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    Plan détaillé Texte intégral La science politique : l’héritage d’un héritier la commémoration : légitimer le vivant par le mort Notes de bas de page Auteur

    Le Tableau politique de la France de l’Ouest d’André Siegfried

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre IV. Retour sur la construction de la figure fondatrice d’André Siegfried : hommages et commémorations

    Mathilde Sempé

    p. 61-75

    Texte intégral La science politique : l’héritage d’un héritier Un héritier outsider ? Un porte-parole pour « Sciences Po » (1944-1957) la commémoration : légitimer le vivant par le mort Hommage à l’institution Hommage au commémorateur Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    « Qu’est-ce qu’un grand homme ? C’est celui qui laisse des traces profondes et durables dans la pensée, dans la vie de l’humanité contemporaine et des générations qui suivent. André Siegfried ne l’a pas été directement sur le plan politique. Sur le plan de la science : de la science humaine, de la science sociale, il l’a été admirablement. […] Vraiment, on a l’impression qu’il n’y a pas d’ombre dans la grandeur d’André Siegfried. C’est qu’André Siegfried n’était pas seulement un grand homme. André Siegfried, tous ceux qui l’ont connu l’ont dit, et je suis honoré d’être aujourd’hui le dernier à le répéter, André Siegfried était un homme profondément bon… »
    François Goguel, L’œuvre scientifique d’André Siegfried (1975)1

    1Comprendre la construction de l’image du « père fondateur de la science politique », au prisme de conjonctures singulières –telles que les anniversaires ou les hommages rendus à André Siegfried– engage d’emblée le politiste à les appréhender au regard de leurs producteurs et de leurs conditions de production. En sorte que ces moments de célébration du mort deviennent des moments indiqués pour l’analyse du travail d’objectivation et de réhabilitation des représentations socialement constituées du défunt et des vivants. Si les commémorations peuvent apparaître comme des occasions particulières d’homogénéisation de groupes sociaux hétérogènes, elles sont par ailleurs inscrites dans des contextes spécifiques définis par les enjeux de luttes du moment. Partant, et s’agissant d’étudier les mécanismes structurant ces instants de mise en forme d’une figure fondatrice, il convient de ne pas écarter les logiques commémoratives dans lesquelles le chercheur est également pris. Aussi, ce rassemblement en date d’anniversaire de la publication du Tableau politique de la France de l’Ouest, procède en partie d’une entreprise collective de réification d’une œuvre et de son auteur comme précurseur de la sociologie électorale, de même qu’il tend à révéler les intérêts de chacun à la contribution d’une forme de production symbolique autour d’André Siegfried et de son Tableau. Les éléments de trajectoire individuelle, les habitus scientifiques et disciplinaires2 ainsi que la position occupée au sein du champ académique, pèsent dès lors sur les prises de position et les modalités d’appréhension de l’objet de recherches. Le/la doctorant-e en science politique, héritier-e de manières d’être et de penser propres à des sous-espaces de la discipline, tend par conséquent, en se prenant au jeu, à reproduire ce que « le travail accumulé par ses devanciers lui intiment de promouvoir et de défendre3 ». Ainsi l’histoire des appropriations différenciées d’André Siegfried a-t-elle quelque chose à voir avec l’histoire de la science politique.

    2Parmi le matériel empirique rassemblé –constitué de multiples formes de discours prononcés en mémoire d’André Siegfried– deux ont semblé particulièrement intéressants du point de vue des acteurs, des conjonctures et des espaces au sein desquels ils prennent sens : d’une part l’hommage du 31 mai 1960, rendu à l’Institut d’Études Politiques de Paris, peu de temps après son décès, d’autre part, l’anniversaire de sa naissance, célébré le 15 mars 1975 au Collège de France. Ces deux cérémonies sont néanmoins comprises ici dans un ensemble de productions scientifiques (ouvrages, préfaces, articles) qui participent elles aussi aux formes plurielles de célébration du mort, des vivants et des institutions qui les ont traversés et qu’ils ont traversées en retour4. En effet, professeur à l’Institut d’Études Politiques de Paris et au Collège de France, André Siegfried cumule les postes de pouvoir dans les instances légitimes de consécration académique, au nom desquelles ses successeurs se saisissent du capital symbolique constitué, en faisant variablement jouer ces multiples facettes selon les configurations, leurs dispositions et leurs positions respectives. Et parce qu’ils ont incorporé les manières d’être propres à l’institution, ils tendent à reproduire, à travers différentes modalités d’encensement, de qualification et de requalification, les taxinomies qui en découlent. En définitive, les commémorateurs apparaissent moins comme les héritiers légitimes d’un initiateur qu’en tant que légataires ordinaires de l’institution dont ils assurent, en pratique, la pérennité. « Discours de célébration –éloges funèbres, discours de réception, etc.– dans lesquels différents groupes se célèbrent eux-mêmes en célébrant un de leurs membres5 », les commémorations assurent par là le « maintien de l’unité d’un groupe6 ». Toutefois, apprécier les enjeux propres au travail de légitimation d’une institution nécessite d’étudier, en amont, les conditions sociales et historiques de possibilité de ces commémorations.

    La science politique : l’héritage d’un héritier

    Un héritier outsider ?

    3Envisager la figure d’André Siegfried comme l’enjeu d’héritages différenciés suppose au préalable d’examiner les éléments de trajectoire biographique d’un héritier. À la fin du XIXe siècle, Jules Siegfried, son père, est importateur de coton au Havre, également cofondateur du Musée social7, député de la Seine Inférieure (1885-1897), ministre du commerce (1892-1893) et par ailleurs inscrit dans un réseau d’interconnaissances proche des milieux protestants. Il transmet ainsi pour principales ressources à son fils des capitaux relationnels comme éventuels points d’entrée dans les plus hautes sphères des cercles du pouvoir : « je garde [dit-il en 1946] de Gambetta le frais souvenir de mes sept ans8. » Le legs d’un patrimoine social et politique a, pour le moins, engendré, a minima, ce que les classes sociales dominantes font aux classes probables9 du même ordre : les attentes d’une réussite scolaire. Né en 1875 au Havre, André Siegfried étudie au lycée Condorcet à Paris, obtient une licence ès lettres, une licence de droit et suit, dans le même temps, les cours de l’École libre des sciences politiques. Après son service militaire (1895-1896) et « sur les conseils de son père10 », il voyage, de 1898 à 1900, aux États-Unis, au Canada, au Mexique, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Japon, en Chine, en Indochine et dans les Indes ; il est en outre interprète dans l’armée britannique durant la première guerre mondiale et secrétaire général de la mission française en Australie11. Autant de déplacements qu’il envisage, à travers une reconstruction du passé, comme une ressource scientifique réinvestie dans le champ académique, comme autant de terrains « providentiels » d’observations pour l’historien, le géographe et l’économiste qu’il prétend alors être12. Par la suite, il est secrétaire général de l’université populaire de Belleville13, achève et soutient sa thèse de doctorat ès lettres –La démocratie en Nouvelle-Zélande–, sa thèse secondaire portant sur Edward Gibbon Wakefield et sa doctrine de la colonisation systématique. En 1902, 1903, 1906 et 1910 il est candidat aux élections législatives à Castellane et au Havre14. Malgré l’insuccès de chacune de ses participations à la compétition politique, elles lui permettent néanmoins d’acquérir une forme de savoir-faire, ou tout au moins de renforcer les mécanismes d’accointances inhérents au champ du pouvoir, que son mariage avec Paule Laroche (1907)15, fille du député de la Sarthe, tend par ailleurs à conforter. De sorte que ces dispositions, reconverties ensuite dans d’autres espaces et en particulier au sein du champ académique, ont rendu possible, selon Alain Garrigou, la formation d’un « lien entre le savoir pratique des politiciens et sa propre entreprise de constitution d’un savoir sur la politique16 ». Ainsi, commence ce récit mythique des origines du Tableau politique de la France de l’Ouest, impulsé, selon son auteur, par les échecs répétés en politique. Tout se passe comme si le passage de l’espace du politique à celui des sciences sociales relevait d’une forme d’évidence. André Siegfried précise à cet égard : « je n’en veux pas aux électeurs qui m’ont laissé le loisir, la joie et la liberté d’esprit de l’étude. La volupté de comprendre me paraît aussi belle que l’ivresse de l’action17 ». Départie de ses conditions de production, l’histoire réécrite par André Siegfried lui-même occulte en réalité que dominant par son appartenance à la haute bourgeoisie protestante, il est pour autant dominé au sein du champ du pouvoir. Son parcours résulte par conséquent de l’écart objectif entre la trajectoire individuelle effective et la trajectoire modale en politique de la catégorie d’origine18.

