Chapitre III. Les alliances seigneuriales en milieu rural : entre intégration et auto-ségrégation
p. 105-167
Texte intégral
Notre grand-mère Salaberry venait aussi périodiquement. C’était la troisième femme du colonel et ainsi était la deuxième belle-mère de maman. Elle était née Baby de Ranville et se trouvait parente à la fois de mon père et de ma mère. De sorte que, cousine et belle-mère, cette vieille dame, par des ramifications de parentés, se trouvait très en famille avec nous.
(Robert de Roquebrune, Testament de mon enfance, 1958, p. 99.)
Introduction
1Parmi les « événements » démographiques qui scandent la vie humaine, le mariage est le seul qui laisse un libre arbitre aux individus : se marier ou rester célibataire ? Quand et avec qui contracter une alliance ? Cependant : « Cette liberté apparente joue à l’intérieur de cadres bien précis, et de multiples facteurs viennent […] en restreindre la jouissance1. » Si l’union maritale est une décision fondamentale de la vie familiale d’autrefois, celle-ci revêt un caractère d’autant plus grave que les individus qui s’épousent sont d’origine sociale élevée.
2Les familles seigneuriales résidantes rencontrent parfois des difficultés à adopter ou maintenir des comportements dignes de leur appartenance sociale. Tel est le cas, du moins, pour une partie d’entre elles, les roturières. Ce chapitre sur les alliances matrimoniales cherche à vérifier et mesurer ce constat d’assimilation à la communauté. Filles et fils de seigneurs, les individus étudiés sont issus de familles dotées d’un statut particulier, selon les critères de la « hiérarchie pointilleuse » d’Ancien Régime. Toutefois, la préservation de ce statut s’est avérée souvent difficile. Contrairement à ce qui est attendu de familles seigneuriales, les comportements tendent parfois davantage vers l’intégration à la communauté locale qu’à l’inclusion à l’élite, qu’elle soit locale ou coloniale. L’étude des unions maritales de l’ensemble des membres de ces dix familles entre la décennie 1640 et la fin du xixe siècle2, permettra de préciser la nature des alliances seigneuriales en milieu rural, entre intégration et auto-ségrégation.
3Au contact des sciences sociales, l’histoire a adopté le concept de « stratégie familiale » et aussi celui de « stratégie matrimoniale ». Ce dernier a d’abord été proposé par Pierre Bourdieu qui utilisait la métaphore de la partie de cartes afin d’illustrer le rôle joué par la famille dans l’élaboration des alliances de ses membres3. Depuis plusieurs décennies, les historiens font usage de cette expression qui semble être devenue si banale qu’on néglige de se questionner à son sujet. Une réflexion sur l’utilisation de ce concept s’impose dans le contexte où ces stratégies sont le plus souvent déduites par l’intermédiaire de documents rédigés à des fins toutes autres4. Dans un ouvrage récent, Michel Nassiet soulignait également l’importance d’aborder la notion de stratégies matrimoniales dans le cadre d’une analyse conceptuelle claire :
« Mais souvent ils les emploient [les stratégies matrimoniales] en présentant un cas isolé ; ou bien ils se contentent de qualifier une politique matrimoniale d’“habile”, sans véritablement montrer en quoi a consisté cette habilité. En fait, les expressions de “stratégie” et de “politique matrimoniale” impliquent que des choix ont été faits entre diverses possibilités. Il faudrait donc, dans l’idéal, reconstituer ce qu’était la gamme des possibles, ce qui semble nécessiter l’élaboration d’une typologie des alliances. Ce ne peut se faire qu’en observant un grand nombre d’alliances liées entre elles, et en les considérant dans la perspective des réseaux généalogiques5. »
4La notion de stratégie matrimoniale est souvent employée en référence aux groupes sociaux les plus éminents, ceux pour lesquels des stratégies, voire des politiques matrimoniales, sont attendues. Or, bien que de telles stratégies ne sont nullement réservées aux élites, les stratégies matrimoniales de ces groupes sociaux privilégiés continuent à être envisagées comme étant tout particulièrement réglementées. Les alliances matrimoniales des filles et fils de seigneurs paraissent davantage tributaires des circonstances particulières à la famille, bien que la notion de stratégie ne puisse être complètement écartée. Toutefois, comme le conseille Michel Nassiet, il semble que la compréhension de telles stratégies passe par la réflexion sur les possibilités qui s’offrent aux individus se retrouvant sur le marché matrimonial.
5Les études des stratégies matrimoniales ont généralement cherché à démontrer la volonté des familles d’assurer, lors des mariages de leurs membres, des alliances à des individus de leur niveau social ou mieux d’un niveau supérieur dans la hiérarchie. Selon Pierre Bourdieu, les stratégies matrimoniales visent toujours « au moins dans les familles les plus défavorisées, à faire un “beau mariage” et pas seulement un mariage, c’est-à-dire à maximiser les profits et/ou à minimiser les coûts économiques et symboliques6 ». Cette volonté est évidente pour la noblesse où « à tous les niveaux […] le souci de défendre son rang était une idée récurrente et toujours sous-jacente7 ». On pourrait aussi supposer le même souci, dans la mesure de leurs capacités, chez les familles seigneuriales de la vallée du Saint-Laurent. Aussi modestes soient les origines de certaines de ces familles, ne souhaiteront-elles pas assurer à leur progéniture la préservation du statut et de la dignité qu’elles ont réussi à atteindre8 ? Pour mesurer la capacité (ou l’incapacité) des familles seigneuriales à conclure des alliances dans l’égalité, voire à des individus hiérarchiquement plus éminents, nous aurons recours à divers concepts permettant une typologie des alliances : homogamie, hypogamie, hypergamie.
6On entend par homogamie, une union conclue entre deux individus d’un niveau équivalent de dignité et de moyens d’existence, voire d’activité professionnelle9. Au contraire, lorsqu’un mariage est conclu entre deux individus de statut social différent, il s’agit d’une alliance hypergamique ou hypogamique10 : « En se plaçant d’un point de vue masculin, on dira ainsi qu’un mariage est “hypergamique” quand l’épouse a un statut supérieur à celui de son époux ; il sera “hypogamique” dans le cas inverse11. » Dans une société hiérarchisée où la crainte de la dérogeance est omniprésente, du moins chez les nobles, la limite entre l’hypogamie et la mésalliance devient souvent fort ténue et difficile à détecter12. Dans le contexte des alliances matrimoniales du groupe observé, les alliances seront qualifiées d’homogamiques, d’hypergamiques ou d’hypogamiques. De plus, les concepts d’endogamie et d’exogamie seront utilisés pour préciser les paramètres géographiques des alliances matrimoniales. On dit d’un mariage qu’il est endogame lorsqu’il unit deux individus provenant du même espace, tandis que le mariage exogame concerne deux époux d’origine géographique différente13. On parle habituellement d’une alliance exogame lorsque l’un des conjoints est originaire d’une autre paroisse. Toutefois, l’exogamie peut concerner des individus aux origines beaucoup plus éloignées, tout particulièrement dans le contexte d’un territoire comme la vallée du Saint-Laurent, marquée par l’immigration et une forte mobilité géographique14.
Se marier en contexte de peuplement colonisateur
7Le milieu dans lequel vit un individu exerce une influence considérable lorsque vient le temps du mariage. La longue période couverte par notre étude est marquée par la mise en place d’une société coloniale, à l’image de la France d’Ancien Régime, mais fortement transformée en raison des nécessaires adaptations au milieu. L’immigration et le peuplement influencent considérablement les « habitudes » matrimoniales en comparaison de celles de la France à la même époque. Entre le xviie et le xviiie siècle, c’est-à-dire, au moment du passage d’une société d’immigration à une société régie par l’accroissement naturel, le marché matrimonial s’était stabilisé. Toutefois, tout au long du xviie siècle, l’immigration en Nouvelle-France est en majorité masculine et assez rarement familiale15. En conséquence, le marché matrimonial s’en trouve gravement déséquilibré et l’âge des femmes au mariage fortement diminué en comparaison de la situation en France (en moyenne 18 ans au xviie siècle). Les filles nées au pays prennent fréquemment mari à un très jeune âge, parfois à peine nubiles. L’envoi de près de 800 orphelines, entre 1663 et 1673, contribua à stabiliser le déséquilibre des sexes, mais surtout à permettre à davantage d’hommes de s’enraciner dans la colonie, ce qui était plus difficile s’ils ne parvenaient pas à trouver une conjointe16. On assiste également, au xviie siècle, chez les migrants français, à un véritable brassage « culturel ». Bien que venus en majorité des provinces de l’Ouest de la France, les immigrants de la Nouvelle-France s’allièrent assez peu à des individus de leur région d’origine, l’alliance étant davantage régie par des impératifs pragmatiques, telle la disponibilité d’une femme dans la famille du voisin. Dès la décennie 1680, l’équilibre démographique est en voie d’être rétabli et la population se renouvelle d’elle-même, l’immigration étant très faible.
8Malgré les réalités coloniales, le mariage demeure régi socialement et les familles, en dépit de certaines ascensions sociales notables, continuent à s’allier à ceux de leur catégorie sociale :
« On assiste ainsi dans les agglomérations urbaines à une sorte d’échange généralisé entre familles de même niveau social. Partout ailleurs, dans chaque collectivité rurale, des considérations semblables semblent entrer en ligne de compte dans la constitution des alliances matrimoniales. Enfants de seigneurs, d’officiers de milice et de commerçants se marient entre eux17. »
9En nous intéressant aux familles seigneuriales et à leurs alliances, nous devons considérer à la fois les impératifs sociaux qui régissent les mariages et auxquels sont vraisemblablement soumis les fils et filles de seigneurs, mais aussi les impératifs liés à la réalité coloniale. Si le marché matrimonial se stabilise au xviiie siècle, il faut néanmoins tenir compte de la marche du peuplement et de l’évolution spécifique à chaque seigneurie, compte tenu que cette étude s’inscrit dans la longue durée. Les familles seigneuriales, malgré leur statut distinctif, sont soumises aux réalités de la colonie, à commencer par la difficulté de se déplacer, faute de route autre que fluviale18. Ce particularisme colonial, et surtout la spécificité du peuplement, doit être envisagé comme une contrainte additionnelle aux règles matrimoniales d’alors.
À la recherche des motivations matrimoniales
10Après avoir longtemps affirmé l’absence de sentiments dans la conclusion des « transactions » matrimoniales, notamment au sein des catégories sociales dominantes, chez lesquelles primait l’honneur de la lignée, l’étude des comportements affectifs, des mentalités, a fait valoir que les femmes et les hommes de l’époque moderne n’étaient, après tout, pas si différents de ceux de notre époque à l’égard des attitudes sentimentales. Cette question des sentiments et des motivations entourant la formation d’un couple est d’autant plus fascinante pour l’historien qu’elle reste généralement enfouie sous les considérations économiques et pratiques révélées par le contrat de mariage, ou encore les caractéristiques socioculturelles des époux telles qu’apparaissant à l’acte de mariage (capacité à signer, consanguinité, profession, etc.).
11Si certains individus de l’élite ont laissé des journaux intimes ou des correspondances, phénomène qui s’accentue au xixe siècle, l’immense majorité des couples formés entre le xviie et le xixe siècle sont demeurés silencieux sur leur « histoire sentimentale ». Les familles seigneuriales, à l’exception des Dessaules à Saint-Hyacinthe 19 et des Tarieu à Lavaltrie20, n’ont pas non plus légué à la postérité de témoignages écrits de leurs motivations matrimoniales. Malgré ce silence des archives, il est pertinent de réfléchir à ces « motivations », évidemment considérées dans le contexte de la famille. Tout en étant conscient de l’impossibilité à démontrer avec certitude ce qui conduit un individu à conclure une alliance matrimoniale, le présent chapitre a été construit selon une logique cherchant à envisager les différentes motivations qui ont pu mener aux mariages des enfants de la lignée seigneuriale au sein des dix familles étudiées dans le temps long.
12L’une des possibilités qui s’offrait aux enfants de seigneurs laurentiens était le célibat, soit dans la vie laïque, soit dans la vie religieuse. Ces individus ayant choisi de ne pas se marier seront observés les premiers. Ensuite, nous nous intéresserons aux alliances matrimoniales proprement dites, d’abord sous l’angle social, ce qui apparaît le plus déterminant aux fins de notre propos, puis en tentant de cerner différentes « stratégies de remplacement ». L’analyse de l’origine sociale des conjoints de ces « privilégiés » permet de vérifier les comportements matrimoniaux en regard de la communauté locale et de l’élite coloniale. Menée dans une trame de longue durée, puis selon une chronologie plus fine, elle permettra de réfléchir aux questions de l’homogamie et de l’endogamie/egoxamie. La distinction entre les familles seigneuriales nobles et roturières, entre aînés et cadets, entre filles et fils, constitueront également des manières d’aborder l’alliance matrimoniale et de comprendre les éventuelles différences observées. D’autres phénomènes seront envisagés dans cet essai de détection des motivations matrimoniales : les unions croisées ou parallèles21, les mariages consanguins, la sociabilité socioprofessionnelle, la dimension économique, la proximité géographique et, dans la mesure où nous pouvons le discerner, le sentiment affectif et amoureux22.
Choisir le célibat
13Célibataire. Tel est l’état civil qu’aurait dû déclarer Gilles de Gouberville, gentilhomme du Cotentin (Normandie) du xvie siècle23. Né vers 1521, Gilles Picot fut seigneur de Gouberville et du Mesnil au Val. Aîné de sept enfants, il meurt célibataire en 1578, âgé d’environ 57 ans24. C’est également le statut de célibataire qui caractérisait Hyacinthe-Marie Simon dit Delorme, second seigneur résidant de Saint-Hyacinthe (Québec) au tournant du xviiiesiècle. Né en 1777 dans la seigneurie que son père avait acquise quelque vingt ans plus tôt, Hyacinthe-Marie y décède en 1814 avant d’avoir eu 37 ans. Ces deux seigneurs choisirent le célibat. Comment expliquer cette décision ? Hasard de la vie ou attitude réfractaire à la vie conjugale ? Madeleine Foisil, dans son étude sur le sire de Gouberville, célèbre grâce au livre de raison qu’il avait tenu quotidiennement pendant de nombreuses années, s’interroge sur son célibat puisque Gouberville, bien qu’ayant laissé une source d’une exceptionnelle richesse, ne répond pas à toutes nos questions : « A-t-il songé avec quelque tristesse à sa solitude de célibataire25 ? » Les silences de l’histoire sont eux aussi, parfois, impénétrables… Célibataires et ecclésiastiques constituent la part des enfants des lignées seigneuriales qui échappent au mariage. Tous ne furent pas, à l’instar de Gouberville et Delorme, eux-mêmes seigneurs, la plupart des célibataires étaient, au contraire, frères et soeurs du seigneur en titre. Dans la section qui suit, les célibataires des lignées seigneuriales attireront notre attention, les célibataires proprement dits d’abord et, dans un second temps, les ecclésiastiques
Célibataires : vieilles filles et vieux garçons
14Aux yeux des démographes, le célibat devient « définitif » à 50 ans. Gilles de Gouberville en est la parfaite illustration. De son côté, le seigneur Delorme décède trop jeune pour être considéré comme un célibataire définitif. Pour les fins de la présente analyse, puisque le groupe de familles étudié est restreint, nous retiendrons l’ensemble des célibataires. S’il est évident, et certains individus du corpus en témoignent, que jusqu’à l’âge de 50 ans (et parfois davantage) le mariage demeure une possibilité, il nous semblait utile de garder aux fins de l’analyse les quelques hommes et femmes qui décédèrent célibataires avant cet âge, mais après avoir atteint l’âge de 25 ans. Toutefois, il est intéressant de noter qu’en certains cas, même l’âge de 50 ans ne garantit pas l’aspect définitif du célibat. Ainsi, à Beauport, à la septième génération, le dernier fils du dernier seigneur, Antoine-Georges Juchereau, prend épouse pour la première fois à l’âge de 59 ans26. Le dernier seigneur de Trois-Pistoles, Éloi Rioux, en se mariant pour la première fois à l’âge 49 ans, était également tout près lui aussi de franchir le cap du célibat définitif27.
15 Dans le contexte colonisateur de la vallée du Saint-Laurent à l’époque préindustrielle, le célibat s’avère généralement peu fréquent. Puisque la terre était disponible et la Coutume de paris égalitaire, rares étaient les fils qui, dans l’impossibilité de s’établir, se « sacrifiaient » pour préserver l’intégrité du patrimoine familial. Au contraire, la terre était accessible mais associée à de durs labeurs qui nécessitaient la présence d’une femme et d’enfants pour participer à l’effort colonisateur. Gérard Bouchard, pour une époque postérieure à celle qui nous intéresse, mais dans un cadre également de peuplement colonisateur, le Saguenay, a montré le faible taux de célibat définitif (entre 4 % et 6 %) 28. Selon Louise Dechêne, à Montréal au xviie siècle, les filles célibataires, sauf dans les cas où la mère est décédée ou impotente, sont une charge pour les parents et d’éventuels problèmes pour les frères et soeurs. À l’opposé, elle affirme que le célibat des fils n’occasionne pas les mêmes problèmes puisqu’il constitue une main-d’oeuvre dont la famille a grand besoin29. Une telle distinction entre célibat des filles et des fils a été également constatée au sein de la paysannerie française, comme en témoignent les observations de Jean- Louis Flandrin : « Les chefs de famille devaient se débarrasser de leurs filles le plus tôt possible, non seulement par crainte du déshonneur, mais parce qu’une ou deux femmes suffisaient à la maison. Les garçons, qui travaillaient aux champs, étaient toujours les bienvenus, tandis que les femmes “chargeaient” la famille 30. »
16Sur un total de 250 enfants de familles seigneuriales ayant vécu passé l’âge de 25 ans31, 41 demeurèrent célibataires, soit 16,4 %. Parmi eux, 18 entrèrent en religion, laissant 23 célibataires (9,2 %), dont certains moururent avant l’âge du célibat définitif. Si nous retenons la limite traditionnelle des 50 ans, on obtient alors treize individus (5,2 %). Au-delà de ces chiffres assez peu significatifs dans le cadre d’une étude portant sur un très petit nombre de familles, de surcroît dispersées dans un vaste territoire, nous tâcherons de déterminer les caractéristiques individuelles et familiales pouvant expliquer le célibat de certains membres de la famille et de constater certaines chronologies.
17Au sein des familles seigneuriales, les fils sont, dans l’ensemble, plus enclins au célibat. Quatorze fils et neuf filles restèrent sans conjoint toute leur vie durant. Toutefois, le célibat est plus fréquent dans certaines familles, alors que chez d’autres, sur plusieurs générations, on ne compte aucun célibataire. Les familles seigneuriales de L’Isle-Verte, Baie-Saint-Antoine et Boucherville assurèrent des destins hors du célibat à tous leurs enfants. Dans les sept autres, il y eut des célibataires. Il faut évoquer ici la possibilité d’actes de sépultures non enregistrés qui nous font perdre la trace de certains enfants que nous supposons morts en bas âge, mais qui pourraient éventuellement avoir vécu plus longtemps.
18Les célibataires sont, de plus, très rares au sein des quatre familles nobles.Contrairement à l’idée qui voudrait que les cadets de familles se résignent au célibat, privés de l’héritage en raison des règles successorales s’appliquant aux fiefs, la plupart des fils se marient et les filles, si elles ne se marient pas, optent plutôt pour la vie religieuse. À part la famille Juchereau à Beauport, qui comte quelques célibataires (3 hommes en 7 générations) et la famille Couillard (2 hommes en 1 génération), aucun célibataire parmi les autres familles seigneuriales de la noblesse.
19La décision de rester célibataire demeure le fait du contexte particulier à chaque famille seigneuriale à un moment donné. Outre la possible volonté de rester célibataire, volonté toute relative dans le contexte de dépendance dans lequel ils se trouvaient (spécifiquement les filles) face à leurs frères et soeurs, de nombreuses explications sont possibles, mais pour lesquelles les clés d’interprétation manquent : handicap ou disgrâce physique, problèmes d’ordre mental, « sacrifice » d’une fille aînée à ses cadets dans le cas du décès prématuré de la mère, absence d’intérêt pour l’autre sexe, etc. On sait, par le hasard des sources, que Michel-Louis Juchereau Duchesnay était « estropié », ce qui ne l’empêcha pas de prendre épouse en la personne d’une cousine de la famille Salaberry, en 1808, à l’âge de 23 ans 32. Par ailleurs, une lettre, datée du 25 octobre 1835, adressée à la seigneuresse Pélagie Asselin, nous renseigne sur le célibat de son fils Éloi Rioux, alors seigneur de Trois-Pistoles, et permet de déceler certaines explications au célibat de ce seigneur :
« J’avais commissionné Jean de parler au Seigneur Éloi d’une demoiselle accompliequi est ici chez monsieur Legendre, elle a été élevée comme leur fille, elle a un caractère de douceur et de bonté sans pareil, de l’esprit, de la science et une adroisse [sic] pour faire les hardes comme un tailleur, et les chapeaux et les coiffures comme une modeuse [sic]. Elle ne s’entend pas moins en ménage, au jardin et même au champ. […] Je lui ai parlé de votre fils et l’ai prévenue qu’il n’était pas des plus cavaliers mais qu’en revanche il a de bonnes qualités et un bel établissement. Encore une fois elle est la personne qui lui convient. S’il se résout à venir, ne manquez pas l’occasion de venir avec lui 33. »
20Le seigneur Rioux, alors âgé de 37 ans, n’épousa pas la demoiselle en question, retardant pendant douze ans encore le moment de son mariage. Le fait qu’il ne soit pas « des plus cavaliers » justifie-t-il son célibat prolongé ? On pourrait aussi accuser l’éloignement et la position isolée de certaines seigneuries (Trois-Pistoles et L’Isle-Verte) pour expliquer la difficulté de trouver un conjoint, or cela ne semble pas avoir eu d’influence. En effet, dès les premières générations dans ces lieux, les nombreux enfants de la famille seigneuriale ont tous trouvé à se marier, malgré le fait qu’ils en étaient alors pratiquement les seuls résidants. À Trois-Pistoles, c’est seulement au xixe siècle que plusieurs membres de la famille Rioux demeurent célibataires, alors que la population était beaucoup plus considérable qu’un siècle et demi plus tôt.
21Bien que les célibataires soient plus nombreux à la fin qu’au début de la période, particulièrement au xixe siècle, il serait laborieux d’en tirer des conclusions à une échelle aussi réduite. Contentons-nous de dire que la proportion de célibataires définitifs rejoint celles généralement enregistrée pour d’autres populations ou catégories sociales préindustrielles. Étant donné que les célibataires sont plus nombreux dans les familles roturières, notamment dans certaines parmi les plus modestes, il est difficile d’imaginer le choix de ne pas se marier comme une échappatoire à une union hypogamique, d’autant plus lorsque les frères et soeurs du célibataire s’unissent fréquemment à de modestes habitants.
Vocations religieuses
22La tradition, pour les familles de la noblesse française, d’offrir une carrière ecclésiastique à certains de leurs enfants est bien connue. Dans la grande noblesse qui accaparait les évêchés et charges ecclésiastiques de prestige, « la première condition [pour bien placer ses enfants dans l’Église] était d’entrer dans la clientèle du roi et de lui témoigner une fidélité à toute épreuve 34 ». Ainsi, sur 1 400 évêques étudiés par Michel Perronnet, 1 000 appartenaient à 26 familles 35. À des niveaux inférieurs de la gentilhommerie, l’Église pouvait également assurer une carrière intéressante aux cadets.
23Pour le Québec, Lorraine Gadoury a étudié la noblesse sous le Régime français et, notamment, la question du célibat au sein de ce groupe social privilégié. Elle a noté la place considérable occupée par les carrières ecclésiastiques pour la noblesse canadienne. Selon ses calculs, ce sont 6 % des hommes et 17,6 % des femmes de la noblesse qui se firent religieux et religieuses avant 176036. Les nobles reproduisent en Nouvelle-France la situation de la métropole quant à la place de la noblesse dans le recrutement des communautés religieuses et du clergé séculier. D’ailleurs, les chiffres montrent bien, pour les femmes encore plus fortement, la proportion marquée de religieux au sein des familles de la noblesse.
24Une telle étude n’a pas d’équivalent pour la période ultérieure, à savoir le Régime britannique. La méconnaissance de l’évolution et de l’adaptation de la noblesse coloniale canadienne après la Conquête est d’ailleurs à déplorer. L’étude d’Isabelle Tanguay, traversant la longue durée, présente les Boucher de Boucherville sur plusieurs générations et jusqu’au milieu du xixe siècle. Elle y aborde, notamment, la question du célibat ecclésiastique, faisant certains constats intéressants, notamment le déclin marqué des carrières religieuses chez les descendantes de Pierre Boucher, à compter de la seconde moitié du xviiie siècle 37, confirmant le désintérêt qu’avait noté Micheline D’Allaire pour la vie religieuse par les femmes nobles de la colonie à cette époque 38.
25Les familles que nous étudions n’appartiennent pas toutes à la noblesse, mais elles tiennent toutes des terres de dignité et de statut noble. Or, bien que cette particularité ne fasse pas de la famille Rioux ou de la famille Lefebvre des deminobles, bien au contraire nous l’avons noté à plusieurs reprises, nous sommes tout de même autorisé à croire que ce statut distinctif au sein de la population locale les rapproche du groupe social aux cadres strictement déterminés que constitue la noblesse. En observant les comportements des familles seigneuriales résidantes en matière de célibat ecclésiastique, il y aura lieu de tenter une comparaison avec le portrait global qu’a peint Lorraine Gadoury pour tous les nobles de la colonie française.
26Sur un peu plus de deux siècles, dix-huit filles et fils de seigneurs résidants embrassèrent la carrière ecclésiastique. Cela représente 7,2 % des 250 enfants des dix familles ayant dépassé l’âge de 25 ans. Ce chiffre est bien en deçà des taux notés par Lorraine Gadoury à l’échelle de la noblesse canadienne. Il ne concerne dans les faits que quelques-unes des familles seigneuriales. On peut constater une forte concentration de religieux dans certaines lignées alors que d’autres ne donnèrent aucun des leurs à l’Église.
