Tours entre Lumières et Révolution
|Première partie. Les municipalités successives
Chapitre I. La réforme municipale de L’Averdy
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Géographique :
FranceTexte intégral
- 4 M. Antoine, Louis XV, 1989, p. 743-813 et p. 849.
- 5 Les efforts imposés par Machault d’Arnouville (1745-1754) et Moreau de Séchelles (1754-1756) perme (...)
1Les années 1757-1767 sont des «années noires» pour la monarchie, malgré les tardifs efforts de Louis XV pour rétablir son autorité4. Le régime est fragilisé par l’apparition de nouvelles conceptions du pouvoir et par l’émergence d’une opinion publique exigeante, en partie excitée par les revendications des cours souveraines, tandis que le pays se trouve confronté, après une situation financière relativement bonne, à de graves problèmes budgétaires engendrés à la fois par les différentes guerres et par une certaine instabilité ministérielle5.
2En 1759, après plusieurs années d’une gestion des finances publiques au coup par coup, le roi confie avec espoir le contrôle général à Bertin. Homme de valeur, cet ancien intendant protégé de madame de Pompadour est depuis deux ans lieutenant général de police de Paris. Bon connaisseur des théories économiques qui circulent alors, Bertin fait surtout preuve de pragmatisme pour venir à bout des énormes dettes de l’État et faire face aux dépenses annuelles non moins conséquentes. Mais ses mesures – instauration d’un 3e vingtième, doublement de la capitation et création d’un 5e sol pour livre aux droits perçus par la Ferme générale – indisposent les cours supérieures. L’octroi d’abonnements, la difficulté d’enregistrement des textes et le ralentissement des rentrées d’argent qui en découle contraignent le ministre à recourir aux classiques emprunts. Malgré les compromis, l’opposition reste virulente et Bertin doit faire de nouvelles concessions. Il abandonne le 3e vingtième et les suppléments de capitation, tout en prenant les mesures nécessaires afin que les deux vingtièmes maintenus portent dans une proportion plus équitable sur tous les biens-fonds: en avril 1763, il ordonne l’établissement d’un cadastre de toutes les propriétés sans exception. En dépit de ces nouveaux assouplissements, les magistrats, notamment du parlement de Paris, refusent d’enregistrer les textes et deux lits de justice sont nécessaires pour les imposer. Les cours souveraines de province dépassant les cours parisiennes en audace multiplient tant les représentations et les remontrances qu’à la veille des vacances judiciaires, elles n’ont toujours pas enregistré les textes. Malgré le soutien et l’amitié qu’il manifeste à Bertin, le roi, désireux d’apaisement et poussé par le clan des Choiseul, chaque jour plus puissant et peu favorable aux mesures prises par le contrôleur, fait annuler, en novembre 1763 les réformes engagées. Désavoué, le contrôleur quitte le devant de la scène politique, aussitôt remplacé par un presque inconnu, Clément Charles François de L’Averdy.
- 6 La personnalité du nouveau ministre est difficile à cerner, les contemporains, et à leur suite les (...)
- 7 M. Antoine, Louis XV, op. cit.
3La nomination au contrôle général, le 14 décembre 1763, de ce jeune avocat, membre du prestigieux parlement de Paris et protégé de Choiseul6, doit permettre d’apaiser les tensions existantes entre les cours souveraines et la monarchie. De fait, les cours obtiennent l’abandon des mesures de Bertin et bénéficient en outre de la nouvelle méthode de gouvernement instaurée par L’Averdy et son protecteur, qui consiste à les associer à leurs travaux et réflexions. Pourtant, les relations se détériorent de nouveau très vite entre les parlements et le gouvernement, en prémice de l’affaire de Bretagne7, ce qui met fin à l’expérience de gouvernement originale conduite par L’Averdy. Toutefois, si la collaboration active s’arrête, l’essentiel reste acquis: l’ordre public est rétabli et les relations entre la monarchie et les magistrats ont trouvé un certain équilibre basé sur un respect mutuel.
4Très vite, L’Averdy se convainc à son tour de la nécessité de mener des réformes dans l’urgence. Il reprend à son compte certaines des idées de Machault et de Bertin, notamment dans le domaine de la libéralisation du commerce des grains, ce qui est de nature à indisposer les magistrats, même s’il abandonne le projet de cadastre de son prédécesseur. Ses réformes sont par ailleurs sous-tendues par une série de réflexions théoriques: très au fait des débats idéologiques en cours et fort en vogue parmi les magistrats, le ministre fait siennes les idées du courant libéral issu de Montesquieu, auxquelles il a ajouté quelques réflexions chères aux physiocrates ou aux économistes libéraux dont il s’est entouré au contrôle. Néanmoins, il sait rester modéré et pragmatique dans la conduite de son ministère et dans l’élaboration de son ambitieux programme politique, qui, annoncé dès février 1764, comprend trois volets: économique, avec la semi-liberté du commerce des grains; fiscal, avec la réduction des taux d’intérêt; et administratif, avec la réforme des corps et communautés du royaume; dans le but clairement affiché d’assainir leurs finances fortement endettées au lendemain de la guerre de Sept Ans.
5De ce vaste ensemble de mesures, on ne retient généralement que celle qui s’attache aux administrations municipales. Il est vrai que l’histoire des institutions royales au xviiie siècle et des relations avec les cours souveraines a longtemps fait la part belle aux ministres qui ont usé de fermeté à l’égard de la magistrature, Bertin, Maupeou ou Terray. C’est oublier que la monarchie dite absolue a pu envisager, comme Choiseul et L’Averdy, d’associer à ses efforts réformateurs les membres des cours souveraines.
La première tentative d’uniformisation des institutions municipales
- 8 Il a fallu attendre les travaux de M. Bordes pour disposer d’ouvrages complets sur l’application d (...)
- 9 Ph. Guignet, Le pouvoir dans la ville au xviiiesiècle, 1990 ; G. Saupin, « La réforme des élection (...)
6En dépit de son originalité et de son importance historique, le contenu de la réforme municipale de L’Averdy a, pendant longtemps8, peu retenu l’attention des historiens. Il est vrai qu’elle fut très vite éclipsée par d’autres réformes, celle de Turgot en 1775, de Necker en 1787 et surtout celle menée par la Constituante en 1789. De même, ses origines et ses implications pratiques ont longtemps été négligées. Pourtant, au-delà de ses objectifs administratifs, la réforme était ambitieuse : elle visait à intégrer l’ensemble des corps et des communautés du royaume dans le programme de gouvernement du ministre, comme il l’avait fait pour les magistrats. C’est ce que Philippe Guignet, puis Joël Félix et Guy Saupin, comblant une importante lacune historique, ont eu l’heur de démontrer9.
- 10 ADIL, C 328, courrier adressé en août 1764 par le contrôleur à l’intendant Lescalopier.
7Tout comme l’ensemble de l’œuvre politique de L’Averdy, la réforme municipale était à la fois le fruit de l’analyse d’une situation concrète difficile et le résultat d’une réflexion issue de la pensée réformatrice du xviiie siècle. Le ministre s’inspirait de deux courants de pensée – très en vogue au sein des cours souveraines – qui, faisant le même constat d’une certaine inefficacité du pouvoir et malgré leurs divergences, s’accordaient pour recommander la participation des administrés à la chose publique. Le premier, représenté par Voyer d’Argenson, était favorable à une plus grande autonomie des institutions locales ; le second, celui des physiocrates tels que Quesnay ou le marquis de Mirabeau, prônait une plus forte présence de l’État à la tête d’une pyramide d’assemblées élues. Cette réflexion théorique rejoignait le constat réalisé par le contrôleur et ses prédécesseurs, de la situation financière des villes que la pression fiscale exigée par le roi durant la guerre de Sept Ans avait obérée d’une manière parfois dramatique et qu’il convenait de réformer de toute urgence. En 1758-1759, l’ensemble des villes et bourgs du pays durent lever un don gratuit, une imposition extraordinaire instituée pour six années. En dépit de la grogne générale qui aboutit à l’instauration d’un tarif, à l’octroi d’abonnements, à des réductions et à des exemptions diverses, 3 305 communautés durent verser un total de 36 millions de livres. De surcroît, en octobre 1759, on imposa aux communautés urbaines une subvention générale et la levée de 4 nouveaux sous pour livre sur tous les droits perçus par la Ferme générale, taxe portée à 5 sols pour livre en 1760. Dès février 1764, L’Averdy envisageait une urgente remise en ordre des budgets municipaux: «L’état fâcheux dans lequel se trouvent les affaires de la plupart des villes et bourgs du Royaume a déterminé Sa Majesté à y porter un remède aussi prompt qu’efficace », écrit-il en 1764 à l’intendant de Tours Lescalopier10. Convaincu que « l’un des grands maux de ce royaume consiste […] dans la manière dont les revenus patrimoniaux des villes et communautés sont gouvernés », le contrôleur faisait, là aussi, le pari d’associer les administrés à sa politique.
8La réforme administrative est contenue dans un total de 12 textes qui, comme c’est souvent le cas sous l’Ancien Régime, se complètent et se rectifient les uns les autres. Quatre seulement concernent Tours: l’édit d’août 1764 pour les modalités financières, celui de mai 1765 pour les modalités politiques, et les déclarations rectificatives des 15 juin et 27 juillet 1766. En dépit des additifs ou des dispenses concédés, c’est la première fois que le pouvoir central a l’ambition d’uniformiser l’administration des villes tout en cherchant à les libérer de leurs charges, corollaire indispensable de la politique d’apurement des dettes de l’État.
Les modalités financières : l’édit d’août 1764
9Ce premier texte, qui ne s’applique qu’aux villes de plus de 4 500 habitants, a pour but essentiel d’améliorer la gestion de leurs finances. Pour ce faire, deux mesures majeures sont ordonnées: un audit financier et des assemblées de notables.
- 11 L’Averdy exigeait des villes un bilan de leur situation financière avant de leur renvoyer leurs le (...)
