire de Toulouse et de (...)
  • 155 AOP, Ms 1058, Fonds Séguier, T. I, Lettre d'Antoine Darquier à Flaugergues, 19 décembre 1789.
  • 156 Lettre du Baron de Puymaurin reproduite dans le Journal politique et littéraire de Toulouse et de (...)

106Le voyage qu'entreprend Darquier en Angleterre en 1788, s'il vise à le faire connaître des astronomes britanniques, s'inscrit davantage dans ce qu'Efthymios Nicolaïdis appelle « une mission scientifique » dans laquelle les savants « projettent de réaliser un travail scientifique151 ». Maskelyne que rencontre l'astronome toulousain à Greenwich, « se fit un plaisir de [le] laisser observer avec ses instruments ». Le neveu de Darquier qui l'accompagne dans son périple, rapporte que « cette liaison intime dura environ un mois152 ». Le résultat de ce fructueux travail en commun est ensuite envoyé à Le Monnier153. L'observateur toulousain se rend ensuite à Oxford où il rencontre Thomas Hornsky dans l'observatoire Radcliffe154. Antoine Darquier visite enfin le bâtiment astronomique érigé par Herschel et s'extasie devant le matériel instrumental du découvreur d'Uranus : « La manière dont ces télescopes sont montés et se meuvent méritent d'être vus155 » confie-t-il à Flaugergues en 1789. Il ne peut observer avec Herschel, « celui-ci s'étant marié deux jours auparavant156 ».

107La consolidation des relations savantes et l'expédition astronomique programmée ne sont pas les seuls motifs pour se mettre en chemin.

  • 157 ADHG, C 2411, Registre des procès-verbaux des États du Languedoc, novembre 1768-janvier 1769, f° 2 (...)
  • 158 Antoine Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 138.
  • 159 ADHG, C 2411, Registre des procès-verbaux des États du Languedoc, novembre 1768-janvier 1769, f° 2 (...)

108Dans le cadre de ses fonctions de directeur des travaux de la province, François Garipuy est chargé de se rendre en « hollande en conséquence des ordres de Monseigneur l'Archevêque de Narbonne et des États ». Il y examine les « canaux qui ont été ouverts dans la flandre et dans la hollande », il inspecte « les Écluses qui y sont construites » et s'intéresse aux « diverses machines qu'on a employées pour dessécher les marais dont ce païs étoit couvers157 ». Darquin souligne que Garipuy rapporte de ce voyage en Hollande « la Vis d'Archimède [...] dont il renouvela l'usage158 ». Les États du Languedoc se déclarent satisfaits de l'ensemble des connaissances amassées et assurent qu'elles sont « fort utiles pour mettre le Sr. Garipuy et autres directeurs en État de dresser un devis détaillé [...] des ouvrages nécessaires pour l'exécution du Canal de navigation depuis Beaucaire jusque à aiguemortes159 ». Le souhait des autorités politiques d'améliorer leurs infrastructures contraint Garipuy à ce voyage batave au cours duquel il s'inspire des techniques innovantes déployées pour assécher les marais.

  • 160 AAST, Registre des délibérations, T. IX, séance du 26 mai 1756, f° 142.

109La curiosité pousse également les astronomes à quitter leurs observatoires et leur ville. La séance académique du 26 mai 1756 est principalement consacrée au « voyage que [Darquier] vient de faire en provence160 ». L'objet de ce déplacement est « de voir le départ de la flotte au siège de port Mahon ». L'astronome décrit les minutieuses manœuvres maritimes, visite l'observatoire du père Pézennas et inspecte un cabinet d'histoire naturelle. Dans son récit, l'observateur toulousain emploie le topos de la curiosité et s'efforce de montrer que la sienne est insatiable.

110La circulation des astronomes toulousains, si elle est largement orientée par la pratique de leur science, ne s'y limite pas. Le voyage témoigne de ce souci d'ouverture au monde, ce désir de découverte, cette volonté de s'enrichir qui caractérisent les déplacements au siècle des Lumières, malgré les difficultés matérielles et les impératifs multiples.

  • 161 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse. Deuxième partie, op. cit., p. 219
  • 162 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 144.
  • 163 BUB Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 7 octobre 1780, f° 1022.
  • 164 D. Roche, Humeurs vagabondes, op. cit., p. 701.

111Antoine Darquier souhaite, lors d'un « voyage à Paris en 1774 » se procurer « une Toise étalonnée sur celle de l'Académie ». Il doit y renoncer car « des affaires imprévues [...] précipitèrent [s]on départ161 ». À ces aléas s'ajoute la lassitude des déplacements. Après sa démission de la direction des Travaux Publics, François Garipuy « étoit devenu plus sédentaire [...], les voyages le fatiguoient162 ». L'âge contraint à l'immobilité et la vie des astronomes se limitent alors à l'assiduité académique et aux seules observations. Le voyage peut aussi être un renoncement, une privation du travail astronomique. Alors qu'il dîne à Paris en compagnie du mathématicien finnois Anders Lexell, Darquier se languit de ses observations : « Je voudrois bien être à Toulouse dans ce moment ou je parie bien que le ciel est serein163. » L'astronome de la cité garonnaise, pris entre « sociabilité intellectuelle et sociabilité mondaine164 », sacrifie son désir de scruter le ciel.

112La correspondance, les périodiques et les voyages dessinent un réseau dense de communication savante, dans lequel s'inscrivent les deux principaux observateurs toulousains. La transmission publique des travaux astronomiques élargit encore l'audience de ces savants en quête de reconnaissance.

Les modes de transmission des savoirs : discours, publications, traductions et vulgarisation

  • 165 Françoise Waquet, Parler comme un livre. L'oralité et le savoir (xvie-xxe siècle), Paris : Albin M (...)
  • 166 Ibid., p. 115.
  • 167 D. Roche, Les Siècle des Lumières en province, op. cit., p. 357.
  • 168 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 14 janvier 1773, f° 56.

113Quittant le cadre de la stricte confidentialité épistolaire et des relations gyrovagues informelles, les informations astronomiques sont rendues publiques par les exposés oraux à l'Académie et les diverses publications imprimées. Françoise Waquet remarque que « la vie même des académies témoigne de leur nature orale165 ». Et au xviiie siècle, à Paris comme à Toulouse, les séances « sont entièrement occupées à des activités verbales166 ». Les rituels académiques encadrent ces paroles et les assujettissent au temps. Daniel Roche note que « toute séance est d'abord un ordre : ordre des présents, ordre des activités167 ». Le souhait des astronomes toulousains de lire leurs observations à l'Académie doit se plier au rythme de cette dernière. Darquier expose, à la rentrée de 1773, « un détail d'observations astronomiques qu'il a faîtes depuis que l'académie est entrée en vacation168 ».

  • 169 Ibid., T. II, séance du 2 juin 1739, f° 174.
  • 170 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 142.

114La qualité de l'orateur, sa diction, son souci didactique sont soulignés par les académiciens. En juin 1739, le secrétaire de séance déclare, admiratif, que « Monsieur Garipuy a fini la séance par la resomption [des] mémoires qu'il a faite avec Beaucoup de précision, de clarté et de méthode169 ». Darquier dans l'éloge qu'il consacre à son ami, assure que l'astronome ne s'est jamais départi dans ses discussions de cette volonté d'emporter la conviction : « accoutumé à cette rectitude géométrique, qui ne permet pas le plus léger sacrifice des vérités qu'elle présente, il y tenoit peut-être trop dans les affaires de la vie civile, dans les simples discussions de la société, où l'art de ramener l'opinion contraire consiste bien plus à persuader qu'à convaincre170 ». Chez François Garipuy la parole académique contamine toutes ses conversations et devient son unique langage. En rapportant ce trait, Darquier souligne les exigences d'une oralité savante tout entière centrée sur la preuve et la vérité irréfutable.

115Dans leurs communications à l'Académie, les astronomes de la cité garonnaise tentent de faire part de leur travail quotidien d'observation.

  • 171 AAST, 8008846, B. Garipuy, Observations de la Comète qui paru au commencement de l'année 1779, faî (...)
  • 172 AAST, Registre des mémoires copiés, T. IV, F. Garipuy, « Mémoire sur les Parallaxes de la Lune, de (...)

116Bertrand Garipuy explique, dans la séance du 29 juillet 1739, qu'il se borne à « présenter à L'académie le cahier de [s]es observations171 ». Son père annonce en 1750 qu'il a tenu « un journal exact » des observations correspondantes à celles de Lacaille au Cap de Bonne Espérance. Il se propose d'« extraire celles qui peuvent servir à déterminer la hauteur du Pôle172 » pour les lire devant les académiciens. Au plus près des recherches astronomiques, les propos des observateurs toulousains sont une captation de leurs registres, un fragment de leurs recherches. Les mémoires plus théoriques complètent la production orale des astronomes au sein de la Compagnie.

117La Compagnie savante toulousaine cherche rapidement à remédier à l'évanescence de l'oralité. Elle veut garder les traces des paroles prononcées, fixer les connaissances dans l'écriture, créer une mémoire collective des savoirs produits. Les académiciens ne se contentent donc pas des procès-verbaux et des Registres des délibérations. Ils se proposent d'enregistrer leurs propos par écrit dans les Registres des mémoires copiés. Il s'agit là d'une production écrite intermédiaire, entre le discours et la publication, dont la diffusion reste limitée.

  • 173 AAST, Registre des délibérations, T. VII, séance du 6 mai 1751, f° 104.

118Le 6 mai 1751, François Garipuy présente « La table qu'il a calculée des déclinaisons » pour la latitude de Toulouse. Il a rapporté toutes ces informations de « vive voix ». L'académie juge « utile de consigner sur ses registres » l'ensemble des propos tenus. Elle prie donc Garipuy « de Les Écrire173 ». Si la collecte manuscrite des mémoires oraux trouve son achèvement dans la tenue de ces registres, elle limite toutefois l'audience des académiciens, et en particulier des astronomes.

  • 174 M. Taillefer, L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse au xviiie siècle (...)
  • 175 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 2 janvier 1777, f° 186.

119L'impression et donc la large diffusion des travaux de la Compagnie toulousaine ne commencent qu'en 1782, soit près de cinquante ans après la fondation de la savante assemblée. Les difficultés financières et le peu d'entrain des académiciens chargés d'activer l'édition des recherches expliquent en partie ce retard174. Lors de la rentrée académique de 1777, le vice-président et botaniste, Picot de Lapeyrouse supplie ses confrères de mener à bien « la Publication des mémoires » car elle conditionne « l'existence civile et littéraire de l'Académie175 ».

  • 176 Jean-Pierre Magi, Semonce du 17 novembre 1785, p. 4, cité par M. Taillefer, L'Académie des Science (...)

120Le premier volume de ces mémoires de l'assemblée toulousaine paraît finalement en 1782. Les observations astronomiques trouvent leur place dans ce recueil. Les travaux de Garipuy, qu'il s'agisse de sa présentation des études astronomiques dans la cité garonnaise ou de ses propres relevés pendant la période 1734-1752, occupent 57 pages sur les 468 que compte le volume. La Compagnie savante édite quatre recueils de ces mémoires, jusqu'en 1792. Dès 1785, l'académicien Magi exulte en notant l'audience et la reconnaissance que l'académie tire de cette publication : « Sa gloire circule avec ses Recueils imprimés dans la République des Lettres176. »

121Cependant cette circulation tardive des recherches académiques ne pouvait satisfaire les astronomes. Leur désir de faire partager leurs observations devait trouver d'autres voies que l'édition locale.

  • 177 Mercure de France, octobre 1734, p. 2251.
  • 178 R. Hahn, L'anatomie d'une institution scientifique, op. cit., p. 86.
  • 179 Ibid., p. 87.
  • 180 Fouchy, « Préface », Mémoires de mathématiques et de Physiques. Présentés à l'Académie Royale des (...)

122Le Mercure de France recueille le premier les travaux de François Garipuy, en particulier son calcul de l'éclipse du 3 mai 1734177. Le périodique savant que privilégient les observateurs toulousains reste, cependant, les Mémoires des Savants Étrangers, de l'Académie des Sciences de Paris, dont le premier volume paraît en 1750. Cette publication, rappelle Roger Hahn, ancre « fermement la pratique qui permettrait à l'Académie d'approuver les productions scientifiques des non-sociétaires178 ». Les savants de province attendaient une « large reconnaissance publique à travers l'approbation de la Compagnie » et espéraient qu'ils seraient « agrégé[s] à l'élite179 ». L'Académie en profite, elle, pour imposer ses normes et ses exigences savantes. En publiant le premier Mémoire des Savants Étrangers, le secrétaire perpétuel Grandjean de Fouchy souligne que « l'Académie se fait un plaisir de rendre par ce moyen aux Auteurs, la justice qui leur est dûe », elle présume « que cette espèce d'adaptation qu'elle accorde à leurs Écrits, excitera l'émulation & produira désormais un plus grand nombre d'ouvrages utiles180 ».

  • 181 A. Darquier, « Observations Astronomiques Faites à Toulouse en 1761, Avec des Remarques sur la var (...)

123François Garipuy publie dans ce périodique douze comptes rendus d'observations, dès le deuxième tome et deux dans le recueil suivant paru en 1760. Darquier parvient à faire imprimer ses premiers travaux en 1768 dans le tome cinq181 et poursuit dans le sixième volume.

124Paradoxalement les astronomes toulousains publient leurs observations dans les prestigieux Mémoires des Savants Étrangers de l'Académie de Paris bien avant d'être édités par la Compagnie de la cité garonnaise.

  • 182 Elisabeth Eisenstein, La révolution de limprimé à l'aube de l'Europe moderne, Paris : La Découvert (...)
  • 183 Pour une étude approfondie de cette thématique, voir E. Eisenstein, op. cit. et plus particulièrem (...)
  • 184 Bruno Jammes, « Le livre de science », in Roger Chartier, Henri-Jean Martin (dir.), Histoire de l' (...)

125Le livre constitue un autre mode de transmission des informations astronomiques récoltées par les observateurs toulousains. Elisabeth Eisenstein a montré l'importance du « caractère permanent de la typographie » comme « préalable à l'avancement du savoir182 ». La fixité des textes et leur reproduction identique à grande échelle que permet l'imprimerie, assurent une large diffusion aux livres savants183. Bruno Jammes assure que c'est « au xviiie siècle que se situe l'apogée du livre scientifique184 ».

  • 185 F. Garipuy, « Histoire de l'astronomie à Toulouse », art. cité, p. 53.

126Antoine Darquier est le seul astronome à avoir publié, dans la cité garonnaise, ses propres observations sous forme d'ouvrages. Son ami Garipuy indique que le premier volume de ses observations, qui paraît en 1777, « est le premier de ce genre qui ait été composé à Toulouse185 ». Le second recueil des travaux de Darquier est publié en 1782.

  • 186 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 28 mai 1777, f 197.

127Cette volonté de l'astronome toulousain d'éditer ses recherches en dehors des publications académiques, ne doit pourtant pas s'interpréter comme une simple volonté d'autonomie, mais davantage comme un désir de faire connaître le plus rapidement possible ses résultats, ce que ne permet pas la savante assemblée de la cité garonnaise. En informant la Compagnie de son intention de réunir ses observations dans un livre, Antoine Darquier obtient « de Prendre le titre d'académicien à la tête du Recueil de ses observations astronomiques qu'il fait imprimer186 ».

  • 187 B. Jammes, « Le livre de science », art. cité, p. 258.
  • 188 René Moulinas, « La contrefaçon avignonnaise », in R. Chartier, H.-J. Martin (dir.), op. cit., p. (...)

128La publication d'un ouvrage savant suppose l'intégration de l'auteur dans une économie du livre, alors en pleine mutation. Le siècle des Lumières est marqué par une « spécialisation des textes », associée à un plus grand nombre de récits d'expériences ou d'observations « qui deviennent les règles dominantes de la recherche scientifique187 ». Un espace éditorial pour les productions savantes s'ébauche peu à peu et l'impression d'ouvrages constitués d'observations astronomiques devient possible. Darquier est, par ailleurs, très au fait du marché de l'imprimerie, puisque son premier volume est édité à Avignon. Cette ville connaît un essor éditorial important au xviiie siècle. Le prix des livres y est moins élevé car le cuir pour les reliures n'est pas taxé comme dans le reste du royaume188.

  • 189 J. Lalande, Bibliographie astronomique, op. cit., p. 879.
  • 190 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse, op. cit., p. xiii.

129La grande fortune de Darquier lui permet d'apporter les fonds nécessaires à l'édition de ses observations. Jérôme Lalande assure en effet « qu'il fit imprimer à ses frais deux volumes d'observations189 ». Cependant la production d'ouvrages reste une entreprise délicate au siècle des Lumières. Darquier signale, dans la préface de son premier opus, que des « obstacles survenus [ont] empêché la publication de ce Journal au tems où il devoit paroître190 ». Il vitupère ensuite contre Jean Aubert, son imprimeur qu'il avait chargé de la diffusion de son ouvrage.

  • 191 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 20 septembre 1779, f° 977.
  • 192 Ibid., Lettre de Jean Aubert à Antoine Darquier, 17 décembre 1779, f° 989.

130L'astronome explique que « les Envois, à ses dépens, Estoient une suite de [s]on marché avec lui En lui livrant [s]on manuscrit ». Surpris par « le silence de tout le monde », Antoine Darquier se dit convaincu d'avoir été « trompé » par Aubert. Furieux, il l'accuse de « mauvaise foy et [de] négligence191 ». Le libraire se défend d'avoir voulu abuser son client, et jure n'avoir été guidé que « Par un esprit d'économie peut-être mal entendu192 ». Aubert s'en prend quant à lui au système de messagerie défaillant. Le marché du livre savant dans lequel s'insère Darquier semble fragile et le rôle prépondérant des imprimeurs dans la diffusion des textes multiplie les difficultés.