    4« Bien fortuitement, un soir de 1910, dans un dîner de discussion à Paris, trois orateurs devaient parler chacun dix minutes sur l’Angleterre et les projets de Joseph Chamberlain ; étant le seul présent des trois, je pus développer le sujet sur trois quarts d’heure. M. Leroy-Beaulieu, alors directeur de l’École des Sciences Politiques qui m’entendit, me proposa la chaire de politique économique de l’Angleterre. Après plusieurs jours d’hésitation, j’acceptais : le pas fut décisif19. » Au delà du récit mythique des origines, il s’agit de restituer la carrière d’André Siegfried dans un temps long de la genèse de l’École. En effet, la contribution financière, en 1871, de Jules et de son frère Jacques Siegfried20, à la création de la fondation de l’École libre des sciences politiques qu’Émile Boutmy avait mis en place grâce à un réseau de « protestants lettrés ou fortunés21 », n’apparaît pas déconnectée de l’entrée d’André Siegfried au sein de cette institution, en 1911, en tant que chargé d’enseignements. En 1932, il est élu à l’Académie des sciences morales et politiques. Après avoir manqué la chaire de civilisation américaine, il est nommé, l’année suivante, professeur au Collège de France pour la chaire de géographie économique et politique, il y enseigne, jusqu’en 1946, un petit cours et un grand cours22. Le grand cours, qui a « d’emblée un grand succès23 », compte tenu notamment de la notoriété qu’il a antérieurement acquise, porte sur la géographie économique et politique « des grands ensembles24 », le petit, qui consiste en l’étude des partis politiques en France, est inspiré des méthodes du Tableau et donne lieu à la publication de la Géographie électorale de l’Ardèche sous la IIIe République. Le Collège de France est une institution relativement autonome et représente, selon Christophe Charle, un « lieu de mémoire25 » symboliquement légitime et consacré par le champ intellectuel, l’enjeu de fin de carrière étant d’y détenir une chaire. Il cumule par là même des rétributions symboliques constitutives d’un capital du même ordre, d’autant plus opérant qu’il est aussi journaliste au Figaro à partir de 1934, élu à l’Académie française (1944), président du conseil d’administration de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP), membre du conseil d’administration de l’École nationale d’Administration (ENA) (1945) et grand officier de la légion d’honneur. Ces positions cumulatives occupées dans des espaces légitimes de production idéologique, constituent dès lors un ensemble combinatoire de ressources tendanciellement mobilisables par ses successeurs26.

    5L’acquisition de positions plus hautes au sein du champ académique résulte d’un savoir-être spécifique antérieurement intériorisé, elle est néanmoins rendue possible compte tenu de l’état des forces et des différents degrés d’autonomisation des disciplines qui ont influé sur les partis pris méthodologiques d’André Siegfried. À cet égard, les traditions intellectuelles au sein desquelles il entend s’inscrire révèlent la position singulière du chercheur au carrefour de plusieurs disciplines : « mes maîtres furent les professeurs Izoulet, pour la philosophie, Seignobos pour l’Histoire et le géographe Vidal de la Blache27 ». De même que les classements produits par ses pairs –qui le rangent tantôt chez les économistes, tantôt chez les historiens, tantôt chez les sociologues, politologues ou politistes– présument après coup de l’introduction de dispositifs inédits dans les sciences sociales28. Partant, le voyage, comme nouvelle modalité de recueil de données empiriques dans une perspective comparative, participe également aux stratégies individuelles et collectives de présentation et de défense d’une posture marginale de l’auteur. De ce point de vue, l’écart produit par le va-et-vient entre les disciplines –aux appareils idéologiques et schèmes de perception différentiels– renforce du même coup la place d’outsider disciplinaire conférée par ses pairs. C’est pourquoi il convient de concevoir la posture théorique d’André Siegfried en fonction des affrontements qui opposent les géographes depuis les années 1900. Ainsi la discipline est-elle structurée selon deux appréhensions de l’espace : d’un côté, la « géographie humaine » de Paul Vidal de la Blache, dont est notamment issue la monographie régionale d’Albert Demangeon, de l’autre, l’« anthropo-géographie » plus proche de Friedrich Ratzel29. La prise en compte de configurations historiques déterminantes pour l’analyse de régions distinctes, chez André Siegfried, tend dès lors à le distinguer des géographes, à mettre au jour les modes de penser attachés à l’histoire, à le situer plus près des schèmes sociologiques sans pour autant adopter le point de vue de sociologues tels que François Simiand30 selon lequel la région est un artefact. Cependant, la légitimité institutionnelle de la géographie31, au début du siècle, par rapport à la sociologie, contribue en partie à délégitimer un certain nombre de partis pris siegfriediens empruntés aux sociologues tels que ne « jamais chercher l’explication d’une tendance politique dans une cause unique, mais toujours dans une combinaison complexe de causes concordantes32 ». Méconnu des historiens et critiqué par certains géographes, ce n’est qu’à partir de 1945 –alors que le processus d’autonomisation de la science politique est tout juste initié– que concordent les prises de positions scientifiques avec les positions institutionnelles d’André Siegfried.

    Un porte-parole pour « Sciences Po » (1944-1957)

    6L’École libre des sciences politiques, créée en 1871 par Émile Boutmy, Hippolyte Taine, Anatole Leroy-Beaulieu et Albert Sorel, imaginée comme une école des hommes d’État et des grands administrateurs, est a priori destinée à former une « tête de nation », comme le précisait André Siegfried33. Pour autant, Émile Boutmy consent à valoriser scientifiquement l’institution par une étroite collaboration avec certains milieux intellectuels34, dans une perspective de légitimation de la science politique. Pour des raisons avancées comme « politiques » et « techniques35 », Émile Boutmy oriente toutefois l’École libre en une école d’administration. C’est pourquoi, à partir de 1936, certains professionnels de la politique, et notamment Jean Zay, alors ministre de l’éducation nationale, redoutent le monopole de l’École libre des sciences politiques dans la mise aux concours d’État. Aussi, en proposant une nationalisation de l’École –plus proche du modèle universitaire, comprenant une gestion par l’État36 et non plus par la fondation de l’École– ce sont les pratiques et les représentations des agents qui composent l’institution, donc l’institution elle-même qu’une partie du gouvernement du front populaire requiert de transformer. Les négociations, interrompues durant la guerre, reprennent en 1944-1945, attendu par ailleurs que l’hypothèse de la création de l’ENA entre directement en concurrence avec la préparation aux concours assurée par l’École libre. Elles aboutissent à la proposition de résolution n° 322 invitant le gouvernement à créer « une école des sciences politiques nationale et démocratique37 » moment où, comme l’indique Christophe Charle, « seules sont mises en avant les personnalités à la surface sociale et intellectuelle la plus utile face à un personnel gouvernemental nouveau : André Siegfried, fils d’un des fondateurs de l’École, ministre de la IIIe République et membre de la HSP (haute société protestante), mais surtout professeur-vedette de l’École au Collège de France, récemment élu à l’Académie française, et Roger Seydoux, fils de diplomate, également issu de la HSP, mais connu pour ses sympathies actives pour la Résistance38 ». Si la concertation engagée avec Michel Debré aboutit formellement à la dissolution de l’École le 5 avril 1945, elle assure symboliquement la pérennité de l’institution puisque celle-ci continue d’être administrée par les mêmes agents reconduits au sein de la FNSP créée à cet effet. Nommé en 1946 à sa présidence, André Siegfried « déclare que si l’École est prête à modifier son statut, elle ne souhaiterait pas perdre son individualité39 ». Le rôle de porte-parole de l’École, joué par André Siegfried, dans cette conjoncture d’opportunité politique significative de compromis et de rapports de force entre le champ bureaucratique et des espaces qui lui sont proches, est pour ainsi dire déterminant dans la reconnaissance symbolique des souscripteurs et successeurs de l’Institut d’études politiques de Paris.