10Chaque cité du pays doit établir un audit financier dans le but de nourrir la réflexion entamée conjointement à l’automne 1763 par le gouvernement et les cours souveraines. Ces bilans doivent servir à l’élaboration d’une synthèse générale, base de travail pour les travaux menés par les magistrats du pays, mais également à la rédaction de nouvelles lettres patentes spécifiques à chaque cité, fixant les dépenses et les revenus de chacune et donnant des conseils sur le financement à prévoir11.
11Surtout, le texte instaure des mesures pour tenter d’améliorer la gestion des finances urbaines. Placés directement sous l’autorité centrale, les officiers municipaux sont désormais tenus personnellement responsables de la gestion commune, tandis que leurs décisions en matière financière sont surveillées par des notables institués à cet effet. Ceux-ci forment le point central de la réforme. Réunis au moins deux fois par an par le premier officier municipal, sans autorisation spécifique de l’intendant, ces notables sont les gardiens de l’argent commun. Ils ont la lourde tâche d’examiner, tous les mois de manière brève et tous les ans de façon plus complète, les comptes du receveur. Ce dernier doit accepter leurs remarques et s’y conformer sous peine d’amende. Tous les trois ans, les comptes patrimoniaux sont envoyés au bureau des finances et les comptes d’octrois à la chambre des comptes. Les notables examinent encore les moindres dépenses extraordinaires, gratifications, réparations, constructions nouvelles, acquisitions, aliénations, emprunts, levée d’un nouvel octroi ou adjudications de baux dont le montant dépasse 100 L. Enfin, ils peuvent décider de l’emploi d’un éventuel excédent de fin d’année, accepter ou refuser le remboursement des frais des députations et sont tenus de nommer les collecteurs de la capitation et des autres deniers. Les derniers articles de l’édit concernent le contentieux des patrimoniaux et des octrois: toutes les contestations sont portées devant les tribunaux ordinaires et, en appel, à la grand-chambre du parlement.
12En échange de ces mesures assez contraignantes pour les élus locaux, le ministre s’engage à rétablir le principe électif conformément au souhait de beaucoup d’officiers municipaux. Dans un premier temps, toutefois, le texte se contente de supprimer les offices et autorise la tenue dans les deux mois d’élections pour remplacer les officiers en titre sans en préciser les modalités pratiques, sur lesquelles le contrôleur statue l’année suivante.
Les modalités politiques: l’édit de mai 1765
13Conformément à l’engagement pris dans l’édit d’août 1764, le ministre promulgue quelques mois plus tard un second texte qui confirme le rétablissement des élections et précise les modalités de désignation des notables. Il profite de l’occasion pour apporter quelques modifications aux institutions municipales et étendre les mesures aux villes de moins de 4 500 habitants. Cet édit de mai 1765 complète celui de l’année précédente, accessoirement sur la gestion des biens communaux et essentiellement sur les modalités des élections désormais clairement rétablies. Il fut élaboré à la suite d’une concertation entre le contrôleur et certaines villes du Bassin parisien, dont Tours. Cette relation privilégiée explique la rapidité et la facilité avec laquelle la réforme a été acceptée et appliquée dans cette ville.
14Le texte supprime les offices à partir du 1er juillet et exige la tenue d’assemblées électorales pour désigner de nouveaux officiers municipaux dans le mois suivant la promulgation de l’édit, exception faite des cas où des élections avaient été organisées l’année précédente. Il établit trois catégories de villes pour lesquelles sont précisées les modalités à suivre : 4 500 habitants et plus, 2 000 à 4 500 habitants et moins de 2 000 habitants. Dans la première catégorie, à laquelle Tours se rattache, le corps de ville se compose désormais d’un maire, 4 échevins, 6 conseillers, un syndic-receveur et un secrétaire-greffier, ces deux derniers n’ayant pas voix délibérative dans les réunions de travail. La fonction de procureur du roi à l’hôtel de ville est supprimée. En dépit des affirmations officielles, l’élection du maire n’est pas entièrement libre, puisque c’est le roi ou son représentant local qui le choisit sur une liste de trois noms pressentis par les électeurs pour occuper la place. C’était là reprendre une pratique habituelle à Tours et dans nombre d’autres villes. L’édit précise aussi la durée des mandats: trois ans pour le maire, deux ans pour les échevins, six pour les conseillers, trois ans enfin pour le receveur et le greffier. Les officiers municipaux ne peuvent pas être réélus avant un temps égal à la durée de leur fonction, exception faite du receveur et du greffier, rééligibles indéfiniment. Aucun élu n’a par ailleurs le droit de refuser sa nomination.
15Le processus électoral, une des originalités de cet édit, prévoit trois niveaux de scrutin. À la base, les corps et communautés de métiers choisissent des députés. Mais l’édit ne précise pas le nom des communautés aptes à mandater un député à l’assemblée électorale : ce silence, résultat d’une méconnaissance des réalités sociales des villes, aboutira à une surreprésentation des artisans. Ces députés doivent s’assembler à leur tour pour élire 14 notables dont la fonction est double : surveiller les finances locales et désigner le corps de ville.
- 12 Pour Roland Mousnier, la réforme aurait ébauché la représentation d’une » société à talents ». R. (...)
16Les notables qui forment le deuxième niveau de scrutin sont élus pour quatre ans. Rééligibles sans restriction, ils doivent avoir plus de 30 ans, être domiciliés dans la ville depuis dix ans et avoir exercé certaines responsabilités dans leurs communautés. Surtout, ils doivent avoir été choisis au sein de catégories bien spécifiées: le chapitre principal du lieu, l’ordre ecclésiastique, les nobles et officiers militaires, le bailliage ou la sénéchaussée, le bureau des finances, les officiers des autres juridictions en quelque nombre qu’elles soient désignent un représentant chacun. La communauté des notaires et celle des procureurs fournissent chacune un notable. Deux sont pris parmi les commensaux de la Maison du roi, avocats, médecins et « bourgeois vivant noblement » ; trois parmi les négociants en gros, marchands ayant boutique ouverte, les chirurgiens et autres exerçant les arts libéraux ; enfin deux parmi les artisans. Si la place de ce groupe, pris dans son ensemble, est soigneusement précisée au sein des assemblées de travail et des cérémonies publiques, « aucune distinction de rang [n’est] prévue entre les notables : chacun y prendrait séance comme il se trouverait placé ». La réaffirmation de l’importance sociale et politique des catégories supérieures au détriment des autres plus modestes ne peut masquer l’émergence d’une nouvelle conception de la société d’Ancien Régime : le terme même « d’ordres » n’apparaît plus dans les textes, hormis pour une partie des ecclésiastiques12.
17Le dernier niveau électoral, enfin, concerne le corps de ville, désigné par les notables, qui doivent respecter une sorte de cursus honorum : le maire est choisi parmi les personnes qui ont rempli cette fonction précédemment ou parmi les échevins, ceux-ci sont désignés parmi les conseillers, et ces derniers parmi les notables.
- 13 L’accroissement du travail à accomplir est tel que ces conseillers sont vite considérés comme memb (...)
18Une autre nouveauté du texte est de préciser les fonctions de chacun. Les députés des corps et communautés n’ont qu’un rôle électoral, tandis que les notables sont convoqués par le corps de ville chaque fois que cela est nécessaire, au minimum deux fois par mois. Leurs assemblées sont présidées de droit par le lieutenant général du bailliage ou le premier officier de justice, qui n’y ont cependant pas voix délibérative, mais elles peuvent se tenir en leur absence. Dans ce cas, le maire ou le premier officier municipal préside la séance. Quant au corps de ville, il se réunit chaque quinzaine aux heures et jours fixés par l’assemblée des notables ; il est présidé par le maire ou le premier officier municipal présent. Les délibérations, prises à la pluralité des voix, sont inscrites sur un registre coté et paraphé. Les conseillers peuvent être convoqués à ces réunions de travail, mais pas obligatoirement (ils doivent seulement être assemblés au moins une fois par mois) : leurs fonctions étant mal définies par le texte, nos édiles eurent soin de combler cette lacune en établissant une sorte de règlement intérieur13. Le receveur voit ses fonctions décrites avec beaucoup de précisions, notamment pour la tenue et la délivrance des mandements, c’est-à-dire le paiement des factures, alors qu’il était simplement notifié au secrétaire-greffier qu’il aurait à garder et à inventorier les archives.
Les déclarations rectificatives de 1766
- 14 Cette règle a été bafouée à Tours, où trois hommes ont pu concourir dans deux catégories à la fois (...)
- 15 M. Bordes, L’administration provinciale et municipale…, op. cit., p. 260.
- 16 Sur le détail de ces mesures, cf. infra.
- 17 Pourtant, les opérations électorales s’étaient déroulées de manière sérieuse à Tours et L’Averdy e (...)
19Fort de l’expérience apportée par les premiers mois d’application de sa réforme, L’Averdy apporte certains correctifs par deux déclarations. Celle du 15 juin 1766 rappelle quelques règles électorales bafouées dans certaines villes: interdiction de se porter candidat dans deux compagnies distinctes14, défense de « gêner ou de mendier » les suffrages, impossibilité pour les administrateurs qui se trouvent être parents jusqu’au second degré de devenir maires, échevins ou conseillers. Enfin, il renvoie aux juges les éventuelles difficultés d’application. La disposition essentielle de ce texte est surtout la diminution de l’ouverture sociale relative (ouverture dont était porteur l’édit de 1765) par la réduction du nombre des députés des artisans autorisés à élire les notables. En effet, bien que l’édit de 1765 donnât théoriquement « huit voix aux privilégiés et à la bonne bourgeoisie et six voix à la petite bourgeoisie et aux artisans15», plusieurs dispositions ultérieures aboutirent à réduire le poids des élites. Ainsi, à Tours même, plusieurs mesures – la permission obtenue en décembre 1765 par les bureaux des finances de ne pas être représentés, l’autorisation accordée aux commerçants et assimilés par plusieurs régimes particuliers de bénéficier de quatre sièges au lieu de trois, la possibilité donnée aux commerçants, négociants, entrepreneurs de manufactures et marchands membres des juridictions consulaires de nommer un député16 – n’ont laissé que la moitié des sièges aux privilégiés et à la bonne bourgeoisie. Le ministre et le roi, craignant la prépondérance des artisans dans les élections, prennent prétexte de prétendues «cabales17 » pour ordonner aux lieutenants de police de regrouper les communautés d’artisans comptant moins de 18 membres.
