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Le Tableau politique de la France de l’Ouest d’André Siegfried

 | 
Michel Bussi
, 
Christophe Le Digol
, 
Christophe Voilliot

Conclusion et ouverture

Chapitre XVIII. Permanences des alignements électoraux régionaux en Europe : quelques clés explicatives

Gilles Van Hamme, Christian Vandermotten et Pablo Medina Lockhart

Texte intégral

Introduction

1Décrypter la carte électorale de l’Europe est une tâche ardue, au point que l’on peut s’interroger sur sa faisabilité. La recherche d’explications générales se heurte aux difficultés inhérentes à toute démarche d’analyse politique comparative sur de nombreux pays.

  • 1 Van Hamme G., Classes sociales et géographie des comportements politiques en Europe occidentale, th (...)
  • 2 La question pourrait évidemment être posée de manière identique à propos de la droite, dont la géog (...)

2Dès lors, les corrélations à l’échelle régionale entre les structures sociales et économiques et les résultats électoraux réalisées sur l’ensemble de l’espace européen sont souvent non significatives ou apparaissent au mieux très médiocres1. Elles souffrent de si nombreuses exceptions qu’elles renvoient à la multiplication d’explications de type monographique. Examinons cette question à travers la géographie de la gauche, dans ses trois composantes, sociale-démocrate, d’extrême-gauche et écologistes2 (fig. 1 et 2).

Fig. 1 et 2. Résultats de la gauche en Europe, en pourcentage et par comparaison avec les moyennes nationales, aux élections européennes de 2009

Fig. 1 et 2. Résultats de la gauche en Europe, en pourcentage et par comparaison avec les moyennes nationales, aux élections européennes de 2009

Élections législatives les plus proches en Norvège, Islande, Suisse et Croatie. Anamorphose proportionnelle aux populations des unités territoriales.

  • 3 Moschonas G., La social-démocratie de 1945 à nos jours, Paris, Montchrestien, 1994 ; Kitschelt H., (...)

3Le tableau 1 évalue l’hypothèse classique que les sociaux-démocrates et l’extrême-gauche seraient l’expression politique de la classe ouvrière, des régions en crise, faiblement spécialisées dans les secteurs moteurs de l’économie moderne. Les corrélations apparaissent systématiquement médiocres entre le poids de l’industrie et le vote à gauche, à l’exception de l’Autriche et de la Suède. Même à l’apogée de l’importance numérique de la classe ouvrière, ce lien était déjà faible et inégal selon les pays, dépendant notamment des formes d’industrialisation et de l’importance des structures d’encadrement catholique. À ces facteurs anciens expliquant le lien limité entre importance de la classe ouvrière et vote de gauche, s’ajoutent l’affaiblissement de l’encadrement social, notamment syndical depuis les années 1970, la précarisation des nouvelles classes d’exécution (ouvriers de l’industrie, employés et ouvriers des services), qui favorisent parfois le vote d’extrême droite, ainsi que le glissement des grands partis de gauche vers le centre3. Il est vrai que les corrélations avec les taux de chômage régionaux sont meilleures et se rencontrent dans plusieurs pays ; cela peut traduire les dépendances croissantes envers l’État dans ces régions en crise, mais aussi des héritages socio-économiques : ainsi, les vieilles régions industrielles ne montrent souvent plus aucune spécificité industrielle et ouvrière, mais la crise de l’industrie traditionnelle à l’origine de leur ancrage à gauche s’y traduit aujourd’hui par un chômage massif (tableau 1).

4Une seconde hypothèse, à savoir que les Verts seraient l’expression politique d’une nouvelle classe moyenne bien éduquée et bien présente dans les régions prospères centrales, donne des résultats plus convaincants : à l’échelle de l’ensemble de l’Europe occidentale, une assez bonne corrélation de 0,44 entre les résultats relatifs des Verts et le niveau relatif du pib/hab., et des niveaux plus élevés encore à l’échelle nationale dans les grands pays. À l’inverse, les corrélations sont significativement négatives avec les taux de chômage, tant au niveau de l’ensemble de l’Europe occidentale (r =-0,24), qu’à celui des plus grands pays. Paradoxalement, la corrélation entre le résultat des Verts et la part des services marchands et financiers dans le pib, indicateur d’insertion dans l’économie prospère post-moderne, est faible et non significative à l’échelle européenne (r = 0,16), mais cette corrélation est bonne au niveau de chaque pays (Allemagne : 0,51 ; France : 0,57 ; Royaume-Uni : 0,59), sinon en Italie et en Espagne, mais les Verts font dans ces deux pays des résultats insignifiants.

  • 4 Lipset S. M. & Rokkan S., Party Systems and Voters Alignments, New York, London, Free Press, Collie (...)

5En conclusion, les deux hypothèses mécanistes sont au mieux incomplètement vérifiées et sûrement insuffisantes pour expliquer les variations spatiales des résultats de la gauche européenne. Les comportements politiques individuels et collectifs ne se déterminent pas mécaniquement, sur la base des positions auto-proclamées des partis en tant que défenseurs de tel ou tel groupe social. Surtout, la raison des liens faibles entre structures socio-économiques régionales et comportements politiques est à chercher dans les interrelations complexes entre les processus à l’échelle régionale/locale et nationale, affirmée de longue date par de nombreux politistes4. La spécificité des lieux, la construction historique particulière qui s’attache aux territoires, sa dialectique avec la production de l’espace national doivent être considérées, tout comme les conditions de la formation des structures politiques et partisanes nationales en interaction avec la production des structures socio-économiques, voire avec les rapports internationaux (pensons à l’Irlande, voire à la Pologne).

Tableau 1

Tableau 1

Vérification empirique des deux hypothèses de base. Taux de corrélation r entre la position relative de l’extrême-gauche et de la gauche social-démocrate (hypothèse 1) et celle des écologistes (hypothèse 2) et des variables indépendantes supposées refléter la structure de classe et la situation économique des régions. Résultats sur la base des élections européennes de 1999, à l’échelle des unités territoriales de la taille de départements français ou Regierungsbezirke allemands.
ns = non significatif ; en grasses les chiffres confirmant les hypothèses
Source : Van Hamme (2009).

6Une brève comparaison du sud de l’Espagne et de l’Italie, deux régions périphériques à l’échelle européenne et nationale, marquée par un retard de développement et par des structures agraires latifundiaires et le poids des salariés agricoles, nous donne un premier éclairage de ces interactions complexes entre les processus aux échelles régionale et nationale. Dans le sud de l’Espagne, ces structures agraires ont favorisé un fort ancrage à gauche, d’autant plus que l’Église était elle-même propriétaire terrienne. Dans le Mezzogiorno en revanche, la domination de la démocratie chrétienne a été la règle entre la Seconde Guerre mondiale et les années 1990, la gauche ne parvenant à la supplanter que localement. Dans un contexte de développement tiré par les transferts inter-régionaux, la dépendance des services publics et des aides sociales, le poids de la dc s’explique sans doute par la nécessité pour ceux qui contrôlent les encadrements locaux d’accéder à des relais puissants dans l’appareil d’État. Ici, les structures agraires latifundiaires n’ont pas déterminé un ancrage à gauche. L’écroulement de la démocratie-chrétienne a d’ailleurs laissé un vide politique relatif dans le sud, se traduisant par une carte électorale assez complexe de nos jours.

