Tours entre Lumières et Révolution
|Première partie. Les municipalités successives
Chapitre III. La municipalité au début de la Révolution
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FranceTexte intégral
1En 1789, une double crise frumentaire et politique provoque la décomposition et le retrait final du corps de ville, qui avait été confirmé par le roi en 1774 mais dont la légitimité était mise à mal depuis la convocation des États généraux. L’irruption de problèmes d’approvisionnement, dus à des désordres climatiques et à des difficultés de communication, amplifie l’effervescence générale, à caractère plus politique, née au début de l’hiver. Traditionnellement garante de la tranquillité publique, la municipalité peine à contenir l’agitation récurrente. Mais ce sont surtout les événements de l’été qui mettent brutalement en relief son incapacité à ramener le calme. L’institution municipale y perd le peu d’autorité qu’elle avait su conserver en dépit des critiques et de l’agitation politique ou de celle de la rue tout au long de l’hiver et du printemps. Elle ne peut véritablement s’appuyer sur les autorités royales, également fragilisées, ni sur les grandes juridictions, plus intéressées par le débat politique que par des questions de maintien de l’ordre.
Les prémices de la révolution municipale
2Des problèmes d’approvisionnement surviennent à l’hiver 1789, à une époque où les autorités consacrent l’essentiel de leur attention à la préparation des États généraux. Cela est d’autant plus inattendu que, depuis près de quinze ans, les marchés étaient restés relativement calmes.
Un hiver et un printemps difficiles
- 1 Sur les conditions climatiques de cet hiver 1789 : B. Maillard, Les campagnes…, op. cit.
- 2 Sur les inquiétudes de la population et les troubles de 1789 : N. Vallée, Les troubles et émotions (...)
3Sans être aussi dure que celles de 1709 ou de 1774, la crise de 1789 est importante. Elle tire son origine non d’une moisson très mauvaise mais de deux récoltes médiocres successives1. En 1788, les inondations du printemps et les orages de l’été compromettent la moisson. L’automne aride, puis le froid intense qui s’abat dès le 24 novembre sur la Touraine, bientôt accompagné d’une neige précoce, aggravent les inquiétudes à l’égard des récoltes à venir : la vigne gèle, les arbres se fendent tandis que les lauriers, les noyers et les figuiers meurent. Jusqu’à la mi-avril 1789, le froid ne desserre pas son étreinte : le vent alterne avec des gelées et des pluies glaciales, ce qui retarde la floraison des amandiers et des abricotiers et fait geler les graines récemment semées. Le gel des voies d’eau – la Vienne est prise par les glaces le 27 novembre, la Loire le 28 – provoque une disette : il ralentit les échanges des maigres réserves encore disponibles et interrompt le fonctionnement des moulins. La population s’inquiète à la fin du mois de décembre, vite rassurée toutefois par les premières mesures prises par la Ville, le subdélégué Genty et le gouvernement. Au corps de ville désireux de retenir « d’autorité » les farines disponibles chez les marchands, le subdélégué répond qu’il n’est « pas utile d’user d’une autorité qui ne ferait qu’allarmer le peuple [sic] » et préfère s’associer au négociant Girard pour réserver au marché du 22 décembre les 500 sacs dont celui-ci disposait en magasin2.
- 3 À Tours, l’inondation dure très longtemps puisque la ville est encore sous les eaux le 1er avril.
4À la fin du mois de janvier 1789, les difficultés de circulation s’aggravent, dues à la débâcle, aux inondations et à la destruction partielle du nouveau pont. Les glaces, qui emprisonnaient les eaux des rivières et des fleuves, commencent à fondre le 20 janvier. Les cours d’eau enflent brutalement et de manière impressionnante, charriant d’énormes blocs de glace qui menacent de briser digues et levées. Dans le faubourg de Saint-Symphorien, ces blocs atteignent « des hauteurs surprenantes », jusqu’à une dizaine de mètres. Le 22, la débâcle accélère son mouvement dévastateur : les flots glacés emportent tout sur leur passage, écluses, moulins, bateaux, barriques, meubles, arbres et restes de ponts, brisant les digues, inondant les campagnes et les villes3.
- 4 ADIL, C 241 et surtout AMT, BB 82, fos 134 à 136 : rapport de l’ingénieur de Montrocher intitulé M (...)
5Dans l’après-midi du 25 janvier, le pont d’Amboise, emporté par les flots, vient s’encastrer sous les piles nord du pont de Tours, à l’endroit où les eaux « pleines de gros glaçons énormes [ressemblent] à une immense carrière ou mieux [aux] rochers de la forêt de Fontainebleau4 ». On tente de briser les glaces « qui environnent les piles », ce qui permet au corps de ville de déclarer avec espoir dans la soirée, après une visite de terrain, qu’il « n’y a rien d’autres dommages au pont que le soulèvement et rupture de quelques pierres appelées chapeaux sur trois piliers du côté de Saint-Symphorien ». Mais cet optimisme est vite balayé : à huit heures et demie du soir, le « cri public » annonce que quatre arches viennent de s’écrouler.
- 5 La nuit suivante, on installa des « pots de feu » et on plaça deux personnes près du pont pour dét (...)
- 6 La veille, ils n’avaient pu « s’assurer du malheur arrivé qu’en se servant de portevoix [sic] ». S (...)
- 7 Il s’agit des deux officiers de bourgeoisie également députés de la paroisse, Jean-Baptiste Pasqui (...)
6La nuit est difficile, mais l’on échappe au pire. S’apprêtant à franchir le pont, le postillon du fourgon de Saumur s’arrête à temps pour ne pas tomber : il doit néanmoins couper les « traits » des ses deux chevaux de tête, suspendus dans le vide, ce qui lui permet de sauver ses deux autres bêtes et de préserver son véhicule, « dans lequel étaient plusieurs personnes ». Le capitaine de bourgeoisie Jean-Baptiste Pasquin, désormais seul responsable du faubourg de Saint-Symphorien, a la présence d’esprit de faire sonner le tocsin pour avertir du danger. Pour écarter tout accident, il fait établir un corps de garde dans un des pavillons de la place d’Aine, fermer les portes de fer en coupant les chaînes et placer « une barrière en pavé » à l’entrée du pont5. Le lendemain, les édiles sont sur les lieux dès l’aube 6 et ne peuvent que constater l’étendue des dégâts dans le faubourg et dans les parties « basses » de la ville désormais inondées (rues du faubourg intra-muros de Saint-Pierre-des-Corps, place de Foire-le-Roi, quai des Barbeaux et bas quartiers de La Riche) : les habitants de la rue de la Madeleine sont secourus en « toue ou petits batelets » par les soldats. Le corps de ville prend rapidement des mesures pour calmer « les alarmes du peuple » et rétablir la circulation, compromise par la rupture du pont mais aussi par le « volume considérable de la Loire » et « le vent impétueux » qui souffle sur la région depuis la veille. Il donne la priorité au transport des denrées, blés, grains et farines, et ouvre dans le faubourg Saint-Symphorien, désormais isolé, un marché provisoire au pied de l’église, sous la surveillance de deux prud’hommes désignés tout spécialement7.
- 8 Contacté par le corps de ville désemparé, de Conzié avait commencé par refuser de prendre « sur lu (...)
- 9 L’assemblée abandonna d’autant plus vite la seconde solution que les habitants de la varenne de Sa (...)
7Durant ces journées difficiles, les édiles hésitent à prendre seuls (le maire se trouve à Versailles) les mesures qui tranquilliseraient les habitants sur le danger d’une inondation générale de la ville – des mesures lourdes de conséquences qui pourraient consister à faire rompre une levée afin de permettre aux eaux de la Loire de s’écouler dans la campagne. C’est donc avec soulagement qu’ils acceptent l’aide d’autres autorités réunies autour de l’archevêque, qui est aussi le président de l’Assemblée générale des trois provinces. Le 21 janvier, monseigneur de Conzié, qui est le seul personnage d’importance encore présent en ville – l’intendant a quitté la généralité à l’automne 1788 –, accepte de réunir dans son palais un certain nombre de personnalités contactées par les édiles 8 afin de réfléchir aux mesures à prendre pour contenir les inondations. L’assemblée discute de deux propositions pour sauver la ville d’une crue qu’on annonce dévastatrice : couper les levées en aval « pour décharger la Loire dans le Cher » ou briser la levée de Rochepinard en amont pour « faire tomber les glaces et empêcher leur accumulation entre les arches du pont ». On se met d’accord sur le principe de la première solution 9 – couper la levée récemment aménagée dans le pays de Bréhémont –, mais on se sépare sans prendre aucune décision concrète, convenant d’attendre qu’un danger réel survienne pour agir : on prie les ingénieurs et les soldats de se tenir prêts à intervenir et l’on décide de se réunir tous les après-midi à l’hôtel de ville. L’assemblée se tient plusieurs jours d’affilée pour examiner la situation, mais sans rien décider. Pendant quelques jours, c’est l’archevêque qui prend seul les principales mesures conservatoires. Dans la soirée du 22 janvier, il ordonne au régiment d’Anjou et aux ingénieurs des ponts et chaussées de réparer une brèche ouverte dans la levée de Sainte-Anne. Le lendemain, il donne les instructions nécessaires pour limiter la montée des eaux dans les parties basses de la ville et en sauver les habitants : à cet effet, il fait dépaver les rues situées face à l’auberge des Barbeaux et à la vieille poissonnerie, et envoie des toues pour sauver les personnes menacées.
- 10 Malgré cette décision royale, la municipalité dut faire face à la convoitise d’un certain Desmarai (...)
- 11 L’entreprise est immortalisée par un tableau offert par Rougeot au Département.
8Toutefois, après la chute du pont le 25 janvier au soir, le corps de ville reprend l’initiative. Il s’assemble en permanence, centralise les informations, reçoit les volontaires et enregistre les mesures prises par les ingénieurs des Ponts et Chaussées, secondés par quelques officiers de la milice bourgeoise. Comme précédemment, les édiles tentent d’associer à leurs réflexions les autorités civiles, l’archevêque, les responsables des grands corps ecclésiastiques, l’Assemblée générale des trois provinces et les personnalités réunies à l’occasion de la préparation des États généraux. Mais bien peu d’entre eux sont disposés à seconder les officiers municipaux, qui ne peuvent vraiment compter que sur le subdélégué Genty et les ingénieurs de Montrocher et Marie. Ensemble, ils rétablissent la jonction entre les deux berges du fleuve par un « passage provisoire en charpentes » et par un service de bacs. Ils obtiennent que le roi paie le premier ouvrage tandis que celui-ci leur confie la gestion du second, par une ordonnance du 10 mars10. En attendant la réalisation d’un pont fixe de bois, effectuée par un certain Despictières en 179011, deux, puis trois bacs sont établis. Les deux premiers transitent par « l’île Simon », propriété du fabricant Jean Joseph Hypolite Simon du Petit Bois. L’un, qui relie le quai des Trois Barbeaux au Portillon de Saint-Cyr, accueille voitures, marchandises, bêtes, cavaliers et piétons. Le second, installé à partir de la Foirele-Roi, est réservé aux piétons, aux marchandises et aux cavaliers. Plus tard, on aménagera un troisième bac, entre le mail Preuilly et Saint-Cyr, qui sera notamment emprunté par les bestiaux conduits à la foire. La Ville confie provisoirement ce service, du 18 mars au 3 juin, à un certain Michel Moreau. Ce voiturier par eau s’engage à protéger le matériel qu’on lui confie, faire traverser gratuitement les denrées, grains, farines ou pains « tant à l’arrivée qu’au retour du marché » et donner la priorité aux piétons sur les voitures de toute espèce. En échange, il est autorisé à percevoir les droits versés par les passagers, pour louer et entretenir ses bateaux mais aussi rétribuer ses préposés. Le 3 juin, la Ville adjuge le service à François Catillon qui, pour 400 L mensuelles, accepte le cahier des charges qu’on lui propose. Le fermier doit entretenir les abords des lieux d’embarcation aménagés par les ingénieurs et le matériel que la Ville lui confie, « des charrières, bateaux, bacs, toues, ancres, cordages, batons, crocs, agrets, trévils, romaines, fleaux, poids et balances et autres objets nécessaires » qu’il peut compléter à sa guise. Il s’engage à embaucher des « préposés », en nombre suffisant pour assurer un service continu et de force convenable : cinq par « charrière », deux par bateau à bestiaux, chevaux, hommes et marchandises, et deux par barque ou toue réservée aux piétons. De son côté, la Ville s’engage à afficher le tarif et les horaires
- 12 Les édiles refusent de recevoir sa plainte, évaluant à 32 L par jour le bénéfice du fermier : en u (...)
9du service. Sont exemptés des droits de passage les « denrées d’étape » destinées aux soldats, les habitants de Saint-Symphorien, les ouvriers et les ingénieurs des travaux du pont, les entrepreneurs et leurs commis, tous devant être porteurs de « cartes ou de marques distinctives » destinées à limiter les abus. Il est par ailleurs prévu que les contestations seront adressées à l’intendant, seul autorisé à rendre des arrêts de police ou requérir une force protectrice. Cependant, les rapports entre la municipalité et l’adjudicataire s’enveniment vite et le service n’est pas satisfaisant. Dès le lendemain de l’adjudication, le fermier refuse de l’effectuer sous prétexte que l’eau est trop basse : l’ingénieur en chef réquisitionne des mariniers pour assurer le service, pendant que se répand la rumeur qu’on ne peut plus passer à Tours. Sommé de venir s’expliquer quatre jours plus tard, le fermier affirme, sans doute dans l’espoir d’obtenir une augmentation des tarifs, que l’entreprise ne lui paraît pas rentable. Récusant cette déclaration12 et décidé à disposer d’un service fiable, le corps de ville prend prétexte du fait que le fermier n’a pas présenté de caution ni signé le contrat définitif pour proposer la rupture de l’accord. La menace produit son effet : Catillon se présente le 8 juillet, accompagné du négociant Martin Moreau-Vauquer, qui accepte de le cautionner, et signe enfin le contrat. Le service fonctionna dès lors sans problème.
- 13 AMT, HH 15 (2e partie).
10Entre-temps, malgré la rupture du pont et les difficultés qui s’ensuivent pour le ravitaillement de la ville, l’effervescence populaire retombe. En février, on pense que les grains seront suffisants pour assurer la soudure et, à défaut de pain, on mange des haricots, des pois, des fèves, des pommes de terre, à partir desquelles un boulanger fit même un essai de panification qu’il prétendit concluant13.
11Mais l’inquiétude renaît en mars. Les marchés d’Amboise, de Château-Renault et de Tours connaissent des troubles et
- 14 B. Maillard, Les campagnes…, op. cit.
« de graves incidents ont […] lieu à Saint-Symphorien sur le marché établi après la rupture du pont de Tours et à Saint-Pierre-des-Corps où le peuple a menacé Girard, le négociant qui en accord avec le corps de ville travaille à l’approvisionnement de Tours14 ».
12L’agitation prend bientôt un tour nouveau : la foule menace et injurie les négociants, colporte des rumeurs alarmantes, multiplie les interceptions de bateaux. Le 29 mars, elle arrête des bateaux chargés de blé remontant le fleuve vers Orléans : le lieutenant de police les fait décharger et fait vendre le blé à 40 sols le boisseau. Le 1er avril, « des femmes » forcent les commis du négociant Girard à baisser le prix du boisseau de blé de 48 à 40 sols. Le soir même, les autorités évitent de justesse le pillage de bateaux se dirigeant vers Orléans. Le lendemain, le négociant Girard est de nouveau injurié en public, assailli dans sa maison et menacé par la foule. La maréchaussée et les soldats dispersent les émeutiers et postent des gardes devant son domicile. Restés sereins pendant l’hiver,
13les services de l’intendance commencent à craindre de ne pouvoir ramener le calme. Le 8 mars, en l’absence de l’intendant, le subdélégué Genty fait appel à la troupe. Mais population et autorités se plaignent du retard des secours attendus et le prévôt général de la maréchaussée, dont les cavaliers sont débordés sur les marchés de campagne, dénonce l’inaction des magistrats et des forces de police chargés du maintien de l’ordre.
- 15 L’autorité municipale est légitimée par le directeur général des finances et le roi, qui acceptent (...)
- 16 Un état des ressources et des besoins de la ville est établi ce jour-là, ainsi que les capacités d (...)
- 17 Il ne s’agissait pas d’inconnus, puisque Salmon, maître particulier en la juridiction des eaux et (...)