20La seconde déclaration rectificative, celle du 27 juillet 1766, apporte des précisions plus techniques. Elle annule la présentation dédoublée des comptes prévue par les textes précédents et prévoit leur envoi aux seules chambres des comptes. Par ce texte, le ministre entend remédier aux abus permis par la double reddition instituée en août 1764 : devant les bailliages et sénéchaussées pour les deniers patrimoniaux, devant les bureaux des finances et chambres des comptes pour les deniers d’octrois. Les bailliages, dépossédés de la reddition des comptes patrimoniaux, s’insurgent contre cette décision, soutenus par les cours souveraines. Ces réclamations expliquent vraisemblablement l’accueil critique réservé à ce texte, même à Tours, et le fait qu’il n’ait été enregistré à la chambre des comptes qu’en août 1768.
Une réforme diversement accueillie
21La réforme de L’Averdy est diversement accueillie à Versailles et dans le pays. À la Cour, elle est encouragée par Choiseul, dont le contrôleur général est le protégé, mais aussi bien sûr par les parlements. Elle est bien évidemment décriée par Bertin, favorable à l’emploi de la fermeté à l’égard de la magistrature.
- 18 ADIL, C 328, op. cit.
22De leur côté, les intendants redoutent une diminution de leurs compétences et la concurrence des assemblées de notables. Ainsi, ils craignent de ne plus pouvoir réviser les comptes des communautés, de n’être plus en mesure de connaître des contestations nées de l’application des édits, ni même d’obtenir des arrêts du Conseil à leur convenance sur tous les points de l’administration. Ces craintes ne sont pas tout à fait justifiées puisque, si la réforme amoindrit leurs pouvoirs, elle ne les supprime pas pour autant : toutes les délibérations, discussions ou avis des notables doivent leur être envoyés avant d’être transmis au contrôleur général accompagnés de leur avis. L’Averdy, qui n’a pas prémédité cet amoindrissement du pouvoir des commissaires départis, réaffirme à plusieurs reprises son attachement à l’intégrité de fonctions dont il a toujours besoin. C’est du moins l’avis qu’il expose à l’intendant de Tours, Lescalopier, dans un courrier où il se montre tout à la fois soucieux de défendre sa réforme et de conserver une bonne entente avec les commissaires départis. À défaut de parler de réduction des attributions des intendants, il préfère évoquer la complémentarité, la combinaison des pouvoirs entre ceux-ci et les tribunaux18.
23Dans le pays, l’accueil varie selon que les habitudes sont bouleversées ou non par le texte. Bien que la réforme s’adresse en théorie à l’ensemble des villes, elle n’est pas mise en pratique partout. Elle est assez facilement appliquée en Franche-Comté, en Lorraine, mais ne l’est pas en Alsace, en Bretagne, en Corse et en Provence, ni dans les villes de Bordeaux, Périgueux et Bayonne qui obtiennent d’être exemptées tout comme Paris, Lyon et Beauvais. Enfin, la réforme connaît un demi-échec en Artois et en Languedoc, où les régimes particuliers étaient restés favorables aux oligarchies : elle s’y heurtait trop aux vieux usages âprement défendus par les élites traditionnelles. Finalement, l’application n’est vraiment satisfaisante que dans le ressort du parlement de Paris, où elle ne vient pas bouleverser de vieilles institutions, dont toutes les localités ne sont d’ailleurs pas pourvues. En outre, la rédaction du second édit a été en partie réalisée après l’enquête menée auprès de certaines municipalités de cette vaste région. Par ailleurs, la réforme comporte un certain nombre d’avantages. La suppression des offices vénaux, le rétablissement des élections et la place, même modeste, faite à certains milieux populaires permettent à une opinion acquise aux idées nouvelles d’être satisfaite. Plusieurs mesures doivent en outre faciliter l’apurement des dettes : création du syndic-receveur, reddition des comptes devant les bailliages et sénéchaussées plus économique que celle faite devant les auditeurs désignés par les communautés.
24Dans le cas particulier de Tours, habituellement présentée comme fidèle au pouvoir royal et située au centre d’une province dont le gouverneur, le duc de Choiseul, est le propre protecteur de L’Averdy, il a semblé intéressant de s’interroger sur le fonctionnement des institutions modifiées par ces textes et d’évaluer les innovations comme les limites de cette réforme.
La réforme de la municipalité tourangelle (1764-1771)
25Tours accueille sans difficulté une réforme qui ne bouleverse pas ses institutions municipales puisqu’elle a été, on l’a dit, en partie inspirée par ses propres pratiques. Les innovations du texte sont cependant multiples. L’effectif municipal comprenant 11 personnes depuis 1724 est désormais porté à 13. Après la dernière grande réforme voulue par Louis XV pour mettre fin à la confusion née de la création des offices municipaux par son prédécesseur, l’institution se composait d’un maire élu pour quatre ans, 6 échevins élus pour six ans, 2 conseillers assesseurs, un greffier et un procureur du roi. Les 3 représentants ecclésiastiques assistaient aux séances, ainsi que le lieutenant général de police, tandis que les 32 députés des paroisses, instaurés en 1619, étaient convoqués épisodiquement. À partir de 1764, l’équipe comprend désormais un maire élu pour trois sans être rééligible immédiatement, 4 échevins renouvelables par moitié chaque année et dont le mandat passe à deux ans, 6 conseillers élus pour six ans, un syndic-receveur et un secrétaire-greffier qui n’ont pas voix délibérative aux séances. La fonction de procureur du roi est supprimée et le lieutenant-général de police ainsi que les représentants du clergé sont exclus. Enfin, les députés des paroisses disparaissent ; l’essentiel de leurs fonctions est transféré aux 14 notables élus pour quatre ans et rééligibles.
La mise en place de la réforme
26L’application des textes est rapide et facile à Tours, où les édiles poussent même le zèle jusqu’à les compléter.
L’édit d’août 1764 : application et premières réactions
27Ce premier édit, connu dès septembre, est mentionné officiellement dans les registres de délibérations le 14 novembre, soit environ trois mois après sa promulgation. Ce jour-là, on prend les premières mesures nécessaires pour répondre aux exigences du ministre inscrites dans le texte : mise au net des informations rassemblées sur la situation financière de la ville et collecte des documents relatifs au fonctionnement traditionnel des institutions municipales.
- 19 J. Félix, Administration, finances et politique…, 1999. Sur le détail du bilan présenté en 1765, c (...)
28L’Averdy, qui avait lancé en novembre 1763 une vaste enquête destinée à mieux connaître la situation financière des villes, en rappelle l’urgence dans son texte de 1764. Dans chaque généralité, il compte sur les intendants pour obtenir des édiles locaux leurs bilans et leurs remarques. Consciencieux et obéissants, les officiers de Tours envoient leur travail dès le 18 septembre 1764, dans lequel ils font état de 16 270 L de recettes (3 900 L pour les patrimoniaux et 12 370 L pour les octrois) pour 24 000 L de dépenses. Ils font remarquer que ce budget, fixé par l’arrêt du Conseil du 2 juillet 1689, leur permet mal de faire face aux dépenses courantes et encore moins de supporter les dépenses extraordinaires ou de répondre aux exigences fiscales royales. De ce fait, la Ville, qui avait dû trouver des expédients et notamment emprunter à plusieurs reprises, affiche alors un déficit supérieur de 49 % à ses recettes19.
- 20 Ces informations confirment la faiblesse des structures municipales dans la France du nord par rap (...)
29Pour rédiger le deuxième volet de sa réforme, l’édit de 1765, L’Averdy lance une collecte d’informations relatives au fonctionnement des organes municipaux. En Touraine, renseigné par l’intendant Lescalopier, il apprend que la généralité compte 42 villes, dont 13 seulement ont plus de 4 500 habitants et sont donc susceptibles d’être concernées par le premier texte de sa réforme. La plupart, cependant, ne possèdent que le nom de ville et n’ont « ni maire ni échevins ni revenus d’octroi mais un procureur syndic20 ». De son côté, la municipalité de Tours confie le 14 novembre 1764 à deux de ses membres, Louis Pierre Audebert et Léonard Rolland, le soin de récapituler l’histoire municipale de la ville. Le travail définitif, rappel succinct mais complet de l’histoire et de la composition des assemblées municipales, est présenté à la séance du 28 novembre et transmis au contrôleur général via l’intendant.
- 21 L’usage constant jusqu’alors était d’exclure les artisans de l’échevinage. L’avis du corps de vill (...)
30Ces échanges épistolaires sont l’occasion pour le commissaire départi et les officiers municipaux de donner leur avis sur l’opportunité de promulguer un second texte. Favorable à l’idée, Lescalopier contribue en partie à élaborer l’édit complémentaire dont les « dispositions sages […] peuvent faire espérer que l’ordre des affaires publiques en retirera beaucoup d’avantages ». De son côté, le corps de ville, également favorable, tient néanmoins à exprimer, dans un mémoire intitulé Droits à faire mettre dans les lettres patentes qui sont à expédier pour la ville de Tours par suite des édits, des avis qui, malgré ses protestations de fidélité au pouvoir royal, ne vont pas toujours dans le sens des changements souhaités par le ministre et dénotent un état d’esprit conservateur. C’est ainsi que les édiles exigent que les députés des communautés de métiers composant le premier échelon électoral sachent lire et écrire. Ils réclament encore le droit de surveiller par eux-mêmes les opérations électorales de certains députés (ceux qui sont compris entre la catégorie des « nobles et officiers militaires » et celle des « arts libéraux ») qu’ils désirent voir se dérouler à l’hôtel de ville. Ils souhaitent que la désignation des notables ait lieu la veille de l’élection des officiers municipaux, fixée, depuis 1724, au premier dimanche de juillet. Ils désirent également qu’ils soient choisis, ainsi que les conseillers, mais surtout les échevins et le maire, parmi les seuls « habitants que l’usage jusqu’à présent a admis aux places municipales21 », et soient si possible natifs ou originaires de Tours ou à défaut « ayant pris femme née à Tours ». Ils demandent que le procureur du roi au présidial, le secrétaire greffier et le syndic receveur puissent siéger aux assemblées des notables qui seraient convoquées par le maire. Par ailleurs, ils sollicitent la permission pour les édiles déjà élus de refuser une nouvelle nomination et prétendent limiter autant que possible la présence au sein du corps de ville de plusieurs membres d’une même famille.
