1Le regard renouvelé sur l’œuvre de Siegfried que permettent les discussions de Cerisy confirme à nouveau le caractère novateur, hors des sentiers battus, des travaux de Siegfried. Elles permettent aussi une mise en perspective plus de trente ans après son regain de notoriété dans les années 1980 dans le cours de la montée d’intérêt autour de la géographie politique et de la géographie électorale. Il apparaît assez nettement que le Tableau politique de la France de l’Ouest, bien qu’au moment de sa rédaction, Siegfried s’y soit fortement investi, est périphérique aux principales lignes de travail et préoccupations qui le mobiliseront et l’animeront tout au long de sa carrière. Il est su depuis tout le temps que le Tableau, publié à demi-compte d’auteur ne rencontra pendant longtemps qu’une faible audience, qu’il occupa la dernière position des ventes des œuvres de Siegfried, et qu’il ne fut jamais traduit. Il apparaît aussi que c’est bien le renouveau venu de la géographie électorale et de secteurs des sciences politiques dans les années 1980 qui a véritablement donné le statut d’œuvre majeure au Tableau politique. Cette situation a construit le statut d’œuvre-repère.

2En dépit de la relativisation du Tableau politique dans l’œuvre même de Siegfried et dans le contexte tant académique que du débat intellectuel de la période, le temps qui nous sépare de l’époque du Tableau permet tout à la fois de confirmer son caractère réellement novateur, l’influence qu’à terme et au bout du compte il a eu dans les cinquante dernières années, et de revenir sur des points de méthode et d’épistémologie qui méritent débat. Mettre en valeur le caractère précurseur du Tableau politique conduit aussi à débattre de ses failles, parce qu’elles sont instructives. Cette communication insiste sur ce qui me paraît être la faille principale de ce magnifique travail, une faille dans le raisonnement, une faille épistémologique. La discussion de cette faille conduit à donner un effet de loupe, à hypertrophier cette question ; il faut, avant d’y entrer, rendre justice et hommage intellectuel au reste du travail de Siegfried dans le Tableau politique.

À la recherche d’une combinatoire sociale, analyse de données et enquête de terrain

3Lorsque Siegfried s’efforce de produire, dans son Tableau politique, une explication des permanences qu’il observe tout au long de la III^e République, ce n’est pas l’argument étroitement déterministe que ses citations de troisième main et ses détracteurs lui ont prêté qui est au premier plan, loin de là1. « Le granit produit le curé et le calcaire, l’instituteur » est surtout une métaphore. Il la reprend sur un ton un peu amusé « un dicton suggestif énonce que, dans cette région vendéenne » (il traite du canton de Talmont), « le granit produit le curé et le calcaire l’instituteur, c’est une vérité d’observation que le bon sens populaire n’a pas manqué de discerner2 ». Il file cette métaphore, sans nul doute un peu trop, avec « l’enclave de Chantonnay3 » où « par cette faille géologique, une sorte de pénétration des idées de la Plaine se fait jusqu’au cœur du Bocage ». Siegfried n’est pas totalement indemne d’une vision naturaliste d’inspiration ratzelienne. Tout à la fois il s’en défend et construit un raisonnement combinatoire fondé sur des faits de société qui est l’essentiel du travail et représente l’apport nouveau et précurseur, et pourtant multiplie par ailleurs les formules où la géologie annonce la société et l’atmosphère politique.

4Ce balancement hésitant se retrouve dans une note décisive de son ouvrage où il précise : « Au commencement de mes études sur l’Ouest, j’avais cru qu’il serait possible de déterminer des relations directes entre la géologie et les tendances politiques. J’y étais encouragé par la netteté extraordinaire de certaines limites poussées jusqu’au bout. Mais cette netteté, cette concordance, sont exceptionnelles. En réalité, les rapports de la géologie et de la politique –certainement réels cependant4– ne peuvent être présentés raisonnablement que d’une façon indirecte, assez lointaine et à trouver plusieurs transformations. Par exemple, la géologie commandera le mode de peuplement en même temps que le mode d’exploitation, et par là, réagissant sur le mode de la propriété et sur les rapports des classes entre elles, elle finira par avoir une répercussion sur la vie politique elle-même. »

5Siegfried vise à expliciter la combinaison de fonctionnements de sociétés locales liée à des espaces particuliers. De manière très ramassée encore, juste avant cette formule sur le granit et le calcaire, il constate que « terrains anciens, population éparse, grande propriété et politique de droite vont ensemble ; tandis que terrains calcaires ou d’alluvions, population agglomérée, propriété morcelée et politique démocratique vont de pair ». Siegfried, par-delà la désignation imagée, cherche une société et ses ressorts. Il joue du fait que, dans un milieu géographique, avec ses sols et ses terrains, des modes d’appropriation et de culture de la terre, ont sur plusieurs siècles élaboré des rapports sociaux particuliers qui génèrent en même temps des rapports de pouvoirs et des opinions lorsque le suffrage électoral en permet l’expression. « D’une façon générale, je me suis volontairement méfié de l’explication unique […], je crois au contraire que dans cette matière complexe, il faut presque toujours recourir à un grand nombre de causes, dont aucune ne serait à elle seule suffisante, mais dont le faisceau apporte de précieuses clartés5. » Là, est d’un point de vue épistémologique, son apport le plus riche et le plus solide.