    7S’ensuit un processus de légitimation, non plus directement lié à la position institutionnelle d’André Siegfried, produit de dispositions individuelles et de l’échange de coups politiques dans un contexte singulier, mais plus habilement intéressé aux travaux scientifiques de l’auteur, en particulier ceux de géographie électorale40. Ces études, qui avaient contribué à le distinguer méthodologiquement des approches plus traditionnelles en Géographie, constituent un des instruments de l’autonomisation de la discipline « science politique ». Elle-même au carrefour de plusieurs disciplines, il fallait que le droit d’entrée dans la matière nécessite des compétences spécifiques valorisées et valorisables par ceux qui s’en revendiquent, en excluant d’emblée les agents qui ne remplissent pas les conditions de jeu41. L’accumulation d’un capital symbolique autour de la figure d’André Siegfried est en cela concomitante de la relative autonomisation de la science politique telle qu’elle est pratiquée et enseignée à « Sciences Po ». Dans cette perspective, les colloques organisés par le centre d’études scientifiques de la politique intérieure (CESPI) de la FNSP, de 194842 et de 195743, affiliés directement aux travaux d’André Siegfried, sont socialement construits comme fondateurs d’une sous-discipline de la science politique : la sociologie électorale. Nombre des acteurs présents lors de ces colloques sont les futurs commémorateurs du « père fondateur » en achevant par là d’assurer la pérennité de la discipline et de l’institution.

    la commémoration : légitimer le vivant par le mort

    Hommage à l’institution

    8Les cérémonies funéraires organisées en hommage à André Siegfried sont de précieux indicateurs des postes successivement occupés par le mort dans les espaces institutionnels de commémoration (en particulier l’Institut d’études politiques et le Collège de France44) ; ils sont, de surcroît, révélateurs de la hiérarchie des positions également imposée aux autres membres de l’institution. Le commémorateur insistera par conséquent davantage sur le caractère exceptionnel des qualités spécifiquement attribuées à André Siegfried, ou en tout cas construites comme telles, précisément pour l’écho qu’elles peuvent avoir vis-à-vis de l’instance de consécration. De sorte que l’héritage et l’expérience en politique d’André Siegfried soient logiquement évoqués dans les interventions de Louis Joxe, ministre de l’éducation nationale en 1960, ou celle d’Edouard Bonnefous45, sénateur en 1960 et député en 1975. De la même façon, les interventions de Marcel Bataillon (administrateur du Collège de France en 1960), de Maurice Le Lannou et de Louis Chevalier (professeurs au Collège de France en 1975) pour le Collège de France et celles de Roger Seydoux et de Jacques Chapsal (consécutivement directeurs de l’IEP et administrateurs de la FNSP), Pierre Renouvin (président de la FNSP en 1959), François Goguel (secrétaire général de la FNSP en 1945), mettent en évidence le prestige de l’instance « Sciences Po » ; ses aptitudes journalistiques sont rappelées par Jean Schlumberger (en 1960), Jacques Chastenet (en 1960) ou Jean-Baptiste Duroselle (en 1975)46 ; ses vertus d’académicien sont invoquées par Pierre Renouvin, Jacques Chastenet, Wilfrid Baumgartner, Marcel Bataillon, Édouard Bonnefous, André Chamson, Claude Terrier, Jean-Baptiste Duroselle et Jean-Jacques Chevallier, appartenant eux-mêmes à l’Institut de France ; et enfin, sa relation au milieu protestant est mentionnée par Jean Schlumberger, Roger Seydoux, André Chamson et François Goguel partageant eux-mêmes cette confession. Autant d’éléments significatifs des intérêts à faire valoir certaines dispositions requises par l’institution d’appartenance, ce que Delphine Dulong résume par la « mise en forme symbolique d’un discours sur les vivants, s’adressant uniquement aux vivants47 ». En effet, l’hommage au défunt est en réalité dirigé vers l’instance qui conditionne la formation du groupe constitué autour d’André Siegfried. En ce sens, l’exposition organisée lors de l’hommage rendu à « Sciences Po » en 1960 fait figurer ce que le passage par l’institution a de capitalisable et notamment en matière « sociale » et « culturelle ». Dans les vitrines élaborées à cette occasion, tout comme dans les interventions, la carrière politique est laissée de côté au profit de sa filiation à Jules Siegfried (ancien donateur de l’École48), de l’obtention de son doctorat ès lettres, de ses productions scientifiques (illustrées par des cartes, le livre du Tableau, un extrait du colloque de sociologie électorale de 1948), de son élection à l’Académie française49, de sa place au sein de l’École, en qualité d’élève, de professeur, de président du conseil d’administration de la FNSP et enfin de ses attributs circonstanciels lors des négociations pour la nationalisation de l’École, de sa participation, en somme, à l’accumulation d’un capital social collectif et symbolique pour « Sciences Po ». C’est pourquoi Roger Seydoux présente André Siegfried, lors de son intervention en 1960, comme « la plus haute autorité morale de la maison ». En effet, « c’était [selon lui] Monsieur André Siegfried qui présidait et inspirait nos réunions de travail d’où est sortie l’École aujourd’hui ». Par ailleurs, « pendant l’occupation alors que l’École sous scellés puis rouverte mais toujours suspecte à juste titre d’ailleurs, menait une vie difficile, c’est la clairvoyance, le patriotisme d’André Siegfried qui [poursuit-il] nous ont aidé à traverser les années sombres50 ». En définitive, les hommages s’apparentent à des rites d’institution51 qui contribuent à rappeler à la mémoire ce qui est institué, à répéter un « jugement social préexistant52 », à renforcer les mécanismes de sacralisation et de légitimation des façons de faire et de penser propres à l’institution.

    9Ces manifestations prennent sens dans le cadre de pratiques routinières propres à l’institution et disposées à maintenir l’esprit de corps en faisant intervenir des « hautes personnalités53 » et en mobilisant des « schèmes et des catégories préconstitués qui font sens commun entre les intervenants54 ». C’est donc sous le même format que les hommages rendus au nom de l’institution sont reproduits : le « discours de séance privée tenue par l’Académie française pour la réception de Monsieur Henry de Montherlant » (successeur au fauteuil d’André Siegfried), impose l’éloge de son prédécesseur55 ; l’hommage rendu, sous l’étiquette du Collège de France, à Daniel Roche par Louis Chevalier prend les mêmes formes que ceux de Maurice Le Lannou par Maurice Agulhon et dans une certaine mesure, celle d’André Siegfried par les intervenants du colloque de 1975 ; les cérémonies présidées par André Siegfried en l’honneur d’Élie Halévy, Émile Boutmy et Albert Sorel procèdent elles aussi des mêmes conduites d’encensement appropriées aux rites de l’École56. En l’espèce, l’usage de certains termes révèle en partie la position du défunt dans la hiérarchie des taxinomies, reflet de la hiérarchie institutionnelle que les agents commémorateurs consentent ainsi à reproduire. Au regard de l’étude menée par Pierre Bourdieu à propos des notices nécrologiques publiées dans l’annuaire de l’association des anciens élèves de l’École normale supérieure, ces modes de classification sont établis selon la dotation particulière en capitaux culturels et sociaux du mort. Le jugement des pairs et la morale universitaire sont exprimés par des adjectifs adoptés selon les compétences académiques attendues, en fonction de la position institutionnelle correspondante57. Au-delà des classements strictement scolaires (« rationalisme », « lucidité », « objectivité », « distance »), on retrouve dans les discours portant sur André Siegfried, les qualificatifs de « grand humaniste », de « valeur humaine », de « parfaites capacités d’attention », de « vertus de l’esprit », d’« aristocratie d’allure » ; également de « génie », de « génie propre », de « génie de cette maison », de « génie de clarification » et d’« excellence intellectuelle58 ». La normalisation de pratiques commémoratives inscrites dans une perspective d’« exaltation » du groupe semble dès lors mettre en suspens les formes apparentes de la compétition ordinairement constitutive d’un espace relativement autonomisé (dont le coût d’entrée est élevé), pour rendre compte uniquement de « l’adhésion enchantée » des membres du groupe aux valeurs de celui-ci59. Les rapports de force n’en disparaissent pas pour autant puisque l’adhésion à un héritage attaché à la figure de père fondateur d’une discipline, constitue, en soi, un enjeu de luttes pour l’appropriation d’un capital symbolique accumulé au nom d’André Siegfried.