- 22 Sur la question de ces jetons, cf. chap. IV.
31Conscients des inconvénients de la pratique électorale instaurée en 1724, les officiers municipaux réclament l’organisation des élections aussitôt qu’un décès serait connu, sans attendre la date fatidique du premier dimanche de juillet. De même, ils s’interrogent sur la durée du mandat accordé aux députés des corps et communautés de métiers et les modalités à suivre pour procéder à leur éventuel remplacement. Soucieux de leurs intérêts propres, ils demandent que les édiles jouissent, comme auparavant, de l’exemption du logement des gens de guerre, du guet, de la garde, de la contribution à l’ustensile, des collectes, tutelles et curatelles, et continuent à percevoir un demi-jeton d’argent à chaque séance ordinaire ou extraordinaire, à chaque assemblée de notables ou réunion de travail organisée pour la confection de l’assiette de la capitation et pour le placement des gens de guerre22. Ces doléances relèvent d’un large attachement aux pratiques anciennes. La seule requête nouvelle concerne la gestion des octrois, dont le corps de ville demande qu’ils soient mis en régie directe et non affermés.
32Les questions et propositions du corps de ville devaient rester sans réponse, ce qui ne l’empêchera pas d’appliquer sans retard l’édit de 1765. Mais auparavant il dut faire face aux protestations de personnalités ou de communautés lésées par la réforme. En effet, si l’exclusion du lieutenant de police ne suscite aucune réaction de l’officier alors en fonction, Alexandre François Reverdy, il n’en est pas de même pour l’archevêque et les deux principaux chapitres, qui émettent une protestation conjointe, rappelant les prérogatives anciennement accordées aux représentants ecclésiastiques, évoquant l’ancienneté de leur présence au sein des assemblées municipales et demandant « la conservation d’un droit, lequel nous est particulièrement glorieux, parce qu’il est un monument et un témoignage de nos sentiments ». Ces protestations, qui restent totalement vaines dans un premier temps, renaîtront après la clôture des opérations électorales de l’été 1765.
33Tandis que les informations demandées sont acheminées auprès du ministre, le corps de ville travaille aussi rapidement que possible à la mise en œuvre de l’édit de 1764, notamment à l’installation des notables chargés, on l’a dit, de veiller à la gestion des finances urbaines. Le texte, qui reste muet quant au mode de nomination de ces notables et à la forme que doivent revêtir leurs assemblées, jette, pendant quelque temps, les édiles dans l’incertitude. Parant au plus pressé, les officiers municipaux finissent par convoquer les 32 députés des paroisses institués en 1619.
34Sous leur nouvelle appellation, ces députés s’assemblent à sept reprises jusqu’en juin 1765, afin de mettre au point les nouvelles règles de la vie politique locale. En vertu de l’édit, qui préconise un minimum de deux assemblées annuelles, ils fixent aux mardis suivant les 15 janvier et 15 juillet de chaque année la date de leurs rencontres régulières. Celles-ci seraient reportées de huit jours en cas de fête ou autre empêchement. Par ailleurs, ils confirment le secrétaire-greffier Pierre Chereau dans ses fonctions, augmentant notablement ses gages après avoir exigé un inventaire et un classement des archives municipales.
35Surtout, ces premiers notables exercent très consciencieusement les fonctions qui leur sont attribuées en matière de finances. Ils décident d’acquérir un coffre-fort ainsi que le texte le préconisait, et confirment le receveur de la période antérieure, Antoine Jean Rattier dans ses fonctions, en exigeant toutefois qu’il fournisse une caution suffisante. Ils augmentent ses gages de manière significative, fixant à 400 L par an ses gains pour la recette des octrois, un sol pour livre ceux de la recette des patrimoniaux et un sol et demi pour la recette des droits établis lors de la levée du don gratuit. Les notables mandatent six des leurs, le 29 janvier, pour examiner les comptes d’octrois, qu’ils trouvent exacts en dépit de l’avance de trésorerie annoncée par le receveur. La vérification des comptes des patrimoniaux est plus tardive, achevée les 11 et 18 juin suivants. Les frais supplémentaires qu’avaient entraînés certains travaux en cours ou prévus font aussi l’objet de leur examen scrupuleux.
36Ces premiers notables remplissent donc leurs fonctions avec exactitude et étudient tous les cas relevant de leur compétence. Mais, en établissant, à la demande du ministre, un bilan de la situation financière de la ville, ils prennent conscience de l’importance de ses dettes et de son manque d’autonomie financière. Poussant leurs prérogatives au-delà de ce que permettait l’édit, ces notables proposent une réforme partielle des finances urbaines : la régie des octrois avait été confiée en 1760 par le roi à une compagnie de traitants parisiens et celle des droits du don gratuit, exigé par l’édit de 1756, au directeur des aides ; estimant cette dépendance coûteuse, les notables font la proposition audacieuse de réclamer le contrôle direct des deniers communs afin d’en diminuer les frais de gestion.
37Cette instance nouvelle est par ailleurs très vite persuadée de l’importance de ses fonctions et prérogatives, importance qu’elle estime devoir faire reconnaître en exigeant de signer, conjointement avec les autres membres du corps de ville, échevins et conseillers, les registres de délibérations jusqu’alors paraphés du seul maire. Elle n’interféra cependant en rien avec le fonctionnement habituel du corps de ville. Au décès de l’échevin Bretonneau en décembre 1764, les officiers municipaux procèdent de manière classique à l’élection d’un nouvel échevin. Dûment autorisée par le lieutenant général du bailliage et siège présidial, l’assemblée électorale du 27 janvier 1765 réunit, comme par le passé, le lieutenant général, les trois représentants ecclésiastiques, les échevins, les assesseurs, le procureur du roi à l’hôtel de ville et les députés des paroisses revêtus de leur nouvelle appellation de « notables ». Les électeurs promeuvent l’assesseur Léonard Rolland à la dignité d’échevin et appellent Étienne Jacques Christophe Benoît de La Grandière à la fonction d’assesseur. Seule concession faite au nouvel édit de 1764, le procureur du roi au bailliage préside l’assemblée.
L’édit de mai 1765 : les processus électoraux
38L’originalité de ce deuxième édit réside en la superposition de trois scrutins : assemblées des corps et communautés de métiers pour choisir leurs députés, assemblée de ces derniers pour élire quatorze notables chargés à leur tour de désigner le corps de ville. Malgré leur caractère complexe, les opérations exigées par ce nouveau texte se déroulent très vite à Tours, du 19 juin au 2 juillet, sans irrégularité flagrante ni difficulté majeure, exception faite d’une querelle de préséance lors de l’élection du maire et des échevins ainsi que de quelques erreurs de procédure.
- 23 Le contrôleur général avait néanmoins exclu les plus humbles et les membres des métiers non consti (...)
39La désignation des députés des communautés est, des trois niveaux que compte le processus électoral, le moins clairement défini par les textes. Ainsi, tandis que les catégories de rang supérieur font l’objet d’attentions toutes particulières, le contrôleur n’a pas précisément énuméré les communautés de métiers aptes à désigner un député23, laissant aux officiers municipaux et au lieutenant général de police (et non à l’intendant comme cela était de coutume) le soin d’autoriser ou non les assemblées de tel ou tel corps de métiers. De même, les termes de l’édit restent très vagues quant aux modalités de désignation des députés, hormis les lieux et la date des opérations qui doivent avoir lieu au moins « huit jours avant l’élection des officiers municipaux ».
- 24 En l’absence de précision des termes, les Tourangeaux ont privilégié les curés, considérant que le (...)
40En dépit de ces imprécisions, les opérations se déroulent à Tours avec rapidité et efficacité grâce aux officiers municipaux, qui, soucieux du respect des délais, appellent les communautés à remplir leur devoir avant le 29 juin. C’est même avant cette date, le 25 juin, que les autorités annoncent la fin des opérations pour les 73 communautés qui ont été autorisées à nommer leurs députés : les quatre chapitres (Saint-Gatien, Saint-Martin, Saint-Venant et Saint-Pierre-le-Puellier), l’ordre ecclésiastique24, la noblesse associée aux officiers militaires, le bailliage-présidial, les six autres juridictions royales (bureau des finances, eaux et forêts, élection, grenier à sel, monnaie et maréchaussée), les commensaux de la Maison du Roi, les médecins, les avocats, les notaires, les procureurs, les bourgeois « vivant noblement », les marchands, les chirurgiens, les marchands-fabricants, les orfèvres associés aux imprimeurs, les arts libéraux et 49 communautés de métiers. D’emblée, les communautés d’artisans obtiennent une singulière prépondérance en disposant des deux tiers des députés : 49 contre 24 aux privilégiés et à la bonne bourgeoisie. La déclaration de juin 1766 réduira à 33 le nombre des communautés de métiers admises à députer. Les corps supérieurs ont été réunis dans les endroits indiqués par l’édit, les chapitres « en la manière accoutumée » dans leur salle capitulaire respective, les autres ecclésiastiques devant « l’Evêque ou un de ses Vicaires généraux dans le lieu de sa résidence Episcopale », les nobles et officiers militaires devant le « Bailli d’épée », les avocats chez leur doyen Jacques Dufrementel, les officiers du grenier à sel en la chambre de leur conseil devant « celui qui présidera ». De leur côté, les différentes communautés de métiers se sont présentées à tour de rôle, du 19 au 22 juin, à l’hôtel particulier du lieutenant général de police Valentin Loiseau, situé rue des Carmes, pour présenter leur délégué. La seule entorse relevée à Tours en cette année 1765 fut le fait de la juridiction consulaire, qui, pourtant oubliée par le ministre, avait passé outre et s’était réunie en la chambre de son conseil.