14Afin de remédier à la carence des autorités supérieures, et en dépit de l’affaiblissement de son autorité, le corps de ville reprend l’initiative pour calmer les inquiétudes. Au début du mois d’avril, il s’empare de la question « des bleds, dont [dit-il] il n’a pas le droit de s’occuper dans les temps ordinaires, mais sur laquelle son devoir lui prescrit d’ouvrir l’œil, toutes les fois que la ville court les risques de la disette15 ». Face à la défection des négociants, découragés par les émotions populaires, il décide de faire des réserves, afin de faire baisser les prix. Pour donner plus de poids à cette mesure, l’échevinage voudrait associer à ses efforts non seulement les députés des paroisses, qu’il continue à appeler « notables » comme pendant la réforme de L’Averdy, mais aussi, en se fondant sur un précédent de 1751, les principales autorités de la ville, l’intendant, l’archevêque, les corps civils et les communautés religieuses, dont on peut penser que les greniers bien garnis étaient particulièrement convoités. Mais l’intendant s’oppose à la convocation des corps civils et ecclésiastiques pour ne pas « jetter l’allarme dans le peuple » et c’est une assemblée élargie aux seuls députés de paroisses qui se réunit le 6 avril. On décide, vu la « nécessité urgente16 », d’acheter 300 fournitures de grains à Nantes, les deux tiers en froment, le reste en seigle et orge, pour garnir les marchés jusqu’au 1er septembre, en espérant que les particuliers et les boulangers pourront s’approvisionner de leur côté sans difficultés. Une commission de six personnes est créée, avec l’accord du subdélégué Genty : elle comprend deux officiers municipaux, André Jérôme Simon-Roze et Jacques Charles Pouget, deux députés des paroisses rebaptisés « commissaires des notables pour les blés », Joseph Cartier-Cuisnier et Joseph de Martilly, et deux prud’hommes, Louis Jacques Roze des Bretonnières et Jacques Onezine Chottard. Cette commission, augmentée de quatre membres choisis le 28 avril parmi les députés des paroisses principalement – Jacques Roze de la Taillerie, André François Salmon de Maison Rouge, Louis Gaultier-Nicoleau aîné et Gilles Lefebvre-Thoisnier 17 –, remplit des missions aussi variées et dangereuses que d’acheter les grains, les faire acheminer, les entreposer et les amener à chaque marché pour y être vendus en petite quantité.
- 18 Cf. infra.
15Les réunions de cette commission extra-municipale, qui fonctionne jusqu’au 20 juillet, sont régulières et les commissaires s’y montrent assidus et consciencieux. Certains se spécialisent : Roze des Bretonnières et Chottard se chargent des déchargements, de l’emmagasinement et de la vente des blés ; Simon-Roze est désigné comme trésorier de la souscription ouverte pour payer ces achats18.
- 19 La réponse des services du roi est inhabituellement rapide, puisque l’arrêt du Conseil qui autoris (...)
- 20 AMT, BB 83.
16Pour faire face à la dépense, que l’on chiffre à 180 000 L, l’assemblée qui se réunit le 6 avril sollicite l’autorisation de lever un emprunt ; mais comme on craint que cette autorisation ne se fasse attendre19, on ouvre immédiatement une souscription dont les fonds seront remboursés, avec ou sans intérêts, au fur et à mesure des rentrées procurées par l’emprunt et par la vente des grains. On donne l’exemple en souscrivant immédiatement pour 42 440 L, dont 6 000 L sont fournies par le corps de ville et le reste par 12 personnes présentes, le maire et divers échevins ou députés de paroisses : 6 000 L par A. J. Simon-Roze, autant par J. Ch. Pouget et F. Cartier-Roze, 4 000 L par André René Mayaud et J. Cartier-Cuisnier, 2 400 par Pierre Louis Hubert et le maire Étienne J. Ch. Benoît de La Grandière, 2 000 par Louis Égron-Vauquer, 1 200 par Pierre Rose Esnault et J. de Martilly, et enfin 240 L par Pierre Louis Veau Delaunay. Grâce au zèle des commissaires, qui font du porte-à-porte chez les principaux notables de la ville, la souscription, dont la gestion est confiée à l’échevin Simon-Roze, atteint la somme de 188146 L le 28 avril. Outre les membres du corps de ville, la liste des souscripteurs se compose de l’archevêque, de l’abbaye de Marmoutier, des trois chapitres intra-muros – ceux de la cathédrale, de Saint-Martin et de Saint-Venant – et de 52 laïcs, particuliers ou entreprises commerciales20.
- 21 En revanche, on décida de ne rien acheter à Monts, Artannes ou Azay, lieux d’approvisionnement des (...)
17Durant les mois d’avril et de mai, la commission extra-municipale consacre toute son énergie à l’achat, au transport et à la vente des blés. Secondée par Girard, qui la fait profiter de ses relations, la commission contacte plusieurs négociants nantais (mais l’entreprise se révèle décevante de ce côté), chinonais et saumurois. Elle délègue des commissaires dans le sud tourangeau 21 et le proche Poitou (Sainte-Maure, La Haye, Châtellerault, Richelieu). Elle s’enquiert auprès des curés d’Hommes et de Channay, alors présents à Tours pour l’élection des députés aux États généraux, des disponibilités en grains de leur secteur et leur demande de faire acheter 150 fournitures de blé par « des personnes pures et dignes de confiance ».
- 22 Selon les comptes précis (AMT, HH 15), les achats se montèrent en définitive à 193 632 L tandis qu (...)
18À la date du 28 avril, c’est un total de 340 fournitures de blé, dont une bonne moitié de froment, qui ont été achetées pour un montant de 192 538 L22.
19L’acheminement vers Tours de grandes quantités de grains inquiète les populations qui les voient passer, et l’intendant doit donner des ordres pour assurer la sécurité des sacs et des tonneaux. Cependant, le 1er mai, le lieutenant de police de Saumur fait saisir les chargements des bateaux destinés aux villes d’Orléans, Blois, Amboise et Tours, menaçant de contraindre les marchands de les vendre sur le marché de Saumur. Il faudra l’intervention de l’intendant, le 8 mai, pour obtenir la mainlevée de ces saisies et l’acheminement des grains à Tours.
- 23 Jusque-là, les inquiétudes avaient persisté : le 22 avril, le marché ne comptait que 25 setiers de (...)
- 24 B. Maillard, Les campagnes…, op. cit.
20L’arrivée de ces blés contribue à tranquilliser le marché23, d’autant que, début mai, les conditions climatiques font espérer que les récoltes pourront être convenables. Mais les avis changent lorsque des pluies continuelles s’abattent sur la région, retardant les moissons. Les décisions prises par le parlement de Paris pour approvisionner le royaume entretiennent par ailleurs la crainte de la pénurie : ces mesures font penser que la quantité de grains est insuffisante et ralentissent « la marche ordinaire du commerce24 ». En juin, en prévision de nouvelles difficultés d’approvisionnement de la ville pendant la soudure, la municipalité ordonne l’achat de 20 à 25 fournitures supplémentaires, pendant que des prières publiques et des processions générales destinées à ramener le beau temps sont ordonnées en vain.
- 25 La Ville avait mis ses stocks à l’abri dans un des greniers de Saint-Julien. Elle y puisait deux f (...)
21L’alarme vient bientôt des boulangers, dont les réserves s’épuisent très vite. Le 1er juillet, ils préviennent que leurs fournisseurs habituels, ceux de Veigné ou de Monts par exemple, ne seront bientôt plus en mesure de les approvisionner. Avec l’autorisation du lieutenant de police, la Ville décide de puiser dans ses réserves pour les secourir25. Pour ce faire, elle convoque pour le lendemain les députés des paroisses, les souscripteurs et le représentant des maîtres boulangers afin de fixer la quantité nécessaire à chacun. Mais le jour dit, on attend en vain le délégué des boulangers et la mesure est abandonnée.
- 26 Cf. chap. VII.
22Le 17 juillet, les boulangers lancent un nouveau cri d’alarme : ils ne pourront faire du pain que pendant deux à trois jours, quatre pour les mieux pourvus. L’inquiétude se répand très vite dans le public, et le lieutenant de police, Sylvain Pradeau, confirme les craintes. Le corps de ville convoque immédiatement ce dernier, auquel se joint le conseiller au bailliage Robin, pour proposer un contrat aux boulangers : s’ils maintiennent d’ici au 25 juillet le prix du pain au taux fixé lors de la dernière taxe (celle fixée en 1786)26, la municipalité s’engage à leur rembourser le manque à gagner. Des 50 maîtres boulangers que compte la cité, 32 acceptent. Parallèlement, on tente de compléter les réserves publiques : la Ville se fait prêter quelques réserves par le « directoire des troupes » militaires (sis à Sainte-Anne), 100 setiers par le régiment d’Anjou, et envoie deux membres de la commission extra-municipale dans les campagnes environnantes à la recherche de grains et de farines, J. Chottard et J. de Martilly. Accompagnés du commissaire de police Monnet, bon connaisseur de ces campagnes, et escortés de six cavaliers, soldats ou membres de la maréchaussée, autorisés à requérir main forte, ils partent pour la vallée de l’Indre, visitant systématiquement les moulins, les greniers et achetant au meilleur prix. Ces stocks sont distribués aux boulangers et à l’hôpital général, qui les transforme aussitôt en farine mêlée vendue sur le marché.
23Les autorités, au nombre desquelles la municipalité, qui avait retrouvé une certaine influence depuis le mois d’avril, n’auront pas le loisir de savoir si ces mesures auraient pu calmer les esprits. L’émeute qui couvait éclate le 21 juillet au soir. Violente, dramatique, mêlant exigences politiques et classiques revendications frumentaires, elle dure une semaine. Au terme de celle-ci, l’institution municipale est balayée et remplacée par une nouvelle autorité : le « Comité permanent provisoire ».
L’émeute de juillet et la Grande Peur
- 27 L’histoire de la période courant du 17 juillet au 10 août a été difficilement reconstituée à parti (...)
24Le 17 juillet, les autorités s’étaient quittées en fixant au 20 une nouvelle rencontre27. Au jour dit, le corps de ville, le prévôt de la maréchaussée Descrimes, le lieutenant colonel du régiment d’Anjou Dansault et l’intendant s’assemblent pour décider de la marche à suivre. Les nouvelles ne sont pas rassurantes : les mesures arrêtées le 17 n’ont « pas produit l’effet attendu » : les meuniers de l’Indre ont augmenté leurs prix au-delà de toute mesure – 58 sols la pochée de farine au lieu de 50 – et, déjà, certains boulangers « cuisent en très petite quantité », tandis que d’autres, faute de réserves, ont cessé de travailler.
- 28 Voir plus loin le cas de ces « jeunes gens » qui semblent avoir joué un rôle non négligeable dans (...)
25Au cours de cette journée du 20 juillet, quatre « jeunes gens qui se sont dit députés des citoyens de la ville », désireux de partager la joie des Parisiens après les paroles prononcées par le roi le 17 à l’hôtel de ville de la capitale, se rendent au domicile du maire. Ils réclament l’agrément de la municipalité pour faire chanter un Te Deum et être autorisés à porter la cocarde tricolore, tout en offrant leurs services « pour le maintien de l’ordre public28 ». La municipalité, élargie aux principales autorités civiles et militaires, se rend en hâte dans la grande salle de l’hôtel de ville, où ont été admis lesdits jeunes gens, ainsi qu’un très grand nombre d’habitants dont ils se disent les députés. L’assemblée élargie accepte d’organiser le Te Deum, que l’on demande aux chanoines de la cathédrale de chanter le lendemain. Les autorités s’y rendront en corps constitués ainsi qu’ » un détachement de cinquante des citoyens unis », autorisés à arborer la nouvelle cocarde, mais non à porter les armes. L’offre des « citoyens », autre dénomination des « jeunes gens », de se transformer en force militaire est clairement refusée. Ils sont seulement invités à se faire inscrire dans la compagnie de la milice bourgeoise de leur domicile.
26Le lendemain, au moment où la compagnie et les principales autorités civiles et militaires s’apprêtent à se rendre en cortège à la cathédrale, on reçoit l’avis « qu’une portion assé considérable de jeunes gens de la ville de différents états, se sont armés malgré la promesse qu’ils avoient fait [sic] de ne point prendre les armes », parcourant les rues au son du tambour, les uns dans l’intention de se rendre au Te Deum, les autres de perquisitionner en ville et dans les environs à la recherche des grains. Plutôt que d’essayer d’arrêter ce tumulte par la force, ce qui risquerait « d’exciter le peuple » à se joindre aux jeunes gens, les autorités adoptent le parti d’assister au Te Deum dans l’église métropolitaine « et d’y attirer le plus possible cette jeunesse ». Malgré tout, les esprits s’échauffent et la nuit ne calme personne, au contraire.
- 29 Cf. infra.
- 30 Son domestique est emprisonné pour le soustraire à la fureur populaire. Il est libéré le 23 juille (...)
27Le 22, pendant que les diverses autorités se réunissent pour prendre des mesures destinées à ramener l’ordre, les événements prennent un tour dramatique. La foule assemblée réclame du blé. Elle obtient qu’on lui distribue les réserves du régiment d’Anjou29, mais elle malmène le prieur de Saint Julien, « accusé d’avoir manqué de respect à la nation », et menace plusieurs personnalités : l’échevin A. J. Simon-Roze, soupçonné de malversations dans sa gestion de la souscription ouverte en avril, ainsi que deux membres de la commission mise en place en avril pour trouver des grains, Roze des Bretonnières et Chottard, qui s’enfuiront et trouveront refuge dans la capitale. Plus grave, Girard, le seul marchand qui s’employait aux approvisionnements de la ville, est massacré30.
28La confusion grandit au cours des journées suivantes. Du 22 au 27 juillet, la foule circule librement dans les rues sans que les autorités aient les moyens de ramener le calme. Le 23, la supérieure de l’hôpital général est « invitée » à donner 50 sacs de farine, tandis que 60 jeunes gens font irruption chez le maire pour « exiger de porter la cocarde et promener le tableau de M. Necker dans la ville »
29– signes de ralliement des « patriotes ». Le magistrat, qui a d’abord fait interdire le port de la cocarde, doit céder. Le 24, les militaires, qui ont reçu l’ordre de faire cesser les attroupements, sont « sur le point d’en venir aux mains sur la place de l’hôtel de ville […] avec la populace ».
- 31 G. Lefebvre, La Grande Peur, 1932, rééd. 1988.
30Le soir même, la ville est touchée par le mouvement de la Grande Peur31. Un homme vient annoncer l’arrivée de « brigands au nombre d’environ 500 [qui… ravagent et désolent] les campagnes de Neuvy-la-Houe [Neuvy-le-Roi] ». Les habitants du quartier Saint-Symphorien s’arment et guettent inutilement jusqu’à l’aube, assistés par des soldats. « La nuit […] fut alarmante » et « la rumeur fut générale tant dans la ville qu’au dehors ». Cette atmosphère inquiétante perdure quelques jours : pour rassurer la population, les réverbères sont allumés exceptionnellement toute la nuit du 25. Le 27, la ville, touchée par une seconde alerte, dépêche par prudence deux cavaliers sur les chemins pour « s’assurer de la véracité de l’alarme ». Le 30 juillet encore, les autorités de Sainte-Maure, Preuilly et La Haye demandent des secours pour lutter contre « des brigands ». Peu à peu cependant, la tension diminue, réactivée à la moindre rumeur, à la moindre information alarmante : le 31 juillet, un homme croit entendre « sonner le tocsin » ; le 6 août encore, une lettre annonce l’arrivée des brigands. Cependant, aux alentours du 7 août, les édiles comprennent la vacuité de ces rumeurs et ils contribuent eux-mêmes à les éteindre. Ainsi, ils répondent aux religieuses de Fontevrault, affolées par des « lettres faisant état de 6 000 brigands à Châtellerault, Lahaye, Sainte-Maure et Montbazon ravageant les villes », que ces alarmes sont « sans fondement ».
- 32 Cf. infra.
31Pendant ce temps, le calme revient peu à peu dans les rues de Tours. C’est chose faite le 28 juillet, grâce au succès des efforts des autorités, assistées de quelques particuliers, pour trouver des grains ou de la farine32.
- 33 D. Ligou, Montauban à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution, 1958 ; D. Ligou, « À (...)
32C’est dans ce contexte d’agitation incessante qu’apparaissent, au soir du 25 juillet, de nouvelles « autorités » urbaines. Elles naissent de l’incapacité des officiers municipaux à ramener le calme, une incapacité qui les avait amenés à faire appel, pendant quelques jours, à des personnalités de tous horizons pour tenter de rétablir l’ordre. Comme d’autres cités du royaume, Tours est alors touchée par le mouvement de la « révolution municipale33 ».
Le Comité permanent provisoire
- 34 H. Faye fait allusion à un document établi sur un « papier libre » relatant les faits de ces journ (...)
33Pour ramener le calme au cours du printemps, la municipalité s’était assuré la collaboration de personnalités extérieures : les délégués des députés des paroisses, le lieutenant de police, les commandants militaires et certains membres des plus hautes juridictions, comme le présidial. L’intendant lui-même et ses services s’étaient associés aux efforts pour stocker des grains et de la farine. Toutes ces personnalités ne peuvent néanmoins calmer l’émeute qui éclate vers la mi-juillet. Elles s’étaient réunies le 17, puis le 20. Ce jour-là, elles se sont quittées – après avoir signé la délibération commune du titre de « Société patriotique formée […] pour l’achat des grains, blés, farines » – en prévoyant de s’assembler le lendemain pour assister au Te Deum promis par le maire. L’initiative des jeunes gens empêche leur réunion du 21 juillet et l’agitation qui éclate le lendemain annule celle des députés des paroisses convoqués pour le 2334.