27À elles seules, les familles Boucher et Juchereau regroupent quatorze des dix-huit religieux, témoignant d’une évidente concentration d’ecclésiastiques dans les familles nobles et parmi les plus prestigieuses. On retrouve également trois religieux chez les Couillard, également nobles, et une seule religieuse au sein des six familles seigneuriales roturières. Il s’agit de Marie-Madeleine Rioux, fille du premier seigneur résidant de Trois-Pistoles. Dernière enfant de la famille Rioux, elle est la seule à avoir vu le jour à Trois-Pistoles, l’année même où ceux-ci s’y installèrent définitivement. Elle prit le voile comme hospitalière à l’Hôtel-Dieu de Québec 39. Elle fut d’ailleurs la seule de sa famille à ne pas finir ses jours sur la seigneurie familiale. À l’exception de cette dernière, ce sont les familles nobles qui fournissent la totalité des religieux. Le tableau qui suit illustre la situation et les différentes communautés auxquelles appartenaient ces filles et fils de seigneurs résidants 40.
Tableau 3.1. – Entrées en religion dans les familles seigneuriales résidantes, xviie-xixe siècle

28Parmi les enfants des familles seigneuriales résidantes qui sont entrés en religion, on retrouve une nette majorité de filles. Cinq fils entrèrent en religion, maisseulement trois vécurent assez longtemps pour être ordonnés prêtres, tous trois issus de la famille Boucher de Boucherville, dont deux fils de Pierre Boucher I. Ces prêtres issus de la famille Boucher exercèrent leur sacerdoce dans des paroisses éloignées de la seigneurie de Boucherville. Ainsi, le premier prêtre de la famille, Philippe Boucher (1665-1721) fut curé de Lauzon 41, paroisse située dans le gouvernement de Québec, tandis que la seigneurie familiale se trouvait dans celui de Montréal. Son frère cadet, Nicolas, exerça aussi toute sa carrière ecclésiastique dans le gouvernement de Québec, où il fut curé à Sainte-Anne de Beaupré, à L’Ancienne-Lorette et à Saint-Jean de l’île d’Orléans, avant de devenir aumônier de l’Hôpital général de Québec où il décéda. Nous n’avons répertorié aucun exemple de prêtres qui auraient exercé dans la seigneurie familiale. Fils du premier seigneur de Rimouski, localité située à l’extrémité orientale du gouvernement de Québec, Louis Lepage fut curé de Terrebonne dans le gouvernement de Montréal, à une distance de plus de cinq cents kilomètres de la seigneurie paternelle. L’affectation des prêtres étant la prérogative du diocèse de Québec (seul diocèse pour toute l’Amérique française jusqu’au xixe siècle), les familles seigneuriales, même les plus influentes ne semblent pas avoir exercé de pression en ce qui concerne les cures destinées à leurs membres. Chez les Couillard, au milieu du xviiie siècle, deux frères se destinent à la prêtrise, mais décèdent avant d’avoir prononcé leurs voeux, dont l’un dans des circonstances tragiques. Joseph-Marie Couillard est « tué par les Anglais » près de Saint-Thomas, le 4 septembre 1759, en compagnie de son frère aîné, le seigneur Jean-Baptiste Couillard I et d’autres hommes de la paroisse 42. Il avait 23 ans et n’avait pas encore prononcé ses voeux. Son frère cadet, André Couillard, décède à son tour cinq ans plus tard, d’une mort naturelle. On le dit « ecclésiastique minoré » au moment de son inhumation dans l’église paroissiale de Saint-Thomas 43.
29Les hospitalières de l’Hôtel-Dieu puis de l’Hôpital général de Québec et de Montréal comptent le plus grand nombre des filles de familles seigneuriales observées. Suivent la Congrégation Notre-Dame (Montréal) et les Ursulines de Québec. La romancière anglaise Frances Brooke insiste dans son roman, écrit à Québec et paru en 1769, sur l’affection portée par les jeunes filles à la congrégation de l’Hôpital général de Québec. Elle-même épouse d’un pasteur anglican, elle porte un regard sévère et non dénué d’ironie sur le destin des jeunes filles catholiques au couvent, faisant raconter une anecdote à ce sujet par l’un de ses protagonistes, William Fermor :
« J’étais un jour chez une dame française [canadienne], et sa fille jeune personne charmante de quinze à seize ans me dit qu’elle allait entrer au couvent ; je lui demandai quel était celui dont elle avait fait le choix : elle me répondit que c’était l’Hôpital général.
– Je suis bien aise, Mademoiselle, que vous n’ayez pas choisi les Ursulines ; la règle de cet ordre a tant de sévérité, qu’il vous aurait été pénible de vous y conformer.
– Quant à la règle, je ne crains pas, Monsieur, qu’elle soit trop austère ; mais l’habit de l’Hôpital général est si gai 44 ! »
30Un autre visiteur étranger, le botaniste suédois et pasteur luthérien, Pehr Kalm, de passage au Canada en 1749, avait noté dans son Journal de voyage, à la suite de sa visite chez les religieuses de l’Hôtel-Dieu de Québec : « Il est rare que l’une de ces religieuses se soit donnée à la vie monastique avant d’avoir atteint l’âge où l’on a perdu tout espoir de se marier et où on ne voit plus d’autre issue que d’entrer au couvent 45. » Le jeune âge des religieuses canadiennes issues des familles à l’étude, en moyenne inférieur à 18 ans, contredit l’observation de Pehr Kalm.
31Les religieux et religieuses se concentrent essentiellement au xviie et xviiie siècles, très peu décèdent après 1800. Certaines familles nombreuses donnèrent plusieurs enfants aux communautés religieuses, notamment les Boucher de Boucherville, où la famille Pierre Boucher II et de son épouse Marguerite-Charlotte Denis fournit à elle seule un important contingent de religieuses. Cinq des seize ecclésiastiques répertoriés en sont issus. Le second seigneur de Boucherville et son épouse mirent au monde douze enfants dont dix vécurent. De ces dix enfants, quatre fils et une seule fille se marièrent, les cinq autres filles préférant prendre le voile au sein de trois congrégations conventuelles.
32Le portrait de cette famille est d’ailleurs révélateur de « traditions » ecclésiastiques et des possibles influences de soeurs aînées qui sont susceptibles d’avoir pesé sur les décisions des cadettes de se faire religieuses. En 1702, Marie-Antoinette Boucher, l’aînée de la famille, devient religieuse chez les hospitalières de l’Hôtel- Dieu de Montréal, elle est âgée de 18 ans. Un an plus tard, Madeleine-Charlotte, sa cadette de deux ans, suit ses traces et devient à son tour religieuse au sein de la même congrégation. Marie-Anne, huit ans plus jeune que la précédente, entre au couvent en 1715, mais cette fois à Québec chez les Ursulines, elle avait 21 ans. Une quatrième fille de la famille, Angélique, se fait religieuse en 1714 dans la Congrégation Notre-Dame à Montréal. Âgée de seulement 17 ans, sa vie religieuse sera de courte durée puisqu’elle meurt à 24 ans en février 1721. L’année même du décès d’Angélique, sa cadette de cinq ans, Louise, entre à son tour dans la Congrégation Notre-Dame, elle avait 19 ans. On ne sait si sa décision est antérieure ou imputable au décès de sa soeur, mais elle suit ses traces et devient soeur Sainte-Monique, reprenant même le nom que portait sa soeur défunte. Seule la cadette des filles, Claire-Françoise connut une destinée matrimoniale plutôt qu’une vie religieuse à l’image de ces soeurs aînées. Il est difficile, devant une telle succession de « vocations » au sein d’une même famille, de ne pas croire en l’influence exercée par les aînées sur les cadettes, particulièrement dans le cas de Louise qui remplace Angélique à la Congrégation Notre-Dame après son décès. Évidemment, il ne faut pas sous-estimer le rôle des parents, sans doute dévots, dans les éveils spirituels successifs de leurs filles. Les filles de la famille Boucher, aux autres générations, épousent généralement les meilleurs partis de la noblesse coloniale ; le choix de se faire religieuse est certainement révélateur d’une évidente volonté, d’une inclination spirituelle, mais peut être aussi motivé par l’attrait d’une« carrière », voire par un refus du mariage. D’autres historiens ont objecté, comme motivation des parents à mettre leurs filles au couvent, les difficultés financières liées au mariage : « Le nombre élevé de religieuses s’explique par les difficultés éprouvées pour les doter 46. » Cette dernière explication apparaît peu convaincante dans le contexte d’une colonie régie par la Coutume de Paris où les dots sont à peu près inexistantes, le douaire constitué par le futur époux en faveur de l’épousée étant au contraire central. Par exemple, lors du mariage de la seule fille de Pierre Boucher II et Marguerite-Charlotte Denis, en 1736, aucune dot ne figure au contrat de mariage, mais la future épouse se voit garantir un douaire de 5 000 livres par le futur époux 47. De plus, puisque, de leur côté, les religieuses étaient dotées, on ne peut que réfuter cette théorie 48.
33Les familles nobles sont effectivement très nombreuses à fournir des effectifs aux jeunes communautés religieuses de la colonie, particulièrement aux xviie et xviiie siècles. Cependant, un exemple pris dans une autre famille seigneuriale résidante roturière, les Lepage de Rimouski, permet de constater qu’il n’était pas impossible pour des seigneurs roturiers modestes et résidant en périphérie de placer de nombreux enfants dans la carrière ecclésiastique. La famille Lepage compte cinq frères et soeurs religieux : Louis, prêtre séculier, puis vicaire et chanoine ; Marie-Madeleine et Geneviève, religieuses chez les Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec et de Montréal ; Reine, Ursuline à Québec ; Marie-Agnès, religieuse de la Congrégation Notre-Dame à Montréal. Cinquante pour cent des enfants de René Lepage de Sainte-Claire se firent donc religieux 49.
34Peut-être peut-on déceler, dans ces vocations ecclésiastiques, l’indice de ce désir de marier le plus grand nombre possible d’enfants à des individus de milieux sociaux élevés ; dans l’éventualité où les bons partis viennent à manquer, le clergé s’avérait une autre option de prestige à considérer. Effectivement, dans les familles où se retrouvent des vocations religieuses, les alliances à des petits roturiers sont très rares, voire absentes.
Choisir un conjoint ? Essai d’analyse des « motivations » matrimoniales
35Au-delà de l’appartenance sociale, il convient de rappeler que les mariages à l’époque préindustrielle étaient régis par une série de règles socioreligieuses que les futurs époux étaient invités à respecter rigoureusement. Malgré toute l’importance accordée par l’historiographie aux règles sociales encadrant le mariage, celui-ci est en premier lieu un sacrement de l’Église. Dans la société laurentienne, malgré la transition entre une colonie « strictement » catholique et française à un contextebiculturel où, après 1760, coexistèrent des catholiques et des protestants, des francophones (les Canadiens comme on les désignait alors) et des anglophones, les familles seigneuriales étudiées sont toutes francophones et catholiques.
36Les règles et interdits de l’Église catholique romaine concernant le mariage étaient les premiers auxquels était confrontée la population francophone de la vallée du Saint-Laurent50. De ces interdits, celui de la consanguinité n’était pas le moins contraignant. D’autres normes non écrites faisaient partie intégrante des limites relatives à la quête du conjoint à l’époque préindustrielle. Michel Nassiet cite notamment les normes en matière d’âge des conjoints, la préférence pour les mariages à l’intérieur de la parenté et bien entendu la tendance à l’homogamie (sociale, professionnelle, etc.)51.
37Que ces règles soient écrites ou tacites, elles
« […] visent à faire triompher l’homogamie sociale, religieuse et culturelle. Trop d’intérêts, matériels ou culturels, sont en jeu pour laisser le choix d’un partenaire au caprice des jeunes. La liberté de choix du conjoint est une conquête récente des milieux populaires et des classes moyennes. Elle n’existe pas encore dans les richissimes familles de l’Occident contemporain 52 ».
38Cette règle de la nécessité de se soumettre à la volonté parentale, dans le cas des mineurs, voire des majeurs, était-elle aussi rigoureuse que le prétend Serge Gagnon ?
39On a beaucoup écrit à propos de liberté et d’absence de liberté au moment de « choisir » un conjoint. « Comme le célibat, il ne me semble pas que le choix du conjoint ait donné lieu à des stratégies très élaborées de la part des familles saguenayennes 53 » écrit Gérard Bouchard. Réaffirmant une idée, ou impression, de plusieurs historiens, notamment de Louise Dechêne 54, l’auteur de Quelques arpents d’Amérique évoque, pour le Saguenay, la « grande liberté [des jeunes gens] dans le choix de leur conjoint » en insistant sur le fait que les parents étaient plus vigilants à l’égard du choix du fils appelé à prendre la succession sur la terre, choix impliquant la cohabitation avec la bru choisie. Toujours selon Gérard Bouchard, cette liberté s’explique par l’homogénéité socioculturelle, la force des contrôles collectifs exercés sur les moeurs, de même qu’en raison de la connaissance mutuelle des familles 55.
40Louis Lavallée, concernant la société paysanne de la seigneurie de La Prairie, en Nouvelle-France, affirme que « la très grande majorité des mariages étaient conclus […] entre des parents consentants agissant au mieux des intérêts et des convenances des deux familles, sinon des futurs époux 56 ». Cette liberté présumée que les parents laissaient à leurs enfants, du moins dans une certaine mesure (« les parents se réservant une sorte de droit de véto qu’ils utilisaient du reste assez rarement 57 » et « tout porte à croire que la famille exerce de fortes pressions sur les filles pour qu’elles se marient et le plus tôt possible 58 »), semblerait concerner principalement la paysannerie, le « peuple » comme l’écrit Louise Dechêne.
41Pour l’élite, la noblesse et la grande bourgeoisie, il en allait tout autrement puisque l’enjeu était la perpétuation du lignage et « le mariage n’était pas qu’une affaire de sentiments 59 ». Devant cette différenciation sociale des attitudes parentales relatives au choix des conjoints, l’étude des alliances matrimoniales des filles et des fils de familles seigneuriales résidantes permet d’élaborer certains constats intéressants et de vérifier l’hypothèse de la liberté dont auraient disposé les jeunes gens à l’époque préindustrielle. Considérant que les familles étudiées sont propriétaires de fiefs, mais divisées entre nobles et roturiers, il sera, à cet égard, extrêmement révélateur de distinguer les attitudes de l’un et l’autre « groupe ».
Portrait général des alliances
42Au sein des dix lignées seigneuriales, on compte un total de 209 mariages contractés par les filles et les fils de seigneurs, incluant le futur seigneur lui-même (dont le mariage peut être antérieur ou non à l’obtention du titre seigneurial). L’analyse porte exclusivement sur les premiers mariages. Seules les premières unions semblent être véritablement représentatives d’une recherche d’un conjoint dans l’homogamie : « C’est […] lors du premier mariage d’un homme que la famille s’attachait à conclure une alliance conforme à son rang. Un veuf, au contraire, ayant déjà satisfait à cet impératif, pouvait accorder plus d’attention à des critères plus personnels 60. » Cette réflexion trouve confirmation avec le cas du seigneur de la Rivière-du-Sud, Louis Couillard II, dont les quatre mariages successifs témoignent d’une continuelle régression en ce qui concerne l’appartenance sociale de l’épouse. Sa première alliance avait été contractée avec Marie Fortin, appartenant à la bourgeoisie de Québec et nièce de l’explorateur et seigneur Louis Jolliet ; sa deuxième l’unissait à la fille du seigneur roturier de Bonsecours, Marthe Bélanger ; sa troisième épouse Marguerite Fortin était la fille d’un capitaine de milice, tandis que sa dernière épouse était veuve d’un habitant 61… Parmi les 209 alliances contractées par les enfants des seigneurs résidants, on retrouve une mince majorité de fils (106), représentant 51 % des mariages, et 103 filles. L’analyse de ces alliances a permis de les caractériser.
43En cherchant à connaître l’origine sociale de chacun des conjoints identifiés aux registres paroissiaux, nous avons établi une classification où figurent quatre groupes sociaux : les nobles, les bourgeois, les membres de familles seigneuriales et enfin les petits roturiers (habitants, artisans, hommes de métiers, soldats, Amérindiennes, etc.). Cette classification exige certaines explications. La catégorie aux contours les moins ambigus est sans conteste la noblesse. Le petit groupe de la noblesse canadienne, regroupant de vieilles familles de la gentilhommerie française, mais également des anoblis canadiens de moindre « stature », est assez bien connu 62. La catégorie des bourgeois doit être définie dès maintenant afin d’éviter toute confusion liée à ce terme aux multiples acceptions. Nous entendons « bourgeois » au sens que l’expression avait pris au xviiie siècle, alors qu’elle référait « à la réussite sociale, à la fortune et au mode de vie ». Ainsi, dans la France du dernier siècle de l’Ancien Régime, bien que le terme bourgeois puisse encore quelquefois signifier un statut juridique privilégié, réminiscence des privilèges médiévaux qui reconnaissaient la qualité de bourgeois des villes, la bourgeoisie a pris un sens plus englobant et surtout défini moins clairement 63. Est considéré ici comme bourgeois tout roturier dont le statut dépasse celui des gens de modeste condition, catégorie qui, à l’instar de ses frontières conceptuelles du xviiie siècle, reste vague, mais qui, en ce qui concerne les individus qui s’allient aux familles seigneuriales, se situe entre l’indiscutable noblesse coloniale et la modeste « paysannerie ».
44Nous avons groupé dans une catégorie à part les individus appartenant aux familles seigneuriales. Ce choix fut dicté par l’hétérogénéité du groupe des propriétaires seigneuriaux. Puisque nous voulions reconnaître les éventuelles alliances contractées entre familles seigneuriales (et parfois au sein d’une même lignée), il nous a semblé pertinent d’en faire un groupe distinct de la bourgeoisie à laquelle les familles seigneuriales roturières se seraient sinon ajoutées. Bien entendu, s’il fallait choisir entre la catégorie famille seigneuriale et celle, plus illustre, de la noblesse, la seconde l’emportait ; préséance oblige. Finalement, la dernière catégorie correspond aux strates inférieures de la roture, catégorie sociale moins susceptible, selon les normes de l’époque, de fournir des conjoints à des enfants de seigneur, mais qui, considérant les particularismes du groupe des seigneurs résidants de la vallée du Saint-Laurent et le contexte colonial, risque au contraire de constituer un bassin appréciable d’épouses et d’époux.
45Cette classification permet d’avoir une idée assez précise, mais certaines professions ou occupations se sont parfois avérées difficiles à classer64. D’autre part, des hiérarchies demeurent perceptibles au sein même d’une catégorie. Ainsi, les petits roturiers ne constituent pas un groupe homogène. Au contraire, on retrouve des habitants très démunis qui côtoient des habitants prospères 65 (qui pourraient se retrouver parmi les bourgeois), cependant, pour les fins de notre analyse, ils demeurent parmi les petits roturiers. Au moment de l’analyse des résultats, nous mettrons l’accent sur certains critères de différenciation des conjoints provenant de la paysannerie, notamment en regard de l’ancienneté de la famille sur les lieux et la superficie des terres possédées (dans la mesure de la disponibilité de ces données). Mentionnons pour terminer que lorsqu’il ne fut pas possible de classer avec précision un conjoint ou une conjointe, nous l’avons considéré comme étant de la plus basse catégorie, à savoir celle des petits roturiers. Lorsque les individus sont de familles nobles, bourgeoises ou seigneuriales, la profession ou le statut du père est mentionné. Ceux et celles pour lesquels les documents ne fournissent aucune information, des immigrants français par exemple, sont fort probablement de statuts sociaux très humbles66.
46Ce besoin de grouper les époux et les épouses selon leur appartenance sociale était renforcé par le caractère particulier des lignages seigneuriaux. Si, à l’échelle des groupes sociaux se situant au sommet de la hiérarchie sociale d’Ancien Régime, on suppose des alliances contractées en majorité avec des individus tout aussi illustres, le marché matrimonial restreint de la colonie laurentienne ainsi que les origines modestes de plusieurs de ces familles relativisent fortement l’ampleur de l’homogamie. En fait, peu importe le groupe social auquel appartient un individu, le mariage vise habituellement à s’allier à quelqu’un de son groupe social ou, mieux encore, appartenant à une catégorie sociale plus élevée. À tout le moins, les parents, lorsque vient le temps de mettre en place des stratégies matrimoniales pour l’établissement de leurs enfants, tentent de ne pas marier leurs filles et leurs fils à des individus d’origine sociale inférieure. À défaut de s’élever socialement, il faut du moins se maintenir dans son rang, ne pas déroger. Dans cette optique, les mots de Pierre Bourdieu, faisant du mariage une partie de cartes dans laquelle chaque coup correspond à un mariage, prennent tout leur sens67.
47Toutefois, cette partie de cartes ne constitue pas toujours une parfaite réussite et rares sont les familles seigneuriales étudiées qui peuvent se targuer, surtout lorsqu’elles comptent de nombreux enfants, d’unir la totalité de leurs membres à des individus d’une dignité équivalente.
Origines sociales des conjoints
48Après avoir catégorisé l’ensemble des conjoints des filles et des fils des familles seigneuriales résidantes, nous avons dressé un tableau faisant le bilan des alliances en regard de l’origine sociale des individus épousés.
Tableau 3.2. – Tableau général des origines sociales des conjointes et conjoints.

49À l’échelle de toutes les alliances observées, les conjoints petits roturiers sont les plus nombreux, comptant pour 40 % des mariages. Suivent les alliances à des bourgeois (28 %), puis à des nobles (15 %) et enfin à des membres appartenant à d’autres familles seigneuriales non nobles (11 %). Considérant que les deux dernières catégories constituent les alliances les plus prestigieuses et que les nobles sont généralement aussi seigneurs, on peut additionner les deux pourcentages, augmentant à 25,7 % les alliances qui mériteraient d’être qualifiées d’homogames68. Toutefois, celles-ci demeurent en troisième position derrière les alliances aux petits roturiers et aux bourgeois, témoignant d’une hypogamie partielle69. Ces résultats à l’échelle de toutes les familles seigneuriales et sans précision chronologique permettent seulement d’esquisser un tableau d’ensemble qui ne tient pas compte des spécificités familiales et sociales. Il faut, pour ce faire, décomposer les résultats par sous-catégories au sein des familles seigneuriales qui furent résidantes, mais d’abord en regard de l’évolution chronologique.
L’accroissement des alliances hypogamiques
50L’enracinement de la famille seigneuriale au sein d’une collectivité, dans le temps long, aurait dû normalement conduire à un affermissement d’une position sociale dominante et, en toute logique, au renforcement d’alliances privilégiées au fil du temps, que celles-ci soient conclues au sein de la collectivité même ou encore à plus grande distance, parmi l’élite coloniale. Or, tel ne fut pas le cas. Tant chez les familles nobles que chez les familles roturières, bien qu’à des niveaux différents, au fil des générations, les mariages contractés par les membres de la lignée seigneuriale tendent à démontrer la difficulté grandissante à conclure des alliances homogamiques et l’accroissement des alliances hypogamiques.
51La situation est la plus marquée, cela n’étonnera guère, chez les lignées roturières qui, au lieu d’accumuler les alliances de prestige, se replient sur la population locale lorsque vient le temps de choisir les conjoints pour leurs membres en âge de se marier. Qui plus est, les conjoints choisis ne sont pas en majorité issus des familles de notables de la collectivité, mais bien souvent puisés parmi les enfants des cultivateurs de l’endroit. Deux exemples, la famille Rioux à Trois-Pistoles et les Hamelin à Grondines, permettront d’illustrer cette difficulté grandissante à la formation d’alliances homogames, voire à l’accroissement des « mésalliances ».
52À Trois-Pistoles, où la famille seigneuriale est d’abord seule à résider, elle ne peut évidemment pas trouver sur place les conjoints pour ses enfants70. Pendant les trois premières générations, plusieurs membres de cette famille épousèrent les enfants des seigneurs « voisins », à L’Isle-Verte et Rimouski, également roturiers71. Les Rioux n’ont jamais réussi, si tant est qu’ils essayèrent, à s’allier aux grandes familles de la colonie et aucun membre de cette lignée seigneuriale ne fit un mariage noble, mais les mariages inter-seigneuriaux semblaient si fréquents entre ces trois familles qu’on s’étonne de les voir complètement disparaître à compter de la quatrième génération, soit vers 1790. À cette époque, Trois-Pistoles compte de nombreuses familles et peut donc offrir des conjoints potentiels à la famille seigneuriale ; or les alliances formées à la quatrième génération sont encore majoritairement exogames, mais désormais hypogamiques. Cependant, aux générations suivantes, les alliances seigneuriales seront presque exclusivement endogames, mais demeureront hypogamiques, unissant les filles et fils du seigneur à de modestes familles de cultivateurs de Trois-Pistoles ou des environs.
53La lignée seigneuriale des Hamelin à Grondines offre un autre témoignage de l’effacement des mariages homogamiques au profit d’unions hypogamiques entre la fin du xviie siècle et celle du xviiie siècle. Aux générations 2 et 3, les alliances à la bourgeoisie sont fréquentes pour les enfants de ces seigneurs roturiers naguère eux-mêmes habitants des lieux. Les enfants de Louis Hamelin et d’Antoinette Aubert en témoignent ; sur neuf enfants mariés, six font de « beaux » mariages72. Par exemple, Louis épouse la fille d’un marchand bourgeois de Montréal73, Marie épouse le fils du notaire seigneurial Michel Roy dit Châtellerault74, Jeanne-Angélique épouse le notaire Arnould-Balthazar Pollet75, puis Joseph-Marie parvient à épouser une fille noble, Geneviève de Chavigny, fille du seigneur de Deschambault, localité voisine de Grondines76. Malgré ces alliances réussies, la famille seigneuriale de Grondines ne maintient pas cette capacité à s’allier dignement. À la fin du xviiie siècle, les Hamelin doivent se contenter d’épouser des enfants de cultivateurs.