- 25 Deux sources ont été mises à contribution pour mesurer ce que ces 73 députés représentaient tant p (...)
41Au sein de leurs communautés respectives, les personnes désignées tiennent des places importantes25. Plus de la moitié des députés désignés (57 %) pour former l’assemblée électorale des notables sont les doyens, les jurés ou encore font partie de la sanior pars des juridictions ou des corporations. Ainsi, le grenier à sel désigne pour député son président, Charles Alexandre Reverdy, et les chirurgiens choisissent le premier d’entre eux, François Victor Barbier, « lieutenant du premier chirurgien du roi ». Et, si certains n’occupent pas de place hiérarchique prépondérante, l’importance économique de leurs activités les désigne comme des personnages incontournables. Ainsi, dans le rôle d’intérêt des marchands-fabricants de 1765, François Baudichon-Viot se situe au 5e rang des maîtres : il est désigné représentant de sa communauté sans y exercer de responsabilités collectives. Mais cette règle n’est pas systématique : Pierre René Grignon, député de l’ordre ecclésiastique, est un homme très actif sans posséder une fortune personnelle exceptionnelle ni être un ecclésiastique de premier plan, puisqu’il n’est que curé de Saint-Clément. Dans chaque communauté, le choix des membres se faisait sans doute sur des critères variés, au nombre desquels, mais sans exclusivité, l’aisance économique et les responsabilités exercées. La place occupée dans la société tourangelle par la plupart des personnalités désignées par les communautés de métiers les désignait auprès des électeurs comme des « tuteurs naturels », dont on se contentait de reconnaître ou de confirmer l’autorité. Ceci explique qu’au sein de ces corps qui réunirent une nette, voire une grosse majorité de participants, à l’exception du grenier à sel, les délégués furent choisis au terme d’une délibération commune qui ne laissait aucune place aux candidatures ni aux choix individuels.
- 26 Pour les noms des officiers municipaux élus entre 1765 et 1792, se reporter à la fin de l’ouvrage.
- 27 Ni la messe précédant l’élection du maire ni l’usage des billets ne sont nouveaux en cette année 1 (...)
42Les deux séries de scrutins qui suivent, l’élection des notables et des officiers municipaux26, sont tout aussi rapides et globalement sérieuses. Leur étude détaillée a permis de démontrer que ces opérations électorales adoptent, dès 1765, des modalités étonnamment proches des pratiques généralement attribuées à l’époque révolutionnaire. Elles suivent toutes le même processus, si ce n’est que l’élection du maire est précédée d’une messe solennelle dite du Saint-Esprit en l’église des carmes. Réunis à l’hôtel commun, les électeurs entendent la lecture des édits avant de recevoir du secrétaire-greffier des bulletins de papier blanc pour inscrire le nom de « ceux qu’ils estimeront capables27 ». Les bulletins sont ensuite rassemblés et ouverts par le maire, en présence de trois assesseurs désignés par l’assemblée et chargés également de vérifier le procès-verbal tenu par le secrétaire-greffier : en 1765, ces assesseurs sont en majorité des représentants de l’Église, dont la signature, sur les procès-verbaux, semble garantir l’honnêteté des élections. Sauf en ce qui concerne le maire, pour lequel les électeurs doivent noter trois noms sur le même bulletin, il est organisé autant de scrutins qu’il y a de personnes à désigner, sans doute afin de limiter les erreurs de dépouillement. Les choix sont faits à la majorité relative ; en cas d’égalité, on vote de nouveau pour départager les deux ex aequo. Notons que tous les électeurs sont tenus d’exprimer leur suffrage et que leur choix peut se porter sur n’importe quel Tourangeau de sexe masculin. L’interdiction absolue de procéder à la moidre propagande électorale engendre parfois une certaine confusion : André Javelle, bailli de Marmoutier, qui exerça les fonctions de procureur à l’hôtel de ville entre 1751 et 1755, est désigné alors qu’il est décédé depuis quelques mois déjà.
- 28 Le maire n’était pas totalement exclu des opérations puisqu’il pouvait, en l’absence du lieutenant (...)
- 29 Dans la salle d’assemblées du corps de ville, les participants occupaient quatre bancs disposés en (...)
- 30 Toutefois, pour imposer sa déclaration de juin 1766, le contrôleur insinua plus tard qu’il y avait (...)
43Une irrégularité est toutefois à mentionner. Alors que l’édit prévoyait l’élection des notables par un corps électoral de 73 votants et celle du corps de ville par 14 électeurs, le nombre des votants est, à chaque fois, supérieur aux prévisions. S’agit-il d’une erreur d’interprétation des textes de la réforme ? de l’expression de la force de l’habitude ? Vraisemblablement désireux de peser sur les résultats d’un vote pour lequel ils se sentent directement concernés, les officiers municipaux et le procureur du roi au présidial se sont en fait arrogé le droit de vote28. Cette entorse, unique et mineure, démontre l’enjeu important du scrutin et la vitalité de la vie politique locale. Informé par les différents comptes rendus, L’Averdy fait remarquer l’irrégularité de la procédure sans toutefois l’annuler. Il réclame une plus stricte observance de ses directives pour les années suivantes : il ne sera pas vraiment entendu. Hormis cette irrégularité sans réelle conséquence et un petit problème de préséance, le 2 juillet, lié à la présence du procureur du présidial, auquel on a omis de faire une place29, aucune difficulté n’est survenue au cours de ces assemblées électorales, qui, de l’avis même du contrôleur général, « ont été tenues avec décence et tranquilité30 ».
44Le 29 juin 1765, les premiers notables sont élus en présence de Jacques Cormier de la Picardière, à la fois lieutenant général du bailliage et maire en charge depuis 1764. Les électeurs votent à 15 reprises pour parvenir au choix final des 14 élus, l’élection du notable de l’ordre ecclésiastique ayant demandé deux tours. Conformément à l’édit de 1765 qui stipule que ces notables aient « plus de 30 ans », habitent « la ville depuis plus de 10 ans » et soient passés « par les charges de leur communauté », les personnes élues sont en moyenne âgées de près de 59 ans, la plupart nées en Touraine, sept à Tours même et quatre dans des paroisses proches. Huit d’entre elles ont déjà exercé les fonctions d’échevin, d’assesseur, de procureur du roi à l’hôtel de ville ou bien ont représenté des corps ecclésiastiques. Six cependant font leur entrée officielle dans la vie municipale : Mathieu Anguille de la Niverdière de Candé, commissaire provincial des guerres, le trésorier de France André Girault, le médecin Olivier François Gabriel Normand, le chirurgien François Victor Barbier, l’ingénieur Pierre Meusnier et Jean-Baptiste Baubé-Perrin, marchand-orfèvre.
- 31 Remarquons toutefois que Louis Benoît de La Grandière a déjà été échevin, de 1747 à 1751.
45Les notables s’assemblent à leur tour le 1er juillet, toujours sous la présidence de Jacques Cormier de la Picardière, pour élire les 13 membres du corps de ville : les opérations s’étalent sur deux jours et nécessitent treize tours de scrutins. Le maire n’est pas désigné directement par les notables, qui se bornent, comme cela se pratiquait de longue date, à établir une liste de trois sujets parmi lesquels le roi ou son représentant, le gouverneur, choisit. Des trois candidats au mairat désignés, Jacques Cormier de la Picardière, Claude Sain, seigneur de Bois le Comte, et Jean Decop de Pocé, ancien avocat du roi au bureau des finances, c’est ce dernier qui sera finalement choisi. Nous y reviendrons. Les électeurs reconduisent quatre des six échevins – Verrier et Thibault en fonction depuis 1761, Gaudin et Rolland depuis 1763 et 1765 –, mais élisent six nouveaux assesseurs : Reverdy, Anguille, Verger-Douineau, Baudichon-Viot, Louis Benoît de La Grandière31 et Hubert de l’Auberdière. Quant au receveur et au greffier, choisis pour trois ans et rééligibles, ils font l’unanimité : Antoine Jean Rattier, receveur des troupes, et Pierre Chereau, notaire royal, sont reconduits aux places qu’ils occupaient antérieurement, le premier depuis 1762 et le second depuis 1749. On ne sait s’il y eut d’autres candidats, mais de toute façon, le choix des électeurs était limité en raison des compétences requises par les textes.
- 32 Sur la répartition socioprofessionnelle des membres des corps de ville élus de 1765 à 1771, cf. ch (...)
46Comparés aux notables, ces officiers nouvellement élus paraissent un peu plus âgés (près de 61 ans32) et, à une exception près, sont tous nés à Tours même. Autre trait distinctif, six d’entre eux, soit la moitié du groupe, n’ont exercé aucune fonction municipale. C’était là un des résultats de la règle instituée par L’Averdy qui précisait que les échevins devaient être désignés parmi les conseillers eux-mêmes choisis parmi les notables.
Le vivier électoral
47Il est très rare de connaître, sous l’Ancien Régime, les motivations des électeurs. À Tours, l’exceptionnelle conservation des procès-verbaux d’élection permet de connaître le nombre, le nom des personnes désignées, mais aussi le nombre de voix obtenues par chacune d’entre elles. Il a ainsi été possible de reconstituer les contours du vivier électoral au sein duquel les électeurs ont puisé pour remplir les différentes fonctions municipales et de connaître ces individus que, par commodité, nous appelons « candidats ».