6Cette relation au milieu, en d’autres termes les conditions de possibilités d’émergence d’un système social et politique, ou le composé particulier sorti de la fabrique de l’histoire en un lieu donné, n’est pas un particularisme réservé à l’Ouest de la France sous la III^e République. C’est d’ailleurs l’idée qu’il caressa un temps d’étendre son Tableau au Midi de la France, idée qui ne verra pas le jour, mais faisait le contenu du petit cours du mardi au Collège de France à partir de 1934 comme le présente André-Louis Sanguin ; c’est la même idée qui se concrétisera dans la géographie électorale de l’Ardèche publiée en 1939. C’est une voie assez semblable que suivra Fernand Braudel trente ans après le Tableau, certes de façon plus ample, plus riche, moins ciblée sur un objectif d’explication de comportement, dans sa vaste fresque sur la Méditerranée et le monde méditerranéen au temps de Philippe II, pour montrer comment les plateaux et les collines, avant les plaines, ont été un des espaces de prédilection du développement de sociétés rurales, paysannes, puis commerçantes des plus prospères6. Dans les deux cas, l’influence Vidalienne est manifeste dans l’agencement de la combinaison, plus largement c’est un ensemble d’idées qui courent au moins dans ces milieux universitaires français.

7Siegfried cherche à mettre à jour des lois de fonctionnement, « chaque tempérament politique a ses propres lois » ne dit-il pas, reprenant le mot de Goethe, en ouvrant son étude : « Si l’enfer même a ses lois, pourquoi la politique n’aurait-elle pas les siennes ? » On ne peut s’empêcher de retrouver, au-delà de Vidal de la Blache, une quête que Condorcet avec ses essais de « mathématique sociale » avait engagée dès la fin du XVIII^e siècle. La construction de Siegfried met en avant des éléments de rapports sociaux ; la nature de la propriété foncière, la grande propriété avec la noblesse et la petite propriété générant des représentations politiques aux structures, aux trajectoires et aux orientations différentes. Il y combine des modes de peuplement (dispersé, regroupé), l’influence du clergé, et la réceptivité des populations locales aux directives politiques du pouvoir. Les termes qu’il emploie témoignent de ce souci combinatoire. Le titre du chapitre 37 est « Combinaisons diverses des facteurs de l’opinion et classification des principaux milieux politiques7. » C’est cette combinaison et ces différentes variantes qui, au travers de son Tableau, rendent compte de la spécificité des comportements politiques de l’Ouest sous la III^e République.

La faille épistémologique

8Le Tableau est une œuvre remarquable, répétons-le. Le balancement entre l’effort de généralisation, et la connaissance intime, retransmise, des localités de l’Ouest, en font, au-delà de l’œuvre fondatrice de géographie politique, une lecture de la société du début du siècle pleine de richesse. Pour autant, c’est l’hagiographie la plus plate qui n’y voit pas des faiblesses à relever. Le siècle qui s’est écoulé depuis lors ne doit pas pour autant conduire à une critique anachronique. La notion de « race » et de « civilisation » étaient répandues dans la littérature traitant des populations8 et n’avaient pas toujours –même si au XIX^e siècle, on les trouve aussi dans une vision européocentrée et colonialiste– les connotations que les déviations et drames politiques et guerriers du XX^e siècle leur ont imprimées avec une force extrême. L’histoire de l’humanité est pavée de ces drames, les débats sur les prétendues infériorités et supériorités de groupes humains sur d’autres ne datent pas du XX^e siècle. La longue bataille d’arguments de Bartolomé de Las Casas au XVI^e siècle concernant les indiens d’Amérique et celles encore plus longues concernant l’esclavage en sont des marqueurs et des jalons bien en mémoire. Le débat n’est pas nouveau ; pour autant la lecture de Siegfried sur ce point ne doit pas pécher par anachronisme.

9Il ne faut donc pas lire avec ces lunettes-là, des formules telles que « l’existence moins facile semble avoir stimulé l’initiative de la race9 » ou « le secret de l’individualité normande, demeure à mon sens impénétrable à qui croit le trouver simplement dans des circonstances naturelles ou économiques. C’est dans la race, la civilisation, l’histoire, en un mot chez les hommes, qu’il faut découvrir la clef de cet extraordinaire tempérament […]. Plutôt que géographie, parlons donc politique10 » même si elles penchent certainement du côté « d’un déterminisme ethnique […] qui le situe plus près de Ratzel que de Vidal » comme le dit justement Pierre Milza.