  • 193 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse, op. cit., p. i.
  • 194 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse. Deuxième partie, op. cit., p. 240.

131Qu'il s'agisse des diverses mémoires académiques ou des livres, les astronomes prennent un soin particulier à présenter leurs observations. Darquier souhaite ardemment convaincre le lecteur de sa probité et du sérieux de ses observations. Il admet cependant que « dans une matière aussi importante, on ne doit pas prétendre être cru sur parole ». Son nom « à peine connu », ne peut lui « servir de garant ». Il décide donc de « mettre sous les yeux du lecteur les progrès, l'ordre et la marche de [s]es études, & de [s]es observations ; la description des divers instruments dont [il s'est] servi et de l'observatoire qu'[il a] fait construire ». Cette description minutieuse, ce « détail vrai & naïf » qu'il présente ont pour objectif de tempérer « la méfiance et les doutes » auxquels doit « s'attendre un observateur presque ignoré193 ». Ainsi la réputation d'un astronome, et son degré de reconnaissance dans la communauté savante, déterminent l'accueil de ses recherches. Le crédit accordé à un ouvrage d'un observateur célèbre est immédiatement plus grand que celui prêté au recueil d'un savant inconnu. La qualité des observations a moins d'importance que le statut de l'astronome qui les fait imprimer. Darquier multiplie les topoï de la modestie et de l'humilité pour convaincre la communauté savante qu'il se plie aux exigences de son économie morale. Il envisage ses publications comme des productions amendables, des données révisables, des indications provisoires. Dan son deuxième volume d'observations, l'astronome conclut son mémoire Sur la longueur du pendule à secondes à Toulouse en déclinant les topoï de la prudence. Il se déclare « Pyrrhonien plus méfiant qu'opiniâtre » et assure ne chercher « que la vérité prêt à l'embrasser avec transport [...] quelque soit la main qui [lui] présente194 ».

  • 195 C. Licoppe, op. cit., p. 95.
  • 196 A. Darquier, Lettres sur l'astronomie pratique, op. cit., p. 110-111.
  • 197 Ibid., p. 102.
  • 198 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse. Deuxième partie, op. cit., Avertissemen (...)

132Christian Licoppe a montré qu'à partir du début du xviiie siècle, les récits d'expérience se modifient et « [l']enchaînement d'actions intentionnelles et de leurs conséquences phénoménales appréhendées sur le mode du témoignage visuel, vient faire preuve du fait empirique autant pour l'auteur que pour le lecteur qui se trouve placé par le texte dans une position de témoin virtuel195 ». Si, à la différence des expériences de physique, les lecteurs des discours astronomiques ne peuvent refaire les observations, en raison de l'évanescence et de la non-reproductibilité des phénomènes célestes, les astronomes tentent de restituer le plus précisément possible leurs conditions de travail. À défaut de pouvoir répliquer l'observation, le lecteur prend conscience des modes opératoires, et visualise les actes de l'astronome. Cette anatomie du geste de l'observateur doit instituer la preuve, lorsque celle-ci ne peut se fonder sur le statut de celui qui énonce ses résultats. Les expériences de physique ne concernent que des phénomènes examinés localement, alors que les phénomènes astronomiques peuvent être analysés par de multiples observateurs, disséminés sur des espaces géographiques très vastes. Les comptes rendus n'ont d'utilité que si les astronomes parlent le même langage. Les précisions sur le matériel employé ne sont donc pas superflues. Darquier conseille ainsi son élève : « N'oubliez pas, lorsque vous communiquerez vos observations [...] d'indiquer les dimensions de la lunette dont vous vous êtes servi ; cette précaution est très essentielle dans la sûreté des comparaisons196 ». La « différente force des lunettes » peut faire « différe[r] d'un petit nombre de secondes197 » et rendre impossible la confrontation des résultats. L'utilité des observations astronomiques ne réside que dans leurs comparaisons. L'affinement des résultats et la quête de précision sont à ce prix. La rapidité de l'édition donne aux travaux des observateurs une valeur supplémentaire. Darquier se dit « convaincu que la prompte publication des Observations astronomiques ajoute à leur utilité198 ».

133Si les publications des astronomes toulousains comportent quelques mémoires ou dissertations, dans lesquelles ils proposent des développements théoriques, l'essentiel de leurs productions imprimées concerne des données astronomiques chiffrées.

  • 199 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse, op. cit., p. ix.
  • 200 Ibid., p. ix-x.

134Darquier prévient ses lecteurs dans son premier livre qu'il s'agit d'« un simple journal199 ». Ce contenu particulier détermine une mise en forme graphique spécifique. Les informations sont disposées selon un ordre précis et se répartissent « sur cinq colonnes », dont l'astronome précise chaque entrée. La première indique le temps, « la seconde colonne contient les noms des signes, des constellations et des étoiles qui les composent, [.] la troisième renferme les ascensions droites des étoiles auxquelles la Lune ou les autres planètes ont été comparées ». La colonne suivante comporte « les distances au zénith », et la dernière renferme « le demi-diamètre de hauteur, celui de l'ascension droite, la parallaxe horizontale, & l'erreur des Tables en longitude & latitude200 ». Les mesures sont aussi classées et rangées pour permettre au lecteur d'y trouver ce qu'il cherche. Cette organisation des comptes rendus d'observation est donc très sobre. L'astronome, en présentant ses données aux autres observateurs, s'efface derrière elles et leur évidente clarté.

  • 201 E Garipuy, « Histoire de l'astronomie à Toulouse », art. cité, p. 53.
  • 202 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 20 septembre 1779, f° 977.

135L'usage des publications astronomiques réside, nous l'avons vu, dans les multiples comparaisons que l'on peut en faire. Mais elles font également partie d'un système de reconnaissance savante et déterminent un mode d'accès à la communauté des astronomes. Lorsque Darquier édite son premier recueil, c'est pour faire « connoître l'importance & le mérite [de ses] travaux201 ». L'observateur toulousain déploie alors toute son énergie pour diffuser son livre. Outre Bernoulli, il contacte « divers autres sçavants et académies d'Allemagne202 ».

  • 203 A. Darquier, « Observations de la Lune et des planètes pour l'année 1763 », art. cité, p. 479.
  • 204 Jean Bernoulli, Nouvelles littéraires de divers pays. Avec des suppléments pour la Liste et le Néc (...)
  • 205 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 20 septembre 1779, f° 977.

136À la Compagnie savante parisienne à laquelle il fait parvenir quelques travaux, Darquier s'exprime ainsi : « Si l'Académie approuve la forme & le fond de ces observations, je les continuerai203. » Les commentaires élogieux que peut recevoir cet astronome, au sujet de ses ouvrages, assouvissent son désir de notoriété. Bernoulli rédige un commentaire204 sur le livre de Darquier paru en 1777. L'observateur toulousain écrit alors au savant bâlois qu'il a « lu le compte flatteur [qu'il a] rendu de [s]on journal astronomique » et veut lui « témoigner [s]a reconnaissance205 ».

  • 206 AAST, Registre des correspondances, Lettre de Jean-Baptiste Mercadier à Jean-François de Turler La (...)

137La colère de Jean-Baptiste Mercadier, correspondant de la Compagnie toulousaine, lorsqu'il apprend que ses Tables du nonagésime pourraient ne pas paraître dans les Mémoires, dit assez bien l'importance de la publication au xviiie siècle. « L'académie a délibéré depuis longtemps de les imprimer dans le troisième volume, Et comme l'on vouloit revenir sur cette délibération, elle fut confirmée de nouveau », tempête l'ingénieur. Mercadier avoue finalement : « c'est un peu de gloire que j'ai ambitionnée206 ».

  • 207 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 138-139.

138L'ambition personnelle encourage les astronomes à la publication. La production de livres et de textes dans les périodiques, assure non seulement une notoriété, mais à plus long terme elle construit une œuvre. Darquier regrette ainsi que Garipuy ait dû sacrifier ses observations à son activité professionnelle. « Sans les devoirs multipliés de ses places », assure-t-il, Garipuy « eût tenu par ses Ouvrages, un des premiers rangs parmi les grands Géomètres du siècle207 ».

  • 208 Sur l'importance des dédicaces dans la stratégie des auteurs, voir R. Chartier, « Le prince, la bi (...)
  • 209 Cet exemplaire se trouve à la bibliothèque de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lett (...)

139Les dédicaces manuscrites que Darquier inscrit sur la page de garde de ses ouvrages, mettent à jour la civilité élitaire qui unit l'aristocratie toulousaine208. L'exemplaire de son premier volume d'Observations astronomiques adressé à l'Académie des sciences garonnaise, porte une dédicace sobre et distante dans laquelle l'astronome se présente comme un « très respectueux membre209 ». Il n'est pas question d'une quelconque soumission à la Société savante. Pour Darquier, l'Académie n'est plus, en 1777, une instance suffisante pour renforcer sa position au sein de la cité savante.

  • 210 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 67.

140La dédicace qui orne le même volume d'Observations astronomiques envoyé au marquis d'Orbessan souligne l'importance du livre dans l'économie morale de la haute société garonnaise. Le marquis d'Orbessan est une personnalité toulousaine éminente. Botaniste, académicien et conseiller au parlement, il possède un « cabinet de livres210 » fourni et renommé. Darquier s'efforce donc, en lui offrant son ouvrage, de présenter sa production comme un prolongement de lui-même et un témoignage fraternel :

  • 211 Bibliothèque de l'Arsenal, Université Toulouse I, Resp PF — XVIII — 70, A. Darquier, Observations (...)

Je vous adresse, Mon cher Marquis, un de mes enfants qui vient de voir le jour. Adopter Le je vous prie ; je ne vous demande pour luy que le logement dans quelques recoins de votre bibliothèque. Il sollicitera continuellement votre amitié pour son père et sera un monument permanent de celle que je vous ay vouë pour la vie211.

141Les recueils d'observations astronomiques sont donc bien plus que des modes de transmission du savoir. Ils apparaissent à la fois comme une possible clé d'accès à la communauté savante, un élément d'une œuvre en construction et un objet de sociabilité.

142Les observateurs toulousains ne diffusent pas uniquement le fruit de leurs recherches auprès d'un public spécialisé et déjà sensibilisé aux questions astronomiques. Ils tentent également d'élargir leur audience et d'accroître celle des textes étrangers.

  • 212 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 74.

143Les deux principaux astronomes toulousains, François Garipuy et Antoine Darquier ont utilisé toutes les formes de communication pour diffuser le savoir astronomique, qu'il soit tiré de leurs propres recherches ou extrait des publications étrangères. Il ne s'agit pas simplement pour les observateurs garonnais d'étendre le corpus des textes disponibles, ni d'élargir encore davantage le cercle des publics potentiels. Le contexte aristocratique local est, nous l'avons vu, particulièrement concurrentiel pour un groupe élitaire aux dimensions restreintes. Il faut, pour s'y distinguer, faire montre d'excellence et d'érudition dans de nombreux domaines. La connaissance des langues anciennes et étrangères s'inscrit précisément dans cette sourde volonté de s'illustrer et de se singulariser. Michel Taillefer indique que de nombreux académiciens comme Puymaurin, Marcorelle ou de Paraza, possédaient une bonne maîtrise de l'anglais, de l'espagnol et de l'italien212.

  • 213 Jérôme Lamy, « Clio et Uranie. Les références antiques des astronomes toulousains au xviiie siècle (...)

144La culture linguistique des astronomes toulousains se fonde d'abord sur les idiomes antiques. François Garipuy possédait une grammaire grecque et cite abondamment, avec Darquier, des ouvrages en latin213. Si la connaissance des textes anciens fait partie des apprentissages scolaires que les observateurs de la cité garonnaise ont reçus pendant leurs années de formation, leur initiation aux langues étrangères s'effectue en dehors de toute structure éducative.

  • 214 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 142.

145Le premier objectif dans l'apprentissage d'une langue est bien sûr d'avoir accès à des textes jusqu'ici inconnus. Garipuy a ainsi « appris l'Anglois pour pouvoir lire le Traité des Fluxions de Mac Laurin & l'Optique de Smith, qui n'avoient pas été traduits à cette époque214 ».

  • 215 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 1er janvier 1780, f° 986.
  • 216 Roger Jaquel a décrit cette vocation germaniste de Darquier dans son article « L'astronome toulous (...)
  • 217 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 14 mars 1782, f 377.
  • 218 Antonio de Ulloa, Observation de l'éclipse de Soleil du 24 juin 1778 [traduit de l'espagnol par An (...)

146Antoine Darquier a davantage encore étendu son champ linguistique. Il a « appris l'italien, l'Espagnol [...], L'anglois215 » et l'allemand216. L'astronome a construit une véritable œuvre de traducteur dans la plupart de ces langues. Il lit et diffuse auprès de la Compagnie savante des textes de l'astronome berlinois Bode217 et du marin espagnol Antonio de Ulloa218. L'observateur toulousain transcrit donc en français des ouvrages et des mémoires pour souligner son aisance dans le maniement des langues étrangères et satisfaire, dans le même temps, l'insatiable curiosité académique.

147Le maniement des idiomes étrangers permet également à Darquier de renforcer ses relations avec Jean Bernoulli.

  • 219 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 1er janvier 1780, f° 986.
  • 220 Ibid., f 986.

148Le savant bâlois fait remarquer à son correspondant garonnais « qu'il auroit été à Souhaiter que les astronomes françois cultivassent la langue allemande ». L'astronome toulousain « regrette beaucoup que l'occasion d'apprendre L'allemand [.] ne se soit présentée » à lui. Antoine Darquier n'a pu disposer des ressources nécessaires pour s'initier à cette langue : « je n'ay jamais trouvé sur mon chemin de grammaire, ni dictionnaire, & Encore moins quelqu'un pour me mettre sur la Voye219 ». L'observateur de la cité garonnaise est ainsi privé de la plupart des travaux de Bernoulli et doit se contenter des indications et des résumés publiés dans les périodiques qui ne donnent qu'un aperçu des travaux entrepris. « Le Compte que les Journaux des Sçavants rendent de vos Éphémérides me fait maudire mon ignorance allemande et c'est un meurtre que personne ne se soit avisé de les traduire220 », écrit-il à son illustre correspondant en janvier 1780.

  • 221 Il s'agit de l'écrivain C. F. Gellert (1715-1769).
  • 222 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 29 mai 1780, f° 1006.

149Quelques mois plus tard, les circonstances servent le désir de Darquier d'accéder à la langue allemande. Le « hazard » lui a « fait faire connoissance [.] avec une Dame Saxonne fort instruite » qui l'« a encouragé à donner quelques moments à l'étude de [cette] langue ». L'astronome toulousain met assez d'ardeur dans son apprentissage « pour pouvoir lire et entendre avec quelque facilité les lettres de Guellert221 ». La lecture d'ouvrages littéraires doit lui permettre par la suite, d'accéder aux textes savants. Il assure, confiant « qu'avec un peu de soin, [il] n'éprouver[a] pas plus de difficulté pour les ouvrages d'astronomie222 ».

  • 223 Ibid., 12 juin 1781, f° 1029.

150Sa connaissance de l'idiome germanique lui permet de se confronter aux dimensions internationales de la communauté savante. Il se procure dans un premier temps les ouvrages de l'astronome de Hambourg, Johann Elert Bode, puis accepte l'offre que lui fait Jean Bernoulli de lui « procurer les autres ouvrages allemands scientifiques qui paroîtront223 ».

  • 224 Ibid., 15 janvier 1782, f° 1039.
  • 225 Ibid., 30 septembre 1782, f° 1045.
  • 226 Ibid., 6 janvier 1783, ff° 1058-1059.
  • 227 L'astronome toulousain met en avant la noblesse de son intention II semble ignorer qu'il existe un (...)

151Le polygraphe bâlois, lorsqu'il se lance en 1782 dans l'édition des œuvres du cosmologue mulhousien Johann Heinrich Lambert, décédé en 1777, ne manque pas d'en informer Darquier et lui propose de souscrire pour l'achat de ces ouvrages. Dans sa missive, l'astronome toulousain est désolé de ne pouvoir se charger que d'une souscription pour la cité garonnaise, puisqu'il est « l'unique allemandisant224 » de la ville. Un enthousiasme fébrile saisit Darquier lorsqu'il lit les Cosmologische Briefe de Lambert, qu'il trouve « excellentes et pleines de génies et qui meritteroient bien d'être plus connues225 ». La passion de Darquier pour l'œuvre de Lambert est à mettre en relation avec le souhait exprimé par Bernoulli que son correspondant toulousain apprenne l'allemand. Le savant garonnais, pour montrer qu'il a suivi les recommandations de son homologue bâlois et prouver sa familiarité avec la langue germanique, se propose d'entreprendre une traduction des Lettres cosmologiques. Antoine Darquier écrit ainsi à Bernoulli en janvier 1783 qu'il est « trop payé en le lisant de la peine [qu'il s'est] donnée pour apprendre un peu d'allemand ». L'observateur de la cité garonnaise précise qu'il aurait « la plus grande envie qu'elles fussent connues en France226 ». Toutefois, en proposant de fournir une version française de l'ouvrage de Lambert227, Darquier déploie une stratégie de séduction à l'égard de Bernoulli. Il souhaite s'illustrer et se distinguer aux yeux de son correspondant et s'engage ainsi dans la transcription des Cosmologische Briefe.

  • 228 Ibid., 13 mai 1783, f° 1062.
  • 229 A. Darquier, « Avertissement du traducteur », in Johann Heinrich Lambert, Lettres cosmologiques su (...)
  • 230 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 15 juillet 1787, f° 1090.
  • 231 S. L. Jaki, « Sur l'édition et la réédition de la traduction française des Cosmologische Briefe de (...)