- 35 AMT, AA 7-8. La mesure est prise par une « assemblée des officiers municipaux, notables de paroiss (...)
34Le 22 juillet, pendant que la rue commence à s’agiter, diverses personnalités s’assemblent pour « remédier au désordre qui se manifeste dans cette ville ». Il y a là le maire, les notables, les « corps invités », c’est-à-dire des personnalités présentes les 17 et 20 juillet, mais également des « citoyens de tous les ordres ». Cette « compagnie extraordinairement assemblée » décide de se réunir en permanence à l’hôtel de ville pour tenter de calmer la rue. Pendant quelques jours, cette « assemblée » s’efforce d’approvisionner les marchés et d’organiser la surveillance armée des rues. Elle instaure une nouvelle taxe du blé, qui entre en application le 24 juillet, et fixe à 30 sous le boisseau, soit un niveau inférieur à ce que prévoyait la taxe du 1735.
35Le 25 juillet, alors que le mouvement de la Grande Peur touche la ville, les réunions prennent un tour franchement politique. Ce soir-là, les « patriotes », vraisemblablement majoritaires, proposent de « former un Commité [sic] sans distinction de rang » présidé par la municipalité. Un débat s’élève pour « savoir si le commité devoit être permanant et connoître de touttes les opérations de la ville sans distinction ». Dans un premier temps, cette proposition est rejetée parce que « l’établissement du corps de ville étoit créé par une loi légale et qu’il ne pouvoit être rien changé à la constitution [c’est-à-dire le texte de 1619], jusqu’à ce qu’une autre loy l’ait ordonné ». Cet attachement à la légalité et cette opposition discrète au processus révolutionnaire, qui nous semblent assez rares dans l’été 1789, sont néanmoins rapidement balayés sous la pression de la partie de l’assemblée la plus « avancée » politiquement, qui profite de la persistance de l’agitation populaire.
Naissance et fonctionnement du Comité
- 36 C. Petitfrère, Les Bleus d’Anjou (1789-1792), 1985.
36Le 26 juillet, un « Comité provisoire permanent » est établi, composé de « citoyens de tous les ordres réunis [… qui] ont trouvé dans leur sagesse les moyens de ramener le calme […] et ramener [le peuple] au bon ordre et à la paix si désirable pour tous les royaumes ». Tours réagit comme sa voisine angevine aux événements de l’été 1789, mais avec un léger retard et de manière plus hardie. Angers avait créé un Comité dès le 19 juillet, composé de 16 personnes qui avaient pour seule mission de s’assurer du contrôle de la milice nationale substituée à la milice bourgeoise. Ce n’est qu’au début du mois d’août que ce Comité devient le véritable maître d’Angers, sans entrer en opposition avec l’ancienne municipalité, qui l’assure de son soutien dès le 28 juillet36. Le Comité tourangeau, lui, s’empare d’emblée des rênes du pouvoir municipal, bousculant une institution incapable de prendre les décisions nécessaires. Le contrôle de la milice n’est pas à l’origine immédiate de sa naissance.
- 37 Il s’agissait des curés de Saint-Pierre-le-Puellier, Saint-Saturnin, Saint-Hilaire et Saint-Étienn (...)
37Au soir du 26 juillet, les rues sont couvertes d’affiches annonçant la création d’un Comité de 84 membres, sans « distinction de séance », répartis dans 4 « comités particuliers » comprenant chacun 2 officiers municipaux, 6 ecclésiastiques représentant les chapitres, un officier du présidial, un du bureau de finances, 5 députés des paroisses, 2 électeurs du tiers aux États généraux, 3 membres de la milice bourgeoise et un citoyen n’appartenant à aucun corps précis. Cette composition pléthorique, du moins en théorie, affecte, dans un premier temps, de respecter le vœu de concorde des citoyens, un vœu qui avait été exprimé lors des États généraux. Par la suite, elle s’ouvre à d’autres personnalités, soit par désir de mieux s’accorder aux réalités sociales de la cité, soit pour tenter de diluer les responsabilités. Le 26 juillet au soir, « tous les corps de judicature, électeurs, députés [des paroisses] et souscripteurs » du mois d’avril, et, le lendemain, « MM. les commandants militaires » sont priés « au nom de l’assemblée de se regarder comme membre d’icelle et d’i avoir voye délibérative [sic] ». Le 29, le Comité ouvre ses séances aux curés, qui seront représentés par « quatre d’entre eux37 ». Un peu plus tard, le 9 août, c’est le corps des marchands qui reçoit une invitation à désigner, lui aussi, quatre députés pour assister aux séances du Comité. Le nombre de 84 est ainsi rapidement dépassé et très largement même, puisqu’en décembre 1789, on compte jusqu’à 254 personnes. Dans cette foule, les huit représentants du corps de ville sont complètement noyés. Le Comité est donc une assemblée largement ouverte, mais trop nombreuse pour avoir un fonctionnement vraiment démocratique.
38Dans son ensemble, la population ne réagit pas à la modification des institutions municipales. Çà et là, les registres du Comité mentionnent quelques cas d’individus refusant de le reconnaître, mais ces manifestations isolées ne portent pas durablement atteinte à son autorité. À l’opposé, seuls les jeunes gens, fers de lance du parti patriote, font connaître publiquement leur soutien.
39C’est au sein même du Comité que quelques remous sont à noter, fruits de tensions politiques internes. Dans l’assemblée du 27 juillet au soir, qui constitue la première réunion du Comité, une « très grande quantité de citoyens non convoqués » se sont invités. Une motion circule, tendant à « faire déclarer led Commité illégale, constitué contre le vœu des citoyens, attendu que les corporations de la ville n’avoient point été convoqués, et que les électeurs ne devoient point faire partie dud Commité [sic] ». Il y est répondu que le Comité était légal car « la constitution de la commune étoit composée du corps de ville et des not-tables de la paroisse et cela depuis son établissement [sic] ». Le Comité a donc le souci de se présenter comme le continuateur de l’ancien corps de ville, afin de ne pas effrayer les plus conservateurs. Pour clore le débat et asseoir sa légitimité, le Comité fait voter sur la question de sa légalité tous les présents, à l’exception de l’ancien corps de ville et des députés des paroisses. Le résultat lui est très favorable : 48 votes pour, 7 contre.
40Le Comité tient cette ligne de conduite modérée tout au long des mois suivants, face aux « jeunes gens », ardents « patriotes », mais également face aux représentants de l’ordre ancien.
- 38 Ces noms sont ceux des signataires d’une lettre de soutien adressée au Comité (AMT, EE 14-15) : Bi (...)
- 39 La seconde catégorie est composée d’éléments supplétifs occasionnels jugés moins fiables. Cf. chap (...)
41Les jeunes patriotes de Tours sont difficiles à identifier, contrairement à ceux d’Angers et de Saumur : sur les 150 qui se présentent au Comité le 12 août, on ne connaît que 18 noms38. Leur dynamisme gêne quelque peu le Comité, qui s’efforce de le contenir. Les jeunes gens avaient, on s’en souvient, chahuté le maire le 20 juillet pour obtenir la permission de célébrer les événements parisiens. Le lendemain, ils avaient contribué à exciter l’agitation populaire en prétendant mettre fin aux exactions des éventuels accapareurs : autorisés à examiner les papiers du négociant Girard, ils durent convenir qu’il n’y avait rien là de frauduleux. Par la suite, leurs interventions sont mieux acceptées : ils escortent les meuniers, défendent les moulins contre les pillages et donnent l’exemple du patriotisme en offrant de l’argent pour acheter du blé. Toutefois, le 7 août, aux jeunes gens venus demander l’autorisation de prendre connaissance des ordres relatifs aux attroupements, le Comité adresse un simple remerciement, mais ne les invite pas à se joindre à lui : il les autorise seulement à revêtir l’uniforme de la milice et à députer deux d’entre eux à ses séances, à condition qu’ils soient âgés de plus de 25 ans et domiciliés en ville. La présence des jeunes gens tend à diminuer avec le temps. En septembre, la commission mise en place pour réfléchir à la réorganisation de la milice bourgeoise évalue à 158 le nombre de ces jeunes, dont 138 de la catégorie des hommes jugés de confiance39, la plupart habitant dans les « beaux quartiers ». Intégrés dans la milice réorganisée, au même titre que les autres citoyens, ces jeunes hommes ne sont pas autorisés à former un corps particulier, contrairement à leurs homologues d’Angers et de Saumur. Ils sont mentionnés pour la dernière fois le 12 septembre : ce jour-là, on leur permet d’accompagner 50 hommes de la milice lors de la procession des reliques de saint Gatien et saint François de Paule, qui se déroule entre Notre-Dame-La-Riche et Saint-Gatien.
- 40 J.-A. Tournerie, « La fin de l’intendance à Tours », op. cit.
- 41 Cf. infra.
- 42 Necker ayant refusé sa démission, d’Aine séjourne quelques semaines à Paris, puis émigre pour plus (...)
42Malgré ses positions modérées, le Comité enregistre la défection progressive des différentes personnalités avec lesquelles le corps de ville d’Ancien Régime travaillait habituellement. L’archevêque, qui avait œuvré tout le printemps pour secourir les habitants inondés et ramener le calme, fait savoir le 2 septembre qu’il restait au service de la Ville pour la secourir mais s’abstiendra de reparaître en personne. Le gouverneur choisit de demeurer dans la capitale et les échanges épistolaires avec lui se distendent peu à peu. Le Comité entretient encore quelques relations avec la Commission intermédiaire provinciale, mais elles restent distantes. Quant à l’intendant, réprimandé par Necker pour son absence de sa généralité au cours du printemps, il tente de sauver les apparences. Il fournit du travail aux pauvres40, assiste aux assemblées réunies à l’hôtel de ville les 17 et 20 juillet et, vraisemblablement, aux premières séances du Comité. Il ne condamne pas d’emblée la nouvelle autorité mais refuse à deux reprises d’en être membre permanent : représentant des institutions d’Ancien Régime, il ne peut cautionner une instance révolutionnaire qui conteste la base même de son pouvoir. Il correspond avec le Comité au début du mois d’août, à propos notamment d’un nouvel emprunt sollicité pour acheter des grains41 : il l’autorise à entamer les démarches, non sans avoir vainement tenté d’obtenir une réunion de l’ancien corps de ville, et va jusqu’à faire un don personnel de 7 000 L. Mais les relations officielles cessent dès avant la fin du mois : par une lettre datée du 22 août, l’intendant engage « MM les officiers municipaux » à surveiller de près des « gens sans aveu » qui pourraient arriver à Tours, la municipalité de Paris ayant décidé d’en purger la capitale ; une semaine après, il quitte son poste sans prévenir personne42.
43Le passage de l’ancienne institution municipale à une autre, qu’on peut qualifier de révolutionnaire dans la mesure où elle est apparue spontanément, s’est donc fait sans contestation violente ni opposition sérieuse, mais dans une atmosphère surchauffée. Cependant, le nouveau pouvoir se présente en partie comme la suite de l’ancien, afin de ne pas encourager un processus de rupture qui commence à effrayer des hommes encore très respectueux des institutions d’Ancien Régime.
- 43 Après le 6 septembre, les comités particuliers n’ont plus lieu qu’une fois par jour, « depuis 4 he (...)
44Le Comité permanent provisoire né le 26 juillet 1789 exerce le pouvoir municipal jusqu’au 23 janvier 1790, jour de sa dissolution officielle. Se rendant très vite compte de la difficulté de prendre des décisions dans une instance pléthorique et, de plus, très largement ouverte au public, le Comité décide, pour des raisons d’efficacité, de se scinder. Dès le 26 juillet, il se subdivise en 4 « comités particuliers », tenus de s’assembler quotidiennement à tour de rôle « de l’heure de six [heures du matin] jusqu’à une heure de relevée, et le soir depuis trois heures jusqu’à dix heures », et de rendre compte de leurs décisions à un comité général convoqué à intervalles réguliers. Cette multiplication des comités, destinée à assurer une permanence de l’autorité nouvelle, explique le grand nombre de séances que nous avons comptabilisées, 162, dont 90 comités généraux. Cette frénésie de réunions montre bien l’intense émotion suscitée par les journées agitées de juillet et d’août. De fait, une fois passés ces mois difficiles, le rythme des séances se ralentit, tandis que les comités particuliers disparaissent au profit des seuls comités généraux43 : l’urgence de la situation ne justifie plus une présence permanente des autorités.
45Afin de limiter les discussions et d’éviter les débordements des spectateurs – assez fréquents à Tours –, on instaure quelques règles de fonctionnement. Ainsi, « lorsque le comité aura délibéré sur un objet, il ne pourra être de nouveau proposé de revenir sur la dite délibération ». Dans l’espoir d’introduire un peu de discipline dans les réunions, les membres du comité général qui désirent assister aux comités particuliers sont les bienvenus, mais ils n’y disposent pas de voix délibérative. Cette autorisation sème rapidement la confusion, au point que le 7 août, à cause de « l’infinité de personnes qui ne font point partie du dit comité et qui cependant par la difficulté de distinguer s’ils en font partie, donnent leur voix et se trouvent mêlées d’une manière confuse parmi les votants », il est décidé que « tous les membres votants du dit comité prendront séance dans l’enceinte des bancs et qu’à l’égard des non votants, ils se placeront derrière lesdits bancs ».
- 44 Au début du mois d’août, le Comité prolonge la mesure prise le 17 juillet par le corps de ville : (...)
46Pour faciliter la tâche quotidienne, le Comité a mis sur pied, dès l’origine semble-t-il, un premier groupe de travail, le Bureau des subsistances, chargé d’approvisionner la ville44. Il paraît avoir compté d’abord 6 membres, un effectif doublé le 6 septembre puis, le 26, porté à 17 membres, dont un trésorier et secrétaire permanent et un secrétaire adjoint. Pour les seconder dans leurs efforts et faire le travail de terrain, on leur adjoint des « prudhommes ». Ce corps particulier fut créé en août au sein de la milice bourgeoise pour, à l’origine, prévenir les fraudes sur les marchés, s’informer du prix et de la qualité du blé dans les campagnes, inspecter les boulangers et accorder des primes à ceux qui auraient le mieux contribué à nourrir la population. Les premiers prud’hommes, élus entre le 18 et le 28 août, sont renouvelés du 31 août au 4 septembre, époque à laquelle on multiplie leur nombre par trois. À la fin de septembre, le remplacement de la milice par la Garde citoyenne pose la question du maintien de ces auxiliaires et du mode de leur renouvellement : on décide de les conserver et de les faire remplacer tous les mois. C’est à l’occasion de leur renouvellement au sein des compagnies de la Garde citoyenne, le 21 octobre, qu’on les associe au Bureau de subsistances. Ils sont chargés de veiller à l’approvisionnement des marchés, de protéger les charrois, d’examiner les registres de police de Sainte-Maure et de Cormery afin de fixer la taxe hebdomadaire du prix du pain, de surveiller les boulangers, etc.
47Un second groupe de travail, le Comité de rédaction, tenu de répondre aux lettres, aux mémoires et, en général, de préparer tout le travail d’écriture, a été créé le 11 novembre 1789. Il est composé de cinq membres secondés par deux secrétaires.
- 45 Il est également tenu de les faire signer par les membres du Comité « les plus instruits sur ce qu (...)
48Le 10 août 1789, le Comité prend une décision qui marque sa prise de pouvoir officielle. Ce jour-là, plusieurs citoyens « se plaignent de ce qu’il ne subsiste pas un registre cotté et paraphé qui assure la confiance due aux délibérations du comité et désirent que ces mêmes délibérations soient signées par m. le président de chacun des comités et par quatre de leurs membres ». De fait, depuis le 21 juillet, date de la dernière délibération du corps de ville d’Ancien Régime, aucun registre n’a été tenu. Jean-Louis Jacquet Delahaye, secrétaire greffier d’Ancien Régime, avait toutefois noté, par habitude, quelques-unes des décisions. Ce jour-là, il est prié de retranscrire ses notes sur un registre spécifique au Comité45.
49Ceci montre une certaine volonté de rupture avec l’ordre ancien ou, à tout le moins, la prise de conscience que l’on était entré dans une ère nouvelle ; une prise de conscience imparfaite cependant car le procès-verbal devait être, comme auparavant, paraphé par le lieutenant général du bailliage et signé par le président de la séance, le maire, ou à défaut, le lieutenant de maire « afin que le présent registre puisse être régulier, tant pour l’authenticité des dites délibérations que pour la confiance qui leur est dûe ». Valleteau de Chabrefy, lieutenant de police honoraire, accepte sans difficulté de le parapher, mais Benoît de La Grandière s’y refuse, laissant à Barbet le soin d’y procéder.
50La composition exacte du Comité nous échappe en grande partie, à l’exception des présidents de séance et des membres de l’ancienne municipalité. Celle-ci y a la place d’honneur, puisque le maire est chargé, en théorie, de présider le comité général et les comités particuliers. En son absence, la présidence « est déférée au plus ancien des officiers municipaux ».