48En dépit de l’interdiction de toute propagande et de tout acte de candidature afin d’empêcher les pressions et les « cabales », le vivier électoral est relativement important en 1765 puisque 186 personnes sont désignées au total, dont 174 pour les seules places de notables. Cette importance numérique des « candidats » aux places de notables est due à l’absence de précisions données par le contrôleur général, qui n’a pas stipulé les modalités de ce choix, contrairement à celui des officiers municipaux. Ainsi, sans directives ministérielles, les électeurs ont porté spontanément leur choix sur un nombre important d’individus, choisis dans un ensemble socioprofessionnel diversifié et relativement plus ouvert que celui habituellement retrouvé pour les membres de l’échevinage au xviiie siècle : les professions libérales, les ecclésiastiques, les rentiers et surtout les artisans-boutiquiers font une percée remarquable. Ceci était, en fait, très conforme aux souhaits du ministre.
- 33 BM Tours, Almanach royal de 1766.
49Toutefois, le choix des électeurs est plus étroit qu’il n’y paraît au premier abord. Ainsi, lorsqu’il est question de désigner le représentant du chapitre cathédral, les électeurs ne retiennent que 10 chanoines sur un groupe qui compte au moins 46 personnes33. Au nombre de ces dix ecclésiastiques, deux chanoines concentrent l’essentiel des votes, Louis Pierre Audebert et Jean Patas. Pour ce qui est de l’ordre ecclésiastique, fort d’environ 140 personnes, seuls 20 noms sont proposés, parmi lesquels 15 obtiennent moins de cinq voix, 3 de cinq à dix voix et 2 seulement plus de dix voix. Le choix semble plus facile pour les catégories moins peuplées. Ainsi, 5 des 7 chirurgiens sont pressentis : c’est finalement François Victor Barbier qui est élu avec 35 voix sur 80.
- 34 Sur le détail de cette grille, cf. chap. iv.
50La concentration des voix est confirmée par l’étude du nombre de celles obtenues par chacun des candidats : 74 % obtiennent moins de cinq voix tandis que 40 % n’en recueillent qu’une seule. Au final, 33 personnes (18 % des noms proposés) concentrent l’essentiel des suffrages en obtenant plus de dix voix chacune. Elles se répartissent de la manière suivante sur la grille socioprofessionnelle mise au point pour la ville de Tours à la fin de l’Ancien Régime34.
Tableau 1 – Répartition socioprofessionnelle des 33 « candidats » ayant réuni plus de 10 voix aux élections de 1765.

51Il s’agit d’hommes d’âge mûr (55 à 56 ans en moyenne), résidant dans les beaux quartiers de la ville et dont certains sont déjà rompus aux affaires publiques (c’était d’ailleurs une des conditions stipulées par l’édit de 1765). Si dix d’entre eux, soit près du tiers, ont occupé ou occupent encore une place au sein du corps de ville, une bonne partie des autres « candidats » ne sont ni inexpérimentés ni inconnus des électeurs : François Victor Barbier est le doyen de sa communauté de chirurgiens, Charles Alexandre Reverdy est le président du grenier à sel tandis que 7 des 8 marchands ont exercé ou exercent encore des fonctions de juge-consul. Si la fonction de député de paroisse a permis à 12 de ces candidats de se faire connaître, à l’inverse, le titre d’officier de la milice bourgeoise ne peut être considéré comme un critère de sélection puisque nous n’en retrouvons que deux : Léonard Thomas Desvaux, capitaine de la compagnie de la Porte de La Riche, et Jean-Baptiste Verger-Douineau, enseigne de la compagnie colonelle, deux hommes par ailleurs membres du corps de ville. En dépit de la relative ouverture sociale que ces élections de notables ont permise, le choix s’est finalement porté sur des personnalités représentatives de l’élite tourangelle, expérimentée pour une partie d’entre eux.
52L’étroitesse du vivier électoral pour les places d’officiers municipaux, restreint par les directives ministérielles – les électeurs ne doivent porter leur choix que sur des hommes qui ont occupé antérieurement les fonctions d’officiers municipaux –, rend son étude moins intéressante que celle menée pour les notables. De fait, c’est un tout petit ensemble, 17 ou 18 individus qui sont désignés à chaque tour, choisis sans surprise parmi des hommes issus des élites traditionnelles, expérimentés, connus, majoritairement issus du groupe des officiers supérieurs. Toutefois, il est évident que les critères de la sélection varient en fonction du poste à pourvoir.
- 35 C. Petitfrère, « Les officiers dans le corps de ville de Tours aux xviieet xviiie siècles », in M. (...)
53Le choix est particulièrement relevé pour les candidats à la place de maire. On désigne pour ce poste, comme cela se faisait traditionnellement35, des membres des juridictions royales ou des personnes classées dans le groupe des rentiers : le bailliage et siège présidial fournit 6 noms, le bureau des finances 2, l’élection (juridiction) un, tout comme le grenier à sel ou la maréchaussée. Un seul marchand est pressenti, Léonard Thomas Desvaux, par ailleurs membre du corps de ville depuis 1759. Le choix s’élargit lorsqu’il est question d’élire les échevins et les conseillers, mais est toujours circonscrit à un petit groupe d’hommes riches et influents dans la cité et dans leurs communautés respectives. Toutefois, dans ce groupe, la part occupée par les officiers supérieurs et « moyens » tend à diminuer au profit des notaires ou des marchands : 6 grands officiers, 5 notaires ou procureurs et 6 marchands sont proposés pour une place d’échevin, tandis que 8 marchands ou marchands fabricants, 5 avocats ou procureurs, 4 grands officiers et un militaire sont pressentis pour devenir conseillers. Plus on descend dans la hiérarchie des places municipales, plus le nombre des marchands augmente. L’affrontement entre les robins et les marchands, encore très âpre au début du siècle, semble s’être quelque peu estompé.
Graphique 1 – Répartition socioprofessionnelle, par catégorie municipale, des « candidats » désignés lors des élections de 1765.

54La majorité des nouveaux élus sont installés le 3 juillet 1765. Ce jour-là, deux des quatre échevins, cinq des six conseillers, le greffier et le receveur promettent entre les mains de Cormier de la Picardière « fidélité au Roy [et] de bien et fidellement se comporter dans chacune de leur place et de garder le secret des délibérations ». Puis l’ancien corps de ville se retire de la salle ordinaire des assemblées de l’hôtel de ville, laissant la place au nouveau. Les échevins Thibault et Verrier, indisposés ce jour-là, sont installés plus tard. Quant au retard pris par le conseiller Hubert de l’Auberdière, il est significatif de toute autre chose. Le nouvel édile, membre d’une famille noble de Tours qui avait donné un maire et trois échevins, refuse en effet de siéger derrière des personnalités dont il estime le rang inférieur au sien. Finalement rendu aux injonctions de Choiseul et de L’Averdy, il profite toutefois de sa prestation de serment, le 21 août, pour exiger la première place de conseiller « comme due à sa qualité ». Devant le refus unanime du corps de ville d’accéder à sa demande, le conseiller préfère ne point reparaître. L’Averdy confirme la décision prise par le corps de ville d’accorder les places en fonction du nombre de suffrages obtenus et non en fonction de la qualité de l’élu : il en fera même une règle générale.
- 36 La cérémonie d’installation du maire avait lieu, selon le chapitre martinien, dans les galeries de (...)
55Dès le début du mois de juillet 1765, la réforme est donc entrée dans les faits à Tours, complètement… ou presque, car il faut attendre le 18 août pour que le nouveau maire soit investi de ses pouvoirs au cours de la cérémonie qui se déroule, selon la coutume, dans les « galleries » de la collégiale Saint-Martin36.
- 37 C. Petitfrère, « Vox populi, vox regis ? L’élection des maires de Tours aux xviie et xviiie siècle (...)
56Ce délai demande explication. Le scrutin du 1er juillet avait sélectionné trois candidats : le maire en place, Jacques Cormier de la Picardière, avait obtenu 15 voix ; Claude Sain, seigneur de Bois le Comte, 12 ; et les membres du bureau des finances André Girault et Jean Decop de Pocé, 11 chacun. Un second tour avait départagé les ex æquo en donnant la préférence à Decop. Le gouverneur de la province, Choiseul, à qui revenait de choisir au nom du roi le futur maire parmi les trois candidats retenus, se prononce le 9 juillet pour Decop. Ce choix peut paraître, a priori, étonnant car le duc avait, en 1764, imposé Cormier de la Picardière, son protégé, dans la charge de maire, alors qu’il n’était arrivé qu’en cinquième position37. En juillet 1765, Choiseul se justifia à demi-mot dans un courrier adressé au corps de ville :
« J’ai vü avec plaisir par le nombre de voix qu’a eu M Cormier qu’il s’est acquitté a la satisfaction du public de la place de maire que j’avois prié le Roi de lui accorder [en 1764]. Je lui rends bien volontiers avec vous toute la justice que ses talents, ses lumieres et son zele méritent, mais par des considerations particulieres je ne puis lui donner actuellement la preference. »
- 38 AMT, BB 70. J.-A. Tournerie, Recherches sur la crise judiciaire en province à la fin de l’Ancien R (...)
57Les « considerations particulieres » dont il est question correspondent aux dérèglements de la santé mentale de Cormier et aux troubles de comportement que cela induisait chez lui38.
- 39 En 1754, un trésorier de France, Joseph Jean Aubry refusa sa désignation, prétextant de l’incompat (...)
58De son côté, malgré l’honneur qui lui est fait, Jean Decop commence par refuser la charge et ce n’est qu’au terme d’un échange de courriers entre Tours, Chanteloup et Versailles qu’il finit par accepter, le 5 août. Les raisons de ses atermoiements sont à rechercher du côté de la haute conscience qu’il avait de son rang. Ancien membre du bureau des finances, la communauté d’officiers la plus prestigieuse à Tours, Decop faisait siennes les réticences de son corps quant à l’exercice des charges municipales, désormais jugées indignes d’officiers de cette qualité. Déjà, l’année précédente, élu à la seconde place parmi les trois personnalités proposées pour la charge de maire, il avait demandé à Choiseul de ne pas être choisi, imitant en cela certains de ses collègues39. L’édit de mai 1765 était venu fournir un nouvel argument aux trésoriers de France, car, s’il excluait (en ne les nommant pas) les cours souveraines du nombre des corps appelés à désigner un notable, il appelait expressément les bureaux des finances à le faire. Le texte officialisait ainsi leur rang inférieur, ce dont les trésoriers, prétendant s’égaler aux cours souveraines, s’indignèrent. Devant leurs protestations, le contrôleur général les dispensa finalement, par lettres patentes du 6 décembre 1765, de participer à toute fonction municipale. À Tours, le corps de ville exprima ses regrets et sa crainte, qui était fondée, de voir cette liberté utilisée par d’autres communautés de la ville. Si Jean Decop finit par accepter la charge, c’est sans doute moins parce qu’il avait été convaincu par les arguments de Choiseul relayant ceux du corps de ville que parce qu’il obtint l’assentiment du bureau des finances, où il avait été admis à la vétérance. Son collègue André Girault, seigneur de Planchoury, refusa pour les mêmes raisons de siéger parmi les notables où il avait été élu en juillet 1765.