  • 5 Lipset S. M. & Rokkan S., Party System and Voters Alignments New York, London, Free Press, Collier, (...)
  • 6 Sartori G., Partis et systèmes de partis. Un cadre d’analyse, Bruxelles, éditions de l’université d (...)
  • 7 Recourir aux résultats des élections européennes, qui se tiennent au même moment à travers toute l’ (...)
  • 8 Franklin M., ibid.; Dogan M., ibid.
  • 9 Inglehart R., La transition culturelle dans les sociétés industrielles avancées, Paris, Economica, (...)
  • 10 Flanagan S. & Lee A. R., « The New Politics, culture wars and the authoritarian-libertarian value c (...)
  • 11 Ignazi P., « Les partis d’extrême droite : les fruits inachevés de la société postindustrielle » in(...)
  • 12 Kriesi H., « The transformation of cleavage politics. The 1997 Stein Rokkan Lecture », European Jou (...)
  • 13 Boy D. & Mayer N., « Secteur public contre secteur privé : un nouveau conflit de classe ? » in Maye (...)

7À l’échelle nationale elle-même, la formation des structures politiques et partisanes a donné lieu à des analyses politiques nombreuses, souvent inspirées du modèle des clivages de Rokkan et Lipset5, parfois bien plus élaborées6. Dans le modèle rokkanien, les systèmes partisans des États européens sont le résultat de l’interaction de quatre clivages, dont l’importance relative varie selon les pays : le clivage État/Église ou laïc/religieux ; le clivage capital/travail ; le clivage urbain/rural (ou secondaire/primaire) ; le clivage centre/périphérie. L’intensité plus ou moins grande des clivages selon les pays et leurs interactions détermineront un système partisan spécifique à chaque nation européenne. Les systèmes partisans diffèrent donc d’un pays à l’autre, ce qui rend difficile les démarches comparatives et donc la cartographie électorale, qui suppose de classer les partis nationaux dans des catégories politiques transnationales7. Ces systèmes partisans se figent entre la fin du XIXe siècle et les années 1920, avec l’affirmation du suffrage universel, du moins masculin. À partir des années 1960, certains auteurs soulignent le déclin de la pertinence de ces clivages traditionnels8 et l’émergence de nouvelles fractures, voire de nouveaux clivages (matérialisme et post-matérialisme chez Inglehart9 ; nouvelle gauche libertaire vs. droite autoritaire pour Flanagan & Lee10 ou Ignazi11 ; professions socio-culturelles vs. cadres et managers chez Kriesi12 ; privé vs. public selon Boy & Mayer13). D’autres auteurs rejettent plutôt le modèle en bloc arguant d’un électeur progressivement libéré des chaînes qui pouvaient l’attacher aux partis et aux idéologies qu’ils véhiculent, un électeur plus rationnel et mieux informé, qui voterait en fonction des enjeux spécifiques aux campagnes électorales.

8Toutefois, en référer systématiquement à « l’unicité » des lieux –quand bien même elle résulte des interactions spécifiques du local et du national– serait renoncer à toute démarche explicative, qui doit nécessairement passer par une certaine généralisation. Le point de départ d’une telle analyse se situe dans un constat stupéfiant lorsqu’on analyse les évolutions de la carte électorale européenne : les systèmes partisans peuvent évoluer, ou même changer brusquement (comme en Italie autour de 1994), les structures sociales et économiques peuvent connaître des mutations profondes, des générations entières peuvent s’écouler entre deux épisodes électoraux, comme en Espagne entre 1936 (dernière élection avant la Guerre civile) et 1977 (premières élections après la fin du régime franquiste), les cartes électorales montrent néanmoins une surprenante stabilité.

  • 14 Gehring J.-M. & Saint-Dizier C., « La Lorraine » in Lacoste Y., Géopolitique des Régions françaises (...)

9Nous insisterons donc ici sur les permanences des comportements politiques régionaux, une fois ceux-ci implantés. Ces permanences s’expliquent par leur auto-reproduction, qui s’inscrit dans les encadrements politiques locaux et s’autonomise par rapport à leurs origines socio-économiques. Il en va de même de la permanence de la marque politique de frontières disparues : pensons au maintien, après plus de vingt ans, de la différence entre les comportements politiques de l’est et de l’ouest de l’Allemagne ; plus étonnamment encore le cas de la Lorraine, où la partie de la Lorraine minière et sidérurgique qui fut allemande entre 1870 et 1918 reste aujourd’hui encore bien moins à gauche que la partie restée toujours française14. Le clair dessin de l’ancienne frontière germano-polonaise (voire germano-russe) sur les cartes électorales contemporaines de la Pologne représente aussi une permanence spectaculaire, mais qui relève paradoxalement d’un mécanisme inversé (fig. 3) : du côté anciennement sous domination russe à l’est de la Pologne, la petite propriété agricole s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui, rendant difficile la modernisation agricole tant sous la période communiste (entre 1945 et 1990) que capitaliste (après 1990), y favorisant un vote conservateur et sous forte influence catholique ; à l’ouest, dans les régions anciennement allemandes, vidées de leurs habitants après la Seconde Guerre mondiale, la socialisation de l’agriculture et la disposition d’emblée d’infrastructures plus modernes héritées du passé allemand peuvent expliquer les comportements moins conservateurs de l’électorat, y compris parmi les électeurs de droite, qui y préfèrent la droite libérale à la droite nationale-conservatrice.

10Les cartes électorales montrent donc des permanences sur le long terme : dès lors, nous allons tenter, dans la première section, d’évaluer ces permanences de la géographie électorale européenne et d’examiner comment les mécanismes d’auto-reproduction peuvent perpétuer des héritages structurels régionaux, incorporés dans les comportements partisans en fonction des spécificités historiques de la construction des systèmes politiques nationaux. Dans la deuxième section, nous chercherons à identifier l’origine des ancrages politiques régionaux. Mais les permanences n’excluent évidemment pas des mutations : dès lors, dans la troisième section, nous mettrons l’accent sur les dynamiques de la carte électorale. Il s’agira en particulier d’examiner dans quelle mesure les spécificités régionales résistent ou non aux facteurs potentiels d’homogénéisation : développement des médias nationaux, diffusion des cultures de masse, mobilité accrue des populations dans les espaces nationaux, etc.

Fig. 3. Résultats du second tour des élections présidentielles polonaises de 2010

Fig. 3. Résultats du second tour des élections présidentielles polonaises de 2010

Source : Vandermotten & al. (2011).

Les permanences spatiales

  • 15 Avec quelques subdivisions de manière à isoler les zones métropolitaines d’espaces plus ruraux dans (...)

11Nous ferons porter ici l’examen des permanences spatiales sur les positions relatives des partis ou groupes de partis, par comparaison à leurs performances nationales, indépendamment du niveau absolu de celles-ci. De même, nous n’avons pas utilisé de référence aux moyennes européennes, puisque les comportements partisans restent essentiellement liés à des référentiels nationaux ou régionaux. L’étude est centrée sur quelques grands pays européens (Allemagne, France, Italie, Espagne, avec quelques considérations relatives à la Belgique), dans la perspective de l’examen des éventuelles permanences régionales depuis au moins la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’échelle spatiale est celle des départements en France, des provinces en Italie ou en Espagne, des Regieurungsbezirke en Allemagne15. Notre perspective est donc bien régionalestructurelle et non pas conjoncturelle. Cette méthodologie évite donc une part, mais non l’ensemble, des difficultés méthodologiques évoquées précédemment pour l’analyse de la géographie électorale européenne.