152Darquier n'envisage pas une version trop proche et trop respectueuse du texte allemand. Il entreprend davantage un travail d'« imitation qu'une traduction servile qui ne seroit pas soutenable228 ». Dans l'avant-propos aux Lettres cosmologiques l'astronome toulousain explique la manière dont il a envisagé son travail : « j'ai cru devoir faire main basse sur tout ce qui m'a paru ne rien ajouter au sujet ; mais j'ai tâché de conserver scrupuleusement les idées et l'esprit de l'auteur229 ». S'il ne prétend pas à une transcription stricte et rigoureuse, Darquier assure respecter la philosophie générale et le sens du texte. Le cheminement éditorial de cette traduction française de l'ouvrage de Lambert est particulièrement long. En juillet 1785, Jérôme Lalande tient le manuscrit entre ses mains230, mais malgré son appui, Darquier ne trouve pas d'éditeur. C'est finalement par l'intermédiaire d'un jeune astronome danois, Jacob Maurits Carel Van Utenhove Van Heemstede, que l'astronome toulousain fait publier le manuscrit en 1801, par la « maison d'édition Van Keulen231 ».

  • 232 B. Jammes, « Le livre de science », art. cité, p. 257.

153Bruno Jammes a souligné pour le xviiie siècle cette « internationalisation de la science », par « la multiplication des traductions en langue vernaculaire232 ». À Toulouse comme au sein de la communauté savante, Darquier cherche à se distinguer par sa maîtrise des langues. C'est donc une véritable économie politique de la traduction qui s'esquisse ici. La dextérité linguistique permet à Darquier de répondre à la fois aux critères culturels exigeants de la sociabilité élitaire et de développer une stratégie de séduction visant à convaincre Bernoulli de ses qualités personnelles.

154Les observateurs de la cité garonnaise, et plus particulièrement François Garipuy et Antoine Darquier, ne communiquent pas seulement leurs travaux au public restreint des séances académiques ou des autres observateurs qui peuvent lire leurs mémoires ou leurs livres.

  • 233 M. Taillefer, L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse au xviiie siècle (...)
  • 234 AAST, Registre des délibérations, T. XII, séance du 22 avril 1762, f° 80.
  • 235 Cité par M. Taillefer, L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse au xvii (...)
  • 236 Ibid., f° 338.

155La Compagnie toulousaine tient de 1746 à 1793 des assemblées publiques qui constituent « deux fois par an les temps forts du calendrier académique233 ». Le public accueilli est fort différent de celui des réunions hebdomadaires. Le secrétaire de l'assemblée du 22 avril 1762 note que « la présence des Magistrats municipaux qui y assistoient dans leurs places ordinaires [...] et l'affluence du Public ont été autant de motifs [...] propres à exciter et à soutenir Le Zèle de la Compagnie pour les progrès de divers objets dont elle s'occupe et dont elle alloit les Entretenir234 ». Les Capitouls sont reçus avec un cérémonial très précis. Quatre académiciens sont chargés de veiller au bon déroulement de la séance publique. Les mémoires présentés lors des assemblées sont minutieusement choisis parmi ceux « qui étant à la portée du Public [roulaient] sur des matières capables de fixer agréablement son attention235 ». Outre les lieux communs de la culture académique comme les progrès des sciences et des lettres, les membres de la Compagnie savante discourent également sur des sujets plus spécialisés comme, en 1768, la modernisation de l'agriculture ou, en 1783, les récentes découvertes en chimie236.

156Les astronomes qui s'expriment devant cette assistance hétérogène, curieuse, mais non spécialiste, doivent adapter leurs propos et faire œuvre de vulgarisation.

  • 237 AAST, Registre des délibérations, T. XI, 17 avril 1760, cité par M. Taillefer, L'Académie des Scie (...)

157Darquier présente, lors de l'assemblée publique du 17 avril 1760, un mémoire « Sur la comète qui a paru en avril 1759 ». Il y retire « en faveur de la partie du Public peu versée dans les calculs astronomiques tous ceux qui n'eussent point été à sa portée ». L'astronome les remplace « par un abrégé intéressant de l'histoire des comètes et des opinions que les plus célèbres Philosophes ont avancées sur la nature longtemps équivoque de ces corps bizarres237 ». Se mettre à la portée d'un auditoire ne disposant pas des capacités mathématiques dont l'observateur use dans son travail quotidien et dans les comptes rendus qu'il diffuse habituellement dans la communauté savante, est un exercice particulièrement difficile.

  • 238 Affiches, annonces, &c de Toulouse et du Haut-Languedoc, mercredi 28 avril 1784, p. 70.

158En 1784, le même Darquier échoue à faire saisir le sens de ses Réflexions sur les étoiles nouvelles et périodiques. Les Affiches de Toulouse qui rendent compte de l'assemblée publique regrettent que « les détails scientifiques de ce mémoire traité avec art » n'aient pas permis « à la plupart des auditeurs de les saisir à la première lecture238 ».

159Antoine Darquier ne s'est pas contenté de faire partager son goût et ses compétences pour la science des astres dans ces assemblées publiques de l'Académie. Il a également mis son savoir à la portée du plus grand nombre en publiant un ouvrage de vulgarisation. Son üranographie ou contemplation du Ciel à la portée de tout le monde est écrit à l'intention de Madame d'Étigny, épouse de l'intendant de la généralité d'Auch, sous la direction duquel il occupe les fonctions de receveur des tailles. Objet privé et unique, le texte aurait été subtilisé à son auteur pour être publié. Cet artifice rhétorique accroît la valeur et l'intérêt de l'ouvrage.

  • 239 Colette Lelay, Les livres de vulgarisation de l'astronomie (1686-1880), thèse pour le doctorat en (...)
  • 240 B. Bensaude-Vincent, La science contre l'opinion, op. cit., p. 50.
  • 241 Ibid., p. 51.
  • 242 Daniel Raichvag, Jean Jacques, Savants et ignorants. Une histoire de la vulgarisation des sciences (...)

160L'adresse au seul personnage féminin présent dans l'histoire de l'astronomie toulousaine au siècle des Lumières s'inscrit dans un vaste mouvement dont Colette Lelay a retracé l'émergence dans sa thèse239. Bernadette Bensaude-Vincent évoque, quant à elle, « un public de marquises », qui apparaît alors comme « une cible privilégiée de la littérature scientifique240 ». Après l'Entretien sur la pluralité des mondes de Fontenelle, de nombreux ouvrages sont rédigés à l'intention d'un public féminin. « Mélanges d'aimable frivolité et de curiosité intellectuelle241 », les femmes suscitent une abondante production d'ouvrages d'initiation à la science des astres242.

  • 243 A. Darquier, Uranographie, op. cit., p. 135.
  • 244 Ibid., p. 136.

161L'éditeur du traité du Darquier précise que l'épouse de l'intendant « se divertissoit [...] avec les étoiles ». Souhaitant élargir l'audience de l'ouvrage, il ajoute qu'« on a cru que cette dame seroit imitée ». Le manuscrit a circulé avant sa publication car « D'autres personnes ont fait essai de sa méthode ; tous en assurent l'utilité243 ». Dans cette Uranographie, Darquier se « met à la portée de tous les esprits244 ». D'abord destiné à une femme, l'ouvrage cherche à étendre son public potentiel.

  • 245 Ibid., p. 140.
  • 246 Ibid., p. 141.

162L'astronome toulousain reprend une nouvelle fois le topos de la modestie. Il espère que les notions qu'il expose « seront suffisantes pour connoître sans maître les constellations de notre hémisphère245 ». Loin d'un didactisme rigoureux, l'Uranographie se veut le vecteur d'un savoir grand public, appréhendé sur le mode sensible. L'essai « a été fait pour donner une connoissance générale du ciel aux personnes qui le voient tous les jours avec un étonnement mêlé d'admiration & de curiosité, pour ceux qui ayant examiné le ciel dans une belle nuit, ont senti un désir presque inné de connoître les étoiles qui ornent le firmament246 ».

  • 247 Ibid., p. 140.
  • 248 Ibid., p. 139.

163Antoine Darquier décrit dans son ouvrage le public auquel il s'adresse : un lectorat mixte, cultivé, et élitaire. L'observateur garonnais sait combien l'intérêt pour la science domine la sociabilité aristocratique, en particulier à Toulouse. Son ouvrage se propose donc de fournir les éléments indispensables à une culture astronomique de salon. Antoine Darquier décrit en creux, la sensibilité et le mode de vie de son public qu'il imagine appartenir à la haute société. En effet, c'est au cours d'« une promenade de la campagne » que le lecteur apprend à contempler le ciel nocturne. Il est immédiatement saisi par la « beauté dont la nature & l'art ont embelli certaines situations ». Le public aristocratique se doit d'avoir développé son goût pour l'art et sa sensibilité au beau. Il est donc touché par « le spectacle le plus grand & le plus majestueux » qu'offre la voûte étoilée. Parallèlement à cette culture esthétique, le lectorat décrit par Darquier est pénétré de l'idéal des Lumières et se montre curieux de connaître les phénomènes naturels. L'astronome toulousain souhaite ainsi que le public auquel s'adresse son ouvrage puisse, après l'avoir lu, nommer « ces corps lumineux qui nous éclairent247 ». Pour ne pas troubler les multiples activités de son lecteur aristocrate qu'il suppose occupé par de nombreuses tâches, Darquier propose un tableau des constellations qui « passent au méridien moyen de la France, vers les dix heures du soir dans les différens mois de l'année ». Cette heure n'est pas choisie au hasard : elle est « la plus commode pour examiner le ciel sans rien perdre sur les autres occupations de son état, ni sur son sommeil248 ». L'observateur de la cité garonnaise vise un public dont le temps consacré aux loisirs est très restreint.

  • 249 Ibid., p. 141.
  • 250 Ibid., p. 162.

164Darquier se veut rassurant quant au degré de difficulté : « la lecture de ce livre n'exige pas les connoissances d'un astronome249 ». La césure entre la pratique de la science des astres et la simple satisfaction de la curiosité est explicitement soulignée. L'astronome toulousain n'exige, dans son Uranographie, que « très-peu d'application pour apprendre à désigner les étoiles charmantes », alors que les observateurs ont « des moyens exacts pour reconnoître jusqu'aux plus petites étoiles250 ». Une nouvelle fois la précision apparaît comme la clef pour accéder à la communauté des astronomes. La recherche de l'exactitude est un critère qui met à distance la connaissance populaire et signale l'écart entre la pratique savante et la simple curiosité.

  • 251 J. Lalande, Astronomie, op. cit., T. II, p. 655.

165Antoine Darquier a publié un autre recueil en 1786 qui, sans être une œuvre de vulgarisation, se présente comme un ouvrage d'initiation à l'activité astronomique. Cette production de l'observateur toulousain, intitulée Lettres sur l'astronomie pratique, doit également être envisagée dans le cadre plus général de l'économie morale qui structure la science au xviiie siècle. Le livre n'est pas seulement, comme pour les topoï que nous avons repérés dans les correspondances et les textes imprimés, un moyen de s'insérer dans la communauté scientifique et d'y prendre place en montrant sa capacité à respecter les règles tacites d'une sociabilité inscrite jusque dans la rhétorique. Il s'agit pour Darquier, en éditant ce livre, de se distinguer au sein de la cité scientifique et d'obtenir une certaine reconnaissance par la singularité de son travail. L'observateur toulousain souligne que la science des astres se transmet par le verbe, sans qu'il existe de support imprimé pour fixer une grammaire de la pratique astronomique. Darquier montre clairement qu'il veut occuper un espace éditorial encore vierge, ce qui le rendrait incontournable dans la communauté des astronomes français. Le savant garonnais semble avoir atteint son objectif. En 1792, Jérôme Lalande, dans le quatorzième livre de son Astronomie, consacré à l'« usage des instruments et de la pratique des observations », fait référence aux Lettres sur l'astronomie pratique de Darquier dans lesquelles l'observateur parisien assure avoir trouvé « des détails utiles sur cette matière251 ».

  • 252 Darquier indique à son correspondant fictif qu'il lui décrit la manière d'établir en ville des éta (...)
  • 253 Ibid., p. 21.
  • 254 Ibid., p. 1.

166Le public visé par l'astronome toulousain est ici très difficile à cerner. Le dispositif de l'ouvrage, rassemblant des lettres fictives écrites par Darquier à un correspondant anonyme, nous permet toutefois de tracer les contours du lectorat potentiel. Antoine Darquier a choisi de rédiger ses missives à l'intention d'un homme. Il l'imagine aristocrate urbain252, capable de financer « un observatoire, des instruments [et] une pendule253 ». Enfin, l'astronome toulousain suppose que l'élève fictif qu'il instruit est motivé par « le seul désir de devenir un bon observateur254 ». Cette dernière remarque s'inscrit dans l'économie de la singularité qui caractérise la civilité élitaire au xviiie siècle. À Toulouse en particulier, les critères de distinction au sein de la haute société reposent sur l'investissement dans une pratique savante.

  • 255 Ibid., p. 92.
  • 256 Ibid., p. 1.
  • 257 Ibid., p. 105.

167Les Lettres sur l'astronomie pratique ne sont pas « un traité d'astronomie », mais doivent permettre à son élève de se « préparer à l'observation255 ». L'astronome toulousain mesure la difficulté de l'entreprise : « ce qui étoit aisé pour ainsi dire, les armes à la main, devient plus difficile par un détail que l'exemple ne réalise pas sur le champ ; & deux mots, dans l'observatoire & l'œil à la lunette ne sauroient être remplacés par dix pages d'instruction256 ». L'apprentissage de l'astronomie se fait prioritairement par la manipulation et la démarche didactique de Darquier se fonde avant tout sur son expérience et sa pratique personnelle. L'observateur toulousain explique ainsi que pour mesurer la progression d'une éclipse de Lune, il est indispensable de bien connaître les différents cratères à sa surface. « Lorsque je commençai à m'occuper d'astronomie, confie-t-il, j'appris par cœur le nom de toutes ces taches ; & comme elles s'éclipsent suivant l'ordre de leur numéro, cela me donnoit une grande facilité pour reconnoître ceux qui entroient ou sortoient de l'ombre. Je vous exhorte à suivre mon exemple257 », conclut-il.

  • 258 Ibid., p. 79.
  • 259 Ibid., p. 74.

168Afin d'ancrer sa démarche pédagogique dans une pratique concrète, Antoine Darquier multiplie les exemples. Après avoir longuement décrit la méthode « pour conclure la déclinaison du centre de la Lune de la distance observée d'un de ses bords au zénith », l'astronome pense, « pour mieux affirmer [son élève] dans cette pratique, devoir joindre [...] un exemple258 ». De la même manière, les calculs sont longuement disséqués. Afin d'inclure les effets de la réfraction, le savant toulousain reprend « les calculs de l'observation de Saturne » qu'il a présentés juste avant, « pour en faire l'application259 ».

169La transcription écrite d'un enseignement oralisé de la pratique astronomique ne se confond pas avec la vulgarisation qui éveille la curiosité plus qu'elle n'engage à l'observation. Cependant, l'initiation proposée par Darquier dans ses Lettres illustre son désir de faire connaître et de diffuser la science des astres. L'observateur ne se borne pas à sensibiliser un public cultivé, il propose par son ouvrage, un dispositif didactique fondé sur sa propre expérience et destiné à engager ses lecteurs dans la pratique de l'observation.

  • 260 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse, op. cit., p. 78.

170Antoine Darquier utilise tous les supports à sa disposition pour diffuser ses connaissances et faire connaître l'astronomie. L'observateur toulousain ne se départit jamais de cette conception d'une science offerte au public et circulant librement. Il rappelle dans son ouvrage paru en 1777 que dans l'Antiquité, « les Mages à Babylone, les Prêtres des Egyptiens à Memphis » couvraient leur savoir « d'un voile d'autant plus épais que les mystères en sont moins impénétrables », et exigeaient « les plus longues et les plus rudes épreuves pour être reçu à l'instruction ». Darquier se désole que cette situation n'ait pas changé et que la pratique savante soit réservée à des initiés. Il regrette que certains savants, « croyant que la considération et le mérite sont en raison des difficultés exagérées que renferment les sciences qu'ils cultivent, accumulent des ronces aux avenues des routes les plus aisées260 ».

  • 261 B. Bensaude-Vincent, La science contre l'opinion, op. cit., p. 47.

171Bien plus qu'une ouverture du monde savant, Darquier défend ici les valeurs d'une République des Lettres dans laquelle il tente, et parvient, à s'imposer. Bernadette Bensaude-Vincent souligne avec raison que « l'idéal activement cultivé et défendu dans cette république est l'universalisme [...]. Cultiver et développer la raison est une sorte de contrat social tacite qui garantit la permanence de la république261 ». En développant une série d'arguments en faveur d'une pratique savante transparente dans ses modes opératoires autant que dans ses résultats, Darquier produit un discours conforme aux normes de la communauté scientifique, en même temps qu'il participe à la redéfinition de la science au xviiie siècle.

172La fluidité des réseaux de communication dessine, à l'échelle de la communauté des astronomes, une structure hiérarchisée de relations savantes. La répartition des contacts qu'entretiennent les observateurs toulousains détermine une géographie des lieux savants, articulée entre le sud de la France, la Capitale et les territoires étrangers.

L'architecture des réseaux savants

  • 262 D. Roche, « Réseaux des pouvoirs, pouvoirs des réseaux dans l'Europe des Lumières », in Pierre-Yve (...)

