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Tours entre Lumières et Révolution

 | 
Béatrice Baumier

Deuxième partie. Les moyens du pouvoir municipal

Chapitre IV. Le corps de ville au quotidien

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Géographique :

France

Texte intégral

1Les « constitutions » municipales, attributs majeurs de l’identité urbaine, ont revêtu des formes variables selon les cités au cours de l’époque moderne. Chaque ville ayant son histoire propre, les institutions municipales se sont formées et remodelées au fil des siècles. Il existe toutefois des analogies fonctionnelles. Afin de mieux comprendre l’évolution des fonctions à Tours, différentes selon que l’on était membre du corps de ville restreint ou d’un organe consultatif, nous examinerons la pratique : quel était le cadre des assemblées ? à quel rythme se tenaient-elles ? les officiers y étaient-ils assidus ? quel personnel auxiliaire les aidait dans l’exécution de leurs décisions ?

Le cadre de l’exercice du pouvoir municipal : les hôtels de ville successifs

  • 1 Ph. Guignet, « Les identités urbaines », cité par S. Mouysset, Le pouvoir dans la ville. Les consu (...)
  • 2 R. Chartier, « La ville dominante et soumise », in E. Le Roy Ladurie (dir.), Histoire de la France (...)
  • 3 Lyon, Marseille, Toulouse, La Rochelle ou Aix avaient exprimé leur désir de grandeur en érigeant d (...)

2« Expression emblématique de l’identité municipale par l’ostentation de sa masse et de son décor1 », l’hôtel de ville incarne « le symbole majeur de la puissance de la cité2 ». Pourtant, à l’époque moderne, toutes les villes ne possèdent pas d’imposantes maisons communes, loin s’en faut3. Telle est la situation à Tours, où la Ville n’a jamais souhaité, ou pu, exprimer sa puissance dans la pierre à cause d’un manque récurrent d’argent. C’est dans un bâtiment sans grande allure, situé dans la Grande Rue, que l’essentiel du travail municipal s’accomplit jusqu’en 1786, date à laquelle les édiles se transportent dans un nouvel hôtel de ville, aménagé en front de Loire.

Le bâtiment de la Grande Rue

  • 4 Au début du xive siècle, la Ville loue une maison à Pierre Berruyer ou Berringer, bourgeois de Sai (...)
  • 5 Les héritiers de Pierre Bérard vendirent au corps de ville son premier bâtiment, loué à la Ville d (...)
  • 6 À l’occasion de l’édification de nouvelles murailles, les édiles saumurois décidèrent en 1508 la c (...)

3Au Moyen Âge, le corps de ville tient ses séances tantôt dans des maisons particulières louées à l’année, tantôt dans des lieux prêtés par certaines communautés4. En 1467, à une époque où l’autonomie municipale s’affirme, les édiles achètent un bâtiment spécifique qu’ils remanient vers 14725. Ce premier « hôtel commun » n’est pas aussi magnifique que son homologue angevin élevé à partir de 1529, ni aussi imposant que celui de Saumur6, mais il a l’avantage de se situer dans une des artères les plus vivantes de la ville, la Grande Rue. Il fait par ailleurs partie d’un îlot qui devient progressivement un centre administratif et politique important, réunissant dans un périmètre restreint l’hôtel de la monnaie et le palais de justice, lequel est agrandi de prisons nouvelles en 1615.

  • 7 ADIL, G 377. Un plan conservé à l’hôtel des Monnaies de Paris (Ms Pl-6 – Tours 1714, 1715, 1738) c (...)

4Rarement représenté, très peu souvent décrit, le bâtiment est resté pendant longtemps difficile à localiser. Si le croquis établi vers 1670 par Jouvin de Rochefort n’est guère précis, les plans du fief du Bourg Saint-Père, levés au xviiie siècle7, permettent en revanche d’affirmer que l’entrée du premier hôtel de ville tourangeau se situait grosso modo face à la rue des Carmes, aux nos 84-86 de l’actuelle rue du Commerce.

  • 8 Autrefois corps de garde et arsenal (et même lieu d’assemblées du grenier à sel au xv e siècle), c (...)
  • 9 AMT, BB 73, 19 décembre 1770.

5L’édifice n’a jamais affiché l’activité qu’il a abritée pendant près de trois siècles : il s’agissait d’une simple maison, sans décoration ni indication extérieure particulière. De dimensions relativement modestes, le bâtiment comprend, au siècle des Lumières, deux pièces en rez-de-chaussée, deux salles à l’étage, une cour et une cave. Depuis la Grande Rue, on pénètre dans un petit couloir, ouvrant à gauche sur deux salles louées au xviiie siècle comme atelier à un artisan, par ailleurs membre du petit personnel municipal8. Au fond du couloir, on débouche sur une cour étroite, où est entreposé le matériel nécessaire aux pompiers et au fond de laquelle se situe le logement du concierge. Par un escalier étroit au bout du couloir, on accède aux deux salles situées à l’étage. L’une d’entre elles, sans doute la plus vaste, est appelée la « grande salle d’assemblée du corps de ville », tandis que la seconde sert vraisemblablement de bureau pour le secrétaire greffier et d’entrepôt pour les archives. Des boiseries dorées, installées en 1753, limitent la déperdition de la chaleur fournie par les cheminées. La lumière est dispensée par des fenêtres dissimulées par des rideaux de « cottine peinte9 » ou par des chandelles, remplacées depuis 1768 par des bougies, jugées de meilleure qualité et achetées tout spécialement au Mans.

  • 10 Les premiers écussons seraient dus au peintre Alart Folarton, qui réalisa aussi 24 grands arbres g (...)
  • 11 Ces écussons auraient été copiés dans un « registre de veslin » conservé « au trésor ». Ayant eu l (...)

6Si l’extérieur du bâtiment signale mal la nature des activités qu’il héberge, les deux salles du premier et l’escalier d’accès l’illustrent en revanche de belle manière. Concentrant l’essentiel de la décoration, de la symbolique et de la mémoire municipales, ces pièces abritent vers 1770 le buste de Louis XV et surtout une série d’armoiries, tantôt gravées, tantôt peintes, des maires qui s’y sont succédé. Depuis Louis XI, les édiles ont en effet pris l’habitude d’apposer « dans la grande salle de l’hôtel commun un écusson en pierre tendre sur lequel sont gravées les armoiries des maires […], pour en conserver la mémoire à la postérité10 ». À partir du début du xviie siècle, on leur a préféré des peintures « sur veslin » : « Les écussons sur pierre tendres n’étoient pas de longue durée, […] ils étoient pour la plupart presque effacés, parce que le salpêtre dont la pierre de cette espèce est très susceptible les faisoit tomber insensiblement en ruine. » Moins d’un siècle plus tard, l’ensemble est restauré et en partie recopié sur de grands panneaux placés « des deux côtés de la porte d’entrée ». À la fin du règne de Louis XV, il existe ainsi trois « cartes chronologiques des armoiries et noms des maires avec l’année de leur exercice », perpétuant pour « l’honneur du corps de ville et des familles intéressées les noms des citoyens qui ont consacré en qualité de maire leurs travaux et leurs talents à l’administration de la ville11 ».

  • 12 Ces disparitions remontent vraisemblablement au début du xixe siècle puisqu’en 1870, les tableaux (...)

7Quelques portraits de maires sont accrochés aux murs des deux salles de réunion. En 1756, mademoiselle Goubeau, peintre de son état, est chargée de les nettoyer, de les rafraîchir et de les compléter en réalisant le portrait du maire Nicolas Preuilly. Étienne Jacques Christophe Benoît de La Grandière est le dernier magistrat municipal de l’Ancien Régime à avoir droit à son portrait officiel, peint en 1786. Hormis ce dernier tableau, rien ne subsiste de ces précieux témoignages, pourtant soigneusement transférés dans les nouveaux locaux dès 178612.

  • 13 Il achète l’hôtel pour 26 484 L et transforme ces locaux exigus, vétustes et aux fonctions variées (...)
  • 14 Egron, Annales des Voyages, 1834, cité par S. Livernet, Tours du xviiie au xxesiècle, 1982.
  • 15 C. Nières, La reconstruction d’une ville au xviiiesiècle. Rennes 1720-1760, 1972 ; Ch. Lamarre, Pe (...)
  • 16 En juin 1769, une occasion peu coûteuse s’offrit, qui aurait amélioré l’accès au bâtiment municipa (...)

8Les locaux où se tiennent les assemblées municipales apparaissent peu à peu trop exigus, difficiles à entretenir, mais surtout peu emblématiques des pouvoirs qui s’y exercent. Les édiles en viennent bientôt à critiquer leur emplacement dans la cité, autrefois avantageux et désormais source d’inconvénients : la rue sur laquelle s’ouvre l’édifice est certes « la plus fréquentée » de la ville, mais elle est très étroite et rapidement encombrée. L’arrivée de militaires, chaque année plus nombreux, empêche les habitants de vaquer à leurs occupations : ils sont gênés par les chevaux et les soldats venus décharger leurs armes et bagages au poste de garde installé dans la maison voisine de l’hôtel de ville. Surtout, l’état général du bâtiment est déplorable, fragilisé encore par les aménagements réalisés dans le quartier à partir de 1772 par le médecin et officier municipal Olivier François Gabriel Normand, nouvel acquéreur de l’hôtel de la Monnaie voisin13. La démolition de certains murs et de quelques cheminées ébranle des parties du bâtiment municipal, dont le logement du concierge qu’il faut réparer en urgence en avril 1773. Au total, selon les officiers municipaux, « l’ancien hôtel de ville […] n’était plus en harmonie avec les mœurs actuelles14 » : ils rejoignent en cela une opinion largement répandue à l’époque, que ce soit en Bourgogne ou en Bretagne, où l’on mène d’amples programmes de reconstruction ou de construction de bâtiments municipaux15. Conscients de la vétusté et du manque d’allure de leurs locaux, les édiles avaient bien envisagé à plusieurs reprises d’agrandir leur maison de ville16 ou de louer un local plus approprié, mais ils avaient dû renoncer par manque d’argent.

9On comprend que si le corps de ville emménagea dans un nouvel hôtel, en 1786, ce ne fut pas le résultat d’une décision des édiles : la cité bénéficia en fait de la manne royale, habilement utilisée par Du Cluzel.

Le nouvel hôtel de ville du front de Loire

  • 17 ADIL, série C (222, 226, 235-236, 286-287, 292, 894).

10Comme les officiers municipaux, l’intendant Du Cluzel, qui prend ses fonctions à Tours en 1766, constate vite l’insuffisance des locaux destinés aux usages publics et décide d’ériger des bâtiments neufs17. Mais, à ce souci fonctionnel, il joint, en intendant éclairé, la volonté désormais affichée par la monarchie dans la plupart des villes du royaume d’affirmer sa puissance par la pierre et l’ostentation. Pour parvenir à ses fins, il sait avantageusement compléter les importants travaux de voirie conduits depuis 25 ans dans la cité. Il s’attache le concours technique des ingénieurs des Ponts et Chaussées et s’assure des fonds nécessaires : le coût de la construction est ainsi inclus dans ceux engendrés par la nouvelle route de Paris en Espagne.

  • 18 Sur les grands travaux menés à Tours au xviiie siècle par les ingénieurs du roi, cf. chap. viii.
  • 19 Le projet de Du Cluzel prévalut sur celui de Terray, qui avait souhaité, pour des raisons d’économ (...)
  • 20 Jusqu’alors, les cavaliers étaient logés tant bien que mal dans le faubourg Saint-Étienne. Or, la (...)

11Envisagé à la fin des années 1760, le nouvel hôtel de ville est achevé 15 ans plus tard. Il s’insère dans le schéma global et cohérent d’aménagement de la route d’Espagne, qui nécessite la construction d’un nouveau pont (1779), d’une voie d’accès vers le nord (la Tranchée) et surtout d’une liaison nord-sud, tracée en ligne droite à travers la cité18. C’est au débouché nord de cette nouvelle rue, aménagée entre 1773 et 1782, que l’intendant décide d’installer de nouveaux bâtiments publics. Il achète pour le compte de l’État des terrains situés en front de Loire, à l’intersection du nouveau pont et de la nouvelle rue19, afin d’y ériger un hôtel de ville, une caserne de maréchaussée20, un palais de justice et des prisons.

  • 21 L’adjudication réalisée le 17 avril 1776 prévoyait un cahier des charges très strict, précisant la (...)

12La construction de ces bâtiments publics, dont le plan est dû à l’ingénieur Cadet de Limay, a lieu en deux temps. Entre 1776 et 1780, on élève les façades qui donnent sur la Loire et la rue Royale21. Entre 1780 et 1786, on procède à la construction du reste des bâtiments : le gros œuvre est assuré par le maître maçon François Rousseau, qui emporte le contrat en décembre 1780 pour 190 511 L. L’entrepreneur livre l’hôtel de ville en 1786 et le palais de justice en juin 1787.

13Le coût de ces constructions est supporté par les fonds du roi, que Du Cluzel sait habilement se faire attribuer, efficacement soutenu par le grand patron des Ponts et Chaussées, Trudaine de Montigny. En 1784, les dépenses des trois bâtiments publics – caserne de maréchaussée, hôtel de ville et palais de justice – s’élèvent à près de 1,7 million de livres, dont 324 000 pour le seul hôtel de ville : la caserne est payée par le produit d’une imposition du casernement, les prisons par un impôt levé sur les élections (circonscriptions) de la Touraine, l’hôtel de ville et le palais de justice sur les fonds de dépenses variables.

14Le nouvel hôtel de ville, construit sur trois niveaux, occupe une surface au sol d’environ 300 m2 ; sa longueur de façade est de 36 m sur la place et de 9 m sur la rue Royale. Il s’ouvre, depuis la place, sur un large vestibule communiquant à gauche avec le logement du concierge, un « magasin » et des latrines. Un large escalier de pierre doté d’une rampe de fer forgé richement décorée, achevée au second semestre de 1786, mène au premier étage, où s’accomplit l’essentiel du travail municipal (le second étage est réservé à la juridiction des eaux et forêts et à la Société d’agriculture) : donnant sur une antichambre spacieuse ouvrant sur le balcon, la salle où le corps de ville tient ses séances fait le coin de la rue. Ce local permet d’accéder à une pièce secondaire faisant office à la fois de bûcher et de latrines. Les édiles se plaignent bientôt de l’exiguïté des lieux, qui les oblige à partager ce réduit pour y installer les archives et le bureau du secrétaire greffier. Le bâtiment municipal est complété par plusieurs locaux au rez-de-chaussée, sous les salles réservées au présidial, et qui s’ouvrent rue Royale : un corps de garde, que le concierge doit tenir propre et garni (de paille et de bois), et surtout deux vastes boutiques situées au-delà du porche du présidial. Louées bien avant leur achèvement, dès 1785, à l’arquebusier Aldon et au cafetier Moreau, elles se composent chacune d’une grande boutique, une arrière-boutique, un premier entresol sans cheminée et un second avec cheminée auxquels on parvient par un escalier de bois ; d’une cuisine, une arrière-cuisine, un cabinet d’aisance et une cave à laquelle on accède par un escalier de pierre.

  • 22 Le second bâtiment, dont la construction, de l’autre côté de la nouvelle rue, avait été décidée ve (...)

15La conduite de la décoration extérieure, là encore financée en grande partie par des fonds accordés par l’intendant, est confiée à la Ville. En 1785, les onze croisées du premier étage de la façade nord sont dotées de vitres en verre « de Bohème », ceintes d’une baguette de bois doré. Cette façade comporte un avant-corps percé, à chaque étage, de cinq fenêtres ; celles du premier sont complétées par un large balcon à balustrade. Le fronton surmontant l’avant-corps est orné de deux statues assises – le Commerce et l’Industrie22 –, séparées par un écusson fleuronné aux armes de la ville portant la devise Sustentant lilia turres [Les tours soutiennent les lys], en signe de fidélité des Tourangeaux à la monarchie. Deux bas-reliefs représentant le Cher et la Loire décorent des fenêtres du milieu de la façade ; ils rappellent le site de la ville et ce qu’elle doit à ces rivières. Les dessins, de la main de Dupasquier, un « élève de l’école Académique royale de peinture, sculpture de Paris » et ancien pensionnaire de l’Académie de Rome, sont présentés à la Ville le 12 janvier 1785. Les travaux de sculpture à proprement parler sont réalisés au cours des mois suivants par Bonnechose, également élève de l’Académie de Paris.

  • 23 En octobre 1786, l’intendant décide de vendre les matériaux et les « vieux emplacements » de l’hôt (...)
  • 24 Cf. chap. vii.
  • 25 D’abord fixé à 2 000 L, ce don est porté à 2 400 L, puis à 3 000 L en décembre 1786.

16Pendant ce temps, la municipalité procède à l’aménagement intérieur : elle y accumule une partie des objets provenant du vieil hôtel de ville, progressivement abandonné entre décembre 1786 et juin 178723. Elle transfère les archives, les bancs de bois et les armoires aux papiers, mais aussi les pattes de fer destinées à l’accrochage des paniers aux incendies24, qu’on installe sous le porche du nouveau bâtiment. Enfin, elle dépose soigneusement les écussons chers aux édiles, ainsi que les boiseries, qui sont démontées, transportées et complétées par des boiseries neuves. Les salles sont soigneusement décorées, entre autres grâce au don généreux de l’intendant d’Aine25 : on pose un parquet, on accroche les tableaux et on place les écussons « dans une encadrure [sic] propre dans la salle des assemblées pour y être conservé [sic], avec la précaution d’y faire mettre des rideaux, afin de conserver la peinture ». Les « cartes chronologiques », véritable « collation précieuse pour l’honneur des familles et du corps de ville », sont « regratées » et « rafraîchies » par Bonnechose, ou bien encore recopiées sur toile par les peintres Bertin père et fils lorsqu’il est nécessaire de les adapter aux nouveaux cadres placés dans le grand escalier.

17Par la suite, la salle des délibérations est ornée des portraits des personnalités qui ont rendu ou rendent encore service à la ville. On accroche le portrait du maire en place, Étienne J. Ch. Benoît de La Grandière, réalisé en remerciement des démarches qu’il a menées pour le rétablissement des foires et la suppression des droits de douanes sur les vins. Désireux de lui rendre hommage, les édiles avaient commandé le portrait au peintre Jacques Delage de Lorge (ou Delorge), alors fort réputé. Dans un premier temps, le maire refusa, par modestie et par crainte de grever les finances publiques, mais il finit par accepter « pour satisfaire les sentiments de la compagnie et répondre aux témoignages qu’elle veut lui donner de sa reconnaissance ». Le portrait le représente revêtu de sa robe de cérémonie, tenant à la main droite un volume de fantaisie dont le titre, Privilèges de la Ville de Tours, Foires franchesPassage des vins, rappelle l’essentiel de son action. Peu après, en juin 1787, un buste de Choiseul est installé sur un « pied de stale [sic] dans le lieu le plus distingué de la chambre du conseil » : les édiles affirmaient vouloir ainsi honorer le lieu de leurs séances « par les traits d’un ministre, qui après avoir longtemps travaillé à la gloire et au bonheur de la France, s’est occupé avec tant de zèle et de succès de celui de la ville et de la province ». Un buste de l’archevêque, que ce dernier accepte de faire faire à Paris, parvient aussi aux Tourangeaux, satisfaits de posséder « un témoignage de l’attachement et du respect des citoyens dans un prélat qui dans toutes les occasions les a honorés de sa bonté et protection ». D’autres bustes rejoignent ces premiers : celui de l’intendant d’Aine, commandé à Paris au sculpteur Chevallier, et celui de Necker, posé le 19 juin 1787. Mais, en dépit de multiples suppliques, la duchesse de Choiseul refuse d’envoyer le sien, s’excusant « en des termes les plus modestes ».

18La Révolution modifie quelques habitudes, privilégiant désormais le confort et l’efficacité : la cheminée de la salle de réunion du conseil général est remplacée par un poêle ; la salle du corps municipal est tapissée, ce qui pose la question de la sauvegarde ou de la destruction des décorations antérieures. On ne sait ce qu’il en advint.

  • 26 Les mêmes défauts de construction sont constatés dans les prisons. Les fenêtres du palais ne sont (...)
  • 27 Les édiles n’avaient ni la maîtrise foncière ni la capacité technique, et encore moins les fonds s (...)
  • 28 Les prisonniers eux-mêmes, incommodés par les odeurs, supplient la municipalité de faire les répar (...)
  • 29 Cf. chap. viii.

19L’attention apportée à la décoration intérieure des salles de réunion devait faire oublier les défauts de la construction, que les édiles constatent rapidement26 : ils le notent avec d’autant plus de soin qu’ils ont le sentiment d’avoir été écartés de la conception du projet. De fait, ils ont rarement été consultés par les ingénieurs ou par l’intendant27 : en décembre 1780, ils s’étonnent de ne pas l’avoir été pour l’élaboration finale du plan d’ensemble, pensant avec un certain bon sens que « l’ingénieur n’a pu prévoir dans le détail tous les vaisseaux nécessaires à un hôtel de ville ». Ainsi, en août 1786, avant même que les travaux ne soient réceptionnés, les premiers défauts sont signalés : certains piliers de la façade sont déjà marqués de « lézardes » inquiétantes. Surtout, la « voûte d’aisance » commune à l’hôtel de ville et aux prisons exhale une « odeur infecte28 ». Ni l’aménagement d’un conduit d’aération permettant l’évacuation des odeurs, ni la construction, dans la cour, d’une voûte d’aisance destinée aux seuls prisonniers en mars 1787, ni la mise à disposition de tous de « pots à l’anglaise » en décembre de la même année ne parviennent à éliminer ces émanations. Lors de la tenue, à l’hiver suivant, de l’Assemblée provinciale, on se plaint par temps de pluie de ces odeurs nauséabondes. Les édiles s’inquiètent d’autant plus de ces malfaçons qu’ils sont désormais tenus d’entretenir les bâtiments nouvellement construits29. Pour les aider à faire face à ces frais supplémentaires, le roi leur a bien abandonné les bâtiments et terrains des anciennes prisons, mais ce sont des biens « médiocres, peu propres à produire du revenu, en très mauvais état ». À l’occasion de la remise en ordre des finances municipales en 1787, le roi accordera 1 000 L pour faire face aux charges d’entretien de ces nouveaux bâtiments, mais la somme est largement insuffisante.

  • 30 La Ville multiplie aussi ce type d’aménagements. En juillet 1790, le conseil général fait ouvrir u (...)
  • 31 Cf. chap. vi.
  • 32 C’est la raison pour laquelle on construisit, entre 1896 et 1904, un nouvel hôtel de ville. L’hôte (...)

20Malgré la surface des pièces qui leur sont dévolues dans les nouveaux bâtiments, les institutions – présidial, élection (juridiction) et corps de ville – s’y disent très vite à l’étroit. En septembre 1788, la Ville envisage d’utiliser une partie des boutiques du rez-de-chaussée pour aménager un petit local destiné au greffe du présidial. Mais la Révolution et le développement administratif qui la caractérise viennent compliquer la situation. On envisage d’abord d’accueillir les membres des nouvelles administrations, Département et District, leur personnel et leurs archives, dans le bâtiment municipal. Dans des locaux déjà trop petits, on partage donc les salles par des cloisons pour aménager de nouveaux cabinets et multiplier les salles d’audience et les bureaux30. Malgré ces remaniements intérieurs, les locaux se révèlent très insuffisants : les juridictions devront trouver à se loger ailleurs, dans les bâtiments acquis lors de la vente des biens nationaux31. Pour le seul service de la municipalité, le nouvel hôtel de ville se révèle déjà trop exigu et cette réalité ne fera que s’exacerber au xixe siècle32.