10De Siegfried, on peut retenir la recherche d’une combinaison de facteurs et le sentiment que ces facteurs ne peuvent se limiter au contemporain, qu’il faut puiser dans la profondeur historique, c’est le versant utile de l’effort de pensée ; mais en le mettant en œuvre, Il reprend les vieilles notions de « tempérament » ou « d’âme d’un peuple » ou de « mystères des personnalités ethniques » qui sont puisés dans le commun des idées reçues de l’époque. Là se situe la limite, la faiblesse et la faille du système d’explication construit par Siegfried11. Cette volonté et ce besoin en même temps de plonger loin en arrière dans l’histoire pour expliquer des comportements contemporains permettent de prendre en compte les héritages et la mémoire dont sont imprégnés les actes d’aujourd’hui ; mais imprégné ne veut pas dire et n’implique pas, ni mystérieusement oint, ni transposition permanente d’idées anciennes véhiculées. Cette nécessité de dimension historique conduit chez Siegfried à un recours métaphysique : l’âme d’un peuple ou le tempérament, pour laisser la race. Et si la joliesse de la formule « que de fois nous devrons dire avec Shakespeare : il y a dans l’âme d’un peuple une force mystérieuse, dont l’histoire ne s’est jamais occupée et dont l’opération surhumaine est inexprimable à la parole et à la plume12 ! » séduit le lecteur, l’âme et le tempérament ne se situent pas dans le même projet rationaliste que la combinaison des facteurs qu’il met en œuvre. Elles s’en échappent.

11La combinaison de quelques facteurs est trop pauvre pour rendre compte de la complexité de la réalité, Siegfried le perçoit bien ; c’est l’intérêt des tentatives, dont celle de Siegfried fut la première, de chercher des raisons des comportements d’aujourd’hui à la fois dans l’histoire et dans les comportements et structures sociales hérités. C’est le fond de la séduction de la notion de tempérament parce qu’elle semble faire appel à l’histoire. Ces tentatives ne vont pas jusqu’au raisonnement historique, elles s’arrêtent au mythe.

Héritages politiques et matrices historiques et spatiales

12Rechercher dans le passé des raisons de comprendre les comportements présents, c’est ce que fit Paul Bois avec ses Paysans de l’Ouest, faisant de la mémoire d’événements aussi marquants que la Révolution Française et la guerre civile entre Bleus et Chouans ayant emporté toute une population, le creuset déterminant des comportements. Paul Bois13 critique aussi cette notion de tempérament utilisée par Siegfried. Il reproche en outre à Siegfried de ne faire « qu’entrevoir le passé », ce qui peut être juste quant aux événements et à l’histoire réelle mobilisée, ce qui est plus surprenant sur l’intention puisque justement Siegfried fait appel aux tempéraments pour introduire le poids du passé.

13Paul Bois penche totalement pour un système d’explication par le poids du passé : « la véritable explication du présent, ne serait-ce pas dans le passé qu’il faudrait le chercher14 ? ». Ce qu’il s’efforce de montrer au travers d’une très intéressante analyse du département de la Sarthe à l’époque contemporaine et à l’époque de la Révolution Française. Il argumente que le séisme de société qu’a représenté la Révolution Française et les traumatismes qu’elle a engendrés ont si profondément labouré ces populations que la mémoire en a été transmise, entretenue, revivifiée, par de nouvelles situations politiques, alors même que les situations migratoires, économiques des populations ne changeaient guère15. « Cette idéologie dure aussi longtemps qu’un apport nouveau de population ou des modifications profondes des conditions de vie, n’ont pas altéré, effacé la personnalité collective qu’elle symbolise16. » Cette veine, qui fut typée de façon trop unilatérale ensuite par les commentateurs comme appartenant au champ culturel, fut souvent opposée à des explications du domaine des positions économiques et sociales du moment, opposition que ne pratiquait pas Paul Bois dans son ouvrage et qui ne m’apparaît pas justifiée.

14Emmanuel Todd et Hervé Le Bras tentèrent à une vaste échelle de rapprocher les comportements politiques actuels d’héritages lointains, ceux des systèmes familiaux17. Les permanences de comportements trouveraient selon leur thèse, essentiellement racine dans des systèmes familiaux séculaires18. Hervé Le Bras reprit plus tard ce type de système en le nuançant un peu et en y ajoutant dans une logique politique « trois structures (qui) orientent en profondeur l’espace français : […] le catholicisme, les structures familiales et le centralisme parisien19 ».