173Les correspondances académiques personnelles, les voyages et les missions savantes, la diffusion des livres et des mémoires définissent un espace d'échanges pour les observateurs toulousains. François Garipuy et Antoine Darquier s'insèrent dans un réseau dont Daniel Roche rappelle qu'il « se présente comme comme l'interface entre les individus et le monde, [et] peut être compris comme relation de groupe à groupe, de groupe à individu et d'individu à individu262 ». Nous avons vu que l'accès à certaines personnalités savantes du xviiie siècle suppose l'emprunt de réseaux déjà existants. En outre l'Académie des sciences de Toulouse, par sa notoriété et sa visibilité dans la République des Lettres, facilite, pour les astronomes, la prise de contact et l'amorce de relations. Dans le développement et la construction de la structure réticulaire, les différents observateurs toulousains, les échanges d'informations sont aussi la marque d'une sociabilité savante hiérarchisée.

174François Garipuy et Antoine Darquier sont au centre de plusieurs réseaux dont il convient d'ébaucher la géographie mais aussi l'agencement. En effet, si l'accès à l'espace savant provincial semble aisé, les liens avec la Capitale et plus encore les pays étrangers restent difficiles. La notoriété et la reconnaissance dont jouissent les astronomes parisiens et transfrontaliers auprès des observateurs de la cité garonnaise induisent des rapports de soumission et d'autorité dont il convient de cerner l'ampleur.

  • 263 Xavier Polanco, « Une science-monde : la mondialisation de la science européenne et la création de (...)

175À l'intérieur de chacun de ces réseaux polarisés, tensions et coopérations témoignent de leurs vitalités. Elles mettent également à jour la volonté des astronomes toulousains d'étendre le plus loin possible leurs relations, et de raisonner à l'échelle d'une « science-monde263 ».

Toulouse, métropole méridionale de l'astronomie ?

  • 264 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 155.

176Michel Taillefer a étudié le rayonnement provincial de l'Académie des sciences de Toulouse. Il montre l'existence des liens avec les sociétés savantes de Montpellier, Bordeaux, Pau, Lyon, Montauban, Nancy, La Rochelle, Metz, Nîmes, Dijon, Orléans, Arras, Rouen, Bourg-en-Bresse et Auch264. Outre les correspondances, les échanges des programmes de concours et des ouvrages nourrissent cette sociabilité académique. Le réseau provincial des astronomes est beaucoup plus rétracté et, s'il se confond pour une part avec celui de la Compagnie, il ne peut s'y calquer totalement.

177La géographie des liens savants tissés par les observateurs de la cité garonnaise à l'échelle de la France est très limitée. Si l'on excepte Paris, le réseau d'échanges et de sociabilité astronomique que développent Garipuy et Darquier se cantonne au sud du Royaume. Une inégale distribution des observatoires sur le territoire permet d'expliquer en partie cette limite géographique du réseau de relations provinciales. Les conditions climatiques méridionales favorisent l'implantation d'établissements astronomiques et la pratique régulière de la science des astres.

  • 265 AAST, Registre des délibérations, T. II, séance du 5 janvier 1735, f° 147.
  • 266 AAST, Registre des délibérations, T. V, séance du 5 janvier 1747, f° 69.

178Les relations avec Bordeaux et Lyon, les deux villes de province les plus septentrionales dans le réseau des astronomes toulousains, sont épisodiques et sans lendemain. En janvier 1736 le secrétaire perpétuel de l'Académie de Bordeaux remercie Garipuy pour l'envoi « de l'observation de Lune du 2 octobre [1735] ». Ces informations ont été transmises « au R.P. Fau, leur astronome qui ne peut dans le temps la faire de son côté265 ». Les deux observateurs ne poursuivent pas leur correspondance et cet échange reste l'unique tentative toulousaine d'intégrer des savants bordelais à leur réseau d'astronomes. La Compagnie autorise également François Garipuy « a envoyer à l'académie de Lyon Les observations astronomiques qu'il fera après les avoir communiquées à l'assemblée266 ». La relation ne se poursuit pas avec les observateurs lyonnais, qui semblent ne pas répondre à l'appel des observateurs de la cité garonnaise.

179Les astronomes toulousains ne transitent pas uniquement par le réseau académique et les liens qu'ils développent les rattachent aussi aux observatoires et aux observateurs.

  • 267 AAST, Registre des délibérations, T. XII, séance du 22 février 1770, f° 317.
  • 268 AAST, Registre des délibérations, T. XII, 7 juin 1770, f 326.
  • 269 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, 2 mai 1771, f 16.
  • 270 J. Bernoulli, Lettres sur différens sujets écrites pendant le cours d'un voyage par l'Allemagne, l (...)
  • 271 AAST, Registre des délibérations, T. IX, 26 mai 1756, f ? 142-144.
  • 272 AOP, Mas 1058, TI, Fonds Séguier, Lettre d'Antoine Darquier à Honoré Flaugergues, 19 décembre 1789
  • 273 Bibliothèque municipale de Nîmes, Fonds Séguiers, n° 248, Trois lettres d'Antoine Darquier à Jean- (...)
  • 274 AAST, Registre des délibérations, T. III, 7 mai 1737, f° 79.
  • 275 J.-M. Faidit, Les « amateurs de sciences » d'une province et le ciel au xviiie siècle, op. cit., T (...)

180La cité phocéenne est un centre d'échanges privilégié et sa grande activité savante lui permet d'entretenir d'importantes relations avec les astronomes toulousains. Dans la séance académique du 22 février 1770 François Garipuy lit « les observations sur La comète de 1769 qui lui avaient été envoyées par M. de S. Jacques Sylvabelle, directeur de L'observatoire Royal de Marseille267 ». Quelques mois plus tard, l'astronome phocéen fait encore parvenir à son correspondant toulousain une autre missive rassemblant diverses observations du ciel268. Enfin, le 2 mai 1771, Garipuy rapporte l'observation d'une « nouvelle Comète269 » dont Guillaume Saint Jacques de Sylvabelle lui indique la position. Les liens avec l'observateur marseillais sont anciens et s'inscrivent dans la continuité des relations entretenues avec le père Pézenas. Ce jésuite était à la tête de l'établissement astronomique avant la suppression de la Compagnie de Jésus en 1762. À cette date, François Garipuy lui achète sa lunette achromatique et son quart de cercle270, promis à la disparition. Dès 1756, Antoine Darquier rend visite au père Pézenas qui lui avait ouvert les portes de son observatoire271. Le même observateur toulousain entre, à la fin du xviiie siècle, en correspondance avec Honoré Flaugergues, astronome et juge de paix à Viviers. Il regrette de n'avoir pas pris contact avec lui plus tôt, car il s'agissait d'un « vœu déjà formé depuis longtemps par tout ce qu ['il] sai[t] de [ses] connoissances et de [ses] talents272 ». Les échanges épistolaires se poursuivent pendant toute la Révolution. À Nîmes, l'avocat, voyageur et astronome Jean-François Séguier correspond à plusieurs reprises avec Darquier entre 1764 et 1768273. Les liens avec les observateurs biterrois sont plus lâches mais attestent toutefois d'une certaine vigueur de l'astronomie à Béziers. En 1737, l'Académie toulousaine reçoit de François d'Andoque un mémoire sur « L'éclipse du Soleil du 1er mars 1737 par Messieurs de l'Académie de Béziers274 ». Enfin Darquier correspond avec l'abbé Pierre Bertholon qui lui transmet en 1774 son examen d'occultations d'étoiles par la Lune. Ce prêtre d'abord membre de la Compagnie savante biterroise se déplace ensuite à Montpellier pour y enseigner la physique275.

  • 276 J.-M. Faidit, « La rivalité Montpellier-Toulouse pour un observatoire provincial au xviiie siècle  (...)
  • 277 J.-M. Faidit, Les « amateurs de sciences » d'une province et le ciel au xviiie siècle, op. cit., T (...)
  • 278 D. Roche, Le Siècle des Lumières en province, op. cit., T. I, p. 21, Sur la fondation de la Sociét (...)
  • 279 J.-M. Faidit, « La rivalité Montpellier-Toulouse pour un observatoire provincial au xviiie siècle  (...)

181Les relations les plus complexes sont celles entretenues avec Montpellier. L'exact recoupement des réseaux astronomiques et académiques a incontestablement créé une situation inédite de concurrence et de tension, dans la perspective d'une domination savante sur le Languedoc. Jean-Michel Faidit a longuement décrit cette rivalité entre la cité garonnaise et la cité héraultaise « pour un observatoire provincial au xviiie siècle276 ». L'historien souligne d'abord que cette lutte pour l'hégémonie scientifique s'inscrit dans un contexte académique particulier. La société des sciences de Montpellier naît en 1706 autour d'un noyau de trois astronomes, Bon, Plantade et Clapiès277. La reconnaissance officielle de cette savante assemblée marque son attachement à l'Académie de Paris et la prééminence que lui accorde cette dernière dans le paysage provincial. Daniel Roche remarque en effet que « les fondateurs de l'Académie de Montpellier réunissent à faire de leur corps l'émanation complète de l'Académie Royale des Sciences par son titre, ses privilèges et ses statuts278 ». Mais l'émergence de Béziers puis de Toulouse, qui ne disposent pas immédiatement de lettres patentes, contrarie la volonté dominatrice de la cité héraultaise. Jean-Michel Faidit souligne que la première dénomination de la Compagnie toulousaine est à même de susciter l'ire des Montpelliérains. En effet, « en se désignant comme elle, société des sciences, le terme "royal" en moins, elle se place, à dessein ou par maladresse, en compétition avec la Société Royale des Sciences de Montpellier279 ».

  • 280 Bibliothèque Nationale de France (BnF), Papiers de l'abbé Bignon, Mémoires et correspondances, T. (...)
  • 281 Ibid., f° 77.
  • 282 Ibid., f° 78.

182Afin d'obtenir les lettres patentes, les membres de la Compagnie savante de la cité garonnaise tentent de convaincre l'abbé Bignon, académicien parisien et personnage influent dans les décisions de soutien aux sociétés de province. Le père Louis Planque le flatte, célèbre son « amour pour le bien public » et son « goût pour les sciences ». Il reconnaît que les efforts de la société toulousaine « pour obtenir les lettres patentes seront impuissants sans [sa] protection280 ». Dans l'argumentaire qu'il développe ensuite, le père Planque ne manque pas de rappeler l'enracinement historique des sciences à Toulouse. Il souligne, outre la création d'un jardin des plantes, l'activité astronomique intense à la tour des remparts. « L'on a fait, écrit-il, des observations des éclipses qui ont été insérées dans les Mémoires de l'Académie des Sciences281 ». La stratégie déployée pour obtenir les lettres patentes ne doit pas cacher l'objectif de cette reconnaissance parisienne de la Société de Toulouse. Et le père Planque ne dissimule pas à son correspondant que la cité garonnaise doit asseoir sa position à la fois comme « Capitale d'une grande Province, [.] seconde ville du Royaume [et] Troisième en Europe pour les sciences282 ».

183Les académiciens montpelliérains ne cachent pas leur agacement de se voir ainsi concurrencés dans la lutte pour l'hégémonie savante méridionale.

  • 283 Ibid., Lettre de François de Plantade à l'abbé Bignon, 9 septembre 1739, f° 88, citée par J.-M. Fa (...)

184François de Plantade met en garde l'abbé Bignon contre l'offensive des Toulousains pour la conquête des lettres patentes. « S'ils viennent à les obtenir, lui explique-t-il, ils ne manqueront pas de prendre d'abord le titre de société royale des sciences et les voilà confondus avec nous283. »

  • 284 Sur cet épisode de la conquête des lettres patentes, on consultera M. Taillefer, Une académie inte (...)

185Des difficultés internes à la Compagnie toulousaine l'empêchent de poursuivre ses démarches et ce n'est qu'en 1746 que l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de la cité garonnaise obtient du Roi ses lettres patentes284.

186Jean-Michel Faidit soutient que ce contexte académique de tension et d'acrimonie s'est reporté sur les observatoires des deux villes.

  • 285 J.-M. Faidit, « La rivalité Montpellier-Toulouse pour un observatoire provincial au xviiie siècle  (...)
  • 286 J.-M. Faidit, L'Observatoire de la Babote, op. cit., p. 24.
  • 287 J.-M. Faidit, « La rivalité Montpellier-Toulouse pour un observatoire provincial au xviiie siècle  (...)
  • 288 Ibid., p. 76.

187La création d'un espace spécifique destiné à examiner le ciel est évoquée à Montpellier peu « après l'éclipse de 1706285 ». La résolution n'est cependant prise qu'en mai 1739286. Dans le même temps, Toulouse s'est dotée d'un observatoire dès 1734 et autour de Garipuy des membres de la Compagnie s'activent à faire connaître leurs recherches. Jean-Michel Faidit assure que cet essor astronomique de la cité garonnaise ravive l'ardeur des Montpelliérains qui se lance dans l'édification d'un établissement d'observation situé sur la tour de la Babote. Elle doit contrebalancer « au plan provincial la Tour du rempart St-Etienne, avec pour enjeu qu'elle devienne le siège, en pratique sinon en statut, de l'observatoire de la Province287 ». Cet objectif est en partie atteint puisque la tour des remparts tombe en désuétude alors que celle de la Babote reste la seule établie « avec l'aide de gratifications des États288 ».

  • 289 J.-M. Faidit, L'Observatoire de la Babote, op. cit., p. 29.

188Cependant, alors qu'à Toulouse François Garipuy et Antoine Darquier déploient, dans la deuxième moitié du xviiie siècle, une activité observationnelle très intense et se font connaître de la communauté des astronomes, la tour héraultaise est victime d'innombrables problèmes. L'observatoire est en effet situé près d'un terrain acquis par la confrérie des Pénitents bleus. La chapelle qu'ils érigent finit par fermer « presque toutes les possibilités aux astronomes d'observer la zone circumpolaire du ciel289 ». Dès lors les questions procédurales occupent davantage les astronomes que l'examen des phénomènes célestes.

  • 290 J.-M. Faidit, « La rivalité Montpellier-Toulouse pour un observatoire provincial au xviiie siècle  (...)
  • 291 AAST, 8012411, F. Garipuy, Mémoire sur l'État actuel de L'astronomie à Toulouse, 17 avril 1775.

189Jean-Michel Faidit voit dans cet « attentat porté par l'élévation de l'Église des Pénitents Bleus290 » la principale raison du renversement d'influence dans l'hégémonie astronomique languedocienne. Les observateurs toulousains se targuent effectivement du rôle central qu'ils jouent dans le développement de la science des astres en province. François Garipuy récapitulant le patrimoine instrumental de la ville, déclare que ces outils « ne cèdent en rien à ceux des plus grandes villes ». Il prétend même qu'il s'agit là de richesses « qu'on ne trouve que dans les Capitales291 ». En se plaçant au niveau des plus importantes cités dans le domaine savant, l'astronome tient surtout à distancer la ville rivale du Languedoc, engluée dans ses problèmes de visibilité.

  • 292 J. Lalande, Astronomie, op. cit., T. I, p. li-liii.

190La reconnaissance de la prééminence toulousaine dans le sud de la France est définitive lorsque Jérôme Lalande déclare à la fin du siècle des Lumières que la cité garonnaise est « de toutes les villes de province celle où l'astronomie a été le plus cultivée292 ».

191Il est incontestable que dans l'organisation réticulaire des observateurs toulousains, les rapports qu'ils entretiennent avec leurs homologues héraultais se développent dans un contexte concurrentiel. Cependant cette lutte pour régner sur l'astronomie languedocienne ne doit pas masquer les formes de solidarité qui émergent malgré tout.

  • 293 AAST, Registre des correspondances, Lettres de Étienne-Hyacinthe de Ratte à l'abbé de Sapte, 29 dé (...)

192Lorsque l'Académie de Toulouse obtient ses lettres patentes, de Ratte, secrétaire perpétuel de la Société des sciences de Montpellier, indique à l'abbé de Sapte en 1746 qu'il « accepte le principe d'une correspondance [.] entre les deux Académies » et se dit « trop charmé de lier avec lui un commerce dont [il sent] tout le prix293 ».

193Dans l'ensemble des échanges qu'entretiennent les astronomes de la cité garonnaise avec les savants provinciaux, le flux des mémoires vers la Compagnie de Montpellier est à la fois le plus considérable et le plus constant.

  • 294 ADH, 2 Mi 338 R4 (D 128), Observation de l'éclipse du 25 juillet 1748 faite par M. Garipuy, f° 35.
  • 295 ADH, 2 Mi 338 R4 (D 129), F. Garipuy, Observation de L'Éclipse du 23 décembre 1749, f° 60.
  • 296 ADH, 2 Mi 338 R4 (D 129), F. Garipuy, Observation de L'Éclipse de Soleil du 26 8bre 1753 faite à T (...)
  • 297 ADH, 2 Mi 338 R4 (D 129), A. Darquier, Observation de L'aurore Boréale Qui a paru le 3 février 175 (...)

194En juin 1748, Garipuy fait parvenir son examen de l'éclipse du Soleil du 25 juillet afin qu'il soit comparé à celui mené dans l'observatoire héraultais294. Il transmet l'année suivante son compte rendu « de l'éclipse de Lune du 23 décembre295 ». En 1753, le même Garipuy rédige pour la Société de Montpellier un mémoire dans lequel il rassemble les données relatives à l'« Observation de l'Éclipse de Soleil du 26 8bre 1753 faite à Toulouse296 ». Dans un mémoire de 1750 Antoine Darquier détaille pour la Compagnie montpelliéraine « L'aurore Boréale Qui a paru le 3 février297 ».

  • 298 ADH, 2 Mi 338 R4 (D 128), Comparaison de l'Observation de l'Éclipse de Lune du 30 juillet 1757 fai (...)