21L’hôtel de ville n’est pas seulement le lieu d’exercice du pouvoir du corps municipal et le symbole de son rang : c’est aussi une sorte de phare pour la population. L’ancienne maison commune a souvent servi de point de rencontre à la foule et à la milice bourgeoise. Le nouvel hôtel de ville contribue d’autant plus à renforcer cette habitude qu’il donne sur une vaste place, d’où partent les cortèges et où s’assemble la foule en colère ou en quête d’informations. Le bâtiment sert également de point de ralliement pour les troupes chargées du maintien de l’ordre : les militaires s’y retrouvent lors de leur arrivée en ville, la milice bourgeoise y occupe un corps de garde au rez-de-chaussée.

Le corps de ville dans la cité

22Il est temps de franchir les portes de l’hôtel de ville et d’aller à la rencontre des hommes à qui était confiée la gestion de la cité. Quelle place les officiers municipaux occupaient-ils dans la société locale ? De quelle manière exerçaient-ils leurs pouvoirs ? En tiraient-ils quelque considération auprès de leurs concitoyens ?

Portrait de groupe

23Nous ne disposons malheureusement d’aucune étude d’ensemble de la société tourangelle qui aurait permis de situer plus précisément les membres de l’échevinage au sein de la hiérarchie sociale de l’époque. Il n’est pourtant pas sans intérêt de tenter d’en tracer un portrait de groupe, d’identifier les milieux sociaux qui le dominaient à la fin de l’Ancien Régime et de découvrir si la Révolution entraîna dans ce domaine une rupture dans le recrutement du corps municipal.

  • 33 Une réflexion d’ensemble est proposée par A. Desrosières et L. Thévenot, Les catégories socioprofe (...)

24Établir une taxinomie raisonnée à partir des statuts ou professions retrouvés dans les documents est toujours un exercice difficile pour les historiens : généralement, aucune des grilles élaborées pour une région ou une cité ne peut être reprise in extenso pour une autre33. À Tours comme ailleurs, se posent les habituelles questions méthodologiques lorsqu’il s’agit de classer des individus : est-il raisonnable d’espérer appréhender, au xxie siècle, un individu de l’époque moderne au travers de sa seule identification sociale ou professionnelle ? La titulature correspondait-elle à une réalité invariable ?

  • 34 Cette habitude est essentiellement pratiquée chez les marchands et marchands fabricants, tels les (...)

25À partir des sources tourangelles (archives de l’état civil ancien, fonds notariaux et documents fiscaux), nous avons retenu huit catégories : ecclésiastiques ; rentiers ; militaires ; officiers supérieurs et « moyens » ; « petits officiers » et commis ; membres de professions libérales ; entrepreneurs et marchands ; artisans. L’identification des personnages importants est facilitée à Tours par l’habitude prise par les hommes d’accoler à leur nom celui de leur épouse : la confusion des patronymes au sein des grandes dynasties, surtout marchandes34, est ainsi réduite au maximum, ce qui représente un immense avantage en comparaison des difficultés éprouvées par la plupart des historiens de l’époque moderne.

  • 35 À l’inverse de ce qui se rencontre à Paris ou dans les cités du nord de la France, il n’existe pas (...)

26Le groupe des « ecclésiastiques » rassemble essentiellement des chanoines et des curés. Les chapitres les plus prestigieux, Saint-Gatien et Saint-Martin, ont fourni l’essentiel des individus retrouvés, la vie municipale des dernières décennies du xviiie siècle ne concernant pas, au moins directement, l’archevêque et ses vicaires généraux non plus que les deux autres chapitres, Saint-Pierre-le-Puellier et Saint-Venant. Les « rentiers ou présumés tels » sont les personnes qui ne sont pas identifiées par des professions, mais distinguées par des qualificatifs révélateurs de leur réputation, de la position sociale qu’elles estimaient avoir ou qu’on leur accordait. Ce sont des nobles, desseigneurs, des » sieurs de »et des » bourgeois35 », mais également des commensaux des Maisons royales. Nous avons placé parmi les « militaires » tous ceux qui occupaient ou qui avaient occupé des fonctions de commissaire provincial des guerres, contrôleur des guerres, lieutenant des vaisseaux du roi ou qui portaient le titre de chevalier de Saint-Louis reçu en récompense de services rendus à l’armée.

  • 36 Ces officiers « moyens », fort nombreux et composant le groupe influent des « élites provinciales (...)
  • 37 Commissaire envoyé en province par le pouvoir central, l’inspecteur des manufactures est subordonn (...)

27Le groupe des officiers supérieurs et « moyens36 » rassemble les titulaires de charges appartenant aux six grandes juridictions de Tours, hiérarchisées depuis la plus prestigieuse par le corps de ville de la manière suivante : bailliage et siège présidial ; bureau des finances ; eaux et forêts ; élection ; grenier à sel ; monnaie et maréchaussée. Viennent compléter ce groupe les commissaires représentant le pouvoir central, tel l’inspecteur des manufactures37, ou encore ceux dont la fonction est étroitement liée aux intérêts du monarque, tel le directeur des domaines du roi. Notaires, procureurs, huissiers et greffiers sont des professionnels de justice à un degré moindre que les officiers précédents. S’ils s’en rapprochent par leurs compétences techniques, ils s’en éloignent par leur niveau de fortune et leur comportement social. Ils ont été rangés dans un groupe regroupant les « petits officiers » et les commis, ceux-ci pouvant être au service du roi ou d’un seigneur laïque ou ecclésiastique.

28Le groupe des « professions libérales » rassemble les avocats, les chirurgiens, les médecins, les ingénieurs, les architectes (qui œuvrent aux travaux des turcies et levées ou des ponts et chaussées), mais également les maîtres de grammaire ou de pension, c’est-à-dire des professeurs indépendants. Tous ont en commun l’acquisition de « lumières », d’un savoir plus ou moins important qu’ils mettent au service du public ou de l’État.

  • 38 Au xviie siècle, le monde de la soierie tourangelle comprenait plusieurs ensembles que les contemp (...)
  • 39 AMT, CC 20, capitation de 1777 ; ADIL, C 105 et série 2B, rôles d’intérêt de la communauté des mar (...)
  • 40 C’est d’ailleurs le sens que donne l’Encyclopédie au terme de marchand. Le dictionnaire de Furetiè (...)
  • 41 Cf. chap. viii.
  • 42 Baptisé le 27 septembre 1710 à Saint-Lambert-des-Levées, Jean Hallouin était le fils de Jean Hallo (...)

29La catégorie des « entrepreneurs et marchands » réunit les marchands et les « négociants en gros », les chefs de manufacture, les marchands fabricants et les entrepreneurs « des ouvrages du roi ». La structure économique et sociale du groupe des soyeux tourangeaux n’est pas évidente au premier abord. Cette complexité tient à la perpétuelle évolution sémantique des différentes professions qui composent cette catégorie particulière. Dans la deuxième moitié du xviiie siècle, le monde de la soierie tourangelle peut être réparti en trois ensembles38. À la base, se trouvent des apprentis et des compagnons qui aident les maîtres ouvriers en soie. Ceux-ci, formant le niveau intermédiaire, appartiennent à plusieurs sous-ensembles, que les hommes du siècle des Lumières semblent vouloir distinguer en usant de vocables variés et fluctuants39 : les plus modestes de ces maîtres ouvriers en soie travaillent à façon, sur un métier unique ou sur plusieurs, et vendent leurs productions à des collègues mieux lotis, les marchands fabricants ; ceux-ci, qui ont cessé de travailler eux-mêmes, vendent les marchandises qu’ils ont commandées aux précédents40. Au sommet de la hiérarchie du monde des soyeux enfin, se trouvent les négociants, qui se sont spécialisés dans la vente des soieries commandées ou rassemblées. Les formidables travaux d’urbanisme, entrepris par les ingénieurs du roi et qui bouleversent la physionomie de la ville et de ses alentours dans la seconde moitié du xviiie siècle41, permettent l’émergence d’une nouvelle catégorie d’artisans « entreprenants » qui, passant du statut de maîtres maçons à celui d’entrepreneurs, constituent des fortunes spectaculaires et connaissent une réelle ascension sociale. Citons pour l’exemple Jean Hallouin, un très modeste Saumurois venu s’implanter à Tours et qui, au terme de sa vie, était à la tête d’une affaire importante42.

30La dernière catégorie, celle des « artisans-boutiquiers », rassemble des individus dont le point commun est la vente en boutique des produits fabriqués ou conditionnés par leurs soins. Désireuse de ne pas multiplier les sous-catégories, nous avons dû y regrouper les orfèvres, les horlogers, les imprimeurs avec des artisans de moindre considération sociale, tels que les bonnetiers ou les menuisiers.

31Un total de 72 officiers municipaux ont été au pouvoir à Tours entre 1765 et 1792 : ils ont été répartis dans les huit catégories retenues et présentées dans le graphique suivant.

Graphique 9 – Répartition socioprofessionnelle des membres des municipalités restreintes en fonction à Tours de 1765 à 1792.

Graphique 9 – Répartition socioprofessionnelle des membres des municipalités restreintes en fonction à Tours de 1765 à 1792.
  • 43 C. Petitfrère, « Les officiers dans le corps de ville de Tours » in M. Cassan (dir.), Les officier (...)
  • 44 B. Baumier-Legrand, « La réforme municipale de L’Averdy (1764-1765) : glas de la représentation pa (...)

32Une évidence s’impose à la lecture du graphique : « l’invasion marchande » du corps de ville, qui s’était dessinée au temps de la mise en vente des offices municipaux par Louis XIV, est désormais définitivement acquise43. De fait, les marchands et entrepreneurs constituent la catégorie la mieux représentée au corps de ville à toutes les époques. Leur part passe de 31 % durant la réforme de L’Averdy à 53 % au cours de la période suivante, pour retrouver ensuite son niveau initial (29 %). L’enrichissement de certains négociants ou marchands fabricants, qui ont profité du réveil atlantique, les a certainement aidés à conquérir des places. Reste à comprendre ce qui les a poussés à intégrer l’hôtel de ville. Leur motivation est-elle la même qu’au temps de Louis XIV ? Leur investissement municipal correspond-il au désir de reconnaissance sociale auquel obéissaient leurs prédécesseurs lorsqu’ils se portaient acquéreurs des offices municipaux, ou répond-il à une nouvelle ambition, celle de profiter des rênes du pouvoir local, et de la protection des autorités supérieures sous laquelle ils se placent, pour faire fructifier leurs affaires personnelles et celles de leur communauté ? Il semble que les édiles, parce qu’ils sont « intéressés à l’essor économique de Tours, prennent des dispositions pour que leur cité retrouve un nouveau dynamisme44 ». Leur arrivée au corps de ville pourrait par ailleurs conforter l’idée que Tours était entrée, à la fin de l’Ancien Régime du moins, dans la catégorie des

  • 45 G. Saupin, « Les corps de ville dans la France moderne : tendances historiographiques récentes », (...)

« grandes villes d’échanges, particulièrement marquées par le développement des fonctions commerciales, manufacturières et bancaires [qui] disposent d’échevinages ou de consulats dominés par les négociants, sans que cette prépondérance soit établie de manière permanente45 ».

  • 46 René François Barbet, devenu lieutenant de maire en 1774, était bailli du marquisat de Villandry e (...)
  • 47 Cormier de la Picardière est le dernier grand représentant du présidial à siéger au corps de ville (...)

33De leur côté, les robins voient leur part diminuer tout au long de la période, passant de 35 % à 33 % puis à 24 %. Cependant, l’étude séparée des officiers supérieurs et des « petits officiers » montre que la place des premiers tend à diminuer (23 % à 12 %), mais pas celle des « petits officiers » et des commis (12 %, 20 % et 12 %), au nombre desquels on compte les petits officiers des justices seigneuriales, tels les baillis46. Le corps de ville n’est donc plus comme par le passé composé principalement des grands personnages du bailliage et siège présidial ou du bureau des finances47.

  • 48 C. Petitfrère, « Vox populi, vox regis ?… », op. cit.
  • 49 Meusnier a construit, entre autres, l’hôtel de la Falluère (rue des Halles), son propre hôtel (rue (...)

34Deux catégories nouvelles font leur entrée à l’hôtel de ville au cours de la période : les professions libérales et les artisans. Les premières étaient apparues au début du xviiie siècle, mais leur place avait été alors âprement discutée48. Tel n’est plus le cas quarante ans plus tard et, à l’époque de la mise en place de la réforme de L’Averdy, les professions libérales représentent 15 % du corpus total. Après une légère décrue au temps de l’édit de Terray (7 %), leur proportion remonte, au début de la Révolution, à 17 %. Être chirurgien, médecin ou ingénieur n’est désormais plus un obstacle à l’entrée dans le corps de ville : le médecin Olivier François Gabriel Normand devient échevin en 1767, sans que sa profession suscite de commentaire. Il en est de même avec François Victor Barbier, maître chirurgien et premier lieutenant du chirurgien du roi, ou avec l’ingénieur du roi Pierre Meusnier49. Le corps municipal, sollicité à la même époque pour donner son avis sur les différents chantiers destinés à modifier l’aspect de la cité, trouvait sans doute fort précieux de compter dans ses rangs des hommes de l’art compétents.

  • 50 Il avait établi en 1760 avec Robert Balse, un Irlandais fabricant de mouchoirs en soie, une manufa (...)

35Les artisans, qui ont pu participer aux opérations électorales sous le régime de la réforme de L’Averdy, n’accèdent toutefois pas aux places échevinales sous l’Ancien Régime. Il leur faut attendre 1790 pour faire leur entrée sur la scène municipale : citons Maurice Aubusson, marchand poêlier, Thomas Carré, bonnetier, Maurice Chedereau, marchand teinturier, René Pillet-Faucheux, maître charpentier… Prudence néanmoins : l’énoncé de la profession exercée par ces artisans rend mal compte de leur place dans la hiérarchie sociale de Tours. Maurice Chedereau fut, au cours de sa carrière, à la tête d’une entreprise employant une dizaine d’ouvriers50, tandis que René Pillet-Faucheux, qui œuvrait aux travaux royaux, se rapprochait davantage de la catégorie des entrepreneurs des ouvrages du roi.

36Reste à évoquer trois catégories, les seigneurs (compris dans la catégorie des « rentiers ou présumés tels »), les ecclésiastiques et les militaires. La disparition progressive des seigneurs (4 % en 1765-1771 et une absence totale par la suite) confirme la désaffection de cette élite, qui était représentée au corps de ville au Grand Siècle : il lui est impensable de siéger aux côtés de roturiers issus du monde des marchands. Les ecclésiastiques sont 4 % en 1765-1771, 7 % ensuite, y compris au début de la Révolution. Toutefois, derrière ce chiffre stable se cache une évolution certaine, puisque les chanoines, représentants symboliques de l’ancienne société, sont bientôt supplantés par les curés, dont l’influence grandissante au xviiie siècle se vérifie jusqu’au sein de la vie politique locale : à Tours, la figure de proue de cette catégorie est le desservant de la paroisse de Saint-Clément, Pierre René Grignon. Quant aux militaires, ils forment 12 % du total des édiles entre 1765 et 1771 ; ils disparaissent ensuite pour réapparaître au début de la Révolution (7 %), à une époque de tensions permanentes qui rendent sans doute nécessaire leur présence au sein des instances locales.

  • 51 F. Caillou, Une administration royale d’Ancien Régime : le bureau des finances de Tours, 2005. Par (...)

37Une analyse rapide du montant des dots apportées par les futurs à leur contrat de mariage, toutes époques réunies, indique que ces officiers municipaux appartenaient aux catégories aisées de la ville : les 54 futurs pour lesquels nous avons des informations apportèrent en moyenne 26 370 L, leurs 55 futures 25 462 L. En l’absence d’une étude qui porterait sur l’ensemble des élites tourangelles au xviiie siècle, il est difficile de savoir à quel niveau de fortune se situaient nos édiles. On sait seulement qu’ils se plaçaient très nettement en dessous des trésoriers de France, puisque les futurs membres du bureau des finances du xviiie siècle apportèrent en moyenne 73 692 L et leurs futures épouses 40 606 L51.

  • 52 Parmi les officiers municipaux au pouvoir entre 1790 et 1792, 30 futurs apportèrent 21 904 L, leur (...)
  • 53 François Cartier apporta à son mariage, en 1761, une dot de 41 000 L ; son épouse, 30 000 L. En 17 (...)

38Ainsi, la rupture introduite en 1789 dans le recrutement des édiles locaux n’est ni d’ordre social (les officiers municipaux sont globalement issus des mêmes catégories avant et après cette date), ni d’ordre financier (ils apportent des dots d’un montant équivalent52). Certes, aucun officier municipal d’Ancien Régime n’est élu pendant les premières années de la Révolution, mais ceux qui sont choisis en 1790 apparaissaient déjà dans les délibérations du corps de ville de l’Ancien Régime : c’étaient pour la plupart des députés des paroisses suffisamment influents et considérés pour devenir des interlocuteurs des édiles en place. La sclérose municipale induite de fait par l’édit de Terray avait empêché ces hommes d’accéder à des fonctions auxquelles ils auraient pu aspirer si la réforme de L’Averdy avait été maintenue. C’est la Révolution qui leur a permis d’atteindre, avec quelque retard, le devant de la scène politique locale. Le parcours du marchand fabricant François Cartier-Roze illustre bien cette aspiration. Né en 1734 à Barrou, un très modeste bourg de Touraine, d’un père dont la position sociale nous reste inconnue, François Cartier épouse en 1761 Charlotte Roze, fille de Michel Roze, capitaine de régiment. Tout en bâtissant une fortune considérable dans le monde de la soierie53, il s’investit dans la vie publique : il est député de la paroisse de Saint-Pierre-le-Puellier en 1788, participe activement à la recherche de grains au printemps 1789 et à l’organisation des États généraux, intègre les rangs du Comité permanent dès sa création et en devient l’un des présidents. Désigné comme président de la Commission municipale transitoire nommée en janvier 1790, il prend part à l’organisation des opérations électorales destinées à mettre en place une nouvelle municipalité. Élu officier municipal, il est réélu l’année suivante comme premier officier et, à ce titre, remplace régulièrement le maire Prudent Jean Bruley lors de ses fréquentes absences. Personnalité incontournable de la municipalité au début de la Révolution, il s’en éloigne progressivement, sans doute parce que la nouvelle tournure politique l’inquiète : en décembre 1792, il refusera la place de maire à laquelle les électeurs l’avaient porté.

  • 54 Voir les chap. VIII et IX pour un constat de l’efficacité des réalisations municipales à la fin de (...)
  • 55 G. Saupin, « Les corps de ville dans la France moderne… », op. cit.

39Dans l’ensemble, c’est toujours une élite sociale qui occupe, entre 1765 et 1792, les fonctions municipales ; une élite qui, grâce à une certaine aisance matérielle, dispose du temps nécessaire pour s’investir dans la vie publique. Toutefois, une nouvelle conception du pouvoir municipal émerge progressivement. Apparue à l’occasion de la réforme de L’Averdy, elle se confirme durant les premières années de la Révolution : être membre du corps de ville n’est plus une sinécure conférant prestige et honorabilité, mais un véritable travail dans lequel il est désormais nécessaire de s’investir54. L’ » éthique municipale communautaire55 » semble avoir radicalement changé à Tours à la fin de l’Ancien Régime. Les grands corps d’officiers ont difficilement accepté cette évolution que les principaux marchands tourangeaux, sans doute en bonne part parce que cela satisfaisait leurs intérêts corporatistes, ont au contraire fort bien assumée.

40Pourtant, pas plus que l’honorabilité, les avantages matériels n’étaient susceptibles à eux seuls de faire naître des vocations édilitaires. À la fin de l’Ancien Régime, les privilèges accordés aux officiers municipaux sont médiocres : exemption de la taille personnelle, du huitième du vin du cru (ou droit de gros du vin), de la tutelle et curatelle ; du logement des gens de guerre, du guet, de la garde et de l’ustensile ; des octrois levés pour le don gratuit ou pour la ville et de la milice pour eux et leurs enfants (à leur mort, leur veuve ne pouvait bénéficier que de l’exemption du logement). En vertu du principe d’égalité cher à la Révolution, les édiles de cette époque sont assujettis au paiement des impôts, mais sont dispensés de toute participation à la Garde nationale. La noblesse héréditaire, qui avait été accordée par Louis XI aux maires et échevins de Tours, a été supprimée en mars 1667 et n’a jamais été rétablie, contrairement à d’autres villes, comme Angers, Bourges ou Poitiers, qui ont su conserver ce privilège fort couru. Certes, quelques descendants – bien peu nombreux – des édiles en fonction de 1691 à 1714 avaient encore pu jouir de la noblesse, grâce aux dispositions des édits de juin 1691, de novembre 1706 et de janvier 1714, qui confirmaient leurs privilèges à condition de s’acquitter des taxes correspondantes, mais l’essentiel était là : bien avant la Révolution, la fonction édilitaire n’anoblissait plus à Tours.

  • 56 Depuis une délibération de 1511, les échevins recevaient un pain de 5 deniers par an, complété en (...)
  • 57 Des jetons avaient bien existé auparavant – les premiers avaient été commandés en 1580 par le mair (...)
  • 58 Cf. chap. vii.

41Du point de vue pécuniaire, la fonction édilitaire rapporte peu. Seul le maire perçoit, depuis 1689, 400 L par an pour « droits de flambeaux ». Les échevins et assesseurs ne touchent rien56 jusqu’au milieu du xviiie siècle : le 11 juin 1755, sous couvert de les astreindre à plus d’assiduité, mais plus sûrement pour revaloriser une fonction peu attirante, le maire Nicolas Preuilly décide de leur accorder des jetons57. Les personnes présentes aux séances, ordinaires ou extraordinaires, – échevins, assesseurs, mais aussi lieutenant de police et députés ecclésiastiques – reçoivent désormais un demi-jeton, le maire un entier. Plus tard, un jeton est pareillement accordé au lieutenant général et au procureur du roi au bailliage-présidial, qui assistent aux assemblées de notables instaurées par L’Averdy. Quelques années plus tard encore, ces jetons sont offerts en récompense aux députés du corps de ville en voyage pour « l’intérêt de la ville » et aux membres de la municipalité qui assistent aux séances du bureau d’administration du collège et de l’hôpital général. Madame Ducoudray, venue en Touraine former des sages-femmes58, en reçoit également, tout comme des artistes qui ont contribué à la décoration du nouvel hôtel de ville.

42Ces jetons, commandés à la Monnaie de Paris, sont d’abord ronds puis prennent une forme octogonale. Ils sont « de poids de 25 au marc […] en argent, à l’effigie du roi régnant avec son nom d’un coté, de l’autre les armes de la ville, le nom du maire en exercice au bas » et valent environ 36 sols pièce. Ils sont distribués selon un système destiné à éviter les abus : d’abord confiés au secrétaire greffier, ils sont, à partir de 1771, gérés par un officier municipal de confiance qui les conserve chez lui. Ce dernier les apporte à l’hôtel de ville à la demande du maire, qui les remet d’après un « registre de distribution » tenu par le secrétaire greffier. Ces répartitions se font à intervalles irréguliers : le 26 mai 1767, le corps de ville distribue les jetons pour les séances des années 1765, 1766 et 1767. Les officiers municipaux reçoivent environ 25 L par an, ce qui représente une charge totale annuelle moyenne de quelque 1 000 L pour la Ville : en 1765, 1778 et 1781, la somme est évaluée respectivement à 1 200, 900 et 1 300 L. Les registres tenus par le greffier permettent de connaître le nombre, important, des réunions de travail, mais aussi de distinguer les édiles assidus de leurs collègues moins consciencieux. En 1779 par exemple, année où il y eut 98 séances de travail, les sommes touchées par les édiles varient en fonction de leur assiduité, de 196 L pour le maire Banchereau, qui avait présidé toutes les réunions – il reçut en fait 2 L par séance, soit deux fois plus que de coutume –, à 16 L seulement pour le receveur, qui n’avait été convoqué que pour les assemblées consacrées aux finances.