51Mais la défection progressive des officiers municipaux et le grand nombre de séances de travail imposent une présidence alternée, puis, très vite, obligent le Comité à faire appel à d’autres personnalités issues de ses rangs. L’échevin Victor Petit n’est plus mentionné après le 15 juin, date de sa lettre de démission ;
- 46 Grignon assiste aux séances du Comité jusqu’au 6 août.
- 47 Les édiles avaient par ailleurs pris sur eux de signer quelques baux arrêtés le 15 juillet par l’a (...)
52J. Ch. Pouget et P. R. Grignon, quoique inscrits sur le tableau imprimé par le Comité le 25 juillet, ne président aucune séance ou commission de travail46. Benoît de La Grandière, qui a présidé les assemblées extraordinaires de la « compagnie » réunie fin juillet, n’a jamais paru au Comité : son dernier acte politique date du 24 juillet au soir, lorsqu’il demande aux commandants militaires de faire cesser les attroupements. Le 10 août, le nom du maire est encore mentionné, avec celui de René François Barbet, comme l’un des présidents appelés à parapher les procès-verbaux des délibérations prises depuis le 22 juillet. Mais seul Barbet accepte de signer, bien qu’il se soit retiré du Comité vers le 2 août. Surtout, une crise éclate le 20 août et provoque le départ d’une bonne partie des officiers restants. Ce jour-là, les derniers représentants de l’ancienne municipalité acceptent d’assister à la cérémonie du serment des troupes de lignes ordonnée dans tout le royaume. Gaudin, Simon-Roze, Thenon, Gardien, assistés du receveur Parfait Prudent Luce, sont effectivement présents et le Comité les en remercie. Mais celui-ci s’enflamme en apprenant qu’ils ont pris l’initiative d’envoyer le procès-verbal de la cérémonie à l’Assemblée nationale et de le transcrire sur l’ancien registre municipal et non sur celui du Comité47. Après cette ultime manifestation d’autonomie des anciens édiles, la scission est consommée et seuls Gardien et Simon-Roze paraissent encore pendant quelques semaines au Comité.
- 48 Ce poète peu connu, dit aussi Aubri de Paris et dont le patronyme s’écrit parfois Aubry, était l’a (...)
53La défection progressive de ces anciens édiles oblige le Comité, à la demande des deux derniers représentants de l’ancienne municipalité encore en place, à réfléchir aux mesures à prendre pour suppléer au défaut de présidents de séance : on va jusqu’à solliciter l’avis de la Constituante à ce sujet. Mais, pressé par le temps, le Comité n’attend pas la permission de l’Assemblée et élit, le 30 août, cinq nouveaux présidents désignés selon « la forme […] proposée par m. Simon échevin comme il suit : un président dans la municipalité, un dans la cathédrale, un dans la collégiale, un dans le bureau des finances, un dans le présidial et deux parmi les citoyens ». Ces nominations sont destinées, comme l’avaient été celles des membres du Comité le 25 juillet, à maintenir l’illusion d’une concorde des grands corps de la ville. Toutefois, le choix des 79 votants présents ce jour-là aboutit à un résultat quelque peu différent de l’idéal recherché : l’abbé Nicolas Simon-Cabarat représente le chapitre de Saint-Martin, Étienne Petiteau le bureau des finances, le marchand fabricant François Cartier-Roze le groupe des électeurs aux États généraux, tandis que le bailliage compte en fait deux représentants, les procureurs Pierre Rose Esnault et Martin Claude Ansault. Le refus immédiat du chanoine Simon-Cabarat permet l’entrée du trésorier de France Prudent Jean Bruley. L’union des ordres, maintenue tant bien que mal à la fin du mois d’août, s’écroule entièrement au fil des semaines suivantes : le décès brutal de Gardien le 16 septembre provoque le départ, douze jours plus tard, de Simon-Roze, bien isolé au sein de la nouvelle instance. Le 24 octobre, le Comité élit 3 nouveaux présidents, issus de ses rangs : le notaire Nicolas Gervaize, le professeur Hubert Bourguin et un obscur littérateur, Pierre Cyprien Aubri48.
54Hormis celui des membres de l’ancienne municipalité et de ces présidents, il est impossible de connaître le nom de tous les Tourangeaux qui ont fait partie, à un moment ou à un autre, du Comité. Aucune liste n’apparaît dans les délibérations, sans doute du fait de la grande fluidité des entrées et sorties. La lecture attentive des registres a permis néanmoins de recenser un total de 160 personnalités dont le nom apparaît, soit au titre de membres du Comité, soit à celui de commissaires exceptionnels.
55Les 139 individus dont nous avons pu identifier l’état ou la profession, soit 87 % du total, sont issus pour la plupart de la bourgeoisie : 34 % sont des officiers, 30 % des entrepreneurs et marchands. Les artisans et boutiquiers ne sont représentés que par 14 personnes (10 %) tandis que l’on compte 11 ecclésiastiques (8 %).
- 49 Une exception toutefois, la grosse querelle qui éclate le 24 octobre à la suite d’une question app (...)
56Les dissensions internes, qui n’ont sans doute pas manqué au sein du Comité, sont restées discrètes : les membres qui estiment ne plus être en accord avec lui quittent ses rangs furtivement, sans heurt49. Pourtant, le Comité, qui a pris le pouvoir sous la pression de l’agitation populaire, éprouve bientôt les mêmes doutes que l’ancienne municipalité sur sa légitimité.
Un Comité en mal de légitimité
- 50 AMT, 1D1, 5 août 1789.
57Jusqu’à la fin du mois d’août, il est rassuré, car « composé des officiers municipaux, notables de paroisse dûment convoqués et autres citoyens réunis » selon la « constitution de la commune [sic]50 ». Mais, lorsque les membres de l’ancienne municipalité se désengagent, il doit trouver ailleurs de nouveaux fondements à son autorité. De fait, il ne reste au début de septembre, au sein du Comité, que deux anciens officiers municipaux, les autres ayant très tôt décidé de se retirer.
- 51 Cf. chap. II.
- 52 Ce nombre était légèrement supérieur à celui fixé par la pratique des années 1780 : la paroisse de (...)
- 53 AMT, 1D3, 21 septembre, 21 octobre et 10 novembre 1789.
58Aussi, de même que l’ancienne municipalité y avait recherché une nouvelle légitimité, le Comité se tourne-t-il vers les députés des paroisses pour « rendre d’autant plus légale [ses] délibérations ». Les députés en place, élus avant les événements révolutionnaires, n’étant pas « suffisamment autorisés », il décide le 16 septembre d’en faire désigner des nouveaux par les paroisses. Mais il s’interroge sur le nombre de députés à élire : en faut-il 32, ainsi que le prévoyait la « constitution [sic] » de 1619, ou 28, conformément à la pratique établie dans les années 178051 ? Pour répondre à la question, il décide de réunir un représentant par paroisse, soit 11 délégués, pour décider du nombre de personnes à élire. Mais le jour de la réunion, le 17 septembre, personne, ou en tout cas « très peu de Messieurs », ont paru, car ils « n’ont point voulu prendre sur leur compte de régler » la question. On décide alors de faire convoquer les habitants par les curés pour qu’ils élisent, le dimanche suivant, les députés « dans le même nombre que celui ordinaire », c’est-à-dire celui fixé depuis 1783. Le 20 septembre, les paroisses sont réunies et élisent finalement 29 députés52. Par cette mesure, le Comité tient pendant quelques semaines plus sereinement les rênes du pouvoir municipal : lorsqu’un problème se pose, qu’une fête est organisée, il convoque les députés des paroisses, car « seule la municipalité agrandie de ces députés peut statuer » en attendant une décision officielle de l’Assemblée nationale53.
59Mais la loi organisant les municipalités tarde à être votée et le malaise est de nouveau perceptible deux mois plus tard. Des initiatives locales sont alors prises pour pallier cette carence : elles seront source de désordre pendant plusieurs jours. Tout débute le 18 novembre. Ce jour-là, on dépose sur le bureau du Comité un projet d’adresse relatif à la formation d’une municipalité provisoire, pour qu’il soit transmis à l’Assemblée nationale. Cette initiative en apparence anodine provoque d’importants remous au sein du Comité : elle suscite d’une part l’opposition des députés des paroisses, qui se posent en substituts des officiers municipaux en tant que représentants de la « commune », et d’autre part des interventions bruyantes de la « galerie », c’est-à-dire des citoyens qui assistent aux séances sans faire partie du Comité. Tours fait pendant quelques semaines l’expérience d’une sorte de « démocratie directe » et il est bien difficile au Comité de maintenir son autorité : après avoir débordé l’ancienne municipalité, il l’est lui-même par de plus « patriotes » que lui.
- 54 Le 21 novembre, un autre prétexte s’ajouta au premier : les officiers de la « garde citoyenne » av (...)
- 55 Ce jour-là, les députés des paroisses frondeurs rouvrent le registre de délibérations de l’ancienn (...)
60Quel était le contenu exact de ce projet ? On ne peut le savoir, mais il est certain qu’il s’agissait de l’organisation d’une municipalité provisoire. Le Comité décide, fort démocratiquement, de le soumettre dans un premier temps aux députés de paroisses, puis, chose nouvelle par rapport à ce qui se pratiquait sous l’Ancien Régime, aux « communes », c’est-à-dire à l’ensemble des habitants de chaque paroisse. Les députés se réunissent donc le 20 novembre pour discuter du projet : ils constatent alors la disparition du document et accusent son auteur, Pierre Philippe Baignoux, de l’avoir adressé « clandestinement » à l’Assemblée nationale. Les députés profitent de l’occasion 54 pour tenter de s’emparer du pouvoir municipal : considérant qu’ils « forment essentiellement la commune et le conseil de la municipalité », ils décident de s’assembler tous les mardis « pour régler provisoirement touttes les affaires de la municipalité sous la présidence du plus ancien [sic] ». Ce véritable coup de force entraîne la protestation, le 21 novembre, de « quelqu’uns des membres [sic] » du Comité : ils accusent les députés de paroisse d’avoir outrepassé leur mandat, qui était, rappelons-le, de donner leur avis sur le projet subrepticement enlevé. Cependant, une autre partie du Comité, sans doute plus « patriote », ne rejette pas l’idée d’associer au pouvoir municipal une fraction plus représentative des citoyens : elle finit par obtenir du Comité qu’il réunisse les paroisses pour qu’elles nomment de nouveaux députés proportionnellement au nombre des habitants. Toutefois, lorsqu’il est question de fixer les modalités pratiques de la consultation, le Comité commence par se dire incompétent : il demande alors le « jugement de la galerie ». Et c’est sous la pression de celle-ci qu’il accepte de convoquer les habitants de chaque paroisse le dimanche 29, afin d’élire de nouveaux députés dans la proportion d’un pour 450. Quatre jours plus tard, cependant, le Comité revient sur cette décision, car il lui apparaît qu’une telle répartition est impraticable : il décide simplement de porter le nombre des députés de 29 à 40 en demandant à chacune des 11 paroisses de désigner un député supplémentaire55. À ce moment-là, le pouvoir est bien en passe d’échapper au Comité puisque, dans cette réunion du 25 novembre, il est affirmé que les 40 députés, qui représentent « la commune », composeront « à eux seuls et par remplacement le conseil de la municipalité provisoire » et qu’ils auront « l’autorisation la plus complette et la plus étendue pour connoître et décider de touttes les affaires de la municipalité existante ou occurante [sic] ».
- 56 AMT, 1D3, 28 novembre, 2 et 7 décembre 1789.
61Le Comité est donc à la veille de disparaître lorsque, le 28 novembre, il prend connaissance d’un courrier d’Alexandre Marie Reverdy, suppléant des députés de Touraine à l’Assemblée nationale, annonçant que la discussion portant sur l’organisation des nouvelles municipalités touchait à son terme. Or, dans les dix premiers articles déjà arrêtés, l’Assemblée nationale reconnaît la légitimité des comités existants et proroge leurs pouvoirs jusqu’à la prochaine formation des municipalités. L’agitation que connaît la ville depuis plus d’une semaine atteint son paroxysme au cours de cette assemblée du 28 novembre, où se révèlent de profonds clivages politiques au sein du Comité et dans la population56.
- 57 Gervaize, dont la vie est menacée, doit précipitamment quitter la salle.
- 58 Le secrétaire greffier refuse de transcrire la décision au motif qu’elle « n’a pas été signée du p (...)
- 59 Le 30 novembre, ils sont cinq à se récuser et trois de plus le 2 décembre.
62L’achèvement prochain de la nouvelle loi municipale est donc porté à la connaissance des Tourangeaux la veille de la réunion des assemblées paroissiales. Faut-il les maintenir ou non ? La question provoque un beau tumulte au sein du Comité et dans la « galerie », au point que l’appel nominal des membres qui devaient voter sur cette question ne peut se poursuivre « attendu le bruit qui s’est élevé ». On se prononce finalement par assis et levé en faveur de l’ajournement des assemblées de paroisse ; après quoi, le président, qui était ce jour-là Nicolas Gervaize, lève la séance, sous les huées des spectateurs57. Mais une scission se produit au sein du Comité, où certains continuent la réunion avec un autre président, Pierre Cyprien Aubri. Ce Comité croupion arrête « à la très grande pluralité des voix » de regarder comme non avenue la décision de ne pas convoquer « la commune » pour le lendemain58. Cette révolte provoque une vive réaction de ce qui semble être la majorité du Comité et du président Gervaize. Dans la réunion du 2 décembre, tandis que certains protestent contre l’inscription à leur corps défendant de leur nom au bas du procès-verbal de l’assemblée scissionniste59, on débat de « la question de sçavoir qu’est-ce qui composoit actuellement la municipalité, ou des seuls députés de paroise, ou du Comité » ; le vote par assis et levé affirme à l’unanimité « que la municipalité résidoit dans le Comité ». Deux jours plus tard, une grande réunion se tient à l’initiative de Gervaize, qui a fait convoquer tous les « membres du Comité sans exception » (au nombre de 254 est-il affirmé). Gervaize y fait un long discours où il stigmatise « touttes les scènes scandaleuses qui se sont passées dans les derniers Comités, […] les insultes et propos malhonêtes et indiscrets, que des particuliers ont proféré contre plusieurs membres, entre autres contre moy personnellement », mais aussi à l’encontre des présidents Petiteau, Cartier-Roze et Soreau. Il déplore que le Comité délibère sous la pression de la « gallerie » : un « membre du Comité tremble lors qu’il veut s’expliquer contre l’intention de la gallerie [sic] ». Derrière l’affrontement des idées se cachent, sans doute, des rivalités de personnes. Gervaize ne demande pas la suppression de la galerie, ce qui donnerait lieu à des soupçons sur les intentions du Comité, mais, prétendant que l’heure tardive des réunions favorise le complot, il obtient que l’on se réunisse désormais les lundis et jeudis à 9 heures du matin. C’est l’adoption prochaine de la nouvelle loi municipale qui permet de combler, ou de masquer, la fracture qui s’est manifestée au sein du Comité. Au cours de la séance qu’il préside le 7 décembre, Aubri – celui qui avait présidé le comité scissionniste du 28 novembre – appelle à la réconciliation. Rappelant que l’Assemblée nationale ne permet aucun changement à l’état actuel des comités, dont elle reconnaît la compétence jusqu’à la formation des municipalités nouvelles, il en déduit que « tous les doutes sont éclaircis, et les nuages de division qui s’étoient élevés dans ce lieu, doivent se dissiper, pour faire place à l’union si désirable ». Il se permet même un hommage à Gervaize, « dont la modération et les lumières vous sont connues ». L’ » union parfaite » semble de nouveau régner sur la vie municipale. La seule agitation est désormais relative aux préparatifs des élections à venir.
- 60 Seuls les officiers de la Garde citoyenne réagissent à cette décision et prient le Comité de reste (...)
- 61 Sur la création de la Garde citoyenne, cf. chap. VII.
- 62 Elle était également chargée de donner, uniquement en l’absence du Comité, les ordres en matière m (...)
63Quelques jours après la réception du courrier annonçant la réforme imminente des administrations municipales, le Comité anticipe la passation de pouvoir en se réorganisant. Ne pouvant prendre de décisions dans une instance pléthorique, par ailleurs ouverte à un public difficilement contrôlable, le Comité décide, le 10 décembre, d’élire deux commissions 60 composées chacune de 9 membres : une « Commission municipale » qui traiterait des affaires courantes ; une « Commission militaire », chargée d’assister le Conseil Militaire créé dans le cadre de la Garde citoyenne 61 et de veiller, avec l’état-major, à la discipline des citoyens sous les armes62. Chacune serait tenue de rendre compte au Comité, qui s’assemblerait désormais une seule fois par semaine, le jeudi à 9 heures, pour décider en dernier lieu. Si la création de la première commission ne pose pas de problème, la seconde, élue tardivement, n’a qu’une existence fictive.
- 63 Soucieux de l’approvisionnement en céréales de la ville, ils proposent, pour éviter les exportatio (...)