195La comparaison des informations reçues permet d'affiner les mesures des positions géographiques des cités. En 1747, de Ratte et Coulomb rassemblent les observations de « l'Éclipse de Lune du 30 juillet 1757 » faites à « Toulouse et à Béziers pour déterminer la différence de longitude entre Montpellier et ces deux autres villes298 ». François Garipuy fournit les données attendues et participe ainsi à cette étude comparative.

  • 299 AAST, Registre des délibérations, T. III, 4 août 1739, f° 180.
  • 300 AAST, 8008862-5, F. Garipuy, Observations de l'Éclipse de Soleil du 25 juillet 1748, faite à l'Obs (...)

196Les astronomes héraultais et toulousains ne se contentent pas de coopérer à distance et s'impliquent parfois dans des collaborations actives. Le 4 août 1739 Plantade se trouve pour affaire dans la cité garonnaise. L'Académie tient ce jour-là une assemblée « dans la salle de la Tour de L'observatoire » afin d'assister à une éclipse de Soleil. François Garipuy observe le phénomène « sur la plateforme » de l'édifice, tandis que Plantade se poste « dans la salle la plus Élevée299 ». En 1748, c'est l'observatoire de la Babote qui accueille l'astronome toulousain pour qu'il examine avec Augustin-Hyancinthe Danyzy une éclipse de Soleil300 lors d'un séjour professionnel à Montpellier.

  • 301 J.-M. Faidit, Les « amateurs de sciences » d'une province et le ciel au xviiie siècle, op. cit., T (...)
  • 302 A. Darquier, « Éloge de Mr. Garipuy père », art. cité, p. 145.

197Au-delà de cette coopération astronomique et de cette solidarité savante, les observateurs des deux villes s'échangent également les signes de reconnaissance académique. Jean de Clapiès à Montpellier est membre associé de la Société des sciences de Toulouse dès 1739301. François Garipuy est lui associé libre de la Compagnie héraultaise302.

  • 303 AAST, Registre des délibérations, T. V, 5 janvier 1747, f° 68.

198Les réceptions dans l'une ou l'autre des assemblées savantes renforcent encore les liens et en 1747, « Mr de Bonrepos, Mr D'arquier et Mr. Garipuy ont été reçus à l'assemblée publique de Montpellier où ils ont été Invités par Billet et placés parmi les académiciens303 ».

199S'il existe une concurrence institutionnelle entre Toulouse et la cité héraultaise pour obtenir de Paris la domination savante sur le sud de la France, les rapports qu'entretiennent les observateurs de ces villes ne peuvent pas s'expliquer qu'en terme de lutte et de compétition. Des coopérations actives et des échanges croisés d'informations définissent entre les deux cités un réseau astronomique dense et productif. La rivalité ne parvient pas à contrarier l'importante émulation entre les astronomes.

200Au-delà du cas montpelliérain qui monopolise l'attention des observateurs toulousains, il convient de remarquer que leur horizon réticulaire provincial se limite à la zone méridionale du royaume. L'influence parisienne et l'attrait des relations transfrontalières compensent cette géographie des réseaux toulousains limitée à l'échelle de la France.

L'attraction parisienne et les horizons étrangers

  • 304 R. Hahn, L'anatomie d'une institution scientifique, op. cit., p. 82.
  • 305 Ibid., p. 82.

201L'espace savant français ne peut se concevoir sans le centralisme parisien. La Capitale constitue le point convergent de la République des Lettres et la communauté des astronomes se structure autour l'Académie Royale des Sciences et des observateurs parisiens. Roger Hahn rappelle comment « le contrôle croissant de l'Académie sur l'activité scientifique se manifesta à tous les niveaux, allant des ordonnances sanctionnées par la royauté à la domination de facto des plus petites transactions à l'intérieur de la communauté scientifique304 ». L'historien ajoute que « les règlements de 1699, émanant du Roi [...] donnaient à la société savante un statut et une responsabilité considérables », en consacrant son rôle d'« institution royale305 ». Cette préséance et ces privilèges permettent à la Compagnie parisienne d'ordonner la géographie savante du royaume, de hiérarchiser ses relations avec les académies de province, de forger ses réseaux, de distribuer ses consignes et de subordonner les multiples foyers de connaissances répartis sur le territoire à ses propres intérêts.

  • 306 Charles Wolf rappelle que « la fondation de l'Observatoire fut la conséquence nécessaire et immédi (...)

202La communauté des astronomes parisiens se retrouve au sein de l'Académie des sciences qui préside à la fondation de l'Observatoire de la Capitale306. Les réseaux de sociabilité savante et d'échanges d'informations qu'ébauchent les observateurs parisiens avec Toulouse, illustrent cet assujettissement de la périphérie au centre. Les astronomes de la cité garonnaise doivent notamment jouer le rôle de relais dans la distribution des mémoires ou des ouvrages savants envoyés de Paris.

  • 307 AAST, 8008863, F. Garipuy, Observation de l'éclipse de Soleil du 25 juillet 1748 faîte à l'Observa (...)
  • 308 AOP, B 1-4, Correspondance de Nicolas Delisle, T. IX, n° 135, Lettre de Nicolas Delisle à François (...)

203En 1748, François Garipuy, reçoit un « avertissement » de Nicolas Delisle au sujet d'une prochaine éclipse de Soleil. L'observateur de la Capitale fait parvenir à l'astronome de la cité garonnaise « quelques autres exemplaires de son ouvrage pour les autres astronomes [des] provinces méridionale307 ». Delisle précise même qu'il ne connaît « personne à Bordeaux » et qu'il charge Garipuy de transmettre son imprimé « à L'astronome ou au Mathématicien308 » qui s'y trouverait.

  • 309 AOP, B 1-7, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XII, n° 60, Lettre de Nicolas Delisle à Antoine (...)
  • 310 Ibid.
  • 311 Ibid., n° 81, Lettre d'Antoine Darquier à Nicolas Delisle, 23 mars 1753.
  • 312 Ibid., n° 96, Lettre de Nicolas Delisle à Antoine Darquier, 14 avril 1753.

204Lors du passage de Mercure devant le Soleil en 1753, l'observateur parisien souhaite avertir « les astronomes d'une Erreur de 4 heures [dans] les tables de M. Cassini309 ». Il a donc fait publier un texte ainsi qu'une carte présentant le parcours de la planète sur le disque solaire. Nicolas Delisle s'adresse aux deux astronomes toulousains, François Garipuy et Antoine Darquier, et leur demande de répartir les exemplaires de son avertissement dans tous les points de vente du Languedoc. L'observateur parisien indique à Darquier qu'il doit remettre des imprimés « au Libraire le plus renommé de [la] ville pour les vendre à ceux qui en seront curieux310 ». L'astronome toulousain se charge ensuite de faire parvenir l'avertissement à « Montpellier311 » où Garipuy se rend dans les jours suivants. Delisle insiste pour que ses informations parviennent jusqu'à « Béziers312 ». Il a ainsi imaginé un système de distribution de ses avertissements centré sur Toulouse pour le sud de la France.

205L'espace savant français est donc modelé par la vision centralisatrice des astronomes parisiens qui définissent eux-mêmes les ramifications des réseaux sur le territoire, et structurent le flux des échanges. Les observateurs de la Capitale, afin de rassembler le plus grand nombre d'informations, ne cessent de mobiliser les astronomes de la cité garonnaise afin qu'ils examinent un phénomène particulier et surtout qu'ils leur transmettent les résultats obtenus.

  • 313 AAST, Registre des délibérations, T. XII, 9 mai 1765, f° 181.
  • 314 AOP, B 4 9-12, Lettre d'Antoine Darquier à Le Monnier, 24 avril 1786.

206Darquier reçoit en mai 1765, une « Lettre que lui a Écrite M. de Lalande de L'académie Royale des Sciences de Paris », dans laquelle il « Luy envoye les calculs de la prochaine Éclipse de Soleil et l'exhorte a observer cette Éclipse qui doit arriver le 16 Août313 ». En 1786, le même Lalande prie l'astronome toulousain « de tâcher d'observer Mercure à sa plus grande digression314 ».

  • 315 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 13 juin 1765, f° 185.

207Surtout, les instances savantes de la Capitale exigent des observateurs provinciaux qu'ils ouvrent leurs registres, puisent dans leurs journaux et livrent toutes les données dont elles ont besoin. L'Académie des sciences de Paris demande à Darquier de « lui communiquer celle de ses observations qui se trouveroient correspondre à celles que M. Le Chevalier de Chabert a faites par ordre du Roy dans la mer méditerranée315 ».

208L'organisation d'une observation d'éclipse de Soleil par Nicolas Delisle en 1748 et les mesures correspondantes à celles de l'abbé Lacaille au Cap, permettent de mieux saisir la distribution des rôles entre Paris et la province lors d'opérations de grande ampleur.

  • 316 F. Garipuy, « Histoire de l'Astronomie à Toulouse », art. cité, p. 51.

209François Garipuy explique que l'éclipse de 1748 « étoit doublement intéressante ; d'abord parce que c'étoit la plus grande qui fut arrivée en France, depuis 1715 ; & ensuite, parce que M. Delisle avoit fait espérer qu'en observant dans une Chambre obscure, on pourroit apercevoir le bord de la Lune avant qu'il se peignît sur le Soleil, ce qui permettroit de déterminer l'instant de leur contact avec la plus grand exactitude316 ».

  • 317 AOP, B 1-5, Correspondance de Nicolas Delisle, T. X, n° 5a, Lettre d'Antoine Darquier à Nicolas De (...)
  • 318 Ibid., Lettre de François Garipuy à Nicolas Delisle, 23 septembre 1748.

210L'académicien parisien a, pour vérifier son hypothèse, fait imprimer un mémoire accompagné d'une carte qu'il distribue ensuite sur tout le territoire. Antoine Darquier souligne que les « doctes leçons » qu'il contient « ne contribueront pas peu aux différents succès que chacun aura eus dans son observation, guidés par [ses] conseils ». Il assure que la recherche est d'autant plus facile qu'il n'a eu qu'à suivre « une route » déjà « à demi frayée317 » par Delisle. Garipuy en présentant les résultats obtenus, lui écrit qu'il a « observé l'éclipse de Soleil de la manière qui [lui] a paru la plus propre pour vérifier [sa] conjecture318 ».

211L'astronome de la Capitale oriente les recherches et dirige les observations. En projetant chez ses correspondants ses exigences savantes, Delisle étend le rayon d'action de son propre observatoire, en même temps qu'il réduit les observateurs provinciaux à de simples manœuvres de la science agissant sous ses ordres et répétant des gestes dont ils n'ont pas l'initiative. La division des tâches imposée par les astronomes parisiens accroît leur influence. La centralisation des résultats et des mesures leur permet en outre d'accéder à une vision panoramique des informations rassemblées, dont ne peuvent disposer les observateurs provinciaux.

  • 319 Abbé Lacaille, Avis aux astronomes, s.l.n.d. [Paris, 1751], p. 1.
  • 320 Ibid., p. 1.

212L'abbé Lacaille est chargé par l'Académie des sciences de Paris, en 1751, de se rendre au Cap de Bonne Espérance pour compléter les connaissances des « Étoiles Australes », déterminer « la parallaxe de la Lune & [...] la parallaxe du Soleil319 ». L'observateur parisien rédige et fait imprimer un « Avis aux astronomes », dans lequel il explique « qu'on ne peut parvenir à la détermination exacte des parallaxes, que par des observations concertées & faites en même tems aux deux extrémités d'un arc méridien320 ».

  • 321 AOP, B 1-6, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XI, n° 71, Lettre de Nicolas Delisle à François (...)
  • 322 Abbé Lacaille, op. cit., p. 1.
  • 323 AOP, B 1-6, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XI, n° 88, Lettre de Nicolas Delisle à François (...)

213Nicolas Delisle écrit à François Garipuy, le 4 février 1751, et prend « la liberté de [lui] envoyer le présent avertissement imprimé de M. De La Caille ». Il donne dans sa missive des indications très précises sur le matériel instrumental à utiliser. « Il faut que vous ayez un assez bon Quart-de-cercle » lui écrit-il. L'académicien parisien assure que cet outil « pourra peut-être suffire » à moins qu'il ne dispose « de plus grandes lunettes garnies de micromètres321 ». L'abbé Lacaille précise que les astronomes doivent « observer les hauteurs méridiennes des astres322 » dont il fournit la liste. Delisle, quant à lui, indique à François Garipuy qu'il a « composé un petit traité par lettres [.] contenant la théorie des parallaxes, de la manière que l'on se propose de les observer323 » dans le cadre de l'entreprise de grande ampleur menée par Lacaille. L'astronome de la Capitale ajoute que cet ouvrage le dispense d'expliquer à Garipuy ce qu'il attend de ses observations.

214Le travail des savants provinciaux est ainsi parfaitement délimité et leur autonomie largement remise en cause. L'hégémonie parisienne permet aux astronomes de se démultiplier sur le territoire, de standardiser les observations, d'uniformiser les gestes, de réguler les actes et finalement de plier les réseaux de province à leurs volontés.

  • 324 Ibid., T. XI, n° 82, Lettre de Nicolas Delisle à François Garipuy, 16 février 1751.
  • 325 AAST, Registre de délibérations, T. VII, Séance du 11 mars 1751, f° 72.

215Afin de persuader les savants de la cité garonnaise de participer activement aux opérations de l'abbé Lacaille, Nicolas Delisle n'hésite pas à dévoiler ces liens de subordination et d'assujettissement qui unit la Capitale à Toulouse. L'observateur parisien écrit ainsi à Garipuy : « J'ay lieu de me flatter que votre académie procurera à la nôtre tout ce que l'on peut souhaiter d'elle sur ce sujet324. » La Compagnie de la cité garonnaise saisit immédiatement le sens de cette injonction et, dans sa séance du 11 mars 1751, invite ses astronomes « à ne rien négliger pour répondre aux vues du Roy et à celles de L'académie Royale des Sciences325 ».

  • 326 AOP, B 1-6, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XI, n° 226, Lettre de Nicolas Delisle à François (...)

216De la même manière que pour l'éclipse de 1748, les observateurs toulousains sont dépossédés de leurs résultats au profit des astronomes parisiens qui rassemblent et analysent l'ensemble des données collectées. En juillet 1752, Nicolas Delisle explique à François Garipuy qu'il est « occupé à comparer [l]es observations [de Lacaille] avec les correspondantes » reçues de « différens endroits de la France ». Dans cette perspective il lui serait nécessaire de « lui envoyer [les siennes] ; pour voir comment elles s'accorderoient326 ».

  • 327 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse. Deuxième partie, op. cit., p. 219-240.
  • 328 Ibid., p. 240.

217Les observateurs de la cité garonnaise ont parfaitement intégré cette hiérarchie dessinée par le centre parisien et la soumission provinciale qui en résulte. Surtout ils n'envisagent pas d'entreprises astronomiques de grande échelle sans que l'Académie de la Capitale y joue un rôle prépondérant. Darquier soutient dans ses expériences « sur la longueur du Pendule à secondes327 », qu'il conviendrait de multiplier les observations de ce type. « L'Académie des Sciences de Paris, précise-t-il, pourroit seule y contribuer en exhortant tous ses Correspondants répandus à la surface de la terre à s'occuper de cet objet, elle seule pouvant dans les suites leur donner une forme utile328 ».

  • 329 AAST, Registre des mémoires copiés, T. IV, F. Garipuy, « Mémoire sur les Parallaxes de la Lune, de (...)

218François Garipuy livre une explication à cette docilité provinciale face aux attentes de la Capitale. Revenant sur les travaux correspondants à ceux de Lacaille, l'astronome toulousain assure que « cette entreprise étoit au dessus des forces d'un particulier. Il étoit réservé d'en ordonner l'Exécution au Glorieux Monarque, à la puissante protection duquel les sciences sont déjà redevables des précieuses connoissances que la détermination de la figure de la Terre [...] donne sur cette importante question329 ». Émanation de la royauté, l'Académie des sciences de Paris incarne la toute puissance et l'autorité du souverain. Les consignes et les prescriptions de l'Institution savante de la Capitale sont celles du Roi, à ce titre, elles ne se discutent pas et requièrent une totale soumission et un parfait assujettissement.

  • 330 AAST, Registre des mémoires copiés, T. VII-VIII, A. Darquier, « Mémoire sur les étoiles doubles », (...)

219Darquier est, de toute façon, sceptique quant à une organisation libre des travaux astronomiques de grande ampleur. Il évoque les réflexions de Maupertuis qui « vouloit que l'on départit à chaque Astronome une certaine zone du Ciel pour son domaine [...]. L'idée étoit belle, grande ; mais impossible et chimérique. Bientôt l'ambition auroit dévoré le cœur des Astronomes [...] et le Ciel, qui est le séjour de la paix seroit devenu le théâtre de la guerre330 ». La pratique de l'astronomie à grande échelle, sans direction, sans autorité centrale, est, pour Darquier, vouée à l'échec. La convoitise et les ambitions personnelles pourraient contrarier l'entreprise. Ainsi se trouve justifié le rôle directeur de l'Académie parisienne.

220Cette position dominante des observateurs de la Capitale leur permet d'entretenir une notoriété et une réputation qui invitent au respect et à la déférence.

  • 331 AAST, Registre des délibérations, T. V, séance du 2 juin 1748, f° 203.

221Lorsque Nicolas Delisle propose d'examiner l'éclipse de 1748 avec une chambre obscure, François Garipuy doute sérieusement de la réussite de l'expérience. Le savant toulousain reconnaît cependant que « L'autorité d'un homme de cette réputation » mérite « qu'on ne néglige aucun des moyens qu'il propose pour vérifier ses conjectures331 ». La renommée de Delisle est telle qu'elle dissipe les incertitudes et dissout les interrogations.