43En 1787, à l’occasion de la remise en ordre des finances de la ville, les jetons disparaissent de la liste des dépenses tolérées par la puissance royale : les distributions s’interrompent à la fin de la même année pour ne jamais reprendre. Plus tard, l’Assemblée nationale n’accordera aucune rétribution aux élus municipaux.

Les édiles, acteurs de la cohésion urbaine

44En dépit de la modestie des avantages tirés de leurs fonctions, maires, échevins et assesseurs ont souvent accompli leurs tâches très honnêtement, parfois même de manière très consciencieuse. Sans rien enlever à leur mérite, rappelons néanmoins que ces fonctions apportaient toujours reconnaissance publique et prestige : cette position éminente était particulièrement évidente lors des fêtes.

Les fêtes

  • 59 Par le passé, le corps de ville assistait à un plus grand nombre de fêtes. Celle instituée en 1553 (...)
  • 60 La fête aurait été instaurée en 1264 par le pape Urbain, en commémoration de l’abjuration de « Bér (...)
  • 61 Cette cérémonie, instituée en décembre 1517, prévoyait la distribution de onze torches garnies de (...)

45Le corps de ville symbolise la cohésion urbaine, cohésion qui est ravivée lors des cérémonies publiques. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, il s’agit de quatre ou cinq fêtes religieuses annuelles, organisées par l’Église, instituées jadis par des fidèles ou ordonnées par le roi59. Le 2 février, lors la fête de la Purification qui se tient à Saint-Gatien, la cité et ses échevins commémorent la visite de Marie au Temple. Chaque jeudi saint, le maire et les deux officiers municipaux également administrateurs des aumônes participent dans les galeries des cordeliers à la cérémonie dite du « lavement des pieds » de treize pauvres. Cette cérémonie, instituée en 1631 par les échevins Le Blanc de la Vallière et Forget de Baudry, a été reprise par la monarchie, qui l’associe désormais à l’anniversaire du roi. En juin, la procession de la Fête Dieu, reliant Saint-Gatien à Saint-Martin, est l’occasion d’honorer le saint sacrement, offert à l’adoration des fidèles60. Maire et échevins reçoivent ce jour-là un cierge de cire blanche de la part des officiers du bailliage61. Le 15 août, le corps de ville assiste à la cathédrale à la fête de l’Assomption.

  • 62 On distribue aussi 20 sols au maire, 10 sols au lieutenant de maire, 5 sols à chacun des trois pre (...)
  • 63 La Ville commande à son fournisseur habituel – la veuve Caillard (1766), le sieur Pinel-Loisillon (...)

46Lors de ces fêtes, le corps de ville sacrifie à un rituel immuable, sans cesse rappelé. Après avoir entendu l’invitation officielle, il répond vouloir « s’y rendre suivant l’usage » et règle les phases de la cérémonie ; chacune possède un programme et un horaire spécifiques, mais invariables dans le temps. Par exemple, quelques jours avant la fête de la Purification, les « bâtonniers de Saint-Martin, en robes et portant leurs baleines en main », se présentent au nom du chapitre pour inviter les édiles. Le corps de ville précise alors les « habits de cérémonie » que chacun doit revêtir et convoque les clercs, sergents de ville, tambours et sergents de bande amenés à l’escorter. Le jour de la fête, on se rend en procession jusqu’à Saint-Martin, où l’on entend la messe. Pour la cérémonie du lavement des pieds, le corps se présente à l’église et y entend l’office, avant de se rendre dans le cloître pour partager 13 L et 5 sols entre treize pauvres choisis dans la ville62. À l’occasion de la Fête Dieu, les clercs et sergents de ville vont chercher le maire en son hôtel particulier et l’accompagnent à l’hôtel de ville. De là, tout le monde se rend à la cathédrale, d’où l’on escorte le saint sacrement jusqu’à Saint-Martin pour y être béni, avant de regagner Saint-Gatien. À cette occasion, le corps de ville distribue des cierges aux officiers, greffiers, huissiers et clercs du présidial et des eaux et forêts63.

  • 64 Sur les grandes fêtes de la Révolution, cf. C. Marchon-Marceau, Les fêtes à Tours (1760-1799), 198 (...)

47Au début de la Révolution, ces fêtes représentatives de l’Ancien Régime sont plus ou moins bien respectées. La cérémonie du lavement des pieds a encore lieu aux cordeliers en 1790 et 1791, tandis que la procession du saint sacrement semble la fête la mieux honorée de toute la période : les autorités y assistent sans réticence. À l’inverse, la procession pour « le vœu de Louis XIII » est vite abandonnée : si les autorités y assistent encore le 15 août 1790, elles prennent prétexte d’un travail trop important pour ne pas s’y rendre l’année suivante. De même, la messe anniversaire du roi du 23 août 1790 est célébrée, mais pas celle de 179164.

  • 65 Un édit de 1695 avait fixé les places de chacun afin de mettre fin à de nombreuses querelles.

48À l’issue de ces cérémonies, le corps de ville dresse systématiquement un procès-verbal, où il consigne soigneusement tous les détails : ces documents, qui servent à perpétuer la mémoire collective, permettent également à l’échevinage de rappeler la place qui est la sienne dans la société urbaine. Dans les cortèges, il doit toujours marcher en tête des corps laïques, sur une ligne parallèle à celle des messieurs du bailliage, seul le chapitre cathédral ayant le pas sur eux65. Dans les églises où se déroulent les cérémonies, le corps municipal doit être placé dans les « stales [sic] du chœur, à droite », sauf à Saint-Gatien et à Saint-Martin, où il est installé dans « les stales [sic] du chœur, en haut à gauche, face à ces messieurs du présidial, monsieur le président [du corps de ville] immédiatement assis à côté du trésorier », les clercs étant placés sur des bancs au bas de la « compagnie ».

  • 66 Le maire invoque à ce propos un édit de 1695 qui reconnaît le corps de ville comme « la seconde co (...)
  • 67 De son côté, le chapitre invoqua un arrêt rendu par le Conseil le 3 juillet 1719 pour mettre fin à (...)

49Ces précisions ont leur importance à une époque où la place de chacun revêt une signification profonde. De fait, même à la fin de l’Ancien Régime, la place de la municipalité lui est parfois disputée. En 1776 et 1779, quelques membres de l’abbaye de Saint-Julien, profitant de l’absence exceptionnelle du maire ce jour-là, ont la prétention d’occuper les sièges réservés aux édiles. Représentative également, la violente querelle qui éclate le 19 juin 1775 entre les édiles et le chapitre de Saint-Martin à l’occasion de l’arrivée officielle d’un nouvel archevêque, monseigneur de Conzié. Ce jour-là, la municipalité se rend au palais épiscopal, comme il se doit en carrosse, précédée de tous ses clercs revêtus de leur uniforme et portant casaque et bandoulière. Le corps de ville, portant ses plus beaux habits, est introduit dans la salle de la Croix, antichambre de la salle d’audience, où il attend que le nouveau prélat ait terminé « sa prière de possession et son installation » pour lui être présenté. Au même moment, les délégués de la juridiction de l’élection entrent avec leurs huissiers, ainsi que huit chanoines de Saint-Martin précédés de leurs bâtonniers. « Après les politesses d’usage et les saluts respectifs », le corps de ville et les chanoines se prennent durement à partie, les seconds prétendant « faire les premiers les compliments comme corps ecclésiastique ». Le maire rappelle alors, en invoquant le droit de préséance du corps de ville en tant que représentant de « tous les ordres de la ville dont le clergé », que la municipalité ne peut céder le pas qu’au chapitre cathédral66. Pourtant, les chanoines maintiennent leur prétention et, pour être sûrs d’être reçus les premiers, se placent en cercle devant la grande porte de la salle d’audience, ordonnent à leurs bâtonniers de bloquer l’autre et forcent le passage, non sans jeter « quelques apostrophes [… et] des reproches personnels à l’un des officiers municipaux ». Plutôt que d’employer la force à son tour, la Ville préfère se retirer « dans une autre salle par respect pour elle-même, pour la maison de monseigneur l’archevêque et pour éviter l’indécence qui aurait résulté d’une telle contestation ». Le maire est donc introduit après les chanoines pour réciter son compliment et offrir 24 pains et 24 bouteilles de vin à l’archevêque. Celui-ci s’engage « dans les termes les plus honnêtes et les plus obligeants [à] fournir sa protection au soutien des droits et interets du corps de ville ». Dans les jours suivants, le corps de ville et le chapitre martinien continuent la querelle. Le premier proteste contre le « procédé des commissaires de Saint-Martin », dont la respectabilité aurait dû les pousser à plus de diplomatie. Tout en reconnaissant le rang exceptionnel du chapitre de Saint-Martin – « cette église est la plus noble peut être de toutes les collégiales du Royaume » –, l’échevinage repousse sa prétention à se considérer comme l’égal du chapitre cathédral67. Décidée à obtenir gain de cause, la municipalité dépose le 18 août une plainte au bailliage dont la suite ne nous est pas connue.

  • 68 Lors de la cérémonie du lavement des pieds, le maire revêt son manteau et une cravate, le reste de (...)

50Les cérémonies sont des moments privilégiés pour faire connaître et reconnaître le rang et l’importance de la municipalité dans la société urbaine. Le costume revêtu dans ces occasions varie donc en fonction du rang occupé par chacun, mais aussi selon les circonstances68. La garde-robe du maire est la plus variée : une robe, un petit manteau, un chaperon, des gants de fin cuir blanc et, à partir de la fin des années 1770, une cravate. Celle des échevins et des assesseurs est moins diversifiée : tous portent des « habits noirs », des gants blancs, un petit manteau, et les premiers possèdent en plus un chaperon de damas cramoisi. Toutes les pièces du costume ne sont pas systématiquement portées. Pour les cérémonies les plus solennelles, célébrant le roi, sa famille et ses victoires, le corps de ville revêt ses plus beaux atours : le maire la robe et le chaperon, les échevins le manteau et le chaperon, les assesseurs le manteau. Dans de moindres circonstances, comme la visite de membres de la famille royale ou l’entrée de représentants du roi, les édiles portent uniquement leurs manteaux. Pour les cérémonies ordinaires, le corps de ville paraît en simples « habits noirs », à l’exception du maire qui revêt son manteau et sa cravate. Pour les cérémonies funèbres, on porte des vêtements de deuil noirs.

51L’importance des cérémonies est également manifestée au public par le nombre plus ou moins grand de voitures transportant les édiles, précédées par un effectif variable de clercs et de sergents de l’hôtel de ville, à cheval ou à pied. Lorsque le comte d’Artois arrive à Tours en 1782, l’ensemble du corps de ville se porte au devant du prince dans trois voitures escortées de la totalité des clercs et sergents à cheval. Lors de visites moins prestigieuses, comme celles rendues aux autorités à l’occasion du nouvel an, le corps de ville délègue huit de ses membres, qui se répartissent dans deux voitures précédées des clercs et sergents. De même, la visite effectuée par Trudaine au chantier du nouveau pont n’a donné lieu au déplacement que de quatre membres du corps de ville, conduits dans une seule voiture précédée de quatre clercs à cheval.

52La Révolution simplifie le protocole en supprimant les escortes. Elle abolit également les distinctions entre officiers en instituant le port d’une écharpe, obligatoire dans toutes les assemblées à partir de novembre 1791, et d’un costume officiel porté lors des députations ou des cérémonies. Toute atteinte à ces symboles est en revanche punie. En 1791, un juré de l’Île-Bouchard qui refuse de reconnaître cet « habit » est prié de faire amende honorable en public et une plainte est déposée contre lui auprès du juge de paix. En mai 1792, un particulier est dénoncé au juge de paix pour avoir refusé de reconnaître l’habit officiel : sa peine est rendue publique afin que « chacun sache qu’il doit respecter les décorations [sic] des officiers municipaux ».

La mémoire de la ville et de ses habitants

  • 69 Ces documents servirent de base à la rédaction de plusieurs histoires de la ville. Cf. infra.

53Symbole de la cité, le corps de ville conserve jalousement la mémoire de celle-ci. Les officiers municipaux connaissent l’importance de ces titres, lettres et registres qui relatent l’histoire de leurs activités et surtout abritent les preuves des droits collectifs et des privilèges acquis par la Ville au fil des siècles69.

54Mais la municipalité est aussi comptable de la mémoire de ses habitants : les particuliers sont ainsi tenus de faire enregistrer officiellement les brevets et lettres de provisions qui leur permettent d’échapper aux charges communes, généralement pesantes. Outre l’exemption de la taille, que le roi a conférée à tous les résidents, la Ville peut accorder celle du « logement des gens de guerre », à condition de justifier de titres adéquats.

  • 70 Seuls pouvaient échapper à ces conditions les « gardes du gouvernement ». Cf. infra. Ceux-ci étaie (...)

55La Ville note sur ses « registres de remembrances » – aujourd’hui disparus – les brevets et lettres de provisions délivrés par le roi, un ministre, le gouverneur, une université, certains chapitres ou le corps de ville lui-même, en vertu desquels elle accepte d’exempter le particulier concerné de certaines charges, à commencer par celle du logement des soldats. La procédure est invariable : le corps de ville prend connaissance de la demande en assemblée, puis la fait examiner par le procureur du roi ou un autre officier municipal qui rend ses conclusions quelques jours plus tard. À partir de celles-ci, on statue, parfois très longtemps après l’octroi du brevet ou de la lettre de provisions. Pour que la démarche aboutisse, le demandeur doit satisfaire à deux conditions : loger à Tours70 et avoir prêté serment devant l’une des juridictions royales, parisiennes ou tourangelles.

  • 71 Des 182 requêtes déposées, 21 % étaient accompagnées de provisions accordées par le roi, 24 % par (...)

56Entre 1766 et 1789, le nombre de ces demandes déposées au corps de ville pour bénéficier d’un privilège fiscal ne cesse de gonfler, passant de 13 entre 1766 et 1769 à 65 entre 1770 et 1779, puis à 104 entre 1780 et 178971. Les requérants sont, sans surprise, pour un quart des rentiers, des militaires ou des officiers supérieurs, mais il faut noter la relative importance des entrepreneurs, des marchands et des artisans-boutiquiers, qui représentent plus du tiers du total. Deux types de requérants peuvent être distingués selon leurs motifs. Le premier est formé d’individus socialement reconnus, arrivés au terme de leur carrière et désireux de continuer à jouir des avantages liés à leur état ou à leurs fonctions. Nous comprenons dans ce groupe les 18 demandes formulées pour faire reconnaître des titres de noblesse. Le second ensemble se compose d’individus qui, soucieux de promotion sociale, veulent faire reconnaître leur statut ou bien achètent des charges. Celles-ci sont tantôt d’intérêt secondaire – comme cette charge de « lieutenant du premier chirurgien du roi dans la communauté des perruquiers » – tantôt plus prestigieuses, mais plus coûteuses, comme les charges de secrétaires du roi auprès de cours souveraines et les offices subalternes de la Maison du roi ou de celle du duc d’Orléans.

  • 72 Cette exemption, qui remontait à près de trois siècles, fut confirmée par l’intendant Chauvelin en (...)
  • 73 Il s’agit de Perceval puis, à partir de 1781, de Jean-Baptiste de Beaucousin, lieutenant-colonel d (...)
  • 74 AMT, EE 11.

57Évoquons, pour terminer la liste des personnes candidates aux exemptions, cette compagnie des « gardes du gouvernement » qui permettait également de s’exclure des charges communes72. Entre 1766 et 1789, 65 demandes (35,7 %) concernent les membres de cette garde d’apparat attachée aux déplacements en Touraine du gouverneur. Lui seul peut désigner ces gardes, nommés à vie. Intégrer ce groupe est donc le signe que l’on a acquis une certaine assise sociale, mais aussi économique puisque l’impétrant doit rétribuer le capitaine des gardes73 : en échange de sa prestation de serment le nouveau garde doit en effet verser la coquette somme de 240 L pour recevoir la copie de sa nomination. Les désignations, d’abord faites par Choiseul, sont, à la mort de ce dernier, confiées par son successeur, le comte d’Estaing, au maire de Tours. Ce dernier n’en acquiert que plus d’importance : il fait ainsi près de 11 % de toutes les nominations relevées entre 1765 et 1789. En effet, Étienne J. Ch. Benoît de La Grandière procède en 1786 à un important renouvellement de la compagnie74 : après avoir interrogé tous les gardes en exercice sur leur intention de rester, il examine les candidatures des hommes qui se proposent pour remplacer les défaillants, parfois recommandés par des anciens, avant de se décider. Il semble avoir favorisé les négociants, qui représentent la quasi-totalité des gardes nouvellement désignés (10 sur 11 individus de profession ou état connus), alors qu’ils constituent à peine la moitié (11 sur 23) des gardes maintenus en place. S’agissait-il pour Benoît de La Grandière de récompenser ceux qui s’étaient associés à ses efforts pour rétablir les foires ?

58Le gonflement des demandes enregistrées par la Ville allait à l’encontre de ses efforts entrepris depuis la fin des années 1760 pour limiter les privilèges. Cette position était en harmonie avec celle du roi, qui, par son texte de 1768, avait fixé la liste des charges susceptibles de bénéficier de tels avantages. De fait, la municipalité s’inquiète de la « multiplication de privilèges […] onéreuse aux citoyens alors que les plus riches et les plus capables [pouvaient] s’y soustraire » : elle souhaite surtout peser davantage dans la décision d’accorder ou non de nouveaux privilèges.

  • 75 La propriété de Papion comprend alors, sur un même terrain situé au coin de la rue Royale et du gr (...)
  • 76 Une des raisons invoquées par l’arrêt du Conseil qui accorde la noblesse à Papion et à ses descend (...)
  • 77 Papion meurt à Tours le 12 juillet 1789. Son petit-fils, Pierre Nicolas Ferdinand Papion, capitain (...)

59Pourtant, toutes les sollicitations n’étaient pas acceptées. Une des affaires les plus significatives concerne, en juin-juillet 1783, Pierre Antoine Claude Papion, entrepreneur de la manufacture royale de damas75. L’opposition que suscite sa demande est révélatrice des rivalités ou conflits existant au sein de la soierie tourangelle. En octobre 1781, le roi, dans le cadre d’une politique visant, selon l’expression du corps de ville, à « exciter pour le commerce l’émulation dans son royaume », accorde à Papion des lettres de noblesse76, complétées le 21 novembre par le droit d’adopter des armoiries. L’enregistrement de ces titres par la cour des aides suppose une enquête sur les « bonnes vie et mœurs » du bénéficiaire. Mais Papion n’attend pas la convocation par la cour du procureur général du bailliage et de la municipalité de Tours. Il requiert de lui-même le corps de ville pour qu’il fasse témoigner de ses vie et mœurs par « plusieurs habitants notables » qu’il désignerait sans doute lui-même. Cette faute de procédure est exploitée par l’échevinage. Ce dernier, arguant qu’il n’a « ny droit ni caractère pour faire laditte information », décide le 18 juin de saisir la cour des aides. Il lui demande la conduite à tenir, sans laisser passer l’occasion de glisser de la forme au fond, c’est-à-dire de mettre en question le bien-fondé de l’anoblissement de Papion, étant donné qu’ » il importe infiniment dans une ville de commerce de n’accorder la distinction de la noblesse qu’aux négociants qui n’ont donné aucun soupçon sur leurs engagements » : la formule insinue que ce ne serait pas le cas de Papion. Le procureur général de la cour entre dans le jeu puisqu’il répond qu’il « est nécessaire de convocquer [sic] une assemblée des habitants, pour délibérer sur lesd. lettres de noblesse » et d’en faire parvenir le procès-verbal à la cour qui statuera. Considérant que, depuis l’abandon de la réforme de L’Averdy, « les habitants se trouvent concentrés dans le corps municipal seullement », celui-ci se borne à convoquer les consuls et gardes de la manufacture à une assemblée municipale élargie qui se déroule le 23 juin. Le débat est centré sur la manière avec laquelle « led Sr Papion a jusqu’icy fait son commerce… ». L’entrepreneur aurait des dettes impayées. Son honnêteté est mise en cause par ses collègues, les juges consuls et gardes de la manufacture, qui « ont unanimement déclarés qu’il est notoire dans le commerce et nottamment dans les villes de Paris, Lion et Tours [sic] » que Papion a obtenu, à deux reprises disent-ils, des lettres de répit, c’est-à-dire la suspension temporaire des poursuites de ses créanciers. Dans ces circonstances, le sieur Papion qui, en vertu de l’ordonnance de commerce de 1673, « ne pourroit parvenir à aucuns des honneurs municipaux ou autres de quelques genres que ce soit […] ne peut se flatter d’être admis dans le corps de la noblesse » jusqu’à ce qu’il ait obtenu des lettres de réhabilitation le rétablissant « dans sa bonne fâme et renommée ». Une semaine plus tard, une assemblée des députés de paroisses « adhère sans aucune restriction » à cette décision. On ne sait si la cour des aides suivit l’opinion des Tourangeaux ou si Papion obtint rapidement des lettres de réhabilitation. Toujours est-il qu’il put librement afficher sa noblesse77.

60Désireux de pouvoir accéder aux documents appelés à servir de base aux procès ou aux requêtes adressées au roi pour défendre les droits et privilèges de la cité, les édiles du xviiie siècle apportent une attention nouvelle à la conservation des archives de la ville. Ils achètent des armoires fermant à clé, considérant qu’il ne faut « pas laisser les titres de l’hôtel de ville à la discrétion de qui que ce soit, sans prendre des précautions, faute desquelles il en a été perdu une quantité considérable, entr’autres des registres, ou parce qu’on a pas eu l’attention de les préserver de la pourriture, en les laissant dans les lieux humides ou exposés aux rats, qui en ont rongé plusieurs en partie, peut-être même en entier. Ce sont ces inconvénients qui ont déterminé à faire faire, depuis quelques années, des armoires bien closes et fermantes avec différentes serrures, en sorte qu’on ne peut les ouvrir et en retirer les titres qu’avec le concours des dépositaires des différentes clefs qui les ferment ». Ces armoires, placées au greffe, sont soigneusement transférées dans le nouvel hôtel de ville en 1786 et leur accès est progressivement restreint.

  • 78 Nous ne saurons jamais si l’ouvrage en question méritait ces critiques, prononcées par un auteur v (...)