12Le niveau significatif et souvent élevé des corrélations spatiales entre les géographies de la gauche aujourd’hui et celles d’après, voire d’avant la Seconde Guerre mondiale, illustre bien la réalité des permanences spatiales, alors pourtant que les bases économiques supposées générer le vote de gauche ont été très fortement modifiées (forte réduction de l’électorat agricole, tertiarisation de l’économie, crise des régions de vieille industrialisation, développements industriels fordistes périphériques, etc.). Il apparaît que les permanences sont les plus fortes là où les partis de gauche et les piliers qui leur sont associés sont les plus structurés et disposent des structures d’encadrement les plus puissantes. L’organisation des partis de la gauche classique et de leurs piliers est la plus importante en Belgique, en particulier francophone, et en Allemagne. Viennent ensuite l’Italie (à travers l’ancien pci), puis l’Espagne et enfin la France, où s’additionnent faible structuration du parti socialiste, et précédemment de la sfio, et effondrement du pcf et où, depuis le congrès de Tours, sinon déjà avant la Première Guerre mondiale, les socialistes ont plus pris appui sur la petite bourgeoisie républicaine que sur la classe ouvrière. C’est exactement l’ordre dans lequel ces pays se classent en termes de stabilité de la géographie de la gauche aux différentes périodes. Même une rupture aussi dramatique que la Guerre civile espagnole et la période franquiste n’excluent pas des similarités entre la géographie actuelle de la gauche et celle de 1936, si l’on excepte la « droitisation » de la côte méditerranéenne, sur laquelle nous reviendrons. (fig. 4)

  • 16 Etchebarre S., « Le FN dans le Nord ou les logiques d’une implantation électorale » in Mayer N. & P (...)

13Les ruptures dans les schémas spatiaux de la gauche peuvent aussi être liées, quand elles surviennent, à l’émergence d’une extrême-droite populiste, susceptible de compétition avec la gauche pour attirer un électorat populaire, comme c’est le cas en France du fn, qui obtient de bons scores dans les anciens bastions rouges. Ceci ne signifie pas pour autant que ce sont nécessairement d’anciens électeurs communistes qui sont passés massivement au fn, même s’il y en a, mais plutôt que l’extrême-droite trouve un terrain fertile dans la crise économique et sociale qui a frappé ces zones16, notamment au sein des classes salariées d’exécution précarisées tant dans l’industrie que le tertiaire ou parmi les chômeurs peu socialisés.

Tableau 2. Quelques corrélations (r) entre les géographies électorales de la gauche à différentes époques

Belgique (a)
Wallonie (a)
Flandre (a)

Socialistes
Socialistes
Socialistes

1921-1999
0,58
0,66
– 0,25

1981-1999
0,85
0,94
0,78

Allemagne occidentale

Sociauxdémocrates

1949-2009
0,76

1983-2009
0,92

Italie

PCI/PD

1948-2013
0,78

1983-2013
0,86

Espagne

Total de la gauche

1936-2011
0,39

1982-2011
0,73

France

Total de la gauche
Socialistes
Communistes/Mélanchon

1951-2012
0,37
0,41
0,47

1981-2012
0,52
0,60
0,34

(a) A l’échelle des cantons.

Fig. 4. Niveaux relatifs de la gauche espagnole en 1936, 1977 et 2011

Fig. 4. Niveaux relatifs de la gauche espagnole en 1936, 1977 et 2011

14L’auto-reproduction des comportements politiques à travers les structures d’encadrement territorialisées, ce que nous appellerons des hystérésis, c’est-à-dire des situations ou des mécanismes actuels reflétant des causes passées, apparaît donc bien comme l’explication principale des permanences spatiales. Ces hystérésis donnent une signification historique, matérialiste, à ce qui est trop souvent présenté comme le reflet de « mentalités » régionales, non autrement explicitées et qu’il suffirait de changer d’un coup de baguette magique (généralement, quand ce discours est tenu, pour soi-disant favoriser l’émergence d’un « esprit d’entreprise » et remettre en question les protections sociales). Ces hystérésis reflètent la reproduction des attitudes socio-politiques par le biais de la famille, du voisinage, de l’éducation, des organisations sociales (syndicats, organisations sociales, comme les mutuelles ou les organisations culturelles, partis, etc.).

15Notre modèle explicatif est schématisé sur la figure 5 : à un moment donné, des structures sociales spécifiques ont généré des comportements politiques associés à des formes particulières d’encadrement social ; ces dernières se maintiennent même lorsque les structures sociales ont disparu et y expliquent un ancrage politique sur le long terme. Appliqué à la gauche en Belgique, ce modèle prend une forme plus concrète. Notons d’abord que les permanences spatiales de la gauche sont considérables en Wallonie, mais que la géographie de la gauche a basculé en Flandre en 1981. C’est que le monde ouvrier a été très tôt encadré de manière hégémonique et très englobante par le mouvement socialiste en Wallonie, où l’industrialisation fut précoce, alors que ce ne fut pas le cas en Flandre, où elle fut plus tardive et d’abord fondée sur le textile, un secteur en général moins favorable à la gauche et plus constitué de petites et moyennes entreprises paternalistes, permettant la mutation de l’encadrement chrétien du monde rural au monde industriel. En revanche, dans les zones de Wallonie dominées par l’industrie lourde, l’encadrement socialiste était intense à travers les mutualités, les syndicats, les mouvements de jeunesse ou encore les maisons du peuple. La spécificité industrielle wallonne n’est plus, tant la crise a été profonde, mais des formes renouvelées d’encadrement social y maintiennent l’ancrage à gauche, y compris selon des modalités plus clientélistes que militantes. Dès lors, les corrélations entre le vote socialiste sont meilleures avec le poids de l’industrie au début du XXe siècle qu’avec son importance actuelle. D’emblée moins bien implanté, le Parti socialiste n’est pas parvenu en Flandre à maintenir un encadrement social aussi intense, même si la part de population ouvrière y est aujourd’hui plus importante que dans le sud du pays.

16La géographie actuelle du pilier socialiste (syndicats socialistes, mutuelles, etc., auquel on peut ajouter la fréquentation de l’école officielle plutôt que libre) est corrélée à la géographie de la métallurgie et des charbonnages en 1910 et la géographie socialiste actuelle est corrélée à la géographie actuelle du pilier socialiste.

Fig. 5. Le poids des structures d’encadrement héritées des phases initiales de l’industrialisation et de la politisation précoce de la classe ouvrière. Illustration par le cas belge

Fig. 5. Le poids des structures d’encadrement héritées des phases initiales de l’industrialisation et de la politisation précoce de la classe ouvrière. Illustration par le cas belge

Source : Van Hamme G., « La géographie du vote et les cultures politiques régionales » in Frognier A.-P., De Winter L. & Baudewyns P., Elections : le reflux ? Bruxelles, De Boeck, 207, p. 157-182; David Q. & Van Hamme G., « Pillars and electoral behavior in Belgium: the neighborhood effect revisited », Political geography, 30, 5, 2011, p. 250-262.

À la recherche de l’origine des cultures politiques régionales

  • 17 Lipset S. M. & Rokkan S., ibid.; Dogan M., ibid.

17Si une version simpliste de la détermination de classe est totalement insuffisante pour expliquer les cartes électorales et si d’autre part des « cultures politiques régionales » se maintiennent à travers les structures socio-politiques d’encadrement, reste alors la question de savoir à quelles causes rattacher l’apparition initiale de ces « cultures politiques régionales ». Leur diversité même, ainsi que celle des conditions de leur maintien, rendent évidemment impossible de traiter cette question de manière telle que l’on puisse déboucher sur une quantification globale des facteurs explicatifs. On ne peut, tentant de se maintenir en équilibre sur un fil étroit, au risque de tomber dans le piège de la multiplication sans fin de monographies, que proposer une liste des facteurs qui ont pu contribuer à l’émergence, souvent dès la fin du XIXe siècle, de comportements électoraux régionaux et ont généré les structures d’encadrement qui ont entraîné les hystérésis. En rappelant évidemment que ces facteurs régionaux agissent en relation dialectique avec les diverses histoires politiques nationales17.