54Les familles seigneuriales appartenant à la noblesse ne sont pas à l’abri de la situation constatée chez les roturiers. Des quatre lignées seigneuriales nobles, seuls les Boucher de Boucherville réussissent, tout au long de la durée du régime seigneurial, à assurer des alliances nobles, sinon bourgeoises, à l’ensemble de leurs enfants. À Lavaltrie, les mariages unissant les membres de la famille seigneuriale à d’autres nobles ou à des membres d’autres familles seigneuriales déclinent au profit d’alliances avec des bourgeois. Chez les Juchereau Duchesnay, à Beauport, après plusieurs générations au cours desquelles tous les enfants du seigneur avaient pu contracter mariage presque exclusivement avec des nobles, celles-ci disparaissent et on constate une proportion de plus en plus marquée d’alliances moins prestigieuses, dans les meilleurs cas à des familles bourgeoises. Bref, à un échelon plus élevé, l’évolution des alliances matrimoniales dans les familles nobles n’est pas si différente de celle qui prévaut chez les seigneurs roturiers. La difficulté à s’unir à d’autres familles nobles peut sans doute être influencée par la diminution du nombre de familles seigneuriales nobles après la Conquête et jusqu’à la seconde moitié du xixe siècle, alors que celles-ci s’effacent devant la bourgeoisie montante.
55La situation observée, tant chez les nobles que chez les roturiers, soulève des questions. Pourquoi une famille seigneuriale bien enracinée dans un milieu, qui dans le passé avait su conclure des alliances assurant à sa progéniture des époux et épouses dignes de leur rang, se contente-t-elle de mariages pour le moins « ordinaires » ? Comment expliquer ce qui apparaît comme un repli et une fermeture à son propre groupe social ? Des familles comme les Rioux ou les Hamelin, en dépit de leurs possessions seigneuriales, semblent davantage s’identifier à la majorité de la population de leur seigneurie qu’à des individus de dignité comparable. Mais au bout du compte, cette transformation de l’appartenance sociale des conjoints ne trahirait-elle pas l’essor de la volonté individuelle au sein des familles seigneuriales comme dans la population en général ? Considérant qu’un nombre inconnu de mariages, mais sans doute plus important que ce que l’on serait porté à croire, s’expliquent par une histoire d’amour, il va de soi qu’il était plus facile de développer des affinités avec un habitant de la seigneurie familiale qu’avec quelqu’un de son milieu social mais demeurant à l’autre bout de la vallée du Saint-Laurent77.
Le facteur du genre
56À l’époque préindustrielle, la destinée d’une personne différait fortement, au sein d’une même catégorie sociale, selon son sexe. Aussi, le choix d’un conjoint ne s’exerçait pas de la même manière selon le sexe de l’individu à marier. Le mariage d’un fils avait pour conséquence l’adjonction d’une bru à la famille, bien souvent dans la résidence familiale, du moins pour un certain temps, tandis que le mariage d’une fille était l’occasion pour celle-ci de quitter le noyau familial pour rejoindre celui de l’homme qu’elle épousait. Ce simple fait n’est pas sans influence sur les décisions prises en matière de choix d’un conjoint. Ne voudra-t-on pas que sa fille se marie dans les meilleures conditions possibles pour ne pas la voir quitter pour une situation inférieure à celle que ses parents lui avaient donnée jusque-là ? Quant au mariage du fils, c’est ce dernier qui influence le niveau de vie de celle qu’il épouse. Comme le notait Jacques Mathieu pour dépeindre en cette matière la situation qui prévalait en Nouvelle-France :
« La situation n’est pas identique pour l’homme et pour la femme. Un jeune homme résidant sur les bonnes terres riveraines peut épouser une fille d’une famille établie sur les terres moins attrayantes de l’intérieur et l’élever ainsi à son rang social. Mais l’inverse n’est pas vrai. Une jeune fille qui épouserait un jeune homme issu d’une famille d’un statut social inférieur risquerait de baisser dans l’échelle sociale78. »
57Bref, le milieu dont provient l’époux que l’on choisit pour sa fille semblerait davantage sélectionné que l’épouse ne l’est pour son fils. Cette différenciation de l’origine sociale des conjoints en raison du genre a semblé un élément à considérer. Peut-être, après tout, les mariages à des individus issus de la bourgeoisie, du monde seigneurial et de la noblesse furent principalement l’affaire des filles de seigneurs, tandis que leurs frères se contentèrent d’épouser des habitantes !
58Si les unions seigneuriales de la vallée du Saint-Laurent suivent ce schéma, nous devrions vraisemblablement observer une hypergamie des filles et une hypogamie des fils. Toutefois, il convient de mentionner qu’en d’autres contextes, ce sont les femmes qui épousaient des hommes de condition sociale inférieure (hypogamie des filles), témoignant d’une logique différente. À cet effet, on constate chez les groupes sociaux dominants une transformation, aux circonstances mal définies, entre la situation observée aux xiie et xiiie siècle par Georges Duby et celle constatée au xviie siècle par Emmanuel Le Roy Ladurie :
« Pour Duby, c’étaient les filles qui épousaient des hommes d’une lignée inférieure, ce qui était une hypogamie ; tandis que le moderniste Le Roy Ladurie ne connaît, dans les élites du xviie siècle, que l’hypergamie des filles. Il reste donc à préciser, dans le no man’s land entre Moyen Âge et époque moderne, jusqu’à quand l’hypogamie des filles a été pratiquée79. »
59Les comportements matrimoniaux des familles seigneuriales résidantes selon le genre des enfants à marier offrent une perspective intéressante.
60Le tableau suivant présente les résultats obtenus lors de notre tentative de chiffrer la différenciation sociale des origines des conjoints selon que l’union contractée concerne un fils ou une fille de seigneur.
Tableau 3.3. – Origines sociales des conjoints selon le sexe.

61Ces données permettent difficilement de confirmer la tendance à une hypergamie féminine. À part la proportion considérablement plus élevée de filles (18,4 % contre 11,3 % des fils) mariées à des nobles, on retrouve, au contraire de la situation anticipée, un plus grand nombre de fils épousant des membres de familles seigneuriales et des bourgeoises. Les écarts sont peu considérables, mais il semble néanmoins que les mariages des fils soient socialement plus « surveillés » que ceux de leurs sœurs. À cet effet, remarquons les alliances à des petits roturiers. Ce sont 38,7 % des fils de seigneurs qui concluent un mariage hypogamique avec des filles de condition plus modeste que la leur, souvent des filles d’habitants, mais ces mariages inégaux sont encore plus marqués pour les filles de seigneurs qui, dans une proportion de 42 %, épousent des petits roturiers. De manière générale, il appert que les familles seigneuriales résidantes accordent plus d’importance au choix des épouses pour leurs fils qu’à celui des époux pour leurs filles. Ceci s’avérant en contradiction avec la tendance généralement observée en Nouvelle-France et en France à la même époque, mais se rapprochant davantage de celle qui prévalait des siècles auparavant dans la France médiévale. Cette situation se précise en tenant compte de la différenciation sociale au sein du groupe des seigneurs résidants, c’est-à-dire en distinguant les familles nobles des familles roturières.
L’hypogamie généralisée : la « mésalliance » pour tous ?
62La prise en compte de la condition sociale permet d’arriver à une interprétation plus fine des alliances seigneuriales et de souligner de réelles différences comportementales entre les deux sous-groupes. De l’ensemble des mariages, 124 sont relatifs aux membres des familles seigneuriales roturières (62 %) et 85 impliquent les filles et les fils de familles seigneuriales nobles (41 %). Ces proportions correspondent exactement à la répartition entre familles seigneuriales roturières (6) et nobles (4). Les données du tableau 3.4 témoignent des alliances roturières et nobles en général, puis de manière plus spécifique pour les fils et les filles.
Tableau 3.4. – Origines sociales des conjoints selon l’appartenance sociale de la famille seigneuriale.

63En considérant séparément les roturiers puis les nobles, la typologie des alliances évoquée précédemment se précise considérablement. Pour les deux sous-groupes qui composent les familles seigneuriales, la frontière déterminant la réussite ou l’échec à conclure des mariages égaux ou homogamiques n’est pas la même. Pour les roturiers, une alliance à la bourgeoisie ou à une autre famille seigneuriale semble une condition minimale pour assurer une union homogamique, tandis qu’un mariage à un individu issu de la noblesse constituerait une alliance hypergamique. D’un autre côté, cette réussite est beaucoup plus réglementée pour les nobles qui doivent, on le comprend, s’allier à d’autres nobles s’ils ne veulent pas déroger, ceci étant tout particulièrement crucial pour les filles nobles puisque la transmission de la noblesse ne passe que par les hommes.
64S’agissant d’abord des roturiers, on remarque l’absence de mariages nobles, à l’exception de l’union déjà évoquée de Joseph-Marie Hamelin avec Geneviève de Chavigny en 1724. Suivent les mariages « inter-seigneuriaux » qui furent célébrés dans 16 cas, soit 13 % des alliances seigneuriales roturières. Bien que minoritaire, ce type d’alliance est digne de mention, surtout qu’on le retrouve chez un petit nombre de familles. La troisième « catégorie » de conjoints qui permettent aux seigneurs roturiers d’assurer à leurs enfants des mariages homogamiques est la bourgeoisie, on y retrouve 21 mariages (17 %). Déjà, à ce stade, les alliances sont toutefois moins prestigieuses. En regroupant ces trois premières catégories, on obtient seulement 30,6 % des mariages. La grande majorité des unions matrimoniales impliquent donc un conjoint petit roturier (77 mariages) dans une proportion de 62,1 %, tandis que 7,3 % des conjoints sont d’origine sociale inconnue. Prises isolément, les alliances matrimoniales des familles seigneuriales roturières se caractérisent donc par une incapacité à contracter des alliances homogamiques et par une nette majorité de mariages hypogamiques. Reste à déterminer si cette hypogamie est strictement féminine comme le laissait supposer l’analyse du tableau 3.3.
65Les seigneurs roturiers accordent apparemment plus d’efforts à assurer à leurs fils des unions dans l’égalité qu’à leurs filles. Les chiffres du tableau 3.4 témoignent bien de cette situation. On ne note aucune union hypergamique chez les filles roturières qui ne semblent pas autorisées à espérer se hisser au sein de la noblesse par le biais d’un mariage. Au niveau des mariages « inter-seigneuriaux » autant de filles que de fils s’unissent à d’autres familles seigneuriales roturières, mais contrairement à leurs frères, les filles roturières se marient assez peu fréquemment à la bourgeoisie (11,5 % pour les filles et 22,3 % pour les fils). Enfin, l’écart est considérable entre filles et fils de seigneurs roturiers en ce qui concerne les mariages à de modestes petits roturiers. Malgré que ceux-ci fournissent une majorité de conjoints tant pour les hommes que pour les femmes, ce sont ces dernières qui y puisent le plus souvent leurs époux. Les fils roturiers prennent épouses à 55,6 % parmi la paysannerie, tandis que les filles épousent des habitants (ou autres petits roturiers) dans une proportion s’élevant à 68,9 %. Ces données confirment l’impression du tableau 3.3 et attestent du fait que les familles seigneuriales résidantes choisissent plus fréquemment une conjointe de leur niveau social pour leurs fils, tandis que leurs filles doivent souvent « se contenter » d’un candidat bien modeste. Encore faudrait-il savoir comment elles s’accommodaient de ces partis ? Ceci peut paraître étonnant sachant l’importance habituellement accordée au sort des filles. Peut-être pourrons-nous percevoir d’autres « stratégies » expliquant ces choix qui, à première vue, apparaissent peu conformes au statut seigneurial qui est le leur.
66Un autre schéma s’applique-t-il aux familles seigneuriales appartenant à la noblesse ? Il est peu surprenant, en premier lieu, de constater que les mariages nobles sont le fait des individus appartenant aux familles seigneuriales elles-mêmes nobles. Toutefois, même chez ces dernières, seulement 35,3 % des alliances contractées le sont avec un ou une noble, ce qui témoigne, pour les 65 % restants de mariages hypogamiques. Le nombre restreint de familles nobles dans la colonie et la noblesse récente de trois des quatre familles peuvent certainement contribuer à expliquer la difficulté de celles-ci à assurer des mariages homogamiques à leurs enfants. Nous avions d’ailleurs évoqué précédemment cette difficulté croissante entre le xviie et le xixe siècle. À cet égard, il sera intéressant de constater les différences entre les unions de l’héritier principal de la seigneurie et celles de ses frères et sœurs. Toutefois, malgré les difficultés liées aux particularismes de la noblesse coloniale, l’alliance d’un noble à une roturière ne constitue pas une exception laurentienne. En effet, Michel Nassiet a souligné ce phénomène en étudiant la noblesse de Bretagne :
« Dès le milieu du xvie siècle, les premiers registres de baptêmes révèlent de fréquentes alliances avec des roturières des campagnes. […] À court terme, des alliances roturières ne pouvaient menacer une noblesse et un honneur plus solides que jamais. Or, diminuer les réticences à l’alliance roturière, c’était élargir d’autant le marché matrimonial, fatalement fort exigu tant qu’il était restreint aux seules filles nobles ; en particulier c’était ne plus guigner vainement les héritages des filles des quelques paysans aisés et des bourgeois80. »
67Si les nobles ne s’unissent pas toujours à d’autres nobles, il est intéressant de dire de quelle nature sont ces « mésalliances » ou plutôt ces unions hypogamiques. Dans la vallée du Saint-Laurent, contrairement aux seigneurs roturiers, les nobles ne s’abaissent pas normalement jusqu’à épouser des habitants, ce type d’alliance ne concerne que 8,2 % de tous les mariages du sous-groupe des familles seigneuriales nobles, tandis que ces mêmes unions étaient le lot de 62 % chez les roturiers. Toutefois, dans ces sept cas, il semble bien que l’on puisse parler de véritables mésalliances. En témoigne le cas de la seigneuresse de Beauport, Marie-Catherine Peuvret, qui menaçait de priver de son héritage son fils unique, Antoine Juchereau, s’il s’entêtait à épouser la fille d’un habitant de leur seigneurie81. Quels sont ces individus de familles nobles qui, au contraire d’Antoine Juchereau, passèrent outre aux cloisons habituellement hermétiques de la hiérarchie sociale ? D’abord, on retrouve deux de ces mariages au sein même de la famille Juchereau. Deux des descendants de l’infortuné Antoine Juchereau se marièrent à de simples petits roturiers, notamment Antoine-Georges Juchereau qui épouse Malvina Latulippe, en 1896, dans la paroisse Saint-Jean-Baptiste à Québec82, le nouvel époux étant âgé de 58 ans, on peut supposer que le facteur social ne lui était plus réellement un obstacle. D’autres exemples peuvent être puisés parmi les membres de la famille Couillard, mais, contrairement aux Juchereau, au commencement de l’histoire familiale, alors que le passé roturier des Couillard est relativement proche83. À la première génération à la Rivière-du-Sud, Jacques Couillard, dernier fils de la famille, prend pour épouse Élisabeth Lemieux dont le père est un habitant de la seigneurie84. À la génération suivante, deux autres unions très modestes parmi d’autres plus « réussies » : François Couillard, épouse Madeleine Bernier85, issue de la paysannerie locale, tandis que son frère cadet Jean-Baptiste se marie avec Geneviève Langlois86, également de modeste condition en comparaison de ce fils de seigneur. Ainsi, de telles alliances ne sont pas fréquentes, mais elles se produisaient quelquefois au sein même des familles nobles.
68Mais à part ces cas plus exceptionnels, les unions hypogames sont en majorité des alliances avec la bourgeoisie locale (43,5 %) tandis que 8 % sont contractées avec des familles seigneuriales roturières. Évidemment, l’union d’un fils de seigneur noble à une fille de seigneur roturier n’est pas homogamique au sens strict, mais on peut néanmoins y voir une alliance relativement égale. Ainsi, les Couillard s’allient aux Bélanger, seigneurs de L’Islet-de-Bonsecours 87 et aux Guyon, seigneurs d’un arrière-fief à Beauport88 ; les Tarieu de Lanaudière aux Taché, seigneurs de Kamouraska 89 et les Boucher de Boucherville s’unissent par mariage aux Charet détenteurs d’un arrière-fief à Lauzon90, aux Hertel 91 ainsi qu’aux Raimbault de la Lussaudière92. Si l’on accepte cette « dérogation » à la règle de l’union strictement nobiliaire, on compte alors 43,5 % d’alliances homogamiques, mais ces familles seigneuriales roturières sont, en fait, souvent, de très modeste stature93. Ce sont toutefois les alliances à des bourgeois qui comptent le plus grand nombre de mariages d’enfants de seigneurs résidants nobles. Ces mariages, bien qu’ils soient hypogamiques, permettent aux familles nobles de s’allier à d’importantes familles de la colonie ou aux notables de leur propre seigneurie. Advenant la difficulté de trouver un conjoint du même rang social, de telles unions peuvent constituer d’intéressantes alternatives et, parfois, renflouer les coffres de la famille. Ainsi, Pierre Boucher de Boucherville et Marguerite-Charlotte Denis ne furent probablement pas humiliés de voir trois de leurs enfants prendre femme et mari au sein de la bonne bourgeoisie coloniale. En effet, si les deux premiers mariages célébrés dans cette famille avaient impliqué une famille noble et une autre seigneuriale, les trois cadets se marièrent respectivement à la fille du juge seigneurial et notaire royal de Boucherville, à la veuve d’un important marchand-bourgeois de Québec (aussi seigneur) et à un écrivain du roi et entrepreneur en pêcheries. Mais en dépit de l’apparent prestige de ces alliances, le fait que dans cette même famille on retrouve également cinq religieuses peut-il s’expliquer par un refus de nouer davantage de mariages hypogamiques et risquer de marier ces filles à de moins bons partis que les autres enfants ? Cela semble fort probable.
69L’analyse de ces alliances a permis de constater un fait intéressant en comparaison de celles des familles roturières en ce qui concerne le facteur du genre. Chez les nobles, on remarque une situation inverse à ce qui était constaté pour les roturiers. Au constat d’hypogamie des filles qui touchait les familles seigneuriales roturières succède cette fois celui d’une hypergamie de celles-ci, plus conforme à ce qu’ont généralement constaté les historiens modernistes en France comme en Nouvelle-France. En effet, les filles nobles sont plus nombreuses que les fils nobles à se marier au sein de leur groupe social ; il en va de leur statut nobiliaire ainsi que de celui de leurs enfants à naître. Ce sont 46,3 % des filles de seigneurs appartenant à la noblesse qui trouvent un conjoint de même rang, réalisant un mariage dans l’homogamie (seulement 25 % des hommes). Elles sont également 46,3 % à épouser des bourgeois contre seulement 41 % des hommes nobles. Le fait le plus remarquable est sans doute la quasi-absence d’alliance unissant une fille noble à un petit roturier (un seul mariage) de même qu’à des fils de familles seigneuriales roturières (également un seul mariage). Par contre, plus nombreux sont les hommes qui épousent des filles de seigneurs roturiers (6) voire des roturières tout court (6), parfois des paysannes, les élevant du même coup à la noblesse.
70Pour achever l’analyse des mariages seigneuriaux dans une optique « sociale », il nous reste à comparer les alliances de l’héritier ou donataire (le futur seigneur) avec celles de ses frères et sœurs qui n’étaient pas destinés à devenir seigneur.
Alliance et « droit » d’aînesse
71Jusqu’à présent, l’ensemble des frères et sœurs membres des familles seigneuriales ont été considérés sans distinction. Toutefois, l’étude des lignages nobiliaires, et par extension seigneuriaux, permet de constater que la destinée matrimoniale qui attend l’héritier, généralement l’aîné, est différente de celles des autres enfants d’une même famille. Même au sein des familles roturières, on constate parfois des différences entre l’aîné et les cadets en ce qui concerne l’origine sociale des conjointes ; en atteste par exemple l’héritier de la « maison » dans le Midi de la France étudié par Élie Pélaquier94. Mais la notion même d’aîné est plutôt imprécise :
« L’aîné n’était pas toujours le premier-né, qui mourait souvent prématurément du fait d’une forte mortalité infantile et juvénile. L’aîné était le plus âgé des fils à un moment donné. Alors que la primogéniture est un fait biologique, l’aînesse est un fait social. Par opposition, le substantif “cadet” désigne […] un germain ayant une part minorée dans la succession, que ce soit un fils puîné ou une fille95. »
72Au sein de la noblesse française, les cadets, bien que relativement peu nombreux, avaient moins de chance que les aînés d’accéder au mariage et s’ils y accédaient, ils se mariaient plus tard que l’héritier de la lignée96. À une autre échelle, les seigneurs résidants laurentiens doivent assurer la pérennité de lignages seigneuriaux, que ceux-ci soient nobles ou roturiers, et d’une terre noble : la seigneurie. Nous pouvons donc supposer que l’épouse de l’aîné sera davantage sélectionnée que les conjoints des autres membres de la famille. Dans certaines familles seigneuriales nombreuses, il est sans doute difficile pour les parents d’assurer à sept, huit, voire dix enfants, une alliance prestigieuse, par contre, nous serions en droit de croire qu’une telle alliance devrait à tout le moins être arrangée pour le futur seigneur. Il s’avère donc utile de distinguer celui-ci de ses frères et sœurs. De plus, le fait qu’il soit ou non déjà seigneur au moment de son mariage peut également contribuer à saisir les motivations matrimoniales.
73Chez les nobles, en premier lieu, on note que sur dix-sept mariages impliquant l’héritier de la seigneurie, seulement sept sont homogamiques, au sens retenu précédemment, à savoir qu’ils concernent deux conjoints nobles. Les dix autres mariages sont hypogamiques. Des futurs seigneurs s’allient à des membres de familles seigneuriales roturières, à des filles de bourgeois ou encore à de simples roturiers. Ce sont 58,8 % de ces mariages qui sont hypogamiques, à peine moins que l’ensemble des alliances nobles qui étaient hypogamiques à 63,6 %.
74Du côté des familles seigneuriales roturières, sur vingt-deux unions « seigneuriales », on retrouve douze mariages homogamiques et neuf alliances hypogamiques qui voient des fils aînés de seigneurs, eux-mêmes futurs seigneurs, s’allier à des femmes issues de la petite roture, du monde paysan principalement97. Ainsi, chez les futurs seigneurs roturiers, les alliances hypogamiques sont moins fréquentes (seulement 45 %), ce qui permet de soupçonner que leurs mariages sont davantage surveillés en ce qui concerne le choix social de la conjointe. En effet, à l’échelle de tous les enfants de seigneurs roturiers, ce sont plus de 60 % qui s’avèrent incapables de s’unir à tout le moins à une bourgeoise ou à un membre d’une autre famille seigneuriale roturière. Ces alliances homogamiques sont toutefois bien souvent assez modestes et se limitent régulièrement à la petite élite locale. Des fils de seigneurs se marient aux filles du capitaine de milice ou à celles d’un marchand. À titre d’exemple, Joseph Lefebvre (1716-1779), épouse en 1741, à Champlain, Marie-Josephte Dizy dit Monplaisir, fille du commandant des milices de Champlain, seigneurie du même gouvernement98. En 1749, bien qu’étant le fils cadet, il devient seigneur de la Baie-Saint-Antoine puisque ses frères aînés sont décédés99. Certes, son mariage avec la fille d’un habitant prestigieux du gouvernement de Trois-Rivières mais appartenant néanmoins à une catégorie sociale moins éminente a pu sembler aux Lefebvre, seigneurs roturiers, un « beau mariage ». Mais si cette alliance est respectable au niveau local, elle ne constitue certainement pas une grande réussite au point de vue social, considérant que l’époux sera sous peu doté du titre de seigneur.
75Ainsi, en comparant les alliances des futurs seigneurs à celles des autres membres de leur famille, il s’avère que les nobles dérogent le plus souvent en contractant mariage avec des femmes issues de milieux roturiers, tandis que les roturiers, quant à eux, parviennent plus aisément à conclure des alliances homogamiques, bien que souvent à une échelle locale. En fait, chez les nobles comme chez les roturiers, nous sommes porté à croire que l’origine géographique des conjoints constitue une autre motivation qui peut souvent, davantage, expliquer l’union.
76En souhaitant « détecter » les motivations matrimoniales, la première cause explicative semblait, de toute évidence, résider en la recherche d’une union avantageuse, d’un « beau » mariage où le conjoint est d’un niveau social identique ou, mieux, supérieur. Cependant, nous avons réalisé, au fil de cette analyse, que les familles seigneuriales qui vivent parmi leurs censitaires, qu’elles soient nobles ou roturières, ne réussissent pas toujours à contracter des unions homogamiques, encore moins hypergamiques. En effet, les deux sous-groupes échouent, dans plus de 60 % des cas, à des niveaux différents, à réaliser de telles alliances. Il semble bien que le seul critère de l’homogénéité sociale ne soit pas suffisant pour expliquer les mariages seigneuriaux. En analysant plus finement ces unions, sous divers angles d’observation, d’autres motivations contribuent à expliquer des mariages qui peuvent apparaître comme des mésalliances ou à tout le moins comme des unions nettement hypogamiques. Selon les circonstances, familiales, géographiques, économiques ou culturelles, le choix d’un conjoint peut parfois être conditionné par nombre de motivations autres que la parité sociale.
Des « stratégies » de remplacement ?
77Le contexte colonial et colonisateur dans lequel évoluent les familles seigneuriales à l’étude influence fortement les alliances matrimoniales éventuelles. En dépit de leur appartenance à un groupe social habituellement considéré comme privilégié ou dominant : les propriétaires seigneuriaux, plus de la moitié des mariages seigneuriaux ne peuvent s’expliquer exclusivement par la recherche, ou du moins la réussite, d’alliances homogamiques. Ainsi, différentes motivations matrimoniales peuvent contribuer à expliquer les alliances seigneuriales. D’abord, la parenté exerce une influence dans la recherche d’un conjoint comme en atteste la question des mariages « remarquables », mais aussi la fréquence des alliances inter-seigneuriales ou consanguines. Les alliances « interculturelles » ou « inter-religieuses » apparaissent au sein des familles seigneuriales au lendemain de la Conquête britannique. S’allier au conquérant peut constituer une stratégie matrimoniale non négligeable. Également, la proximité géographique joue de manière notable au moment de choisir mari ou femme, comme le révèle l’examen des unions endogames et exogames. Enfin, les implications économiques de l’alliance peuvent s’observer par les douaires consentis aux épouses. Ces questions, interrogeant d’autres motivations que la traditionnelle homogamie, conduisent à envisager les alliances matrimoniales seigneuriales en des termes moins catégoriques et à considérer l’aspect affectif et émotionnel trop souvent écarté.