61Les édiles ont en revanche moins de succès dans leurs entreprises d’archivage de ces pièces. Au début du xviiie siècle, un auteur anonyme avait entamé un classement qui n’apporta aucune satisfaction. En 1730, le corps de ville sollicita un chanoine de Saint-Pierre-le-Puellier, Charles François Gerbault, pour classer son « trésor ». Le chanoine profita de son accès privilégié aux documents pour écrire une histoire de la ville, qu’il livra sous la forme de deux manuscrits. Le premier était une analyse détaillée d’une partie des chartes promulguées en faveur de la ville entre les xive et xviie siècles, complétée par une interprétation des Commentaires de César et de l’œuvre de Grégoire de Tours. Selon Louis Benoît de La Grandière, ce travail n’était qu’une « ennuyeuse et inutile dissertation sur quelques anecdotes de l’histoire de l’origine de la monarchie des premiers roys de France, des guerres et autres événements copiés d’après Grégoire de Tours et Frédégaire, ouvrage qui n’est point entré dans les vues du corps de ville, et d’autant moins qu’il est chargé d’épisodes et observations malhonnêtes pour des corps ecclésiastiques respectables78 ». Le second ouvrage réalisé par le chanoine portait le titre d’Inventaire historique des titres de l’hôtel de ville de Tours contenant ce qui s’y est passé de plus remarquable depuis que la commune a été établie […]. Il s’agissait d’un travail « plus relatif [que le précédent] au projet que le corps de ville avait formé de faire mettre tous les titres en ordre et d’en faire un inventaire exact en parlant sommairement des matières qui y ont rapport ». L’archivage ne fut pas celui qu’on espérait : « L’idée du sieur Gerbault et qu’il a exécutée a été d’imaginer des layettes pour y comprendre confusément une multitude de titres et de chartres [sic], ce qui les rend fort embarassantes, si elles ne sont pas tout à fait inutiles. » Surtout, cet ecclésiastique avait

« rappellé sans mesnagements des faits que la prudence auroit dû l’engager à laisser dans l’oubly où ils étoient depuis longtems ensevelis. Depuis que l’ouvrage a été abandonné, le sieur Gerbault n’ayant pas même remply les lacunes qu’il a laissées, tous les titres et papiers du trésor, auxquels il auroit cru donner quelque ordre, sont retombées [sic] dans une telle confusion qu’il seroit absolument impossible de se servir de son ouvrage, si le corps de ville, par une sage prévoyance, n’avoit pas pris la résolution de rétablir tous les registres et touttes les chartres dans l’ordre chronologique où elles doivent être ».

  • 79 Il accepte d’autant plus vite ce travail qu’il est bien placé pour connaître les besoins du corps (...)
  • 80 Cf. chap.vi.

62Le 26 août 1775, le corps de ville relance donc l’idée de classer ses archives et confie au praticien Moreau le soin de réaliser un « extrait alphabétique, par ordre de matière et par ordre de dates des registres depuis l’établissement du corps de ville ». Il faut croire que le résultat de ce travail ne satisfait pas les édiles puisque Louis Benoît de La Grandière reprend le classement, à la demande formulée le 6 mars 1776 par ses anciens collègues79. En février 1780, il présente un premier « volume ordonné » des titres originaux. Au lendemain des premières élections de l’époque révolutionnaire, la municipalité fraîchement désignée décide, le 17 février 1790, un nouvel archivage des « meubles, effets et ustensiles appartenant à cet hôtel ainsi que ses titres et papiers », mais on ne sait s’il fut vraiment réalisé. C’est à cette époque que le volume des archives enfle brutalement, car le Trésor municipal accueille les archives des juridictions supprimées80 : leur classement n’aura pas lieu avant le siècle suivant.

63Outre les archives produites par l’institution municipale ou qui lui sont destinées, le « Trésor » abrite également toute une série de documents nécessaires à la prise de décision municipale.

  • 81 AMT, BB 78, 1781. Il est difficile de savoir lequel de ses deux ouvrages il a offert aux Tourangea (...)

64À la fin de l’Ancien Régime, ce besoin s’accroît de manière significative, en partie sous la pression des habitants. Ceux-ci sont en effet souvent en quête d’informations, relatives notamment aux décisions des édiles. La « bibliothèque » municipale s’enrichit des lettres patentes et autres textes officiels, soigneusement reliés, mais aussi de l’Almanach de Touraine, auquel la Ville est abonnée au moins depuis 1760. Plus tard, les édiles achètent un Calendrier de la Cour (1776), un almanach royal et souscrivent vraisemblablement aux Affiches de Touraine imprimées par Bruslon du Boullay. Le corps de ville reçoit aussi en hommage des travaux d’érudits locaux, comme ceux de Félix François Le Royer de La Sauvagère, un ingénieur militaire passionné d’archéologie81. Il conserve d’autre part la correspondance que lui adressent ses administrés : sollicitations aussi nombreuses que diverses, pétitions, propositions de travaux ou de réformes, etc.

65Toutefois, c’est pendant la Révolution que ces informations deviennent indispensables. À partir de 1790, la Ville acquiert des journaux et des livres nouveaux utiles à la compréhension des bouleversements institutionnels et administratifs : elle s’abonne au Journal des municipalités, achète le Code municipal et tout un recueil de décrets relatifs aux bureaux de paix. Enfin, elle réceptionne et classe soigneusement les discours des députés d’Indre-et-Loire ainsi que les lois et les décrets. La quantité de ces normes est telle que les édiles doivent bientôt acquérir des recueils et des tables des matières édités par une société de jurisconsultes ou par l’Assemblée nationale.

  • 82 Il s’agit par exemple des textes annonçant la division de la France en 83 départements, concernant (...)
  • 83 Sur le déroulement de ces proclamations officielles, cf. infra.

66De fait, la loi oblige désormais les autorités municipales à prendre connaissance de tous les actes officiels que leur transmettent les autorités supérieures : d’abord le subdélégué Genty après le départ de l’intendant, les députés du département – de Menou, d’Harambure ou Valete –, les ministres puis, après la mise en place du Département et du District, ces deux administrations. Ces textes sont lus au début des séances de travail, d’abord in extenso puis, progressivement, par résumés ou par extraits. Leur nombre grandissant – au total, 1 451 lois et décrets ont été reçus entre l’été 1789 et l’été 1792, avec un maximum au printemps 1791 correspondant à l’achèvement des travaux de la Constituante – ne permet bientôt plus de consacrer beaucoup de temps à ces lectures. De même, si les textes ont d’abord été entièrement recopiés au début de chaque délibération, le secrétaire prend vite l’habitude de n’en inscrire que des résumés, conservant les originaux pour « y avoir recours au besoin ». Les plus importantes des lois et des proclamations sont portées à la connaissance du public82. Celles-ci sont imprimées et placardées en des lieux désignés par les autorités (sous l’Ancien Régime, il existait au moins huit placards officiels, dont un sur la façade de l’hôtel de ville) et lues tantôt par le « crieur municipal », tantôt par les curés des paroisses au prône des messes dominicales. Deux actes législatifs importants font l’objet d’une publication plus solennelle, assurée par les autorités en personne : la loi martiale, votée le 21 octobre 1789, et le décret du 11 juillet 1792 proclamant la Patrie en danger83.

  • 84 Cf. chap. vi.

67Tours est par ailleurs régulièrement tenue informée des événements du royaume par des courriers échangés avec d’autres villes, voisines ou plus lointaines. Il est indéniable qu’en 1789, l’ » horizon épistolaire » de la ville s’élargit à celui de la jeune Nation. Au cœur de l’été révolutionnaire, Tours est sollicitée par les villes du Centre, du Grand Ouest et du Midi sur des questions aussi variées que le maintien de l’ordre, la circulation des biens et des personnes ou encore la formation des gardes citoyennes. Les échanges de points de vue sur les « circonstances », locales ou nationales, sont plus rares. Les quelques adresses envoyées par le Comité à l’Assemblée ou aux ministres témoignent essentiellement du souci qu’ont les autorités de maintenir le calme et les prérogatives du roi. Seul fait exception le grand élan de générosité lancé à l’automne 1789 par plusieurs membres, qui proposent de faire un « don gratuit » pour remédier aux difficultés financières de l’État84. Quelques mois plus tard, les échanges entre cités diminuent et l’horizon se rétrécit aux villes du Centre-Ouest, celles-là mêmes avec lesquelles avaient été tissés des liens commerciaux sous l’Ancien Régime. Ce repli s’explique aussi par le fait qu’il existe désormais une hiérarchie administrative habilitée à connaître de ces questions. On se contente d’évoquer les problèmes locaux, le maintien de l’ordre, les difficultés techniques d’installation des administrations, mais on évoque rarement, sans doute par prudence, les « circonstances ».

  • 85 Les patrouilles de la Garde nationale et des troupes de lignes sont doublées, les allées et venues (...)

68De ce fait, il est difficile de connaître l’avis des Tourangeaux sur le cours de la politique. Des quatre grands événements qui sont toutefois évoqués dans les correspondances – la fête du 14 juillet 1790, la fuite du roi, la fête manquée de la fédération de juillet 1791 et la chute du Trône –, le deuxième est celui qui donne lieu au plus grand nombre de lettres en raison de l’immense commotion qu’il a provoquée dans tout le pays. La nouvelle de « l’enlèvement du roi » est connue dès le 22 juin au matin, grâce à un membre du Département, lui-même averti par un postillon envoyé tout spécialement par un député de Bordeaux pour annoncer l’événement dans sa ville et qui avait fait une halte à Tours dans la nuit. Le conseil municipal envoie deux des siens vérifier l’information auprès du Département. Pendant que les administrations se réunissent pour prendre les mesures nécessaires au maintien de l’ordre85, François Cartier-Roze et François Coulon annoncent, du haut du balcon de l’hôtel de ville, la nouvelle au peuple « réuni en grand nombre ». La journée se déroule sans incident majeur avant d’être gravement troublée dans la soirée. Ce soir-là, une patrouille surprend le commandant de l’ancien régiment de Bassigny, monsieur de Saint-Tropez, qui s’apprête à quitter la ville vêtu d’habits d’ouvrier. Il est amené à l’hôtel de ville, remis aux « corps administratifs », puis conduit en prison (il en sortira le 26). Sa maison est mise sous scellés tandis que les autorités interdisent tout attroupement et font fermer les maisons religieuses. Très tôt le lendemain, les corps administratifs s’assemblent pour prendre connaissance des ordres de l’Assemblée nationale, qu’ils font aussitôt connaître au public. Surtout, ils reçoivent avec soulagement les soldats du régiment de Bassigny venus annoncer qu’ils reniaient leur chef et désignaient un de leurs capitaines pour le remplacer. Ultime et spectaculaire conséquence de cet épisode : le buste du roi est enlevé de la salle commune le 6 juillet suivant. Mais l’ostracisme prononcé à l’égard du roi dure peu, car la municipalité adopte la version officielle de l’enlèvement propagée par la Constituante. Elle donnera le 23 septembre 1791 une fête à l’occasion de l’acceptation de la constitution par Louis XVI.

Le mécanisme de la décision municipale

69Comment étaient prises les décisions municipales à Tours à la fin de l’Ancien Régime ? Qui décidait en dernier ressort ? Y avait-il des débats préalables ?

Des fonctions différenciées

  • 86 G. Saupin, « Les corps de ville dans la France moderne. Tendances historiographiques… », op. cit.

70Si la municipalité de Tours a été remodelée à plusieurs reprises, on peut néanmoins y remarquer deux constantes. D’une part, une structure pyramidale que l’on retrouve dans la plupart des villes de l’époque moderne86, composée ici de deux ensembles : un corps restreint permanent qui prend les décisions et assure leur suivi, et un organe consultatif variable en nombre. D’autre part, la relative stabilité du nombre des membres du corps de ville restreint.

71En fait, le nombre des officiers municipaux n’a évolué de manière significative que pendant la réforme de L’Averdy : il tombe alors à 26 contre 46 entre 1724 et 1764, non d’ailleurs en raison d’une baisse du nombre des officiers du corps de ville restreint, qui reste stable, mais de la diminution de celui des membres de l’organe consultatif.

Tableau 3 – Composition des corps de ville successifs de 1724 à 1792.

Tableau 3 – Composition des corps de ville successifs de 1724 à 1792.

La municipalité restreinte

  • 87 Au xviiie siècle, le chapitre de Saint-Martin affirme que cette cérémonie d’intronisation et la pr (...)

72Le maire est le principal représentant de l’autorité municipale, au sein du corps de ville comme dans la cité. En attestent sa désignation par le roi mais également la cérémonie d’entrée en fonction, dont il est l’unique bénéficiaire. Dès que le nom du nouveau maire leur est connu, les édiles et les députés des paroisses s’assemblent dans la salle ordinaire, « les deux battants ouverts », pour accueillir le nouveau magistrat, escorté, depuis son domicile, par les clercs et sergents de ville et les officiers de la milice bourgeoise. Le cortège ainsi formé se rend ensuite à la basilique Saint-Martin87, où maire et échevins sont installés dans le chœur, à leurs places habituelles. Après une messe dite en présence de la plupart des autorités de la ville, le cortège retourne à la maison commune, où le maire prête serment entre les mains du gouverneur, du bailli ou du lieutenant général.

  • 88 Cette nouveauté tranche avec le mairat de Jean-Jacques Rabasche (1724-1747), dont la personnalité (...)

73La place prépondérante du maire au sein de la municipalité est par ailleurs marquée par une série de signes distinctifs. Les armoiries des maires successifs sont accrochées à l’hôtel de ville ainsi que le portrait des plus remarquables d’entre eux. De manière plus concrète, le maire préside toutes les séances de travail et certifie la validité des décisions collectives en signant les courriers et en apposant son paraphe au bas des délibérations. En ce domaine, un changement important intervint en 1765 lorsque les officiers municipaux obtinrent de Cormier de La Picardière de signer, comme lui, toutes les décisions prises collectivement88.

74Dans la cité, cette prépondérance éclate lors des cérémonies. Il porte le plus beau costume, marche en premier et, surtout, dispose d’une escorte officielle, plus ou moins nombreuse selon l’occasion, composée de clercs et de sergents se déplaçant à pied ou à cheval, de gardes de la milice bourgeoise, secondés ou non par des officiers municipaux. Il est le premier, et parfois le seul, à souhaiter la bienvenue et à offrir les présents de la ville aux personnalités en visite ou aux représentants de l’autorité royale. Dans les églises, il prend généralement place juste après les dignitaires des compagnies invitantes : à Saint-Gatien comme à Saint-Martin, une stalle spécifique lui est réservée. Enfin, il est le « colonel-né » de la milice bourgeoise. Plus tard, sous la Révolution, cette place éminente sera confirmée puisqu’il deviendra le « premier magistrat du peuple ».

  • 89 Six maires sont décédés en exercice depuis le xvie siècle : Bouet de la Noue en 1597, François Mor (...)

75La dignité particulière de la fonction éclate aussi à l’occasion d’un décès en cours de mandat. En théorie, les maires morts en fonction sont inhumés à Saint-Martin. Mais, dans la pratique, bien peu ont choisi d’y être ensevelis, préférant leur église paroissiale89. Au cours des dernières années de l’Ancien Régime, un seul maire décède en charge, Michel Banchereau. Cette disparition, survenue dans la nuit du 8 au 9 avril 1780, prend tout le monde au dépourvu. Les témoignages d’affliction affluent aussitôt, dont le nombre, la répétition et l’unanimité témoignent d’une vraie douleur partagée par tous, à commencer par les différentes personnalités de la province. Ils attestent également les relations que ce magistrat avait su tisser au-delà des liens officiels. L’archevêque évoque « l’amitié particulière qu’il avait pour M. Banchereau », Choiseul se dit « personnellement très affligé », tandis que l’intendant écrit ceci aux édiles : « Je partage vos regrets et ceux de vos concitoyens, il n’en est point de plus mérité ; l’union et l’accord qui régnaient dans le corps municipal ne seront surement point intervertis etant bien certain que le même esprit se perpétuera au milieu de vous. » Tous célèbrent la « prudhommie, la modestie, la douceur » du défunt, son caractère « probe, délicat, doux, humble et bienfaisant » et son « jugement droit et sain ». En un mot, cet être « prudent, admiré » était un « citoyen vertueux ». Après avoir salué la famille et « mêlé leurs larmes » à celles des parents du disparu, les officiers municipaux s’empressent de prendre connaissance des dernières volontés du défunt. Ce dernier, qui « évitait par goût et avec tout le soin possible tout ce qui pouvait annoncer l’éclat », avait souhaité « être enterré dans l’église SaintPierre-le-Puellier sa paroisse ». Respectueux du souhait du défunt, le corps de ville assiste le 10 avril à la simple inhumation du corps du défunt « dans le cloître de Saint-Pierre-le-Puellier » et, deux jours plus tard, au dernier service célébré dans le préau de la même église. Désireux cependant de rendre au premier magistrat de la cité l’hommage qui lui est dû, le corps de ville contacte les chanoines de Saint-Martin pour organiser dans la basilique un « service pour le repos de son âme ». La cérémonie n’a lieu que le 26 août suivant, la municipalité ayant dû attendre le retour de la famille Banchereau, qui s’était rendue à Paris pour assister aux obsèques d’un autre échevin, François Moisant-Quantin, beau-frère du maire. La célébration se déroula en grande pompe en présence de la plupart des corps ecclésiastiques et laïques.

76Les officiers municipaux célèbrent aussi des événements heureux de la vie des maires. À l’occasion du mariage, en août 1785, de Marie Madeleine Benoît de La Grandière (fille du maire Étienne Jacques Christophe) avec le négociant Alexandre Pierre François Gouin, la compagnie se rend « en corps faire un compliment de félicitation au maire » : le 15 août dans la matinée, les officiers municipaux, revêtus de « leurs ornements de grande cérémonie » et conduits par Barbet, font leur compliment au maire. Ce dernier, qui « a paru sensible et reconnaissant », pria la compagnie de signer le contrat de mariage de sa fille, ce qu’elle s’est « empressée » de faire.

  • 90 François Moisant-Quantin, beau-frère du maire Banchereau, ne fut pas inhumé à Tours mais à Paris, (...)

77Sous l’Ancien Régime, les échevins constituent le deuxième niveau hiérarchique de la municipalité restreinte, devant les assesseurs (ce titre fut remplacé, entre 1765 et 1771, par celui de conseillers de ville). Bien qu’ils n’aient plus le prestige de naguère, plusieurs signes témoignent encore de leur rang : la prestation de serment entre les seules mains du maire, la place occupée dans les cérémonies officielles, le costume porté – ils y revêtent, comme le maire, son lieutenant et le procureur du roi, le manteau et le chaperon – et la pompe funèbre organisée à l’occasion de l’inhumation des officiers morts en charge. Au cours de la période que nous étudions, ce fut le cas de trois d’entre eux : Delopitau, Moisant-Quantin90 et Baudichon-Viot. Bien que la cérémonie soit moins solennelle que pour les maires, elle marque aux yeux de tous l’importance de la fonction. Les échevins et le procureur du roi, « en petit manteau et chaperon noir », les assesseurs et le secrétaire greffier, « en cravate et manteau », s’assemblent à l’hôtel de ville pour participer aux « convoi et funérailles ». Quelques jours plus tard, ils se rendent, précédés des clercs, à l’église paroissiale du défunt pour assister au « dernier service ».

  • 91 Déjà en 1693, un arrêt avait précisé le rang des conseillers-assesseurs, placés après les échevins (...)

78L’édit de 1765 et le règlement adopté par le corps de ville le 13 août de la même année définissent le rang des conseillers91, inférieur à celui des échevins, au sein des assemblées, des conseils d’administration des hôpitaux et des établissements d’enseignement ou encore lors des cérémonies. À cette occasion, les conseillers se contentent du manteau court, voire du seul habit noir, à l’instar du secrétaire greffier et du receveur.

  • 92 Ce sera encore plus difficile en 1775. Cf. chap. vii.

79Toutefois, la distinction entre échevins et conseillers s’estompe au fil du temps en raison de l’accroissement du travail municipal. De fait, confronté à un accroissement du nombre et de la complexité de ses tâches, le corps de ville apprécie désormais plus que le rang de ses membres les compétences, les capacités techniques et l’intérêt porté à telle ou telle question. Cette évolution n’est cependant pas du goût de tout le monde. Jusqu’en 1766, la municipalité, qui désignait régulièrement des délégués dans les bureaux d’administration des hôpitaux et du collège et les remplaçait en cas de décès ou de démission volontaire, avait l’habitude de députer uniquement des échevins. Or, cette année-là, du fait de la baisse du nombre des échevins élus, suite à la mise en place de la réforme de L’Averdy en 1765, elle choisit, pour la représenter, le conseiller Louis Benoît de La Grandière. Cette nomination ne pose pas de difficulté, eu égard sans doute à la qualité du personnage (cet officier supérieur, membre de la maréchaussée, était le gendre de l’ancien maire Jean-Jacques Rabasche). Cependant, trois ans plus tard, lorsque la Ville nomme le conseiller François Baudichon-Viot pour remplacer Benoît de La Grandière, elle se heurte aux administrateurs de l’hôpital général et a beaucoup de peine à imposer son délégué92. La loi du 14 décembre 1789 abolit définitivement la distinction qui se faisait à l’époque moderne entre échevins et conseillers : les onze officiers municipaux doivent désormais siéger dans l’ordre de leur élection ou de leur promotion.

  • 93 La fonction existait au moins depuis 1589 ; son titulaire était élu par le corps de ville. Devenue (...)
  • 94 Il pouvait prétendre au rang d’échevin puisque, comme eux, il avait le droit de revêtir depuis 172 (...)
  • 95 Sur la constitution et la mission de ce bureau municipal, cf. infra.

80La fonction de procureur du roi au sein de l’hôtel de ville, qui existe depuis fort longtemps93, est supprimée en 1765, puis rétablie par Terray qui en fait une charge vénale. Aucun particulier n’ayant levé l’office, le roi désigne Étienne Jacques Christophe Benoît de La Grandière à cette place en 1774, puis Alexandre Gardien en 1780. Le procureur tient une place importante au sein de la municipalité, puisqu’il y représente le souverain. Cette importance se marque par le rang occupé, avant les conseillers-assesseurs94. Pourtant, ses différentes missions ne sont précisées dans aucun texte, sans doute parce qu’elles étaient évidentes. Même la lecture des délibérations est peu éclairante : on le voit ici ou là « donner ses conclusions » sur tel renouvellement de bail, sur telle requête adressée au roi et à ses ministres. En fait, il semble qu’au xviiie siècle, le procureur joue le rôle de rapporteur des questions à traiter, rôle que jouait traditionnellement le maire aux siècles précédents. La loi du 14 décembre 1789, qui rend obligatoire la présence d’un procureur de la commune, précise également ses missions : il assiste à toutes les séances du corps municipal, du conseil général et du bureau95. Installé à un « bureau particulier » dans la salle, il n’a pas voix délibérative, mais peut exprimer un avis. Gardien de la loi et des droits des particuliers, le procureur défend les intérêts de la communauté et représente les contribuables, dont il est l’avocat d’office dans les affaires contentieuses. À ce titre, il assiste aux audiences de la police municipale et de la police correctionnelle. Il vérifie les rôles fiscaux (notamment de la patente) et est autorisé à poursuivre les contribuables qui ne s’acquittent pas de leur quote-part. Tenu, conjointement avec le corps de ville, de maintenir l’ordre public, il est tout particulièrement chargé de surveiller les gens sans aveu, les suspects, les mal-intentionnés et les femmes publiques. Le travail du procureur devient progressivement si lourd que le titulaire de l’époque, Pierre Couezeau, obtient en 1792 deux secrétaires : l’un pour suivre la rapide évolution des lois et des affaires, l’autre pour poursuivre les contrevenants en matière de patente. Les villes de plus de 10 000 habitants étaient aussi dotées d’un substitut du procureur, mais celui-ci n’entrait en fonction que lorsque le procureur était empêché : c’est cette situation, que Couezeau déplore, qui lui permet d’obtenir des auxiliaires.

Les organes consultatifs : les députés des paroisses et les notables

  • 96 Les assemblées générales des habitants avaient disparu depuis 1759 ; elles furent rétablies, plus (...)
  • 97 Cf. chap. iii.

81Sous l’Ancien Régime comme durant les premières années de la Révolution, un organe consultatif existe aux côtés du corps de ville restreint pour représenter le « général des habitants96 ». À Tours, ce rôle est joué, depuis 1619, par les « députés des paroisses », remplacés en 1765 par des « notables ». Après l’abandon de la réforme de L’Averdy, les députés des paroisses réapparaissent avant d’être remplacés, à partir de 1790, par les « notables » du conseil général97.