64Le 17 décembre, le Comité élit les 9 membres de la Commission municipale : Louis Soreau, Joseph Robert Aubry, Prudent Jean Bruley, Parfait Prudent Luce, Pierre Bucheron, François Michel Jahan de Loché, Pierre Petit, Jacques Henri Martin et Pierre Jeuffrain y sont désignés. Leurs travaux, entamés le 19 décembre, relèvent avant tout de la gestion quotidienne (paiement des mandements, entretien des patrimoniaux…). Leurs trois premières mesures concernent l’enlèvement des boues, le prix de la viande et les amidonniers63. De son côté, le Comité se contente de prendre connaissance de leurs décisions, de les valider et de les faire exécuter.
- 64 Le choix de Coulon suscita la protestation des officiers de la Garde citoyenne, qu’il avait froiss (...)
65Le 24 décembre, la Commission militaire est élue par le Comité à la demande expresse des officiers de la Garde citoyenne. Des 9 membres de cette instance, 5 sont choisis au sein du Comité – François Cartier-Roze, désigné président de la commission, François Coulon64, Pierre Philippe Baignoux, Pierre Petit, Louis Vauquer-Viollet – et 4 parmi les officiers de la Garde citoyenne (Pierre Rose Esnault, Joseph Cartier-Douineau, Louis Fulgence Vauquer-Simon et François Marie Japhet). Cette seconde instance, mise en place tardivement, eut peu d’importance puisqu’elle fut rarement réunie.
Les municipalités issues de la loi de décembre 1789
- 65 J. Godechot, Les institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, 1968.
- 66 Le terme de commune, au sens de municipalité et se substituant à celui de paroisse, apparaît pour (...)
66Lorsque l’Assemblée constituante décida de modifier l’organisation territoriale, elle commença par l’administration communale, « parce qu’elle voulait faire procéder aussi rapidement que possible à la mise en place des municipalités nouvelles, légales, qui devaient remplacer les organismes révolutionnaires au pouvoir depuis les troubles de juillet-août 178965 ». Votée à l’Assemblée le 14 décembre et sanctionnée par le roi le 22, la loi jeta les bases nouvelles, rationnelles, d’un nouveau régime municipal, qui s’applique à l’ensemble des 44 000 communes héritées des paroisses d’Ancien Régime 66 et clarifie les missions des édiles, désormais obligatoirement élus.
- 67 Remarquons ici la ressemblance avec la réforme de L’Averdy, du moins en ce qui concerne la sémanti (...)
- 68 S. Petitet, Histoire des institutions urbaines, 1998.
67Le baron d’Harambure, député de la Touraine à l’Assemblée, envoie la nouvelle au Comité le 15 ou le 16 décembre. Toutefois, les 100 articles de la loi n’arrivent officiellement, accompagnés d’une instruction de la Constituante, que le 2 janvier 1790. Le texte, très attendu, stipule qu’une municipalité nouvelle sera élue dans chaque commune, et qu’elle se composera de deux ensembles : d’une part, le conseil municipal, qui forme l’élément permanent de l’institution et comprend de 3 à 21 officiers selon la taille des communes (à Tours, il faut en choisir 12), et d’autre part le conseil général, composé du précédent grossi de 24 notables67. Les uns et les autres doivent être élus par les citoyens actifs, c’est-à-dire ceux qui paient une contribution au moins égale à dix journées de travail. À la tête de la commune, on retrouve le maire, désormais élu pour deux ans et rééligible : il joue le rôle d’interface entre le pouvoir « central et le pouvoir local puisqu’il est à la fois le premier représentant de la communauté locale et le représentant de l’État au niveau local68 ». Est élu dans les mêmes conditions un procureur de la commune, qui représente le roi au conseil général et les contribuables, dont il est l’avocat d’office dans les affaires contentieuses. Il a par ailleurs voix consultative dans toutes les délibérations. Dans les villes de plus de 10000 habitants, comme à Tours, il est assisté par un substitut.
Premières élections et transition institutionnelle
68Dès la réception du texte officiel, le Comité et la Commission municipale élue le 17 décembre délaissent la gestion quotidienne et privilégient l’organisation matérielle des élections. L’atmosphère est des plus tendues, mais au total, tout se passe relativement vite, comme c’est souvent le cas à Tours : les opérations se déroulent du 25 janvier au 3 février et le nouveau corps de ville est installé dans ses fonctions le 11 février.
- 69 Sur les critères retenus pour distinguer les électeurs et les éligibles, cf. infra. Pour organiser (...)
69Le 2 janvier, le Comité charge la Commission municipale du travail préparatoire. S’inspirant du texte officiel et de l’instruction de la Constituante, Bourguin élabore une base de travail, tandis que Pierre Cyprien Aubri et Pierre Bucheron se chargent de dresser et de rendre publiques les listes des électeurs et des éligibles69. Le 14 janvier, la Commission, soumise aux sollicitations du Comité pressé d’en finir, présente son travail, qu’on valide et affiche sans tarder.
- 70 On retrouve ici les 9 membres de la Commission municipale élue le 17 décembre, auxquels on a adjoi (...)
70Le 23 janvier, le Comité met officiellement fin à sa propre existence. Deux jours plus tôt, il a supprimé la Commission municipale et confié l’essentiel du pouvoir à une nouvelle commission – la 3e depuis la mi-décembre – composée de 12 personnes : François Cartier-Roze, Pierre Boret, Louis Soreau, Pierre Cyprien Aubri, Joseph Robert Aubry, Nicolas Gervaize, Prudent Jean Bruley, François Michel Jahan de Loché, Jacques Henri Martin, Pierre Bucheron, Pierre Petit et Pierre Jeuffrain70. Ces hommes sont tenus de « s’assembler en permanence le temps des élections » à l’hôtel de ville pour régler les problèmes qui se présenteraient, de veiller à la tranquillité publique et de renvoyer au lieutenant de police ou à la Commission intermédiaire provinciale les plaintes que le Comité examinait jusque là. Deux d’entre eux sont chargés de recevoir les réclamations d’ordre pratique et de doter les bureaux de vote, avec le personnel municipal mis à leur disposition, de chaises mais aussi des « encriers, du papier, des plumes, ancres, canifs, cire à cacheter, tapis et sonnette [sic] » nécessaires à leur fonctionnement.
71Jusqu’au 4 février, ces personnalités vont assurer la transition du pouvoir et veiller au bon déroulement des opérations électorales, telles qu’elles ont été arrêtées quelques jours plus tôt. La ville a été divisée en 5 circonscriptions électorales ou « districts » d’inégale superficie mais comprenant un nombre globalement équivalent d’habitants. Chaque « district » est doté d’un lieu de vote bien identifié : les électeurs du district des carmes (faubourg Notre-Dame-La-Riche) se rendent dans l’église du même nom, ceux du district des augustins (faubourg Saint-Éloy) dans l’église des augustins, ceux du district des bénédictins (SaintPierre-le-Puellier, Saint-Simple, Saint-Hilaire, Saint-Venant et partie de Saint-Pierre du Chardonnet) dans l’église Saint-Julien, les électeurs du district des cordeliers (Saint-Pierre-des-Corps, Saint-Étienne et Saint-Vincent) dans l’église du même nom et ceux du collège (Saint-Saturnin et Saint-Pierre-du-Boile) dans l’église du collège. La désignation de lieux de culte comme bureaux de vote devait garantir le caractère solennel et le sérieux des élections, mais d’autres raisons, plus pratiques, sont à l’origine de ce choix : les églises retenues sont les seuls bâtiments à la fois suffisamment vastes et proches de l’hôtel de ville, où l’on doit procéder aux recensements généraux.
- 71 AMT, BB 83. Cette condition n’est pas une nouveauté : sous l’Ancien Régime, tout failli devait dém (...)
72Pour participer aux élections, la Constituante avait institué un système à deux niveaux. Pour être électeur, c’est-à-dire « citoyen actif », il fallait avoir au minimum 25 ans, être domicilié dans la ville depuis un an, être inscrit à la Garde nationale, mais surtout payer une contribution directe, en capitation, vingtième ou taille, égale à 3 journées de travail. Pour être éligible, il fallait en outre payer une contribution directe correspondant à la valeur locale de 10 journées de travail. Sont d’emblée exclus de la citoyenneté active les femmes, le petit peuple, les jeunes de moins de 25 ans, les domestiques et « les banqueroutiers, les faillis et les débiteurs insolvables71 ». Sont également exclus les religieux, « puisqu’ils ont, de par leurs vœux renoncé aux honneurs et fonctions publiques », ce dont le vicaire général de Tours, Keransquer, se plaignit aux autorités locales, mais en vain.
73Pour calculer le cens et déterminer ainsi qui serait électeur ou éligible, la Constituante avait chargé les autorités locales de débattre de la valeur d’une « journée de travail ». Pour connaître la « valeur locale » à Tours, le Comité convoqua les gardes et syndics des corporations. Une des communautés invitées était favorable à un prix de journée équivalent à 20 sols, deux à 25, « le plus grand nombre » à 26 et plusieurs à 40 sols. Pour favoriser l’accès à la citoyenneté active, le Comité retint le chiffre de 25 sols, ce qui revenait à fixer à 3 L 15 sols le cens nécessaire pour être reconnu citoyen actif et à 12 L 10 sols le cens d’éligibilité. Néanmoins, les autorités tourangelles furent plus sélectives que la moyenne, puisque la Constituante abaissa le prix de la journée de travail à 20 sols : l’électeur devrait payer un minimum de 3 L d’impôt direct et le citoyen éligible 10 L.
- 72 À l’été 1791, les conditions du suffrage censitaire furent relevées pour exclure du vote les plus (...)
- 73 AMT, BB 10.
74Ces critères donnèrent pour Tours un total d’environ 3 500 citoyens autorisés à voter. Ceux-ci élirent la municipalité mais aussi 35 électeurs, à raison de un pour 100 actifs, chargés de choisir par la voie du scrutin les juges des tribunaux et les députés72. Quant aux éligibles, ils étaient environ 1260 73 et appartenaient aux catégories sociales représentées dans le graphique ci-dessous :
75Cette répartition, où la part des artisans est remarquable avec 38 % du total, illustre combien la municipalité de l’Ancien Régime et celle élue en février 1790, on va le voir (graphique 5), étaient peu en adéquation avec la réalité de la société tourangelle : dans les deux cas, et même si les élections de 1790 vinrent quelque peu corriger la situation en permettant aux artisans d’accéder au corps de ville, les électeurs ont fait le choix, pour occuper les places municipales, de personnes appartenant prioritairement aux catégories dites supérieures.
76Pour éviter le désordre durant les élections, le Comité interdit tout attroupement dans les faubourgs ou près des bureaux de vote et fait illuminer la ville en début de soirée. Il réquisitionne les soldats du régiment d’Anjou pour empêcher les rassemblements et protéger l’hôtel de ville. Il invite par ailleurs des gardes à surveiller les entrées des bureaux de vote, à veiller à ce qu’aucune personne ne pénètre avec une arme et à vérifier que chaque électeur est bien porteur de sa « carte ». Celle-ci lui était délivrée par le curé ou l’officier de bourgeoisie de son quartier sur présentation d’un billet d’imposition directe d’au moins 3 L, somme correspondant au cens nécessaire à l’accession à la citoyenneté active. Malgré cette précaution astucieuse, des fraudeurs purent toutefois voter. La liste des éligibles fut affichée aux portes des lieux de vote, ce qui permit aux électeurs de connaître avec plus de précision qu’au cours des élections précédentes le nom des personnes susceptibles d’être désignées. Il était bien entendu que toute personne oubliée pourrait adresser une réclamation auprès du président de l’assemblée de son district, en prenant soin de montrer un billet d’imposition.
- 74 Cette méthode, jugée trop coûteuse, est cependant vite abandonnée.
- 75 La présence des curés dans les assemblées électorales, pour maintenir l’ordre et la soumission aux (...)
77Tout était prêt pour que les élections se déroulent correctement. Les opérations se tinrent à Tours du 25 janvier au 3 février selon un rituel vite adopté et qui variera peu par la suite. Le début des scrutins est marqué par deux coups de canon et un autre tir annonce74, une demi-heure à l’avance, la fermeture des bureaux, ouverts de 8h30 à 13 heures et de 15 à 20 heures. Durant ce temps, la plupart des activités sont arrêtées dans la ville : on diminue la surveillance assurée par la Garde nationale, on demande aux cours de justice de suspendre leurs audiences et on prie les ecclésiastiques de repousser leurs offices75.
78La première séance électorale, au matin du 25 janvier, est présidée dans chaque district par une personnalité désignée deux jours plus tôt par la Commission municipale qui assurait l’intérim : François Huault de Bellisle aux carmes,
79P. Ph. Baignoux aux augustins, J. Cartier-Cuisnier à Saint-Julien, Auguste Valete aux cordeliers et Jean-Louis Crémière au collège. Ces présidents ont la tâche d’ouvrir la séance en procédant à la lecture des textes officiels, puis en annonçant le nom des électeurs et des éligibles. Ensuite, ils veillent à la désignation, par les citoyens présents et pour la durée des élections, d’un bureau constitué d’un président et d’un secrétaire. Dans presque tous les cas, le président qui a ouvert la séance est confirmé par les électeurs, tandis que le secrétaire de séance est choisi parmi les membres de l’ancien Comité. Les deux élus prennent alors place « dans le haut de l’assemblée », d’où le président prononce le serment prescrit par les décrets des 29 et 30 décembre 1789. Après quoi, les membres de l’assemblée font de même entre les mains du président. Ces préparatifs se terminent par l’appel nominal des présents et l’élection de trois scrutateurs chargés de veiller au bon déroulement des dépouillements. Enfin, le président appelle les électeurs en suivant l’ordre des listes dont il dispose : chacun présente sa carte avant de confier son bulletin cacheté aux scrutateurs.
80Les opérations sont lentes et dévoreuses de temps puisque l’on doit élire successivement le maire, le procureur et son substitut, puis les 11 officiers municipaux et les 24 notables. Après chaque élection, on dépouille les bulletins et l’on transmet le procès-verbal du district à l’hôtel de ville, avec toutes les pièces justificatives. Là, les 12 hommes de permanence procèdent au recensement général et envoient une députation vers ceux qui ont été élus. Les opérations ne reprennent que lorsque la réponse de l’intéressé est connue : en cas de refus, les électeurs votent à nouveau ; en cas d’acceptation, on passe à l’élection suivante.
81Relativement rapides pour le maire, le procureur et son substitut, les opérations sont très longues lorsqu’il est question de choisir les officiers et les notables. Les districts ayant refusé, ainsi que la Commission le leur avait suggéré, de multiplier les bureaux de dépouillement, il faut suspendre les assemblées pendant trois jours, du 30 janvier au 2 février. Elles reprennent le lendemain et se terminent le soir même.
- 76 P. Gueniffey, Le nombre et la raison. La Révolution française et les élections, 1993 ; M. Crook, « (...)
82Au regard de la participation mesurée par les historiens dans le royaume, qui s’élève à plus de 50 % en moyenne, la participation des citoyens actifs tourangeaux paraît bien médiocre en ce début d’année 179076. Sur les 3 500 électeurs potentiels, 1 225 seulement se déplacent le 25 janvier pour élire le maire, soit un faible taux de 35 %. L’élection suivante, celle du procureur de la commune, est l’objet d’une des rares batailles politiques connues : le premier tour attire à peine 29 % des électeurs, mais le second scrutin en rassemble 41 %. L’enjeu avait son importance, car deux hommes s’affrontaient pour la place : les avocats Louis Soreau et François Coulon. Aucun n’ayant obtenu la majorité absolue lors du premier tour, il fallut en organiser un nouveau : la mobilisation des patriotes réussit à faire élire Coulon, qui obtint 52 % des 1 431 voix contre 45 % à son adversaire. Pour le substitut du procureur, l’affrontement est moins vif et Jean-Pierre Demezil est élu assez vite, obtenant une large majorité (69 %) des électeurs, qui représentent 31 % des inscrits. En ce qui concerne les officiers municipaux et les notables, nous ne disposons pas de renseignements. Cependant, vu la durée des élections, plus de 10 jours, la participation a sans doute été encore plus faible.
83Plusieurs mesures avaient été prises, on l’a dit, pour limiter les erreurs ou les fraudes. Le vote par correspondance n’était pas autorisé et, pour éviter les ambiguïtés de nom, on demanda de préciser « par les surnoms ou professions, les personnes éligibles qu’on voudra nommer ». À l’égard des électeurs analphabètes, qui pouvaient être trompés « par celuy qui se présenteroit pour écrire son scrutin », on avait décidé de faire noter devant le président, le secrétaire et les scrutateurs réunis les noms de ceux que ces électeurs leur désigneraient. Malgré ces précautions, les opérations électorales ne furent pas sans reproche. Certains présidents omirent de vérifier les cartes des électeurs, tandis que des individus privés du droit de vote, des « banqueroutiers notoires » ou des citoyens passifs qui avaient volé des cartes d’électeurs, n’hésitèrent pas à voter. Le district des augustins (correspondant aux faubourgs populaires de Notre-Dame-La-Riche et de Saint-Éloy) fit brûler, par précaution, des bulletins dont certains avaient été jugés frauduleux.