Le rôle de la parenté
78L’importance des réseaux de parenté est sans conteste l’un des aspects fondamental de la sociabilité à l’époque préindustrielle. Pour la noblesse française, Jean-Marie Constant en souligne le rôle essentiel :
« Pour le gentilhomme, la parenté était à la fois un soutien et une nécessité pour mener sa carrière. Saint-Simon […] se plaignait de n’avoir ni oncle, ni tante, ni cousins germains parce que ses parents étaient déjà âgés lorsqu’il naquit et que leurs amis avaient disparu de la Cour… […] L’influence locale d’un lignage peut se mesurer au nombre de parents directs ou indirects qu’il pouvait éventuellement mobiliser. […] Ce monde d’oncles et de cousins, de gendres et de belles filles constitue le meilleur réseau de communication100. »
79À un niveau social beaucoup plus modeste, plusieurs études ont démontré l’impact des réseaux de parenté dans les mouvements migratoires, notamment en ce qui concerne l’émigration de la France vers la Nouvelle-France ainsi que dans les migrations à l’échelle coloniale, voire régionale101. De plus, dans une société coloniale comme la vallée du Saint-Laurent, où la population est clairsemée et fraîchement implantée, les réseaux de parenté qui sont, dans une première phase, apparemment moins influents au moment de l’alliance, prennent une importance accrue au moment où la population coloniale se stabilise avec le ralentissement de l’immigration française. En effet, au xviie siècle, puisque l’immigration familiale n’est pas majoritaire, une forte proportion de mariages sont contractés par des orphelines ou à tout le moins par des individus dont la famille est demeurée en France102. Puis, au xviiie siècle, la famille peut jouer un rôle plus important, à l’image de la société française dont est issue celle de la Nouvelle-France et lorsque s’ouvrent de nouveaux fronts pionniers, les migrations internes à la colonie s’effectuent davantage selon une logique familiale qu’individuelle et visent avant tout la reproduction familiale. C’est la mobilité de la sédentarité qu’a décrite Jacques Mathieu103.
80Puisque l’étude porte sur les enfants de familles seigneuriales, donc déjà implantées dans la colonie, la famille doit nécessairement tenir une place considérable dans l’exercice que constitue le choix d’un conjoint. Trois aspects témoignant de la place des réseaux de parenté au moment de conclure une alliance seront successivement abordés : la consanguinité, les alliances entre familles seigneuriales ainsi que les mariages dits « remarquables ».
Se marier en famille
81Il était fréquent, dans la mesure où l’alliance constituait une manière privilégiée de nouer des liens sociaux, que l’on préférât chercher son conjoint dans un entourage déjà connu, qu’il s’agisse du voisinage ou encore de la parenté. Cependant, cette dernière option se heurtait aux interdits sociaux, renforcés par ceux de l’Église. Les mariages que l’on considérait comme consanguins étaient visés par des interdictions de l’Église catholique romaine. À l’instar de la plupart des cultures, le christianisme réprouve l’inceste et, conséquemment, prohibe les mariages à l’intérieur de la parenté104. Depuis 1215, le droit canon interdit les mariages consanguins jusqu’au quatrième degré de consanguinité et d’affinité105 ; toutefois, l’Église accorde des dispenses106. On a affirmé que les dispenses étaient plus facilement octroyées dans certaines régions éloignées de Rome, telle la vallée du Saint-Laurent. S’il est vrai que l’évêque du diocèse de Québec, soit jusqu’au xixe siècle l’ensemble du territoire français d’Amérique, possédait le privilège de dispenser au second degré, et que certains prêtres français réfugiés au Canada au lendemain des troubles révolutionnaires furent surpris de cette situation « décentralisée », Serge Gagnon soutient que les dispenses n’étaient pas si facilement accordées à ceux qui en faisaient la demande, du moins celles au second degré de parenté107.
82Les dispenses pour consanguinité étaient parfois octroyées en raison de critères géographiques, notamment l’étroitesse d’un lieu et la petitesse du marché matrimonial. Dans le contexte canadien, l’épiscopat reconnaissait apparemment certaines régions où ces critères rendaient nécessaire l’assouplissement des règles : Charlevoix, des parties de la Gaspésie ou les îles de la Madeleine, par exemple108.
83Du côté acadien, le critère de la petitesse du lieu s’appliquait plus régulièrement encore et se combinait à la « nécessité » de se marier entre catholiques, là où les anglo-protestants étaient installés antérieurement à la vallée du Saint-Laurent. Toutefois, il est intéressant de constater que d’autres régions en sont écartées, notamment le Bas-Saint-Laurent où le curé de L’Isle-Verte, Charles Hot, est averti par les autorités diocésaines, en avril 1809, que « les familles y sont assez étrangères les unes aux autres [pour ne pas être] dans la nécessité de se marier entre parents109 ».
84Autre motif social de dispense pour consanguinité, l’appartenance à un groupe social privilégié : « Les rencontres et les projets de mariage surviennent différemment selon qu’il s’agit de petites gens de la campagne ou de membres de familles qui ont du bien et de la distinction. […] Le prestige social des couches supérieures est pris en compte pour réclamer et accorder des dispenses110. » La fréquence des alliances consanguines au sein de l’aristocratie est bien connue. En ce qui concerne la vallée du Saint-Laurent, une étude antérieure a démontré que les stratégies matrimoniales du groupe seigneurial en Nouvelle-France se caractérisaient par une proportion élevée de mariages consanguins et par un échange généralisé d’épouses et d’époux entre familles seigneuriales111. En observant un nombre restreint de familles seigneuriales, nous pourrons donc vérifier ces constats et voir s’ils s’appliquent aux familles résidantes dans la vallée du Saint-Laurent.
85C’est par l’intermédiaire des actes de mariages, consignés aux registres paroissiaux par le célébrant, que nous avons pu déterminer la consanguinité au sein des familles seigneuriales résidantes. Les mentions de consanguinité ainsi que le degré de cet apparentement sont généralement rigoureusement notés par le prêtre. Ensuite, le célébrant mentionne que la dispense pour cet empêchement a été obtenue de l’évêque, l’autorisant à marier le couple parent. Il a été possible de consulter 179 des 209 actes de mariages. Parmi les 30 auxquels nous n’avons pu avoir accès, certains ont été célébrés en France ou en Angleterre, d’autres ne figurent pas aux registres, soit en raison d’une erreur de transcription de date ou de registres incomplets. De plus, bien que la date de mariage soit connue, certaines alliances ont vraisemblablement été contractées devant des prêtres autres que catholiques et il n’a pas été possible de déterminer le lieu de ces célébrations112. Enfin, certains registres paroissiaux disponibles aux ANQQ s’arrêtent avant la date de quelques mariages113. Ce sont tout de même 86 % des actes de mariages qui ont pu être consultés pour déterminer la consanguinité des conjoints.
86Sur un total de 179 actes, 32 font mention d’un empêchement lié aux règles canoniques régissant les mariages consanguins. Sans être généralisés, ils constituent néanmoins 17,9 % des alliances contractées par les fils et les filles des seigneurs, rejoignant ainsi les conclusions de Maureen Molloy selon laquelle les familles seigneuriales en Nouvelle-France auraient fréquemment opté pour ce type d’alliances114. En comparaison, la noblesse canadienne sous le Régime français, étudiée par Lorraine Gadoury, aurait conclu des alliances consanguines dans une proportion de 10 %, ce qui, déjà, constituait un pourcentage beaucoup plus élevé que dans l’ensemble de la population canadienne à la même époque (environ 4 % selon les données du PRDH)115.
Tableau 3.5. – Alliances matrimoniales consanguines.

Échantillon : 179 actes de mariage. Source : registres paroissiaux.
87En observant le tableau 3.5, on s’aperçoit cependant que les alliances consanguines, si elles se retrouvent dans huit des dix familles seigneuriales, sont beaucoup plus fréquentes dans certaines. La famille Rioux à Trois-Pistoles offre sans aucun doute le plus grand nombre de mariages entre membres de la famille ; on y retrouve pratiquement le tiers des mariages consanguins (10). À l’image des zones géographiques où les dispenses pour consanguinité s’obtenaient vraisemblablement plus facilement, Trois-Pistoles est, pendant au moins un siècle durant, une région isolée du reste de la vallée du Saint-Laurent, peu accessible et surtout peu peuplée. En conséquence, la famille Rioux, première sur les lieux, tend vers l’endogamie familiale, mais pas avant la quatrième génération née sur place, attestant certainement d’une soumission au tabou de l’inceste et des règles canoniques. Ainsi, trois des six enfants du seigneur Étienne Rioux II et de Rosalie Côté contractent des alliances consanguines, toutes au troisième degré de parenté116. À la génération suivante, parmi les enfants du seigneur Joseph Rioux, quatre sur sept se marièrent avec un parent117. Puis, encore une génération plus loin, celle des enfants du seigneur Éloi Rioux et de sa jeune épouse Priscille Rioux, encore trois enfants sur six, toutes des filles, épousent des cousins Rioux de Trois-Pistoles118. De toutes ces unions, plusieurs portent plus d’un empêchement pour consanguinité, faisant apparaître toutes les ramifications de parenté qui se tissent au sein de la famille Rioux. Notons que nous sommes alors au xixe siècle et que les Rioux sont fort nombreux à Trois-Pistoles, tous apparentés, à des degrés divers, descendants du premier seigneur résidant et pionnier de la communauté Jean Rioux. D’ailleurs, l’endogamie familiale, sinon la consanguinité, ne concerne pas que la lignée seigneuriale à Trois-Pistoles où, aujourd’hui encore, rares sont les habitants de l’endroit, sauf s’ils s’y sont installés récemment, qui ne comptent pas Jean Rioux parmi leurs ancêtres.
88Il est étonnant que les familles seigneuriales nobles n’aient pas davantage contracté d’alliances consanguines puisqu’elles sont habituellement les plus enclines à se replier sur elles-mêmes en cherchant des conjoints de la proche famille, comme l’affirmait Maureen Molloy119. Le comportement de la famille Rioux, que nous avons souvent comparée à la masse paysanne, se rapprocherait donc ici des comportements véritablement nobiliaires, à moins qu’il ne faille rechercher la cause dans la situation géographique particulière de cette seigneurie. Chez les Juchereau, Boucher et Couillard, familles nobles, les mariages consanguins constituent également un type d’alliance privilégié. À Beauport, en 1808, c’est un mariage entre parents, mais également entre membres de la gentilhommerie campagnarde locale que l’on célèbre en l’église de la Nativité, alors que Michel-Louis Juchereau Duchesnay épouse sa cousine au troisième degré, Louise-Catherine de Salaberry120. Les jeunes époux sont tous deux les arrière-petits-enfants de Marie-Catherine Peuvret et d’Ignace Juchereau Duchesnay. Les deux familles résident au cœur du domaine seigneurial à Beauport. Chez les Couillard, au milieu du xixe siècle, trois enfants du dernier seigneur, Antoine-Gaspard Couillard, épousent des cousins de la famille Wilson121, combinant mariages consanguins et remarquables, ce dernier type d’union étant souvent associé aux familles d’habitants122. Enfin, rappelons que nous n’avons observé, au sein de chacune des dix familles, que la lignée seigneuriale. L’analyse des mariages contractés par l’ensemble de la parenté élargie conférerait aux unions consanguines un caractère encore plus usuel.
Alliances inter-seigneuriales
89En observant les alliances de la famille Rioux, outre la consanguinité, nous avons aussi constaté la présence de nombreuses alliances inter-seigneuriales. Les alliances entre individus de groupes sociaux assortis ne sont évidemment pas pour étonner : « Enfants de seigneurs, d’officiers de milice et de commerçants se marient entre eux » écrit Jacques Mathieu à propos de l’échange généralisé entre familles de même niveau social123. Mais de quelle manière s’organisent ces échanges de conjoints ? Entre quelles familles ? Selon quelle chronologie ? Selon quelle hiérarchie familiale ? Ces quelques questions ont orienté la réflexion relative aux mariages inter-seigneuriaux de la vallée du Saint-Laurent.
90Maureen Molloy, en étudiant les rapports entre consanguinité et classes sociales en Nouvelle-France, avait constaté la fréquence des unions entre membres de familles seigneuriales124. Le sous-groupe auquel nous nous intéressons, composé de nobles et de roturiers, tous résidants de leur seigneurie, située proche ou loin des noyaux urbains, se distingue aussi par plusieurs alliances inter-seigneuriales. En effet, tel que révélé au tableau 3.4, ce sont 13 % des roturiers et 8,2 % des nobles qui épousent un individu appartenant à une autre famille seigneuriale, soit au total 11 % des mariages observés. Trente-sept mariages unissent une fille ou un fils de famille seigneuriale résidante à un conjoint également issu d’une famille seigneuriale, résidante ou absentéiste. Sur un total de 209 mariages, cela représente 18 % de toutes les unions d’enfants de seigneurs résidants, incluant les conjoints nobles, mais issus de familles seigneuriales. Ces derniers avaient été considérés séparément aux tableaux 3.2 à 3.4. Cependant, seules les familles de la vallée du Saint-Laurent ont été considérées, nous avons délibérément écarté quelques unions avec des fils ou filles de seigneurs français émigrés en Nouvelle-France, mais dont la famille n’est pas venue au Canada, préférant restreindre l’analyse aux réseaux familiaux seigneuriaux internes à la colonie.
91Neuf des dix familles ont contracté au moins une alliance inter-seigneuriale pendant la période où elles furent résidantes de leur fief. Seuls les enfants des seigneurs de Saint-Hyacinthe ne contractèrent aucun mariage de ce type. Encore faut-il rappeler que les Delorme et Dessaules, seigneurs de Saint-Hyacinthe, comptent, à chaque génération, peu d’enfants et qu’ils prennent résidence tardivement sur leur terre seigneuriale, à la veille de la Conquête125. Qui plus est, si aucun enfant ne s’allia à un membre d’une famille seigneuriale, l’un des seigneurs en personne, Jean Dessaules, épousa en secondes noces, en 1816, Rosalie Papineau, fille du seigneur de La Petite Nation, Joseph Papineau, et sœur de Louis-Joseph Papineau, également seigneur et homme politique bas-canadien, chef du parti canadien, futur Parti Patriote126. Toutefois, puisque Jean Dessaules n’était pas lui-même fils du seigneur précédent de Saint-Hyacinthe, mais plutôt héritier de son cousin Hyacinthe Delorme127, mort sans postérité, son alliance n’a pas été comptabilisée parmi les 37 mariages inter-seigneuriaux observés.
92Certaines familles seigneuriales semblent avoir été plus portées que d’autres à conclure des alliances avec d’autres familles appartenant au même groupe social. Les Boucher de Boucherville arrivent largement en tête avec huit alliances inter-seigneuriales pour 24 mariages, ce qui représente 33,3 % des mariages des membres de cette lignée seigneuriale. Suivent les Rioux, à Trois-Pistoles qui concluent neuf mariages inter-seigneuriaux sur un total de 35 mariages, soit 25,7 % d’alliances de ce type. Chez les Giffard/Juchereau, seigneurs de Beauport, on compte six alliances inter-seigneuriales pour 25 mariages (24 %), puis cinq chez les Couillard de la Rivière-du-Sud pour 19 mariages (26,3 %). Les Côté de L’Isle-Verte s’allient à trois reprises à d’autres familles seigneuriales pour un total de 33 mariages (9,1 %), tandis que les Margane et les Tarieu, seigneurs successifs de Lavaltrie, voient deux des leurs contracter de telles alliances parmi huit mariages seulement (25 %). Enfin, chez les Hamelin, Crevier et Lefebvre, on ne rencontre qu’une ou deux alliances inter-seigneuriales parmi de nombreux mariages à chaque génération. Il faut tenir compte, au-delà de ces chiffres, des caractéristiques de ces alliances inter-seigneuriales : périodisation, statut des familles alliées ou encore lieu de résidence de celles-ci.
93Les alliances inter-seigneuriales sont davantage le fait du Régime français que de l’après Conquête. Du moins, comme l’indiquent les données du tableau 3.6, les mariages inter-seigneuriaux ont pratiquement disparu au xixe siècle. C’est principalement au xviiie siècle que se concentrent les mariages entre membres de familles seigneuriales. Tel que mentionné précédemment, les origines sociales des conjoints se diversifient à compter de la fin de ce siècle pour faire entrer au sein des familles seigneuriales bon nombre de bourgeois, voire de petits roturiers.
Tableau 3.6. – Chronologie des alliances inter-seigneuriales.

94La chronologie donne un aperçu de la situation, mais elle ne permet pas de comprendre les mécanismes pouvant conduire à la conclusion d’alliances inter-seigneuriales, ni les particularités de celles-ci. En observant la localisation des seigneuries possédées par les familles à qui les seigneurs résidants choisissent de s’allier (tableau 3.7), nous obtenons un portrait plus précis.
Tableau 3.7. – Localisation des seigneuries des familles seigneuriales alliées.

95Précisons d’emblée que la seigneurie possédée par la famille alliée n’est pas nécessairement synonyme du lieu de résidence de cette dernière. Tel que démontré, les familles seigneuriales qui vivent sur leurs fiefs ont toujours composé une minorité des propriétaires seigneuriaux dans la vallée du Saint-Laurent. Ainsi, avec le tableau 3.8 il sera possible de constater comment se répartissent les familles résidantes et les non résidantes. Toutefois, il est néanmoins envisageable de dresser certains constats en lien avec la localisation de la seigneurie (principale dans le cas où plusieurs seigneuries sont détenues) de la famille avec qui s’allie une fille ou un fils de seigneur résidant. Pour ce faire, nous avons déterminé trois zones géographiques : 1° seigneurie voisine ou proche ; 2° seigneurie éloignée mais appartenant au même gouvernement ; 3° seigneurie située dans un autre des trois gouvernements de la vallée du Saint-Laurent.
96On constate dans un premier temps que plus de la moitié des conjoints (19) sont issus de familles seigneuriales dont la propriété est située dans une périphérie rapprochée (51 %). Onze d’entre eux (30 %) sont liés à des seigneuries éloignées mais du même gouvernement, tandis que seulement sept conjoints (19 %) appartiennent à des familles seigneuriales d’autres gouvernements. En observant de manière comparée les alliances des familles nobles et roturières, on perçoit aisément une tendance. Les enfants de seigneurs résidants nobles épousent très souvent des individus issus de familles seigneuriales « éloignées », soit au sein du même gouvernement, soit à une distance encore plus importante. Moins du tiers d’entre eux s’allient à un membre d’une famille seigneuriale résidant à proximité. Le « voisinage », ou la proximité géographique, comme motivation matrimoniale, semble caractériser les seigneurs roturiers.
97À titre d’exemple de ces différentiations socio-familiales, en 1846, le jeune seigneur de Lavaltrie, Charles-Barthélemy-Gaspard Tarieu de Lanaudière, épouse Julie-Arthémise Taché128. Cette dernière est la fille du seigneur de Kamouraska, Paschal Taché. Les deux familles demeurent dans leur seigneurie respective, éloignées de quelque 400 kilomètres. Pour qu’une telle union soit possible, malgré l’éloignement des deux seigneuries, il était évidemment essentiel que les deux familles soient liées par une appartenance commune à l’élite coloniale dont Québec, à mi-chemin entre leurs fiefs respectifs, constituait le lieu de rencontre des grandes familles d’alors. La distance n’empêche pas non plus l’union entre Jean Boucher de Montbrun et Claire-Françoise Charet, en 1692129. À l’opposé, c’est la quasi-totalité des fils et filles de seigneurs résidants roturiers qui contractent alliance avec des membres de familles seigneuriales « voisines » ou peu éloignées, démontrant l’exclusion de ces familles des réseaux de l’élite coloniale. Le meilleur exemple est certainement celui des échanges de conjoints entre les familles seigneuriales de L’Isle-Verte, Trois-Pistoles et Rimouski, aux confins de l’estuaire laurentien, le « bout du monde » en ce xviiie siècle. Comme on peut le constater par le schéma qui suit, les familles Côté, Rioux et Lepage, toutes d’origine modeste et ayant obtenu leur seigneurie à la suite de l’échange de leur censive sur l’île d’Orléans, sont interreliées par une série de mariages contractés au cours de la première moitié du xviiie siècle principalement. À cette époque, les trois seigneuries sont peu peuplées, presque exclusivement habitées dans une première phase par la famille seigneuriale, et on assiste à de nombreux renchaînements d’alliance et à un échange de conjoints dans une trame intergénérationnelle.
Figure 3.1. – Échanges matrimoniaux entre les familles Rioux, Côté et Lepage.

m. = mariage ; A = 1re génération ; B = 2e génération ; C = 3e génération.
98Pour comprendre cet enchevêtrement d’alliances, il est essentiel de rappeler la spécificité de l’implantation de la population dans cette région éloignée du Bas-Saint-Laurent. Lors du recensement nominatif de 1681, aucun peuplement ne dépasse la région de la Côte-du-Sud, Kamouraska et Rivière-Ouelle faisant alors office d’extrémité orientale de la zone habitée dans la vallée du Saint-Laurent130. Ainsi, au début de la décennie 1690, les seigneuries voisines de L’Isle-Verte et Trois-Pistoles, ainsi que celle un peu plus éloignée de Rimouski, sont inhabitées et n’ont pas été développées par leurs seigneurs respectifs : Louis Rouer d’Artigny, Charles Denis de Vitré et Augustin Rouer de la Cardonnière, tous trois nobles et résidant à Québec. Il y a fort à parier qu’aucun d’eux n’a posé le pied dans sa seigneurie. Puis, à tour de rôle, ils procèdent à l’échange de leur seigneurie éloignée et non défrichée contre une terre roturière sur l’île d’Orléans, dans la périphérie immédiate de la capitale. Rouer de la Cardonnière ouvre la marche en 1694 lorsqu’il échange son fief à un habitant de l’île d’Orléans, René Lepage131. Celui-ci, natif de l’évêché d’Auxerre, devient à 38 ans, seigneur en Nouvelle-France132. Deux ans plus tard, c’est au tour de Jean Rioux, lui aussi cultivateur sur l’île d’Orléans, né à Ploujean en Bretagne, d’échanger sa terre contre une seigneurie : Trois-Pistoles, alors possession de Charles Denis de Vitré133. Au cours de la décennie 1690, les familles Rioux et Lepage prennent possession de leur seigneurie et s’y installent avec leur famille. Puis, quinze ans après le seigneur Rioux, c’est au tour de Jean-Baptiste Côté d’échanger une censive sur l’île d’Orléans contre la seigneurie de L’Isle-Verte, la moins éloignée des trois, alors propriété de Pierre de Niort de la Minotière134. Le nouveau seigneur et sa famille ne tardent pas non plus à aller vivre dans leur seigneurie. Une fois sur place, la seconde génération de ces trois familles se démarque par des alliances aux familles seigneuriales voisines, Trois-Pistoles constituant le centre géographique de ces échanges matrimoniaux.
99C’est d’abord Vincent Rioux, fils cadet du seigneur Jean Rioux, qui épouse la fille du seigneur de L’Isle-Verte, Catherine Côté, en 1731135. En juin 1735, c’est le début, pour la seconde génération de la lignée seigneuriale Rioux, d’une série de cinq mariages avec les membres de la famille seigneuriale de Rimouski. En effet, lorsque Catherine Rioux épouse Paul Lepage de la Mollaie136, quatre de ses frères et sœurs l’imiteront en s’alliant aux Lepage de Rimouski. Cette alliance est suivie par celle de Marie-Madeleine Rioux et Nicolas-Dominique Lepage, frère de Paul137. Par la suite trois autres membres de la famille Rioux épousèrent trois frères et sœurs Lepage, mais neveux et nièces des précédents : Marie-Geneviève Rioux et Germain Lepage138, Étienne Rioux, futur seigneur de Trois-Pistoles, et Véronique Lepage 139 ainsi que Véronique Rioux et Pierre Lepage, lui-même futur seigneur de Rimouski140. À la suite de cette union, les deux seigneurs seront beaux-frères.
100Notons que ces deux dernières unions sont scellées à une semaine d’intervalle. La même année où les Rioux s’alliaient pour la première fois aux Lepage, les Côté contractaient eux aussi une alliance avec les seigneurs de Rimouski. Il s’agit de l’union entre Pierre Côté, fils de Jean-Baptiste I et de Marie-Françoise Choret, premiers seigneurs résidants de L’Isle-Verte, et de Marie-Anne Lepage, fille de René Lepage et de Marie-Madeleine Gagnon, eux aussi seigneurs pionniers, qui scelle l’alliance entre les Côté et les Lepage, par-delà la seigneurie intermédiaire de Trois-Pistoles141. Avec ce mariage, les membres des trois familles seigneuriales deviennent pratiquement tous apparentés. À la génération suivante, les Côté voient leur frère aîné, Jean-Baptiste III épouser la fille du deuxième seigneur de Rimouski, Élisabeth Lepage. Enfin, les Rioux ne sont pas en reste puisque, à la troisième génération, les deux fils de la famille, Étienne (le futur seigneur) et Jean-Baptiste, épousent respectivement Rosalie Côté142, fille d’un co-seigneur de L’Isle-Verte, et Marie-Madeleine Côté143, fille du seigneur primitif du même endroit. Il est à noter que, à compter de la fin du xviiie siècle, ces échanges matrimoniaux entre les familles Rioux, Lepage et Côté disparaissent et, au xixe siècle, les alliances se concluront principalement avec des habitants de leur seigneurie respective.
101Cette illustration des alliances inter-seigneuriales régionales des familles Rioux, Côté et Lepage, aux origines similaires, témoigne du rôle fondamental de la famille dans le jeu des alliances matrimoniales, ce qui n’est pas sans rappeler les mots de Louise Dechêne : « On est à la fois la tante et la belle-sœur de quelqu’un, son mari et son cousin. Toutes les combinaisons sont possibles. Les relations sociales sont entretenues dans un cercle très étroit et, à partir d’une première parenté, les rameaux entretiennent des rapports d’amitié qui donnent naissance à de nouvelles unions144. »
102De cette comparaison entre les alliances inter-seigneuriales chez les nobles et chez les roturiers, on peut affirmer qu’en dépit du statut de résidants des familles étudiées, la capacité à s’allier à d’autres familles seigneuriales est souvent imputable à l’appartenance sociale. Les familles roturières, lorsqu’elles parviennent à marier l’un des leurs à un individu de même origine sociale (entendons par là de famille seigneuriale), doivent se limiter à la proximité géographique, enracinées à leur localité ou au mieux à leur région, absentes des réseaux de sociabilité de l’élite coloniale pourtant peu nombreuse. De leur côté, les familles nobles sont en état de choisir un conjoint, qui peut être d’origine seigneuriale, au-delà de leur zone de résidence, dans un marché matrimonial plus prestigieux et, de ce fait, élargi dans l’espace. Ce constat conduit à nouveau à percevoir la différence profonde, malgré l’appartenance au groupe des propriétaires seigneuriaux, entre résidants nobles et résidants roturiers. Ceci se manifeste d’ailleurs également lorsque l’on s’intéresse au lieu de résidence des familles seigneuriales alliées.