    Hommage au commémorateur

    10Défaire l’illusion de la mort comme processus naturel incombe d’identifier les mécanismes à l’œuvre dans les stratégies de valorisation du défunt en considérant ainsi que mettre l’accent sur tel élément de trajectoire plutôt que tel autre procède en réalité d’une réécriture des événements passés, par la cristallisation des enjeux de luttes du moment. En pratique, « plus la position du défunt a été élevée dans la hiérarchie des positions [académiques et] politiques, plus les prises de parole au moment de sa mort sont nombreuses et viennent d’agents titulaires de positions également élevées60 ». Si ceux qui interviennent au nom d’André Siegfried détiennent effectivement des postes de pouvoir au sein des champs politique (député, sénateur, ministres), économique (gouverneur de la Banque de France) et du pôle institutionnel du champ académique (académiciens, administrateur du Collège de France, secrétaire, administrateur, directeur de la FNSP et de l’IEP), le principe de sélection oratoire est malgré tout déterminé par des configurations singulières. En effet, le contexte de 1960 est nécessairement distinct de celui de 1975, la surreprésentation des académiciens et professionnels de la politique lors de la cérémonie funéraire de 1960 ou encore la défense d’une posture marginale de l’« artiste » inclassable tenant sans doute au statut d’une discipline encore faiblement autonomisée et relativement proche des cercles de pouvoir61. En revanche, le processus de consécration académique de la science politique dans les années 197062 laisse présumer, en 1975, d’une discipline ordonnée selon une logique propre, a priori dissociée de celle du champ politique, autorisant par conséquent des manières nouvelles de voir l’œuvre scientifique d’André Siegfried et notamment son Tableau politique de la France de l’Ouest. Aussi la légitimation disciplinaire suppose-t-elle, dans le même temps, que la science politique soit structurée par un ensemble de luttes pour la détermination du monopole de sa définition63. S’agissant de rendre compte de la genèse d’une discipline, il convient à cet égard de rappeler qu’elle prend sens dans une histoire plus longue comprenant les mouvements sociaux des années 1960, dans les transformations opérées au sein du champ intellectuel et dans la formation d’une pensée critique en son sein.

    11Quant aux stratégies de distinctions individuelles, lors du colloque de 1975, elles sont moins manifestes par la mise en avant du degré de proximité d’avec le défunt que dans la promotion d’appartenances disciplinaires et de partis pris méthodologiques imaginant la perspective critique du père fondateur. À ce titre, la problématique imposée par l’intitulé du colloque –L’œuvre scientifique d’André Siegfried– permet d’identifier l’occasion de l’anniversaire de la naissance d’André Siegfried comme une conjoncture d’opportunité pour un ensemble hétérogène d’agents sociaux employés à articuler des filiations artificielles. En cela, la commémoration met au jour les intérêts à conserver ou à gagner des positions plus hautes au sein du champ académique et à perpétuer les représentations a priori dominantes du sous-espace relativement autonome de la science politique. Par exemple, la posture prise, lors du congrès, par le géographe héritier Vidalien Maurice Le Lannou –opposée au « déterminisme » siegfriedien– est significative des rapports de force anciennement constitués entre André Siegfried et le directeur de thèse de Maurice Le Lannou : Albert Demangeon64. De la même façon, l’appréciation critique de Paul Bois à propos du travail du géographe électoral (« sa méthode risquait quelques fois de lui donner des résultats imparfaits » ; « calcaire républicain et granit conservateur »), est réalisée suivant son propre travail de thèse sur les Paysans de l’Ouest65. L’intervention d’Alain Lancelot –quittant les fonctions de secrétaire général de l’AFSP pour celles de directeur du Centre d’études de la vie politique française contemporaine (CEVIPOF)66 en 1975– correspond à la période d’introduction de la méthode des sondages au sein des IEP, lui-même étant conseiller scientifique de la Sofres (Institut de sondage) depuis 1967. C’est pourquoi la « remise en cause de la méthode d’André Siegfried […] au nom de la politique et de la science politique67 », concourt à légitimer ces nouvelles techniques d’enquêtes au sein de la discipline. Dans une hypothèse de continuité, le discours de Louis Chevalier procède au contraire à la fabrication d’un lien arbitraire entre Jean Stoetzel (importateur des sondages en France) et André Siegfried. Il participe par là à la réécriture d’une histoire apparemment linéaire et en réalité au prisme d’enjeux de luttes méthodologiques et idéologiques inhérents à la science politique des années 1970. Parmi les stratégies de présentation de soi et de mise en forme du passé, celle de Jean-Jacques Chevallier le réinscrit dans les moments fondateurs de l’autonomisation de la discipline. Par sa charge d’enseignements en histoire des idées politiques en 1945 et sa contribution en 1969 à la création du premier département de science politique autonome à la Sorbonne, il participait ainsi à « la naissance d’une nouvelle discipline, que les facultés de droit allaient accueillir68 ». Enfin, si Jean Charlot explique l’entreprise de commémoration de l’œuvre scientifique d’André Siegfried par « ce qu’il continue d’être lu69 », les conditions sociales et historiques de possibilité d’un tel événement comprendront l’appropriation d’un capital symbolique constitué autour d’André Siegfried comme le résultat d’une lutte pour l’inscription en tant qu’héritier légitime d’une institution et d’une discipline.

    12« Une réunion comme celle-ci met donc aussi en jeu ce que chacun, scientifique mais également non scientifique, vient y chercher et espère y trouver : le rappel des actions d’éclat de ceux qui ont incarné naguère les premiers rôles et qui restent attentifs à l’entretien d’un capital de notoriété convertible en d’autres usages (politiques par exemple), le profit intime pour beaucoup de savoir qu’ils en étaient et de se satisfaire de penser que rien ne se serait passé ainsi s’ils n’en avaient été, la possibilité de côtoyer les gens réputés célèbres70. » Aussi, le retour sur les mécanismes sociaux de construction de la figure fondatrice d’André Siegfried, à travers la focale des hommages et des commémorations, met au jour l’entreprise de fabrication d’un récit mythique des origines, de même qu’elle prétend historiciser les pratiques de construction et d’objectivation des positions institutionnelles, des postures académiques, en définitive, des rôles sociaux qui en découlent et qui consistent à faire du défunt l’héritier et de l’institution un héritage, pour mieux en assurer la pérennité.

    Notes de bas de page

    1 Goguel F., L’œuvre scientifique d’André Siegfried. Colloque organisé à l’initiative du Comité pour le centenaire d’André Siegfried (Paris, 15 mars 1975), Paris, Presses de la FNSP, 1975, p. 124. François Goguel, élève d’André Siegfried, est considéré comme l’héritier légitime du « père fondateur » de la sociologie électorale.

    2 Bourdieu P., Science de la science et réflexivité, Paris, Raisons d’agir, 2001.

    3 Lacroix B., « D’aujourd’hui à hier et d’hier à aujourd’hui : mai 1968, le chercheur et son objet », Scalpel. Cahiers de sociologie politique de Nanterre, vol. 4-5, 1999, p. 151.

    4 Les recherches sont élaborées à partir des archives du Collège de France (16CDF art 390, dossier des professeurs, « André Siegfried 1975-1959. Géographie économique et politique, 1933-1946 ») et des archives du centre d’histoire de Sciences Po (Fonds 10SI, « Siegfried » ; 1SP10, « Les professeurs » ; 1SP35, « C. A 1945 » ; 1SP67, « négociations de 1945 » ; 1SP69, « Dissolution École – correspondances » ; 1SP71, « Papiers Rain » ; 2SP25, « Réceptions diverses 1948-1968 »). Également à partir d’un corpus d’ouvrages et d’articles portant sur André Siegfried.

    5 Bourdieu P. et de Saint-Martin M., « Les catégories de l’entendement professoral », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 1, no 3, 1975, p. 86.

    6 « Étudier la mort indépendamment des formes et des moments de la transmission d’une génération à l’autre, c’est laisser hors de l’analyse un facteur essentiel de la transformation des attitudes à l’égard du mourant et de la mort », in Chamboredon Jean-Claude, « Sociologie et histoire sociale de la mort : transformations du mode de traitement de la mort ou crise de civilisation ? », Revue française de sociologie, vol. 17, no 4, 1976, p. 675.

    7 Le Musée social est une fondation créée, entre autres, à l’initiative de Jules Siegfried. Cette instance de recherche est intimement liée aux champs économique et politique.

    8 André Siegfried (interview de Gilbert Chabrut), « J’ai vu pour vous, notre académicien André Siegfried », in Le Guide protestant de l’édition. Bulletin bibliographique trimestriel, no 5, juillet 1946, in 16CDF art 390, archives du Collège de France.

    9 La classe probable tend à décrire un ensemble d’agents sociaux pour qui les mêmes structures sociales ont pesé sur les dispositions, sur leurs manières de faire et de penser et sur les positions dans l’espace social tendanciellement similaires. Voir Pierre Bourdieu, La Noblesse d’État. Grandes écoles et esprit de corps, Paris, éditions de Minuit, 1989, p. 262.

    10 « La biographie d’André Siegfried », Le Figaro, vol. 133, no 4529, 30 mars 1959, in 16CDF.

    11 Il est également chef de la section économique et financière du service français de la Société des nations de 1920 à 1922. Voir « Fiche renseignements du personnel. Année 1937. Ministère de l’instruction publique et des beaux-arts. Direction de l’enseignement supérieur », in 16CDF.

    12 « La biographie d’André Siegfried », op. cit., in 16CDF.