84Plus graves, et plus intéressantes, furent les tentatives de manipulation. Certains n’hésitèrent pas à crier bien fort le nom de leur favori ; d’autres distribuèrent des bulletins préparés à l’avance : dès le premier jour du vote, un homme est dénoncé pour avoir les poches pleines de ces papiers, qu’il avait déjà distribués à une cinquantaine de présents. Convoqué à l’hôtel de ville, il explique avoir voulu rendre service en donnant des billets « à deux bouchers […] qui lui avaient demandé ce matin son avis sur les nominations à faire ».
- 77 Cf. infra.
- 78 Il s’agissait de Pierre Cyprien Aubri, cf. supra.
85Les manipulations les plus évidentes concernent François Coulon, dit Coulon de la Morandière. Le 25 janvier, jour de l’élection du maire, le tambour du district des carmes appelle carrément les citoyens à voter pour ce dernier ; le 27, vingt retardataires, qui n’avaient même pas le droit de vote, se présentent dans un district et déclarent « tout haut et fort qu’ils voteraient pour Coulon ». De fait, en ce début d’année 1790, deux groupes politiques, ayant chacun un champion, s’affrontent : celui des modérés autour de Louis Soreau (avocat) et Philippe Jean-Baptiste Mignon (procureur du roi au bureau des finances), celui des patriotes autour de l’avocat François Coulon. L’élection de ce dernier comme procureur du roi, le 28 janvier, entraîne la protestation indignée d’un procureur au bailliage, Bruère puîné. Devant la Commission municipale, ce magistrat affirme haut et fort que ledit Coulon « avoit été traité hautement et publiquement de menteur, d’imposteur et de calomniateur ». En évoquant une délicate affaire 77 qui avait eu lieu quelques jours plus tôt, Bruère dit craindre « que les citoyens honnêtes […] ne se refusent à accepter les postes aux quelles ils pouroient être nommés [sic] » si Coulon était élu, et décide pour lui-même de faire la grève du vote jusqu’à ce qu’il ait été statué sur l’opposition qu’il formule. Le 30 janvier au petit matin, un placard est découvert place d’Aumont, sans doute apposé par les partisans du nouveau procureur du roi, puisque le texte met ironiquement la tête de Coulon au prix de « mil écus qui seront payées [sic] par Bucheron, Soreau, Cartier Roze son neveu, Buslé colonel, Esnault, Aubri-le-Gueux autrement dit le poëte78, le comédien des Barbeaux, de Courbières et autres amis du commerce ». Finalement, chacun des deux groupes politiques réussit à désigner l’un des siens : Mignon est élu maire, Coulon procureur.
86Ces luttes ne sont pas nouvelles. Membre actif du Comité, Coulon s’y est fait entendre à l’occasion de plusieurs réflexions menées, au cours de l’été et de l’automne précédents, au sujet des difficultés financières du royaume et de la réorganisation de la milice bourgeoise. Le 21 août 1789, il donne son avis sur les indemnités accordées aux boulangers qui ont accepté de vendre leurs marchandises en dessous du cours normal. Le 7 octobre, il se heurte à Nadaud, secrétaire de l’intendance, lors de l’élection pour la place de lieutenant de la compagnie de Saint-Denis ; un vote du Comité règle la question en sa faveur. Un mois plus tard, Coulon se fait de nouveau entendre sur deux autres questions.
- 79 AMT, 1D3. Coulon prit également part à la fronde interne du 28 novembre qui réclamait le maintien (...)
87S’agit-il pour lui de profiter de la fragile position du Comité pour prendre de l’ascendant sur ses confrères ? Se fait-il le porte-parole de ceux qui sont privés de voix au sein du Comité, depuis que ce dernier a transféré une partie de ses pouvoirs à une commission transitoire pour mettre fin aux tumultes de la « gallerie » ? Éprouve-t-il le besoin de se faire connaître des patriotes tourangeaux à la veille des élections municipales ? Quels que soient ses motifs, l’avocat fait montre d’un zèle particulièrement malhabile, qui devait l’éloigner progressivement de ses collègues du Comité, jusqu’alors complaisants à son égard. Le 21 novembre, en effet, il demande à vérifier les registres de la souscription ouverte en avril 1789 pour l’achat de blés. Les comptes, tenus par l’ancien échevin A. J. Simon-Roze, avaient été vérifiés à deux reprises sans qu’on y trouve à redire. Ne tenant aucun compte de ces vérifications, Coulon émet le souhait de « constater la contribution de chacun à l’approvisionnement de Tours dans le temps de manque ». Le Comité, qui n’accorde plus systématiquement son soutien à Coulon, préfère renvoyer le problème à la future municipalité79.
- 80 Malgré la promesse faite à madame Simon, la Commission se proposa de réviser une nouvelle fois les (...)
- 81 Ces négociants étaient par ailleurs très liés à la municipalité d’Ancien Régime puisque Alexandre (...)
88Le 9 décembre, les officiers composant le Conseil militaire de la nouvelle Garde citoyenne signent une délibération par laquelle ils déclarent Coulon « indigne de communiquer avec eux sauf pour le service » : on ignore malheureusement les termes exacts de la querelle qui opposait l’avocat aux cadres de la Garde, mais ceux-ci se montrèrent particulièrement vexés. Prié de se justifier sur ces deux questions, Coulon obtient quelques jours de réflexion pour achever un mémoire de défense. Le 17 décembre, le Comité, sans attendre la réponse de Coulon, met un terme à la cabale fomentée contre l’échevin Simon-Roze en autorisant son épouse à publier la délibération qui stipulait qu’aucune irrégularité n’avait été relevée dans la tenue des comptes de la première souscription80. Pendant ce temps, l’avocat fait la lecture de son plaidoyer concernant son opposition aux officiers des gardes citoyens. Au terme de l’exposé, un des membres du Comité, Moisant-Billault, se propose pour examiner le texte afin de « faire sortir la vérité [et] calmer les esprits ». Mais la décision ne produit pas l’effet attendu, puisque le 21 décembre, jour de la lecture du rapport de Moisant-Billault, nombreux sont les « particuliers [qui] veulent faire des déclarations à ce sujet ». Pour faire taire ces Tourangeaux, sans doute partisans de Coulon, on les invite à faire enregistrer leur avis au secrétariat, tandis qu’on renvoie la question à la future municipalité. La querelle, qui a failli réveiller les antagonismes dans une assemblée pacifiée, en restera là. Il était temps, car ces différends manquent de coûter à l’avocat sa place au sein de la Commission militaire élue le 24 décembre : ce jour-là, plusieurs personnes demandent si notre homme peut être membre d’une instance qu’il a critiquée. Heureusement pour lui, une délibération de la Commission, en date du 5 janvier 1790, annule la décision du Conseil militaire prise le 9 décembre et autorise Coulon à siéger. Cependant, loin de freiner ses ardeurs, ce dernier accuse deux jours plus tard les frères Gouin 81 et leur associé Longchamp d’amasser des barriques de poudre à canon. Le Comité mène une enquête qui disculpe les négociants, dont les barriques contenaient de la poudre… à poudrer. Cette fois-ci, la famille Gouin est autorisée à porter plainte pour être lavée de cette accusation infamante : c’est sans doute cette histoire que Bruère évoque le 28 janvier pour s’opposer à l’élection de Coulon comme procureur de la commune. En dépit de toutes ces manœuvres, vraisemblablement destinées à se faire connaître des électeurs à une époque où toute propagande politique est interdite, Coulon n’est pas élu à la place de maire, dont il rêvait peut-être.
89Malgré l’atmosphère enfiévrée qui précède les élections et se poursuit durant les opérations, la rue reste calme et les seuls affrontements, discrets et limités, ont lieu dans les bureaux de vote.
- 82 La Commission Intermédiaire, l’hôpital général, l’Hôtel-Dieu, le collège, les chapitres de Saint-M (...)
90Les élections prennent fin le 3 février 1790. Le 7, la ville est illuminée en signe de joie et, le 12, le nouveau corps de ville est installé officiellement : il prête serment selon l’article 48 de la loi du 14 décembre 1789, écrit son contentement aux autorités supérieures et reçoit nombre de félicitations, notamment de corps inquiets pour leur avenir82.
91La nouvelle municipalité est assez modérée, ainsi que le montre le graphique 5, à l’image du maire Mignon, procureur au bureau des finances et proche du groupe de patriotes nobles dont la figure emblématique était La Fayette.
92Les nouveaux élus relèvent d’un ensemble socioprofessionnel assez diversifié, mais sont globalement issus des élites traditionnellement au pouvoir. Un tiers appartiennent au monde des entrepreneurs et des marchands (37 %), un peu moins à celui des officiers et des professions libérales (30 %) ; les artisans boutiquiers, qui font ici leur entrée au corps de ville – la barrière qui excluait autrefois les « mécaniques » du pouvoir n’existe plus, remplacée par une autre, basée sur le niveau de fortune –, représentent 17 %. Notons la présence d’un ecclésiastique, d’un rentier et de 3 militaires. Toutefois, lorsque l’on affine l’analyse selon les fonctions, on note des particularités : les officiers et les membres des professions libérales sont plus nombreux aux places d’officiers municipaux qu’à celles de notables (47 % contre 13 %). La proportion s’inverse pour les marchands et les artisans (29 % chez les officiers municipaux contre 63 % chez les notables). Le choix des électeurs de 1790, comme cela avait été le cas entre 1765 et 1771, varie nettement selon le poste à pourvoir : il est plus sélectif pour les officiers municipaux que pour les notables.
93La municipalité n’est cependant pas encore complète car Mignon, son chef, est absent. Le nouveau corps municipal est donc présidé par le premier officier élu, Auguste Valete. Le 22 mars, ce dernier se rend au domicile du maire lui demander les raisons de son absence prolongée : Mignon serait malade. Toutefois, « une convalescence flatteuse » autorise ce dernier à promettre au corps de ville qu’il présidera très prochainement ses séances de travail. De fait, le nouveau maire est installé solennellement le 25 mars, au terme d’une grande cérémonie associant au rite traditionnel des éléments nouveaux : le corps de ville, escorté de quatre compagnies de la Garde citoyenne, se rend à Saint-Martin. Dans une chapelle latérale (le chœur est inaccessible, en raison d’importants travaux de réfection entamés par les chanoines quelques mois auparavant), la municipalité entend une messe, « selon l’usage ancien », puis assiste à l’hôtel de ville au serment du maire. Cependant, malgré ses promesses, Mignon tarde à prendre ses fonctions et surtout à les assurer de manière continue. Quelques semaines plus tard, il est élu au District : tenu de choisir, il préfère démissionner de sa place de premier magistrat de la ville.
- 83 P. Leveel, Petite histoire de Touraine. Des origines à l’an 2000, 2001. Cette démarche n’est pas s (...)
94Avant de se retirer, Mignon profite de son statut de maire pour effectuer auprès de l’Assemblée nationale une démarche dont le but n’est pas très clair. En mars 1790, la Ville décide, à l’initiative du maire, d’envoyer près du Comité de Constitution – celui-là même qui discute des limites à donner aux nouveaux départements – une délégation de trois personnes. Le maire, le comte de Marcé et Murgallet se présentent à la séance du 3 avril et assurent la municipalité qu’ils sont prêts à partir. S’agissait-il d’obtenir le rattachement du Richelois – dont Mignon était originaire puisqu’il avait vu le jour à Prinçay – à la Touraine83 ? Ce voyage, dont le détail nous demeure inconnu, est un demi-échec puisque le Richelois n’est que partiellement rattaché à l’Indre-et-Loire.
Les renouvellements de novembre 1790 et novembre 1791
- 84 La plupart des édiles tourangeaux qui ont émis le désir de partir, sans doute désireux de s’écarte (...)
95Contrastant avec les textes de la période précédente relatifs aux institutions municipales, la loi de décembre 1789 précise avec soin les modalités à suivre pour le renouvellement des édiles. Ceux-ci doivent être remplacés au terme de leur mandat ou lorsqu’ils démissionnent pour des raisons personnelles84. Le maire, le procureur de la commune et son substitut sont élus pour 2 ans et rééligibles ; les autres membres de la municipalité, également désignés pour 2 ans, sont renouvelables par moitié chaque année. La loi interdisant le cumul des fonctions publiques, toute élection comme administrateur de département ou de district, juge de paix, accusateur public, et ecclésiastique à partir de 1791, oblige les officiers à choisir. De manière systématique, ils préfèrent leur nouveau mandat, généralement moins exposé.
- 85 Sous le nouveau régime, le notable contacté peut refuser la promotion. Dans ce cas, le notable sui (...)
96Par ailleurs, afin de conserver aux corps municipaux une certaine cohérence, la loi prévoit de remplacer certains élus en cas de départ en cours d’année. On doit organiser une élection extraordinaire pour désigner le remplaçant d’un maire démissionnaire, et un officier municipal décédé ou démissionnaire doit être remplacé par le premier notable du conseil général85. Ce procédé n’est pas sans rappeler le cursus honorum institué en 1765 par L’Averdy. En revanche, la loi n’impose pas le renouvellement immédiat des notables manquants : leurs remplaçants doivent être choisis au cours des élections ordinaires. Ces règles expliquent que l’effectif des officiers municipaux soit toujours au complet, tandis que celui des membres du conseil général, sorte de vivier de secours, diminue au fil des mois.
97La municipalité tourangelle obéit imparfaitement à ces dispositions légales. Ainsi, malgré la démission du 2e maire de Tours, Prudent Jean Bruley, il n’y a pas d’élections anticipées. Élu maire en novembre 1790, Bruley préfère siéger à la Législative, où il avait été élu le 31 août 1791 : il n’est pas remplacé et c’est François Cartier-Roze, le premier officier municipal, qui assure les fonctions de premier magistrat de la Ville durant le dernier semestre de l’année. En fait, si le corps de ville n’organise pas de nouvelles élections immédiatement, c’est vraisemblablement par souci d’économie : il préfère attendre la fin des réorganisations administratives ou judiciaires alors en cours.
- 86 Au terme de la première année de mandat, fixé à novembre 1790, la loi prévoit un tirage au sort de (...)
- 87 Des 24 notables en place en novembre 1790, il n’en reste que 7 un an plus tard : 2 ont démissionné (...)
98La Ville attend donc les élections de novembre 1790 et de novembre 1791 pour remplacer tous les officiers sortants : ils sont 19 en novembre 1790 – le maire, le substitut du procureur, 5 officiers municipaux et 12 notables –, soit à peu près le nombre prévu par la loi86, mais 26 l’année suivante : le maire, 6 officiers municipaux, 17 notables, le procureur de la commune et son substitut. Cette inflation s’explique en partie par la mise en place de la loi interdisant le cumul des charges publiques : nombreux ont été les édiles à préférer siéger au sein des administrations supérieures où ils ont été appelés. D’autres ont démissionné pour échapper aux critiques des citoyens87.
- 88 En 1790, les opérations débutèrent le 14 novembre, mais elles durent être aussitôt interrompues à (...)
- 89 Le bâtiment sera acquis par la Ville en septembre 1792 pour 6 008 L. Cf. chap. VI.
99Les opérations électorales, organisées du 22 au 27 novembre 1790 et du 14 au 23 novembre 179188, suivent le schéma adopté en janvier et février 1790, à quelques nuances près. La seule modification importante concerne les lieux de vote, dont les emplacements changent en 1791. Les bureaux, installés dans des bâtiments proches de l’hôtel de ville en janvier-février 1790, sont réutilisés en novembre de la même année, à l’exception de celui du 5e district, dit du collège : l’église de l’établissement scolaire, en piteux état, est abandonnée au profit de celle des jacobins. Par contre, en novembre 1791, la municipalité doit transférer la plupart des bureaux de vote à cause de la vente de nombreux bâtiments ecclésiastiques comme biens nationaux : les électeurs du faubourg de Notre-Dame La-Riche votent désormais dans la chapelle Saint-Médard, ceux de Saint-Éloy à Saint-Clément89, ceux des cordeliers dans l’église de Saint-Vincent et enfin ceux de la partie orientale de la ville à Saint-Pierre-du-Boile. Ces changements, qui rapprochent les bureaux de vote des électeurs, n’empêchent pas la baisse du nombre de votants.
- 90 Il y en a quatre en novembre pour l’élection de Savary, puis, après la démission de ce dernier, de (...)
- 91 Quant au receveur Luce et au secrétaire greffier Jacquet Delahaye, ils restèrent en fonction jusqu (...)