15Ces deux types d’approches allant chercher l’héritage d’un passé lointain mais pesant sont très enrichissants, mais pèchent par leur caractère exclusif et univoque. Pour ramener ces systèmes explicatifs à l’Ouest de la France, ils concourent à produire le sens, mais ils y concourent aux côtés de nombreux autres facteurs dans un jeu complexe organisé. Siegfried avait été frappé par l’étonnante stabilité, pour ne pas dire fixité des comportements. Il les voyait si stables, si immobiles qu’il allait chercher dans une histoire très lointaine, parfois mythique, dans la personnalité ethnique et l’âme des peuples pour bâtir une explication. Pierre Milza, dans l’introduction à l’édition du Tableau politique de 1995 se demandait si ces tendances lourdes observées par Siegfried ne s’appliqueraient pas finalement à ce qu’il dénomme à la suite d’historiens le « grand XIX^e siècle ». Cette périodisation est évidemment politique, géopolitique, elle est bornée par le séisme catastrophique de la Première Guerre mondiale qui a clos une époque et ouvert une autre.

16Elle s’apparente au raisonnement qui bâtit une matrice historique et spatiale, mais elle n’en cerne que la dimension des bornes temporelles et des événements politiques majeurs qui la typent. Une matrice historique et spatiale, c’est plus que cela. Une matrice historique et spatiale est un vaste entremêlement de temps et d’espace qui donne naissance à des réalités de sociétés relativement homogènes, marquées d’une même tonalité. Une matrice génère. Elle génère des sociétés, des pratiques, des modes de pensées et de faire, qui ont des différences entre eux, des particularités, des éloignements, des décalages, mais qui tous sont façonnés, sont sous l’emprise, sont nés même de cette matrice. Une matrice, c’est une époque ; mais l’époque seule réduit trop au temps. Elle est étroitement liée aux espaces, pays et continents qu’elle embrasse.

17Une matrice historique et spatiale est un concept qui permet de caractériser l’évolution concordante et cohérente d’une période de temps assez longue, rapportée à l’échelle de la vie humaine, de l’ordre d’une génération, parfois plus, ainsi que des espaces de vaste dimension, des ensembles de pays et des parties de continents, parfois l’ensemble de la planète aujourd’hui. Elle permet de rassembler sous le même terme à la fois ce processus ontologique, la « fabrication » d’événements, de réalités, portant la même marque, le même sceau, la même tonalité, et la dimension de combinaison complexe, de multiples facteurs, matériels, idéologiques, culturels, concourant à l’existence et la stabilisation de ces sociétés. C’est en ce sens la matrice au sens algébrique, le croisement. Croisement de temps et d’espace, croisement de multiples facteurs. Je reprends le terme utilisé par Peter Taylor, lui-même le réinterprétant d’Immanuel Wallerstein, mais il est trop binaire dans les relations qu’il établit, j’y ajoute la dimension « genèse » de la matrice productrice ainsi que des interactions complexes, non linéaires. Interactions tant entre les situations matérielles et les configurations idéologiques, politiques, que dans la dimension temporelle, avec des rythmes, des accélérations, des décalages, des événements déclencheurs des moments clés20. Loin de la fixité, mais loin aussi d’une évolution lisse, progressive, ce sont des interactions complexes, au rythme heurté, connaissant des lenteurs comme des changements par bonds.

18C’est au sein de telles vastes matrices historiques et spatiales que prennent naissance des formations socio-spatiales telles que les a d’abord définies Guy Di Méo et que nous avons ensuite développées ensemble dans un système d’interprétation plus vaste21. Sur une certaine durée, se créent des formations sociales, avec des rapports sociaux, des systèmes de représentation et de pouvoir dont la cohérence couvre des territoires de la grandeur d’une région ou d’un État-Nation. Les matrices historiques et spatiales des trois derniers siècles ont généré en Europe de nombreuses formations socio-spatiales. Elles résultent d’équilibres ponctuels entre différentes classes et groupes sociaux en des territoires particuliers. Elles sont souvent étroitement liées à la formation des États-Nations, à l’histoire, à l’accumulation de la richesse et du capital des derniers siècles, aux configurations concrètes localisées des révolutions industrielles, aux modèles de vie familiale ou collective, hérités et transformés22.

19Ces formations socio-spatiales ne naissent évidemment jamais ex-abrupto. Elles héritent. Elles héritent des traits majeurs des formations antérieures, et justement de la matrice qui a précédé celle qui prévaut à leur époque. La combinaison particulière dans le temps et dans l’espace de ces héritages et des nouveaux traits que donne la matrice contemporaine, fabrique les particularités, les spécificités et parfois l’identité des formations socio-spatiales. Ces héritages sont parfois forts et lourds, ils s’accommodent souvent très bien de nouvelles combinaisons et sont réinterprétés par la matrice historique et spatiale. Ils durent, passent deux ou plusieurs générations, en se déformant suffisamment peu pour que l’observation en conclue à des permanences.