82Les députés des paroisses et les notables d’Ancien Régime ayant déjà fait l’objet de développements dans les chapitres précédents, nous nous bornerons ici à évoquer brièvement les notables de l’époque révolutionnaire. Ceux-ci sont élus par les citoyens actifs. Leur nombre (24 à Tours) est deux fois supérieur à celui des officiers municipaux ; ils forment avec ces derniers le conseil général, appelé à se réunir « toutes les fois qu’il le jugera convenable, et nécessairement lorsqu’il s’agira de délibérer sur […] des acquisitions ou aliénations d’immeubles ; sur des impositions extraordinaires pour dépenses locales ; sur des emprunts ; sur des travaux à entreprendre ; sur l’emploi du prix des ventes, des remboursements ou recouvrements ; sur les procès à intenter ; même sur les procès à soutenir, dans le cas où le fond du droit sera contesté ». Le conseil général s’occupe essentiellement de « régler et acquitter les dépenses locales », mais aucune décision n’est exécutoire sans l’approbation du District ou du Département. Pas plus que les notables du temps de L’Averdy ou les députés de paroisse, les notables de l’époque révolutionnaire ne semblent avoir eu de place bien spécifiée dans les cérémonies. Profitant de ce silence, les notables de Tours émirent la prétention de prendre rang immédiatement après les officiers municipaux, mais, par deux fois, les 20 mars et 1er septembre 1790, l’Assemblée nationale leur donna tort en précisant que, s’ils voulaient marcher dans les défilés, ils devaient prendre rang après le procureur, le trésorier et le greffier.

83À l’inverse des notables de L’Averdy, qui n’ont pas été à la hauteur des espérances placées en eux par le ministre, mais comme les députés des paroisses de la période 1774-1789, les notables de l’époque révolutionnaire se sont assemblés souvent (139 fois entre juillet 1790 et août 1792). Ils ont abordé 856 thèmes (6 sujets par séance en moyenne) portant, ainsi que le prévoyait la loi du 14 décembre 1789, à plus de 55 % sur des questions financières. Ils consacrèrent aussi des séances à la réception des serments et à l’installation des juridictions et administrations nouvelles (27 % des thèmes de réunion).

Le corps de ville au travail

84Le corps municipal, dans ses formations restreinte ou élargie aux notables ou députés de paroisse, se réunissait en assemblées dont il convient maintenant d’étudier la fréquence et le déroulement. Les méthodes héritées des siècles passés ne suffirent bientôt plus pour mener à bien un travail grandissant : la préparation des réunions et le suivi des décisions nécessitèrent de réorganiser les habitudes.

Le travail préparatoire

  • 98 G. Saupin, Nantes au xviiesiècle. Vie politique et société urbaine, 1996.
  • 99 L. Viévia, « Une dynastie d’architectes tourangeaux : les Jacquemin », BSAT, t. xxxv, p. 257-280.

85Contrairement à Nantes98, il n’existe pas ici de commissions régulièrement désignées dont la tâche serait de préparer le travail. Dans la première moitié du xviiie siècle, le maire est souvent seul à l’initiative des décisions municipales. Mais la lourdeur des tâches et le nombre des séances augmentant de plus en plus, le premier magistrat se fait bientôt seconder par les échevins et les conseillers. La distinction entre ces deux composantes du corps de ville s’est atténuée en conséquence. Échevins, conseillers ou assesseurs deviennent peu à peu de précieux compagnons de travail pour le maire : ils l’aident à viser les factures, visiter les travaux commandés, instruire les dossiers en vue de présenter une requête au roi, organiser les foires, ou encore font avec lui le voyage à la Cour pour défendre les intérêts de la ville. Par ailleurs, les officiers municipaux se spécialisent progressivement : le marchand fabricant André Jérôme Simon-Roze est généralement chargé de la gestion des fonds spéciaux ; l’ingénieur Pierre Meusnier et l’entrepreneur Jean Hallouin examinent les travaux d’urbanisme et visent les factures présentées par les artisans. Leur départ oblige la municipalité à faire appel aux services d’un architecte, Pierre Barais, et à un « expert », Jean Bernard Abraham Jacquemin, géomètre professionnel99. En l’absence de personnel adéquat, le maire et les officiers élaborent les ébauches des affiches portées à l’imprimeur et rédigent les courriers et les mémoires recopiés par le secrétaire greffier : les archives sont pleines de ces brouillons griffonnés par Étienne J. Ch. Benoît de La Grandière, témoignant de l’énergie déployée par ce magistrat. Des commissions de travail sont quelquefois créées pour instruire un dossier particulier ou vérifier les comptes du receveur : pour cette dernière tâche, les députés des paroisses sont adjoints aux officiers ; les notables de L’Averdy, beaucoup moins souvent. Les officiers sont aussi invités à participer à des séances de travail organisées par l’intendant, l’archevêque, le gouverneur ou les ingénieurs. À cette occasion, de véritables relations amicales se nouent, par exemple entre Banchereau et Du Cluzel ou entre Étienne J. Ch. Benoît de La Grandière et d’Estaing.

86Durant la Révolution, le travail préparatoire devient progressivement plus méthodique – il est vrai que le volume des informations est désormais énorme – et s’accomplit dans un cadre institutionnalisé. La loi du 14 décembre 1789 exige en effet la formation d’un bureau municipal, composé d’un tiers des membres du conseil général et chargé de « tous les soins de l’exécution ». À Tours, ce bureau est formé le 12 février 1790 et remanié invariablement tous les ans, sans que l’on sache s’il fonctionna réellement. En complément, la municipalité adopte l’idée de Pierre Louis Athanase Veau Delaunay, qui consistait à former onze commissions préparatoires dont les membres sont désignés le 20 décembre 1790, à raison de trois officiers ou notables par bureau :

Tableau 4 – Les onze commissions préparatoires créées en décembre 1790.

Tableau 4 – Les onze commissions préparatoires créées en décembre 1790.

87Dans son projet, Veau Delaunay avait prévu que chaque bureau se réunirait régulièrement et qu’il disposerait, au secrétariat, d’une « boîte en bois » destinée à ranger les documents relatifs aux affaires à traiter. L’officier responsable devait régulièrement prendre connaissance de l’évolution des affaires en cours, convoquer ses collègues et faire, au moins une fois par mois devant le conseil municipal, un rapport général de ses travaux. L’enthousiasme suscité au départ par cette organisation ne dure guère : les boîtes sont de moins en moins visitées et le maire doit régulièrement rappeler les officiers à leur devoir. En fait, la circulation d’informations, chaque jour plus nombreuses, est difficile entre les officiers et les notables, à la fois membres des bureaux et du conseil général : à la fin de l’année 1791, on affirme que « beaucoup d’objets renvoyés aux différents bureaux n’ont pas été traités du fait que personne n’en connaissait le renvoi ». Pour permettre à tous de connaître l’ensemble des décisions prises, on avait pourtant ouvert un registre où devaient être transcrits les rapports et les décisions du conseil général. Dans le but d’améliorer la circulation des informations, on diminue, le 25 novembre 1791, à huit le nombre des bureaux… et des boîtes. Mais cette nouvelle organisation ne fonctionne pas mieux et, pour éviter les retards, le travail est encore souvent réalisé hors de tout cadre institutionnel par un ou plusieurs officiers. Au début de l’année 1792, on confie finalement au maire le suivi des affaires : lui seul diligente les rapports et dirige l’instruction des dossiers, même si ceux-ci sont théoriquement du ressort de tel bureau ou tel officier. Après ce décevant essai de décentralisation, on était donc revenu à une concentration du travail entre les mains du premier magistrat.

Le rythme des assemblées

  • 100 En 1511, elles se tiennent tous les mercredis. En 1589, elles sont transférées le jeudi durant l’h (...)

88La municipalité restreinte se réunit en assemblées « ordinaires » ou en assemblées « extraordinaires ». Jusqu’en 1765, les premières ont lieu le mercredi de chaque semaine, à partir de 15 h100. La réforme de L’Averdy modifie le rythme des séances : toujours tenues le mercredi, elles n’ont désormais lieu que tous les quinze jours, à partir de 14h30 en été et de 14 h en hiver. Elles sont repoussées au lendemain en cas de fête ou de foire. Les officiers sont convoqués aux séances habituelles par un « billet » personnalisé porté à leur domicile par le concierge ou les clercs de l’hôtel de ville. Quant aux assemblées extraordinaires, elles se tiennent lors d’occasions qui imposent l’urgence – une inondation, une émeute, des impôts à répartir – à des heures et des jours variables. Les officiers en sont avertis quelques jours à l’avance, voire seulement la veille, mais il arrive que certaines circonstances les obligent à rester en permanence à l’hôtel de ville pour coordonner des mesures exceptionnelles.

89La Révolution abolit la distinction entre ces deux types de séances. Les réunions du corps municipal sont désormais bi-hebdomadaires, les mercredis et samedis, toujours l’après-midi. En dépit de ces changements, une constante est à relever : quelle que soit la période considérée, les réunions étaient peu nombreuses en automne, notamment en octobre, époque des vendanges, que les édiles, souvent propriétaires de closeries ou de terres, aimaient à surveiller de près (c’était aussi une période de vacance dans tous les tribunaux, qui suspendaient leurs audiences pour les mêmes raisons).

90Dans la salle de réunion, les édiles se répartissent sur quatre bancs placés en carré, sans disposer de table devant eux. Le banc situé au fond de la salle est occupé par le maire et le lieutenant général de police, qui se tient à la droite du premier magistrat. Les bancs de droite et de gauche sont réservés aux échevins ; leur rang est déterminé par l’ancienneté de leur élection. Sur le banc situé en face du maire siègent les assesseurs ou conseillers et le procureur du roi. Si l’on sait que le greffier se tenait à proximité du maire, un peu en retrait, on ignore la place du receveur, celle-ci n’étant jamais indiquée. La période révolutionnaire optera une fois encore pour l’efficacité et une organisation plus commode : les élus se réunissent désormais autour d’une table capable d’accueillir une quinzaine de personnes.

91Quelle était la fréquence annuelle des assemblées de travail municipales ? Enregistre-t-on des changements de rythme lors des réformes municipales ?

Graphique 10 – Rythme des assemblées municipales tenues à Tours au xviiiesiècle.

Graphique 10 – Rythme des assemblées municipales tenues à Tours au xviiie siècle.
  • 101 Sur le graphique, les 152 réunions du Comité et des commissions municipales, les autorités à la tê (...)

92Entre 1720 – peu après le début du mairat d’Aubry – et 1792, on distingue dans la courbe de fréquence des assemblées trois périodes, séparées par deux ruptures majeures, celle de 1778 et celle de la Révolution. De 1720 à 1778, on observe une fréquence basse de 40 à 60 assemblées par an, suivie d’un palier de 80 à 85 séances annuelles entre 1778 et 1789 qui précède une période de forte inflation entre 1790 et 1792101 : la moyenne tourne alors autour de 200 séances dans l’année, 1792 détenant le record avec 322 séances (alors que notre étude s’arrête avant l’instauration de la République, en septembre).

93Jusqu’à la Révolution, le gonflement du nombre des séances n’est pas dû aux assemblées ordinaires (en moyenne une quarantaine par an), mais à la multiplication des assemblées extraordinaires à partir de 1778, parce que l’on s’était aperçu que le rythme bimensuel imposé par la réforme de L’Averdy était insuffisant.

94Durant la Révolution, l’Assemblée nationale prit acte de la nécessité de réunir les édiles plus fréquemment et les assemblées ordinaires devinrent majoritaires à partir de 1791.

95La multiplication du nombre des réunions est autant le reflet d’une inflation de la quantité de dossiers traités que du zèle particulièrement efficace du secrétaire greffier. Le nombre de pages noircies chaque année dans les registres de délibérations enfle en effet nettement à partir de 1778, au moment où le corps de ville engage un nouveau secrétaire greffier, Jacquet Delahaye : la moyenne de 59 pages annuelles de la première période (1764-1778) passe à 137 pages lors de la deuxième période (1778-1789), sans qu’un grossissement de l’écriture puisse expliquer le phénomène. Bien évidemment, la Révolution bouleverse la situation, avec une moyenne de 616 pages écrites annuellement pour la période 1790-1792. En outre, les thèmes traités au cours des réunions se sont multipliés au début de la décennie révolutionnaire. Les membres du Comité et des commissions municipales en place jusqu’au 24 janvier 1790 se sont assemblés 125 fois en moins de sept mois, pour traiter un total de 1 513 sujets, ce qui représente une moyenne de 12 « délibérations » par séance. De 1790 à 1792, les autorités municipales se réunissent 540 fois pour aborder 3 864 « délibérations », soit une moyenne de 7 questions à chaque ordre du jour.

96Dans les dernières décennies de l’Ancien Régime, du fait de l’augmentation du travail, les séances ont tendance à se prolonger dans la soirée : les édiles trouvent plus pratique de se restaurer sur place et de se faire livrer, par leurs traiteurs, un certain nombre de plats. À titre d’exemple, nous reproduisons (document 2) un extrait de quelques factures relatives à des mets, aussi variés qu’appétissants, consommés par le corps de ville à l’été et à l’automne 1785.

97À l’occasion de ces séances, on commandait aussi du vin, qui provenait de cabarets ou de closeries proches, mais également de la propriété de quelques édiles. Livré en barriques ou en bouteilles, il était conservé dans la cave de l’hôtel de ville et n’était pas réservé aux seuls édiles, puisqu’il était aussi distribué aux clercs et sergents municipaux lors des fêtes publiques ainsi qu’aux particuliers de la milice, qui assuraient la garde lors de périodes troublées.

Deux potages et un gros bouilli – 10 L
Deux douzaines de petits pâtés – 1 L 4 s.
Une douzaine d’œufs frais à la lot [sic] – 1 L 4 s.
Beurre frais et rave – 1 L
Une tourte d’anguille et de ris de veau – 4 L 10 s.
Un gigot à l’anglaise – 3 L 10 s.
Un plat de veau – 4 L 10 s.
Une noix de veau piquée et glacée à l’oseille – 3 L
Deux perdrix piquées et glacées – 4 L
Un canard piqué et glacé aux petits pois – 5 L
Un plat de ris de veau piqué et glacé – 4 L 10 s.
Un plat de six livres de mouton glacé sur une litière – 3 L
Une fricassée de poulet garni de foie gras et oignons – 3 L 10 s.
Une longe de veau garni d’un ragoût de ris de veau – 10 L
Un quartier de chevreuil piqué avec la sauce – 12 L

Écrevisses – 3 L
Beignets à l’anglaise – 2 L 10 s.
Un plat d’épinards au jus – 2 L
Un plat de petits pois – 3 L
Un plat d’artichauts au beurre blanc – 2 L 10 s.

Potage maigre – 2 L 10 s.
Un turbot au beurre blanc – 12 L
Une raie à la fer à cheval [sic] – 10 L
Morue au beurre blanc – 3 L
Saumon à l’oseille – 3 L 10 s.
Perche au bleu – 3 L
Deux grosses soles frites – 10 L
Chou fleur au beurre blanc – 2 L 10 s.
Une marinade d’artichaut – 3 L

98Document 2 – Exemples de plats servis aux édiles lors de quelques séances de travail tenues à l’été et à l’automne 1785.

99Pour savoir si les organes consultatifs ont été régulièrement réunis à Tours, nous avons relevé le nombre de leurs assemblées depuis 1718, date de l’entrée en fonction du maire Joseph Aubry, jusqu’à 1792 : pour une question d’échelle, le nombre très important de réunions des notables du conseil général de l’époque révolutionnaire (29 fois en 1790, 66 fois en 1791 et 98 fois en 1792) n’a cependant pas pu être représenté sur le graphique suivant.

Graphique 11 – Assemblées des députés des paroisses et des notables à Tours entre 1718 et 1789.

Graphique 11 – Assemblées des députés des paroisses et des notables à Tours entre 1718 et 1789.

100Entre 1720 et 1765, les députés des paroisses sont réunis en moyenne cinq fois par an, mais trois pics peuvent être distingués : le premier est observable entre 1718 et 1725, époque du mairat d’Aubry et des nombreuses discussions liées aux expériences de Law ; les suivants ont lieu en 1755 et 1761, sous l’administration d’un intendant particulièrement actif, Lescalopier. Les notables installés lors de la réforme de L’Averdy ne sont pas réunis plus souvent, entre 3 et 6 fois par an : cela confirme l’idée que ces personnalités ont été bien décevantes au regard des pouvoirs qu’on leur avait conférés. Réinstallés à partir de 1774, les députés des paroisses ont été assemblés bien moins fréquemment que leurs prédécesseurs, 14 fois seulement en 18 ans. On peut voir là l’une des causes de l’éloignement grandissant entre le pouvoir municipal et le reste de la population. Au regard de ces chiffres, il est évident que le très grand nombre de réunions des conseils généraux de la commune entre 1790 et 1792 a permis de répondre à l’attente sociale et politique de l’époque.

  • 102 Cf. chap.i.
  • 103 AMT, 1D5, 11 février 1791.

101Aucune directive officielle ne précise les modalités de la tenue des assemblées de travail de ces organes consultatifs. Toutefois, pour être plus efficaces, les édiles ont rédigé quelques textes, sortes de règlement interne dont la multiplication indique qu’ils étaient peu respectés. Le texte du 13 août 1765, spécifique à Tours et qui complète la réforme de L’Averdy, fixe le rôle dévolu à chacun au sein du corps de ville102. La Révolution, qui a pourtant le souci de rationaliser le fonctionnement de l’administration, ne prend pas la peine de statuer dans ce domaine. Là encore, les édiles pallient ce manque et rédigent deux règlements concernant les séances du conseil général : le texte du 7 septembre 1790 comporte 47 articles ; celui du 16 juillet 1792, qui expurge le premier de ses formules trop solennelles, en compte 43. Malgré cela, le déroulement des réunions du conseil général laisse à désirer. Les séances commencent parfois avec un gros retard et s’éternisent dans la soirée, au point que les membres présents se retirent les uns après les autres sans délibérer ou signer les délibérations. Une plainte du procureur à ce propos103 amènera le conseil à décider qu’aucun nouveau point ne sera abordé passé 20 h : on se contentera de terminer la discussion en cours. Dans un premier temps, les séances de travail sont interdites au public, malgré les demandes réitérées du procureur de la commune, des Amis de la Constitution ou de l’état-major de la Garde citoyenne. Elles seront finalement ouvertes au public en août 1792 à la suite d’un décret de l’Assemblée nationale.

L’assiduité aux séances

  • 104 Nous avons exclu les secrétaires greffiers, qui ne signent jamais, et les receveurs, qui ne sont a (...)

102Quel fut le degré de participation des officiers municipaux et des membres des organes consultatifs en fonction entre 1765 et 1792104 ? Ont-ils tous rempli leurs fonctions de manière consciencieuse ? Dans l’affirmative, où puisaient-ils leur dévouement envers la cité et leurs concitoyens, quelles étaient leurs motivations ?

Graphique 12- Taux de présence des officiers municipaux et des membres des organes consultatifs (1765-1792)

Graphique 12- Taux de présence des officiers municipaux et des membres des organes consultatifs (1765-1792)

103Le taux de présence indiqué sur le graphique 12 pour les officiers municipaux est très convenable et relativement stable, entre 62 % et 90 % avant que la Révolution n’entame leur assiduité : le taux de présence tombe alors autour de 55 %. L’évolution est bien différente pour les membres des trois organes consultatifs successifs : le taux de présence des notables de la réforme de L’Averdy n’a cessé de chuter, passant de 70 % en 1765 à 11 % en 1771. À l’inverse, celui des députés des paroisses est resté relativement élevé, entre 60 % et 94 %, tournant généralement autour de 80 %. Quant aux notables du conseil général, leur taux de présence ne cesse de s’améliorer, passant de 60 % en 1790 à 76 % en 1791 pour parvenir à 84 % à la veille de la chute du Trône.

104Toutefois, il nous a semblé plus judicieux de répartir les officiers municipaux différemment, selon une classification rendant mieux compte de l’attitude personnelle de chacun. Nous inspirant du travail réalisé par Guy Saupin pour Nantes au xviie siècle, nous avons retenu trois catégories : les très consciencieux, qui ont manqué moins de 10 % des réunions ; les consciencieux, qui comptent entre 10 et 30 % d’absences ; les absentéistes, qui totalisent plus de 30 % d’absences.

105Un peu moins de 13 % des officiers peuvent être considérés comme assidus, 46 % relativement consciencieux et 41 % absentéistes. Parmi les membres des organes consultatifs, 24 % peuvent être considérés comme très consciencieux, 20 % consciencieux et 56 % absentéistes. Si le taux de présence est globalement satisfaisant, cela n’est dû qu’à la participation active d’une fraction – à peine la moitié – des effectifs.

Tableau 5 – Présence au sein des corps de ville restreints en fonction de 1765 à 1792.

Tableau 5 – Présence au sein des corps de ville restreints en fonction de 1765 à 1792.

Tableau 6 – Présence des membres des organes consultatifs en fonction de 1765 à 1792.

Tableau 6 – Présence des membres des organes consultatifs en fonction de 1765 à 1792.

106La moitié environ des officiers et des membres des organes consultatifs peuvent être considérés comme absentéistes. Les plus absentéistes des membres des organes consultatifs sont les notables, tant ceux institués par L’Averdy que ceux élus au sein du conseil général. À l’inverse, les députés des paroisses sont beaucoup plus présents. Il est vrai qu’ils étaient rarement réunis.

107Pour expliquer cette situation, plusieurs hypothèses peuvent être avancées. La première serait un choix médiocre des élus dû à la méconnaissance de ces hommes de la part des électeurs : il n’existait en effet aucune campagne électorale. Une autre raison, avancée par certains élus eux-mêmes et que nous avons déjà évoquée, tient à des questions de considération sociale, individuelle ou collective. Élu en juillet 1765, le notable représentant du bureau des finances, André Girault, refusa dès le début de paraître dans une institution que son corps jugeait incompatible avec le rang des trésoriers de France. Rien n’y fit, ni les plaintes de la municipalité, ni les avis courtois du duc de Choiseul, ni les injonctions du contrôleur général. La juridiction obtint finalement une dispense officielle. De même, Hubert de l’Auberdière, élu comme échevin en juillet 1765, n’accepta de comparaître pour prêter serment qu’après la ferme invitation de Choiseul. Toutefois, la cérémonie d’entrée en fonction fut pour lui l’occasion d’exprimer sa rancœur : il ne voulut point siéger derrière des personnalités dont il estimait le rang inférieur au sien. Ayant essuyé un refus définitif, il préféra ne plus paraître.

108Mais ce sont surtout les notables de L’Averdy qui sont fustigés pour leur propension à l’absentéisme. Il arrive que la séance soit reportée faute d’un nombre suffisant de présents. Ainsi, le 12 juin 1770, sur les 14 notables convoqués pour une assemblée électorale, un seul se présente. Le corps de ville informe aussitôt le chancelier, le contrôleur général et le gouverneur. L’abbé Terray lui ayant répondu qu’il appartient au corps de ville de maintenir « la bonne intelligence entre tous ceux qui [… le] composent », la municipalité écrit aux absents pour leur demander la raison de leur absence : six répondent, oralement ou par écrit. Malheureusement, le contenu de leurs réponses ne nous est pas parvenu.

109Malgré toutes les précautions qu’elle a prises, l’Assemblée nationale, pas plus que les gouvernements précédents, n’a pu garantir l’assiduité des élus. Les édiles déplorent à plusieurs reprises le défaut répété de certains membres des conseils, essentiellement des notables, et, en avril 1791, on décide de ne plus tenir les séances si les absents sont trop nombreux. En vertu de cela, les séances des 6 mai et 6 octobre 1791 sont annulées. Malgré tout, des officiers continuent à devoir se faire rappeler à l’ordre. Le 17 janvier 1792, le procureur de la commune condamne la permanence chez certains élus d’une mentalité que l’on pourrait qualifier d’Ancien Régime, c’est-à-dire considérant l’accession au corps de ville comme une source de prérogatives et non de devoirs.