    13 Elle est fondée en 1899 et propose des enseignements et conférences aux catégories sociales tendanciellement plus éloignées du champ intellectuel, notamment les ouvriers. André Siegfried y est secrétaire général de 1902 à 1904.

    14 Concernant les élections de 1902 et 1903 à Castellane et de 1906 et 1910 au Havre, « les professions de foi d’André Siegfried se réclamaient de la majorité gouvernementale du Bloc des gauches », in Garrigou Alain, « L’initiation d’un initiateur : André Siegfried », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 106-107, 1995, p. 28.

    15 De cette union, naît Claire Siegfried en 1908.

    16 Garrigou A., op. cit., p. 27.

    17 André Siegfried, cité par Édouard Bonnefous, André Siegfried. 1875-1959. Hommage à André Siegfried, Plaquette des allocutions prononcées lors de la cérémonie rendue à la mémoire d’André Siegfried, Amphithéâtre de la FNSP, Paris, 31 mai 1960.

    18 Bourdieu P., op. cit., La noblesse d’État, p. 262.

    19 Siegfried A., op. cit., Le Guide protestant de l’édition.

    20 « Composition C. A 1873 », in 1SP35, « C. A 1945 », archives du centre d’histoire de Sciences Po.

    21 Sanguin A.-L., André Siegfried : un visionnaire humaniste entre géographie et politique, Paris, l’Harmattan, 2010, p. 141. Voir également Damamme Dominique, « Genèse sociale d’une institution scolaire », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 70, 1987, p. 31-46.

    22 Concernant « la grande » et « la petite leçon », elles procèdent, selon Christophe Charle, d’une hiérarchie interne qui va de l’ermite au chef de secte en passant par les prophètes (subdivisés en messies et grands prêtres : respectivement dotés de capitaux politiques et intellectuels), in Charle Christophe, « Le Collège de France », in Nora Pierre (dir.), Les lieux de mémoire. La nation, Les France (t. 1 et 2), Paris, Gallimard, coll. Quarto, 1997, p. 2002-2004.

    23 Allocution de Marcel Bataillon, « André Siegfried (1875-1959). Assemblée des professeurs », Collège de France, 26 avril 1959, in 16CDF.

    24 Ibid.

    25 Charle C., op. cit., « Le Collège de France », p. 1983.

    26 Neveu E., « Les sciences sociales doivent-elles accumuler les capitaux ? », Revue française de science politique, vol. 63, no 2, 2013, p. 337. Nous pouvons également parler ici de capital symbolique « qui est à la fois un instrument pour un certain type d’agents et l’enjeu de luttes entre ces agents », in Bourdieu Pierre, Sur l’État. Cours au Collège de France. 1989-1992, Paris, Le Seuil, 2012, p. 110.

    27 Siegfried A., Cher correspondant inconnu, Paris, 3 mars 1946, in 10SI.

    28 « Écrivain, économiste, conférencier, journaliste, professeur, en fait maître à penser de toute une génération, André Siegfried a rempli ces rôles très divers avec aisance, compétence et talent », in Roger Seydoux, « Maître à penser d’une génération. Ce qu’il était pour “Sciences Po” », Le Figaro littéraire. Numéro spécial d’hommage à André Siegfried, vol. 14, no 676, 4 avril 1959, in 16CDF.

    29 D’un côté « la région constitue le seul espace légitime où concevoir l’articulation entre les sollicitations du milieu naturel et l’action volontaire des groupes humains », de l’autre, l’anthropo-géographie confère un poids considérable aux conditions naturelles comme déterminantes, in Chartier Roger, « Science sociale et découpage régional », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 35, 1980, p. 30.

    30 En déconstruisant un certain nombre de présupposés et de représentations spontanées, une partie des sociologues adoptent une perspective critique et épistémologique des sciences sociales.

    31 La légitimité institutionnelle de la géographie est observable notamment par la création en 1861 d’un enseignement de géographie à l’École normale supérieure, d’une chaire de « géographie économique et statistique » au Collège de France et d’une revue en 1891 : Les Annales de géographie. Voir Pierre Milza, « Présentation », in Siegfried André, Tableau politique de la France de l’Ouest, Paris, Armand Colin et Imprimerie nationale, coll. Acteurs de l’histoire, 1995 (1913), p. 11.

    32 Siegfried A., op. cit., Tableau politique de la France de l’Ouest, p. 466.

    33 Siegfried A., « Notes sur l’audience accordée par le général de Gaulle à André Siegfried et Roger Seydoux. 20 juin 1945 », in 1SP67 dr3. Voir André-Louis Sanguin, op. cit., Chapitre 9 : « La bataille pour sauver “Sciences Po” (1945) », p 167-176.

    34 Dammame D., op. cit., « Genèse sociale d’une institution scolaire ».

    35 Siegfried A., op. cit., « Notes sur l’audience accordée par le général de Gaulle à André Siegfried et Roger Seydoux. 20 juin 1945 ».

    36 Ce qu’André Siegfried nomme les « tentations de l’État républicain d’assumer lui même la formation des fonctionnaires », in Siegfried André, ibid.

    37 La proposition de résolution met en évidence trois critiques adressées à l’École : la surreprésentation d’élèves de l’École issus des classes socialement et économiquement valorisées, la proximité des personnels de l’établissement des « oligarchies financières et industrielles », enfin la collaboration supposée de l’École durant la seconde guerre mondiale. Voir Assemblée consultative provisoire, « Proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à prendre les mesures législatives nécessaires pour faire de l’École libre des sciences politiques une école des sciences politiques qui soit nationale et démocratique par son organisation, son recrutement et son enseignement », no 322, 1re session ordinaire de 1945 ; André Siegfried, « intervention sur la proposition de résolution no 322 » ; André Siegfried, « L’École des Sciences Politiques fut pendant la Résistance un grand centre de liaison nous dit André Siegfried », France soir, no 238, édition de Paris, vendredi 30 mars 1945, in 1SP67 dr1 ; « Née du désastre de 70 l’École des sciences politiques est aujourd’hui comme alors un centre de redressement français », Le Figaro, édition de Lyon, 9 mai 1941, in 1SP71 dr1.

    38 Charle C., « Savoir durer : la nationalisation de l’École libre des sciences politiques, 1936-1945 », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 86-87, 1991, p. 102.

    39 Siegfried A., op. cit., « Notes sur l’audience accordée par le général de Gaulle à André Siegfried et Roger Seydoux. 20 juin 1945 ». Voir aussi « La prétendue suppression des “Sciences Po” », Le populaire, 20 et 21 septembre 1945, in 1SP71 dr1.

    40 Tableau politique de la France de l’Ouest, Géographie de l’Ardèche, les études menées sur le Midi et le Tableau des partis sous la IIIe République.

    41 Notamment les acteurs du champ politique. La frontière reste néanmoins floue entre ces deux espaces qui continuent, après 1945 d’interagir et d’interférer mutuellement.

    42 Le colloque de 1948, présidé par André Siegfried, accueille les interventions de Paul Bastid, Émile Blamont, Édouard Bonnefous, Jean-Jacques Chevallier, André Cholley, Lucien Febvre, Pierre Georges, Gabriel le Bras, Charles Morazé, Pierre Renouvin, Roger Seydoux, André Ségalat, Jacques Chapsal (directeur et trésorier de l’IEP au moment du colloque), François Goguel (secrétaire général) et Maurice Som (secrétaire adjoint), in 10SI.

    43 Le colloque de 1957, présidé par François Goguel (élève d’André Siegfried et dont le père, le pasteur Goguel, doyen de la faculté de théologie protestante, était donateur de l’École en 1871), accueille notamment les communications d’Ernest Labrousse, Charles Morazé, le juriste Jean-Jacques Chevallier, le démographe Louis Chevalier, in 10SI.

    44 La démonstration s’appuie principalement sur les deux commémorations de 1960 et de 1975, respectivement organisées à Sciences Po et au Collège de France.

    45 Secrétaire général du comité français de libération nationale de 1942 à 1944, il est ensuite secrétaire général du gouvernement provisoire de la République française en 1946, directeur général du ministère des affaires étrangères, secrétaire général en 1956 et enfin ministre de l’éducation nationale en 1960. Édouard Bonnefous est député de 1946 à 1958, sénateur de 1959 à 1968 et président de l’Académie des sciences morales et politiques en 1968.

    46 Jean Schlumberger, éditeur et écrivain, est le fondateur de la Nouvelle revue française en 1908. Jacques Chastenet est journaliste et académicien. Jean-Baptiste Duroselle est professeur à l’IEP en 1946, académicien en 1975 et contributeur et coordinateur de la revue L’année politique, à laquelle André Siegfried tout comme Édouard Bonnefous ont participé.