Permanences de l’Ouest, matrices historiques et spatiales

20C’est la particularité de l’Ouest de la France que d’avoir conservé des héritages forts, des configurations et des systèmes de relations au cours de plusieurs matrices historiques et spatiales, plusieurs époques. Les héritages ont été longs et lourds. Siegfried qui aurait aimé remonter à la République de 1848 pour avoir le « magnifique champ d’observation de ces soixante ans de suffrage universel23 » et s’était limité « aux quarante ans d’existence et plus de dix élections générales faites au suffrage universel de la Troisième République24 » y a particulièrement trouvé cette « singulière continuité25 », « les mêmes provinces, les mêmes cantons […] qui restent politiquement orientés dans le sens de mêmes courants ou fixés dans l’immobilité des mêmes résistances26 ». Les facteurs de la combinatoire qu’il avait élaborée, la nature de la propriété foncière, le mode de peuplement, l’influence du clergé, la réceptivité des populations locales aux directives du pouvoir, n’ont pas qualitativement changé au cours de cette III^e République, de ce « grand XIX^e ». C’est fondamentalement, par-delà les variations d’opinion conjoncturelles, les raisons d’être de cette immobilité des comportements politiques. Nul besoin pour cela des tempéraments ou du mystère des personnalités ethniques. Les modes de représentation des sociétés locales, les formations socio-spatiales de l’Ouest de la France qui connaissent elles-mêmes une stabilité assez grande sur une longue période, ne sont pas atteints, –ils sont parfois même renforcés–, par les changements qui affectent le reste de l’État-Nation au cours de cette III^e République.

21Dans la combinaison complexe qui produit au final le comportement politique, il n’existe aucun déterminisme simple qui conduirait de la condition économique à l’orientation politique. Bien sûr les structures économiques, les rapports de propriétés, les rapports sociaux de travail jouent un rôle essentiel, mais les facteurs politiques, idéologiques peuvent durablement ou ponctuellement peser beaucoup plus. C’est en particulier le cas lorsque des événements considérables bouleversent voire traumatisent une population. Les guerres et les révolutions sont de ceux-là.

22Lorsque les structures sociales et économiques des sociétés locales concernées sont particulièrement stables, dans les décennies qui suivent, lorsque les matrices historiques et spatiales n’emportent pas ces sociétés vers d’autres trajectoires, alors libre cours est laissé à l’induration de comportements idéologiques et politiques aux racines lointaines, parfois ravivés et réinterprétés dans un contexte différent. Dans ce théâtre politique, les décors changent un peu, mais les rôles demeurent, les acteurs se les transmettant par tradition et par célébration de la tradition. Une bonne partie des confrontations blanc/bleu des villages de l’Ouest observées par Jean Renard et Jean-Jacques Monnier, depuis le début de siècle jusqu’aux années 1960 peuvent se comprendre ainsi.

23L’essentiel des permanences d’hégémonie marquée peut également s’interpréter dans ce jeu où le culturel et l’idéologique prévalent sur les évolutions économiques surtout tant qu’elles n’ont pas totalement changé ces sociétés locales. Jean-Jacques Monnier reprend et étend l’idée du poids du passé développée par Paul Bois. Pour la Bretagne, il parle « d’événement matrice » ou « d’événement unificateur » à propos de la période révolutionnaire 1789-1794, argumentant que les trois blocs blancs qu’il identifie (un bloc blanc oriental Vitré-Fougères, plus au sud les pays d’Ancenis et de Retz en Loire-Atlantique et neuf cantons du Léon) sont « majoritairement des lieux d’insurrection contre la levée en masse en mars 179327 ». À l’opposé, dans ce que Monnier appelle « un sixième département breton », dans le centre ouest autour de Guingamp, Huelgoat, Rosporden, à l’intersection de trois départements différents, un bloc de gauche qui, dans un milieu économique et social ancien « de liberté accrue du douanier et de conflits plus nombreux avec le pouvoir seigneurial », déchristianisé, partiellement acquis à la Révolution, « l’événement unificateur est récent : la Résistance discrédite les radicaux et les modérés. Elle propulse au premier plan les communistes et plus occasionnellement les socialistes, en installant au pouvoir local une génération jeune qui va dominer pendant quarante ans et façonner durablement les mentalités autour du souvenir de l’événement fondateur28 ».

24Jean-Jacques Monnier donne une dynamique supplémentaire au poids de l’héritage en y introduisant cette idée « d’événement unificateur ou événement matrice » et en le déployant sur d’autres périodes historiques, ici la Seconde Guerre mondiale29. Je qualifierais volontiers de déclencheur ces événements en ce qu’ils cristallisent une situation du moment et impulse une dynamique qui va jouer pendant plusieurs décennies largement au-delà du contexte historique initial qui l’a vu naître. Le changement de matrice historique et spatiale d’ampleur continentale et internationale après la Première Guerre mondiale, puis à nouveau après la Seconde Guerre mondiale, a fortement ébranlé mais n’a pas bouleversé dans leur ensemble, les caractéristiques des sociétés de l’Ouest de la France. Il a introduit des changements très localisés, renforcé des isolats parfois déjà existants, en particulier en zones urbaines et dans les villes-ports, plus exceptionnellement dans des zones rurales tel « le sixième département breton ».