Tableau 3.8. – Répartition des familles seigneuriales alliées entre résidantes ou absentéistes.

103Dans l’ensemble, ces alliances concernent une majorité de familles seigneuriales résidantes145, dans une proportion de plus de 70 % avec 27 des 37 mariages inter-seigneuriaux. Cependant, la distinction est nette entre nobles et roturiers. Si les nobles épousent à peu près autant d’individus issus de familles seigneuriales résidantes qu’absentéistes, les roturiers se marient pour leur part exclusivement à des familles seigneuriales résidantes. Sachant que les familles roturières et d’humbles origines constituent une large part des seigneurs résidants laurentiens146, notamment dans la zone Côte-du-Sud/Bas-Saint-Laurent, on comprendra que ces alliances entres familles résidantes sont le plus souvent à l’image de celles alliant les familles seigneuriales Rioux, Côté et Lepage, c’est-à-dire à une strate assez basse dans l’échelle de dignité.
104L’influence de la parenté dans la conclusion d’alliances matrimoniales peut s’exercer dans le cadre de mariages consanguins ou d’échanges de conjoints entre familles seigneuriales. Il reste à présent à évoquer une dernière illustration du rôle joué par la famille.
Des mariages « remarquables »
105Lorsque dans une famille, plusieurs enfants épousent des frères et sœurs d’une autre famille, on parle de mariages remarquables. On utilise l’expression mariages remarquables parallèles lorsque deux frères épousent deux sœurs, tandis que les alliances entre un frère et une sœur avec un frère et une sœur sont dites croisées147. Ces échanges de conjoints sont habituellement considérés comme des stratégies matrimoniales visant, souvent, comme dans la Haute-Provence étudiée par Alain Collomp, à réguler les mécanismes de la reproduction familiale148. Dans la vallée du Saint-Laurent, où le système successoral n’a rien de l’inégalité provençale, les mariages remarquables, croisés ou parallèles, étaient par ailleurs très fréquents. Jacques Mathieu, notamment, s’est intéressé à cette question dans le cadre de travaux sur les alliances matrimoniales en lien avec la cohésion sociale, constatant l’importance des solidarités de voisinage et de l’endogamie149. De son côté, Louis Lavallée a pu observer spécifiquement les mariages remarquables dans la seigneurie de La Prairie, au sud de Montréal, de sa fondation jusqu’en 1760. Il affirme la fréquence élevée de mariages remarquables à La Prairie, à l’instar de la plupart des anciennes communautés rurales : « À La Prairie, les alliances matrimoniales permettent souvent de tisser des liens plus serrés entre familles de la même seigneurie et il est possible d’établir que les relations sociales sont la plupart du temps contenues dans un cercle très étroit qui fixe les limites de la sociabilité et donne la mesure de sa densité150. » Dans cette seigneurie, pour laquelle il a pu analyser 500 contrats de mariage, Louis Lavallée a repéré 78 mariages remarquables, parallèles et croisés151.
106Les mariages consanguins et inter-seigneuriaux analysés ont offert plusieurs exemples de mariages remarquables. L’observation spécifique de ce type d’alliance, généralement associé aux familles paysannes152, a relevé, parmi les 209 mariages d’enfants de seigneurs résidants, 26 « mariages remarquables », soit 12,4 %. En comparaison des mariages inter-seigneuriaux, qui comptaient pour 18 %, cette « stratégie » semble donc moins fréquente, ce qui confirmerait que le recours à ce type d’alliance était plus fréquent chez les gens plus modestes. Pour la population de La Prairie, ce sont d’ailleurs près de 16 % de mariages remarquables qu’a répertoriés Louis Lavallée153. Certaines familles seigneuriales n’eurent jamais recours à ce type d’union ; ce sont les Boucher de Boucherville, les Margane/Tarieu de Lavaltrie ainsi que les Delorme/Dessaules de Saint-Hyacinthe. Or, ces trois familles comptent parmi les plus prestigieuses du groupe. Ailleurs, les mariages remarquables sont épisodiques ; certaines familles y ont davantage recours, comme nous l’avons illustré par l’exemple des Rioux. Les solidarités tributaires de ces alliances ne sont pas nécessairement imputables au voisinage ou à un échange visant la préservation d’un patrimoine terrien. On peut parfois présumer qu’une première union a pu permettre à d’autres membres de la famille de se rencontrer et de s’unir par la suite. Le 27 janvier 1775, les familles Rioux et Boucher 154 sont réunies au manoir seigneurial de Trois-Pistoles, en présence du notaire Saindon, pour le contrat de mariage de Louise-Véronique Rioux, âgée de 22 ans, et de Jean-Baptiste Boucher, originaire de Kamouraska155. À cette occasion, plusieurs parents et amis du futur marié sont présents, dont Antoine, son frère. Un an plus tard, ce dernier, devenu veuf, épouse la sœur cadette de Louise-Véronique, Marie-Thérèse Rioux, âgée de 16 ans156. Il est fort probable que la rencontre entre cet habitant de Rivière-du-Loup et la fille du seigneur de Trois-Pistoles eut lieu au moment du contrat de mariage de l’année précédente.
107Occasionnellement, les mariages remarquables sont célébrés simultanément. Tel fut le cas, en 1720, lorsque Jean-Baptiste et Prisque Côté, fils du seigneur de L’Isle-Verte, épousèrent deux sœurs, Geneviève et Ursule Bernier, filles d’un navigateur de Cap-Saint-Ignace, belle illustration d’un mariage remarquable parallèle, scellé par une seule cérémonie157. La distance entre ces deux seigneuries est considérable, mais l’absence de population à L’Isle-Verte pousse les fils du seigneur à trouver ailleurs leur conjointe. D’ailleurs, deux ans plus tard, un troisième frère Côté épousera une troisième sœur Bernier, consolidant davantage les liens entre ces deux familles158.
108Ce sont parfois père et enfant qui épousent un frère et une sœur. Devenus veufs, certains seigneurs se remarient à une veuve, chargée d’enfants, conjoints potentiels pour ses propres enfants célibataires. Cette situation se produit à deux reprises au sein des familles étudiées. En janvier 1794, Étienne Rioux II, seigneur de Trois-Pistoles, devient veuf à la suite du décès de Rosalie Côté159. Père de sept enfants dont le cadet n’a pas deux ans, il se remarie un an plus tard avec Marie-Josèphe Lavoie, une célibataire de 33 ans originaire de Rivière-Ouelle160. Moins de deux ans plus tard, sa fille aînée, Cécile Rioux, âgée d’environ 17 ans, épouse le frère cadet de sa belle-mère qui devient, par la même occasion, sa belle-sœur161. Quant au seigneur, son beau-frère devient ainsi son gendre. Une situation similaire se produit à la Rivière-du-Sud à la suite du quatrième mariage du seigneur Louis Couillard. Un de ses fils, Jean-Baptiste-Charles, épouse la fille de sa belle-mère, Geneviève qui vient juste d’avoir dix-huit ans162. Celle-ci devient doublement la belle-fille du seigneur Couillard.
109Les mariages remarquables permettaient de développer des liens très étroits entre deux familles, mais dans l’ensemble du groupe, ce type d’union n’était pas si fréquent. De plus, le cas des familles Rioux, Côté et Lepage mis à part, ces mariages se limitent à une seule génération, donnant rarement lieu à des renchaînements d’alliance. Qui plus est, ils étaient souvent dictés par les conditions particulières du peuplement, ce qui conduit à la question de la provenance des conjoints.
Origines géographiques des conjoints : endogamie ou exogamie ?
110Il semble que les familles seigneuriales préfèrent souvent (ou sont contraintes, il est difficile de le savoir) s’unir à d’autres familles de leur localité, ou des localités environnantes, quitte à conclure des mariages hypogamiques. Dans le cas de la petite noblesse bretonne, Michel Nassiet explique l’hypogamie par des raisons géographiques liées à une mobilité limitée de ces familles : « Aussi est-ce d’abord parce que la pauvreté restreignait généralement sa quête matrimoniale à un cercle d’une dizaine de kilomètres que les familles de la plèbe nobiliaire ne pouvaient pas toujours trouver un parti convenable. C’était une première raison, négative, de courtiser les filles roturières163. » L’étroitesse des réseaux de sociabilité témoigne bien souvent de la modeste condition de certaines familles : « Un homme ne pouvait trouver un parti que dans le cercle familier où sa famille et son rang étaient connus164 », poursuit Michel Nassiet. De telles « mésalliances », moins fréquentes au sein des familles nobles, peuvent apparaître soit comme un possible repli sur la localité, causé par une incapacité à s’allier aux « bonnes familles » de l’élite coloniale, soit comme une volonté d’intégration à la communauté locale en s’unissant à des individus de l’élite seigneuriale ou paroissiale, voire aux familles pionnières qui, en dépit d’un statut modeste, bénéficient généralement des meilleures terres et deviendront, si ce n’est déjà le cas, des cultivateurs aisés et influents. La première explication témoignerait d’un échec tandis que la seconde constituerait davantage un choix familial et la preuve d’une intégration réussie au territoire où les familles seigneuriales sont enracinées. Néanmoins, dans un cas comme dans l’autre, il faut noter l’importance de l’endogamie géographique chez les familles seigneuriales résidantes.
111Déterminer l’endogamie ou l’exogamie seulement à partir de la provenance paroissiale ou extra-paroissiale du conjoint épousé constitue un critère fortement restrictif qu’il convient de remplacer par une notion plus précise visant à déterminer l’origine géographique de la personne épousée dans un rayon de proximité plus ou moins grande. En effet, un époux qui serait considéré comme originaire d’une autre paroisse (donc une alliance exogamique au sens strict) pourrait être un voisin plus rapproché qu’un habitant résidant à l’autre bout de la paroisse, surtout considérant le peuplement « en corridor continu » de la vallée du Saint-Laurent165. Dans cette optique, l’historien du Languedoc rhodanien, Élie Pélaquier, a élaboré une méthode très efficace pour déterminer et catégoriser la provenance des conjoints « étrangers166 » selon qu’ils sont originaires 1° du village étudié (Saint-Victor-de-la-Coste), 2° de la zone de proximité, 3° de la zone moyenne ou 4° de la zone éloignée. Cette méthode lui a permis de constater que 97 % des conjoints étaient originaires d’un rayon de moins de 20 kilomètres167.
112Nous nous sommes inspiré de cette méthode pour définir le lieu d’origine des conjoints des filles et fils de seigneurs résidants. C’est également la paroisse que nous avons retenue comme unité d’identification de la provenance puisque c’est elle qui est mentionnée aux actes de mariage. Comme paroisse et seigneurie sont généralement concordantes dans les localités étudiées, ce choix ne risque pas d’influencer les résultats168. La classification retenue est la suivante : conjoints originaires 1° de la paroisse/seigneurie étudiée, 2° d’une paroisse/seigneurie voisine, 3° d’une périphérie plus éloignée au sein du même gouvernement, 4° d’un autre gouvernement de la vallée du Saint-Laurent. Si les alliances de type 1, 2 ou 3 peuvent être considérées endogames, à divers degrés, celles de type 4 constituent de pures alliances exogames. Toutefois des nuances à cette typologie s’imposent. Les alliances endogames d’un point de vue régional (époux d’un même gouvernement) sont parfois conclues entre deux individus dont les domiciles sont passablement éloignés169. Par ailleurs, un mariage contracté entre deux individus provenant de gouvernements différents, donc a priori une alliance parfaitement exogamique, peut réunir un homme et une femme vivant dans des seigneuries peu éloignées170. Notons que lorsque les seigneuries étaient de gouvernements différents, mais voisines (ex. Grondines et Sainte-Anne-de-la-Pérade), les alliances ont été considérées comme endogames (type 2), puisqu’il s’agissait de paroisses limitrophes.
113En Bretagne au xixe siècle et au xxe siècle, 90 % des mariages ont lieu entre habitants de la même commune ou de communes proches171. Pour sa part, Gérard Bouchard a noté, au sein de la paysannerie du Saguenay, pour le xixe siècle, que la propension à épouser quelqu’un de sa paroisse est de 85 % et augmente même à 95 % si l’on tient compte des paroisses voisines172. Devant ces observations, auxquelles nous pourrions ajouter plusieurs autres exemples, et connaissant les difficultés liées aux déplacements dans la vallée du Saint-Laurent à cette époque, qu’en est-il des alliances contractées par les familles étudiées ?
114À première vue, le comportement matrimonial des enfants de seigneurs résidants se distingue davantage par l’exogamie que par l’endogamie. Si 22,5 % des unions sont conclues avec des conjoints de la même paroisse (type 1), une nette majorité implique des individus provenant d’ailleurs. Ceci semble infirmer une partie de l’hypothèse selon laquelle les familles seigneuriales résidantes se distinguent par leur repli sur leurs fiefs et par une « assimilation » à la population locale, souvent paysanne.
Tableau 3.9. – Provenance des conjoints des fils et filles de seigneurs résidants.

115En ajoutant aux unions strictement endogames, les mariages contractés avec des individus provenant de paroisses limitrophes, ce qui constitue toujours une zone de proximité, on compte près de 40 % des unions. De plus, un nombre considérable de mariages implique des conjoints provenant d’une paroisse, non pas voisine, mais située dans le même gouvernement (35 %). Dans la même logique, la proportion d’unions dont le conjoint peut être véritablement considéré comme d’origine « éloignée » se limite à 21 %. Ce sont les cas où le conjoint est originaire de l’un des autres gouvernements de la vallée du Saint-Laurent, et parfois, de l’extérieur de la colonie. Quoi qu’il en soit, ce nombre est bien en deçà des taux d’endogamie ci-haut évoqués.
Tableau 3.10. – Provenance des conjoints des fils et filles de seigneurs résidants selon le statut social de la famille.

116En observant le tableau 3.10, qui fait la distinction entre les familles résidantes appartenant à la noblesse et les roturières, la nature des comportements matrimoniaux se précise. Alors qu’à peine 12 % des membres de familles roturières ont un conjoint originaire d’un autre gouvernement de la colonie, ce sont 35 % des enfants de familles nobles qui prennent époux ou épouse loin de la seigneurie où ils résident. Cette question a d’ailleurs été soulignée précédemment lorsque nous avons abordé l’origine sociale des conjoints. À l’inverse, les familles nobles contractent assez rarement mariage à l’intérieur de leur seigneurie, contrairement aux familles roturières et lorsque cela se produit, les conjoints sont généralement issus des familles de la notabilité. De leur côté, les roturiers, nous l’avons vu, doivent bien souvent se satisfaire d’alliances « paysannes ».
117Chez les Giffard et Juchereau, seigneurs beauportois, en sept générations de résidants, on ne compte aucun mariage endogame (types 1 et 2 réunis) et lorsque les unions impliquent un conjoint de « proximité », ce sont le plus souvent des familles prestigieuses de la ville de Québec, dont Beauport n’est guère éloignée. Aussi, les Boucher ne s’unissent qu’exceptionnellement à des individus de Boucherville. S’ils choisissent des conjoints appartenant à la notabilité locale, ces alliances endogames n’en demeurent pas moins hypogamiques. En 1819, le fils cadet du seigneur de Boucherville, Thomas-René, épouse Clothilde-Joséphine Proulx, fille d’un marchand bourgeois du lieu, mais néanmoins roturière et d’appartenance moins illustre que ce à quoi sont habitués les enfants de la famille Boucher173. Parmi les familles nobles, ce sont les Couillard qui se distinguent le plus nettement en épousant fréquemment des individus provenant de leur seigneurie ou des environs, sans que, toutefois, les alliances exogames ne soient exclues.
118Il n’est pas étonnant de constater que les familles Rioux et Côté, seigneurs de Trois-Pistoles et de L’Isle-Verte, choisissent presque exclusivement leurs conjoints dans une zone de proximité, limitée à la région Côte-du-Sud/Bas-Saint-Laurent. Le caractère endogamique des alliances des membres de ces familles, tout comme celles de la famille Crevier de Saint-François ou Hamelin de Grondines, est à mettre en rapport avec la modestie de ces unions. Pour ces familles, les alliances « à grande distance » sont rares et, lorsqu’elles se produisent, ne témoignent pas nécessairement d’un mariage socialement réussi. C’est pour des raisons démographiques et non pour rechercher un candidat digne de leur statut seigneurial que les Côté ou les Rioux se déplacent hors de leurs terres pour trouver mari ou femme.
119Si l’endogamie « parfaite », c’est-à-dire strictement paroissiale, concerne moins du quart des mariages, on note néanmoins une tendance à l’endogamie dans un rayon plus ou moins grand. Le peuplement de la vallée du Saint-Laurent étant disséminé le long du fleuve, les distances à parcourir pour trouver un conjoint sont souvent néanmoins considérables ; en cela la situation est bien différente de celle du Languedoc d’Élie Pélaquier.
120La proportion élevée de mariages endogames pour les roturiers est à mettre en relation avec la difficulté à contracter des alliances homogames. On se marie chez soi (ou pas très loin) et rarement avec d’illustres candidats. En ce qui concerne les familles nobles, les mariages endogames (à l’échelle de la paroisse ou de paroisses voisines) peuvent toutefois prendre un autre sens puisque, au moins deux d’entre elles, les Boucher et les Giffard/Juchereau, demeurent près de Montréal et de Québec. La seigneurie et paroisse de Beauport est séparée de Québec seulement par la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges, tandis que Boucherville se situe à proximité de l’île et seigneurie de Montréal, sur la rive sud du fleuve. Or, plusieurs mariages « locaux » au sein de ces deux familles constituent en fait les unions homogames les mieux réussies d’un point de vue social174. Par contre, chez les Couillard, à la Rivière-du-Sud, les unions endogames se caractérisent davantage par leur modestie et l’assimilation aux familles locales, à l’instar de ce que connaissent les familles roturières175. Du lieu de provenance du conjoint, déplaçons à présent l’attention sur un autre aspect de l’origine des époux et épouses souvent tributaire de l’origine géographique : l’appartenance ethnique ou religieuse.
Épouser un « étranger »
121Jusqu’à la Conquête, la vallée du Saint-Laurent se caractérise par une homogénéité culturelle et ce malgré les origines régionales diversifiées des immigrants français et d’un certain nombre d’éléments « étrangers ». D’un point de vue religieux, notamment, la Nouvelle-France constitue une colonie exclusivement catholique, puisque les Protestants y étaient proscrits176. Après 1760, malgré le début modeste de l’immigration d’origine britannique, la colonie connut une situation de mixité religieuse et ethnique. Cette mixité allait évidemment se répercuter jusque dans les comportements matrimoniaux et les familles seigneuriales donnèrent l’exemple :
« Les mariages interculturels semblent beaucoup plus nombreux dans l’élite seigneuriale que dans la bourgeoisie nationaliste. Habituée au service des armes, l’ancienne élite nobiliaire canadienne recherche des alliances avec les anglophones. Cette classe décadente s’accroche à l’État colonial et aux nouveaux dirigeants britanniques177. »
122C’est en ces mots peu flatteurs que Serge Gagnon décrit l’attitude de l’élite seigneuriale en regard des mariages interculturels. Sachant que les familles seigneuriales canadiennes furent nombreuses, et parmi les premières, à conclure des alliances interethniques ou inter-religieuses, l’attitude des familles seigneuriales résidantes à cet égard mérite d’être analysée.
123Nous avons retenu tous les mariages dont le conjoint ou la conjointe était d’origine ethnique autre que française, qu’il soit ou non né hors de la vallée du Saint-Laurent. Puisque ces unions ne concernent que la période postérieure à la Conquête, nous n’avons retenu, dans cette section, que les alliances conclues après 1760 pour établir la juste mesure du phénomène, cela représente 108 mariages, célébrés entre 1760 et 1917178. De ces 108 mariages, seulement treize impliquent un conjoint d’ascendance autre que française, soit 12 % des alliances contractées après la Conquête. Les alliances mixtes sont loin d’être généralisées au sein du groupe des propriétaires seigneuriaux. Eu égard aux alliances interculturelles, le clivage nobles/roturiers apparaît clairement. Les quatre familles nobles comptent à elles seules douze des treize alliances, une seule appartenant à une famille seigneuriale roturière.
124C’est au sein de la famille seigneuriale Delorme, à Saint-Hyacinthe, que nous retrouvons le seul mariage interculturel non noble. En 1779, la fille unique du premier seigneur de l’endroit, Marie-Josephte, épouse Pierre-Dominique Debartzch179, un marchand-négociant dont le père était originaire de Gdansk en Pologne. Par cette union, il devient lui-même co-seigneur d’une partie indivise de Saint-Hyacinthe. Parmi les cinq autres familles roturières, aucune alliance interculturelle.
125Plusieurs de ces alliances sont contractées devant un pasteur protestant, en dépit des origines catholiques des dix familles, témoignant de la capacité d’adaptation du groupe, du moins des nobles. Les circonstances de la célébration de certaines de ces unions sont mal connues, tandis que pour d’autres, nous bénéficions de renseignements plus considérables. Lors d’un séjour en Grande-Bretagne, où il sert dans l’armée, vers 1800, Jean-Baptiste Juchereau, deuxième fils du seigneur de Beauport, prend pour épouse Eliza Jones, dont on ne sait à peu près rien180. Avant lui, aucun membre de cette famille ne s’était uni à un Britannique. Par la suite, d’autres Juchereau uniront leur destinée à celle d’anglo-protestants. En 1818, Antoine-Narcisse Juchereau, futur seigneur de Beauport, prend pour épouse Sophie Guérout, fille de Pierre Guérout, député et immigrant français, de confession protestante. La mère de celle-ci, Marie-Josephe Woolsey, est, quant à elle, anglophone et catholique. L’épousée a elle-même été baptisée selon le rite catholique, mais le mariage est célébré par le pasteur anglican John Jackson de Christ-Church à William-Henry (Sorel)181. Dix ans plus tard, la sœur cadette d’Antoine-Narcisse, Louise-Sophie, prend pour époux Bartolomew-Conrad-Augustus Gugy, à l’église anglicane Christ-Church de Montréal. Avocat, militaire et seigneur, Gugy appartient à une famille calviniste d’origine suisse, loyale à la couronne britannique. Adversaire redoutable des Patriotes lors des rébellions de 1837-1838, le colonel Gugy termina ses jours dans sa villa à Beauport182.
126Au sein des autres familles nobles, il faut aussi attendre le xixe siècle avant de voir de telles alliances mixtes. On en compte trois à Lavaltrie, chez les Tarieu de Lanaudière. À William-Henry, dans l’église anglicane, en 1821, Marie-Antoinette Tarieu épouse le médecin d’ascendance allemande et luthérienne Peter-Charles Lœdel dont le père était débarqué dans la colonie parmi les Brunswickers, mercenaires allemands venus prêter main-forte à la Grande-Bretagne lors de la révolution américaine. À l’instar de plusieurs de ses compatriotes, Lœdel choisit de demeurer en Amérique183. Les autres mariages interculturels dans la famille seigneuriale de Lavaltrie seront célébrés plusieurs décennies plus tard, à la fin du xixe siècle184. À Boucherville, on ne compte qu’une union interculturelle. Il s’agit du mariage entre Charles-Eugène Boucher de Boucherville et Susan-Élisabeth Morrogh, célébré en 1861.
127Ces mariages constituent des exceptions parmi toutes les alliances répertoriées et surviennent généralement assez tard dans le temps, longtemps après la Conquête. On ne peut donc pas y voir de véritables stratégies matrimoniales visant à jouir des bienfaits du conquérant, mais plutôt des alliances dictées par une affinité, une appartenance à une élite dont l’anglophilie et les liens avec le pouvoir colonial britannique se sont tissés depuis plusieurs décennies déjà. L’absence de mariages entre filles et fils de seigneurs résidants et des Britanniques au lendemain de la Conquête est contraire à l’idée que l’on s’en fait le plus souvent. Le fait d’observer des seigneurs « campagnards », tandis que les nouveaux arrivants transitent généralement par la ville, peut, sans doute, constituer une explication, mais nous avons également précisé que, pour les familles nobles, la ville représente justement souvent un lieu de rencontre privilégié, conduisant parfois au pied de l’autel.
Des motivations économiques : regard sur les douaires
128Si cette étude des seigneurs résidants jette principalement un regard « social », il est évident qu’en ce qui concerne l’alliance, le critère économique doit être pris en considération dans la mesure où il peut contribuer à expliquer certains mariages. Bien qu’ayant fait le choix de ne pas aborder spécifiquement la question des « fortunes » seigneuriales, il est tout de même intéressant d’observer succinctement l’enjeu économique que pouvait représenter le mariage et dont les contrats de mariage peuvent donner idée, puisqu’ils permettent de connaître indirectement la richesse des époux ou de leurs parents185. L’étude du douaire, pension viagère consentie à l’épouse par le mari et prélevée des biens de la communauté à la mort de celui-ci, permet une telle analyse. Cette somme, mentionnée au contrat de mariage, permet de circonscrire le milieu économique auquel appartient l’époux. Ce sont donc principalement les mariages des filles de seigneurs qu’il sera ici donné d’observer par le truchement des clauses testamentaires incluses au contrat de mariage.