110En fait, la gestion municipale est assurée par une petite poignée d’hommes très souvent présents aux assemblées, essentiellement des officiers. Quarante-six officiers peuvent être classés comme très ou assez consciencieux tout au long de la période. Certains ont même fait preuve d’une grande énergie au travail, tels les deux maires de la fin de l’Ancien Régime, Michel Banchereau et Étienne

111J. Ch. Benoît de La Grandière, secondés, il est vrai, par de fortes personnalités, telles que les marchands Louis Delopitau et François Moisant-Quantin, le curé Pierre René Grignon, le chirurgien François Victor Barbier ou l’ingénieur Pierre Meusnier, pour n’en citer que quelques-unes.

  • 105 Parmi ces 15 officiers, 3 seulement sont des officiers supérieurs des juridictions royales (présid (...)

112Quelles pouvaient être les motivations de ces édiles particulièrement actifs ? Disposaient-ils, plus que d’autres, des moyens ou du temps suffisants pour se consacrer à la gestion commune ? Leur appartenance sociale ne les distingue pas de l’élite traditionnellement représentée au corps de ville, à l’exception des artisans, dont l’entrée, au début de la Révolution, a été permise par le système électoral. Parmi ces 46 personnes, on trouve en effet 3 artisans, un musicien, 2 propriétaires, un curé, 6 membres de professions libérales (notaire, médecin, chirurgien ou ingénieur), 15 officiers105 et 18 représentants de la marchandise (marchands, marchands fabricants ou entrepreneurs). Leur formation intellectuelle, qui permettrait d’expliquer une aptitude particulière, nous échappe. Certains toutefois ont bénéficié d’une sorte d’ » apprentissage » de la vie publique, acquis comme fabriciers, députés des paroisses ou moins souvent comme cadres de la milice bourgeoise. À quelques-uns, la réforme de L’Averdy, qui institua un cursus honorum original, donna l’occasion de découvrir la chose publique. Ainsi, Victor Petit, notaire de profession, d’abord député de paroisse en 1762, fut élu notable, conseiller puis échevin entre 1765 et 1771. Confirmé par le roi en 1774, il resta en fonction jusqu’en 1789. Évoquons aussi le cas du marchand Michel Banchereau, qui commença par occuper la modeste place de député de la paroisse de Saint-Pierre-le-Puellier en 1755 avant de gravir pas à pas les « échelons » du cursus honorum : notable, conseiller, échevin et enfin maire de 1771 jusqu’à son décès en 1780. Sa présence infatigable au corps de ville et le choix que le roi fit de lui comme maire militent en faveur de l’hypothèse selon laquelle le large investissement personnel dans ses fonctions fut une des causes essentielles de la réussite de sa carrière municipale. Les liens de travail et même d’amitié qu’il entretenait par ailleurs avec Du Cluzel renforcent le sentiment qu’il fut une figure phare parmi tous les membres des équipes municipales de la fin de l’Ancien Régime. La faveur dont bénéficia Étienne J. Ch. Benoît de La Grandière a sans doute des origines un peu différentes. Elle semble liée en grande partie aux relations qu’il sut nouer avec les Grands du moment. Jouèrent également en sa faveur ses ascendances familiales : son père, Louis, avait été le premier magistrat de la ville de 1765 à 1768 ; son grand-père maternel, Jean-Jacques Rabasche, avait aussi été maire, de 1724 à 1747, tandis que le grand-père de son épouse, Jean-Baptiste Verger-Douineau, avait été assesseur. Malgré cette filiation, Étienne J. Ch. Benoît de La Grandière a eu lui aussi à faire ses preuves et à gravir les échelons – il fut assesseur en 1765 et 1769, conseiller en 1771, procureur du roi en 1774 et maire en 1780 – et s’investit dans la charge de maire autant que son prédécesseur.

113La fonction municipale semble avoir nettement évolué au cours du xviiie siècle. Au début, elle était surtout considérée comme un honneur, en général réservé à de grandes familles ou à des personnages appartenant aux rangs supérieurs de la société locale. Dans la seconde moitié du siècle, le corps de ville s’ouvrit à des hommes qui, sans négliger leur intérêt individuel, familial, voire « corporatiste », furent moins soucieux d’honneurs que de réaliser un travail efficace au service du bien commun. Les principales compagnies locales d’officiers eurent du mal à accepter cette évolution, au contraire des grands marchands. N’y aurait-il pas là une traduction locale de cette « idée nouvelle » qu’on pourrait qualifier de civisme, et qui est une composante essentielle du « patriotisme » tant vanté à la fin du siècle des Lumières ?

Les agents d’exécution

114Les édiles ont été secondés par tout un personnel auxiliaire et par des professionnels extérieurs au corps de ville. Par leurs lumières ou leurs connaissances techniques, ceux-ci les ont aidés à prendre des décisions plus éclairées ou ont contribué à leur application.

Le secrétaire greffier et la naissance de l’administration municipale moderne

115Bien que ne disposant pas du droit d’opiner en séance ni de voter, le secrétaire greffier est un élément central du personnel municipal, au même titre que le receveur. Au xviiie siècle, la fonction fut tour à tour vénale et élective. Mise en vente à la fin du règne de Louis XIV, la charge redevient élective en 1724. La réforme de L’Averdy confirme ce caractère électif : le titulaire est élu en 1765, 1768 et 1771. La charge redevient vénale cette année-là sous le titre pompeux de « secrétaire greffier et garde des archives de l’hôtel de ville ». Enfin, la loi de décembre 1789 prévoit l’élection d’un greffier si le conseil général le juge nécessaire. En tant qu’auxiliaire du corps de ville, le titulaire revêt, sous l’Ancien Régime, un « manteau et une cravate » dans les cérémonies et prend place immédiatement derrière les assesseurs et avant le receveur. Après quelque hésitation, la Révolution lui conserve son costume, mais le place désormais immédiatement derrière le procureur et son substitut.

  • 106 Cf. chap. ii.
  • 107 Traditionnellement, la charge de notaire de la Ville était exercée par le greffier. Comme Jacquet (...)
  • 108 Après s’être fait rembourser son office en 1791 pour 2 348 L, il resta en fonction jusqu’en 1793. (...)

116À l’époque considérée, trois secrétaires se succèdent : Pierre Chereau, dit l’aîné ; René Parfait Chereau, son fils ; et Jean-Louis Jacquet Delahaye. En 1762, au décès du greffier Georget de la Viollière, par ailleurs notaire royal, la municipalité désigne son gendre, Pierre Chereau, également notaire. Élu trois fois de suite durant toute la période de la réforme de L’Averdy (en 1765, 1768 et 1771), il achète en novembre 1773 l’office de secrétaire greffier mis en vente par Terray. Après son décès survenu le 2 avril 1774, Pierre Chereau est remplacé par son fils, René Parfait, qui lui succède également dans sa charge de notaire106. René Parfait reste en fonction cinq ans, avant de revendre sa charge à Jean-Louis Jacquet Delahaye, son cousin germain, jeune praticien qu’il s’était adjoint le 11 décembre 1776 pour faire face à ses nombreuses tâches. Ce dernier, originaire de Châteaudu-Loir et récemment installé à Tours, acquiert la charge en octobre 1778 et entre officiellement en fonction le 1er janvier 1779107. Il est élu au même poste en 1790 et réélu sans discontinuer jusqu’en 1793, avant de se retirer à Vernou, où il devint maire sous l’Empire108. À l’inverse de ses prédécesseurs, notaires en activité, Jacquet Delahaye se consacre entièrement à son travail de secrétaire greffier, car il n’exerce pas d’autre profession. On lui doit une somme considérable de documents consciencieusement tenus – courriers, notes, brouillons, registres de tous ordres –, dont le gonflement correspond, nous l’avons dit, approximativement à son arrivée. Ce nouveau greffier s’applique à remplir à la lettre les devoirs de sa fonction : il se conforme à l’injonction de ne pas s’absenter durablement sans avertir ni présenter un remplaçant ; il assiste à toutes les séances de travail, même si l’édit de 1765 ne requiert pas sa présence à toutes les délibérations. Il transcrit toutes les décisions municipales, mais rédige aussi, avec le maire, les ordres du jour ; il assure le suivi des dossiers, recopie les lettres importantes et les lettres patentes sur un registre spécial, reçoit les habitants en quête d’informations… Il met également au net les brouillons des courriers rédigés par les édiles, établit les registres fiscaux, remplit les billets de logement des soldats et signe leurs feuilles de routes ; il note les baux de location des patrimoniaux, transmet aux imprimeurs le texte des affiches destinées au public, enregistre les lettres de provisions, remet les passeports, etc. À titre d’exemple, Jacquet Delahaye délivre, du 22 mars au 25 avril 1788, 120 feuilles de routes, vise les expéditions des convois militaires et rédige un millier de billets de logement pour les soldats. Il a, en outre, la garde des archives, plus ou moins bien classées, ainsi que celle des clés de certains bâtiments patrimoniaux. Le nombre des registres – aujourd’hui disparus – que les délibérations mentionnent ici ou là témoigne de l’abondance de ses tâches, chaque année plus nombreuses. La plupart des travaux s’effectuaient au domicile privé du greffier jusqu’en 1786, date à laquelle il bénéficia d’un bureau dans le nouvel hôtel de ville : situé au rez-de-chaussée, ce local s’avéra vite « malsain en été et mal éclairé ». En février 1790, le greffier déménage donc au premier étage, où il occupe une petite salle située à proximité de la salle du conseil, dont elle est séparée par une simple cloison.

117Le secrétaire greffier reçoit de modestes gages au regard du travail accompli. Les 150 L qui lui étaient allouées par l’arrêt du Conseil de 1689 furent doublées dans les années 1770, mais cela représentait encore une bien modeste somme. Les prédécesseurs de Jacquet Delahaye se satisfaisaient de cette rémunération, car ils vivaient essentiellement des revenus de leur étude notariale. Se consacrant entièrement à sa fonction de greffier municipal et désireux de rentabiliser l’achat de son office, Jacquet Delahaye obtient du corps de ville, peu après son installation, un tarif pour ses travaux facturés à la tâche. Malgré ce tarif, il ne renonce pas à solliciter des rémunérations supplémentaires, qui lui sont généralement accordées. En 1790, le conseil général de la commune lui alloue ainsi 3 000 L de gages annuels, mais aussi 1 000 L pour l’achat d’encre, papier et chandelles, 1 000 L pour la confection des rôles et la délivrance de certificats ou de copies d’actes et 800 L pour la rétribution de ses commis.

  • 109 Des commis sont employés à l’année, d’autres pour des travaux exceptionnels, comme Jacquet Delahay (...)
  • 110 À partir de février 1791, ces embauches sont assurées par le conseil général, qui exige que les co (...)
  • 111 Les journées de travail consacrées à ces enrôlements sont longues, malgré l’emploi d’imprimés : el (...)

118L’alourdissement du travail administratif rend en effet vite nécessaire l’emploi de commis, temporaires ou intérimaires. La pratique reste intermittente sous l’Ancien Régime109. Le 3 juillet 1765, Pierre Marcel Leroux est engagé auprès du greffier, autorisé à « l’employer quand il le faudra ». Quelques années plus tard, Joseph Lefebvre est appelé pour assurer la transition entre René Parfait Chereau et Jean-Louis Jacquet Delahaye. Au début de la Révolution, le recours aux commis devient régulier et donne naissance à une véritable administration municipale. Jacquet Delahaye, déjà débordé par ses multiples tâches, accepte parfois d’apporter son aide aux commis des administrations supérieures, encore mal rodés. Mais il avoue bientôt que la charge est telle qu’il n’y peut suffire, « même en travaillant jour et nuit », et ce malgré l’emploi qui se répand de formulaires imprimés. Aussi, en accord avec les édiles, il engage très vite des auxiliaires, d’abord provisoirement puis de manière permanente. En décembre 1790, il recrute110 trois commis, dont un certain Jacques François Segris, pour confectionner les rôles nécessaires à la vente des biens nationaux. À l’été 1792, le greffier est à la tête d’une véritable équipe, formée de trois commis permanents – Pierre François Vié, Pierre François Masson et René Morin – et de deux auxiliaires temporaires, Bricheteau et Bodin, qui travaillent spécifiquement aux enrôlements et aux impositions111. Parallèlement, les horaires d’ouverture au public sont aménagés pour ne pas gêner le secrétaire dans ses travaux : en décembre 1791, par exemple, il est décidé que, pour délivrer des certificats fiscaux aux contribuables, le bureau du secrétaire greffier ne sera ouvert que les mercredis et samedis à partir de 11 heures.

Clercs, sergents et concierge

  • 112 À l’origine, on institua quatre postes de clercs chargés de visiter les corps de garde et de veill (...)

119Les édiles sont servis par tout un ensemble d’auxiliaires – un concierge, trois clercs et quatre sergents – aux fonctions fort anciennes112. La réforme de L’Averdy maintient leur existence : les huit membres du petit personnel sont donc confirmés dans leurs fonctions, gages et vêtements par les notables. Par la suite, pour des raisons essentiellement budgétaires, le nombre de ces serviteurs est abaissé : l’arrêt du Conseil de 1787 le réduit à cinq. Mais, la diminution devant s’effectuer par le non-remplacement des personnes décédées ou démissionnaires, ils étaient encore huit en février 1790 : il faudra attendre octobre 1792 pour que le nombre de cinq soit atteint.

Tableau 7 – Concierges, clercs et sergents de l’hôtel de ville dans la seconde moitié du xviiiesiècle.

Tableau 7 – Concierges, clercs et sergents de l’hôtel de ville dans la seconde moitié du xviiie siècle.
  • 113 Cette obligation semble avoir été respectée puisque l’un des clercs, Mathieu Voisin, nous a laissé (...)

120Pour devenir clerc ou sergent, il faut remplir certaines conditions : être âgé d’au moins 18 ans, avoir une taille de 5 pieds au minimum, savoir lire et écrire113, « être assez intelligent pour remplir le service qu’exige la place » et être de « bonnes mœurs ». Surtout, il faut inspirer confiance. La Ville engage donc prioritairement ceux qui lui ont rendu des services, les enfants des clercs en place ou bien les protégés des personnalités locales. Mathieu Voisin fils est engagé en témoignage de « la satisfaction qu’on a des services » du père. La protection d’un grand personnage peut également être utile. Ainsi, le menuisier Claude Aubert doit son engagement à la recommandation de l’abbesse de Beaumont. Toutefois, la Ville tient à conserver l’autorité en la matière, ce que démontre l’embauche assez mouvementée de Claude Jacques Guérin. En avril 1771, désireuse d’assurer l’avenir de la famille de l’un de ses protégés, l’abbesse de Beaumont demande que l’on réserve au fils Guérin le poste de clerc de ville alors occupé par le père. La municipalité accepte le principe, tout en affirmant qu’elle préfère que le garçon, âgé de 14 ans, ait l’âge et les conditions physiques requis. Au décès du père, survenu peu de temps après, l’abbesse insiste pour que le garçon soit immédiatement engagé. Pour ne pas la froisser, le maire se rend en personne à l’abbaye expliquer que la Ville recevra le garçon à l’âge adulte. La municipalité tiendra parole, puisque le jeune homme sera reçu le 19 février 1783, en remplacement du clerc Aubert.

  • 114 Désireux de transmettre à son gendre, Nicolas Lamarque, sa place de concierge, Fouqueré obtient qu (...)
  • 115 Après la procession de cette fête, et d’elle seule, ils déjeunaient d’un « morceau de veau ».

121Ces places sont d’autant plus convoitées qu’elles confèrent quelques privilèges, dont l’exemption du logement des troupes. De plus, il s’agit d’un poste stable, puisque la Ville ne licencie jamais ces auxiliaires, qui exercent leurs fonctions jusqu’à leur mort ou leur départ volontaire. Lorsqu’un clerc ou un sergent se fait trop âgé, il présente un « aide », à qui, bien souvent, on réserve la place114. Les gages sont par ailleurs intéressants. En 1765, les clercs et sergents touchent 100 L chacun, tandis que le concierge reçoit 200 L par an. Ce dernier est en outre logé gratuitement : au fond de la cour intérieure lorsque l’hôtel de ville se situait Grande Rue, au rez-de-chaussée du bâtiment municipal à partir de 1786. La plupart bénéficient de gratifications exceptionnelles, reçues à titre de récompense pour avoir, par exemple, exhaussé les levées pour éviter les inondations, éteint les incendies, contribué au maintien de l’ordre. Lors des cérémonies, ils reçoivent de la nourriture : avant la procession de la Fête Dieu, ils sont régalés d’un repas constitué de pain, de « bœuf à la mode » et de jambons, le tout arrosé d’une chopine de vin115. La qualité des relations des clercs avec le corps de ville, mélanges de confiance et de protection, se révèle à l’occasion. En 1784, en témoignage de reconnaissance pour cette famille attachée depuis longtemps à la Ville, le maire Benoît de La Grandière tient, au nom de la municipalité, l’enfant du concierge René Fouqueré sur les fonts baptismaux.

122Lors de leur entrée en fonction, ces auxiliaires prêtent entre les mains du maire le serment « de bien et fidèlement [se] comporter dans l’exercice de ladite place, d’obéir aux ordres du corps de ville et à ceux qui [leur] seront donnés par chacun des messieurs en particulier ». Puis ils reçoivent tous une épée d’ordonnance, signe de leur fonction. Le concierge reçoit en outre les clés des salles et des bureaux, l’un des clercs celles de la glacière du château. Les fonctions des clercs évoluent peu au cours des siècles : ils escortent les édiles lors des cérémonies, gardent les portes des assemblées et portent les plis importants. Toute absence non motivée est interdite, mais la répétition des rappels au règlement indique que cette règle est mal respectée, au point de gêner parfois les séances de travail. En août 1791, les clercs sont si souvent absents que des particuliers se permettent de faire irruption de manière brutale et inopinée au moment des délibérations. Un nouveau règlement est rédigé le 9 mars 1792 pour tenter de normaliser la pratique.

  • 116 À partir de 1582, les clercs portent une robe de drap garnie de grandes manches brodées en « paill (...)

123Clercs, sergents et concierge reçoivent un uniforme dont l’aspect s’est simplifié au fil du temps116. En 1771, l’habit se compose d’un « surtout bleu à parement et collet rouge » orné de boutons, complété par une veste et une culotte doublée de peau de mouton, d’une paire de bas de coton blanc et d’un chapeau bordé de « galons d’or sur soie d’un pouce de large ». Alors que ces habits étaient renouvelés fréquemment aux xvie et xviie siècles, la municipalité du xviiie siècle les remplace rarement, faute d’argent ; ils sont transmis de clerc en clerc. En 1767, le corps de ville ordonne aux clercs et sergents de revêtir leurs vieux habits les jours ordinaires « pour mesnager les habits neufs » qui viennent d’être faits et qu’ils porteront lors des cérémonies.

  • 117 Cf. chap.v.

124Parmi ces auxiliaires, le concierge joue un rôle essentiel. Il entretient l’hôtel de ville, dont il nettoie les salles, l’ouvre aux édiles et aux hôtes de passage, porte et réceptionne les courriers, fournit les édiles en encre, papier, chandelles et bois de chauffage, mais aussi en nourriture et boisson lorsque les assemblées de travail se prolongent dans la soirée. Il avance toutes les menues dépenses, qu’il note sur un registre. À l’extérieur, il appose les affiches officielles. C’est donc un personnage de confiance pour le corps de ville. À ce propos, un épisode rocambolesque faillit coûter sa place à René Fouqueré. En août 1768, les édiles, qui travaillaient depuis plusieurs mois déjà à l’obtention d’un nouvel octroi117, apprennent des services de l’intendance que le Conseil vient de signer l’arrêt espéré. Mais le courrier officiel tarde tant à arriver que les édiles pensent que le ministre les a oubliés. En fait, le retard est dû à une maladresse du concierge. Au cours de la journée du dimanche 14 août, celui-ci dépose dans « sa boîte » trois courriers adressés à l’échevinage, remettant à plus tard leur distribution. Étant tombé malade, il envoie son jeune fils faire la commission, sans remarquer que la lettre la plus importante était restée malencontreusement « au fond de la boîte ». Croisant le maire Louis Benoît de La Grandière entre la Grande Rue et la rue du Palais, l’enfant lui remet les deux autres missives, que le magistrat lit à ses homologues le mercredi suivant : l’une d’elles annonce l’arrivée prochaine du courrier officiel porteur de l’arrêt du Conseil. Le même jour, le concierge vient trouver le maire pour lui expliquer que plusieurs échevins « paroissoient avoir de vives inquiétudes sur une lettre écrite à la compagnie contresignée L’Averdy » ; il précise qu’il est au courant de la lecture des deux lettres, tout en étant persuadé d’en avoir reçu trois. Le soupçon s’installe au sein de la municipalité : le maire aurait-il gardé la lettre du ministre ? Le premier magistrat doit se disculper, avant que le doute ne se dissipe le vendredi. Ce jour-là, Fouqueré vient voir le maire et lui remet la lettre tant attendue. Sans doute sous la pression du premier magistrat, lequel est vexé d’avoir été soupçonné, le corps de ville congédie aussitôt le concierge et le prie de quitter le logement mis à sa disposition. En définitive, Fouqueré en sera quitte pour un sermon : « préférant la clémence à la rigueur et du consentement de monsieur le maire », la compagnie le rétablit dans ses fonctions quelques jours plus tard.

  • 118 En 1791, on installe une sonnette entre la porte d’entrée de la maison commune et son appartement (...)
  • 119 Cf. chap. vii.

125Au moment de la Révolution, le travail du concierge s’accroît à tel point que ce dernier se dit surchargé de travail : il doit toujours être présent à l’hôtel de ville, pour répondre aux demandes des officiers ou du secrétaire et exécuter d’incessantes commissions118. La municipalité lui adjoint bientôt deux auxiliaires. En octobre 1790, elle engage un crieur de patentes, Étienne Clérisseau, que remplace Thomas Clérisseau, son frère, lorsque le premier décède en août 1791. Toujours en octobre 1790, elle embauche un certain Jean Chantoiseau, rémunéré à raison de 250 L par an, pour faire imprimer et afficher les décisions municipales. Celui-ci doit aussi brandir les drapeaux rouge et blanc lors de la proclamation et de la levée de la loi martiale119 et s’informer chaque matin à l’hôtel de ville du travail à faire. Lorsqu’il s’engage comme volontaire national en août 1792, il est aussitôt remplacé, assuré toutefois de retrouver son emploi à son retour.

Le personnel auxiliaire

  • 120 Par le passé, elle rétribuait également quatre connétables, un capitaine d’arsenal et deux canonni (...)

126La Ville a également recours à d’autres auxiliaires qui remplissent des fonctions temporaires. Héritière de pratiques qui remontent à une époque où la défense publique était une priorité, elle salarie quelques personnes aux fonctions vaguement militaires : Jean Pimparé et sa femme Louise Vazou, concierges de l’arsenal ; quatre tambours ; un fifre et un trompette120. Au fil du temps, elle a engagé d’autres personnes : un fontainier, un expert géomètre, des prud’hommes, des professionnels du droit… La charge de fontainier, qui consiste à vérifier et réparer les fontaines, est d’abord occupée par Gabriel Hullin. Celui-ci est remplacé par Louis Robert en juin 1780, qui cède lui-même la place à son fils, Louis Robert-Sarret, le 12 mai 1783. On a déjà évoqué l’architecte Pierre Barais, auquel est adjoint en 1783 l’expert Jacquemin : ils sont confirmés le 17 février 1790 par le conseil général, ainsi que le voulait la loi. Pour assurer la tranquillité des marchés, les édiles nomment des prud’hommes, qui, en vertu d’un arrêt du parlement du 18 août 1761, sont chargés de relever pour la Ville et le lieutenant de police les prix des grains vendus sur les marchés. Ces prud’hommes, au nombre de 2 puis de 4 à partir de 1785, sont en théorie nommés tous les deux ans, mais restent plus longtemps en place.