    47 Dulong D., « Mourir en politique. Le discours politique des éloges funèbres », Revue française de science politique, vol. 44, no 4, 1994, p. 629.

    48 Figurent des photos de famille et en particulier de Jules Siegfried parmi les fondateurs de l’École libre des sciences politiques, l’ouvrage d’André Siegfried sur ses souvenirs d’enfance ainsi que des cartes postales, in 10SI.

    49 Voir 10SI.

    50 Seydoux R., op. cit., André Siegfried. 1875-1959. Hommage à André Siegfried, 31 mai 1960.

    51 Les rites d’institution visent « à produire un groupe séparé, et sacré », ici, le groupe formé par l’Institut d’études politiques de Paris par exemple, in Bourdieu Pierre, op. cit., La Noblesse d’État, p. 102.

    52 Lewandowski O., « Différenciation et mécanismes d’intégration de la classe dirigeante. L’image sociale de l’élite d’après le Who’s who in France », Revue française de sociologie, vol. 15, no 1, 1974, p. 47.

    53 Renouvin P., op. cit., André Siegfried. 1875-1959. Hommage à André Siegfried, 31 mai 1960.

    54 Lacroix B., op. cit., « D’aujourd’hui à hier et d’hier à aujourd’hui : mai 1968, le chercheur et son objet », p. 149.

    55 « Discours de séance privée tenue par l’Académie française pour la réception de M. Henry de Montherland », le 20 juin 1963, in 16CDF.

    56 Siegfried A., « souvenirs personnels » (extrait de la Revue d’économie politique, mars-avril 1938), Élie Halévy. 1870-1937. École libre des sciences politiques, p. 11-17 ; « Discours de M. André Siegfried de l’Académie française. Président de la FNSP », Hommage à Émile Boutmy. 1835-1906 et Albert Sorel. 1842-1906, FNSP, 1956, p. 15-24, in 1SP10.

    57 Selon Pierre Bourdieu, on retrouve, en bas, « la résignation », « la modestie », « la discrétion », « le refus des honneurs » et, en haut, « l’admiration absolue des générations successives de prétendants au titre », in Bourdieu Pierre, op. cit., La noblesse d’État, p. 74.

    58 On retrouve indistinctement ces qualificatifs dans les interventions de 1960 et de 1975.

    59 Ibid., p. 54. Selon Delphine Dulong, les candidats à l’héritage « s’érigent en gardiens de valeurs et de croyances estimées partagées », in Dulong Delphine, op. cit., p. 633.

    60 Ibid., p. 88.

    61 Au départ, (au moment de la création de l’École libre des sciences politiques par Émile Boutmy), les sciences politiques sont au carrefour de plusieurs disciplines : les sciences juridiques, les sciences administratives et les sciences économiques.

    62 Notamment par la nationalisation de l’École libre des sciences politiques, la formation de plusieurs IEP en province en 1945, la création de l’Association française de science politique (AFSP) en 1949 et de la Revue française de science politique en 1951, l’émergence des premières thèses de science politique, l’essor de la sociologie électorale à partir des années 1950, la mise en place d’un premier département de science politique à la Sorbonne en 1969 et de l’agrégation de science politique en 1973. Voir Favre P., Naissances de la science politique en France, 1970-1914, Paris, Fayard, 1989 ; Damamme D., Histoire des sciences morales et politiques et de leur enseignement des Lumières au scientisme, thèse sous la direction de Maurice Duverger pour le doctorat d’État en sciences politiques, Paris, Panthéon-Sorbonne, 1982 ; Lacroix B., « L’importation de la référence sociologique dans les sciences politiques : éléments d’analyse réflexive », in Cohen Antonin, Lacroix Bernard, Riutort Philippe (dir.), Les formes de l’activité politique. Éléments d’analyse sociologique. XVIIIe-XXe siècle, Paris, PUF, 2006, p. 11-35.

    63 La sociologie politique, qui émerge en grande partie au sein des facultés de droit, présente ainsi une approche différente de la science politique telle qu’elle a été institutionnalisée à partir des années 1950 au sein des instituts d’études politiques. « Il semble en effet admis, même pour ceux qui ont été et restent hostiles à cette façon de traiter de la politique, que les années 1970 ont été témoin d’une orientation résolument sociologique des sciences politiques hexagonales, parfois considérée comme une contestation des sciences politiques telles que les avait incarnées la Fondation nationale du même nom à partir des années 1950 », in Lacroix Bernard, op. cit., « L’importation de la référence sociologique dans les sciences politiques : éléments d’analyse réflexive », p. 13.

    64 En effet, au moment où André Siegfried publie La crise britannique (1931) et La crise de l’Europe (1935) Albert Demangeon avait déjà publié L’Empire britannique (1931) et Le déclin de l’Europe (1921). Aussi Maurice Le Lannou insiste-t-il sur la notoriété qui a fait défaut à Albert Demangeon et dont a bénéficié André Siegfried.

    65 Voir notamment Goguel F., « Bois (Paul) – Paysans de l’Ouest. Des structures économiques et sociales aux options politiques depuis l’époque révolutionnaire dans la Sarthe », Revue française de science politique, vol. 11, no 4, 1961, p. 983-987.

    66 Le CEVIPOF appartient à la FNSP.

    67 Lancelot A., « Les problèmes électoraux », in op. cit., L’œuvre scientifique d’André Siegfried, p. 53.

    68 Chevallier J.-J., « Évocation et gratitude », ibid., p. 115.

    69 Charlot J., ibid., p. 58. « Pour Nonna Mayer et Pascal Perrineau, par exemple, “ l’acte de naissance de l’analyse électorale voire de la science politique en France, est la publication par A. Siegfried du Tableau politique de la France de l’Ouest” », Mayer Nonna et Perrineau Pascal, Les comportements politiques, Paris, Armand Colin, 1992, p. 39, cité in Blondiaux Loïc et Veitl Philippe, « La carrière symbolique d’un père fondateur. André Siegfried et la science politique française après 1945 », Genèses, vol. 37, 1999, p. 4. Voir aussi Veitl Philippe, « Territoires du politique. Lectures du Tableau politique d’André Siegfried », Politix, vol. 8, no 29, 1995, p. 103-122.

    70 Lacroix B., op. cit., « D’aujourd’hui à hier et d’hier à aujourd’hui : mai 1968, le chercheur et son objet », p. 149.

    Auteur

    • Mathilde Sempé
      Docteure en science politique, université Paris Ouest Nanterre.
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    1 Goguel F., L’œuvre scientifique d’André Siegfried. Colloque organisé à l’initiative du Comité pour le centenaire d’André Siegfried (Paris, 15 mars 1975), Paris, Presses de la FNSP, 1975, p. 124. François Goguel, élève d’André Siegfried, est considéré comme l’héritier légitime du « père fondateur » de la sociologie électorale.

    2 Bourdieu P., Science de la science et réflexivité, Paris, Raisons d’agir, 2001.

    3 Lacroix B., « D’aujourd’hui à hier et d’hier à aujourd’hui : mai 1968, le chercheur et son objet », Scalpel. Cahiers de sociologie politique de Nanterre, vol. 4-5, 1999, p. 151.

    4 Les recherches sont élaborées à partir des archives du Collège de France (16CDF art 390, dossier des professeurs, « André Siegfried 1975-1959. Géographie économique et politique, 1933-1946 ») et des archives du centre d’histoire de Sciences Po (Fonds 10SI, « Siegfried » ; 1SP10, « Les professeurs » ; 1SP35, « C. A 1945 » ; 1SP67, « négociations de 1945 » ; 1SP69, « Dissolution École – correspondances » ; 1SP71, « Papiers Rain » ; 2SP25, « Réceptions diverses 1948-1968 »). Également à partir d’un corpus d’ouvrages et d’articles portant sur André Siegfried.

    5 Bourdieu P. et de Saint-Martin M., « Les catégories de l’entendement professoral », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 1, no 3, 1975, p. 86.

    6 « Étudier la mort indépendamment des formes et des moments de la transmission d’une génération à l’autre, c’est laisser hors de l’analyse un facteur essentiel de la transformation des attitudes à l’égard du mourant et de la mort », in Chamboredon Jean-Claude, « Sociologie et histoire sociale de la mort : transformations du mode de traitement de la mort ou crise de civilisation ? », Revue française de sociologie, vol. 17, no 4, 1976, p. 675.

    7 Le Musée social est une fondation créée, entre autres, à l’initiative de Jules Siegfried. Cette instance de recherche est intimement liée aux champs économique et politique.