129Le douaire pouvait être préfix (ou conventionnel), c’est-à-dire, convenu au contrat entre les parties, ou encore coutumier, équivalent alors à l’usufruit de la moitié des biens propres du mari. Une seconde disposition testamentaire présente au contrat de mariage peut s’avérer révélatrice de la richesse du conjoint, le préciput : la somme d’argent ou les biens préservés par le conjoint survivant (sans considération du sexe). Celui-ci est cependant presque systématiquement égal à la moitié du douaire et n’apporte que peu d’informations additionnelles. C’est donc au douaire que nous avons porté attention. Comme le soulignait Geneviève Postolec : « Minimiser [la] valeur [du douaire] et l’importance de celle-ci revient à ne pas tenir compte de toute une partie importante des contrats et à occulter les différences qui peuvent exister entre les familles186. » En établissant une corrélation entre ces indicateurs de richesse et l’appartenance sociale des individus, il est possible de préciser les motivations matrimoniales au sein des familles seigneuriales.
130Compte tenu du nombre limité de contrats disponibles (101), de la longue durée de l’étude ainsi que de la variété des monnaies de référence, il s’est avéré inadéquat de calculer la valeur moyenne des douaires consentis aux filles de seigneurs par leurs futurs époux. Par contre, un certain nombre d’exemples suffisent à constater le clivage déjà évoqué entre les nobles et les roturiers, malgré certaines exceptions. Le fossé séparant les familles seigneuriales modestes et demeurant en périphérie et les autres indéniablement reliées à l’élite ou à la noblesse coloniale se confirme. La similitude des premières avec les habitants de la vallée du Saint-Laurent, en matière de douaires, révèle bien l’incapacité de celles-ci à assurer aux leurs des unions dignes de leur rang supposé. Comme nous l’avions aperçu avec l’analyse de la reproduction « seigneuriale », puis à nouveau par la difficulté à conclure des mariages homogamiques, les familles roturières demeurent en marge. Leurs enfants, et notamment leurs filles, incapables de maintenir leur rang, ne sont pas davantage capables d’épouser de riches conjoints. Certains conjoints, en apparence modestes, auraient pu se révéler être des habitants prospères, contribuant alors à expliquer ces choix familiaux à première vue peu glorieux. Or, c’est plutôt la confirmation de conjoints bien humbles qui résulte de l’observation des douaires. À Trois-Pistoles, à la fin du xviiie siècle, les quatre filles du seigneur Rioux se marient avec des habitants et trois d’entre elles se font promettre, au contrat de mariage, un douaire de 300 livres 187 (et un préciput de 150 livres), Marie-Catherine, quant à elle, se voit consentir un douaire de 600 livres lorsqu’elle épouse André Lévesque en janvier 1777188. Considérant les observations de Geneviève Postolec pour la paroisse de Neuville entre 1669 et 1789, où la valeur moyenne des douaires s’établit à 475 livres189, on comprend bien que ces filles de seigneur ne sont pas particulièrement choyées. La situation est similaire à L’Isle-Verte. À Grondines, Saint-François-du-Lac ou Baie-Saint-Antoine, seigneuries situées entre Québec et Montréal, les douaires sont plus importants et témoignent parfois d’époux mieux avantagés. Si Marie-Thérèse Lefebvre obtient un douaire de 1 000 livres lors de son mariage avec Joseph Desrosiers, en 1729190, sa sœur Marie-Madeleine ne se voit consentir pour sa part que la moitié de cette somme lorsqu’elle épouse Simon Provancher, en 1734191. Les deux époux n’ont d’autre qualité que celle d’habitant. À Grondines, à la même époque, les filles du seigneur Hamelin semblent pouvoir escompter épouser un candidat un peu mieux pourvu que ce que constate Geneviève Postolec à Neuville, non loin de là. Ainsi, Marie-Madeleine Hamelin obtient une promesse de douaire de 1 500 livres lors de son contrat de mariage avec un habitant de la seigneurie, Louis Trottier, en 1724192 ; sa sœur cadette, Jeanne-Angélique, en épousant le notaire Arnould-Balthazar Pollet obtient encore mieux, soit un douaire de 2 000 livres, attestant de la condition de son futur époux193. Deux autres filles de la famille sont douées de la somme de 1 000 livres lors de leur mariage respectif avec le capitaine de milice de la paroisse et un habitant de la seigneurie voisine194. Ces douaires, supérieurs à la moyenne de ceux consentis par les habitants canadiens à l’époque, confirment des conjoints aux positions sociales enviables dans la communauté (capitaine de milice, notaire) ou des époux, en apparence modestes, mais vraisemblablement appartenant aux strates supérieures de la paysannerie. Les fils de la famille Hamelin ne sont pas en reste. Lorsque Louis Hamelin épouse Catherine Neveu, fille d’un important marchand-bourgeois de Montréal, il lui promet un douaire s’élevant à 3 000 livres195, attestant de la réussite professionnelle de cet « exclu » du titre seigneurial, lui-même marchand de fourrures, mais aussi de la condition de l’épouse. Situation bien différente de l’héritier de L’Isle-Verte, Jean-Baptiste Côté IV qui consent un douaire de 500 francs à son épouse, en 1781, tandis que celle-ci apporte à la communauté une vache, une génisse et deux moutons à son choix196.
131De leur côté, les filles nobles se voient le plus souvent consentir des douaires équivalents à leur statut ainsi qu’à celui de leur époux. Les demoiselles Juchereau, à Beauport, en prenant pour époux des conjoints nobles, français ou coloniaux, obtiennent jusqu’à 6 000 livres de douaire, souvent 3 000197. Quant au futur seigneur Antoine Juchereau II, il promet à sa future épouse un douaire de 10 000 livres, en 1765, attestant de la fortune de cette famille seigneuriale à la fin du xviiie siècle198. Il en est de même à Boucherville, où Jeanne Boucher obtient en douaire la somme de 4 000 livres, en prenant pour époux Jacques-Charles de Sabrevois, en 1695199, tandis que les sœurs Louise-Charlotte et Marie-Catherine Boucher, en 1749 et 1764, sont douées chacune de 6 000 livres à prendre au décès de leur futur époux, les marchands Jacques Perreault et Jean-Louis Frémont200. À nouveau, les Couillard de la Rivière-du-Sud, en dépit de leur anoblissement, apparaissent dans une situation intermédiaire et les douaires consentis par les fils de la famille sont variables selon l’identité et le statut de l’épouse201. Alors que Joseph Couillard consent un douaire d’à peine 600 livres lors de son mariage avec Marie-Marthe Bélanger, la fille du seigneur bien modeste de L’Islet-de-Bonsecours202, tout comme Paul Couillard envers Marie-Josephte Couture 203 ou encore Jacques Couillard envers Marie-Françoise Bernier204, toutes alliances endogames de cadets, Jean-Baptiste Couillard, seigneur, promet pour sa part un douaire de 6 000 livres lorsqu’il épouse Marie-Angélique Chaussegros de Léry, fille de Gaspard-Joseph, ci-devant ingénieur du roi, en la ville de Québec205. On comprend que non seulement le rang dans la famille, mais également l’époque à laquelle surviennent ces mariages, peut influer sur le montant des douaires. À la fin du xviiie ou au xixe siècle, les familles seigneuriales jouissent de revenus certainement (seigneuriaux à tout le moins) plus considérables qu’en période fondatrice.
132Cette incursion du côté des considérations économiques qui accompagnaient l’alliance tend à confirmer les constats émis jusqu’ici, notamment un clivage entre nobles et roturiers, malgré l’existence de situations intermédiaires. Ceci nous amène à une dernière considération en matière de motivations matrimoniales, une motivation somme toute naturelle, mais souvent occultée au sein des sociétés anciennes, particulièrement dans les groupes sociaux privilégiés : l’affection et l’amour.
Et l’amour alors ?
133La longue période couverte par cette étude ne peut être, à tous points de vue, étudiée comme un bloc monolithique. S’il nous apparaît évident que les unions seigneuriales des xviie et xviiie siècles étaient influencées par des considérations socio-familiales autres que le bon vouloir des époux, et là encore les sources manquent pour l’affirmer, on peut supposer que la société du xixe siècle fut moins rigoureuse en matière de hiérarchies sociales et plus ouverte en ce qui concerne le libre-arbitre des individus.
134Les motivations profondes du choix d’un conjoint ne peuvent être connues. Que savons-nous des amitiés des seigneurs ou de leurs relations de voisinage ou d’affaires qui pourraient parfois expliquer ce qui apparaît, dans certains cas, comme des mésalliances ? De plus, bien que l’amour entre les époux comme cause du mariage soit un phénomène relativement contemporain, est-il absolument impensable que certaines unions aient été formées par des couples tout simplement… amoureux206 ? Évidemment pas, d’autant plus que les familles seigneuriales roturières attestent bien, par la modestie des alliances contractées, d’une situation fort probablement semblable à ce que décrit Gérard Bouchard en parlant des paysans du Saguenay qui interviendraient peu sur le choix des conjoints de leurs enfants207.
135Chez les familles nobles, ou même les familles appartenant à la bonne bourgeoisie, la situation était évidemment plus contrôlée, mais là encore, l’homogénéité sociale n’implique pas nécessairement que l’époux ou l’épouse soit choisi par les parents. Comme le souligne Martine Ségalen, l’imposition d’un conjoint par les parents importe assez peu puisqu’« hier comme aujourd’hui, on tend à épouser son semblable, sur le plan social ou professionnel208 ».
136Malgré l’impossibilité d’une analyse exhaustive de cette question pour l’ensemble des couples de l’échantillon, la documentation relative à certaines unions (ou tentatives d’unions) permet d’imaginer la place de l’amour et de la liberté dans le choix d’un conjoint. Il existe, pour certains couples que nous avons étudiés, de la correspondance, ou d’autres sources qui laissent entrevoir les sentiments. Néanmoins, ce type de documentation, surtout à une période où l’échange épistolaire était à la mode parmi l’élite, doit être utilisé avec parcimonie. Dans son étude sur l’élite canadienne au xviiie siècle, Lorraine Gadoury a eu recours à un imposant corpus de lettres qu’elle ne manque pas de critiquer :
« La correspondance suppose un certain éloignement qui peut influencer le caractère des sentiments exprimés. Les lettres contiennent aussi des silences qui sont difficiles à rendre et à comprendre et nous savons bien que ce qu’on dit à un correspondant n’est pas toute la vérité, mais une version subjective de celle-ci : on ne se raconte pas de la même façon à sa mère, à son mari ou à une cousine 209… »
Une noblesse rigoureusement contrôlée
137Au sein des familles seigneuriales d’origine modeste, à part quelques cas au xixe siècle, nous ne possédons pas beaucoup d’indices du contrôle familial en matière de mariage, ni en ce qui concerne la place des sentiments. Dans ces familles, malgré une ascension sociale ayant permis l’accès à la propriété seigneuriale, le maintien au sein de ce groupe élitaire est apparu à plusieurs niveaux, bien difficile. En matière d’unions matrimoniales, cela se manifeste par des conjoints majoritairement roturiers et très modestes, ce qui permet de croire à une possible liberté de choix, du moins lorsque celle-ci n’est pas contrecarrée par les réalités géographiques. Le seigneur de L’Isle-Verte, au xviiie siècle, n’avait peut-être pas la volonté d’imposer des conjoints pour ses enfants, mais l’éloignement de la seigneurie et le marché matrimonial limité de cette région constituait néanmoins une limite à la liberté de choix. De leur côté, les familles nobles, conscientes de leur dignité, souvent récemment acquise, ont davantage intérêt à contrôler les unions des leurs.
138L’exemple des amours contrariées du seigneur de Beauport, Antoine Juchereau Duchesnay I, offre une illustration peu commune de l’ampleur que pouvait prendre le contrôle familial sur le choix d’une épouse dans une famille seigneuriale noble. En février 1737, la seigneuresse, Marie-Catherine Peuvret, âgée de 70 ans, s’oppose ardemment aux fréquentations de son fils Antoine avec la fille d’un habitant de leur seigneurie, Marie-Louise Parent. En dictant son testament, au manoir seigneurial, le 24 février de cette année, la seigneuresse, veuve depuis plus de vingt ans, déshérite Antoine, le seul de ses fils vivants à ne pas avoir quitté la vallée du Saint-Laurent :
« La dite Dame Veuve du Chenay […] a deshérité et déshérite le dit Antoine Juchereau son fils de la partie et portion héréditaire, mobiliers et immobiliers qui pourrait échoir au dit Antoine Juchereau son fils par le décès d’elle […] et jouisse seulement le dit Antoine Juchereau de l’usufruit de la dite portion héréditaire sa vie durant pour sa subsistance210. »
139La seigneuresse justifie cette exhérédation ; Antoine s’apprêterait à épouser sans son consentement : « La fille du nommé Joseph Parent, jumeau, nommée Louise Parent, un de ses habitants. […] Nous déclarant la ditte Dame Veuve du Chenay que la fréquentation de la fille du dit Joseph Parent a engagé son dit fils a des dépenses considérables prenant de la maison tout ce qu’il peut luy donner. » Elle précise ensuite qu’elle a bien tenté de raisonner son fils, mais sans succès :
« Son dit fils a négligé et s’obstine […] par son peu de respect et libertinage, s’étant adonné à des attaches qui luy conviennent assez peu, qu’elles doivent le couvrir de honte et font gémir de douleur toute la famille encore bien qu’elle l’ait souvent averti, sollicité et prié […] de changer de conduite, et de quitter ses idées qui l’affligent infiniment […] depuis longtemps, elle demande à son fils de s’attacher à quelque demoiselle qui luy convienne ne pouvant recevoir que plus grande satisfaction de sa part que de le voir établi de son agrément avant sa mort 211… »
140La nature exacte de la relation entre Marie-Louise Parent et le seigneur Juchereau n’est pas connue ; on sait toutefois qu’ils avaient été ensemble parrain et marraine à deux reprises au sein de la famille Parent. Leur relation paraît durer depuis plusieurs années, mais on ne recense aucune naissance illégitime de cette union. Née à Beauport, le 7 avril 1717, Marie-Louise Parent est âgée de 20 ans au moment de ces événements, le seigneur Juchereau en a 33. On ne peut savoir si Antoine Juchereau eut véritablement l’intention d’épouser cette fille du « jumeau Parent », mais il semble bien que sa mère ait craint une telle mésalliance, redoutant peut-être la répétition d’un épisode lors duquel, vingt ans plus tôt, un autre de ses fils, s’étant aussi adonné à de telles « attaches », avait fait un enfant naturel à une fille d’habitant212. L’enfant, baptisé dans l’anonymat de la ville, était décédé au bout d’un mois et le père n’avait, selon toute apparence, pas eu l’intention d’épouser la fille « séduite ». Dans le cas d’Antoine, les menaces maternelles semblent bien porter fruit puisque, moins de deux mois plus tard, Marie-Catherine Peuvret passe un nouvel acte par lequel elle casse l’acte d’exhérédation de février :
« Son fils luy ayant donné toute son contentement et satisfaction et particulièrement dans la recherche et demande qu’il a fait de mademoiselle Marie Françoise Chartier de Lobinière [sic], fille de messire Eustache Chartier écuyé seigneur de Lobinière conseiller du roy au Conseil Supérieur de la Nouvelle-France et grand archidiacre du diocèse de Québec pour épouse213. »
141Satisfaite du « choix » de son fils, la seigneuresse ne s’en contente cependant pas et fait ajouter une clause à cet acte qui prévoit qu’en cas de décès de la demoiselle Chartier, Antoine ne pourra contracter, même si elle décède, sans son consentement « avec la personne exprimée dans le dit acte [Marie-Louise Parent] ou avec une autre qui ne serait pas d’une condition convenable214 ». Puis, quelques jours avant le mariage, prévu le 13 mai 1737, la seigneuresse fait rédiger un troisième acte notarié, le 10 mai, par lequel elle fait don et cession à son fils d’une somme de 22 000 livres, en monnaie de carte, pour les « bons et agréable service qu’il luy a rendüe et lui rend journellement215 »…
142Marie-Louise Parent fut-elle affligée par cette rupture ? Nul ne sait si cette jeune femme s’était imaginée seigneuresse de Beauport, mais elle ne mit guère de temps à convoler avec un individu qui lui était mieux assorti. En janvier de l’année suivante, elle épouse à Beauport un veuf originaire de France, Antoine Bonnet216.
143Ces événements du printemps 1737 témoignent du contrôle rigoureux qui prévalait dans cette famille en regard du mariage. Parce qu’il y eut conflit entre la mère et le fils, qui conduisit à la rédaction de documents, on peut connaître le contexte et l’absence de liberté de choix, du moins lorsque le choix s’exerce hors des normes nobiliaires. Ainsi, on peut supposer que dans la majorité des cas, les familles nobles n’eurent pas à s’opposer à de telles amours, ce qui ne signifie pas qu’il n’en existait pas, mais seulement qu’elles ne conduisaient habituellement pas au pied de l’autel. Entre le fils de bonne famille séduisant une jeune paysanne et l’autre qui veut l’épouser… il y a un pas, un fossé même, qu’on ne franchit pas.
144Un second exemple, puisé à la même époque parmi les enfants de la famille Boucher de Boucherville offre une situation différente où une union, à première vue, dérogeant aux normes sociales de ce groupe privilégié, ne semble pas avoir mené à de telles contestations. En mai 1735, le fils cadet de Pierre Boucher II et de Marguerite-Charlotte Denis, prend pour épouse Françoise Gingras dite Bourote217. Au moment de son mariage, Charles Boucher est âgé de 29 ans. L’épousée, roturière, trois fois veuve, a 59 ans ; elle est de trente ans son aînée et n’a pas d’enfant. Cette alliance entre un fils noble et une veuve roturière aussi âgée n’avait rien pour plaire à sa famille. Le notaire Hiché spécifie que le fils a obtenu l’agrément de ses parents « par une déclaration sous signature privée que le dit sieur Boucher de Boucherville […] a fournie en date du 12 mars, certifiée de luy véritable218 ».
145La situation est différente de celle d’Antoine Juchereau, héritier de la seigneurie. De son côté, Charles Boucher a trois frères aînés dont deux sont mariés, la succession au titre de seigneur de Boucherville est assurée et ne lui échoit pas. Il est marchand et réside déjà à Québec en 1735. En épousant une veuve de marchands et d’un capitaine de navire, qui ne lui donnerait pas d’enfants, on peut imaginer des considérations pécuniaires davantage qu’affectives. Leur contrat de mariage, signé la veille de la cérémonie religieuse réunit, malgré le caractère inhabituel de cette union, plusieurs grands personnages de Québec, dont Pierre de Gannes de Falaise, prêtre chanoine de la cathédrale de Québec, Claude Bermen de la Martinière ou encore le riche négociant Étienne Charet. Toutefois, à l’exception d’un cousin et d’une cousine, aucun membre de la famille Boucher n’est présent219. À cette époque, ses parents étaient toujours vivants, mais ils ne semblent pas s’être opposés de façon aussi catégorique que ne le fera la mère d’Antoine Juchereau quelques années plus tard. D’un silence des sources, nous ne pouvons cependant pas déduire une bénédiction parentale.
146Le mariage des enfants de familles seigneuriales nobles est de toute évidence régi par une série de conventions auxquelles veillent les parents. Toutefois, des écarts aux comportements attendus sont possibles, comme en témoigne l’alliance de Charles Boucher à une veuve en âge d’être sa mère. Ainsi, au-delà des normes sociales, ce sont les spécificités familiales et individuelles qu’il faudrait pouvoir appréhender. N’eut été de l’obstination de sa mère, Antoine Juchereau aurait peut-être donné à sa seigneurie une seigneuresse de souche paysanne. Ces réalités, l’historien ne peut que très rarement les saisir dans leur globalité.
147Par ailleurs, accessibles à l’historien sont les relations conjugales qui aboutissent devant les tribunaux, attestant d’une réelle mésentente. De tous les couples seigneuriaux étudiés, un seul vécut une relation conflictuelle à ce point qu’elle fut portée devant la justice220. Antoine Juchereau Duchesnay II devint, en 1773, veuf de Julie-Louise Liénard de Beaujeu, de qui il avait eu trois enfants221. Il met cinq ans avant de convoler à nouveau, épousant Catherine Dupré en mai 1778. De sa seconde femme, il aura également trois enfants. Après quelques années de vie conjugale paisible, selon les déclarations des époux eux-mêmes, la relation semble s’être considérablement détériorée au point d’en arriver à des procédures judiciaires qui durèrent de 1795 à 1798. C’est d’abord la seigneuresse qui, se plaignant des mauvais traitements de son mari, demande la séparation de « corps et d’habitation222 ». De son côté, le seigneur intente également des procédures accusant sa femme d’adultère avec le juge Pierre-Amable de Bonne, demandant même sa réclusion dans un couvent223. Après que de Bonne et la seigneuresse eussent eu gain de cause 224 (de Bonne étant lui-même juge à la Cour du banc du roi depuis 1794), un jugement en séparation de corps et d’habitation est prononcé à la requête de Catherine Dupré. Ce jugement ordonne « que les dites parties sont et demeureront séparées […] et permet à la demanderesse de se choisir et prendre tel domicile que bon lui semblera, fait défense et inhibition expresse au défendeur de troubler et molester la dite demanderesse […] condamne le défendeur à tous les frais et dépens225 ». L’histoire ne s’arrêtera pas là puisque, en 1798, Catherine Dupré est de retour devant les tribunaux, se plaignant que depuis la séparation, son mari la prive de voir ses enfants226. Enfin, dans son testament, dicté la veille de Noël 1802, au manoir de Beauport, Antoine Juchereau Duchesnay II souligne qu’il n’a pas oublié l’attitude de son épouse : « Comme je regarde la conduite qu’a tenu Dame Catherine Dupré ma seconde femme tant à mon égard qu’à celui de ses enfants qu’elle a laissé sans raison qui puisse l’en excuser227 », et s’assure que celle-ci ne puisse agir comme tutrice de leurs enfants mineurs. Dans le même testament, il demande d’ailleurs à être inhumé dans l’église de Beauport, auprès de sa première femme, de son père et de ses enfants.
148Les difficultés opposant le seigneur Juchereau et sa seconde épouse témoignent d’une vie de couple hautement conflictuelle. Connus grâce à leurs démêlés judiciaires, les malheurs de ce couple furent probablement exceptionnels parmi les couples étudiés, néanmoins, ils attestent de l’existence d’unions pour le moins mal assorties, peut-être imputables à la manière dont pouvaient être organisés les mariages parmi le groupe nobiliaire. Si Juchereau et sa femme se séparèrent pour incompatibilité de caractères, d’autres couples, apparemment unis, furent séparés un peu malgré eux.
L’amour des couples séparés…
149Afin de connaître les sentiments qui unissent les couples mariés, la correspondance échangée lors de périodes de séparations prolongées constitue une documentation extrêmement parlante, malgré les précautions dont on doit entourer ce type d’écrit. Toutefois, selon Helen K. Rothman, ces lettres sont importantes parce qu’elles « représentent plus que des artéfacts d’une relation ; dans plusieurs cas elles sont, pour un temps, la relation elle-même228 ». Encore une fois, ce sont surtout les familles de la noblesse pour lesquelles des échanges épistolaires ont été conservés229. Dans ces cas, principalement à la fin du xviiie et au commencement du xixe siècle, les couples sont cependant déjà unis, parfois depuis de longues années. Ces missives ne peuvent nous renseigner sur l’amour qui a pu exister entre les époux au moment de leur mariage, mais néanmoins offrir une image des sentiments qu’ils éprouvent l’un pour l’autre et qui ont pu se développer au fil de leur vie commune.
150Parmi ces relations épistolaires dictées par l’éloignement des conjoints, la famille seigneuriale de Lavaltrie constitue un exemple intéressant qui touche deux générations. Pierre-Paul Margane de Lavaltrie et sa femme Marie-Angélique Lacorne de Chapt sont séparés pendant quelques années (1787-1789), celle-ci étant en France.
151Puis, la fille de ceux-ci, Suzanne-Antoinette (Susette) Margane de Lavaltrie et son mari Gaspard Tarieu de Lanaudière s’écrivent entre 1796 et 1797.
152L’absence de son épouse et de sa fille semble éprouvante pour Pierre-Paul Margane de Lavaltrie comme en témoigne cet extrait d’une lettre à Marie-Angélique, à qui il écrit peu de temps après son départ pour la France, où elle rend visite à des membres de la famille Lacorne de Chapt émigrés après la Conquête.
« Ma chère et tendre amie, je n’ai reçu il n’y a que trois jours la lettre que tu m’as écrite de B… Que de sensations différentes j’ai éprouvé et j’éprouve à chaque instant ma chère amie depuis que je me vois séparé de toi et de ma trop chère Susette. Je n’ai pas dormi deux heures par nuit depuis ce moment fatal, sans cesse j’ai dans la pensée tout ce qui m’intéresse au monde, et si je sommeille un instant, je jouis de la douce ivresse de me voir avec vous mais hélas que le réveil ne fait bien voir le faux de mon illusion. Ah ! dignes et respectables amies, quel sera le terme de notre séparation ? Pour peu qu’elle soit prolongée, elle sera éternelle230. »
153Au moment de cette séparation, le couple seigneurial de Lavaltrie est uni depuis plus de vingt ans et leur fille « Susette » est âgée de quinze ans. Que ce mariage ait été ou non arrangé par leurs familles respectives, toutes deux appartenant à la noblesse coloniale, la relation qui s’est développée entre eux apparaît harmonieuse et l’éloignement accablant. Ces situations paraissent révélatrices aux yeux de Lorraine Gadoury :
« Il est certain que cette fin du xviiie siècle est une époque où, en Europe, l’amour conjugal est à la mode et où les sentiments entre époux ont tendance à s’exprimer plus ouvertement dans les lettres. […] Le contenu des lettres entre ces époux légitimes nous permet […] de relever l’amour que les conjoints se portent et qui leur fait sentir la douleur d’être séparés 231… »
154Cette « mode » épistolaire chez l’élite incite cependant, nous semble-t-il, à poser l’hypothèse d’une possible exacerbation de la réalité des sentiments vécus au quotidien entre les conjoints.
155Parfois, c’est par les propos d’une tierce personne que la nature de la relation conjugale nous est révélée. Dans une lettre adressée à Marie-Angélique Lacorne de Chapt par sa cousine Lacorne Campbell, en 1788, pendant ce même séjour en France, on évoque l’affection de son époux resté au Canada : « Lavaltrie nous a fait le plaisir la semaine dernière de passer quelques [heures] avec nous ; nous avons parlé souvent de toi et sa chère Suzette ; il s’ennuie à la mort et est décidé à tout abandonner pour aller vous rejoindre si c’est vos intentions de rester en France232. » S’il feint d’éprouver du chagrin, le seigneur de Lavaltrie ne se contente pas de le communiquer à son épouse, mais également à ceux de son entourage demeurés au Canada, ce qui nous autorise à croire en la sincérité de ses sentiments.