25En cela je ne suis pas Pierre Milza dans son appréciation. Il pense que, si les conclusions de Siegfried sur les orientations politiques ne valent que pour ce Grand XIX^e siècle, en revanche celles sur « les forces profondes » qui les portaient restent à considérer pour la période contemporaine, après 1970-1980. Le pôle d’hégémonie conservatrice que représente l’Ouest dans l’ensemble français a été bien au-delà du Grand XIX^e siècle, il a pour l’essentiel franchi l’entre-deux-guerres, même si des villes commençaient d’emprunter une autre trajectoire ; il a franchi la Seconde Guerre mondiale et l’après-guerre et a duré quasiment jusqu’à la fin des Trente Glorieuses, presque dix ans dans la V^e République. Les comportements politiques vont bien au-delà du Grand XIX^e siècle.

26C’est cette étonnante durée qui a attiré l’attention de chercheurs en sciences sociales et dont Edgar Morin, Henri Mendras, Armand Frémont ont fait de pénétrantes synthèses, s’attachant à rendre compte, au-delà de comportements politiques, du changement social de façon plus générale30 et des permanences de comportement. Henri Mendras, à propos d’un village des Mauges, dit « qu’une seule idéologie est commune à tous : un même système de références pour tous et les mêmes conduites à tenir selon chaque circonstance vont de pair avec une grande conformité des représentations collectives […], la permanence de la pratique religieuse, l’attachement à l’école catholique, doublé du culte du “souvenir vendéen”, l’implantation traditionnelle de la Droite caractérisent cette stabilité et cette unanimité idéologique31 ». Jean Renard souligne la persistance des comportements « la carte schématisant les superpositions des votes massifs à Droite, de l’implantation majoritaire de l’école catholique et des domaines traditionnels de forte pratique, montre pour les espaces ruraux une étonnante pérennité vis-à-vis des cartes du Tableau politique. Depuis Siegfried les choses ont peu changé et globalement ses hypothèses sont vérifiées32 ». Les permanences, celles de la culture, des systèmes de valeurs, éthiques, religieuses et politiques, celles des rapports de pouvoir, ont polarisé l’attention jusqu’à la fascination.

Durée, rythmes temporels et changement

27Ces permanences ont souvent été assimilées à de l’immobilité et du passéisme. Siegfried concluait son Tableau politique sur « l’atmosphère du passé et les luttes du passé qui y continuent33 » (p. 602). Cela pouvait être une volonté de forces sociales, une ambiance même prégnante pendant longtemps, mais cette immobilité stigmatisée était à l’aune d’un observateur qui a la durée de vie d’un homme, qui observe des changements ailleurs et s’étonne ou s’impatiente de ne pas les voir venir. Ces permanences ont duré parce que leurs conditions d’existence, les formations socio-spatiales, les combinaisons complexes, ont elles-mêmes duré. Paul Bois et Jean Renard ont souligné cet aspect de la durée des conditions d’existence par le biais de la faible mobilité des populations. « Aucun mouvement migratoire n’est venu altérer la physionomie de ces deux populations. […] Pas d’émigration non plus qui aurait pu, par contrecoup, ramener au pays des idées nouvelles » dit Paul Bois de la Sarthe34. « Les deux éléments fondamentaux de l’identité de l’Ouest sont la fécondité élevée et l’absence ou la quasi absence d’immigration, et ces deux faits sont associés », en dit Jean Renard dans la Géopolitique des Pays de la Loire35.

28Ces permanences ont duré au-delà de la période embrassée par Siegfried et beaucoup de leurs vagues sont venus lécher les rives des années 1970. Le Grand XIX^e siècle est achevé depuis un demi-siècle à ce moment-là mais elles fascinaient d’autant plus les observateurs des années 1970 et 1980 que dans le même temps sous leurs yeux, la réalité matérielle, l’économie, le travail, le mode de peuplement, changeaient et changeaient de façon impétueuse, accélérée. La réalité matérielle changeait, mais les systèmes d’idées, les rapports de pouvoir, les influences idéologiques et les dominations politiques, semblaient rester comme avant, dans leurs suprématies comme leurs oppositions. Cet écart laissait perplexe.