  • 332 AOP, B 1-7, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XII, n° 81, Lettre d'Antoine Darquier à Nicolas (...)

222En miroir de cette situation parisienne enviable, Antoine Darquier brosse un portrait peu avenant du savant provincial. Il écrit à Delisle en 1753, que les astronomes lui sont redevables du soin qu'il prend « à les avertir des précautions à prendre [pour] les observations essentielles et délicates ; la plupart formés par eux-mêmes dans le fond d'une province dont ils n'ont [pu] sortir, fournis pour l'ordinaire d'instrumens médiocres, ils sont souvent, quelques théories qu'ils ayent d'ailleurs, fort embarrassés dans la pratique332 ».

223La question des liens entre les astronomes parisiens et leurs homologues toulousains, et plus généralement du réseau qui unit la Capitale à la province, ne peut se réduire à ce rapport de domination et d'autorité. Les observateurs de la cité garonnaise acceptent cette hégémonie directrice et centralisée, mais cherchent parallèlement une forme de reconnaissance savante.

224Seuls les astronomes parisiens et l'Académie des sciences adoubent les observateurs provinciaux et leur donnent accès à la communauté des astronomes.

  • 333 AAST, Registre des délibérations, T. I, séance du 25 décembre 1732, f° 43.
  • 334 AAST, 8008832, F. Garipuy, Mémoire lu dans une assemblée publique, 1738.
  • 335 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 138.

225Dès que Garipuy a exposé à la Compagnie toulousaine « le détail de l'éclipse de Lune » qu'il a observé le 1er décembre 1732, il est délibéré « qu'il l'enverroit à Mr. de Fontenelle333 », secrétaire de l'institution parisienne. L'Académie de la cité garonnaise profite de cette correspondance pour se signaler à son modèle parisien. Garipuy note « quand même on n'eut en aucun Egard aux avantages que L'astronome pouvoit Retirer de ce Commerce, cette Illustre académie Témoigna Le Plaisir qu'elle avoit de cette correspondance par des offres qu'elle fit d'insérer dans ses mémoires L'observation qu'elle avoit reçu334 ». Le premier voyage du même Garipuy à Paris lui permet de se faire connaître des principaux observateurs : « Clairault, Maupertuis, Cassini, Bouguer & Le Monnier335 ».

  • 336 AASP, Pochette de séance de l'Académie Royale des Sciences de Paris, séance du 18 janvier 1757.
  • 337 AASP, Pochette de séance de l'Académie Royale des Sciences de Paris, séance du 22 juin 1757.

226L'admission de François Garipuy et Antoine Darquier comme correspondants de l'Académie parisienne est un signe tangible de reconnaissance savante et de visibilité dans le vaste réseau des astronomes de province. La Compagnie de la Capitale avait accordé au fondateur de la tour des remparts « La Qualité de correspondant en 1740 », et « voulant luy donner les marques de son estime336 », confirme sa nomination en 1749. Enfin le 22 juin 1757, « l'Académie informée du sçavoir, de la capacité de M. Darquier [...] et désirant lui donner des marques de son estime qui puissent l'encourager à continuer le commerce des Lettres dans lequel il est avec Monsieur Clairaut [...], l'a nommé pour son Correspondant, [et] luy accorde en cette qualité le droit d'entrée aux assemblées quand il viendra à Paris337 ».

  • 338 J. Lalande, Bibliographie astronomique, avec l'histoire de l'astronomie depuis 1781 jusqu'à 1802, (...)

227Les efforts de Darquier pour alimenter le flux d'observations échangées et abreuver la Capitale de travaux aussi précis que possible sont consacrés par la reconnaissance publique que lui témoigne Lalande, en notant qu'il était « estimé des astronomes, à qui il n'a cessé d'être utile338 ».

228Dans cette organisation de la sociabilité savante, la civilité et la reconnaissance ne circulent pas uniquement de Paris à Toulouse. Les astronomes de la Capitale ne dédaignent pas les honneurs académiques provinciaux et la Compagnie de la cité garonnaise intensifie ses échanges en leur offrant des places d'associés étrangers.

  • 339 AAST, Registre des correspondances, Lettre de l'abbé de Sapte à Alexis Clairaut, 30 août 1750.
  • 340 Ibid., Lettre de Jérôme Lalande à l'abbé de Sapte, 7 août 1765.
  • 341 AAST, Registre des délibérations, T. III, Assemblée extraordinaire du 11 juillet 1738, f° 136.

229Après avoir remis son prix de physique à Clairaut, pour son mémoire sur la Figure de la Terre, l'Académie des sciences de Toulouse lui propose en 1750 de le choisir « pour la seule de ces places destinées aux mathématiques339 ». En 1765 la savante assemblée distingue Jérôme Lalande qui témoigne du « plaisir et [de] la reconnaissance que [lui] donne cette agréable nouvelle ». Il flatte la vanité des membres de l'Académie en leur assurant que « la ville de Toulouse, toujours célèbre dans les lettres n'est point actuellement au dessous de son ancienne réputation340 ». Enfin, lors de la séance du 11 juillet 1738, « M. Cassini le fils associé de L'académie des Science De Paris » est « introduit par Mr. Garipuy341 » et assiste aux débats.

230Les liens des astronomes toulousains avec la Capitale mettent à jour une structure réticulaire fortement centralisée. Parée des privilèges royaux, détentrice des critères de reconnaissance savante, l'Académie des sciences de Paris gère l'espace provincial à son avantage. En son sein, les observateurs reproduisent avec Garipuy et Darquier cette organisation hiérarchisée et hégémonique.

  • 342 S. Widmalm, « L'espace scientifique scandinave », art. cité, p. 323-324.

231Les réseaux des astronomes toulousains ne s'arrêtent pas aux frontières du royaume. Comme nous l'avons vu les deux principaux observateurs de la cité garonnaise ont franchi à plusieurs reprises les limites du territoire français. Cependant, seul Darquier a véritablement construit un réseau européen d'échanges savants. Sven Widmalm a montré comment « le système d'astronomie342 » intensifie sa structuration européenne et se déploie sur un espace de plus en plus vaste.

232Par ses voyages en Angleterre et ses contacts avec Herschel et Hornsby, Darquier s'immerge dans la culture technique britannique et mesure le degré de perfection des instruments astronomiques qui y sont fabriqués. Décrivant l'appareillage du découvreur d'Uranus, l'astronome toulousain s'exclame :

  • 343 AOP, Ms 1058, Fonds Séguier, T. I, Lettre d'Antoine Darquier à Flaugergues, 19 décembre 1789.

La manière dont les télescopes sont montés et se meuvent méritent d'être vus ; il y en aura vraisemblablement pour longtemps avant qu'on puisse se flatter de jouir du même avantage dans quelqu'autre partie du monde que Londres343.

  • 344 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 1er septembre 1780, f° 1022.
  • 345 Ibid., Note de Jean Bernoulli en tête de la série de lettres écrites par Darquier, f° 975.

233L'élargissement de l'horizon savant permet à Darquier de relativiser les ressources instrumentales parisiennes. Si l'observateur de la cité garonnaise étend son réseau vers l'orient en rencontrant à Paris Johann Anders Lexell astronome à Saint-Pétersbourg - qu'il trouve « aussi modeste que sçavant344 » —, c'est principalement par sa correspondance avec Jean Bernoulli que Darquier se fait connaître dans les contrées germaniques. La vingtaine de missives subsistant encore et couvrant la période 1779-1785, indique une correspondance intense et suivie. D'autant que le savant polygraphe assure avoir conservé « des lettres postérieures, de 1787 [à] 179 5345 ».

  • 346 Ibid., Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 20 septembre 1779, ff° 981-982.
  • 347 Ibid., 1er janvier 1779, f° 984.
  • 348 Ibid., Copie de la lettre d'Antoine Darquier destinée au Roi de Prusse Frédéric II, 1780, f° 1013.
  • 349 Ibid., 1er septembre 1780, f 1021.
  • 350 Ibid., 8-13 mai 1785, f° 1083.

234L'astronome toulousain ne se contente pas d'échanger des observations et des ouvrages avec son correspondant bâlois. Sa quête de notoriété le pousse à vouloir devenir membre correspondant de l'Académie de Berlin. Darquier assure qu'« Exilé dans le fonds d'une Province », il observe « sans motif d'Émulation ». Les choses seraient différentes si, comme Bernoulli, il était « attaché à une académie aussi célèbre que la [sienne] ». L'observateur de la cité garonnaise s'engage à « mériter un regard favorable de [son] académie346 ». Au fil de sa correspondance Antoine Darquier semble prendre de l'assurance et dévoile peu à peu ses ambitions. « Je croirai être arrivé à un comble si j'avois le bonheur d'être associé à une si illustre accadémie que la vôtre et qui renferme une masse de connoissances si peu commune347 », écrit-il à Bernoulli le 1er janvier 1780. Darquier espère que la Compagnie berlinoise portera sur lui « un jugement aussi favorable que l'académie des Sciences de Paris et les principaux astronomes de l'Europe348 ». Malgré cette présentation avantageuse de sa position dans les réseaux savants du xviiie siècle, la tentative de Darquier échoue. S'il ne blâme pas Bernoulli pour le « mauvais succès de [sa] négotiation », l'astronome de la cité garonnaise ne cache pas sa déception. « Je mentirois, écrit-il en 1780, si je vous disois que mon admission dans votre illustre accadémie n'auroit pas infiniment flatté mon amour propre349 ». Ce n'est qu'en 1785 que Bernoulli réveille l'espoir de Darquier d'être nommé « à une place d'associé350 » à l'Académie de Berlin. Mais une nouvelle fois l'observateur toulousain est déçu dans ses ambitions et se voit refuser le titre tant convoité.

235La volonté d'Antoine Darquier de se faire reconnaître le plus largement possible le conduit à construire un réseau européen vaste et solide, même s'il ne parvient pas à franchir les cercles académiques étrangers.

  • 351 AAST, 8008848, François Garipuy, Mémoire sur la comète de 1779, lu en séance le 4 mars 1779.

236Si Garipuy semble plus en retrait dans cette maîtrise de l'espace européen, il n'en demeure pas moins attentif aux mutations de la géographie savante. Dans son Mémoire sur la comète de 1779, l'astronome fait référence à l'« ouvrage très ingénieux de M. André Olivier imprimé en 1772 à Salem dans la Nouvelle Angleterre », ainsi qu'aux réflexions de « Mr. Allamend » dont le recueil vient du « nouveau monde ». Garipuy souligne que ces deux opus ont été précédés de plusieurs mémoires très novateurs sur les comètes et imprimés « dans les transactions philosophiques de la Société de Philadelphie ». L'observateur toulousain s'interroge alors sur cette nouvelle distribution des foyers de productions savantes : « Les sciences commen-ceroient-elles une nouvelle transmigration vers l'occident ?351 ».

237Les astronomes toulousains n'ignorent rien des bruissements de la République des Lettres. Ils en connaissent les contours et en saisissent l'extension géographique. Observateurs provinciaux, Darquier et Garipuy sont assujettis à la Capitale, mais ils contournent le centralisme parisien en étendant leurs réseaux de sociabilité savante au-delà des frontières du royaume.

238Mû par un irrépressible désir de reconnaissance, Darquier tente d'accéder à une notoriété internationale, sans parvenir à ses fins. L'astronome de la cité garonnaise atteint ici les limites de sa stratégie expansive et ne peut rivaliser avec une position parisienne.

Notes

1 L. Daston, « The ideal and reality of the Republic of Letters in the Enlightenment », Science in Context, vol. 4, 1991, p. 367-386.

2 D. Roche, Le Siècle des Lumières en Province, op. cit., T. I, p. 256.

3 D. Roche, « La diffusion des Lumières. Un exemple : l'Académie de Châlons sur Marne », Annales E.S.C., 19e année, n° 5, septembre-octobre 1964, p. 890.

4 M. Taillefer, « L'échec d'une tentative de réforme académique : le Musée de Toulouse (1784-1788) », Annales du Midi, T. 89, n° 134, octobre-décembre 1977, p. 409.

5 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 65.

6 Jérôme Hadancourt n'a jamais appartenu à l'Académie des sciences de Toulouse. Jacques Vidal n'y entre qu'en 1791.

7 R. Hahn, L'anatomie d'une institution scientifique, op. cit., p. 59.

8 Nous reviendrons sur ce mode de communication des informations astronomiques dans ce même chapitre, p. 137-138.

9 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 187.

10 Ibid., p. 198. Les sciences médicales représentent 27 % des mémoires de la Compagnie.

11 Daniel Roche signale qu'à Châlons-sur-Marne, et malgré l'absence d'observatoire, « l'astronomie s'y trouve au premier plan » : D. Roche, « La diffusion des Lumières. Un exemple : l'Académie de Châlons sur Marne », art. cité, p. 913.

12 Histoire & Mémoires de l'Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, T. I, 1782, p. 26.

13 Ibid., p. 11.

14 Jean-Baptiste Mercadier, « Tables de la hauteur et de la longitude du nonagésime, calculées pour l'Observatoire de l'Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse ou pou 43° 36'de latitude boréale », Histoire & Mémoires de l'Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, T. III, 1788, n.p.

15 Gardeil, avant d'être l'académicien référant de Mercadier a été son professeur de mathématique au Collège Royal de Toulouse. Sur le parcours de Mercadier, cf. : M. H. Duclos, Histoire des Ariégeois, T. IV, Toulouse : Édition Milan, 1984, p. 894-900.

16 AAST, Registre des délibérations, T. V, séance du 21 juillet 1746, Article XVII des statuts de l'Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, f° 12.

17 AAST, Registre des mémoires copiés, T. I, Bourrust, « Sur les Mathématiques », lu en séance le 19 mars 1729, f° 5.

18 AAST, Registre des délibérations, T. VI, séance du 16 juillet 1750, f° 209.

19 AAST, Registre des délibérations, T. III, séance du 6 juin 1741, f 219.

20 AAST, Registre des délibérations, T. X, séance du 8 juin 1758, f° 140.

21 AAST, Registre des mémoires copiés, T. II, Garipuy, « Observations sur le feu singulier qui a paru sur la Rivière de Garone le 15 janvier 1747 », f° 61.

22 A. Darquier, « Sur un tremblement de Terre & sur des effets singuliers de la Foudre », Histoire & Mémoires de l'Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, T. II, 1784, p. 5.

23 D. Roche, « Les académies provinciales du xviiie siècle et la diffusion des sciences », Actes du 100e Congrès National des Sociétés Savantes, Paris : Bibliothèque Nationale, 1976, p. 37.

24 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 1777, f° 200.

25 A. Darquier, « Mémoire sur un Méphitis », Histoire & Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, T. I, 1782, p. 15.

26 Ibid, p. 16.

27 Ibid., p. 20.

28 Ibid, p. 19.

29 Ibid., p. 26.

30 de Mengaud, « Expériences sur le sel de Tartre, dans le même Méphitis », Histoire et Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, T. I, 1782, p. 35.

31 Voir John Heilbron, Electricity in the seventeenth and eighteenth century : a study of early modern physics, Berkeley : Berkeley University Press, 1979, p. 1-19 ; et J. Heilbron, « Experimental natural philosophy », in G. S. Rousseau, R. Porter (eds.), The ferment of knowledge : studies in the historiography of eighteenth-century science, Cambridge : Cambridge University Press, 1980, p. 357-386. Thomas S. Kuhn met en évidence un processus exactement inverse et décrit l'appropriation progressive des sciences baconiennes par les mathématiques. Voir Thomas S. Kuhn, « Tradition mathématique et tradition expérimentale dans le développement de la physique », Annales E.S.C., 30e année, n° 5, septembre-octobre 1975, p. 975-998.

32 AAST, Registre des délibérations, T. I, séance du 12 août 1732, f° 42.

33 Notons que Bertrand Garipuy a occupé la fonction de directeur en 1781 (M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 278).

34 Ibid., p. 278.

35 AAST, Registre des correspondances, n° 82, Lettre de Riquet Bonrepos, 20 septembre 1788.

36 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 280.

37 Ibid., p. 279.

38 AAST, Registre des délibérations, T. XI, séance du 4 septembre 1760, f° 149.

39 AAST, Registre des délibérations, T. X, séance du 5 janvier 1758, f° 87.

40 D. Roche, « Les académies provinciales du xviiie siècle et la diffusion des sciences », art. cité, p. 37.

41 AAST, Registre des délibérations, T. X, séance du 5 janvier 1758, f° 87.

42 AAST, Registre des délibérations, séance du 29 août 1748, f° 227.

43 Ibid., séance du 4 mai 1747, f° 108.

44 AAST, Registre des délibérations, T. VI, séance du 18 juin 1750, f 183.

45 Ibid., séance du 2 juillet 1750, f° 202.

46 AAST, Registre des délibérations, T. XI, séance du 6 mars 1755, f° 23.

47 F. Garipuy, « Histoire de l'Astronomie à Toulouse », art. cité, p. 51.

48 Ibid., p. 51-52.

49 Ibid., p. 52.

50 V. Ferrone, « L'homme de sciences », art. cité, p. 238.

51 Stéphane Van Damme, Descartes. Essai d'histoire culturelle d'une grandeur philosophique, Paris : Presses de Sciences po, 2002, Références facettes, p. 128.

52 Pierre Brunet, L'introduction des théories de Newton en France au xviiie siècle avant 1738, Genève : Slatkine Reprints, 1970, 355 p.