156La correspondance échangée entre leur fille Suzanne-Antoinette et son mari, Charles-Gaspard Tarieu de Lanaudière, témoigne d’une similaire difficulté à vivre la séparation prolongée :
« Tu me marques que tu t’ennuies, je puis t’assurer que je ne me fais pas à être éloignée de toi. Vois mon cher ami, les journées me paraissent des siècles, je ne peux pas te le dire sans avoir le cœur bien gros. […] Je ne voudrais que de t’avoir avec moi, je ne me fais pas à ton absence qui est si longue233. »
157Que ces unions soient le fruit d’un amour ou plutôt la construction d’une relation d’« amitié », nous avons affaire à des couples unis et qui ne sont pas indifférents au fait d’être séparés, ce qui déjà, témoigne d’une affection marquée.
158La seconde famille qui nous est connue par ses échanges épistolaires est celle des Dessaules, seigneurs maskoutains du xixe siècle, plus précisément les écrits de Louis-Antoine Dessaules, dernier seigneur de Saint-Hyacinthe234. En février 1850, Louis-Antoine Dessaules, seigneur depuis la mort de son père alors qu’il n’avait que dix-sept ans, épouse sa cousine Catherine-Zéphyrine Thompson. Selon les dires de son neveu Amédée Papineau, le fils du Patriote Louis-Joseph Papineau, il s’agissait d’un mariage « tout d’amoureux », car la mariée, fille d’un tailleur, n’avait ni nom ni fortune. Le couple, après avoir perdu un fils, Henri, mort à un an, n’eut qu’un seul enfant vivant, Caroline Dessaules, née en 1852235.
159Après vingt-cinq ans de mariage, Louis-Antoine Dessaules doit s’exiler. Il quitte le pays pour s’être trop endetté et n’y reviendra plus jamais. Après un séjour en Belgique, c’est à Paris qu’il s’installe définitivement ; il y décède d’ailleurs en 1895, sans jamais avoir revu sa femme et sa fille. La lettre d’adieu qu’il écrit à son épouse constitue, aux yeux d’Yvan Lamonde, « une véritable confession » de Dessaules, bien conscient du « mal légal » et du « mal social » qu’il fait aux siens. Elle est aussi révélatrice pour celui qui cherche à connaître les sentiments conjugaux. Au moment de rédiger ces mots, Dessaules a déjà fui aux États-Unis :
« Adieu donc, ma pauvre et chère Zéphyrine. Ne te laisse pas trop abattre par cette horrible lacune dans ta vie de femme irréprochable. […] Tâche de te conserver pour notre pauvre enfant qui aura peut-être bientôt besoin de toi, de ton amour et de tes soins de bonne mère comme il y en a peu. Reporte sur elle l’amour que tu avais pour moi et aide-lui à me faire pardonner par son mari le mal que je lui fais. Et si vous ne m’en croyez pas indigne, donnez-moi quelquefois une pensée et un souvenir. Quant à moi, et surtout à cause de vous deux, je te jure que chaque minute de mon existence sera employée à préparer ma réhabilitation.
J’ai pris le portrait de ma pauvre Caroline mais je n’ai malheureusement pas pu emporter le tien que vous avez ôté de l’album, ce qui m’a été un bien amer désappointement. Au reste, j’ai la mémoire des figures comme celle du cœur ; il n’y a pas plus de danger que j’oublie tes traits que tes grandes qualités d’épouse et de mère. Ton image est autant gravée dans mon cœur que le souvenir des 25 ans de bonheur que je t’ai dus et qu’aucune autre femme n’eût pu faire plus complet. Adieu donc une dernière fois ! Que ce dernier baiser reste dans vos cœurs comme vos deux amours resteront éternellement gravés dans le mien.
Adieu & courage236. »
160Au-delà de l’affection qu’il portât fort probablement à celle qu’il avait épousée, vraisemblablement, par amour, cette missive pathétique témoigne tout autant du sentiment de culpabilité auquel il devait être confronté, abandonnant sa famille et ignorant s’il les reverrait un jour.
161Plusieurs années après, l’épouse abandonnée meurt, âgée de 65 ans, en 1891, après avoir écrit un mot à l’attention de son époux, mot qu’elle avait confié, ainsi qu’un souvenir, une médaille, à un père dominicain en route pour Paris : « Fais le nécessaire pour me rejoindre dans un monde meilleur237 », écrit-elle à son époux connu pour ses oppositions au clergé. À l’occasion de ce deuil, Dessaules écrira à Fanny Leman, l’épouse de son frère Casimir, avec laquelle il échangeait une correspondance depuis plusieurs années :
« J’ai passé six mois de grande inquiétude tant pour ma chère et noble femme qui souffrait tant que pour ma pauvre Caroline dont la tâche me paraissait quelquefois si écrasante. J’avais toujours trouvé chez elle un grand fonds d’énergie et elle en a donné de bien belles preuves. Le chagrin de ma pauvre femme de me voir si loin d’elle à ses derniers moments ne quitte pas mon esprit. Je me serais, je pense, plus facilement réconcilié avec cette navrante nécessité du départ final si j’avais été là pour recevoir sa dernière étreinte et lui donner le dernier baiser. Mon absence de son lit de mort restera le plus grand chagrin de ma vie. J’y pense sans cesse238. »
162Ces échanges épistolaires datent de la toute fin du xixe siècle et nous avons conscience de l’évolution qui s’est produite tant d’un point de vue social que culturel depuis les siècles précédents, voire depuis quelques décennies seulement. Toutefois, dès le commencement du xviiie siècle, de rares témoignages permettent aussi quelquefois d’approcher les sentiments puissants qui se sont développés pendant de longues années de vie commune. Pierre Boucher et Jeanne Crevier, tous deux décédés à un âge vénérable, en sont une illustration exemplaire. Dans un document qu’il appelle ses « dernières volontés », rédigé une dizaine d’années avant son décès, Pierre Boucher s’adresse en ses termes à sa « chère femme » avec laquelle il est uni depuis plus de cinquante ans : « Vous sçavez combien je vous ai aimée et tous vos parents pour l’amour de vous. En écrivant cecy je m’examine sur le tems que nous avons vécu ensemble, mais ma conscience ne me reproche rien, si ce n’est de vous avoir trop aimée ; mais en cela je n’y vois pas de mal, grâce au Seigneur239. »
163Nous sommes bien conscient de notre incapacité à statuer sur la place de l’amour et des sentiments chez les couples formés au sein des familles seigneuriales. Toutefois, certains exemples, fournis par des cas « exceptionnels » attestent de l’existence de sentiments amoureux puissants chez certains ou de l’impossibilité de laisser libre cours à ces sentiments chez d’autres. Ces exceptions, tous comme les mariages assez « communs » des membres des familles roturières, nous autorisent à laisser à l’amour une place, parmi la gamme des possibles motivations, dans la formation des alliances matrimoniales seigneuriales.
Conclusion
164Ce chapitre nous a permis d’aborder une question importante de cette étude des familles seigneuriales résidantes et de la sociabilité tributaire de leur présence au sein du monde rural laurentien. En nous intéressant aux alliances matrimoniales des membres de la lignée seigneuriale sur plusieurs générations, nous conduisant aux portes du xxe siècle, les comportements des familles seigneuriales se sont précisés et leur sociabilité est révélée plus distinctement.
165Comme la capacité de reproduction seigneuriale, analysée au chapitre précédent, les alliances matrimoniales des familles seigneuriales résidantes penchent bien souvent davantage vers l’intégration (souhaitée ou forcée ?) à la communauté locale (ou régionale) qu’à une homogamie qui leur permettrait de s’allier à d’autres familles seigneuriales ou à des membres de l’élite coloniale, française puis britannique. À cet égard, la dichotomie qui était apparue entre les familles seigneuriales résidantes appartenant à la noblesse et les roturières se confirme par l’analyse des comportements matrimoniaux.
166Cette diversité des attitudes en regard du choix d’un conjoint, parmi les familles seigneuriales résidantes, montre bien le caractère hétérogène du groupe. S’ils constituent une minorité au sein de l’ensemble des propriétaires seigneuriaux, laïcs ou ecclésiastiques, les résidants offrent cependant le témoignage d’une intégration, physique et parfois sociale, à la communauté dont ils sont les premiers habitants. Or, cette intégration, en dépit du clivage noblesse/roture, porte à relativiser la vision générale d’un régime seigneurial contraignant et oppressif. La proximité entre la famille seigneuriale et les habitants ne garantit peut-être pas la bonne entente, mais plaide néanmoins en faveur d’une réalité seigneuriale concrète pour les habitants, qui peuvent voir et rencontrer le seigneur et les siens et qui sont témoins des mariages célébrés sur place. De fait, les seigneurs résidants sont peut-être plus « légitimes » aux yeux des censitaires que les seigneurs absents et lointains, voire les communautés religieuses.
167Ce chapitre aura permis de définir la nature des comportements matrimoniaux des familles seigneuriales résidantes. Ces unions, tôt au tard, seront rompues par la mort de l’un des conjoints, souvent l’époux, plus âgé. Le dernier chapitre de cette seconde partie, qui viendra clore le portrait des familles seigneuriales résidantes, nous entraîne vers les destins des veuves de seigneurs.
Notes de bas de page
1 Lorraine Gadoury, La noblesse de la Nouvelle-France : Familles et Alliances, Montréal, Hurtubise HMH, 1992, p. 61.
2 Afin de pouvoir observer les alliances de tous les enfants de familles seigneuriales résidantes, nous avons dépassé la limite de 1854 puisque, en dépit de l'abolition du régime seigneurial, les différents membres de la famille ne sont pas nécessairement tous mariés à cette date. Cependant, notons que pour les familles qui se sont départies de la propriété seigneuriale avant 1854, nous avons choisi de suivre les enfants du dernier seigneur en titre, ce qui signifie une périodisation variable dans le temps.
3 Pierre Bourdieu, « Les stratégies matrimoniales dans le système de reproduction », Annales ESC, vol. XVII, n° 4-5 (juillet-octobre 1972), p. 1109.
4 C'est ce que soulignait l'historien allemand Jürgen Schlumbohm dans le cadre d'un séminaire animé par Gérard Béaur à l'EHESS à Paris (23 mai 2003), « Histoire économique et sociale des campagnes (17e-20e siècles) : Propriété, stratégies, changements ».
5 Michel Nassiet, parenté, noblesse et États dynastiques, xve-xvie siècles, Paris, EHESS, 2000, p. 14.
6 Pierre Bourdieu, « Les stratégies matrimoniales... », loc. cit., p. 1109.
7 Michel Nassiet, Parenté, noblesse..., op. cit., p. 115.
8 Benoît Grenier, Devenir seigneur en Nouvelle-France : Propriété seigneuriale et mobilité sociale sous le Régime français, mémoire de maîtrise en histoire, université Laval (Québec), 2000, 153 f.
9 Michel Nassiet, Noblesse et pauvreté. La petite noblesse en Bretagne, xve-xviiie siècle, Rennes, Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, 1993, p. 285.
10 Les notions d'alliances hypergamiques et hypogamiques ont été introduites par les anthropologues, à la fin du xixe siècle, pour l'étude du système des castes de l'Inde. Voir Louis Dumont, Homo hierarchicus. Le système des castes et ses implications, Paris, Gallimard, 1966, p. 152 et 314.
11 André Burguière et al., Histoire de la famille 3. Le choc des modernités, Paris, Armand Colin, 1986, p. 727.
12 Michel Nassiet, Parenté, noblesse. ,op. cit., p. 142-143.
13 Ces questions ont été étudiées, pour la Nouvelle-France, par Jacques Mathieu et ses collègues : « Les alliances matrimoniales exogames dans le gouvernement de Québec 1700-1760 », RHAF, vol. 35, n° 1 (juin 1981), p. 3-32.
14 Ibid.
15 Gervais Carpin a néanmoins récemment démontré l'existence de réseaux importants dans l'immigration de la période des Cent-Associés : Le réseau du Canada. Étude du mode migratoire de la France vers la Nouvelle-France (1628-1662), Paris/Sillery, Presses de l'université de Paris-Sorbonne/Septentrion, 2001, 556 p.
16 Yves Landry, Orphelines en France pionnières au Canada. Les Filles du roi au xxviie siècle, Ottawa, Leméac, 1992, 436 p.
17 Jacques Mathieu, La Nouvelle-France. Les Français en Amérique du Nord, xvie-xviiie siècle, Sainte-Foy, PUL, 2001 [1991], p. 208.
18 Par exemple, ce n'est qu'en 1737 qu'est achevé le chemin royal reliant Québec à Montréal. Voir Roland Sanfaçon, « La construction du premier chemin Québec-Montréal et le problème des corvées (1706-1737) », RHAF, vol. 12, n° 1 (juin 1958), p. 3-29.
19 Notamment Louis-Antoine Dessaules, Écrits. Édition critique par Yvan Lamonde, Montréal, PUM, 1994, 382 p. ; Henriette Dessaules, Journal. Édition critique par Jean-Louis Major, Montréal, PUM, 1989, 670 p.
20 AUM, Collection Baby (pas exclusivement relative à cette famille).
21 L'union croisée ou parallèle, dite aussi mariage remarquable, est un phénomène par lequel plusieurs enfants d'une même famille épousent des frères et sœurs. Voir Louis Lavallée, La Prairie en Nouvelle-France, 1647-1760, Étude d'histoire sociale, Montréal/Kingston, McGill/Queen's University Press, 1993, p. 149-159.
22 Il est évident que ces catégories ne visent qu'à déceler l'ensemble des « possibles » et ne sont nullement envisagées comme étant exclusives. Un ensemble de considérations témoignant de circonstances et de connaissances particulières à un individu et à sa famille à une période donnée peut seul expliquer les motivations engendrant un mariage.
23 Madeleine Foisil, Le Sire de Gouberville, Paris, Champs Flammarion, 2001 [1986], 286 p.
24 Ibid., p. 27.
25 Ibid.,p. 197Notons toutefois que Gilles de Gouberville eut deux filles naturelles qu’il a couchées sur son testament.
26 ANQQ, registre paroissial Saint-Jean-Baptiste de Québec, acte de mariage de Antoine-Georges Juchereau et Malvina Latulippe (6 mai 1896).
27 ANQQ, registre paroissial Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles, acte de mariage de Éloi Rioux et Priscille Rioux (26 juillet 1847).
28 Gérard Bouchard, Quelques arpents d’Amérique. population, économie, famille au Saguenay, 1838-1971, Montréal, Boréal, 1996, p. 257.
29 Louise Dechêne, Marchands et habitants de Montréal au xviie, Montréal, Boréal, 1988 [1974], p. 436-437.
30 Jean-Louis Flandrin, Les amours paysannes, xvie-xixe siècle, Paris, Gallimard, 1993 [1975], p. 79.
31 Ce chiffre ne tient pas compte des 43 enfants dont le destin nous est inconnu. Sur 395 naissances (enfants des différents lits inclus), nous soustrayons 102 décès connus et ces 43 individus, pour un total de 250 pour lesquels nous avons la certitude que l’âge de 25 ans fut atteint (ou qui se sont mariés avant cet âge).
32 ANQQ, TL15, Cour du banc du roi, n° 3977, déclaration de Catherine Dupré contre Antoine Juchereau Duchesnay (10 juin 1795). Dans sa déclaration, au cours des procédures en séparation de corps et de biens, la seigneuresse Catherine Dupré évoque le handicap de son fils, alors âgé de 10 ans : « estropié, dont la maladie lui a coûté dix-huit mois de veilles et de soins, sans que le sommeil de son mari en fut le moindrement inquiété ».
33 SHGTP, lettre de Marie Faucher à Pélagie Asselin, 25 octobre 1835.
34 Jean-Marie Constant, La noblesse française aux xvie et xviie siècle, Paris, Hachette, 1994 [1985], p. 186.
35 Michel Perronnet, « Les évêques sous l’Ancien Régime », Lille III, 1976, Communication au Colloque des modernistes, 1977 (cité dans Jean-Marie Constant, ibid.)
36 Lorraine Gadoury, La noblesse de Nouvelle-France, op. cit., p. 64-65.
37 Isabelle Tanguay, Destin social d’une famille noble canadienne : les Boucher et leurs alliés (1667-1863), mémoire de maîtrise (histoire), université de Montréal, 2000, p. 40-44. Ainsi, après 1734, le taux de célibat ecclésiastique féminin se retrouve à 4,6 %, alors qu’il s’élevait, pour la période antérieure à 23 %.
38 Micheline D’Allaire, Les dots des religieuses au Canada français, 1639-1800 : étude économique et sociale, Montréal, Hurtubise HMH, 1986, p. 173.
39 René Jetté, Dictionnaire généalogique des familles du Québec (DGFQ), Montréal, PUM, 1983, p. 986.
40 Pour repérer les religieuses et les religieux, nous avons utilisé divers instruments, dont Cyprien Tanguay, Répertoire général du clergé canadien depuis la fondation de la colonie jusqu’à nos jours, Montréal, Eusèbe Sénécal et Fils, 1893, 526 p. ; Jean-Baptiste-Arthur Allaire, Dictionnaire biographique du clergé canadien-français, Saint-Hyacinthe, La Tribune, 1908-1934, 6 vol.
41 René Jetté, DGFQ, p. 136.
42 ANQQ, registre paroissial de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille, acte de sépulture de Joseph-Marie Couillard (22 septembre 1759).
43 ANQQ, registre paroissial de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille, acte de sépulture d’André Couillard (4 octobre 1764).
44 Frances Brooke, Voyage dans le Canada ou Histoire de Miss Montaigu, Montréal, Boréal, 2005 [1769], p. 342.
45 Pehr Kalm, Voyage de pehr Kalm au Canada en 1749. traduction annotée du journal de route par Jacques Rousseau et Guy Béthune, Montréal, Pierre Tisseyre, 1977, p. 230.
46 Jean-Marie Constant, La noblesse française, op. cit., p. 189.
47 ANQQ, greffe Antoine Loiseau, contrat de mariage entre Claire-Françoise Boucher et Jean-Baptiste Pommereau (7 mars 1736).
48 Micheline D’Allaire, dans son étude sur les dots des religieuses au Canada français, a estimé à 3 000 livres le montant moyen des dots des religieuses, somme à laquelle doivent être ajoutés trousseau et pension. Voir Micheline D’Allaire, Les dots des religieuses…, op. cit., p. 100.
49 René Jetté, Dictionnaire généalogique…, op. cit., p. 715.
50 L’ouvrage de Serge Gagnon constitue une référence incontournable pour l’étude du mariage au tournant du Régime britannique et s’intéresse à l’ensemble de ces restrictions : Mariage et famille au temps de Papineau, Sainte-Foy, PUL, 1993, 300 p.
51 Michel Nassiet, Noblesse et pauvreté…, op. cit., p. 285sqq.
52 Serge Gagnon, Mariage et famille…, op. cit., p. 146.
53 Gérard Bouchard, Quelques arpents d’Amérique…, op. cit., p. 258.
54 Louise Dechêne, Habitants et marchands…, op. cit., p. 436. Elle écrit, à propos de l’ingérence des parents dans le choix d’un conjoint : « Dans le peuple, les exemples d’ingérences paternelles sont certainement très rares […] si le choix est laissé à la discrétion des jeunes gens. »
55 Gérard Bouchard,Quelques arpents d’Amérique…, op. cit., p. 258.
56 Louis Lavallée,La Prairie en Nouvelle-France…, op. cit., p. 144.
57 Gérard Bouchard, Quelques arpents d’Amérique…, op. cit., p. 258.
58 Louise Dechêne, Habitants et marchands…, op. cit., p. 436.
59 Ibid.
60 Michel Nassiet, Noblesse et pauvreté…, op. cit., p. 291.
61 Nive Voisine, « Louis Couillard de Lespinay », DBC II, p. 162-163 ; René Jetté, DGFQ, p. 279-280.
62 L’ouvrage de Lorraine Gadoury sur la noblesse de la Nouvelle-France (op. cit.)., qui contient des listes nominatives,a servi de référence de base. Cependant, nous avons, précédemment (voir chapitre ii) fait part de nos réticences en ce qui concerne la définition des contours du groupe des nobles canadiens et des problèmes qu’elle suppose
63 Mireille Jean, « Bourgeoisie, droit de », Lucien Bély (dir.),Dictionnaire de l’Ancien Régime, Paris, PUF, 2002,p. 169.
64 Ce fut le cas, notamment, des chirurgiens que nous avons considérés comme de petits roturiers sous le Régime français, mais comme des bourgeois au xixe siècle, en raison de la complexification de la science médicale et de la professionnalisation de la médecine.
65 Nous avons insisté, au chapitre précédent, sur l'hétérogénéité de la paysannerie laurentienne, et ce dès le Régime français.
66 À l'exception de 13 individus, principalement des épouses de fils mariés à l'extérieur de la colonie, dont on ne connaît pas les origines familiales, en l'absence de sources (ni acte ni contrat de mariage). C'est le cas, par exemple, de Jeanne Petit, qui épouse à Bordeaux en 1761 Jean-Baptiste Rioux ou encore de Eliza Jones, mariée en Angleterre vers 1800 à Jean-Baptiste Juchereau Duchesnay.
67 Pierre Bourdieu, « Les stratégies matrimoniales... », loc. cit., p. 1109.
68 De plus, on qualifierait d'hypergamique une union entre un membre d'une famille seigneuriale roturière et un ou une noble.
69 À tous le moins pour les nobles.
70 Jacques Mathieu et Alain Laberge (dir.), L'occupation des terres dans la vallée du Saint-Laurent : les aveux et dénombrements 1723-1745, Sillery, Septentrion, 1991 : aveu et dénombrement de la seigneurie de Trois-Pistoles, 15 février 1723.
71 René Jetté, DGFQ ; fiches des familles Rioux et Côté.
72 René Jetté, DGFQ ; fiche de la famille de Louis Hamelin et Antoinette Aubert.
73 René Jetté, DGFQ, p. 555.
74 ANQQ, registre paroissial de Saint-Charles-des-Roches de Grondines, acte de mariage de Marie Hamelin et Pierre Roy (27 février 1710).
75 ANQQ, registre paroissial de Saint-Charles-des-Roches de Grondines, acte de mariage de Jeanne-Angélique Hamelin et Arnould-Balthazar Pollet (10 mai 1729).
76 ANQQ, registre paroissial de Saint-Joseph de Deschambault, acte de mariage de Joseph-Marie Hamelin et Geneviève de Chavigny (15 janvier 1724).
77 Cette question sera l'objet de la dernière section du présent chapitre.
78 Jacques Mathieu, La Nouvelle-France..., op. cit., p. 209.
79 Michel Nassiet, Parenté, noblesse..., op. cit., p. 16.
80 Michel Nassiet, Noblesse et pauvreté…,op. cit., p. 291-294.
81 ANQQ, greffe de Nicolas-Gaspard Boisseau, testament de Marie-Catherine Peuvret portant exhérédation contre son fils Antoine Juchereau (24 février 1737) ; Benoît Grenier, Marie-Catherine Peuvret (1667-1739). Veuve et seigneuresse en Nouvelle-France, Sillery, Septentrion, 2005, p. 163-177.
82 ANQQ, registre paroissial Saint-Jean-Baptiste de Québec, acte de mariage de Antoine-Georges Juchereau et Malvina Latulippe (6 mai 1896).
83 Guillaume Couillard avait été anobli en 1654.
84 ANQQ, registre paroissial Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille, acte de mariage de Jacques Couillard et Elisabeth Lemieux (21 janvier 1691).
85 ANQQ, registre paroissial de Cap-Saint-Ignace, acte de mariage de François Couillard et Madeleine Bernier (22 novembre 1728).
86 ANQQ, registre paroissial Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille, acte de mariage de Jean-Baptiste-Charles Couillard et Geneviève Langlois (19 juin 1729).
87 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame-de-Bonsecours (L'Islet), acte de mariage de Joseph Couillard et Marie-Marthe Bélanger (19 novembre 1725).
88 ANQQ, registre paroissial Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille, acte de mariage de Marie-Simone Couillard et Alexis-Jean Guyon (11 octobre 1719).
89 ANQQ, registre paroissial Saint-Louis de Kamouraska, acte de mariage de Charles-Barthélemy-Gaspard Tarieu de Lanaudière et Julie-Arthémise Taché (29 avril 1846).
90 ANQQ, registre paroissial de Saint-Joseph-de-la-Pointe-Lévy, acte de mariage de Jean Boucher de Montbrun et Françoise-Claire Charet (24 novembre 1692).
91 René Jetté, DGFQ, p. 140. Notons que le père de l'épouse, François Hertel sera anobli en 1716, mais qu'au moment de ce mariage, il s'agit toujours d'une famille seigneuriale roturière.
92 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame de Montréal, acte de mariage de François-Pierre Boucher de Boucherville et Marguerite Raimbault (14 septembre 1731) ; ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame de Montréal, acte de mariage de Louis-René-Amable Boucher de Boucherville et Marie-Madeleine Raimbault (6 juin 1770).
93 Benoît Grenier, « Devenir seigneur. », loc. cit.
94 Sur le système préciputaire ou de l'héritier universel, voir, entre autres, Élie Pélaquier, De la maison du père à la maison commune. Saint-Victor-de-la-Coste, en Languedoc rhodanien (1661-1799), Montpellier, Presses de l'université Paul Valéry, 1996, chapitre v : « "Sans morceler ny diviser" : le système successoral ». Mentionnons toutefois que la Coutume de Paris, égalitaire, qui prévaut dans la vallée du Saint-Laurent, restreint davantage les possibilités de favoriser un membre de la famille au détriment des autres parmi la population roturière.
95 Michel Nassiet, Parenté, noblesse..., op. cit., p. 45.
96 Ibid., p. 66.
97 L'origine sociale des parents d'une épouse n'a pu être clairement déterminée. Il est probable qu'elle soit également de condition modeste.
98 ANQQ, registre paroissial de Saint-Antoine de la Baie-du-Febvre, acte de mariage de Joseph Lefebvre et Marie-Josephte Dizy dit Monplaisir (26 mai 1741).