29On peut rendre compte de cet écart en termes de rythme temporel et de pratiques sociales. Les comportements politiques n’ont pas d’évolution strictement et mécaniquement parallèle aux autres sphères de la société. Ils ont des rythmes propres, et se façonnent d’interactions avec les autres sphères. Ils peuvent aller plus vite, plus fort, ils peuvent aussi aller beaucoup plus lentement. Un des télescopages les plus importants de l’époque contemporaine, découplage violent et rapide entre les conditions de rapports de travail, de propriété, de mode de vie, de systèmes familiaux est celui qui résulte du maelström qui emporta des millions d’hommes lors de la Première Guerre mondiale loin de leur famille et de leur communauté de travail, et sortit simultanément des millions de femmes de leur condition antérieure36. Pour ceux qui en revinrent, l’écart avec « avant » était bien souvent inacceptable, les changements que ces écarts avaient introduits allaient bien au-delà du politique. Là le politique au sens large avait bougé plus vite que les socles matériels de la société. Ce n’est pas l’Ouest qui, en France, a vécu le plus intensément ce télescopage, ou plus précisément ce n’est pas l’Ouest rural ; les villes, en particulier celles de la Basse-Loire, les ports, notamment en Bretagne, l’ont plus ressenti et leur histoire politique en porte la marque. Les guerres sont ces moments paroxystiques. Des événements de la société moins dramatiques et meurtriers, jouent également ce rôle de crises, de cassures. Sans crise grave ou de façon différée après des crises, des points de retournement marqués par des élections dans les pays à suffrage universel, jalonnent ces changements.

30Souvent ces événements considérables jouent un rôle déclencheur qui va imprimer sa marque sur toute une génération et parfois au-delà. Quelques années ou quelques mois pèsent alors sur plusieurs décennies qui suivent. La valeur politique du temps social ne se mesure pas à l’aune du calendrier astronomique. Quelques années peuvent dans une matrice historique et spatiale peser beaucoup plus que quelques décennies. C’est le temps des guerres, des révolutions, des innovations, des découvertes, des changements de régime, des effondrements d’empire, de nouvelles routes ou de nouveaux moyens de se déplacer ou communiquer.

31C’est ainsi que l’on peut interpréter la marque portée sur plusieurs générations, la mémoire cultivée et revivifiée des conflits de la Révolution et de la Chouannerie dans les campagnes de l’Ouest ou plus anciens encore des conflits meurtriers entre communautés protestantes et catholiques sur les marges du Massif Central. C’est cela qui donne l’impression que des pratiques et comportements se transmettent de génération en génération sans que le temps ait prise sur eux. Au sein même de cette période où les permanences prévalent sur les changements dans l’ensemble de l’Ouest dans les années 1950 et 1960, des événements déclencheurs ont initié de nouveaux comportements collectifs. Des comportements différents de ceux les plus répandus dans la même région, qui prennent racine dans un terreau qui a pu favoriser leur éclosion, mais qui s’ancrent sur l’événement déclencheur que constitue la Résistance.

32C’est ainsi que l’on peut lire l’évolution du centre-ouest Breton, en accord avec l’hypothèse de Jean-Jacques Monnier. Quarante-deux cantons contigus accordent en 1981 plus de 55 % au candidat de la Gauche. Une zone à cheval sur trois départements, et globalement de la taille d’un département, de Guingamp à Concarneau. Sur une structure sociale et une histoire à l’époque de la Révolution puis au XIX^e siècle qui conduit au mouvement et à la contestation, « l’événement unificateur récent de la Résistance, déclenche un comportement politique qui va durer une génération ». Ces comportements sont en concordance avec des évolutions semblables dans le Limousin, ou dans des micro-régions, dans des villes, des zones rurales ou littorales, mais en décalage avec le système politique dominant d’autres parties de la Bretagne et de l’ensemble de l’Ouest. Ils ne peuvent pas être compris dans une logique de tempéraments, de permanences se jouant de l’histoire faite par les hommes.

33Ces décalages sont plus répandus en un sens inverse dans l’Ouest de la France par rapport à l’ensemble national, c’est la situation observée dans l’Ouest dans la fin des années 1960. Le monde a changé, une nouvelle matrice spatiale et historique fait changer la France comme les autres pays industrialisés d’Europe de l’Ouest. L’Ouest vit ces changements. L’urbanisation va grand train, le travail, l’industrie, l’agriculture changent, la mobilité des populations s’est intensifiée, les cursus de vie, les études, les fonctionnements de famille changent… et les votes, dans leurs grandes orientations, demeurent étrangement semblables à ceux d’hier et d’avant-hier. Ce décalage est celui qui a attiré l’intérêt des observateurs dans les années 1970 et 1980, d’autant qu’il s’inscrivait dans le fil de celui qu’observait Siegfried au début du XX^e siècle. L’intriguant décalage du début du XX^e siècle pouvait sembler se prolonger dans des permanences de comportements qui traversaient tout le XX^e siècle.