53 Ordinaire de la classe de géométrie (M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 256).

54 AAST, Registre des délibérations, T. I, séance du 14 février 1730, f° 12.

55 Ibid., séance du 22 février 1730, f° 12 v°.

56 Ibid., séance du 28 février 1730, f° 12 v°.

57 Histoire & Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, T. II, 1784, p. 98.

58 Ibid., p. 99.

59 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 259.

60 Etienne Hyacinthe de Ratte, op. cit., p. 14.

61 AAST, Registre des délibérations, T. III, séance du 26 mars 1744, ff° 319-324.

62 AAST, Registre des mémoires copiés, T. III, P. Reynal, « Dissertation sur les Tourbillons des Planètes », lue en séance le 14 janvier 1751, ff° 210-220.

63 René Descartes, Les principes de la philosophie, Paris : chez Théodore Girard, 1681, p. 115.

64 AAST, Registre des mémoires copiés, T. III, P. Reynal, « Dissertation sur les Tourbillons des Planètes », lue en séance le 14 janvier 1751, ff° 220.

65 AAST, Registre des Mémoires copiés, T. III, P. Reynal, « Dissertation sur l'Existence et la nécessité du Tourbillon Lunaire », lue en séance le 3 juin 1751, f° 323. Les citations précédentes sont tirées de la même page.

66 AAST, Registre des délibérations, T. III, séance du 26 mars 1744, f° 319.

67 Ibid., f° 322.

68 Ibid., f° 321.

69 Ibid., ff° 321-322.

70 Ibid., f° 324.

71 Antoine Cavallery, « Dissertation sur la cause physique du flux et du reflux de la mer », in Pièces qui ont remportées le prix de l'Académie en 1740, Paris : chez G. M. Martin, J. B. Coignard, Les frères Guérin, 1741, p. 1-51.

72 Jérôme Lalande cité par G. Bigourdan, « Histoire de l'astronomie à Toulouse de l'origine à la fondation de l'observatoire actuel », art. cité, p. A7 infra.

73 A. Cavallery, « Dissertation sur la cause physique du flux et du reflux de la mer », art. cité, p. 9.

74 Ibid., p. 9-10.

75 AAST, Registre des délibérations, T. III, séance du 29 mai 1742, f° 231.

76 Ibid., séance du 10 juillet 1742, f 235.

77 Ibid., T. VI, séance du 22 janvier 1750, f° 128.

78 Ibid., f° 129. Newton explique en effet dans les Principia, que « le flux et le reflux de la mer viennent des actions du Soleil et de la Lune [...] les deux mouvements que ces deux astres suscitent ne sont pas discernables distinctement mais produisent un mouvement mixte. A leurs conjonction ou opposition, leurs effets se conjuguent et le plus grand flux et reflux de la mer naît de cette composition » (Isaac Newton, Les principes mathématiques de la philosophie naturelle, Proposition XXIV, Théorème XIX, Livre III, in Marie-Françoise Biarnais, « Les Principia de Newton. Genèse et structure des chapitres fondamentaux avec traduction nouvelle », Cahiers d'histoire et de philosophie des sciences, n° 2, 1982, p. 177).

79 AAST, Registre des délibérations, T. VI, séance du 22 janvier 1750, f° 129.

80 Sur la figure de la terre : Antonio Lafuente, José L. Peset, « La question de la figure de la Terre. L'agonie d'un débat scientifique au xviiie siècle », Revue d'histoire des sciences, T. XXXVII/3-4, 1984, p. 235-254. Mary Terrall, « Representing the Earth's Shape. The Polemics Surrounding Maupertuis's Expedition to Lapland », ISIS, vol. 83, 1982, p. 218-237.

81 I. Newton, Les principes mathématiques de la philosophie naturelle, Livre III, Proposition XIX, Problème III, Livre III, in M.-F. Biarnais, « Les Principia de Newton. Genèse et structure des chapitres fondamentaux avec traduction nouvelle », art. cité, p. 167-176.

82 Arkan Simaan, La science au péril de sa vie. Les aventures de la mesure du monde, Paris : Vuibert/ADAPT, 2001, p. 41.

83 A. Lafuente, José L. Peset, « La question de la figure de la Terre. L'agonie d'un débat scientifique au xviiie siècle », art. cité, p. 237.

84 Sur cette controverse à l'Académie au début du xviiie siècle : P. Brunet, op. cit., p. 153-298.

85 AASP, Procès-verbaux de l'Académie Royale des Sciences de Paris, séance du 23 décembre 1733.

86 Sur le récit de ces expéditions et la discussion des résultats : A. Lafuente, « L'aventure et la science dans l'expédition au Pérou », in Henri Lacombe, Pierre Costabel (dir.), La figure de la Terre du xviiie siècle à l'ère spatiale, Paris : Gauthier-Villars, 1988, p. 139-150 ; Jean-Jacques Levallois, « L'Académie Royale des Sciences et la figure de la Terre », ibid., p. 41-75.

87 AAST, Registre des mémoires copiés, T. II, A. Cavallery, « Examen de la Solution que Mr Newton a donné du 3e Problème au livre 3 des ses principes, proposition 19 », lu en séance le 26 juin 1748, ff° 388-397.

88 Ibid., f° 390.

89 Ibid., f° 395.

90 AAST, Registre des mémoires copiés, T. III, P. Reynal, « Mémoire sur l'aplatissement de la Terre. Expliqué par l'hipothèse de Descartes », lu en séance le 15 juin 1747, f° 181.

91 Ibid., f° 175.

92 Ibid., f° 176.

93 Ibid., f° 178.

94 Mercure de France, septembre 1735, f° 2022.

95 AAST, Registre des délibérations, T. III, séance du 14 avril 1739, f° 165.

96 Cité par M. Taillefer, L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse au xviiie s, op. cit., T. I, f° 453.

97 AAST, Registre des délibérations, T. V, séance du 11 août 1746, f° 33.

98 Ibid., séance du 2 août 1747, f° 147.

99 Ibid., T. VI, séance du 25 août 1750, f° 228.

100 Ibid., f° 230.

101 Ibid., T. X, séance du 5 mai 1757, f° 25.

102 Alexis Clairaut, « Nouvelle figure de la Terre où l'on concilie les mesures actuelles avec les principes de gravitation universelle », in Pièces qui ont remporté le prix de l'Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, depuis l'année 1747 jusqu'en 1750, Toulouse : chez François Forest, 1758, p. 1-54.

103 AAST, Registre des délibérations, T. VI, séance du 25 août 1750, f° 228.

104 Yves Gingras, « What did Mathematics do to Physics ? », Cahiers d'Épistémologie, n° 274, 2001, p. 14.

105 AAST, Registre des mémoires copiés, T. III, P. Reynal, « Mémoire sur la Cause du flux et du Reflux de la Mer », lu en séance le 22 janvier 1750, f° 133.

106 AAST, Registre des délibérations, T. V, 15 juin 1747, f° 131.

107 Ibid., T. VII, séance du 4 janvier 1751, f° 36.

108 AAST, Registre des mémoires copiés, T. II, P. Reynal, « Mémoire sur l'aplatissement de la Terre. Expliqué par L'hipothèse de Descartes », lu en séance le 15 juin 1747, f° 170.

109 Alexandre Koyré, « Sens et portée de la synthèse newtonienne », in Études newtoniennes, Paris : Gallimard, 1968, p. 25-49.

110 Louis Châtellier, Les espaces infinis et le silence de Dieu. Science et religion, xvie-xixe siècle, Paris : Aubier, 2003, Collection historique, p. 92.

111 Y. Gingras, « Mathématisation et exclusion : socio-analyse de la formation des cités savantes », in Jean-Jacques Wunenburger (dir.), Bachelard et l'épistémologie française, Paris : Presses universitaires de France, 2003, Débats philosophiques, p. 123.

112 Ibid., p. 123.

113 Hans Bots, Françoise Waquet, La République des Lettres, Paris : Belin, De Boeck, 1997, 192 p.

114 ADH, D 199, Docteur Girard, Discours présenté à la Société Royale des Sciences de Montpellier, 1774.

115 D. Roche, Les Républicains des lettres, op. cit., p. 264.

116 AOP, B4 9-12, Lettre d'Antoine Darquier à Le Monnier, 24 avril 1786.

117 AAST, Registre des correspondances, Lettre d'Antonio de Ulloa au secrétaire perpétuel de l'Académie Royale des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 9 juillet 1750.

118 AAST, Registre des correspondances, Lettre de Etienne-Hyacinthe de Ratte à l'abbé de Sapte, 29 décembre 1746.

119 J.-M. Faidit, L'Observatoire de la Babote, op. cit., p. 84-85.

120 AOP, B 1-4, Correspondance de Nicolas Delisle, T. IX, n° 85 a, Lettre de François Garipuy à Pierre-François Guilleminet, 1746.

121 Ibid., n° 135, Lettre de Nicolas Delisle à François Garipuy, 5 juillet 1748.

122 Ibid., T. X, 5a, Lettre d'Antoine Darquier à Nicolas Delisle, 15 septembre 1748.

123 Ibid., n° 88, Lettre de Nicolas Delisle à François Garipuy, 13 mars 1751.

124 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 8 mars 1781, f 1025.

125 AOP, B 1-6, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XI, n° 106, Lettre de François Garipuy à Nicolas Delisle, 21 avril 1751.

126 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 8 mai 1785, f° 1084.

127 AOP, Ms 1029a, Résumé de la correspondance de Nicolas Delisle, T. XIII, n° 126 a, Lettre d'Antoine Darquier à Nicolas Delisle, 30 juillet 1755.

128 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 8 mai 1785, ff° 1083-1084.

129 AOP, Ms 1058, Fonds Séguier, T. I, Lettre d'Antoine Darquier à Flaugergues, 19 décembre 1789.

130 Sven Widmalm, « L'espace scientifique scandinave », in Michel Blay, Efthymios Nicolaïdis (dir.), L'Europe des sciences. Constitution d'un espace scientifique, Paris : Le Seuil, 2001, p. 327.

131 AAST, Registre des délibérations, T. VI, séance du 7 août 1749, f° 95.

132 ASST, 8008824, A. Darquier, Notice abrégé de l'observation de deux comètes qui ont paru cette année en 1782.

133 ADH, D 129, F. Garipuy, Observation de l'Eclisse du Soleil du 26 octobre 1753, ff° 102-105.

134 ADH, D 129, A. Darquier, Observation de l'aurore boréale à Toulouse, 1750, ff° 70-72.

135 AAST, Registre des délibérations, T. XI, séance du 17 janvier 1760, f° 61.

136 Pierre-Jacques Charliat, « Note sur le passage de Vénus et la révolution nautique dans la seconde moitié du xviiie siècle », Comptes Rendus du 922e Congrès National des Sociétés Savantes. Strasbourg et Colmar, 1967, Section des Sciences, T. I : Histoire des Sciences, Paris : Bibliothèque Nationale, 1969, p. 255-266. Albert Van Helden, « Measuring solar parallax : the Venus transits of 1761 and 1769 and their nineteenth century sequels », in R. Taton, C. Wilson (eds.), op. cit., p. 153-168.

137 AAST, Registre des délibérations, T. XII, séance du 2 juillet 1761, f° 42.

138 Ibid., f° 42.

139 Ibid., séance du 16 juillet 1761, f° 48.

140 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 8 mars 1781, f 1026.

141 AOP, B 4 9-12, Lettre d'Antoine Darquier à Jérôme Lalande, 23 avril 1781.

142 AOP, B 4 9-12, Lettre de Darquier à Le Monnier, 18 septembre 1786.

143 AOP, B 1-7, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XII, Lettre d'Antoine Darquier à Nicolas Delisle, 22 novembre 1752.

144 Jean-Pierre Vittu, « Périodiques », in M. Blay, R. Halleux (dir.), op. cit., p. 140.

145 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 15 juillet 1785, P 1088.

146 Ibid., 1er janvier 1780, P 985.

147 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse. Deuxième partie, op. cit., p. 197.

148 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse, op. cit., p. 75.

149 D. Roche, Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l'utilité des voyages, Paris : Fayard, 2003, p. 700.

150 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 138.

151 E. Nicolaïdis, « Voyages et voyageurs », in M. Blay, R. Halleux (dir.), op. cit., p. 174.

152 Lettre du Baron de Puymaurin reproduite dans le Journal politique et littéraire de Toulouse et de la Haute-Garonne, n° 78, 3 juin 1840.

153 AOP, B 4 9-12, Lettre d'Antoine Darquier à Le Monnier, 1788.

154 Lettre du Baron de Puymaurin reproduite dans le Journal politique et littéraire de Toulouse et de la Haute-Garonne, n° 78, 3 juin 1840.

155 AOP, Ms 1058, Fonds Séguier, T. I, Lettre d'Antoine Darquier à Flaugergues, 19 décembre 1789.

156 Lettre du Baron de Puymaurin reproduite dans le Journal politique et littéraire de Toulouse et de la Haute-Garonne, n° 78, 3 juin 1840.

157 ADHG, C 2411, Registre des procès-verbaux des États du Languedoc, novembre 1768-janvier 1769, f° 203.

158 Antoine Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 138.

159 ADHG, C 2411, Registre des procès-verbaux des États du Languedoc, novembre 1768-janvier 1769, f° 203.

160 AAST, Registre des délibérations, T. IX, séance du 26 mai 1756, f° 142.

161 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse. Deuxième partie, op. cit., p. 219

162 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 144.

163 BUB Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 7 octobre 1780, f° 1022.

164 D. Roche, Humeurs vagabondes, op. cit., p. 701.

165 Françoise Waquet, Parler comme un livre. L'oralité et le savoir (xvie-xxe siècle), Paris : Albin Michel, 2003, L'évolution de l'humanité, p. 114.

166 Ibid., p. 115.

167 D. Roche, Les Siècle des Lumières en province, op. cit., p. 357.

168 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 14 janvier 1773, f° 56.

169 Ibid., T. II, séance du 2 juin 1739, f° 174.

170 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 142.

171 AAST, 8008846, B. Garipuy, Observations de la Comète qui paru au commencement de l'année 1779, faîtes à Toulouse depuis le 11 février au 31 mars [1779].

172 AAST, Registre des mémoires copiés, T. IV, F. Garipuy, « Mémoire sur les Parallaxes de la Lune, de Mars et de Vénus Déterminées par les observations faites par ordre du Roy En 1751 et en 1752, au Cap de bonne Espérance Par Mr. L'abbé de Lacaille », f° 350.

173 AAST, Registre des délibérations, T. VII, séance du 6 mai 1751, f° 104.

174 M. Taillefer, L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse au xviiie siècle, op. cit., T. I, f° 360.

175 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 2 janvier 1777, f° 186.

176 Jean-Pierre Magi, Semonce du 17 novembre 1785, p. 4, cité par M. Taillefer, L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse au xviiie siècle, op. cit., T. I, f° 365.

177 Mercure de France, octobre 1734, p. 2251.

178 R. Hahn, L'anatomie d'une institution scientifique, op. cit., p. 86.

179 Ibid., p. 87.

180 Fouchy, « Préface », Mémoires de mathématiques et de Physiques. Présentés à l'Académie Royale des Sciences, par divers Sçavants, & lûs dans les assemblées, T. I, 1750, p. iii.

181 A. Darquier, « Observations Astronomiques Faites à Toulouse en 1761, Avec des Remarques sur la variation du foyer des Télescopes », Mémoires de mathématiques et de Physiques. Présentés à l'Académie Royale des Sciences, par divers Sçavants, & lûs dans les assemblées, T. V, 1768, p. 367-378.

182 Elisabeth Eisenstein, La révolution de limprimé à l'aube de l'Europe moderne, Paris : La Découverte, 1991, p. 101.

183 Pour une étude approfondie de cette thématique, voir E. Eisenstein, op. cit. et plus particulièrement les chapitres 3, p. 60-116 et 7, p. 226-301.

184 Bruno Jammes, « Le livre de science », in Roger Chartier, Henri-Jean Martin (dir.), Histoire de l'édition française, T. II : Le livre triomphant, 1660-1830, Paris : Fayard, 1992, p. 256.

185 F. Garipuy, « Histoire de l'astronomie à Toulouse », art. cité, p. 53.

186 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 28 mai 1777, f 197.

187 B. Jammes, « Le livre de science », art. cité, p. 258.

188 René Moulinas, « La contrefaçon avignonnaise », in R. Chartier, H.-J. Martin (dir.), op. cit., p. 374-375.

189 J. Lalande, Bibliographie astronomique, op. cit., p. 879.

190 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse, op. cit., p. xiii.

191 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 20 septembre 1779, f° 977.

192 Ibid., Lettre de Jean Aubert à Antoine Darquier, 17 décembre 1779, f° 989.

193 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse, op. cit., p. i.

194 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse. Deuxième partie, op. cit., p. 240.

195 C. Licoppe, op. cit., p. 95.

196 A. Darquier, Lettres sur l'astronomie pratique, op. cit., p. 110-111.

197 Ibid., p. 102.

198 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse. Deuxième partie, op. cit., Avertissement.

199 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse, op. cit., p. ix.

200 Ibid., p. ix-x.

201 E Garipuy, « Histoire de l'astronomie à Toulouse », art. cité, p. 53.

202 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 20 septembre 1779, f° 977.

203 A. Darquier, « Observations de la Lune et des planètes pour l'année 1763 », art. cité, p. 479.

204 Jean Bernoulli, Nouvelles littéraires de divers pays. Avec des suppléments pour la Liste et le Nécrologe des Astronomes, 4e Cahier, 1778, p. 38-46.

205 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 20 septembre 1779, f° 977.

206 AAST, Registre des correspondances, Lettre de Jean-Baptiste Mercadier à Jean-François de Turler Labrepin, 8 octobre 1787.

207 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 138-139.