59À l’inverse de ces réticences collectives ou individuelles, les ecclésiastiques et le lieutenant de police émettent le souhait d’être maintenus au sein des assemblées municipales dont ils ont été exclus. L’archevêque et les deux grands chapitres avaient déjà protesté contre leur exclusion par l’édit d’août 1764, mais leurs mémoires étaient vite tombés dans l’oubli. C’est pourquoi les trois anciens représentants de l’Église aux assemblées municipales profitent de la première réunion des notables, le 10 juillet 1765, pour réclamer à nouveau le droit de siéger à toutes les séances, comme par le passé. Le lieutenant général de police, Valentin Loiseau, appuyé par son collègue honoraire, Alexandre François Reverdy, fait la même démarche, arguant de l’édit de création de sa charge en 1699. Au cours de cette séance tumultueuse, le procureur du roi, Guillaume de la Mardelle, tente vainement de persuader les mécontents que les nouveaux édits abrogent tous les règlements antérieurs. Finalement, l’assemblée s’en remet à la décision du bailliage, compétent en ce domaine en vertu de l’édit de 1765, et, en attendant, accorde le droit aux récalcitrants de rester en séance, dans un souci d’apaisement dicté surtout par le désir de ne pas déplaire à des personnes influentes. Statuant très rapidement, le bailliage confirme dès le 13 juillet l’interdiction faite au lieutenant de police et aux représentants de l’Église de siéger dans les assemblées municipales. Son ordonnance réfute les arguments des ecclésiastiques, en faisant remarquer que les nouvelles règles permettent au clergé de disposer de deux notables. Concernant les revendications du lieutenant de police, les magistrats étaient plus mal à l’aise. Ils conseillèrent à la Ville de demander au roi de trancher : on ne sait pas si la démarche aboutit.
60La question de la représentation du clergé, réglée momentanément, resurgit trois ans plus tard. Le 29 avril 1768, le roi accepte en effet que l’archevêque et les chapitres participent de nouveau aux assemblées municipales. Cependant, le texte n’est pas suivi d’effet puisque l’assemblée des notables à qui il est soumis restreint leur présence aux seules affaires « qui concernent les ecclésiastiques et le clergé ». Dans les faits, aucun membre du clergé n’est plus mentionné dans les assemblées municipales des années suivantes, hormis les notables que les édits de L’Averdy avaient accordés à l’Église. Le désengagement des ecclésiastiques de la vie municipale, à laquelle ils avaient participé si longtemps et à laquelle ils semblaient tenir, se manifestait pour la première fois. Il se confirmera en 1774.
61Attentif à l’application de sa réforme, L’Averdy entretient une correspondance régulière avec le corps de ville tourangeau afin de procéder aux nécessaires mises au point, en tenant compte des spécificités locales, et de régler certaines difficultés.
L’évolution de la municipalité sous le régime de la réforme
62Malgré le désir du ministre de se rapprocher au plus près des réalités locales, ses textes ne répondent pas complètement à la diversité des situations. Plusieurs réajustements, dus au ministre mais également aux édiles tourangeaux, sont nécessaires pour les accorder aux spécificités de leur cité. Mais son départ le 1er octobre 1768 allait porter un coup au suivi de la réforme.
Des réajustements nécessaires
63Suivant le conseil du bailliage, qui préconisait le 13 juillet de fixer les fonctions de chacun des nouveaux édiles, le corps de ville rédige une sorte de règlement intérieur qui rappelle et parfois complète les textes royaux. Il s’agit d’un prolongement des édits de L’Averdy, unique dans le royaume, qui précise le rôle de chacun au sein du corps de ville. Élaboré par l’échevin Robert Charles Verrier et le conseiller Louis Benoît de La Grandière, et adopté le 18 août, le texte, qui compte 19 articles, distingue trois formations au sein du corps de ville : l’une, étroite, comprend le maire et les échevins ; dans la deuxième, le maire et les échevins sont associés aux conseillers, tandis qu’une troisième formation élargit la municipalité aux notables. Le rôle et les domaines d’intervention de chacun des groupes sont soigneusement définis. La première formation se réunit en assemblées appelées ordinaires, tous les quinze jours, le mercredi, pour expédier les affaires courantes : réceptionner et ouvrir le courrier, organiser le passage et le séjour des troupes dans la ville, mettre au point les cérémonies, les députations, les honneurs à rendre et décider des présents à offrir ; prendre des mesures rapides lors des « événements » (incendie, inondation…) qui nécessitent une intervention urgente, autoriser le receveur à poursuivre les débiteurs de la « commune [sic] » ; ordonner les réparations d’entretien aux maisons appartenant à la ville dont le montant n’excède pas 100 L, ordonner le paiement des menues dépenses, faire l’aumône aux pauvres à hauteur de 24 L, délivrer gratuitement les passeports et les certificats et choisir les serviteurs subalternes. La seconde formation doit se réunir plus rarement, lors d’ » assemblées extraordinaires » où sont convoqués les conseillers. Il est cependant obligatoire d’en tenir une tous les mois, le premier mercredi. Les conseillers sont consultés en matière financière (vérification mensuelle des comptes, poursuites envers les débiteurs récalcitrants) et fiscale (répartition d’impôts tels que la capitation, octrois, examen des requêtes en diminution d’impôt, dettes de la ville et dépenses extraordinaires). La compétence des conseillers concerne aussi les menues réparations à faire aux patrimoniaux, les adjudications de baux inférieurs à 100 L et la milice bourgeoise. C’est encore lors des assemblées extraordinaires que doivent être nommés les représentants de la municipalité dans les bureaux d’administration, que ce soit du collège ou des hôpitaux. Enfin, les conseillers sont associés au corps de ville lors des fêtes et cérémonies publiques, auxquelles ils sont tenus d’assister « en corps ». Quant aux fonctions des notables, clairement définies par L’Averdy, elles sont brièvement rappelées. Ils sont, par exemple, convoqués pour l’adjudication des baux d’un montant supérieur à 100 L. Ce règlement ne fut qu’imparfaitement respecté, notamment en ce qui concerne les conseillers. Ceux-ci servirent de vivier pour un corps de ville restreint que les absences répétées de certains contribuaient à affaiblir. Il y eut bien des assemblées « ordinaires » et des assemblées « extraordinaires », mais elles eurent des fonctions et prirent une signification autres que celles qui avaient été prévues.
64D’autres ajustements furent également nécessaires. Ainsi, se posa très vite la question de la place de ce groupe économique dominant que constituaient à Tours les soyeux. L’édit de 1765 les avait englobés dans un vaste ensemble comprenant les « négociants en gros, marchands, chirurgiens et autres arts libéraux ». Or, nombre de ceux que l’on appelait aux xvie et xviie siècles des « maîtres ouvriers en soie » étaient devenus des « fabricants » ou « marchands fabricants », c’est-à-dire des entrepreneurs, des donneurs d’ordres qui faisaient travailler à façon tantôt des ouvriers, selon le schéma classique de la « manufacture dispersée », tantôt des « maîtres ouvriers », et qui écoulaient les produits fabriqués. Sans tenir compte de cette réalité, les édiles avaient compté les marchands fabricants au nombre des artisans, provoquant ainsi la protestation de l’un des plus importants d’entre eux, François Baudichon-Viot, tant en son nom personnel qu’en celui de la communauté des « marchands fabriquants en draps d’or d’argent et de soye ». D’après ce négociant, ceux-ci auraient dû être appelés
« au rang des marchands en gros […] [et] n’auroient pas du etre rangés dans la classe des artisans tant par la distinction de leur manufacture qui forme le principal nerf du commerce en cette ville [sic] que parce que ils ne travaillent point par leurs mains, et occupent seulement [sic] une quantité considerable des habitans a leurs ouvrages, sans lesquels la ville tomberoit dans la depopulation ».
- 40 De même, l’orfèvre Baubé et le marchand fabricant Simon (-Roze ?) avaient pu concourir à la fois p (...)
- 41 En accord avec Saint-Florentin, secrétaire d’État de la Maison du roi, le corps de ville décida qu (...)
65Aussi, bien que la confusion des termes avait pu leur apporter quelques avantages (en 1765 ce même Baudichon-Viot fut pressenti pour représenter non seulement la catégorie des artisans mais également celle des « négociants en gros, marchands, chirurgiens et autres arts libéraux40 »), les marchands fabricants obtiennent gain de cause en 176841. Le sujet avait son importance, car si le notable représentant les négociants en gros pouvait espérer accéder aux fonctions municipales, cela n’était pas assuré pour le notable représentant les artisans. De fait, François Baudichon-Viot deviendra échevin en juillet 1769.
66Il est possible que le ministre, constatant la désaffection de certaines élites traditionnellement attachées à l’exercice des charges publiques, ait voulu valoriser des corps ou des groupes socio-économiques nouveaux, tels ceux issus du monde de la marchandise, plus dynamiques peut-être, et prêts à soutenir ses projets. Il en fut ainsi de la juridiction consulaire, que les textes de 1764 et 1765 avaient ignorée. À Tours, les juges-consuls prirent la liberté de désigner un représentant pour élire les notables, mais il ne fut pas autorisé à prendre part au scrutin de juin 1765. L’arrêt du Conseil du 23 juillet 1766 combla l’oubli en rangeant la juridiction consulaire dans la même catégorie que l’élection (juridiction), le grenier à sel et le bureau des finances dont elle prit, en définitive, la place. Le texte accorda même aux deux premiers la possibilité de s’entendre pour désigner à tour de rôle l’un de leurs membres.