    8 André Siegfried (interview de Gilbert Chabrut), « J’ai vu pour vous, notre académicien André Siegfried », in Le Guide protestant de l’édition. Bulletin bibliographique trimestriel, no 5, juillet 1946, in 16CDF art 390, archives du Collège de France.

    9 La classe probable tend à décrire un ensemble d’agents sociaux pour qui les mêmes structures sociales ont pesé sur les dispositions, sur leurs manières de faire et de penser et sur les positions dans l’espace social tendanciellement similaires. Voir Pierre Bourdieu, La Noblesse d’État. Grandes écoles et esprit de corps, Paris, éditions de Minuit, 1989, p. 262.

    10 « La biographie d’André Siegfried », Le Figaro, vol. 133, no 4529, 30 mars 1959, in 16CDF.

    11 Il est également chef de la section économique et financière du service français de la Société des nations de 1920 à 1922. Voir « Fiche renseignements du personnel. Année 1937. Ministère de l’instruction publique et des beaux-arts. Direction de l’enseignement supérieur », in 16CDF.

    12 « La biographie d’André Siegfried », op. cit., in 16CDF.

    13 Elle est fondée en 1899 et propose des enseignements et conférences aux catégories sociales tendanciellement plus éloignées du champ intellectuel, notamment les ouvriers. André Siegfried y est secrétaire général de 1902 à 1904.

    14 Concernant les élections de 1902 et 1903 à Castellane et de 1906 et 1910 au Havre, « les professions de foi d’André Siegfried se réclamaient de la majorité gouvernementale du Bloc des gauches », in Garrigou Alain, « L’initiation d’un initiateur : André Siegfried », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 106-107, 1995, p. 28.

    15 De cette union, naît Claire Siegfried en 1908.

    16 Garrigou A., op. cit., p. 27.

    17 André Siegfried, cité par Édouard Bonnefous, André Siegfried. 1875-1959. Hommage à André Siegfried, Plaquette des allocutions prononcées lors de la cérémonie rendue à la mémoire d’André Siegfried, Amphithéâtre de la FNSP, Paris, 31 mai 1960.

    18 Bourdieu P., op. cit., La noblesse d’État, p. 262.

    19 Siegfried A., op. cit., Le Guide protestant de l’édition.

    20 « Composition C. A 1873 », in 1SP35, « C. A 1945 », archives du centre d’histoire de Sciences Po.

    21 Sanguin A.-L., André Siegfried : un visionnaire humaniste entre géographie et politique, Paris, l’Harmattan, 2010, p. 141. Voir également Damamme Dominique, « Genèse sociale d’une institution scolaire », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 70, 1987, p. 31-46.

    22 Concernant « la grande » et « la petite leçon », elles procèdent, selon Christophe Charle, d’une hiérarchie interne qui va de l’ermite au chef de secte en passant par les prophètes (subdivisés en messies et grands prêtres : respectivement dotés de capitaux politiques et intellectuels), in Charle Christophe, « Le Collège de France », in Nora Pierre (dir.), Les lieux de mémoire. La nation, Les France (t. 1 et 2), Paris, Gallimard, coll. Quarto, 1997, p. 2002-2004.

    23 Allocution de Marcel Bataillon, « André Siegfried (1875-1959). Assemblée des professeurs », Collège de France, 26 avril 1959, in 16CDF.

    24 Ibid.

    25 Charle C., op. cit., « Le Collège de France », p. 1983.

    26 Neveu E., « Les sciences sociales doivent-elles accumuler les capitaux ? », Revue française de science politique, vol. 63, no 2, 2013, p. 337. Nous pouvons également parler ici de capital symbolique « qui est à la fois un instrument pour un certain type d’agents et l’enjeu de luttes entre ces agents », in Bourdieu Pierre, Sur l’État. Cours au Collège de France. 1989-1992, Paris, Le Seuil, 2012, p. 110.

    27 Siegfried A., Cher correspondant inconnu, Paris, 3 mars 1946, in 10SI.

    28 « Écrivain, économiste, conférencier, journaliste, professeur, en fait maître à penser de toute une génération, André Siegfried a rempli ces rôles très divers avec aisance, compétence et talent », in Roger Seydoux, « Maître à penser d’une génération. Ce qu’il était pour “Sciences Po” », Le Figaro littéraire. Numéro spécial d’hommage à André Siegfried, vol. 14, no 676, 4 avril 1959, in 16CDF.

    29 D’un côté « la région constitue le seul espace légitime où concevoir l’articulation entre les sollicitations du milieu naturel et l’action volontaire des groupes humains », de l’autre, l’anthropo-géographie confère un poids considérable aux conditions naturelles comme déterminantes, in Chartier Roger, « Science sociale et découpage régional », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 35, 1980, p. 30.

    30 En déconstruisant un certain nombre de présupposés et de représentations spontanées, une partie des sociologues adoptent une perspective critique et épistémologique des sciences sociales.

    31 La légitimité institutionnelle de la géographie est observable notamment par la création en 1861 d’un enseignement de géographie à l’École normale supérieure, d’une chaire de « géographie économique et statistique » au Collège de France et d’une revue en 1891 : Les Annales de géographie. Voir Pierre Milza, « Présentation », in Siegfried André, Tableau politique de la France de l’Ouest, Paris, Armand Colin et Imprimerie nationale, coll. Acteurs de l’histoire, 1995 (1913), p. 11.

    32 Siegfried A., op. cit., Tableau politique de la France de l’Ouest, p. 466.

    33 Siegfried A., « Notes sur l’audience accordée par le général de Gaulle à André Siegfried et Roger Seydoux. 20 juin 1945 », in 1SP67 dr3. Voir André-Louis Sanguin, op. cit., Chapitre 9 : « La bataille pour sauver “Sciences Po” (1945) », p 167-176.

    34 Dammame D., op. cit., « Genèse sociale d’une institution scolaire ».

    35 Siegfried A., op. cit., « Notes sur l’audience accordée par le général de Gaulle à André Siegfried et Roger Seydoux. 20 juin 1945 ».

    36 Ce qu’André Siegfried nomme les « tentations de l’État républicain d’assumer lui même la formation des fonctionnaires », in Siegfried André, ibid.

    37 La proposition de résolution met en évidence trois critiques adressées à l’École : la surreprésentation d’élèves de l’École issus des classes socialement et économiquement valorisées, la proximité des personnels de l’établissement des « oligarchies financières et industrielles », enfin la collaboration supposée de l’École durant la seconde guerre mondiale. Voir Assemblée consultative provisoire, « Proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à prendre les mesures législatives nécessaires pour faire de l’École libre des sciences politiques une école des sciences politiques qui soit nationale et démocratique par son organisation, son recrutement et son enseignement », no 322, 1re session ordinaire de 1945 ; André Siegfried, « intervention sur la proposition de résolution no 322 » ; André Siegfried, « L’École des Sciences Politiques fut pendant la Résistance un grand centre de liaison nous dit André Siegfried », France soir, no 238, édition de Paris, vendredi 30 mars 1945, in 1SP67 dr1 ; « Née du désastre de 70 l’École des sciences politiques est aujourd’hui comme alors un centre de redressement français », Le Figaro, édition de Lyon, 9 mai 1941, in 1SP71 dr1.

    38 Charle C., « Savoir durer : la nationalisation de l’École libre des sciences politiques, 1936-1945 », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 86-87, 1991, p. 102.

    39 Siegfried A., op. cit., « Notes sur l’audience accordée par le général de Gaulle à André Siegfried et Roger Seydoux. 20 juin 1945 ». Voir aussi « La prétendue suppression des “Sciences Po” », Le populaire, 20 et 21 septembre 1945, in 1SP71 dr1.

    40 Tableau politique de la France de l’Ouest, Géographie de l’Ardèche, les études menées sur le Midi et le Tableau des partis sous la IIIe République.

    41 Notamment les acteurs du champ politique. La frontière reste néanmoins floue entre ces deux espaces qui continuent, après 1945 d’interagir et d’interférer mutuellement.

    42 Le colloque de 1948, présidé par André Siegfried, accueille les interventions de Paul Bastid, Émile Blamont, Édouard Bonnefous, Jean-Jacques Chevallier, André Cholley, Lucien Febvre, Pierre Georges, Gabriel le Bras, Charles Morazé, Pierre Renouvin, Roger Seydoux, André Ségalat, Jacques Chapsal (directeur et trésorier de l’IEP au moment du colloque), François Goguel (secrétaire général) et Maurice Som (secrétaire adjoint), in 10SI.