208 Sur l'importance des dédicaces dans la stratégie des auteurs, voir R. Chartier, « Le prince, la bibliothèque et la dédicace », in Marc Baratin, Christian Jacob (dir.), Le pouvoir des bibliothèques. La mémoire des livres en Occident, Paris : Albin Michel, 1996, Bibliothèque Albin Michel Histoire, p. 204-223.

209 Cet exemplaire se trouve à la bibliothèque de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse sous la cote 3267/1.

210 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 67.

211 Bibliothèque de l'Arsenal, Université Toulouse I, Resp PF — XVIII — 70, A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse, op. cit., lettre d'ex-dono située sur le contre plat de l'ouvrage.

212 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 74.

213 Jérôme Lamy, « Clio et Uranie. Les références antiques des astronomes toulousains au xviiie siècle », Pallas. Revue d'études antiques, vol. 72, 2006, p. 187-201.

214 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 142.

215 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 1er janvier 1780, f° 986.

216 Roger Jaquel a décrit cette vocation germaniste de Darquier dans son article « L'astronome toulousain et le cosmologue mulhousien Jean-Henri Lambert (1728-1777) », Comptes Rendus du 96e Congrès des Sociétés Savantes, Toulouse, 1971, T. I : Histoire des sciences, Paris : Bibliothèque Nationale, 1972, p. 40-49.

217 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 14 mars 1782, f 377.

218 Antonio de Ulloa, Observation de l'éclipse de Soleil du 24 juin 1778 [traduit de l'espagnol par Antoine Darquier], s. l., 1780, 58 p.

219 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 1er janvier 1780, f° 986.

220 Ibid., f 986.

221 Il s'agit de l'écrivain C. F. Gellert (1715-1769).

222 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 29 mai 1780, f° 1006.

223 Ibid., 12 juin 1781, f° 1029.

224 Ibid., 15 janvier 1782, f° 1039.

225 Ibid., 30 septembre 1782, f° 1045.

226 Ibid., 6 janvier 1783, ff° 1058-1059.

227 L'astronome toulousain met en avant la noblesse de son intention II semble ignorer qu'il existe une version française abrégée de l'ouvrage de Lambert, rédigée par Bernard Merian et publiée en 1770 : Système du monde [abrégé anonyme français des Cosmologische Briefe de J. H. Lambert par J. B. Merian], Bouillon, aux dépens de la Société typographique, 1770, 188 p. Sur cette traduction, voir Stanley L. Jaki, « Sur l'édition et la réédition de la traduction française des Cosmologische Briefe de Lambert », Revue d'histoire des sciences, T. XXXII/4, 1979, p. 306.

228 Ibid., 13 mai 1783, f° 1062.

229 A. Darquier, « Avertissement du traducteur », in Johann Heinrich Lambert, Lettres cosmologiques sur l'organisation de l'Univers, Amsterdam : chez Gerard Hulst Van Keulen, 1801, p. 8.

230 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 15 juillet 1787, f° 1090.

231 S. L. Jaki, « Sur l'édition et la réédition de la traduction française des Cosmologische Briefe de Lambert », art. cité, p. 308.

232 B. Jammes, « Le livre de science », art. cité, p. 257.

233 M. Taillefer, L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse au xviiie siècle, op. cit., T. I, f° 336.

234 AAST, Registre des délibérations, T. XII, séance du 22 avril 1762, f° 80.

235 Cité par M. Taillefer, L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse au xviiie siècle, op. cit., T. I, f° 337.

236 Ibid., f° 338.

237 AAST, Registre des délibérations, T. XI, 17 avril 1760, cité par M. Taillefer, L'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse au xviiie siècle, op. cit., T. I, f° 70.

238 Affiches, annonces, &c de Toulouse et du Haut-Languedoc, mercredi 28 avril 1784, p. 70.

239 Colette Lelay, Les livres de vulgarisation de l'astronomie (1686-1880), thèse pour le doctorat en histoire des sciences, sous la direction de Jacques Gapaillard, Université de Nantes, 2002.

240 B. Bensaude-Vincent, La science contre l'opinion, op. cit., p. 50.

241 Ibid., p. 51.

242 Daniel Raichvag, Jean Jacques, Savants et ignorants. Une histoire de la vulgarisation des sciences, Paris : Le Seuil, 2003, Points Sciences, p. 39.

243 A. Darquier, Uranographie, op. cit., p. 135.

244 Ibid., p. 136.

245 Ibid., p. 140.

246 Ibid., p. 141.

247 Ibid., p. 140.

248 Ibid., p. 139.

249 Ibid., p. 141.

250 Ibid., p. 162.

251 J. Lalande, Astronomie, op. cit., T. II, p. 655.

252 Darquier indique à son correspondant fictif qu'il lui décrit la manière d'établir en ville des établissements astronomiques « placés au faîtes des maisons » (A. Darquier, Lettres sur l'astronomie pratique, op. cit., p. 4).

253 Ibid., p. 21.

254 Ibid., p. 1.

255 Ibid., p. 92.

256 Ibid., p. 1.

257 Ibid., p. 105.

258 Ibid., p. 79.

259 Ibid., p. 74.

260 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse, op. cit., p. 78.

261 B. Bensaude-Vincent, La science contre l'opinion, op. cit., p. 47.

262 D. Roche, « Réseaux des pouvoirs, pouvoirs des réseaux dans l'Europe des Lumières », in Pierre-Yves Beaurepaire (dir.), La plume et la toile. Pouvoirs et réseaux de correspondance dans l'Europe des Lumières, Arras : Artois Presses Université, 2002, Histoire, p. 11. Les sociologues ont les premiers fait usage de cette notion de réseau. Pour une synthèse, voir Alain Degenne, Michel Forsé, Les réseaux sociaux : une analyse structurale en sociologie, Paris : Armand Colin, 1994, U, série sociologie, 288 p.

263 Xavier Polanco, « Une science-monde : la mondialisation de la science européenne et la création de traditions scientifiques locales », in X. Polanco (dir.), Naissance et développement de la science-monde. Production et reproduction des communautés scientifiques en Europe et en Amérique Latine, Paris : La Découverte-Conseil de l'Europe-Unesco, 1990, p. 1. Xavier Polanco forge cette expression de « science-monde » en « transposant le terme "économie-monde" de Fernand Braudel » dans les domaines de l'histoire et de la sociologie des sciences. Cf. Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, xve-xviiie siècles, Paris : Armand Colin, 1979, T. I : Les structures du quotidien, T. II : Les jeux de l'échange, T. III : Le temps du monde.

264 M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 155.

265 AAST, Registre des délibérations, T. II, séance du 5 janvier 1735, f° 147.

266 AAST, Registre des délibérations, T. V, séance du 5 janvier 1747, f° 69.

267 AAST, Registre des délibérations, T. XII, séance du 22 février 1770, f° 317.

268 AAST, Registre des délibérations, T. XII, 7 juin 1770, f 326.

269 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, 2 mai 1771, f 16.

270 J. Bernoulli, Lettres sur différens sujets écrites pendant le cours d'un voyage par l'Allemagne, la Suisse, la France Méridionale et l'Italie en 1774 et 1775, T. II, Berlin : chez G.J. Decker, 1777, Lettre V

271 AAST, Registre des délibérations, T. IX, 26 mai 1756, f ? 142-144.

272 AOP, Mas 1058, TI, Fonds Séguier, Lettre d'Antoine Darquier à Honoré Flaugergues, 19 décembre 1789.

273 Bibliothèque municipale de Nîmes, Fonds Séguiers, n° 248, Trois lettres d'Antoine Darquier à Jean-Baptiste Séguier (1764-1768).

274 AAST, Registre des délibérations, T. III, 7 mai 1737, f° 79.

275 J.-M. Faidit, Les « amateurs de sciences » d'une province et le ciel au xviiie siècle, op. cit., T. II, f° 193.

276 J.-M. Faidit, « La rivalité Montpellier-Toulouse pour un observatoire provincial au xviiie siècle », Bulletin historique de la ville de Montpellier, T. II, n° 21, 1997, p. 71-86.

277 J.-M. Faidit, Les « amateurs de sciences » d'une province et le ciel au xviiie siècle, op. cit., T. I, f° 30.

278 D. Roche, Le Siècle des Lumières en province, op. cit., T. I, p. 21, Sur la fondation de la Société des sciences de Montpellier, voir L. Dulien, « Le mouvement scientifique de Montpellier », Revue d'Histoire des Sciences, 1958, p. 226-249.

279 J.-M. Faidit, « La rivalité Montpellier-Toulouse pour un observatoire provincial au xviiie siècle », art. cité, p. 73.

280 Bibliothèque Nationale de France (BnF), Papiers de l'abbé Bignon, Mémoires et correspondances, T. VIII, Lettre de Louis Planque à l'abbé Bignon, juillet 1739, f° 74.

281 Ibid., f° 77.

282 Ibid., f° 78.

283 Ibid., Lettre de François de Plantade à l'abbé Bignon, 9 septembre 1739, f° 88, citée par J.-M. Faidit, « La rivalité Montpellier-Toulouse pour un observatoire provincial au xviiie siècle », Bulletin historique de la ville de Monpellier, T. II, n° 21, 1997, p. 74.

284 Sur cet épisode de la conquête des lettres patentes, on consultera M. Taillefer, Une académie interprète des Lumières, op. cit., p. 11.

285 J.-M. Faidit, « La rivalité Montpellier-Toulouse pour un observatoire provincial au xviiie siècle », art. cité, p. 75.

286 J.-M. Faidit, L'Observatoire de la Babote, op. cit., p. 24.

287 J.-M. Faidit, « La rivalité Montpellier-Toulouse pour un observatoire provincial au xviiie siècle », art. cité, p. 75.

288 Ibid., p. 76.

289 J.-M. Faidit, L'Observatoire de la Babote, op. cit., p. 29.

290 J.-M. Faidit, « La rivalité Montpellier-Toulouse pour un observatoire provincial au xviiie siècle », art. cité, p. 77.

291 AAST, 8012411, F. Garipuy, Mémoire sur l'État actuel de L'astronomie à Toulouse, 17 avril 1775.

292 J. Lalande, Astronomie, op. cit., T. I, p. li-liii.

293 AAST, Registre des correspondances, Lettres de Étienne-Hyacinthe de Ratte à l'abbé de Sapte, 29 décembre 1746.

294 ADH, 2 Mi 338 R4 (D 128), Observation de l'éclipse du 25 juillet 1748 faite par M. Garipuy, f° 35.

295 ADH, 2 Mi 338 R4 (D 129), F. Garipuy, Observation de L'Éclipse du 23 décembre 1749, f° 60.

296 ADH, 2 Mi 338 R4 (D 129), F. Garipuy, Observation de L'Éclipse de Soleil du 26 8bre 1753 faite à Toulouse avec une lunette de sept pieds et Demy, garnie d'un Micromètre, ff° 105-105 v°.

297 ADH, 2 Mi 338 R4 (D 129), A. Darquier, Observation de L'aurore Boréale Qui a paru le 3 février 1750, ff° 62-63 v°.

298 ADH, 2 Mi 338 R4 (D 128), Comparaison de l'Observation de l'Éclipse de Lune du 30 juillet 1757 faite à Montpellier par Mrs. de Ratte et Coulomb avec les observations de la même éclipse faites à Toulouse et à Béziers pour déterminer la différence de Longitude entre Montpellier et ces deux autres villes.

299 AAST, Registre des délibérations, T. III, 4 août 1739, f° 180.

300 AAST, 8008862-5, F. Garipuy, Observations de l'Éclipse de Soleil du 25 juillet 1748, faite à l'Observatoire de Montpellier.

301 J.-M. Faidit, Les « amateurs de sciences » d'une province et le ciel au xviiie siècle, op. cit., T. I, f° 196.

302 A. Darquier, « Éloge de Mr. Garipuy père », art. cité, p. 145.

303 AAST, Registre des délibérations, T. V, 5 janvier 1747, f° 68.

304 R. Hahn, L'anatomie d'une institution scientifique, op. cit., p. 82.

305 Ibid., p. 82.

306 Charles Wolf rappelle que « la fondation de l'Observatoire fut la conséquence nécessaire et immédiate de la création de l'Académie des Sciences de 1666 » (C. Wolf, op. cit., p. 1). Cependant les astronomes académiciens préfèrent par la suite observer chez eux plutôt que dans cet établissement éloigné de Paris. « Il ne reste à l'Observatoire que les savants qui y étaient logés, quatre ou cinq tout au plus, indépendants d'ailleurs, ceux-ci observaient le plus souvent isolément et sans obéir à aucune direction » (ibid., p. 195).

307 AAST, 8008863, F. Garipuy, Observation de l'éclipse de Soleil du 25 juillet 1748 faîte à l'Observatoire de Toulouse.

308 AOP, B 1-4, Correspondance de Nicolas Delisle, T. IX, n° 135, Lettre de Nicolas Delisle à François Garipuy, 5 juillet 1748.

309 AOP, B 1-7, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XII, n° 60, Lettre de Nicolas Delisle à Antoine Darquier, 3 mars 1753.

310 Ibid.

311 Ibid., n° 81, Lettre d'Antoine Darquier à Nicolas Delisle, 23 mars 1753.

312 Ibid., n° 96, Lettre de Nicolas Delisle à Antoine Darquier, 14 avril 1753.

313 AAST, Registre des délibérations, T. XII, 9 mai 1765, f° 181.

314 AOP, B 4 9-12, Lettre d'Antoine Darquier à Le Monnier, 24 avril 1786.

315 AAST, Registre des délibérations, T. XIII, séance du 13 juin 1765, f° 185.

316 F. Garipuy, « Histoire de l'Astronomie à Toulouse », art. cité, p. 51.

317 AOP, B 1-5, Correspondance de Nicolas Delisle, T. X, n° 5a, Lettre d'Antoine Darquier à Nicolas Delisle, 15 septembre 1748.

318 Ibid., Lettre de François Garipuy à Nicolas Delisle, 23 septembre 1748.

319 Abbé Lacaille, Avis aux astronomes, s.l.n.d. [Paris, 1751], p. 1.

320 Ibid., p. 1.

321 AOP, B 1-6, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XI, n° 71, Lettre de Nicolas Delisle à François Garipuy, 4 février 1751.

322 Abbé Lacaille, op. cit., p. 1.

323 AOP, B 1-6, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XI, n° 88, Lettre de Nicolas Delisle à François Garipuy, 13 mars 1751.

324 Ibid., T. XI, n° 82, Lettre de Nicolas Delisle à François Garipuy, 16 février 1751.

325 AAST, Registre de délibérations, T. VII, Séance du 11 mars 1751, f° 72.

326 AOP, B 1-6, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XI, n° 226, Lettre de Nicolas Delisle à François Garipuy, 15 juillet 1752.

327 A. Darquier, Observations astronomiques faîtes à Toulouse. Deuxième partie, op. cit., p. 219-240.

328 Ibid., p. 240.

329 AAST, Registre des mémoires copiés, T. IV, F. Garipuy, « Mémoire sur les Parallaxes de la Lune, de Mars et de Vénus Déterminées par les observations faites par ordre du Roy En 1751 et en 1752, au Cap de Bonne Espérance Par M. l'abbé Lacaille », lu en séance le 25 avril 1754, f° 345.

330 AAST, Registre des mémoires copiés, T. VII-VIII, A. Darquier, « Mémoire sur les étoiles doubles », lu en séance le 1er mai 1783, fff 499-500.

331 AAST, Registre des délibérations, T. V, séance du 2 juin 1748, f° 203.

332 AOP, B 1-7, Correspondance de Nicolas Delisle, T. XII, n° 81, Lettre d'Antoine Darquier à Nicolas Delisle, 23 mars 1753.

333 AAST, Registre des délibérations, T. I, séance du 25 décembre 1732, f° 43.

334 AAST, 8008832, F. Garipuy, Mémoire lu dans une assemblée publique, 1738.

335 A. Darquier, « Éloge de M. Garipuy père », art. cité, p. 138.

336 AASP, Pochette de séance de l'Académie Royale des Sciences de Paris, séance du 18 janvier 1757.

337 AASP, Pochette de séance de l'Académie Royale des Sciences de Paris, séance du 22 juin 1757.

338 J. Lalande, Bibliographie astronomique, avec l'histoire de l'astronomie depuis 1781 jusqu'à 1802, Paris : Imprimerie de la République, An XI [1803], p. 879.

339 AAST, Registre des correspondances, Lettre de l'abbé de Sapte à Alexis Clairaut, 30 août 1750.

340 Ibid., Lettre de Jérôme Lalande à l'abbé de Sapte, 7 août 1765.

341 AAST, Registre des délibérations, T. III, Assemblée extraordinaire du 11 juillet 1738, f° 136.

342 S. Widmalm, « L'espace scientifique scandinave », art. cité, p. 323-324.

343 AOP, Ms 1058, Fonds Séguier, T. I, Lettre d'Antoine Darquier à Flaugergues, 19 décembre 1789.

344 BUB, Lα 686, Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 1er septembre 1780, f° 1022.

345 Ibid., Note de Jean Bernoulli en tête de la série de lettres écrites par Darquier, f° 975.

346 Ibid., Lettre d'Antoine Darquier à Jean Bernoulli, 20 septembre 1779, ff° 981-982.

347 Ibid., 1er janvier 1779, f° 984.

348 Ibid., Copie de la lettre d'Antoine Darquier destinée au Roi de Prusse Frédéric II, 1780, f° 1013.

349 Ibid., 1er septembre 1780, f 1021.

350 Ibid., 8-13 mai 1785, f° 1083.

351 AAST, 8008848, François Garipuy, Mémoire sur la comète de 1779, lu en séance le 4 mars 1779.

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