100Comme les années précédentes, les électeurs sont appelés à leur devoir, huit jours avant le début des opérations, par des affiches et des annonces publiques faites au prône par les curés et dans les rues par le crieur municipal. Le jour dit, alors que le son du tambour les convoque, les citoyens se rendent dans les bureaux de vote surveillés par des fusiliers en armes. De son côté, la municipalité reste en permanence à l’hôtel de ville pour recueillir le résultat des dépouillements, qu’elle consigne dans ses registres. Auparavant, elle a désigné cinq des siens pour ouvrir les séances et faire élire, par les électeurs présents, un bureau complété de plusieurs assesseurs chargés de surveiller les dépouillements. De même qu’en janvier-février 1790, et malgré le risque d’erreurs, on n’organise pas autant de scrutins qu’il y a de places à pourvoir : on en compte sept en novembre 1790 (un pour le maire, trois pour le substitut, deux pour les officiers municipaux et un pour l’ensemble des notables) et quinze l’année suivante (six pour le maire90, cinq pour le procureur, un pour son substitut et trois pour tous les officiers municipaux91). Les élus sont avertis par une députation chargée de recueillir leur décision : en cas de refus, les électeurs recommencent ; en cas d’acceptation, ils procèdent au vote suivant. Contrairement à ce qui s’est passé en janvier-février 1790, le secrétaire greffier n’enregistre aucune fraude ou erreur, mais nous ignorons si cela reflète la réalité ou si c’est dû à un silence des registres. À la fin des opérations, les nouveaux élus sont installés par leurs prédécesseurs, qui se retirent aussitôt : le nouveau maire et le nouveau procureur de la commune en profitent pour prononcer un discours « analogue aux circonstances ». Cette pratique est nouvelle : sous l’Ancien Régime, les nouveaux édiles prenaient acte de leur nomination sans autre commentaire. La Révolution est plus bavarde : tout événement est mis à profit pour rappeler aux citoyens les mérites des principes nouveaux. Dans les jours qui suivent, les nouveaux élus sont félicités par différents corps de la ville désireux de réaffirmer leur fidélité.
101À première vue (graphique 6), le profil socioprofessionnel de la plupart des élus de 1790 et 1791 ne diffère guère de celui de leurs prédécesseurs.
Graphique 6 – Répartition socioprofessionnelle des membres des municipalités élues en novembre 1790 et 1791.

102La proportion des marchands et des officiers, qui constituent le plus gros des catégories représentées à la municipalité, reste stable : en novembre 1790, les premiers sont 32 %, les seconds 29 % ; ils forment respectivement 34 % et 18 % de la municipalité élue l’année suivante. On trouve par ailleurs un élu ecclésiastique en novembre 1790 et 2 en novembre 1791 – il s’agit de René Germain Pottier et de Claude Richard Maréchal, qui font le choix de la vie publique en quittant leur sacerdoce –, un militaire en novembre 1790 (trois avaient été désignés en février 1790) et deux en novembre 1791 (Woorm et Thenon). Le nombre d’officiers exerçant une profession libérale reste stable avec 2 élus, tout comme celui des personnes issues de l’artisanat (7 et 5 élus).
103Lorsqu’on affine l’analyse en fonction de la place occupée (graphiques 7 et 8), on constate que les électeurs choisissent encore volontiers les officiers municipaux dans la catégorie sociale considérée des officiers (bien que, dans ce groupe, les petits officiers aient gagné en importance par rapport aux officiers supérieurs : 29 % contre 7 %). La catégorie des entrepreneurs et des marchands ne représente encore que 14 % du total des membres du corps de ville restreint.
Graphique 7 – Répartition socioprofessionnelle des membres des corps de ville restreints élus en novembre 1790 et 1791.

104Plus on descend dans la hiérarchie des places municipales, moins le choix semble recherché : en novembre 1790, les notables sont choisis essentiellement parmi les petits officiers et les marchands (24 et 32 %) tandis que 16 % sont issus de l’artisanat. La situation change notablement en novembre 1791.
Graphique 8 – Répartition socioprofessionnelle des membres des conseils généraux élus en novembre 1790 et 1791.

105Les membres du corps de ville restreint sont, cette fois, choisis à près de 43 % dans la catégorie des entrepreneurs et marchands, 14 % parmi les magistrats (officiers) et autant parmi les militaires. Le choix des électeurs est plus diversifié en ce qui concerne les notables : 34 % sont des entrepreneurs, près de 18 % des officiers, et l’on compte aussi deux ecclésiastiques, deux militaires et deux individus exerçant une profession libérale. Les artisans, qui avaient disparu en novembre 1790, reviennent et forment 13 % du total des notables élus.
- 92 Faute de documentation, on ne peut connaître le nombre exact des électeurs de Tours en 1791 et 179 (...)
- 93 En 1792, malgré l’instauration du suffrage universel masculin, le nombre de votants restera médioc (...)
- 94 P. Gueniffey, Le nombre et la raison… op. cit. ; M. Crook et M. Genty, op. cit.
106À l’issue de cette étude, il nous a paru intéressant de nous interroger sur le degré d’adhésion des Tourangeaux au processus révolutionnaire. Trois indices tendent à démontrer la désaffection progressive des élites tourangelles pour les places municipales. Tout d’abord, en dépit des mesures destinées à rapprocher les électeurs de leurs lieux de vote, le nombre de votants n’a cessé de diminuer : il s’effondre entre janvier et novembre 1790, passant d’une moyenne, calculée sur l’ensemble des procès-verbaux retrouvés, de 1 172 à 34692. En novembre 1791, on enregistre une nouvelle baisse puisque l’on atteint une moyenne de 271 votants93. La courbe de la participation des citoyens suit la même évolution que celui de la plupart des départements étudiés par les historiens : une forte mobilisation au printemps de 1790, suivie d’un effondrement brutal en juin 1791 et d’un nouvel affaissement en 179294. Le nombre de votants varie en fonction du poste à pourvoir : il est plus élevé lorsqu’il faut choisir le maire, le procureur ou son substitut – postes éminemment politiques –, mais retombe lorsqu’on désigne les officiers municipaux et les notables.
107Par ailleurs, le nombre des élus qui refusent de siéger ne cesse d’augmenter. De 5 en janvier-février 1790, ils passent à 7 en novembre de la même année pour doubler l’année suivante : ces refus sont fréquents pour les postes politiquement exposés de maire, procureur ou officier municipal. Les élites traditionnellement pressenties pour occuper de telles fonctions hésitent de plus en plus à les accepter. Le corollaire de cette augmentation du nombre de refus est la baisse du nombre de personnes désignées à chaque scrutin par les électeurs. En janvier 1790, les noms de 72 personnalités figurent sur les bulletins, alors qu’on ne sait rien de l’élection des officiers municipaux et des notables. En novembre de la même année, les bulletins n’en mentionnent plus que 27, tous postes confondus. L’année suivante, le nombre remonte à 40, mais il est vrai que les renouvellements sont plus nombreux qu’en 1790. La marche du processus révolutionnaire et la longueur des opérations ont sans doute découragé beaucoup de candidats potentiels. Cela peut aussi traduire une plus grande maturité politique des électeurs ou un début de « professionnalisation » des « candidats ».
108Enfin, il est évident que les élites traditionnellement attachées au pouvoir municipal fuient désormais les fonctions échevinales, préférant celles moins exposées du Département ou du District. Cette attitude explique le renouvellement accéléré des membres d’une municipalité à une autre : alors que la deuxième municipalité comporte 20 officiers déjà présents dans la première, la troisième ne comporte plus aucun officier de la première et seulement 7 édiles déjà présents dans la deuxième.
*
109Passée la semaine de grande effervescence de la fin du mois de juillet, les événements de l’été 1789 furent assez peu dramatiques. Mais leurs conséquences furent, comme ailleurs, importantes : un Comité permanent provisoire remplaça dès le 22 juillet une institution municipale chancelante depuis quelques mois déjà. Sans se substituer à elle, le Comité entendait, en l’absorbant, remédier aux désordres ambiants, et son importance grandit au fur et à mesure du retrait de l’ancienne municipalité. Néanmoins, conscient de son illégitimité, le Comité exprima très vite le désir de se voir suppléé par une nouvelle institution conforme aux souhaits de l’Assemblée nationale. Il rejoignait ainsi le vœu des députés de mettre fin au plus tôt au règne des instances municipales révolutionnaires installées dans la précipitation. Cette période d’incertitudes fut l’occasion pour une partie des Tourangeaux de s’exprimer : la ville connut une sorte d’expérience de démocratie directe. Elle prit fin avec la loi du 14 décembre 1789, qui ordonna la mise en place d’un nouveau corps municipal élu.
110Les élections de janvier-février 1790, organisées assez vite et sans problème majeur, appelèrent quelques membres du Comité aux fonctions municipales. Les scrutins suivants, de novembre 1790 et novembre 1791, conduisirent au pouvoir municipal de nombreux hommes nouveaux, mais ceux-ci furent élus par un nombre chaque année moins important d’électeurs. Par lassitude, désaveu du processus révolutionnaire ou bien à cause de la complexité des dossiers, beaucoup d’électeurs boudaient le vote. Parallèlement, les officiers municipaux furent nombreux à quitter le devant d’une scène déjà fortement politisée, où l’enjeu était moins la conduite de la ville que l’avenir du régime et où ils devaient se sentir de plus en plus dangereusement exposés.
Notes
1 Sur les conditions climatiques de cet hiver 1789 : B. Maillard, Les campagnes…, op. cit.
2 Sur les inquiétudes de la population et les troubles de 1789 : N. Vallée, Les troubles et émotions populaires en Touraine à l’époque révolutionnaire, 1985.
3 À Tours, l’inondation dure très longtemps puisque la ville est encore sous les eaux le 1er avril.
4 ADIL, C 241 et surtout AMT, BB 82, fos 134 à 136 : rapport de l’ingénieur de Montrocher intitulé Mémoire sur la débâcle des glaces de la Loire qui s’est faite à Tours le 23 janvier 1789, […] événement mémorable et assez extraordinaire pour mériter une dissertation détaillée.
5 La nuit suivante, on installa des « pots de feu » et on plaça deux personnes près du pont pour détourner la circulation et garantir la « sureté des voyageurs pendant la nuit ».
6 La veille, ils n’avaient pu « s’assurer du malheur arrivé qu’en se servant de portevoix [sic] ». Sur ce terrible épisode : AMT, BB 82, 26 janvier 1789.
7 Il s’agit des deux officiers de bourgeoisie également députés de la paroisse, Jean-Baptiste Pasquin et Toussaint Radault.
8 Contacté par le corps de ville désemparé, de Conzié avait commencé par refuser de prendre « sur lui de faire rompre la levée sans entendre les ingénieurs et savoir si vraiment le danger est imminent ».
9 L’assemblée abandonna d’autant plus vite la seconde solution que les habitants de la varenne de SaintPierre-des-Corps s’étaient armés de fusils et se tenaient prêts à « sacrifier leur vie pour sauver leur bien ».
10 Malgré cette décision royale, la municipalité dut faire face à la convoitise d’un certain Desmarais et à une exigence du directeur des postes. Le premier était fermier d’un passage entre La Guignière (à Saint-Cyr) et les grèves de Villeperdue. Profitant de la destruction partielle du pont, il avait installé un bac à l’endroit pourtant réservé à la municipalité, entre le Port de Bretagne et le quai des Barbeaux. Une décision de l’intendant interdit finalement l’entreprise. De son côté, le directeur de la poste aux lettres avait signé un contrat avec le voiturier Lebeau pour « éviter les retards des courriers au passage de la Loire » : le contrat, autorisé par le commissaire départi, exigeait que les mariniers préposés aux passages fassent transiter les malles et les courriers du cabinet à toute heure du jour ou de la nuit. Malgré ses réclamations, le corps de ville dut finalement accepter que les lettres transitent par le bac de Saint-Cyr.
11 L’entreprise est immortalisée par un tableau offert par Rougeot au Département.
12 Les édiles refusent de recevoir sa plainte, évaluant à 32 L par jour le bénéfice du fermier : en un mois, la recette a été de 2047 L et la dépense de 59 L. Quelques jours après, l’ingénieur de Montrocher confirme cet avis et propose même de diminuer le tarif des passages. La décision de l’intendant, que l’on prie de trancher, ne nous est pas connue. Sur les mesures prises pour pallier la destruction du pont : AMT, BB 82 et BB 83.
13 AMT, HH 15 (2e partie).
14 B. Maillard, Les campagnes…, op. cit.
15 L’autorité municipale est légitimée par le directeur général des finances et le roi, qui acceptent la plupart de ses mesures. L’intendant fait de même depuis la capitale, où il s’est rendu à l’automne 1788.
16 Un état des ressources et des besoins de la ville est établi ce jour-là, ainsi que les capacités des marchés des villages voisins : ceux-ci sont si « épuisés » que les ruraux (d’Amboise ou de Bléré) viennent s’approvisionner à Tours. Ainsi, alors qu’il faut entre 25 et 30 fournitures (525 à 630 setiers) par marché – sans compter la consommation des boulangers qui se fournissent à Cormery et autres marchés voisins –, il en faut désormais 36. Or on constate que les quantités disponibles pour les deux marchés à venir sont largement insuffisantes : 12 fournitures, dont cinq provenant des campagnes voisines et sept fournies par l’intendant.
17 Il ne s’agissait pas d’inconnus, puisque Salmon, maître particulier en la juridiction des eaux et forêts, avait été notable durant la réforme de L’Averdy. De leur côté, les marchands Gaultier-Nicoleau et Lefebvre-Thoisnier avaient été députés de paroisses. Roze de la Taillerie était le beau-frère des échevins Baudichon-Roze et Simon-Roze.
18 Cf. infra.
19 La réponse des services du roi est inhabituellement rapide, puisque l’arrêt du Conseil qui autorise l’emprunt est signé dès le 18 avril et rendu exécutoire par l’ordonnance de l’intendant d’Aine du 29. Malgré tout, le corps de ville anticipe la décision, craignant de ne plus trouver de blé ou de ne plus pouvoir l’acheminer si le niveau de la Loire vient à baisser.
20 AMT, BB 83.
21 En revanche, on décida de ne rien acheter à Monts, Artannes ou Azay, lieux d’approvisionnement des boulangers.
22 Selon les comptes précis (AMT, HH 15), les achats se montèrent en définitive à 193 632 L tandis que les ventes des grains et farines rapportèrent 170 226 L. Il manquait donc 23 406 L pour rembourser les souscripteurs. Certains consentirent à abandonner purement et simplement leurs créances : Marmoutier et les chapitres de Saint-Gatien et de Saint-Martin à hauteur de 7 500 L chacun, Prudhomme aîné pour 2 250 L et Prudhomme le jeune pour 1 800 L, tandis que Simon-Roze avança le reliquat, soit 5 481 L.
23 Jusque-là, les inquiétudes avaient persisté : le 22 avril, le marché ne comptait que 25 setiers de seigle et de froment apportés par Girard, tandis que les villes voisines affirmaient être encore plus dépourvues que Tours. On craignait pour le marché du samedi 25, mais deux jours plus tard, les premiers arrivages calmèrent les angoisses.
24 B. Maillard, Les campagnes…, op. cit.
25 La Ville avait mis ses stocks à l’abri dans un des greniers de Saint-Julien. Elle y puisait deux fois par semaine pour garnir les marchés de 19 fournitures (400 setiers), soit la moitié des grains nécessaires à l’approvisionnement habituel, qu’elle cédait à 1 sol le boisseau au-dessous du prix courant : fin avril, le boisseau de froment de première qualité valait environ 56 sols. La confiance revenant progressivement, la Ville réduisit ses approvisionnements à 5,7 fournitures par marché. Le 10 juin, un quart des stocks était déjà vendu et les magasins municipaux contenaient encore 231 fournitures, que la Ville gardait jalousement. Le 26 juin, celle-ci annonçait disposer encore de 105,8 fournitures. Ce sont ces réserves qu’il est question de céder, début juillet, aux boulangers.
26 Cf. chap. VII.
27 L’histoire de la période courant du 17 juillet au 10 août a été difficilement reconstituée à partir des renseignements tirés du dernier registre de délibération d’Ancien Régime (AMT, BB 83) et du premier registre du Comité (AMT, 1D1), complétés par les récits de H. faye (La Révolution au jour le jour en Touraine, 1906), qui a eu accès à des documents aujourd’hui disparus.
28 Voir plus loin le cas de ces « jeunes gens » qui semblent avoir joué un rôle non négligeable dans le déclenchement de la Révolution à Tours. À Chinon, la jeunesse, tout aussi remuante, avait exigé de porter la cocarde à la même époque. B. Maillard, Les campagnes…, op. cit.
29 Cf. infra.
30 Son domestique est emprisonné pour le soustraire à la fureur populaire. Il est libéré le 23 juillet. Pour mettre fin à l’effervescence générale, les « jeunes gens » sont autorisés à examiner les registres du défunt : ils ne trouveront « rien de compromettant » et en aviseront le public. En octobre, la veuve Girard fera établir par le notaire Archambault de Beaune (ADIL, 3 E 6/236) un inventaire des biens et des marchandises de son époux qui confirmera l’honnêteté des affaires du négociant.
31 G. Lefebvre, La Grande Peur, 1932, rééd. 1988.
32 Cf. infra.
33 D. Ligou, Montauban à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution, 1958 ; D. Ligou, « À propos de la Révolution municipale », rhes, 1960.
34 H. Faye fait allusion à un document établi sur un « papier libre » relatant les faits de ces journées, document aujourd’hui introuvable aux archives. La Révolution au jour le jour…, op. cit. La reconstitution de ces journées difficiles est malaisée : le secrétaire greffier a laissé le récit du Te Deum inachevé ainsi que de l’assemblée des députés des paroisses, pour laquelle n’apparaissent que les noms. C’est seulement le 11 août suivant, une fois le calme revenu, que le secrétaire greffier demande au Comité de bien vouloir signer la « délibération interrompue du 21 ».