Tableau 8 – Prud’hommes chargés de surveiller les marchés de la ville.

Tableau 8 – Prud’hommes chargés de surveiller les marchés de la ville.

127Ils sont choisis, en général dans le monde des marchands, « sur le bon et louable rapport qui a été fait » d’eux et prêtent un serment spécifique. En janvier 1789, deux prud’hommes supplémentaires sont nommés pour surveiller le marché établi exceptionnellement au pied de l’église de Saint-Symphorien après la chute du pont de pierre. En échange de leurs services, ces prud’hommes sont exemptés du guet et du logement des gens de guerre. Maintenus pendant la Révolution, ils voient leur nombre tomber à 3, avant d’être porté à 8 en décembre 1790 puis à 20 : désignés par le conseil général, ils sont tenus de surveiller le prix du blé mais aussi de la viande.

  • 121 Frère de l’officier municipal Athanase, Claude Delaunay naquit à Tours en 1755. Il commença des ét (...)

128Pendant la Révolution, non seulement ces auxiliaires « techniques » se multiplient, mais ils se diversifient. En décembre 1790, la Ville s’adjoint les services du médecin Claude Veau Delaunay pour veiller à la salubrité et à l’hygiène publiques121. Il est aussitôt dépêché auprès d’un chirurgien-médecin anglais qui vaccine les enfants à l’intérieur de la cité : sur son rapport, les autorités interdisent la pratique du 1er septembre au 1er mai de chaque année. Au cours des mois suivants, on le voit mettre les habitants en garde contre les charlatans, examiner la qualité des comestibles et des médicaments, faire nettoyer la bonde de Saint-Pierre-des-Corps, examiner la proposition d’un particulier désireux d’installer des bains, etc. Lors de la sécheresse de l’été 1791, il recommande l’arrosage des seuils de porte deux fois par jour et relègue les métiers salissants, comme le lavage des laines, au quai de Bretagne, en aval de la ville, pour éviter la pollution des eaux de Loire, alors très basses.

  • 122 Jusqu’en 1774, date à laquelle maître Guyonneau l’achète, la fonction de notaire municipal était e (...)
  • 123 Trois procès occupent tout particulièrement l’échevinage à l’époque étudiée : le premier l’oppose (...)

129La Ville a aussi son notaire et ses huissiers attitrés122. Pour suivre et instruire les procès123 auxquels elle doit faire face dans les juridictions locales ou parisiennes, la Ville engage les services de professionnels du droit. Par commodité, elle en choisit un par juridiction locale (bailliage, bureau des finances et juridiction de l’élection).

Tableau 9 – Professionnels du droit engagés par la municipalité pour suivre ses affaires dans les juridictions de Tours.

Tableau 9 – Professionnels du droit engagés par la municipalité pour suivre ses affaires dans les juridictions de Tours.
  • 124 Cette pratique n’est pas sans évoquer l’habitude prise par les bureaux des finances de rétribuer u (...)

130À Paris, les édiles rétribuent également les services de juristes. Mais, par souci d’efficacité ou par économie, ils font le choix d’un interlocuteur unique124, sans doute recommandé par des personnalités locales, pour intervenir aussi bien au Conseil du roi, au parlement, à la chambre des comptes qu’à la cour des aides. Il s’agit d’abord de maître Basly, remplacé en janvier 1768 par maître Malot. Ce dernier reste l’interlocuteur de la Ville jusqu’en août 1770, date à laquelle il transmet ses dossiers à maître Delamotte. Enfin, le dernier avocat parisien est Perrot de Saint-Maurice, maintenu jusqu’à la Révolution. Dans l’abondante correspondance échangée avec ces professionnels, on apprend que la Ville versait des pots-de-vin à des intermédiaires bien placés pour se faire entendre des autorités. Ainsi, en 1776, elle offre 96 puis 24 L au secrétaire de l’avocat général du parlement et, deux ans plus tard, elle donne un louis d’or au secrétaire du rapporteur.

*

131À la fin du règne de Louis XV et durant celui de Louis XVI, l’exercice du pouvoir municipal pouvait sembler peu attractif. Ayant pour cadre un édifice sans prestige, il n’offrait à première vue qu’un intérêt médiocre, tant au plan financier que pour la promotion sociale : seul le maire pouvait réellement prétendre à une rémunération – modeste –, et l’anoblissement par l’échevinage avait été supprimé depuis longtemps. Malgré tout, aux yeux des Tourangeaux, le maire et les échevins restaient des personnages importants de la ville, qu’ils incarnaient lorsqu’ils marchaient en tête des cortèges, revêtus de leur costume de cérémonie. Quant aux assesseurs (ou conseillers), la multiplication des tâches municipales leur donna progressivement un relief nouveau, réduisant la distance qui les séparait des échevins.

132La situation évolua dans les années 1780. L’obstination de Du Cluzel, qui mit les moyens financiers de la monarchie au service de ses extraordinaires projets urbanistiques, permit l’érection d’un nouvel hôtel de ville. Bien mis en scène face à la Loire, au débouché de la route d’Espagne, et d’une architecture à la fois sobre et imposante, il était propre à signifier la puissance royale en partie déléguée au corps de ville. Toutefois, les édiles n’avaient pas attendu l’amélioration du cadre de leurs assemblées pour exercer leurs pouvoirs avec une ambition nouvelle. En attestent le gonflement du nombre de leurs séances de travail, la multiplicité des thèmes abordés et leur taux de présence, situé à un niveau plutôt satisfaisant. Plus du tiers des membres du corps de ville à l’époque considérée se montrent particulièrement actifs et motivés, et notamment les deux derniers maires de l’Ancien Régime, Michel Banchereau et Étienne J. Ch. Benoît de La Grandière. Les relations que ces derniers entretiennent avec la monarchie et ses représentants sont une autre caractéristique du pouvoir municipal de cette époque : les édiles ne se contentent plus de relayer localement les ordres émanant du gouvernement, mais osent solliciter des décisions qui favorisent le développement de la cité et améliorent les conditions de vie des habitants. Pour faire avancer leurs dossiers, ils n’hésitent pas à pratiquer à la Cour et dans les ministères un lobbying qui, soutenu par l’intendant, le gouverneur et l’archevêque, se révèle particulièrement efficace.

133Ces transformations ne sont pas sans rapport avec les glissements qui s’opèrent alors dans le recrutement des édiles. Certes, comme par le passé, ils représentent toujours la sanior pars de la société urbaine, mais c’est une élite de plus en plus dominée par les intérêts économiques. L’ » invasion marchande » du corps de ville, qui avait débuté sous le règne de Louis XIV, au temps de la vénalité des offices municipaux, se confirme, provoquant le retrait des représentants des principaux corps de la magistrature locale. Des catégories sociales nouvelles apparaissent à l’hôtel de ville. La réforme de L’Averdy en ouvre l’entrée aux professions libérales et autorise la participation aux opérations électorales des maîtres artisans, auxquels la Révolution offre enfin le plein accès aux charges municipales.

134L’accroissement des tâches confiées aux édiles, en rapport avec une ambition nouvelle, rendit nécessaire la constitution de tout un groupe d’auxiliaires chargés de les aider à prendre des décisions et à les appliquer. Parmi ces auxiliaires, la figure du secrétaire greffier Jean-Louis Jacquet Delahaye se détache. On doit à ce personnage particulièrement actif et sérieux la naissance, durant les premières années de la Révolution, d’une administration municipale moderne.

Notes

1 Ph. Guignet, « Les identités urbaines », cité par S. Mouysset, Le pouvoir dans la ville. Les consuls de Rodez sous l’Ancien Régime, 2000.

2 R. Chartier, « La ville dominante et soumise », in E. Le Roy Ladurie (dir.), Histoire de la France urbaine. La ville classique, 1985.

3 Lyon, Marseille, Toulouse, La Rochelle ou Aix avaient exprimé leur désir de grandeur en érigeant de magnifiques bâtiments municipaux. À Rennes, au contraire, les édiles se réunissaient dans une modeste maison, place Saint-Pierre, à l’époque du grand incendie de 1720. C. Nières, La reconstruction d’une ville au xviiie siècle. Rennes 1720-1760, 1972.

4 Au début du xive siècle, la Ville loue une maison à Pierre Berruyer ou Berringer, bourgeois de Saint-Pierrele-Puellier ; dans les années 1390, c’est un hôtel appartenant à Jeanne Judith, veuve de Symphorien de Foulques, puis un autre, « la Belle Haran », près de Saint-Pierre-le-Puellier, propriété de Pierre Bérard. Plusieurs années plus tard, c’est au chevalier Robert de Villeblanche que les édiles louent un bâtiment place Saint-Julien. Vers 1430, la Ville tient ses séances à la Massequière (ou Massetière), mais également à l’archevêché, à l’officialité, au château, à Saint-Julien ou encore aux cordeliers. A. Dorange, « Sur les différents locaux où le maire et les échevins de Tours tinrent successivement leurs séances », BSAT, t. iv.

5 Les héritiers de Pierre Bérard vendirent au corps de ville son premier bâtiment, loué à la Ville depuis 1441. Trente ans plus tard, le maire Jean de Beaune agrandit ce premier local en achetant la maison voisine, dénommée « la Truie qui file ». Dans cette grande maison, proche du palais de justice, on « pratiqua, dans la suite, des issues de communication de l’un à l’autre hôtel qui [furent] bien utiles dans les temps de troubles de religion de 1564 et 1567 ». Les deux maisons particulières laissèrent bientôt la place à un édifice nouveau. L. Benoît de la Grandière, » Abrégé chronologique et historique de la mairie de Tours », MSAT, 1908-1925.

6 À l’occasion de l’édification de nouvelles murailles, les édiles saumurois décidèrent en 1508 la construction d’un bâtiment servant à la fois de maison commune et de bastion avancé surveillant les ponts. H. Landais, Histoire de Saumur, 1997.

7 ADIL, G 377. Un plan conservé à l’hôtel des Monnaies de Paris (Ms Pl-6 – Tours 1714, 1715, 1738) confirme cet emplacement.

8 Autrefois corps de garde et arsenal (et même lieu d’assemblées du grenier à sel au xv e siècle), ces lieux furent loués à René Fouqueré, concierge de l’hôtel de ville et tailleur, puis à son gendre Nicolas Lamarque, également tailleur et clerc de ville. Les locaux comprenaient « une boutique, une chambre à cheminée derrière, une cave sous la chambre » ; les pièces du rez-de-chaussée étaient séparées de la « principale porte et entrée » par une « cloison de verre ». AMT, DD 19.

9 AMT, BB 73, 19 décembre 1770.

10 Les premiers écussons seraient dus au peintre Alart Folarton, qui réalisa aussi 24 grands arbres généalogiques des maires. Les armes des maires en fonction entre 1589 et 1613 furent peintes par François Darly. Son décès en 1616 interrompit le travail, achevé plus tard par Mathieu Baudouin. Le peintre Pierre Hiérosme peignit en 1686 et 1687 les écussons d’autres maires.

11 Ces écussons auraient été copiés dans un « registre de veslin » conservé « au trésor ». Ayant eu l’heur de le consulter, L. Benoît de La Grandière affirme que ce précieux ouvrage est incomplet, sans préciser la date à laquelle il s’arrête (A. Dorange, op. cit.). Quelques années plus tard, un voyageur du xixe siècle témoigne de l’existence des écussons gravés, dans un récit quelque peu arrangé : « L’ancien hôtel de ville […] avec ses sculptures gothiques et ses grandes salles a disparu quelque temps avant 1789. Cet édifice était convenable même à l’extérieur ; mais ce qui me charmait le plus, c’était de voir incrustée, dans les parois du grand escalier, une longue file d’écussons en pierre, des maires et échevins de la cité. » Eyries, Annales des voyages cité par A. Dorange, op. cit.

12 Ces disparitions remontent vraisemblablement au début du xixe siècle puisqu’en 1870, les tableaux sont déjà mentionnés comme « perdus ».

13 Il achète l’hôtel pour 26 484 L et transforme ces locaux exigus, vétustes et aux fonctions variées en une série d’appartements.

14 Egron, Annales des Voyages, 1834, cité par S. Livernet, Tours du xviiie au xxe siècle, 1982.

15 C. Nières, La reconstruction d’une ville au xviiie siècle. Rennes 1720-1760, 1972 ; Ch. Lamarre, Petites villes et fait urbain en France au xviiie siècle – Le cas bourguignon, 1993 ; P. Lievaux, L’architecture des hôtels de ville en France au xviie siècle, 1992.

16 En juin 1769, une occasion peu coûteuse s’offrit, qui aurait amélioré l’accès au bâtiment municipal. Un propriétaire dénommé Pécard, désireux de se conformer à une décision d’alignement prise par le bureau des finances, avait entrepris quelques travaux de démolition juste en face de la maison commune. Il avait même accepté de vendre l’espace ainsi dégagé aux édiles, ce qui aurait facilité les dégagements de l’hôtel de ville. Soumis à l’intendant, le projet fut finalement abandonné parce que Du Cluzel envisageait déjà de « construire un nouvel hôtel de ville dans un autre emplacement ».

17 ADIL, série C (222, 226, 235-236, 286-287, 292, 894).

18 Sur les grands travaux menés à Tours au xviiie siècle par les ingénieurs du roi, cf. chap. viii.

19 Le projet de Du Cluzel prévalut sur celui de Terray, qui avait souhaité, pour des raisons d’économie, reconstruire à l’emplacement du vieil hôtel de ville et du vieux palais. La décision fut officiellement approuvée par l’arrêt du 6 juin 1776. Les terrains appartenaient pour partie aux Bénédictins, pour partie à quelques particuliers, dont le sieur Police, propriétaire d’une « raffinerie ». Ch. Martinet, Urbanisme et société à Tours dans la seconde moitié du xviiie siècle, 1973 et ADIL, C 87.

20 Jusqu’alors, les cavaliers étaient logés tant bien que mal dans le faubourg Saint-Étienne. Or, la fermeture de la vieille porte Saint-Étienne et la démolition du vieux pont les a éloignés du nouveau centre d’activités de la ville. Le pouvoir central, désireux de rationalité, encourage le regroupement des forces de maréchaussée dans les chefs-lieux des généralités mais aussi l’érection de bâtiments pour les activités de justice, de maintien de l’ordre et d’administration. L’intendant prend prétexte de cette volonté pour obtenir la construction d’un nouvel édifice. Le bâtiment, dont le plan est dessiné en 1777 et 1778 par Cadet de Limay, est construit par le consortium Coudreux-Renard pour un total qui s’élèvera à 91 980 L, au lieu des 52 851 L prévues initialement. AMT, BB 76 et ADIL, C 285.

21 L’adjudication réalisée le 17 avril 1776 prévoyait un cahier des charges très strict, précisant la forme à donner à l’ensemble et les matériaux à employer. Les moellons de Notre-Dame d’Oé devaient être utilisés pour les fondations et les premières élévations de murs ; la pierre blanche de Bourré, reconnue pour être facile à tailler et résistante aux intempéries, pour les murs, les voûtes de caves, les pilastres et les tuyaux de cheminées. La pierre d’Athée, plus dure et qui avait servi pour le pont, devait être privilégiée pour les marches menant aux caves ou aux étages, mais également pour supporter les poutres et les arceaux des escaliers, tandis que la pierre de Lussault devait être employée pour les cheminées et les latrines. La brique devait être utilisée pour les foyers et les cloisons, et les ardoises d’Anjou pour les toits. Les planchers devaient être en chêne et les gouttières, de fer-blanc et peintes à l’huile. ADIL, C 226 et C 894.

22 Le second bâtiment, dont la construction, de l’autre côté de la nouvelle rue, avait été décidée vers 1780, ne fut achevé qu’en 1828. On y installa le musée de la ville. Sur son fronton, on sculpta les statues de l’Astronomie et de l’Architecture.

23 En octobre 1786, l’intendant décide de vendre les matériaux et les « vieux emplacements » de l’hôtel de ville, du palais et des prisons pour apurer les dettes de la Ville : l’ensemble est vendu pour 4 000 L dans le courant de l’année 1787. Toutefois, le nouveau propriétaire accepte que le Bureau de bienfaisance y installe, à l’hiver suivant, une filature destinée à donner de l’ouvrage à 250 pauvres.

24 Cf. chap. vii.

25 D’abord fixé à 2 000 L, ce don est porté à 2 400 L, puis à 3 000 L en décembre 1786.

26 Les mêmes défauts de construction sont constatés dans les prisons. Les fenêtres du palais ne sont pas suffisamment élevées pour empêcher le public de « jeter des outils aux prisonniers ». Par ailleurs, les pierres tendres employées pour les cachots permettent à ceux-ci de s’évader très facilement. Ils attaquent sans peine les voûtes à l’aide de « branches de ciseaux » ou de montants de bois prélevés sur les lits. Au printemps 1792, les évasions se multiplient à tel point que le corps de ville se propose de transférer une partie des prisonniers au château. Finalement, on adoptera la solution des boulets attachés aux pieds des prisonniers. AMT, 1D26, avril-juin 1792 ; 1D27, 16 juillet 1792.

27 Les édiles n’avaient ni la maîtrise foncière ni la capacité technique, et encore moins les fonds suffisants. Leur présence avait toutefois été jugée nécessaire pour les différentes étapes administratives : estimation des terrains et des bâtiments à démolir, levée du nouvel impôt destiné à compléter la somme versée par le roi, surveillance des travaux… Ch. Martinet, op. cit.

28 Les prisonniers eux-mêmes, incommodés par les odeurs, supplient la municipalité de faire les réparations nécessaires.

29 Cf. chap. viii.

30 La Ville multiplie aussi ce type d’aménagements. En juillet 1790, le conseil général fait ouvrir une porte « entre la grande salle » et les « toilettes » pour pouvoir se rendre « dans la petite salle ». Le 26 juillet 1792, de petites salles sont aménagées grâce à des cloisons de plâtre pour les audiences de la cour martiale et pour le dépôt de poudre et de cartouches de la Garde nationale.

31 Cf. chap. vi.

32 C’est la raison pour laquelle on construisit, entre 1896 et 1904, un nouvel hôtel de ville. L’hôtel de ville de Tours, Itinéraires du patrimoine, 1999.

33 Une réflexion d’ensemble est proposée par A. Desrosières et L. Thévenot, Les catégories socioprofessionnelles, 1996, tandis que Sylvie Mouysset a élaboré une grille pour le groupe consulaire de Rodez qu’elle a suivi au cours des xvie et xviie siècles (Le pouvoir dans la bonne ville. Les consuls de Rodez sous l’Ancien Régime, 2000).

34 Cette habitude est essentiellement pratiquée chez les marchands et marchands fabricants, tels les Abraham, les Simon, les Roze. Les officiers supérieurs ou « moyens » et les petits officiers semblent moins coutumiers du fait. Le recours à cette pratique de certains membres de catégories plus humbles, tels que les maîtres de métier (Louis Robert, tourneur et fontainier de la Ville, se fait volontiers appeler Robert-Sarret), indique une volonté de paraître à un rang social légèrement supérieur à celui de leurs collègues.

35 À l’inverse de ce qui se rencontre à Paris ou dans les cités du nord de la France, il n’existe pas de statut de bourgeois à Tours. Il s’agit dans cette cité d’individus qui se distinguent par un style de vie, dont le travail professionnel est banni la plupart du temps. Certains sont des marchands retirés des affaires. L’hétérogénéité de ce groupe rend son étude malaisée. L. Piquiot, Les bourgeois de Tours (1773-1774), 1993, et Ph. Peniello, Les bourgeois de Tours au début du xviiie siècle (1716-1736), 1994.

36 Ces officiers « moyens », fort nombreux et composant le groupe influent des « élites provinciales et secondes du pouvoir », ont été longtemps peu présents dans les préoccupations de l’histoire politique, juridique et sociale de l’État moderne, et ce jusqu’au travail collectif dirigé par M. Cassan, Les officiers « moyens » à l’époque moderne, 1998.

37 Commissaire envoyé en province par le pouvoir central, l’inspecteur des manufactures est subordonné à l’intendant et a pour fonction de surveiller l’application des règlements de l’industrie textile. Limité à la production lainière au xviie siècle, son champ d’action augmente progressivement pour englober d’autres productions : soie, lin et chanvre. À la fin du siècle des Lumières, c’est Denis Aubry, puis Nicolas Huet de Vaudour qui occupent la fonction dans la généralité de Tours.

38 Au xviie siècle, le monde de la soierie tourangelle comprenait plusieurs ensembles que les contemporains eux-mêmes distinguaient difficilement : d’un côté, les ouvriers en soie et de l’autre, les maîtres ouvriers en soie. Ces derniers se répartissaient en deux sous-catégories : certains travaillaient à façon pour des collègues mieux lotis, tandis que d’autres cessaient de travailler eux-mêmes et devenaient des donneurs d’ordres, vendant à des négociants ou se chargeant eux-mêmes d’écouler les marchandises. L’élite de ce groupe appartenait à la puissante communauté des « Marchands Maîtres Ouvriers en Draps d’Or, d’Argent et de Soye de la Ville de Faubourgs de Tours », qu’il était par ailleurs difficile de distinguer des autres marchands de la ville. C. Petitfrère, « Les milieux populaires à Tours sous le règne de Louis XIV », in Ph. Guignet (éd.), Le peuple des villes dans l’Europe du Nord-Ouest de la fin du Moyen Âge à 1945, 2002.

39 AMT, CC 20, capitation de 1777 ; ADIL, C 105 et série 2B, rôles d’intérêt de la communauté des marchands fabricants.

40 C’est d’ailleurs le sens que donne l’Encyclopédie au terme de marchand. Le dictionnaire de Furetière, qui sera repris par Savary des Bruslons, est moins précis : un fabricant est non pas « l’ouvrier qui fabrique l’ouvrage, qui travaille à le faire », mais « l’Entrepreneur, celui qui fait faire l’ouvrage à ses frais, qui entreprend la fabrique des étoffes […]. C’est proprement celui qui entretient des métiers où il fait travailler pour son compte des ouvrages d’ourdissage de toute sorte ».

41 Cf. chap. viii.

42 Baptisé le 27 septembre 1710 à Saint-Lambert-des-Levées, Jean Hallouin était le fils de Jean Hallouin, présenté dans les archives de l’état civil comme un « bêcheur » (un journalier), et d’Anne Morihain. Celle-ci, veuve peu de temps après la naissance de son enfant, se remaria en novembre 1711, toujours à Saint Lambert-des-Levées, avec Jean Miet, charpentier qui enseigna vraisemblablement le métier au fils de son épouse. À Tours, Jean Hallouin épouse en 1736 Charlotte Marie Liger, la fille d’un marchand. Si les époux apportent une dot modeste, 4 500 L pour lui et 6 000 L pour elle, la fortune de Jean Hallouin est estimée à son décès, en novembre 1781, à 145 593 L, constituée pour l’essentiel de biens immobiliers et de contrats de constitution. La succession est répartie entre ses deux enfants : Alexis, devenu « conseiller du roi » par l’achat d’un office secondaire de rapporteur au point d’honneur au département de Montbazon, et Marie Clémence, épouse de Pierre François Cordier, entrepreneur des ouvrages du roi et vraisemblablement successeur de son beau-père.