L’impact d’une industrialisation précoce (principalement dans les régions d’industrie lourde et métallurgique, plutôt que textiles, ou en tout cas là où le paternalisme social n’a pas pu s’imposer avec force)

18Ce facteur renvoie dans une certaine mesure à l’hypothèse mécaniste, dont la généralisation a été infirmée d’emblée : le vote de gauche serait l’expression politique de la classe ouvrière. En considérant les résultats des élections européennes de 1999 et de 2004, mais les données structurelles de 1980, c’est-à-dire avant l’effondrement définitif des charbonnages et de la sidérurgie dans beaucoup de régions d’ancienne industrialisation, le pourcentage de la gauche en Europe occidentale était effectivement de 44,8 % dans les régions où la métallurgie de base fournissait plus de 2 % du pib et de seulement 40,8 % dans les autres. Dans les régions d’ancienne industrialisation minière ou métallurgique, il était de 47,6 %, contre 41,7 % dans les autres régions.

L’impact du catholicisme

  • 18 Marrisal P., Medina Lockhart P., Vandermotten C. & Van Hamme G., Atlas de Belgique, Géographie poli (...)

19Dans les pays majoritairement catholiques, le clivage laïc/religieux a sans doute été plus déterminant que le clivage capital/travail dans l’explication des comportements électoraux, même dans le contexte postérieur à la Seconde Guerre mondiale, marqué à la fois par la sécularisation et l’importance d’une classe ouvrière dotée d’une forte conscience politique. Certes, il peut paraître délicat d’accorder au catholicisme un rôle important dans l’émergence des cultures politiques régionales au XIXe siècle, alors même qu’il recouvre des formes anciennes d’encadrement des sociétés européennes. En pratique pourtant, partout où les structures d’encadrement social n’ont pas été précocement balayées par les conflits agraires ou l’industrialisation massive, l’encadrement catholique est parvenu à renforcer et renouveler ses propres structures d’encadrement pour y initier des cultures politiques régionales spécifiques. C’est le cas dans nombre de régions rurales dominées par la petite propriété foncière, du Portugal du nord à l’Est polonais en passant par l’ouest de la France, mais aussi dans des régions d’industrialisation dispersée, fondée sur le textile plutôt que sur l’industrie lourde. Ainsi, dans les régions catholiques, l’impact de l’industrialisation ne peut pas être examiné sans considérer la date de son démarrage : les régions où l’industrialisation (et l’implantation d’organisations ouvrières qui l’accompagne) était fortement implantée avant 1891, date de la promulgation de l’encyclique De Rerum Novarum, votent plus à gauche que celles industrialisées plus tard. En effet, après 1891, l’Église se dote d’outils d’encadrement de la classe ouvrière, dont pourront éventuellement émerger ultérieurement des syndicats chrétiens ou des piliers ouvriers (et aussi agricoles) de partis chrétiens-démocrates18.

Tableau 3. Corrélation (r) entre le niveau relatif de la gauche et la pratique religieuse en région catholique aux élections européennes de 1999.

Europe occidentale catholique

-0,54

Belgique

-0,63

France

-0,21

Allemagne

-0,60

Autriche

-0,82

Portugal

-0,60

Espagne

-0,40

Italie

-0,59

Les données de fréquentation de la messe remontent au début des années 1980. Tous les coefficients sont significatifs.
Source : Vandermotten C. & Medina Lockhart P., « An electoral geography of Western Europe », Geo-Journal, 52, 2000, p. 93-105.

20Cette influence du catholicisme persiste, même si partout à travers l’Europe la fréquentation de la messe est devenue très réduite. Si on considère les résultats de la gauche aux élections européennes de 1999 dans les parties catholiques de l’Europe occidentale et le niveau de la pratique religieuse au début des années 1980, la corrélation est négative et beaucoup plus forte que la légère corrélation positive observée avec l’importance de la classe ouvrière. Elle est aussi plus forte qu’avec n’importe quel autre facteur supposé explicatif (tableau 3).

21L’impact de l’Église sur les comportements électoraux ne s’observe pas en région protestante ou anglicane, où l’essor durant le XIXe siècle du poids politique de la bourgeoisie, et ensuite du mouvement socialiste, n’a pas été de pair avec celui de l’anticléricalisme.

22Le cas allemand illustre parfaitement cet impact du catholicisme sur les comportements électoraux (tableau 4) et il faut à nouveau souligner qu’il persiste à travers le dernier demi-siècle nonobstant l’effondrement de la pratique religieuse.

Tableau 4. Niveau moyen relatif de la gauche en Allemagne occidentale et, entre parenthèses, écart-type (Allemagne occidentale, sans la Sarre et Berlin = 100)

1949

2009

Régions protestantes (13 régions)

106,3 (20,6)

109,8 (16,7)

Idem, y compris l'Allemagne de l'Est (26 régions)

125,7 (25,2)

Régions mixtes (7 régions)

100,0 (16,0)

102,8 (15,9)

Régions catholiques (13 régions)

71,5 (14,8)

84,5 (23,1)

Les héritages des anciennes structures agraires

23Il est intéressant de considérer l’impact que peuvent avoir sur les comportements électoraux contemporains les anciennes structures agraires, alors même que les pourcentages de population agricole sont devenus résiduels partout à travers l’Europe.

24Le métayage était un régime de tenure impliquant une méfiance constante entre le propriétaire de la terre et le métayer, tout en ne favorisant pas la modernisation de l’agriculture. Même si ce régime a disparu de longue date, les régions traditionnelles de métayage sont restées significativement à gauche. Sur la base des résultats des élections européennes de 1999 et de 2004, il apparaît que, par rapport aux moyennes nationales, les scores de la gauche dans les régions de métayage traditionnel sont de 121 % (122 % en Italie, 112 % en France).

25Les choses sont moins claires dans les régions qui furent caractérisées par le latifundium. Leur comportement politique dépend ici de la spécificité des relations de classe qui y prévalaient entre les ouvriers agricoles ou la petite paysannerie et les grands propriétaires et des attitudes envers ces derniers de l’Église, qui pouvait elle-même être grande propriétaire. Ainsi, en Espagne, avec un vote de gauche égal à 106 % de la moyenne nationale dans les régions de latifundia, et plus clairement encore au Portugal, ce régime agraire semble bien avoir pesé sur les résultats électoraux. Mais l’inverse prévaut en Italie (92 %). Certes, les régions padanes qui occupaient jadis beaucoup d’ouvriers agricoles sur de grandes propriétés, telles celles illustrées par Bertolucci dans son film « 1900 », ont toujours tendance à voter à gauche. Mais dans le sud de l’Italie, l’infiltration clientéliste de l’État a permis à une démocratie-chrétienne, fort différente de fait de la démocratie-chrétienne historique du Nord-est, de jouer un rôle d’encadrement important, à travers ses réseaux formels, mais aussi informels et parfois liés à la mafia.

26Les régions où dominait le fermage ne présentent pas de comportements politiques spécifiques, sinon peut-être une dominante centriste, parfois plus ou moins teintée d’anticléricalisme en fonction de l’importance de la propriété nobiliaire et ecclésiastique sous l’Ancien régime et des conditions de recomposition de celle-ci, ainsi que des relations de fermage, après sa disparition.

  • 19 Siegfried A., Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République, Paris, Armand (...)

27Enfin, les régions historiquement de petite propriété sont souvent peu favorables à la gauche (83 % de la moyenne nationale en Italie ; 91 % en Espagne ; c’est aussi le cas en Belgique et en Allemagne, mais ce facteur n’apparaît pas comme significatif en France). Les caractéristiques droitières de ce type de région peuvent être associées au fait que le clergé n’y apparaissait pas suppôt du grand propriétaire, mais au contraire était proche des communautés locales, qu’il encadrait, supervisait et éduquait19.

Le clivage centre – périphérie au niveau national

28L’opposition centre/périphérie à l’échelle nationale constitue une dimension proprement géographique du modèle des clivages de Rokkan. Ce clivage a d’autant plus de prégnance que la construction de l’État-nation est faible (Norvège plutôt que Suède ; Espagne plutôt que France) ou que cette construction a absorbé des blocs à forte identité historique, comme au Royaume-Uni.