35 AMT, AA 7-8. La mesure est prise par une « assemblée des officiers municipaux, notables de paroisses, officiers de bourgeoisie et citoyens assemblés ».
36 C. Petitfrère, Les Bleus d’Anjou (1789-1792), 1985.
37 Il s’agissait des curés de Saint-Pierre-le-Puellier, Saint-Saturnin, Saint-Hilaire et Saint-Étienne.
38 Ces noms sont ceux des signataires d’une lettre de soutien adressée au Comité (AMT, EE 14-15) : Bigot, Bigot la Rivière, Buhourd d’Argy, Charuet le jeune, Robert de Marcombe chevalier, Despre/ Dempre, Heron le jeune, Étienne Lebreton, Pierre Lebreton, Lenoir, Lheurs, J. Macé, Marros [Martin ?] Delavault, Hervé Monmousseau, Odin, Padelinetti, Louis Texier-Olivier et Turpain. À l’exception de trois personnages, on ne sait pas grand-chose d’eux : Buhourd était clerc de notaire et Padelinetty était le fils d’une célèbre commerçante tenant boutique près de Saint-Julien. Fils de Louis-François, receveur du comte de La Rivière, marquis de Paulmy et de Wartigny, LouisTexier-Olivier avait fait ses études de droit à Paris ; à son retour, il était devenu clerc de procureur à la veille de la Révolution. Il fit ensuite une belle carrière politique et administrative : membre du conseil général du département (septembre 1792), commissaire central auprès de l’administration du département (frimaire an IV), puis membre du Conseil des Cinq-Cents (an VI) et enfin préfet (1800 à 1814).
39 La seconde catégorie est composée d’éléments supplétifs occasionnels jugés moins fiables. Cf. chap. vii.
40 J.-A. Tournerie, « La fin de l’intendance à Tours », op. cit.
41 Cf. infra.
42 Necker ayant refusé sa démission, d’Aine séjourne quelques semaines à Paris, puis émigre pour plusieurs années. Les services de l’intendance continueront de fonctionner jusqu’en juillet 1790, grâce au subdélégué Genty et au secrétaire Nadaud.
43 Après le 6 septembre, les comités particuliers n’ont plus lieu qu’une fois par jour, « depuis 4 heures de relevée jusqu’à 8 heures », tandis que les comités généraux sont réunis deux fois par semaine, les mercredi et dimanche après-midi. Une semaine plus tard, le 13 septembre, les premiers sont supprimés et remplacés par des comités « tous généraux » qu’on limite à trois par semaine, tenus les lundis, mercredis et samedis. Le 7 octobre, ceux-ci sont ramenés à deux, tenus les mercredis et samedis. Enfin, en décembre, ils ne sont plus réunis qu’une fois par semaine.
44 Au début du mois d’août, le Comité prolonge la mesure prise le 17 juillet par le corps de ville : il verse des indemnités aux boulangers qui s’engagent à vendre en dessous du prix courant. Pour couvrir ces nouveaux achats de blé, le Comité lance une seconde souscription, en attendant que l’emprunt de 150 000 L qu’il sollicite soit accepté. La souscription, autorisée par un arrêt du Conseil sanctionnant les décrets de l’Assemblée nationale des 29 août et 18 septembre, rapporte difficilement 138 331 L.Toutefois, à l’inverse de la première, ouverte en avril, une bonne part (près de 55 000 L) est purement et simplement offerte, sans exigence de remboursement. Le premier receveur, René Dervaux, démissionne le 2 août : il est remplacé par le négociant Louis Philippe Lefebvre-Mistouflet. Ce dernier travailla étroitement avec le Bureau des subsistances.
45 Il est également tenu de les faire signer par les membres du Comité « les plus instruits sur ce qui s’est passé dans ces temps calamiteux ayant pour la majeure partie assistés aux assemblées qui ont été tenues aux dattes cy dessus expliquées [sic] » : il s’agissait de Beaucousin, Martilly, Gaudin et Dubreuil.
46 Grignon assiste aux séances du Comité jusqu’au 6 août.
47 Les édiles avaient par ailleurs pris sur eux de signer quelques baux arrêtés le 15 juillet par l’ancienne municipalité, sans en référer à la nouvelle instance dirigeante.
48 Ce poète peu connu, dit aussi Aubri de Paris et dont le patronyme s’écrit parfois Aubry, était l’auteur, entre autres, d’une pastorale intitulée Les Vendanges de Joué en Touraine ou le Retour d’une infidèle (1774). Né à Paris, paroisse Saint-Sulpice, le 12 septembre 1745 de Nicolas Marie Aubry et de Marie-Anne Leroux, il était aussi le cousin « issu de germain » de Joseph Robert Aubry (information trouvée dans le contrat de mariage Aubry-Patas en date du 18 janvier 1793, me Hubert, ADIL, 3 E 4/500). Mort à Tours le 13 mars 1823, il était alors désigné comme rentier et célibataire (L. de Grandmaison, BSAT, t. xxvii, p. 124 et fichier des AMT).
49 Une exception toutefois, la grosse querelle qui éclate le 24 octobre à la suite d’une question apparemment secondaire, celle de savoir s’il était nécessaire d’ouvrir de nouveaux corps de garde. Les « mots ont été durs » ce jour-là, provoquant la démission du président Louis Soreau. Assuré du soutien de Hubert Bourguin et de Pierre Boret, qui promirent de donner, eux aussi, leur démission si Soreau ne revenait pas sur sa décision, ce dernier accepta de reprendre sa place.
50 AMT, 1D1, 5 août 1789.
51 Cf. chap. II.
52 Ce nombre était légèrement supérieur à celui fixé par la pratique des années 1780 : la paroisse de Saint-Venant prit en effet la liberté de nommer deux délégués au lieu d’un seul, comme elle était autorisée à le faire depuis 1619.
53 AMT, 1D3, 21 septembre, 21 octobre et 10 novembre 1789.
54 Le 21 novembre, un autre prétexte s’ajouta au premier : les officiers de la « garde citoyenne » avaient-ils le droit d’être élus députés de paroisse ? La réponse du Comité n’étant pas très claire, un groupe mené principalement par Pierre Bucheron demanda « le jugement de la gallerie », qui se prononça pour l’exclusion des officiers. Cédant à la pression du public présent, le Comité adopta cet avis. Mais, le 25 novembre suivant, une députation des officiers de la garde vint réclamer contre la décision prise le 21 : revenant sur son avis précédent, la « gallerie » annonça que « son vœu était que les officiers ne fussent point exclus de la nomination des députés et que la question fut renvoyée aux paroisses ». Le Comité céda une nouvelle fois. AMT, 1D3.
55 Ce jour-là, les députés des paroisses frondeurs rouvrent le registre de délibérations de l’ancienne municipalité et y consignent leurs décisions. Ils prévoient notamment d’élire prochainement un nouveau corps de ville et, en attendant, offrent la présidence de leurs séances à l’ancien échevin Simon-Roze. Le 2 décembre, les députés s’assemblent effectivement, « en vertu de la délibération du 21 », mais la transcription de la réunion de ce jour est restée inachevée sans qu’une explication ait été donnée.
56 AMT, 1D3, 28 novembre, 2 et 7 décembre 1789.
57 Gervaize, dont la vie est menacée, doit précipitamment quitter la salle.
58 Le secrétaire greffier refuse de transcrire la décision au motif qu’elle « n’a pas été signée du président de la séance », ce qui entraîne la désignation d’un secrétaire provisoire, un certain Benoist, qui accepte de rédiger la délibération sur une « feuille volante » (plus tard rattachée au registre). De leur côté, certaines paroisses – deux ou trois selon Henri Faye – procèdent le lendemain à l’élection de leurs députés sans que soit dressé de procès-verbal. H. Faye, La Révolution au jour le jour, op. cit. Une rumeur circule quelques jours plus tard, qui tend à démontrer que certains de ces députés n’ont en rien renoncé à leur ambition : de Courbière aurait adressé à l’Assemblée nationale le projet de l’adresse imaginée fin novembre. Convoqué le 10 décembre, ce particulier nie et l’affaire ne va pas plus loin. Le tumulte de la « galerie » disparaît bientôt, ainsi que les revendications des députés des paroisses.
59 Le 30 novembre, ils sont cinq à se récuser et trois de plus le 2 décembre.
60 Seuls les officiers de la Garde citoyenne réagissent à cette décision et prient le Comité de rester en place jusqu’à l’installation des nouveaux élus. Sans doute cette démarche était-elle intéressée puisqu’ils obtiennent un siège aux séances de travail du Comité, offert au chef de l’état-major.
61 Sur la création de la Garde citoyenne, cf. chap. VII.
62 Elle était également chargée de donner, uniquement en l’absence du Comité, les ordres en matière militaire et de juger les délits commis par les citoyens en armes. AMT, 1D4.
63 Soucieux de l’approvisionnement en céréales de la ville, ils proposent, pour éviter les exportations douteuses ou abusives, d’imposer aux amidonniers une déclaration hebdomadaire des produits vendus.
64 Le choix de Coulon suscita la protestation des officiers de la Garde citoyenne, qu’il avait froissés dans un de ses discours. Sur le cas de Coulon, cf. infra.
65 J. Godechot, Les institutions de la France sous la Révolution et l’Empire, 1968.
66 Le terme de commune, au sens de municipalité et se substituant à celui de paroisse, apparaît pour la première fois dans la loi du 14 décembre. Il sera repris dans la constitution de 1791. Le terme était toutefois apparu bien avant, sous l’Ancien Régime, et fut utilisé assez souvent par le Comité de Tours à l’été et à l’automne 1789.
67 Remarquons ici la ressemblance avec la réforme de L’Averdy, du moins en ce qui concerne la sémantique.
68 S. Petitet, Histoire des institutions urbaines, 1998.
69 Sur les critères retenus pour distinguer les électeurs et les éligibles, cf. infra. Pour organiser les élections, la Commission municipale dut dénombrer la population. Le travail, qui laissait de côté une partie des ecclésiastiques, fut réalisé à partir des rôles de capitation et de ceux de la Garde citoyenne. Il aboutit à un total de 19 661 habitants, chiffre inférieur à celui donné par le corps de ville en 1781 (20 210) (cf. chap. vi) et à celui (environ 24 000) calculé par certains historiens. H. Mariani, Les Tourangeaux en 1790, 1993.
70 On retrouve ici les 9 membres de la Commission municipale élue le 17 décembre, auxquels on a adjoint Boret, Cartier-Roze et Gervaize, eux aussi anciens membres du Comité.
71 AMT, BB 83. Cette condition n’est pas une nouveauté : sous l’Ancien Régime, tout failli devait démissionner de ses fonctions publiques.
72 À l’été 1791, les conditions du suffrage censitaire furent relevées pour exclure du vote les plus humbles. Cette mesure explique en partie la baisse du nombre d’électeurs au cours des élections des années suivantes. Jourdan, La Révolution, une exception française ?, 2004.
73 AMT, BB 10.
74 Cette méthode, jugée trop coûteuse, est cependant vite abandonnée.
75 La présence des curés dans les assemblées électorales, pour maintenir l’ordre et la soumission aux décrets de l’Assemblée nationale comme aux arrêtés de la municipalité, est jugée si importante qu’ils ne sont pas autorisés à s’absenter pour donner les sacrements ou consoler les mourants et doivent se faire remplacer par leurs vicaires.
76 P. Gueniffey, Le nombre et la raison. La Révolution française et les élections, 1993 ; M. Crook, « Les Français devant le vote : participation et pratiques électorales à l’époque de la Révolution française », in Les pratiques politiques en province à l’époque de la Révolution française, 1988 ; M. Crook, « Révolution française et comportement électoral : l’exemple de Toulon et le Var de 1789 à 1793 », 1987 ; M. Genty, Paris 1789-1795. L’apprentissage de la citoyenneté, 1987.
77 Cf. infra.
78 Il s’agissait de Pierre Cyprien Aubri, cf. supra.
79 AMT, 1D3. Coulon prit également part à la fronde interne du 28 novembre qui réclamait le maintien des élections des députés des paroisses devant remplacer le Comité, mais il se rétracta quelques jours plus tard.
80 Malgré la promesse faite à madame Simon, la Commission se proposa de réviser une nouvelle fois les comptes de son époux, sans doute pour faire taire les murmures.
81 Ces négociants étaient par ailleurs très liés à la municipalité d’Ancien Régime puisque Alexandre Pierre, dit Gouin le jeune, avait épousé une nièce d’Étienne J. Ch. Benoît de La Grandière.
82 La Commission Intermédiaire, l’hôpital général, l’Hôtel-Dieu, le collège, les chapitres de Saint-Martin et de Saint-Gatien, les chirurgiens, les minimes, Saint-Julien, Marmoutier, les capucins, la « toute jeune société patriotique » écrivent tour à tour. Certains corps, tel le chapitre de Saint-Martin, en profitent pour réclamer la protection municipale à propos de leur avenir.
83 P. Leveel, Petite histoire de Touraine. Des origines à l’an 2000, 2001. Cette démarche n’est pas sans rappeler, toutes proportions gardées, celle effectuée par les Saumurois pour tenter de constituer, à leur profit, un département dont le ressort aurait correspondu à celui de l’ancienne sénéchaussée. P. Leveel, « Projet d’un département de Saumur », in Soc. Lettres et Sciences du Saumurois, 1985.
84 La plupart des édiles tourangeaux qui ont émis le désir de partir, sans doute désireux de s’écarter d’un processus révolutionnaire dangereux, ont invoqué, par diplomatie ou par prudence, une maladie, une infirmité ou des raisons de travail. Un seul officier décéda en charge, Louis Égron.
85 Sous le nouveau régime, le notable contacté peut refuser la promotion. Dans ce cas, le notable suivant est invité à se prononcer. Au fil des mois, on remarque, dans les registres de délibérations, que les remplacements se font de plus en plus difficiles : en 1791, tous les membres du conseil général contactés refusent les uns après les autres. Le reste de la municipalité s’inquiète de cette désaffection générale auprès des autorités supérieures.
86 Au terme de la première année de mandat, fixé à novembre 1790, la loi prévoit un tirage au sort des premiers sortants, maintient en place le procureur de la commune et ordonne une élection pour son substitut. Le 10 novembre, le conseil général organise donc un tirage au sort. On confectionne des billets portant la mention restant ou sortant que l’on place dans un chapeau : chacun des présents tire un billet à tour de rôle, les absents étant représentés par le procureur de la commune.
87 Des 24 notables en place en novembre 1790, il n’en reste que 7 un an plus tard : 2 ont démissionné, 8 ont été promus officiers, un a été élu au District et 6 sont parvenus au terme de leur mandat. De son côté, le procureur de la commune, Coulon, malmené durant l’émeute de novembre 1791 lorsque la municipalité a voulu ouvrir l’église des cordeliers au culte réfractaire, a préféré démissionner pour échapper à la foule (cf. chap. vii). Son substitut, Douet, ne resta pas plus longtemps puisqu’il fut élu accusateur public au Département.
88 En 1790, les opérations débutèrent le 14 novembre, mais elles durent être aussitôt interrompues à cause d’une inondation qui menaçait la ville. Elles furent reprises huit jours plus tard. L’année suivante, la démission du maire Savary, peu de temps après sa désignation, nécessita une nouvelle élection à partir du 5 décembre, moins d’un mois après la première.
89 Le bâtiment sera acquis par la Ville en septembre 1792 pour 6 008 L. Cf. chap. VI.
90 Il y en a quatre en novembre pour l’élection de Savary, puis, après la démission de ce dernier, deux nouveaux en décembre qui désignent finalement Woorm.
91 Quant au receveur Luce et au secrétaire greffier Jacquet Delahaye, ils restèrent en fonction jusqu’en 1792.
92 Faute de documentation, on ne peut connaître le nombre exact des électeurs de Tours en 1791 et 1792. On peut seulement l’évaluer entre 3 000 et 4 000.
93 En 1792, malgré l’instauration du suffrage universel masculin, le nombre de votants restera médiocre : 286 en moyenne. AMT, 1D29.
94 P. Gueniffey, Le nombre et la raison… op. cit. ; M. Crook et M. Genty, op. cit.
Table des illustrations
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Titre | Graphique 3 – Répartition socioprofessionnelle des membres du Comité permanent. |
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Titre | Graphique 4 – Répartition socioprofessionnelle des Tourangeaux éligibles en février 1790. |
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Titre | Graphique 5 – Répartition socioprofessionnelle des membres de la municipalité élue en février 1790. |
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Titre | Graphique 6 – Répartition socioprofessionnelle des membres des municipalités élues en novembre 1790 et 1791. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/5851/img-4.png |
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Titre | Graphique 7 – Répartition socioprofessionnelle des membres des corps de ville restreints élus en novembre 1790 et 1791. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/5851/img-5.png |
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Titre | Graphique 8 – Répartition socioprofessionnelle des membres des conseils généraux élus en novembre 1790 et 1791. |
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