    43 Le colloque de 1957, présidé par François Goguel (élève d’André Siegfried et dont le père, le pasteur Goguel, doyen de la faculté de théologie protestante, était donateur de l’École en 1871), accueille notamment les communications d’Ernest Labrousse, Charles Morazé, le juriste Jean-Jacques Chevallier, le démographe Louis Chevalier, in 10SI.

    44 La démonstration s’appuie principalement sur les deux commémorations de 1960 et de 1975, respectivement organisées à Sciences Po et au Collège de France.

    45 Secrétaire général du comité français de libération nationale de 1942 à 1944, il est ensuite secrétaire général du gouvernement provisoire de la République française en 1946, directeur général du ministère des affaires étrangères, secrétaire général en 1956 et enfin ministre de l’éducation nationale en 1960. Édouard Bonnefous est député de 1946 à 1958, sénateur de 1959 à 1968 et président de l’Académie des sciences morales et politiques en 1968.

    46 Jean Schlumberger, éditeur et écrivain, est le fondateur de la Nouvelle revue française en 1908. Jacques Chastenet est journaliste et académicien. Jean-Baptiste Duroselle est professeur à l’IEP en 1946, académicien en 1975 et contributeur et coordinateur de la revue L’année politique, à laquelle André Siegfried tout comme Édouard Bonnefous ont participé.

    47 Dulong D., « Mourir en politique. Le discours politique des éloges funèbres », Revue française de science politique, vol. 44, no 4, 1994, p. 629.

    48 Figurent des photos de famille et en particulier de Jules Siegfried parmi les fondateurs de l’École libre des sciences politiques, l’ouvrage d’André Siegfried sur ses souvenirs d’enfance ainsi que des cartes postales, in 10SI.

    49 Voir 10SI.

    50 Seydoux R., op. cit., André Siegfried. 1875-1959. Hommage à André Siegfried, 31 mai 1960.

    51 Les rites d’institution visent « à produire un groupe séparé, et sacré », ici, le groupe formé par l’Institut d’études politiques de Paris par exemple, in Bourdieu Pierre, op. cit., La Noblesse d’État, p. 102.

    52 Lewandowski O., « Différenciation et mécanismes d’intégration de la classe dirigeante. L’image sociale de l’élite d’après le Who’s who in France », Revue française de sociologie, vol. 15, no 1, 1974, p. 47.

    53 Renouvin P., op. cit., André Siegfried. 1875-1959. Hommage à André Siegfried, 31 mai 1960.

    54 Lacroix B., op. cit., « D’aujourd’hui à hier et d’hier à aujourd’hui : mai 1968, le chercheur et son objet », p. 149.

    55 « Discours de séance privée tenue par l’Académie française pour la réception de M. Henry de Montherland », le 20 juin 1963, in 16CDF.

    56 Siegfried A., « souvenirs personnels » (extrait de la Revue d’économie politique, mars-avril 1938), Élie Halévy. 1870-1937. École libre des sciences politiques, p. 11-17 ; « Discours de M. André Siegfried de l’Académie française. Président de la FNSP », Hommage à Émile Boutmy. 1835-1906 et Albert Sorel. 1842-1906, FNSP, 1956, p. 15-24, in 1SP10.

    57 Selon Pierre Bourdieu, on retrouve, en bas, « la résignation », « la modestie », « la discrétion », « le refus des honneurs » et, en haut, « l’admiration absolue des générations successives de prétendants au titre », in Bourdieu Pierre, op. cit., La noblesse d’État, p. 74.

    58 On retrouve indistinctement ces qualificatifs dans les interventions de 1960 et de 1975.

    59 Ibid., p. 54. Selon Delphine Dulong, les candidats à l’héritage « s’érigent en gardiens de valeurs et de croyances estimées partagées », in Dulong Delphine, op. cit., p. 633.

    60 Ibid., p. 88.

    61 Au départ, (au moment de la création de l’École libre des sciences politiques par Émile Boutmy), les sciences politiques sont au carrefour de plusieurs disciplines : les sciences juridiques, les sciences administratives et les sciences économiques.

    62 Notamment par la nationalisation de l’École libre des sciences politiques, la formation de plusieurs IEP en province en 1945, la création de l’Association française de science politique (AFSP) en 1949 et de la Revue française de science politique en 1951, l’émergence des premières thèses de science politique, l’essor de la sociologie électorale à partir des années 1950, la mise en place d’un premier département de science politique à la Sorbonne en 1969 et de l’agrégation de science politique en 1973. Voir Favre P., Naissances de la science politique en France, 1970-1914, Paris, Fayard, 1989 ; Damamme D., Histoire des sciences morales et politiques et de leur enseignement des Lumières au scientisme, thèse sous la direction de Maurice Duverger pour le doctorat d’État en sciences politiques, Paris, Panthéon-Sorbonne, 1982 ; Lacroix B., « L’importation de la référence sociologique dans les sciences politiques : éléments d’analyse réflexive », in Cohen Antonin, Lacroix Bernard, Riutort Philippe (dir.), Les formes de l’activité politique. Éléments d’analyse sociologique. XVIIIe-XXe siècle, Paris, PUF, 2006, p. 11-35.

    63 La sociologie politique, qui émerge en grande partie au sein des facultés de droit, présente ainsi une approche différente de la science politique telle qu’elle a été institutionnalisée à partir des années 1950 au sein des instituts d’études politiques. « Il semble en effet admis, même pour ceux qui ont été et restent hostiles à cette façon de traiter de la politique, que les années 1970 ont été témoin d’une orientation résolument sociologique des sciences politiques hexagonales, parfois considérée comme une contestation des sciences politiques telles que les avait incarnées la Fondation nationale du même nom à partir des années 1950 », in Lacroix Bernard, op. cit., « L’importation de la référence sociologique dans les sciences politiques : éléments d’analyse réflexive », p. 13.

    64 En effet, au moment où André Siegfried publie La crise britannique (1931) et La crise de l’Europe (1935) Albert Demangeon avait déjà publié L’Empire britannique (1931) et Le déclin de l’Europe (1921). Aussi Maurice Le Lannou insiste-t-il sur la notoriété qui a fait défaut à Albert Demangeon et dont a bénéficié André Siegfried.

    65 Voir notamment Goguel F., « Bois (Paul) – Paysans de l’Ouest. Des structures économiques et sociales aux options politiques depuis l’époque révolutionnaire dans la Sarthe », Revue française de science politique, vol. 11, no 4, 1961, p. 983-987.

    66 Le CEVIPOF appartient à la FNSP.

    67 Lancelot A., « Les problèmes électoraux », in op. cit., L’œuvre scientifique d’André Siegfried, p. 53.

    68 Chevallier J.-J., « Évocation et gratitude », ibid., p. 115.

    69 Charlot J., ibid., p. 58. « Pour Nonna Mayer et Pascal Perrineau, par exemple, “ l’acte de naissance de l’analyse électorale voire de la science politique en France, est la publication par A. Siegfried du Tableau politique de la France de l’Ouest” », Mayer Nonna et Perrineau Pascal, Les comportements politiques, Paris, Armand Colin, 1992, p. 39, cité in Blondiaux Loïc et Veitl Philippe, « La carrière symbolique d’un père fondateur. André Siegfried et la science politique française après 1945 », Genèses, vol. 37, 1999, p. 4. Voir aussi Veitl Philippe, « Territoires du politique. Lectures du Tableau politique d’André Siegfried », Politix, vol. 8, no 29, 1995, p. 103-122.

    70 Lacroix B., op. cit., « D’aujourd’hui à hier et d’hier à aujourd’hui : mai 1968, le chercheur et son objet », p. 149.

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    • de Vitry, Alexandre. (2022) Jean Izoulet : une sociologie antidurkheimienne ?. L'Année sociologique, Vol. 72. DOI: 10.3917/anso.221.0071

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    Sempé, Mathilde. « Chapitre IV. Retour sur la construction de la figure fondatrice d’André Siegfried : hommages et commémorations ». Le Tableau politique de la France de l’Ouest d’André Siegfried, édité par Michel Bussi et al., Presses universitaires de Rennes, 2016, https://doi.org/10.4000/books.pur.58769.

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    Bussi, M., Le Digol, C., & Voilliot, C. (éds.). (2016). Le Tableau politique de la France de l’Ouest d’André Siegfried (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://doi.org/10.4000/books.pur.58721
    Bussi, Michel, Christophe Le Digol, et Christophe Voilliot, éd. Le Tableau politique de la France de l’Ouest d’André Siegfried. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2016. https://doi.org/10.4000/books.pur.58721.
    Bussi, Michel, et al., éditeurs. Le Tableau politique de la France de l’Ouest d’André Siegfried. Presses universitaires de Rennes, 2016, https://doi.org/10.4000/books.pur.58721.
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