29Un comportement de gauche est associé aux régions périphériques ou à l’économie déclinante, mais essentiellement quand celles-ci sont en outre caractérisées par une forte identité culturelle, voire linguistique, et historique, qui renforce leur opposition au pouvoir central, considéré alors comme « colonisateur ». Elles sont aussi plus à gauche quand leur caractère politiquement périphérique n’exclut pas une grande importance industrielle, éventuellement aujourd’hui déclinante. C’est le cas en Écosse, au pays de Galles, en Catalogne, dans le pays Basque, en Wallonie et, récemment, en Allemagne de l’est.

30À l’inverse, les régions reculées votent plutôt en faveur de la droite traditionnelle quand elles ne sont pas caractérisées par une forte identité linguistique ou culturelle, et ce d’autant plus quand elles sont simultanément des régions de petite propriété foncière. C’est par exemple le cas des régions alpines.

L’impact des structures familiales traditionnelles

  • 20 Todd E., L’invention de l’Europe, Paris, éditions du Seuil, 1990.

31Voici un autre bel exemple d’hystérésis, même si ce facteur doit être considéré avec beaucoup de prudence, la description des structures familiales européennes proposée par Todd20 (1990) pouvant être sujette à caution et n’étant pas toujours bien fondée.

32Pour cet auteur, les structures familiales européennes peuvent être soit égalitaires, soit inégalitaires, ces deux régimes caractérisant en particulier les règles de l’héritage ; elles peuvent aussi être soit nucléaires, soit plus ou moins élargies, voire communautaires. Todd considère que la famille communautaire induit des comportements de gauche, voire d’extrême-gauche (comme dans le sud du Portugal, le sud de l’Espagne ou l’Italie centrale), que des structures inégalitaires (avec la règle de primogéniture, impliquant une acceptation sociale de l’inégalité et l’obligation pour les enfants puinés de chercher un emploi sur une base individuelle) favorisent plutôt la droite (comme en Angleterre), et que des structures nucléaires égalitaires déterminent plutôt des attitudes politiques centristes, comme dans le bassin Parisien.

33En se fondant sur la carte des structures familiales établies par Todd à l’échelle européenne, il faut admettre un lien avec les comportements politiques régionaux (tableau 5, fig. 6). Lorsqu’on rappelle la faiblesse des corrélations observées au niveau transnational, cette relation mérite de retenir l’attention. Elle nous semble pourtant se heurter à des insuffisances méthodologiques (le matériel sur lequel Todd fonde sa géographie des structures familiales est parfois historiquement limité, voire inclut les comportements politique eux-mêmes, fondant ainsi un raisonnement circulaire), mais plus encore théoriques. En effet, l’auteur ne propose pas de schéma théorique convaincant de ces relations. Les processus qui permettent la conversion de structures familiales en comportements politiques ne sont pas théorisés, ce qui est d’autant plus problématique que c’est au moment même où ces structures ont été remises en question par l’industrialisation et l’urbanisation de l’Europe que les cultures politiques régionales de l’Europe se sont mises en place. En outre, les liens structurels existants entre les structures familiales et les structures agraires mériteraient aussi d’être pensées pour mieux comprendre leur impact sur l’émergence de comportements politiques.

Tableau 5. Niveau relatif de la gauche (par comparaison aux moyennes nationales = 100) dans le découpage de la typologie familiale de E. Todd.

Type de région

Extrême-gauche

Sociaux-démocrates

Familles inégalitaires nucléaires

76

90

Familles égalitaires nucléaires

98

96

Familles autoritaires patriarcales

68

108

Familles communautaires

131

127

Familles communautaires, avec des formes matrilinéaires

141

120

Fig. 6. Géographie des structures familiales en Europe, selon Todd (1990)

Fig. 6. Géographie des structures familiales en Europe, selon Todd (1990)

Les dynamiques : homogénéisations nationales et mutations régionales

34Nous avons jusqu’ici insisté sur la force des permanences de la carte électorale européenne et proposé un modèle explicatif insistant sur les causes de leur mise en place. Un tel modèle néglige les dynamiques pourtant réelles de la géographie électorale européenne. On peut regrouper ces dynamiques selon trois processus différents.

Les mutations politiques des partis

35D’abord, les permanences observées relèvent en partie de l’illusion ; l’ancrage régional à gauche sur des temps longs, à un parti de gauche en particulier, masque les évolutions profondes de la gauche. Cela revient à dire que l’ancrage à gauche n’a été possible que parce que les organismes puissants que sont les partis se sont toujours adaptés au réel, sous peine de périr. Ainsi, l’Émilie-Romagne ou la Toscane, qui votent massivement communiste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, puis en faveur du pd, ont voté pour un parti stalinien, renforcé par la Résistance, puis pour un parti qui a pu s’adapter aux fortes dynamiques entrepreneuriales, si bien qu’il n’était pas rare que les petits patrons et leurs ouvriers votent ensemble pour le pci dans les années 1960, dans des cadres familiaux et paternalistes, et enfin pour un parti qui relève plutôt du centre-gauche républicain attrape-tout !

  • 21 Moschonas G., ibid., Kitschelt H., ibid., Van Hamme G., ibid.

36Au-delà de la géographie, les homogénéisations nationales, que nous examinerons ci-dessous, relèvent donc d’un affaiblissement des idéologies et de l’opposition entre les programmes des partis de droite et de gauche, la majorité de ces derniers les ayant infléchi vers des positions plus centristes21.

L’homogénéisation des comportements politiques aux échelles nationales

  • 22 Caramani D., La nationalisation du vote : étude comparative des processus d’homogénéisation territo (...)

37Cet affaiblissement des idéologies s’ajouterait au développement de média nationaux, de la télévision, à l’homogénéisation des modes de vie pour conduire à une homogénéisation des comportements politiques au niveau national22 (Caramani, 1994 ; Agnew, 1987, pour une discussion). Un tel processus suppose donc un affaiblissement des cultures politiques régionales. Est-ce confirmé au vu de l’évolution des écarts-types des résultats relatifs de la gauche dans les pays européens considérés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ?

38Effectivement, un certain affaiblissement des écarts régionaux à la moyenne nationale peut être observé, principalement là où ces écarts étaient initialement les plus marqués (tableau 6, fig. 7 et 8).

Tableau 6. Écart-type des positions régionales relatives de la gauche (à l’échelle des départements, provinces, Regierungsbezirke, éventuellement subdivisés) (élections législatives, sauf en France, élections présidentielles pour 1981, 2002 et 2012)

Tableau 6. Écart-type des positions régionales relatives de la gauche (à l’échelle des départements, provinces, Regierungsbezirke, éventuellement subdivisés) (élections législatives, sauf en France, élections présidentielles pour 1981, 2002 et 2012)

(a) Avec le parti de gauche de Mélenchon.

Fig. 7. Affaiblissement des déviations relatives de la gauche par rapport aux moyennes nationales en France et en Italie

Fig. 7. Affaiblissement des déviations relatives de la gauche par rapport aux moyennes nationales en France et en Italie

Tableau 7. Niveau et évolution de la position relative de la gauche en Allemagne occidentale, France, Italie et Espagne (pourcentage de l’ensemble des unités territoriales).

Tableau 7. Niveau et évolution de la position relative de la gauche en Allemagne occidentale, France, Italie et Espagne (pourcentage de l’ensemble des unités territoriales).

1977-2011 en Espagne.

39Les quatre cases du tableau qui montrent une déviation statistique significative par rapport à une répartition aléatoire occupent les quatre coins du tableau : la gauche progresse relativement plus souvent dans les régions où elle était faible et décline relativement plus souvent là où elle était forte, et vice-versa.