99 « RSVSL » : gouvernement de Trois-Rivières, 3e fichier (seigneurie de la Baie-Saint-Antoine, dite Baie-du-Febvre).
100 Jean-Marie Constant, La noblesse française..., op. cit., p. 130-131.
101 Gervais Carpin, Le réseau du Canada., op. cit. ; mentionnons aussi plusieurs articles portant sur la famille et la mobilité géographique en Nouvelle-France : Yves Beauregard et al., « Famille, parenté et colonisation en Nouvelle-France », RHAF, vol. 39, n° 3 (hiver 1986), p. 391-405 ; Maureen Molloy, « Considered Affinity : Kinship, Marriage, and Social Class in New France, 1640-1729 », Social Science History, vol. 14, n° 1 (print. 1990), p. 1-26. Pensons également aux travaux de Gérard Bouchard sur le Saguenay.
102 Jacques Mathieu, La Nouvelle-France. ,op. cit., p. 109.
103 Jacques Mathieu, « Mobilité et sédentarité : stratégies familiales en Nouvelle-France », Recherches sociographiques, vol. 28, n° 2-3, 1987, p. 211-227.
104 Les classiques de la sociologie et de l'anthropologie constituent une bibliographie fondamentale pour la compréhension du tabou de l'inceste : Émile Durkheim, « La prohibition de l'inceste », L'Année sociologique, 1896-1897, p. 2-70 ; Claude Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté, Paris/La Haye, Mouton, 1967 [1947], 592 p.
105 Les affins sont les parents du conjoint.
106 Michel Nassiet, Parenté, noblesse..., op. cit., p. 157-158 ; Serge Gagnon, Mariage et famille..., op. cit., p. 10 sqq.
107 Serge Gagnon, Mariage et famille..., op. cit., p. 11-12.
108 Ibid., p. 22.
109 Ibid., p. 23.
110 Ibid., p. 54-55.
111 Maureen Molloy, « Considered Affinity... », loc. cit.
112 Dans ces cas, les conjoints sont d'origine étrangère ou de familles établies récemment dans la colonie, les risques de consanguinité étant presque nuls.
113 Par exemple, le registre de la paroisse Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles sur microfilm se termine à l'année 1887. Ainsi, nous n'avons pu déterminer le lien de consanguinité entre Hénédine et Gonzague Rioux, mariés le 15 mai 1889 dans cette paroisse.
114 Maureen Molloy, « Considered Affinity... », loc. cit., p. 22.
115 Lorraine Gadoury, La noblesse de Nouvelle-France..., op. cit., p. 108.
116 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles, actes de mariage de : Joseph Rioux et Pélagie Asselin (7 janvier 1795) ; Maximien Rioux et Modeste Larrivée (9 octobre 1810) ; Étienne Rioux et Élisabeth Côté (11 novembre 1817).
117 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles, actes de mariage de : Rosalie Rioux et Célestin Rioux (26 octobre 1814) ; Marie-Dudule Rioux et Ignace Rioux (7 novembre 1815) ; Séraphine Rioux et Ambroise D'Amours (20 novembre 1827) ; Éloi Rioux et Priscille Rioux (26 juillet 1847).
118 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles, actes de mariage de : Philomène Rioux et Théophile Rioux (19 janvier 1869) ; Marie-Hélène Rioux et Antoine Bélanger (4 février 1873) ; Marie-Flavie-Léopoldine Rioux et Firmin Rioux (5 mars 1878).
119 Maureen Molloy, « Considered Affinity... », loc. cit., p. 22.
120 ANQQ, registre paroissial de La Nativité-de-Notre-Dame de Beauport, acte de mariage entre Michel-Louis Juchereau Duchesnay et Charlotte-Hermine-Louise-Catherine de Salaberry (3 novembre 1808). Les mariés ont obtenu une dispense de l'évêque de Québec en raison de leur consanguinité au 3e degré.
121 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame de Montréal, acte de mariage entre Jean-Baptiste-Alexandre Couillard et Margaret Wilson (16 novembre 1841) et acte de mariage entre Marie-Angélique-Flora Couillard et Edouard Wilson (10 mai 1848).
122 Maureen Molloy, « Considered Affinity... », loc. cit., p. 14-15.
123 Jacques Mathieu, La Nouvelle-France..., op. cit., p. 208.
124 Maureen Molloy, « Considered Affinity... », loc. cit., p. 22-23.
125 Fiches de familles : « Jacques-Hyacinthe Simon dit Delorme & Marie-Josephte Jutras dit Desrosiers, 17561772 » ; « Jacques-Hyacinthe Simon dit Delorme & Marie-Anne Crevier, 1773-1778 » ; « Jean Dessaules & Marguerite-Anne Wadden, 1799-1801 » ; « Jean Dessaules & Rosalie Papineau, 1816-1835 » ; « Louis-Antoine Dessaules & Catherine-Zéphyrine Thompson, 1850-1895 ».
126 ANQQ, registre paroissial Notre-Dame de Montréal, acte de mariage de Jean Dessaules et Rosalie Papineau (21 février 1816).
127 Société d'histoire régionale de Saint-Hyacinthe, Saint-Hyacinthe, 1748-1998, Sillery, Septentrion, 1998, p. 25.
128 ANQQ, registre paroissial Saint-Louis de Kamouraska, acte de mariage de Charles-Barthélemy-Gaspard Tarieu de Lanaudière et Julie-Arthémise Taché (29 avril 1846).
129 René Jetté, DGFQ, p. 138.
130 André Lafontaine, Recensement annoté de la Nouvelle-France 1681, Sherbrooke, s. éd., 1981.
131 ANQQ, greffe Louis Chambalon, acte d'échange entre Augustin Rouer de la Cardonnière et René Lepage et son épouse Marie-Madeleine Gagnon (10 juillet 1694) ; Michel Langlois, DBAQ, t. 3, Sillery, La maison des ancêtres, 2000, p. 257.
132 Benoît Grenier, « Devenir seigneur... », loc. cit., p. 28.
133 ANQQ, greffe Louis Chambalon, acte d'échange entre le sieur Charles Denis de Vitré et Jean Riou et son épouse Catherine Leblond, 15 mars 1696 ; Michel Langlois, DBAQ, t. 4, p. 254-255. Aussi : Benoît Grenier, « Jean Rioux : émigrant breton, seigneur canadien », ABPO, t. 111, n° 2 (2004), p. 73-88.
134 ANQQ, greffe Florent de La Cetière, acte d'échange entre le sieur Pierre de Niort de la Minotière et Jean-Baptiste Côté et son épouse Françoise Choret (14 février 1711).
135 Bertrand Desjardins, Dictionnaire généalogique du Québec ancien des origines à 1745, Boucherville, G. Morin, 2003, CD-Rom, fiche de Vincent Riou et Catherine Côté.
136 ANQQ, registre paroissial Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles, acte de mariage de Catherine Rioux et Paul Lepage (15 novembre 1735).
137 ANQQ, registre paroissial de Saint-Germain de Rimouski, acte de mariage de Marie-Madeleine Rioux et Nicolas-Dominique Lepage (25 octobre 1742).
138 Cet acte de mariage a été perdu.
139 ANQQ, registre paroissial de Saint-Germain de Rimouski, acte de mariage d'Étienne Rioux et Véronique Lepage (21 juillet 1749).
140 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles, acte de mariage de Véronique Rioux et Pierre Lepage (14 juillet 1749).
141 ANQQ, registre paroissial de Saint-Germain de Rimouski, acte de mariage de Pierre Côté et Marie-Anne Lepage (17 juin 1735).
142 ANQQ, registre paroissial de Saint-Jean-Baptiste de L'Isle-Verte, acte de mariage d'Étienne Rioux et Rosalie Côté (15 janvier 1772).
143 ANQQ, registre paroissial de Saint-Jean-Baptiste de L'Isle-Verte, acte de mariage de Jean-Baptiste Rioux et Marie-Madeleine Côté (27 janvier 1777).
144 Louise Dechêne, Habitants et marchands..., op. cit., p. 448.
145 Nous avons eu recours à la base de données que nous avions constituée pour réaliser la partie I de notre thèse, concernant l'ensemble des seigneurs laurentiens entre le xviie et le xixe siècle.
146 Nous avons démontré que près de 70 % des résidants sont d'origine roturière.
147 Louis Lavallée, La Prairie en Nouvelle-France, op. cit., p. 150-151.
148 Alain Collomp, La maison du père : famille et village en Haute-Provence aux xviie et xviiie siècles, Paris, PUF, 1983 et « Alliance et filiation en Haute-Provence au xviiie siècle », Annales ESC, 1977, p. 445-477.
149 Jacques Mathieu et al., « Mobilité et mariage dans le gouvernement de Québec au xviiie siècle », Joseph Goy et Jean-Pierre Wallot (dir.), Évolution et éclatement du monde rural. France-Québec xviie-xxe siècles, Paris/Montréal, EHESS/PUM, 1986, p. 305-314.
150 Louis Lavallée, La Prairie en Nouvelle-France, op. cit., p. 152.
151 Ibid., p. 153.
152 Maureen Molloy, « Considered Affinity... », loc. cit., p. 14-15.
153 Louis Lavallée, La Prairie en Nouvelle-France, op. cit., p. 152.
154 Sans lien avec la famille Boucher de Boucherville.
155 ANQQ, greffe Martial Saindon, contrat de mariage entre Louise-Véronique Rioux et Jean-Baptiste Boucher (27 janvier 1775).
156 ANQQ, registre paroissial de Saint-Louis de Kamouraska, acte de mariage entre Marie-Thérèse Rioux et Antoine Boucher (19 février 1776). Le contrat de mariage avait été signé trois jours plus tôt à Cacouna, devant le notaire Saindon.
157 ANQQ, registre paroissial de Cap-Saint-Ignace, actes de mariage entre Jean-Baptiste Côté et Geneviève Bernier et entre Prisque Côté et Ursule Bernier (17 juillet 1720).
158 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame de Québec, acte de mariage entre Gabriel Côté et Élisabeth Bernier (7 octobre 1722).
159 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles, acte de sépulture de Marie-Rosalie Côté (19 janvier 1794).
160 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame-de-Liesse-de-la-Rivière-Ouelle, acte de mariage entre Étienne Rioux et Marie-Josèphe Lavoie (3 août 1795).
161 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles, acte de mariage entre Cécile Rioux et Marcel Lavoie (9 janvier 1797).
162 ANQQ, registre paroissial de Saint-Thomas-de-la-Pointe-à-la-Caille, acte de mariage entre Jean-Baptiste-Charles Couillard et Geneviève Langlois (19 juin 1729).
163 Michel Nassiet, Noblesse et pauvreté..., op. cit., p. 298.
164 Ibid.
165 Sur la géographie du système seigneurial et ses conséquences, voir l'interprétation de Richard C. Harris, The Seigneurial System in Early Canada. A Geographical Study, Kingston/Montréal, McGill/Queen's University Press, 1984 (1966), 248 p.
166 Élie Pélaquier, De la maison du père. ,op. cit., p. 250 sqq. et carte 19 à la page 24 du tome 2.
167 Ibid., p. 251.
168 Puisque c'est le lieu de résidence déclaré aux actes de mariage (et aux contrats de mariage pour compléter les actes manquants) qui a été utilisé pour détecter la provenance des conjoints, il importe de mentionner qu'il s'agit généralement du lieu de résidence, mais parfois aussi du lieu de naissance, ce qui peut ne pas toujours correspondre à la même localité.
169 Par exemple, l'union de Nicolas Rioux et de Louise Asselin où l'époux demeure à Trois-Pistoles, tandis que l'épouse est de l'île d'Orléans (13 août 1710).
170 Ainsi, le mariage de Jacques Lefebvre, résidant à la Baie-Saint-Antoine et de Marguerite Laniel dit Soulange, native de Sorel (2 mai 1735). Alors que la paroisse du mari appartient au gouvernement de Trois-Rivières, celle de l'épouse dépend du gouvernement de Montréal, mais ne sont séparés que par les seigneuries de Saint-François-du-Lac et de Yamaska. Ces exemples sont cependant assez peu fréquents.
171 Martine Ségalen, Quinze générations de Bas-Bretons. Parenté et société dans le pays higouden sud, 1720-1980, Paris, PUF, 1985, p. 24.
172 Gérard Bouchard, « Paramètres sociaux de la reproduction familiale au Saguenay (1842-1911) », Sociologie et sociétés, 1987, 1, p. 135-136.
173 ANQQ, registre paroissial de Sainte-Famille de Boucherville, acte de mariage de Thomas-René Verchères Boucher de Boucherville et Clothilde-Joséphine Proulx (17 mai 1819).
174 Pensons, pour les Juchereau, au mariage de Marie-Thérèse Juchereau et de Guillaume-Emmanuel-Théodore Denis de Vitré, célébré à la chapelle de l'Hôpital général de Québec où la sœur aînée de l'épouse, Marie-Josèphe Juchereau est religieuse (Mère de l'Enfant-Jésus) : ANQQ, registre de la paroisse Notre-Dame-des-Anges (Hôpital général de Québec) (5 octobre 1729). Chez les Boucher, parmi d'autres alliances contractées avec des membres de la noblesse montréalaise : acte de mariage d'Ignace Boucher de Grosbois et Marie-Anne Margane de Lavaltrie, ANQQ, registre de Notre-Dame de Montréal (28 octobre 1694).
175 À titre d'illustration des alliances endogames et hypogames chez les Couillard, citons : Paul Couillard et Josephte Couture, registre de Saint-Étienne de Beaumont (10 novembre 1732) ; François Couillard et Madeleine Bernier, registre de Cap-Saint-Ignace (22 novembre 1728).
176 De nombreux protestants français émigrèrent néanmoins en Nouvelle-France, notamment depuis la région de La Rochelle, mais ils devaient abjurer leur hérésie, ce qu'ils firent généralement, du moins en regard des sources.
177 Serge Gagnon, Mariage et famille..., op. cit., p. 215.
178 L'étude des alliances matrimoniales concerne tous les enfants de seigneurs et s'étend au-delà de 1854 puisque nous avons suivi les familles jusqu'à l'établissement de tous les membres, ce qui a nécessité l'élargissement du cadre chronologique. Le dernier mariage a lieu en 1917, alors qu'un fils du dernier seigneur de Trois-Pistoles se marie pour la première fois à l'âge de 56 ans.
179 ANQQ, registre paroissial de Saint-François-Xavier de Verchères, mariage de Marie-Josephte Delorme et Pierre-Dominique Debartzch (18 avril 1779).
180 Pierre-Georges Roy, La famille Juchereau-Duchesnay, Lévis, s. éd., 1903, 456 p.
181 Mariage célébré le 24 juin 1818, mentionné dans Francis J. Audet et Edouard Fabre Surveyer, Les députés au Premier Parlement du Bas-Canada (1792-1796). Études biographiques, anecdotiques et historiques, Montréal, Les Éditions des Dix, 1946, p. 258-273 ; Alan Dever, « Pierre Guérout », DBC VI, p. 335-337.
182 Jacques Monet, « Bartolomew Conrad Augustus Gugy », DBCX, p. 350-352.
183 Jean-Pierre Wilhelmy, Les mercenaires allemand au Québec, 1776-1783, Sillery, Septentrion, 1997, p. 145 sqq.
184 ANQQ, registre paroissial de Saint-Charles-Borromée de L'Industrie, acte de mariage de Marie-des-Anges-Alice Tarieu de Lanaudière et John Norman Riotord Neilson (16 février 1885) et acte de mariage de Marie-Josephte-Antonine Tarieu de Lanaudière et Louis-Arthur McConvill (10 juillet 1878).
185 Pour le Québec, citons deux études intéressantes relatives aux contrats de mariage : Hélène Dionne, Les contrats de mariage à Québec (1790-1812), Ottawa, Musées nationaux du Canada, 1980, 174 p. ; Geneviève Postolec, Mariages et patrimoine à Neuville, de 1669 à 1782, thèse de doctorat (histoire), université Laval, 1995, 340 f.
186 Geneviève Postolec, Mariages et patrimoine..., loc. cit., f. 231.
187 ANQQ, greffe de Martial Saindon, contrats de mariage entre Louise-Véronique Rioux et Jean-Baptiste Boucher (27 janvier 1775) ; Thérèse Rioux et Antoine Boucher (16 février 1776) ; greffe de Louis Cazes, contrats de mariage entre Marie-Suzanne Rioux et François Pelletier (28 février 1791).
188 ANQQ, greffe de Martial Saindon, contrat de mariage entre Marie-Catherine Rioux et André Lévesque (11 janvier 1777).
189 Geneviève Postolec, Mariages et patrimoine..., loc. cit., f. 232.
190 ANQQ, greffe de Pierre Petit, contrat de mariage entre Marie-Thérèse Lefebvre et Joseph Desrosiers (8 juin 1729).
191 ANQQ, greffe de Pierre Petit, contrat de mariage entre Marie-Madeleine Lefebvre et Simon Provancher (9 octobre 1734).
192 ANQQ, greffe de François Trottain, contrat de mariage entre Marie-Madeleine Hamelin et Louis Trottier (30 janvier 1724).
193 ANQQ, greffe de François Trottain, contrat de mariage entre Jeanne-Angélique Hamelin et Arnould- Balthazar Pollet (7 mai 1729).
194 ANQQ, greffe de François Trottain, contrats de mariage entre Marie-Josephte Hamelin et François Rivard (26 février 1710) ; Marie Hamelin et Pierre Roy (26 février 1710).
195 ANQQ, greffe de Michel Le Pailleur, contrat de mariage entre Louis Hamelin et Catherine Neveu (24 février 1718).
196 ANQQ, greffe de Louis Cazes, contrat de mariage entre Jean-Baptiste Côté et Marie-Louise Côté (1er septembre 1781).
197 Par exemple : ANQQ, greffe d'Henri Hiché, contrat de mariage entre Marie-Louise Juchereau et Philippe D'amours de la Morandière (13 mars 1728), douaire de 3 000 livres ; greffe de Christophe-Hilarion Dulaurant, contrat de mariage entre Madeleine-Louise Juchereau et Michel de Salaberry (29 juillet 1750), douaire de 6 000 livres.
198 ANQQ, greffe Jean-Claude Panet, contrat de mariage entre Antoine Juchereau et Julie-Louise Liénard de Beaujeu (13 juillet 1765).
199 ANQQ, greffe d'Antoine Adhémar, contrat de mariage entre Jeanne Boucher et Jacques-Charles de Sabrevois (16 novembre 1695).
200 ANQQ, greffe Jean-Claude Panet, contrat de mariage entre Louise-Charlotte Boucher et Jacques Perreault (19 octobre 1749) ; greffe d'Antoine Saillant, contrat de mariage entre Marie-Catherine Boucher et Jean-Louis Frémont (16 mai 1764).
201 Nous bénéficions de très peu de contrats de mariage des filles de la famille Couillard, seulement trois, dont un qui est illisible et un autre pour lequel il n'est question que du douaire coutumier. Le troisième fait état d'un douaire de 1 500 livres.
202 ANQQ, greffe d'Abel Michon, contrat de mariage entre Joseph Couillard des Écores et Marie-Marthe Bélanger (18 novembre 1725).
203 ANQQ, greffe de Claude Barolet, contrat de mariage entre Paul Couillard de L'Islois et Marie-Josephte Couture (8 novembre 1732).
204 ANQQ, greffe de François-Pierre Rousselot, contrat de mariage entre Jacques Couillard et Marie-Françoise Bernier (17 février 1753).
205 ANQQ, greffe de Jean-Antoine Panet, contrat de mariage entre Jean-Baptiste Couillard et Marie-Angélique Chaussegros de Léry (13 juillet 1784).
206 Jean-Louis Flandrin, Les amours paysannes..., op. cit.
207 Gérard Bouchard, Quelques arpents d'Amérique..., op. cit., p. 258.
208 Martine Ségalen, Sociologie de la famille, Paris, Armand Colin, 1993, p. 110.
209 Lorraine Gadoury, La famille dans son intimité. Échanges épistolaires au sein de l'élite canadienne du xviiie siècle, Montréal, Hurtubise HMH, 1998, p. 17. Dans cette étude, l'auteure a utilisé la Collection Bahy, un corpus de 1 400 missives échangées entre 1700 et 1800, dont certaines au sein de la famille Tarieu de Lanaudière, seigneurs de Lavaltrie.
210 ANQQ, greffe de Nicolas-Gaspard Boisseau, testament de Marie-Catherine Peuvret portant exhérédation contre son fils Antoine Juchereau (24 février 1737).
211 Idem.
212 Ignace-Augustin Juchereau, sieur de Saint-Michel est le père d'« Augustin », baptisé à Québec le 7 mars 1717, né d'une union illégitime avec Marie Rotureau dit Bélisle, habitante de Beauport. Voir Benoît Grenier, Marie-Catherine Peuvret..., op. cit., p. 111-113.
213 ANQQ, Fonds Famille Juchereau-Duchesnay, pièce 184, acte de cassation de l'acte d'exhérédation d'Antoine Juchereau Duchesnay par Marie Catherine Peuvret veuve d'Ignace Juchereau Duchesnay (extrait greffe Jean de Latour, 12 avril 1737).
214 Idem.
215 ANQQ, Fonds Famille Juchereau-Duchesnay, ZQ 139, pièce 190, don et cession que fait dame Marie Catherine Peuvret veuve d'Ignace Juchereau Duchesnay à Antoine Juchereau Duchesnay (extrait greffe Noël Duprac, 10 mai 1737).
216 ANQQ, registre paroissial de La Nativité-de-Notre-Dame de Beauport, acte de mariage de Marie-Louise Parent et Antoine Bonnet Baune (20 janvier 1738).
217 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame de Québec, acte de mariage de Charles Boucher et Françoise Gingras (13 mai 1735).
218 Idem.
219 ANQQ, greffe Henry Hiché, contrat de mariage entre Charles Boucher et Françoise Bourote (12 mai 1735).
220 Outre René Lefebvre et Gabrielle Foucault, mariés en exécution de sentence quelques jours avant que l'épouse donne naissance à un enfant.
221 ANQQ, registre paroissial de La Nativité-de-Notre-Dame de Beauport, acte de sépulture de Julie-Louise Liénard de Beaujeu (1er février 1773).
222 ANQQ, TL15, Cour du banc du roi, n° 3977, déclaration de Catherine Dupré contre Antoine Juchereau Duchesnay (10 juin 1795).
223 ANQQ, TL15, Cour du banc du roi, n° 3977, déclaration d'Antoine Juchereau Duchesnay contre Catherine Dupré et Pierre-Amable de Bonne (20 juin 1795).
224 ANQQ, TL15, Cour du banc du roi, n° 3977, jugement en faveur de Pierre-Amable de Bonne et Catherine Dupré (11 février 1796).
225 ANQQ, TL15, Cour du banc du roi, n° 4036, jugement en séparation de corps et d'habitation entre Antoine Juchereau Duchesnay et Catherine Dupré (20 octobre 1796).
226 ANQQ, TL15, Cour du banc du roi, n° 5110, déclaration de Catherine Dupré contre Antoine Juchereau Duchesnay (6 février 1798).
227 ANQQ, Fonds Juchereau Duchesnay, ZQ 139, testament d'Antoine Juchereau Duchesnay (24 décembre 1802).
228 Helen K. Rothman, Hands and Hearts, p. 9. Traduction de Lorraine Gadoury, La famille dans son intimité... op. cit., p. 90.
229 Céline Dupré a étudié, il y a un demi-siècle déjà, la correspondance fascinante échangée entre Pierre-Charles Daneau de Muy et sa jeune épouse Charlotte Rhéaume, séparés malgré eux à l'époque de la Conquête : « Une correspondance intime au temps de la conquête », La Revue de l'université Laval, vol. X, n° 5 (janvier 1956), p. 426-440. Pour la Nouvelle-France, la correspondance échangée entre Élisabeth Rocbert de la Morandière (Madame Bégon) et son gendre, Michel Villebois, est sans conteste la plus connue : Lettres au cher fils. Correspondance d'Élisaheth Bégon avec son gendre (1748-1753), Montréal, Boréal, 1994, 432 p.
230 AUM, Collection Baby, Pierre-Paul Margane de Lavaltrie à Marie-Angélique Lacorne de Chapt (2 décembre 1787). Citée dans Lorraine Gadoury, La famille dans son intimité, op. cit.
231 Lorraine Gadoury, La famille dans son intimité..., op. cit., p. 90-91.
232 AUM, Collection Baby, Madame Lacorne Campbell à Marie-Angélique Lacorne de Chapt (épouse de Pierre-Paul Margane de Lavaltrie) (22 janvier 1788)
233 AUM, Collection Bahy, Suzanne-Antoinette Margane de Lavaltrie à Charles-Gaspard Tarieu de Lanaudière (26 mai 1796).
234 Les écrits de Louis-Antoine Dessaules, notamment sa correspondance, nous sont connus grâce aux travaux d'Yvan Lamonde : Louis-Antoine Dessaules, Écrits, édition critique par Yvan Lamonde, Montréal, PUM, 1994, 382 p. et Louis-Antoine Dessaules. Un seigneur libéral et anticlérical, Montréal, Fides, 1994, 372 p.
235 ANQQ, registre paroissial de Notre-Dame de Saint-Hyacinthe, acte de baptême de Caroline Dessaules (13 octobre 1852).
236 ANQM, Fonds Dessaules, n° 113, lettre de Louis-Antoine Dessaules à Catherine-Zéphyrine Thompson, 1er août 1875. Transcrite dans Louis-Antoine Dessaules, Écrits, op. cit., p. 270-276.
237 Yvan Lamonde, Louis-Antoine Dessaules. ,op. cit., p. 284.
238 Lettre de Louis-Antoine Dessaules à Fanny Leman, 7 août 1891, citée dans Yvan Lamonde, Louis-Antoine Dessaules. ,op. cit., p. 284.
239 Pierre Boucher, Mes dernières volontés, cité dans Raymond Douville, Pierre Boucher, Montréal, Fides, 1970, p. 83-84 ; aussi, Mgr Albert Tessier, introduction de la réédition de l'ouvrage de Pierre Boucher, Histoire véritable et naturelle des mœurs et productions du Pays de la Nouvelle-France dite vulgairement le Canada, Boucherville, 1964 [1664], p. lviii.
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