34Ces permanences résultent de décalages temporels, de rythmes différents entre les évolutions idéologiques et les évolutions matérielles. Les traits majeurs de la spécificité électorale de l’Ouest, cette ultra-majorité, voire cette hégémonie, en certains lieux, d’un vote de Droite correspond à des rapports de pouvoir, des rapports sociaux qui fonctionnent encore à ce moment, mais qui sont déjà plus de la période antérieure37, qu’en adéquation avec la réalité du moment qui change rapidement. Il faut souligner que la modification de la structure sociale et professionnelle s’est effectuée dans l’Ouest dans la période de croissance accélérée 1950-1974 de façon plus concentrée et à un rythme plus rapide que dans beaucoup d’autres régions françaises. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, dans de nombreux départements de l’Ouest la répartition de la population occupée dans le secteur primaire et dans le secteur secondaire différait peu de ce qu’elle était en début de siècle. Quinze années plus tard la modification était considérable, trente années plus tard elle était totale. Cette contraction dans le temps de la modification des structures sociales est pour beaucoup dans le phénomène de décalage, maintenant des permanences de comportement quand le reste de la vie sociale est en changement. Comme elle l’est dans le phénomène de rattrapage accéléré par rapport à l’évolution nationale qui suivit dans les décennies d’après, de 1990 à 2010.

Le rôle décisif des pratiques sociales

35La modification des comportements s’effectue non par une quelconque conversion idéologique mais par les pratiques sociales. Les plus jeunes sont plus nombreux à poursuivre des études, à s’éloigner du moule familial et de voisinage, ils entrent, ainsi que des couches d’âge plus âgées dans de nouvelles formes et de nouveaux collectifs de travail, les lieux d’habitation changent pour beaucoup. À la même période, les systèmes d’information se développent et leur usage se massifient. Il n’y a là nul automatisme qui conduirait à une orientation politique particulière, mais ces nouvelles pratiques, ces nouvelles expériences sociales télescopent les systèmes de relations et les conduites politiques antérieures, les diversifient et entrent en résonance avec la situation politique nationale. Il n’y a pas à ce moment une simple relation entre un corps social devenant plus industriel et urbain et un vote plus à gauche. Il y a éclatement des conditions antérieures, recomposition d’une nouvelle combinaison et interrelation avec une situation politique nationale. Cela ne se fait pas en quelques dizaines de mois. Il y faut du temps, le temps de l’imprégnation, le temps de tentatives, d’ajustements, le temps de formation d’opinions individuelles et collectives.

36L’exemple de décalages en sens inverse, c’est-à-dire développant des opinions en rupture avec l’environnement régional conservateur (tels le sixième département breton ou les villes-ports) peut s’interpréter également par le jeu des pratiques sociales. En l’occurrence, l’expérience de la Résistance, et l’influence idéologique à un âge décisif pour toute une génération, dont le nombre est suffisant pour donner sa marque à une population locale, entraîne pour de nombreuses années un vote en décalage d’orientation avec l’ensemble départemental ou régional proche. Le décalage temporel entre évolution matérielle et évolution politique, associé au rôle des pratiques sociales comme moteur des changements d’orientation permet de rendre compte du maintien de ce qui a été appelé permanences alors que la société a bougé dans ses structures et ses fondements ainsi que du rattrapage accéléré du profil d’opinion national dès lors que la combinaison entre changement du contexte économique urbain, rural, situation politique nationale, rapport de pouvoirs locaux, relation électeurs-élus ne se voit plus opposer de frein particulier en cette portion du territoire.

37Pour saisir ces évolutions nul besoin de « tempérament » ou encore moins « d’âme des peuples ». Par delà la combinatoire déployée par Siegfried de façon novatrice, il faut encore le souligner, il faut effectivement aller chercher au-delà du moment présent, dans l’histoire du groupe, des sociétés locales, des formations sociales et spatiales, dans les héritages idéologiques, soulignés, indurés, transformés, aiguisés par le récit collectif, dans l’imbrication des sociétés locales dans des matrices historiques et spatiales de grande ampleur et de longue portée qui génèrent et façonnent les milles variétés localisées. Il faut aussi, dans le contemporain, intégrer le rôle décisif, de « fabrique » par les pratiques, individuelles et collectives. Il faut maintenant intégrer le rôle radicalement nouveau des médias pesant sur la vision du monde et la constitution de l’opinion. Il faut, tant dans le raisonnement temporel que dans l’immédiat contemporain, quitter un raisonnement seulement linéaire et intégrer le raisonnement où les rythmes temporels sont faits de densités, d’épaisseur, et de portée différents, de scansions et de bonds, d’événements cruciaux et déclencheurs. L’idéel est bien là, l’héritage aussi, mais inscrits, portés dans cette imbrication. Plus qu’une combinatoire, essai utile et avancé au moment où Siegfried la met en œuvre, il s’agit d’une combinaison au sens où la complexité est le mode majeur, l’interaction et l’évolution par bonds, le mode opératoire. Le mystère du tempérament s’y dissous.