Fig. 8. Évolution comparative des résultats de la gauche et de la droite

Fig. 8. Évolution comparative des résultats de la gauche et de la droite

40Une analyse plus approfondie montre une tendance en faveur d’un renforcement relatif de la gauche là où elle était la plus faible, à l’exception de l’Allemagne (par exemple dans l’Espagne du nord-ouest, en France de l’ouest et du nord-est, Limbourg belge, sud de l’Italie). À l’inverse, un certain affaiblissement relatif de la gauche peut s’observer là où elle était traditionnellement forte, par exemple dans des régions rurales de gauche précocement sécularisées (Limousin, arrière-pays méditerranéen français), sur le littoral méditerranéen français et espagnol, dans certaines régions de vieille industrialisation et dans quelques aires métropolitaines, mais ici à l’encontre de la tendance générale dans ce type de régions (Francfort, Madrid, Milan) (tableau 7, fig. 8).

41Mais, en situation intermédiaire, le positionnement de très nombreuses régions reste relativement stable. C’est le cas, en faveur de la gauche, de nombreuses régions d’ancienne industrialisation, de bastions traditionnels de la gauche, ruraux ou non (Andalousie, cœur de l’Émilie-Romagne, Toscane, Ombrie). La droite maintient quant à elle ses positions relatives traditionnellement fortes dans des bastions, ruraux ou non, comme le sud de l’Allemagne ou le Nord-est de l’Italie.

42L’Allemagne et la Belgique présentent deux exceptions par rapport à ce processus d’homogénéisation relative des comportements politiques à l’échelle nationale.

43En effet, en Allemagne occidentale, l’opposition nord-sud se renforce (régions protestantes et la Ruhr, en majorité catholique mais très tôt industrialisée, versus les régions catholiques méridionales), et ceci en dépit d’un effondrement de la pratique religieuse (fig. 9). Mais des tendances à l’homogénéisation des comportements peuvent effectivement s’observer à l’échelle de chaque Land : ainsi, le nord protestant de la Bavière calque progressivement ses comportements sur ceux du sud catholique de cet État. L’absence de tendance à l’homogénéisation à l’échelle nationale des comportements politiques en Allemagne est évidemment aussi renforcée par le maintien d’une très forte dichotomie est-ouest après plus de deux décennies de réunification.

44En Belgique, on ne peut observer aucune homogénéisation des comportements politiques entre la Flandre et la Wallonie (et Bruxelles), bien au contraire. Mais les partis nationaux ont disparu en Belgique et les deux parties du pays ne partagent plus de médias –ni donc d’opinion publique– communs. Il s’agit politiquement de deux pays différents.

Les régions en mutation politique

45On peut proposer une tentative de typologie des régions qui tendent à glisser, soit de la droite vers la gauche, soit de la gauche vers la droite, contribuant ainsi à cette homogénéisation relative des comportements politiques nationaux.

Fig. 9. évolution des comportements électoraux relatifs en Allemagne

Fig. 9. évolution des comportements électoraux relatifs en Allemagne

Les régions de vieille industrialisation précoce

46On l’a dit, ces régions restent souvent bien ancrées à gauche, en dépit d’un fort affaiblissement de l’industrie ancienne (Wallonie, Rhin-Ruhr, pays Basque), du fait de la force des encadrements politiques qui y prévalent. Néanmoins, parfois, les encadrements traditionnels de la classe ouvrière cèdent plus ou moins, permettant alors l’émergence d’une droite extrême populiste (Nord-Pas-de-Calais, franges de l’Émilie-Romagne).

Les régions anciennement rurales et de tradition de droite

47On a vu que certaines de ces régions, en particulier l’ouest de la France, ont glissé vers la gauche. Ce phénomène peut sans doute être relié à l’affaiblissement de la petite agriculture traditionnelle et de la fréquentation de l’Église d’une part, aux développements fordistes à partir de la décennie 1960, qui ont brisé les cadres sociaux par une industrialisation exogène, non liée au patronat local, ainsi qu’au développement d’un tertiaire non-marchand, base de recrutement pour un nouvel électorat de gauche, de l’autre.

Les régions touristiques côtières

48Les régions côtières, en particulier méditerranéennes, tant espagnoles que françaises, ont eu tendance à glisser en revanche vers la droite, alors que dockers, marins et marins-pêcheurs avaient souvent eu historiquement des comportements politiques de gauche. C’est sans doute le résultat conjugué de l’affaiblissement quantitatif de ces catégories sociales, de l’essor du tourisme, avec à la fois le développement des services marchands et de la promotion immobilière qui y sont liés et l’afflux d’une population aisée âgée, et enfin le fait que ces régions furent des réceptrices privilégiées de l’immigration sud-méditerranéenne, suscitant des réactions xénophobes, ainsi que du retour des Pieds-Noirs d’Algérie. Cette droitisation a souvent touché aussi les arrière-pays, où les implantations résidentielles ont diffusé et où la base sociale qui en faisait des régions rurales de gauche a disparu (arrière-pays varois, Hérault, etc.). On est ici dans un cas où l’ampleur des mutations économiques, mais aussi démographiques, n’a pas permis leur intégration dans les encadrements traditionnels.

Les régions métropolitaines

  • 23 Les seules exceptions à cette sur-représentation relative de la gauche en zone métropolitaine conce (...)

49Si les « banlieues rouges » ou les « quartiers rouges » traditionnels autour et dans les grandes villes ont disparu ou se sont estompés, suite à la désindustrialisation métropolitaine, les très grandes aires urbaines restent en général plus à gauche que les moyennes nationales23, voire renforcent ce positionnement relatif, sauf dans leurs zones périphériques aisées (mais là les Verts peuvent être sur-représentés, en même temps que la droite classique).

  • 24 Kriesi H., ibid.
  • 25 Van Hamme G., « Le dilemme géographique des partis sociaux-démocrates : l’exemple des partis social (...)

50Le renouveau de la gauche métropolitaine repose sur deux bases sociales différentes, non liées entre elles. D’une part, de nouvelles populations « pauvres », issues de l’immigration récente, constituent sa base populaire, mais très différente de celle de l’ancienne classe ouvrière, avec les vestiges de laquelle elle peut même être en confrontation sociologique sur le plan local, mais dont les réseaux traditionnels d’encadrement ont néanmoins permis son intégration politique. D’autre part, une gauche issue du milieu intellectuel, de gentrifieurs, d’une population jeune et bien éduquée, travaillant souvent dans le secteur tertiaire non-marchand et socio-culturel24. Ce dernier groupe vote particulièrement en faveur des Verts, du moins dans les pays où cette famille politique est bien implantée. Cette double base électorale représente aussi une difficulté programmatique considérable pour les partis socialistes, qui doivent faire un grand écart pour satisfaire ces deux segments de leur électorat, sans s’aliéner en outre les derniers représentants, vieillis, de la classe ouvrière traditionnelle25.

Conclusions générales

51Reprenons les principales conclusions qui se dégagent de l’analyse qui précède.

52Même en utilisant les résultats des élections européennes, les géographies électorales ne peuvent s’expliquer que dans les référentiels nationaux, qui rendent compte des histoires socio-politiques nationales.

53La compréhension des géographies électorales européennes ne peut certainement pas s’appuyer sur l’application dogmatique et mécaniste d’une explication en termes de structure de classes. Mais cela ne signifie pas que les structures de classe n’ont pas d’impact. Il faut tenir compte des classes subjectivement perçues tout autant que de la classe objective. Surtout, les structures de classe agissent dans le cadre de superstructures historiquement construites, sous le contrôle de médiations idéologiques complexes, qui possèdent chacune leur propre temporalité.