43 C. Petitfrère, « Les officiers dans le corps de ville de Tours » in M. Cassan (dir.), Les officiers « moyens » à l’époque moderne, 1998.

44 B. Baumier-Legrand, « La réforme municipale de L’Averdy (1764-1765) : glas de la représentation patricienne au sein des corps de ville ? L’exemple de Tours » in C. Petitfrère (dir.), Construction, reproduction et représentation des patriciats urbains, 1999 ; H. Ferrand, Les communautés professionnelles à Tours dans le dernier siècle de l’Ancien Régime, 2002.

45 G. Saupin, « Les corps de ville dans la France moderne : tendances historiographiques récentes », op. cit., 2000.

46 René François Barbet, devenu lieutenant de maire en 1774, était bailli du marquisat de Villandry et de la châtellenie de Savonnières (1747), ainsi que bailli de la justice dite des Bains (1757) et de la justice temporelle du cloître Saint-Martin (1777).

47 Cormier de la Picardière est le dernier grand représentant du présidial à siéger au corps de ville : il fut maire de Tours de 1764 à 1765 avant d’être écarté par Choiseul pour des raisons de santé mentale. C. Petitfrère, « Vox populi, vox regis ? L’élection des maires de Tours au xviie et xviiie siècles », 1999. Les trésoriers de France avaient été nombreux à occuper les places d’échevins et de maires. Leur réticence à l’égard de cette institution grandit au xviiie siècle au fur et à mesure que les notaires et les marchands y entraient. Elle éclata au grand jour lors de la mise en place de la réforme de L’Averdy. Cf. chap. i.

48 C. Petitfrère, « Vox populi, vox regis ?… », op. cit.

49 Meusnier a construit, entre autres, l’hôtel de la Falluère (rue des Halles), son propre hôtel (rue de la Préfecture), l’hôtel Lefebvre devenu Mame de Montifray et une maison canoniale située rue de la Psalette. P. Vitry, Tours et les châteaux de Touraine, 1912.

50 Il avait établi en 1760 avec Robert Balse, un Irlandais fabricant de mouchoirs en soie, une manufacture de soie « façon d’Angleterre ». Les deux entrepreneurs employaient dix métiers et autant d’ouvriers ou d’ouvrières. AMT, HH 4 (1re partie).

51 F. Caillou, Une administration royale d’Ancien Régime : le bureau des finances de Tours, 2005. Par souci de rigueur, nous n’avons relevé que les montants des dots (43 futurs et 53 futures) apportées à partir de 1726, date de la stabilisation monétaire.

52 Parmi les officiers municipaux au pouvoir entre 1790 et 1792, 30 futurs apportèrent 21 904 L, leurs 29 futures 23 897 L.

53 François Cartier apporta à son mariage, en 1761, une dot de 41 000 L ; son épouse, 30 000 L. En 1765, les 124 marchands fabricants contribuent aux frais de leur communauté pour un montant de 8 840 L. Si 44 % d’entre eux versent de modestes sommes, entre 3 et 19 L, et 33 % plus de 100 L, Cartier-Roze contribue à lui seul à hauteur de 685 L, plus que Papion (440 L) et Faissolle (375 L). En 1777, les marchands fabricants doivent apporter 16 625 L au titre de la capitation des corporations de la ville, laquelle se monte au total à 50 000 L. Là encore, Cartier-Roze verse la plus grosse part avec 137 L. AMT, CC 20 et ADIL, 2B 457.

54 Voir les chap. VIII et IX pour un constat de l’efficacité des réalisations municipales à la fin de l’Ancien Régime.

55 G. Saupin, « Les corps de ville dans la France moderne… », op. cit.

56 Depuis une délibération de 1511, les échevins recevaient un pain de 5 deniers par an, complété en 1591 par des bougies. Mais cette pratique avait disparu au siècle des Lumières.

57 Des jetons avaient bien existé auparavant – les premiers avaient été commandés en 1580 par le maire Jean du Faultrey – mais ils permettaient seulement aux maires de marquer leur présence à la tête de la cité, en complément des privilèges reçus, noblesse et armoiries. En 1604, la fonction de ces jetons changea : ils furent désormais distribués aux édiles venus assister aux séances de reddition des comptes du receveur. C’est cette habitude, interrompue en 1664 du fait de la charge qu’elle représentait, qui reprend en 1755.

58 Cf. chap. vii.

59 Par le passé, le corps de ville assistait à un plus grand nombre de fêtes. Celle instituée en 1553 et qui se tenait aux jacobins le jour de Pâques est supprimée en 1755. Depuis 1590, la municipalité ne se rend plus à la procession de Noël et « n’assiste plus depuis longtemps » à celle qui avait lieu le jour des Rameaux et qui menait à Saint-Pierre-des-Corps.

60 La fête aurait été instaurée en 1264 par le pape Urbain, en commémoration de l’abjuration de « Béranger, archidiacre d’Angers, trésorier et écolâtre de l’église de Saint-Martin », natif de Tours.

61 Cette cérémonie, instituée en décembre 1517, prévoyait la distribution de onze torches garnies de satin blanc sur la poignée, dont deux étaient destinées au maire et au gouverneur. Par la suite, ces torches furent remplacées par des cierges « ciselés ».

62 On distribue aussi 20 sols au maire, 10 sols au lieutenant de maire, 5 sols à chacun des trois premiers échevins, 100 sols aux pères cordeliers et 40 sols aux clercs et sergents de ville.

63 La Ville commande à son fournisseur habituel – la veuve Caillard (1766), le sieur Pinel-Loisillon (17691786), puis le sieur Rouillier (1787) – les cierges ordinaires, faits de cire blanche, ou ceux, « pincetés », qu’elle offre au lieutenant général du bailliage et au maire. Ces distinctions ont leur importance et toute modification entraîne des querelles d’un autre âge. Si tous veillent à ce que ces usages soient perpétués invariablement, il arrive que les habitudes soient modifiées : en 1776, les officiers commandent un 3e cierge de marque pour l’offrir au prince de Rohan, de passage dans la ville ; de même pour l’intendant en 1781. En 1784, la pluie interrompt la procession (le saint sacrement est resté à Saint-Martin) et, en 1789, du fait de travaux en cours à la basilique, la bénédiction a lieu dans l’église paroissiale de Saint-Venant.

64 Sur les grandes fêtes de la Révolution, cf. C. Marchon-Marceau, Les fêtes à Tours (1760-1799), 1985.

65 Un édit de 1695 avait fixé les places de chacun afin de mettre fin à de nombreuses querelles.

66 Le maire invoque à ce propos un édit de 1695 qui reconnaît le corps de ville comme « la seconde compagnie de la ville » et autorise le seul chapitre cathédral à marcher devant lui.

67 De son côté, le chapitre invoqua un arrêt rendu par le Conseil le 3 juillet 1719 pour mettre fin à une querelle qui avait opposé les chanoines au présidial à l’occasion des obsèques du sieur Milan, assesseur au bailliage. Le texte avait accordé la préséance au chapitre, mais à l’intérieur de la basilique. En vertu de cette autorisation, le chapitre fit cadenasser les stalles réservées au présidial lors d’une cérémonie organisée quelques mois plus tard en l’honneur du maire Cottereau. Il fallut toute l’insistance du corps de ville, qui envisagea de ne pas venir, pour que le chapitre accepte de recevoir les officiers du présidial. En novembre de la même année 1719, à l’occasion de la prestation de serment du maire Aubry, le corps de ville évita la querelle en menaçant d’organiser la cérémonie ailleurs.

68 Lors de la cérémonie du lavement des pieds, le maire revêt son manteau et une cravate, le reste de la municipalité ses habits quotidiens. Pour l’Assomption, le maire porte sa robe rouge, les échevins un manteau court, un chaperon et une cravate, les assesseurs le « petit manteau » et la cravate. Dans les mois qui suivirent le décès de Louis XV, les officiers arborèrent un chaperon noir en signe de deuil.

69 Ces documents servirent de base à la rédaction de plusieurs histoires de la ville. Cf. infra.

70 Seuls pouvaient échapper à ces conditions les « gardes du gouvernement ». Cf. infra. Ceux-ci étaient autorisés à résider dans toute l’étendue de la généralité : ils habitaient généralement Amboise ou Château-Renault (les villes des deux derniers gouverneurs de Touraine) et prêtaient serment entre les seules mains du capitaine de cette compagnie.

71 Des 182 requêtes déposées, 21 % étaient accompagnées de provisions accordées par le roi, 24 % par le gouverneur. D’autres avaient été accordées par le maire de Tours (11 %) – dans le cadre du recrutement, évoqué plus bas, des gardes du gouvernement –, par des maréchaux de France (4 %), le chapitre du Plessis (3 %), les universités (2,5 %), le premier chirurgien du roi (2 %), l’abbesse de Beaumont (1 %), l’élection de Tours (1 %) et l’intendant du Hainaut (0,5 %). Mais nous ignorons l’origine du brevet dans 30 % des cas.

72 Cette exemption, qui remontait à près de trois siècles, fut confirmée par l’intendant Chauvelin en septembre 1715. Néanmoins, elle ne laissa pas d’étonner Du Cluzel, qui accepta finalement de s’en accommoder.

73 Il s’agit de Perceval puis, à partir de 1781, de Jean-Baptiste de Beaucousin, lieutenant-colonel d’infanterie et chevalier de Saint-Louis.

74 AMT, EE 11.

75 La propriété de Papion comprend alors, sur un même terrain situé au coin de la rue Royale et du grand mail, les locaux de la manufacture et la demeure du marchand fabricant. Celle-ci est l’une des plus splendides résidences de la ville à cette époque. C’est en tout cas l’avis de madame Cradock, touriste anglaise, qui l’ayant visitée en vante l’ornement intérieur et les jardins agrémentés de statues d’écrivains et de philosophes. Journal de Madame Cradock. Voyage en France (1783-1786), 1986. Par la suite, le bâtiment servira de bibliothèque, avant d’être détruit pour faire place au nouvel hôtel de ville édifié par Victor Laloux à la fin du xixe siècle.

76 Une des raisons invoquées par l’arrêt du Conseil qui accorde la noblesse à Papion et à ses descendants est les efforts déployés par l’entrepreneur dans son affaire. De fait, celui-ci avait porté le nombre de ses métiers de 25 à 150 et employait plus de 800 familles. L’anoblissement de Papion illustre bien la politique entreprise par Louis XVI, décidé à encourager les représentants du monde économique. C. Petitfrère, Le scandale du « Mariage de Figaro »…, op. cit.

77 Papion meurt à Tours le 12 juillet 1789. Son petit-fils, Pierre Nicolas Ferdinand Papion, capitaine de cavalerie, prendra finalement, au début du xixe siècle, le titre de baron Papion du Château.

78 Nous ne saurons jamais si l’ouvrage en question méritait ces critiques, prononcées par un auteur vraisemblablement désireux de faire valoir son propre travail : il reste introuvable. Au début du xixe siècle, l’historien Jean-Louis Chalmel le présente déjà comme un ouvrage incomplet ; sans doute ce travail n’a-t-il jamais été achevé.

79 Il accepte d’autant plus vite ce travail qu’il est bien placé pour connaître les besoins du corps de ville : en tant que maire, de 1765 à 1768, il a eu à plusieurs reprises besoin de lire et de classer ces documents pour rédiger des mémoires adressés aux différents services de l’État. Cela lui donna sans doute l’idée d’entreprendre l’ouvrage resté associé à sa mémoire et composé en grande partie d’extraits de documents originaux, l’ » Abrégé chronologique et historique de la mairie de Tours », MSAT, 1908-1925.

80 Cf. chap.vi.

81 AMT, BB 78, 1781. Il est difficile de savoir lequel de ses deux ouvrages il a offert aux Tourangeaux : son Recueil d’antiquités dans les Gaules… publié en 1770 ou son Recueil de dissertations ou recherches historiques et critiques sur le temps où vivait le solitaire Saint-Florent au Mont Glonne en Anjou… paru six ans plus tard.

82 Il s’agit par exemple des textes annonçant la division de la France en 83 départements, concernant le serment des ecclésiastiques et des fonctionnaires publics, relatant « l’enlèvement du roi », réorganisant la police municipale.

83 Sur le déroulement de ces proclamations officielles, cf. infra.

84 Cf. chap. vi.

85 Les patrouilles de la Garde nationale et des troupes de lignes sont doublées, les allées et venues des citoyens sont surveillées et une permanence est assurée à l’hôtel de ville, où les édiles sont également informés par la Société des Amis de la Constitution.

86 G. Saupin, « Les corps de ville dans la France moderne. Tendances historiographiques… », op. cit.

87 Au xviiie siècle, le chapitre de Saint-Martin affirme que cette cérémonie d’intronisation et la prestation de serment ont toujours eu lieu « dans les galeries de cette église, privativement à tous autres endroits ». Mais Louis Benoît de La Grandière, qui a classé les archives de la ville, trouve des preuves montrant qu’il s’agit d’ » un simple usage, qu’aucune loy n’avait introduit, [relevant de] la volonté seule du corps de ville, en ce qu’il luy étoit libre d’en faire la cérémonie où il jugeoit à propos ». Depuis 1467, le serment du maire était prononcé tantôt à Saint-Pierre-le-Puellier, tantôt à l’hôtel de ville. Une querelle ayant éclaté entre le chapitre et la ville à ce propos, le Conseil privé du roi confirma en 1605 la liberté de choix de la municipalité.

88 Cette nouveauté tranche avec le mairat de Jean-Jacques Rabasche (1724-1747), dont la personnalité avait éclipsé celle des autres édiles.

89 Six maires sont décédés en exercice depuis le xvie siècle : Bouet de la Noue en 1597, François Morin en 1631, François Desloges en 1694, Gilles Bertrand Cottereau en 1719, Julien Dubois en 1753 et Jean Joseph Aubry en 1763. Excepté Cottereau, qui fut enterré à Saint-Martin, tous furent inhumés dans leurs églises paroissiales respectives et bénéficièrent d’un service solennel organisé quelques jours plus tard à Saint-Martin « aux frais du corps de ville ». Seul le décès de Julien Dubois ne donna pas lieu à ce cérémonial : on se contenta d’envoyer une lettre à la famille. Les maires décédés après leur sortie de fonctions n’eurent pas droit à la même considération : lorsque Decop, maire de 1765 à 1768, décéda en 1780, le corps de ville ne se rendit pas à ses obsèques, bien qu’il y ait été invité.

90 François Moisant-Quantin, beau-frère du maire Banchereau, ne fut pas inhumé à Tours mais à Paris, où il mourut en avril 1780. Il s’était rendu dans la capitale pour une opération de « la pierre » qui lui fut fatale. Un « dernier service » fut célébré pour lui à Tours le 18 juillet.

91 Déjà en 1693, un arrêt avait précisé le rang des conseillers-assesseurs, placés après les échevins et le procureur. La fonction remontait à la création, à la fin du xvie siècle, des « élus » (deux en 1589, quatre en 1619). Siégeant deux ans seulement, ceux-ci étaient choisis parmi « les plus notables Bourgeois et Marchands originaires de cette ville, ou y ayant pris femme » et n’avaient pas droit à la noblesse. À partir de 1724, le nombre des conseillers-assesseurs est fixé à deux, élus pour deux ans.

92 Ce sera encore plus difficile en 1775. Cf. chap. vii.

93 La fonction existait au moins depuis 1589 ; son titulaire était élu par le corps de ville. Devenue vénale en 1690, la fonction est levée deux ans plus tard. Supprimée en 1717, la fonction, toujours vénale, est rétablie par un arrêt du Conseil de juillet 1719.

94 Il pouvait prétendre au rang d’échevin puisque, comme eux, il avait le droit de revêtir depuis 1726 une robe violette.

95 Sur la constitution et la mission de ce bureau municipal, cf. infra.

96 Les assemblées générales des habitants avaient disparu depuis 1759 ; elles furent rétablies, plus ou moins spontanément, à l’été 1789, à l’époque de la « révolution municipale ». Cf. chap. ii et iii.

97 Cf. chap. iii.

98 G. Saupin, Nantes au xviie siècle. Vie politique et société urbaine, 1996.

99 L. Viévia, « Une dynastie d’architectes tourangeaux : les Jacquemin », BSAT, t. xxxv, p. 257-280.

100 En 1511, elles se tiennent tous les mercredis. En 1589, elles sont transférées le jeudi durant l’hiver, avant d’être rétablies au mercredi au cours du xviie siècle. L. Benoît de La Grandière, op. cit.

101 Sur le graphique, les 152 réunions du Comité et des commissions municipales, les autorités à la tête de la ville durant la « révolution municipale », ont été représentées de manière distincte.

102 Cf. chap.i.

103 AMT, 1D5, 11 février 1791.

104 Nous avons exclu les secrétaires greffiers, qui ne signent jamais, et les receveurs, qui ne sont appelés que de manière épisodique.

105 Parmi ces 15 officiers, 3 seulement sont des officiers supérieurs des juridictions royales (président et avocat du roi au bureau des finances ou procureur du roi à la juridiction des eaux et forêts), les autres étant essentiellement avocats ou procureurs au bailliage-présidial. Cette situation confirme la désaffection des officiers supérieurs à l’égard des fonctions municipales.

106 Cf. chap. ii.

107 Traditionnellement, la charge de notaire de la Ville était exercée par le greffier. Comme Jacquet Delahaye n’était pas notaire, cette fonction fut exercée par maître Guyonneau.

108 Après s’être fait rembourser son office en 1791 pour 2 348 L, il resta en fonction jusqu’en 1793. Il fut désigné maire de Vernou en 1802, 1807 et 1812.

109 Des commis sont employés à l’année, d’autres pour des travaux exceptionnels, comme Jacquet Delahaye lui-même, employé en 1776 à titre temporaire.

110 À partir de février 1791, ces embauches sont assurées par le conseil général, qui exige que les commis prêtent le serment commun aux fonctionnaires.

111 Les journées de travail consacrées à ces enrôlements sont longues, malgré l’emploi d’imprimés : elles commencent à 5 ou 6 h le matin et s’achèvent à 20 ou 21 h. Notons que l’organisation que nous décrivons ici ne tient compte ni du bureau spécifiquement mis en place pour la vente des biens nationaux (cf. chap. VI) ni des auxiliaires attachés au procureur de la commune.

112 À l’origine, on institua quatre postes de clercs chargés de visiter les corps de garde et de veiller à la bonne exécution des ordres municipaux. En 1582, on leur demanda d’assister à toutes les séances, d’accompagner le maire de son domicile à l’hôtel de ville, d’ouvrir et garder les portes de la salle des assemblées. En 1606, quatre sergents furent adjoints aux clercs et attachés exclusivement à la personne du maire.

113 Cette obligation semble avoir été respectée puisque l’un des clercs, Mathieu Voisin, nous a laissé des souvenirs aujourd’hui publiés : « Journal d’un habitant de Tours au xviiie siècle », BSAT, 1895-1896.

114 Désireux de transmettre à son gendre, Nicolas Lamarque, sa place de concierge, Fouqueré obtient qu’il lui soit adjoint. La municipalité accepte une partie de cet arrangement, mais se réserve la possibilité de désigner un autre titulaire. De fait, pour remplacer Fouqueré père, elle désigne, le 19 novembre 1778, le fils de Fouqueré de préférence au gendre.

115 Après la procession de cette fête, et d’elle seule, ils déjeunaient d’un « morceau de veau ».

116 À partir de 1582, les clercs portent une robe de drap garnie de grandes manches brodées en « paillettes d’argent » aux armes de la ville, et, jusqu’en 1616, à celles du maire en exercice. Les sergents attachés au service du maire portent par ailleurs une « bandoulière » ornée d’un écusson frappé aux armes de la ville. La robe est renouvelée aux frais du corps de ville chaque année à la fin du xvie siècle, puis à chaque changement de maire à partir de 1628.

117 Cf. chap.v.

118 En 1791, on installe une sonnette entre la porte d’entrée de la maison commune et son appartement pour éviter à ceux qui se présentent à l’hôtel commun de trouver porte close ou, pire, de se rendre dans la salle de réunion sans avoir été annoncés.

119 Cf. chap. vii.

120 Par le passé, elle rétribuait également quatre connétables, un capitaine d’arsenal et deux canonniers.

121 Frère de l’officier municipal Athanase, Claude Delaunay naquit à Tours en 1755. Il commença des études de droit à Paris avant d’opter pour la médecine. Il soutint sa thèse à Montpellier, séjourna à Turin pour se perfectionner en physiologie, revint à Paris, où il pratiqua un temps, avant de rentrer à Tours en 1790. Là, il se heurta à ses confrères médecins, qui admettaient difficilement son installation. Malgré ces heurts, il fut nommé « médecin aux rapports de salubrité et commissaire des comestibles et médicaments » auprès de la Ville en décembre 1790. Plus tard, il donnera des cours de chimie et d’histoire naturelle à son domicile de la rue Banchereau, avant d’occuper, en 1793 et à Tours, la chaire d’Histoire naturelle dans l’enseignement public. La même année, il est nommé médecin de l’hôpital ambulant de Marmoutier. En 1809, il quitte Tours pour enseigner les sciences naturelles au collège de Reims. Il meurt à Tours en 1826.

122 Jusqu’en 1774, date à laquelle maître Guyonneau l’achète, la fonction de notaire municipal était exercée par le secrétaire greffier de la Ville. Les huissiers auxquels la municipalité a recours sont généralement toujours les mêmes : Petit-Laperrée, Gabriel Bassereau et Mathurin Joseph Denis.

123 Trois procès occupent tout particulièrement l’échevinage à l’époque étudiée : le premier l’oppose aux bouchers au sujet de l’élaboration de la taxe de la viande ; le deuxième aux boulangers, depuis 1761, sur la taxe du pain. Dans le troisième, la Ville est confrontée aux héritiers d’un certain Coucher, qui exigent qu’elle leur restitue 20 chaînées de terre situées au bout de la rue des Récollets et qui avaient été englobées au xviie siècle dans les fortifications, sans que le propriétaire d’alors ait été indemnisé. Ouverte en 1739, l’affaire est finalement tranchée (1765-1778) en faveur des héritiers. Malgré de multiples recours, portés notamment au parlement de Paris, la Ville doit s’incliner (1780).

124 Cette pratique n’est pas sans évoquer l’habitude prise par les bureaux des finances de rétribuer un délégué résidant à Paris. F. Caillou, Une administration royale…, op. cit.

Table des illustrations

Titre Graphique 9 – Répartition socioprofessionnelle des membres des municipalités restreintes en fonction à Tours de 1765 à 1792.
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Titre Tableau 3 – Composition des corps de ville successifs de 1724 à 1792.
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Titre Tableau 4 – Les onze commissions préparatoires créées en décembre 1790.
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Titre Graphique 10 – Rythme des assemblées municipales tenues à Tours au xviiie siècle.
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Titre Graphique 11 – Assemblées des députés des paroisses et des notables à Tours entre 1718 et 1789.
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Titre Graphique 12- Taux de présence des officiers municipaux et des membres des organes consultatifs (1765-1792)
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Titre Tableau 5 – Présence au sein des corps de ville restreints en fonction de 1765 à 1792.
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Titre Tableau 6 – Présence des membres des organes consultatifs en fonction de 1765 à 1792.
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Titre Tableau 7 – Concierges, clercs et sergents de l’hôtel de ville dans la seconde moitié du xviiie siècle.
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Titre Tableau 8 – Prud’hommes chargés de surveiller les marchés de la ville.
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Titre Tableau 9 – Professionnels du droit engagés par la municipalité pour suivre ses affaires dans les juridictions de Tours.
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© Presses universitaires de Rennes, 2007

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