54Nonobstant une certaine tendance à l’homogénéisation spatiale des comportements électoraux au niveau national, liée tant à l’affaiblissement des oppositions programmatiques partisanes et au développement des médias nationaux qu’à une homogénéisation des structures sociales aux échelles nationales, les cultures politiques régionales subsistent (voire se recomposent, comme le suggère le glissement vers une gauche post-moderne dans l’Ouest français).

55Ces cultures se maintiennent sur des temps relativement longs à travers des hystérésis liées aux structures politiques et sociales locales et régionales d’encadrement : famille, réseaux de voisinage et de connaissances, Église, école, encadrement politique local, syndicats, mutuelles, etc.

56Les ruptures politiques régionales (et nationales) correspondent moins à des mutations des structures socio-économiques qu’à des affaiblissements radicaux des structures d’encadrement, plus liées à des événements nationaux (l’effondrement de l’encadrement par le pcf en France, permettant l’implantation du fn dans des zones ouvrières ; l’implosion de la dc en Italie, permettant la pénétration des Ligues en Italie du nord ; etc.). Les structures d’encadrement peuvent aussi lâcher quand des régions sont submergées par des populations nouvelles, comme dans les zones touristiques, d’immigration massive de personnes âgées ou suburbaines.

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Notes

1 Van Hamme G., Classes sociales et géographie des comportements politiques en Europe occidentale, thèse de doctorat en sciences géographiques, université libre de Bruxelles, http://theses.ulb.ac.be/ETD-db/collection/available/ULBetd-08312009-110739/,2009.

2 La question pourrait évidemment être posée de manière identique à propos de la droite, dont la géographie fut simplement le négatif de celle de la gauche jusqu’à ce que la croissance récente d’une nouvelle droite extrême populiste, qui a pour une part recruté dans des milieux populaires qui pouvaient voter traditionnellement à gauche, complique quelque peu les interprétations. La géographie de l’extrême-gauche est souvent assez similaire à celle des sociaux-démocrates, l’amplifiant dans les « bastions rouges ». Par exemple le coefficient de corrélation r entre les résultats sociaux-démocrates et ceux de Die Linke est de 0,69 en 2009 en Allemagne occidentale, de 0,49 entre le pcf et la sfio en France en 1958, ou de 0,54 entre les résultats de Mélanchon et de Hollande au premier tour des présidentielles de 2012, ou encore en Espagne en 2011 de 0,46 entre la géographie d’iu et celle du psoe. C’était aussi le cas en Belgique du petit parti communiste qui était le plus fort dans les bastions socialistes, disposant de relais au sein du syndicat socialiste fgtb. Mais dans d’autres cas, l’extrême-gauche et les sociaux-démocrates ont des géographies mutuellement exclusives, reposant historiquement sur des bases régionales, voire de classe, différentes : c’est le cas quand on considère l’ensemble de l’Allemagne : r = -0,27 entre Die Linke et le spd en 2009 ; en Italie en 1983, r = -0,31 entre le pci et les socialistes.
Quant aux écologistes, ils possèdent clairement une base sociologique et territoriale différente de celle de la gauche classique, même si leur électorat s’autopositionne de manière similaire à celui de la gauche classique sur un axe gauche – droite. Dès lors, on comprend qu’il n’y ait pas de corrélation spatiale significative entre leur géographie et celle des sociaux-démocrates en Allemagne, en France ou en Espagne et que la géographie des Verts présente même une corrélation négative avec celle de l’extrême-gauche.
Le pnv basque est ici inclus dans la gauche, du fait entre autres de sa position en faveur des républicains durant la Guerre civile espagnole, de même que le svp du Sud-Tyrol, qui participe aujourd’hui à la coalition de gauche en Italie.

3 Moschonas G., La social-démocratie de 1945 à nos jours, Paris, Montchrestien, 1994 ; Kitschelt H., The transformation of the European social democracy, Cambridge, Cambridge University Press, 1994 ; Van Hamme G., « Social classes and political behaviours : Directions for a geographical analysis », Geoforum, 43, 4, 2012, p. 772-783.

4 Lipset S. M. & Rokkan S., Party Systems and Voters Alignments, New York, London, Free Press, Collier, Macmillan, 1967; Rokkan S., Citizens, Elections, Parties, Oslo, Universitetforlaget, 1970; Rae S. W. & Taylor M., The Analysis of Political Cleavages, New Haven, Yale University Press, 1970; Franklin M., « The decline of cleavage politics » in Franklin M., Mackie T. & Valen H., Electoral change: response to evolving social and attitudinal structure in Western countries, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 383-405; Dogan M., « Classe, religion, parti: triple déclin dans les clivages électoraux en Europe », Revue internationale de politique comparée, 3, 3, 1996, p. 515-540; Evans G. (dir.), The end of class politics?: class voting in comparative context, Oxford, New York, Oxford University Press, 1999; de Graff N. D. & Nieuwbeerta P., « Traditional class voting in 20 postwar societies » in Evans G. (1999), The end of class politics?: Class voting in comparative context, Oxford, New York, Oxford University Press, 1999; Clark T. N. & Lipset S. M. (dir.), The breakdown of class politics, A debate on post-industrial stratification, Washington D. C., Woodrow Xilson Center Press, 2001.

5 Lipset S. M. & Rokkan S., Party System and Voters Alignments New York, London, Free Press, Collier, Macmillan, 1967.

6 Sartori G., Partis et systèmes de partis. Un cadre d’analyse, Bruxelles, éditions de l’université de Bruxelles, coll. UBLire, 1976, éd. Franç. 2011 ; Bartolini S., La mobilisation politique de la gauche européenne (1860-1980), Bruxelles, éditions de l’université de Bruxelles, coll. UBLire, 2010, éd. Française 2012.

7 Recourir aux résultats des élections européennes, qui se tiennent au même moment à travers toute l’Europe et conduisent à la désignation de parlementaires qui se retrouvent dans des groupes politiques transnationaux au Parlement européen ne résout que très partiellement cette difficulté, voire en ajoute d’autres :
– les comparaisons peuvent être entachées par des taux d’abstention très différents selon les pays ;
– si ces élections se déroulent simultanément, elles ne se situent pas moins à des moments très différents dans les agendas et les cycles politiques nationaux. En outre, les élections européennes sont souvent considérées par les électeurs comme moins importantes que les législatives nationales et donnent dès lors lieu à l’expression de comportements de défiance politique ;
– les attitudes politiques que les votes sont censés exprimer diffèrent fort d’un pays à l’autre : la classe ouvrière et la gauche polonaises n’ont pas les mêmes références et valeurs que les britanniques, les allemandes ou les italiennes. Sans doute un peu moins parmi les partis de gauche que parmi ceux de droite et du centre-droit, les positionnements politiques peuvent varier très fort d’un parti à l’autre, même quand ceux-ci appartiennent aux mêmes groupes parlementaires européens. Ainsi, dans le groupe socialiste européen se retrouvent des partis de tradition travailliste, ayant plus ou moins glissé vers des positions libérales-sociales (comme les travaillistes britanniques), des partis républicains de centre-gauche (en Grèce ou en France, voire aujourd’hui en Italie), des partis fortement organisés de tradition sociale-démocrate (en Allemagne ou en Belgique francophone) et des partis issus de l’ancienne bureaucratie du « socialisme réalisé » (comme en Roumanie). Dans certains pays, les Verts sont nés d’alliances incluant une fraction des communistes et de l’extrême-gauche, dans d’autres ils ont plus exclusivement une base recrutée parmi les classes moyennes post-modernes, intellectuelles ou travaillant dans le non-marchand. Le positionnement de l’électeur de gauche moyen sur une échelle gauche
– droite est très différent d’un pays à l’autre, et il en va de même pour les positionnements programmatiques des partis (Trechsel & Mair, 2009 ; EVS variable reports, 2008 ; Vandermotten & al., 2011).

8 Franklin M., ibid.; Dogan M., ibid.

9 Inglehart R., La transition culturelle dans les sociétés industrielles avancées, Paris, Economica, 1993.

10 Flanagan S. & Lee A. R., « The New Politics, culture wars and the authoritarian-libertarian value change in advanced indusrial democracies », Comparative Political Studies, 36, 3, 2003, p. 235-270.

11 Ignazi P., « Les partis d’extrême droite : les fruits inachevés de la société postindustrielle » in Perrineau P., Les croisés de la société fermée, Paris, CEVIPOF, 1999.

12 Kriesi H., « The transformation of cleavage politics. The 1997 Stein Rokkan Lecture », European Journal of Political Research, 33, 1998, p. 165-185.

13 Boy D. & Mayer N., « Secteur public contre secteur privé : un nouveau conflit de classe ? » in Mayer N., Les modèles explicatifs du vote, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 111-131.

14 Gehring J.-M. & Saint-Dizier C., « La Lorraine » in Lacoste Y., Géopolitique des Régions françaises, Paris, Fayard, vol. 1, 1986, p. 808-941.

15 Avec quelques subdivisions de manière à isoler les zones métropolitaines d’espaces plus ruraux dans de grands Regierungsbezirke. Nous avons ainsi isolé l’aire métropolitaine de Stuttgart du reste du Nord-Wurtemberg, celle de Munich du sud de la Haute-Bavière, Rhin-Ruhr et l’aire métropolitaine de Cologne des autres territoires de la Rhénanie du nord-Westphalie. Nous avons conservé la division en Regierungsbezirke, officiellement disparue, en Saxe et en Saxe-Anhalt et celle entre l’est et l’ouest à Berlin.

16 Etchebarre S., « Le FN dans le Nord ou les logiques d’une implantation électorale » in Mayer N. & Perrineau P. (dir.), Le Front national à découvert, Paris, Presses de la Fondation nationale de Sciences politiques, 1989, p. 284-306.

17 Lipset S. M. & Rokkan S., ibid.; Dogan M., ibid.

18 Marrisal P., Medina Lockhart P., Vandermotten C. & Van Hamme G., Atlas de Belgique, Géographie politique, Bruxelles, Politique scientifique fédérale, Gent Academia Press, 2007.

19 Siegfried A., Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République, Paris, Armand Colin, 1913 ; Marissal P., Medina Lockhart P., Vandermotten C. & Van Hamme G., ibid.

20 Todd E., L’invention de l’Europe, Paris, éditions du Seuil, 1990.

21 Moschonas G., ibid., Kitschelt H., ibid., Van Hamme G., ibid.

22 Caramani D., La nationalisation du vote : étude comparative des processus d’homogénéisation territoriale du soutien électoral des partis politiques dans 15 pays européens, Genève, université de Genève, 1994 ; Agnew J. A., Place and Politics. The geographical mediation of state and society, Boston, Allen and Unwin, 1987.

23 Les seules exceptions à cette sur-représentation relative de la gauche en zone métropolitaine concernent Milan (mais l’exception disparaît si on prend comme référence l’Italie du nord), Madrid (mais elle disparaît ici aussi si on prend l’Espagne centrale comme référence) et Stockholm. À Bruxelles, la gauche est sur-représentée par rapport à la moyenne nationale et a fortiori à celle de la Flandre, mais sous-représentée par rapport à la moyenne wallonne.
La règle de la sur-représentation de la gauche en zone métropolitaine n’est toutefois pas vérifiée en Europe centre-orientale. Là, les grandes aires métropolitaines votent plutôt plus à droite, mais plus en faveur d’une droite libérale ouverte, cosmopolite que d’une droite ou extrême-droite nationale-populiste, plus présente dans les régions rurales reculées (Pologne du sud-est, Slovaquie orientale, Hongrie rurale). C’est que, dans ces pays, les capitales concentrent les « gagnants » de la transition économique, dans la mesure où elles sont les lieux les mieux équipés, les mieux dotés en services de haut niveau et les nœuds de l’insertion de leurs économies dans les réseaux internationaux ouverts sur et organisés au départ de l’Europe occidentale. C’est sans doute aussi l’explication de l’exception budapestoise, la capitale hongroise votant plus à gauche que la moyenne nationale : d’une part le parti socialiste hongrois a adopté des positions très néo-libérales et rassemble un électorat issu d’un ancien appareil d’État qui était, bien avant 1989, déjà très ouvert au développement du marché ; d’autre part, la droite hongroise dominante du fidesz, et évidemment plus encore l’extrême-droite du jobbik, défendent des positions très conservatrices sur le plan sociologique et moral, qui s’accommodent mal de l’ouverture socioculturelle d’une nouvelle bourgeoisie néo-libérale.

24 Kriesi H., ibid.

25 Van Hamme G., « Le dilemme géographique des partis sociaux-démocrates : l’exemple des partis socialistes en Belgique », Cybergeo, article 487, http://www.cybergeo.eu/index22902.html, 2010.

Table des illustrations

Titre Fig. 1 et 2. Résultats de la gauche en Europe, en pourcentage et par comparaison avec les moyennes nationales, aux élections européennes de 2009
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/58838/img-1.jpg
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Légende Élections législatives les plus proches en Norvège, Islande, Suisse et Croatie. Anamorphose proportionnelle aux populations des unités territoriales.
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Titre Tableau 1
Légende Vérification empirique des deux hypothèses de base. Taux de corrélation r entre la position relative de l’extrême-gauche et de la gauche social-démocrate (hypothèse 1) et celle des écologistes (hypothèse 2) et des variables indépendantes supposées refléter la structure de classe et la situation économique des régions. Résultats sur la base des élections européennes de 1999, à l’échelle des unités territoriales de la taille de départements français ou Regierungsbezirke allemands.ns = non significatif ; en grasses les chiffres confirmant les hypothèsesSource : Van Hamme (2009).
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Titre Fig. 3. Résultats du second tour des élections présidentielles polonaises de 2010
Légende Source : Vandermotten & al. (2011).
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Titre Fig. 4. Niveaux relatifs de la gauche espagnole en 1936, 1977 et 2011
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Titre Fig. 5. Le poids des structures d’encadrement héritées des phases initiales de l’industrialisation et de la politisation précoce de la classe ouvrière. Illustration par le cas belge
Légende Source : Van Hamme G., « La géographie du vote et les cultures politiques régionales » in Frognier A.-P., De Winter L. & Baudewyns P., Elections : le reflux ? Bruxelles, De Boeck, 207, p. 157-182; David Q. & Van Hamme G., « Pillars and electoral behavior in Belgium: the neighborhood effect revisited », Political geography, 30, 5, 2011, p. 250-262.
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/58838/img-6.jpg
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Titre Fig. 6. Géographie des structures familiales en Europe, selon Todd (1990)
URL http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/58838/img-7.jpg
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Titre Tableau 6. Écart-type des positions régionales relatives de la gauche (à l’échelle des départements, provinces, Regierungsbezirke, éventuellement subdivisés) (élections législatives, sauf en France, élections présidentielles pour 1981, 2002 et 2012)
Légende (a) Avec le parti de gauche de Mélenchon.
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Titre Fig. 7. Affaiblissement des déviations relatives de la gauche par rapport aux moyennes nationales en France et en Italie
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Titre Tableau 7. Niveau et évolution de la position relative de la gauche en Allemagne occidentale, France, Italie et Espagne (pourcentage de l’ensemble des unités territoriales).
Légende 1977-2011 en Espagne.
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Titre Fig. 8. Évolution comparative des résultats de la gauche et de la droite
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Titre Fig. 9. évolution des comportements électoraux relatifs en Allemagne
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Auteurs

Professeur-Assistant de Géographie à l’université Libre de Bruxelles.
Professeur émérite de Géographie à l’universté Libre de Bruxelles.

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