67L’Averdy intervient aussi pour régler quelques problèmes plus futiles en apparence, mais bien représentatifs de l’Ancien Régime et de son attachement aux questions de préséance. À Tours, ces querelles concernent deux groupes en voie de reconnaissance sociale et politique : les marchands et ce qu’on appellera plus tard les professions libérales. Ainsi, au sein de la catégorie des « marchands négociants chirurgiens et autres exerçant des arts libéraux », une dispute s’élève le 10 juillet 1765 entre le notable des « négociants en gros », Louis Vauquer-Pétard, soutenu par celui des notaires et procureurs, Jacques Mouys, et ceux des « arts libéraux » (le chirurgien François Victor Barbier et l’ingénieur et architecte Pierre Meusnier). L’enjeu du débat concerne le critère à retenir pour déterminer le rang de chacun : le nombre de voix ou l’ordre d’énumération des corps par l’édit ? Dans le premier cas, les représentants des professions libérales (forts de 35 et 27 voix) siégeraient avant ceux des négociants (totalisant 20 voix) ; dans le second, ce serait l’inverse. Chacun est bien évidemment partisan de la formule qui convient le mieux à ses intérêts. Malgré la réponse du ministre, datée du mois d’avril 1766, qui ordonne de suivre l’ordre d’énumération fixé par ses textes, les notables des arts libéraux persistent dans leur protestation, répliquant non sans audace « que la lettre de m le Contrôleur Général ne peut etre entendue et ne paroit determiner que des personnes d’une marche [c’est-à-dire dans une procession] et non pas la seance quils tiennent [sic] ». Ces questions de préséance sont définitivement réglées par l’ordonnance du 24 juillet 1766, qui confirme les propos tenus par L’Averdy dans ses lettres.
Le renouvellement des officiers municipaux
68Les textes de la réforme prévoyaient un renouvellement régulier du corps de ville : les notables devaient remplacer le maire après trois années de mandat, c’est-à-dire en 1768 et en 1771, renouveler les échevins par moitié tous les ans et remplacer entièrement les conseillers après six années d’exercice, c’est-à-dire en 1770. De même, ils devaient choisir un nouveau greffier et un nouveau receveur après trois années de mandat, en 1768 et 1771.
69C’est donc en totale conformité avec les édits que les notables de Tours se réunissent à huit reprises entre 1766 et 1771 pour participer aux opérations électorales, dix-huit au total, deux pour le maire, six pour les échevins, six pour les conseillers, deux pour le receveur et autant pour le greffier.
- 42 Comme en 1765, on organise autant de tours de scrutins que de postes à pourvoir et les « candidats (...)
70Les élections se tiennent le premier dimanche de juillet, selon la coutume instaurée en 1724, mais elles peuvent se prolonger les jours suivants si besoin. Elles se déroulent toujours selon le rituel et le processus suivis en 176542, d’ailleurs très proches des pratiques antérieures. Les électeurs font preuve de la même maturité et de la même discipline, à ceci près que, malgré les injonctions répétées de L’Averdy, le corps de ville prend toujours part au vote, comme il l’avait fait en 1765. L’instauration d’un cursum honorum qui interdit à des personnalités inexpérimentées d’accéder immédiatement aux plus hautes fonctions municipales nécessite plusieurs interventions de L’Averdy. Lors de la première année d’application de sa réforme, le ministre désigne les officiers tenus de sortir de charge les premiers : il s’agit des deux échevins élus les derniers et des deux conseillers. Par la suite, les renouvellements suivent le turn over prévu et les édiles organisent autant d’assemblées électorales que nécessaire pour désigner les nouveaux officiers municipaux, sans que le promoteur de la réforme ait à intervenir. Toutefois, le ministre modifie légèrement, en 1768, les règles élaborées pour désigner un maire. En effet, les électeurs ne pouvaient choisir que parmi les échevins en place ou déjà sortis. Aussi, « afin de ne pas restraindre les suffrages au petit nombre d’échevins qui ont exercés depuis l’édit », il accepte que l’on choisisse « les sujets parmi ceux qui ont la qualité d’ancien maire ». Pourtant, les électeurs n’usent pas de cette possibilité, préférant « pour se conformer aux nouvelles lois avec exactitude choisir les trois sujets de cette élection dans les échevins anciens et actuels mais nommés depuis les édits ». Ce légalisme vertueux pourrait bien dissimuler une préoccupation plus prosaïque : le souci d’évincer du nombre des candidats possibles l’ancien maire Cormier de la Picardière, qui était, nous l’avons vu, persona non grata du gouverneur.
71Choiseul – qui conserve le droit de désigner le maire au nom du roi – choisit Louis Benoît de La Grandière en 1768 et Michel Banchereau trois ans plus tard. Leur prestation de serment a lieu selon une pratique à laquelle les édiles ne changent rien. Dès qu’il est averti du choix du maire par le gouverneur, le corps de ville envoie deux des siens au domicile privé du nouvel élu pour l’avertir, puis auprès du chapitre de Saint-Martin afin de solliciter l’autorisation pour le maire d’aller prêter le serment dans leur église « suivant l’usage », et enfin chez le lieutenant de police pour fixer la date de la cérémonie. De leur côté, les échevins et conseillers nouvellement élus prêtent serment devant le maire ou, à défaut, devant le lieutenant général de police, en moyenne trois jours après leur élection.
72Entre 1766 et 1771, les notables remplacent comme il était prévu les officiers promus en interne (ils sont au nombre de dix) mais aussi quatre officiers décédés en charge et un autre, parvenu au terme de sa fonction. Des hommes nouveaux ont ainsi pu accéder aux plus hautes fonctions édilitaires, comme le prévoyait le ministre, désireux de briser les oligarchies locales. C’était là un renouvellement important, inhabituel et sans doute stimulant pour l’exercice du pouvoir urbain. Pourtant, à y regarder de près, les buts de la réforme n’ont été que partiellement atteints. Ainsi, les électeurs désignent beaucoup moins de « candidats » par poste à pourvoir qu’en 1765. Pour la place de maire, alors qu’ils avaient choisi 18 personnes, ils n’en pressentent que 8 en tout sur l’ensemble de la période. Quant aux échevins et aux conseillers, pour lesquels respectivement 17 et 18 noms avaient été inscrits sur les bulletins, les nombres varient de 4 à 7 selon les années pour les premiers et de 6 à 11 pour les seconds.
73Comme en 1765, les électeurs tiennent à n’appeler aux fonctions supérieures que des représentants de la bonne société. On note toutefois une diversification des catégories socioprofessionnelles dont ils sont issus, tandis que la proportion des officiers supérieurs et « moyens » diminue de moitié.
Graphique 2 – Répartition socioprofessionnelle, par catégorie municipale, des « candidats » désignés lors des élections tenues entre 1766 et 1771.

74Comme en 1765, les critères de sélection varient en fonction du poste à pourvoir : les plus restrictifs concernent les candidats au mairat, pour lesquels, à l’exception d’un marchand, Michel Banchereau, les électeurs n’ont retenu que des membres des juridictions royales ou des personnalités vivant de leurs rentes. Au final, les membres des nouveaux corps de ville désignés entre 1766 et 1771 ne se distinguent pas véritablement de leurs prédécesseurs. Ils sont recrutés sans surprise dans les catégories habituellement représentées à la tête de la ville. La moitié d’entre eux sont nés à Tours, dans les paroisses aisées du centre et l’autre moitié est issue des campagnes avoisinantes ou plus lointaines. Relativement âgés (en moyenne entre 56 et 57 ans), la plupart n’ont pas exercé de fonctions municipales antérieurement. Trois toutefois ont été échevins – Louis Benoît de La Grandière, René François Barbet et Louis Vauquer-Pétard – et trois autres ont exercé la fonction d’assesseur – Léonard Rolland, Étienne Jacques Christophe Benoît de La Grandière et Jacques Simon-Baudichon. Si la réforme de L’Averdy n’a pas bouleversé les catégories sociales habituellement représentées au pouvoir municipal, elle a néanmoins ouvert les portes de l’hôtel de ville à quelques hommes nouveaux.
Le remplacement des notables
- 43 L’annonce d’une démission ou d’un décès n’entraînait pas immédiatement l’organisation d’un scrutin (...)
75Le renouvellement des membres du corps de ville, puisés dans le groupe des notables, entraîne le remplacement d’un certain nombre d’entre eux par les délégués des corps et communautés. Ces derniers s’assemblent à 6 reprises, c’est-à-dire chaque année de 1766 à 1771, pour remplacer 25 notables, soit 15 promus officiers municipaux, 2 démissionnaires43 et 8 parvenus au terme de leur mandat. Les notables renouvelés appartiennent essentiellement aux catégories sociales de rang supérieur et, comme le préconisaient les textes, sont nés à Tours même ou à proximité. En revanche, ils diffèrent des officiers municipaux en place en ceci qu’ils sont plus jeunes (50 ans en moyenne) et surtout peu expérimentés en matière d’exercice du pouvoir.
- 44 La saison était aussi celle des vacances pour les cours judiciaires. Les notables élus en décembre (...)
76Les représentants des communautés appelés à participer au premier degré des assemblées électorales sont généralement réunis courant juillet, c’est-à-dire immédiatement après le renouvellement des membres du corps de ville. En 1768 toutefois, l’assemblée exceptionnellement fixée au 9 octobre est repoussée au 18 décembre suivant : l’automne n’est pas une période propice aux séances de travail et, en ce début de mois d’octobre, nombre de participants invités sont occupé aux vendanges de leur closerie44.
77Le fait le plus remarquable toutefois de ces assemblées électorales réunissant les représentants des communautés de métiers reste la diminution importante du nombre des présents, qui passe de 96 % au début de la période à 43 % en 1770. Cette érosion était-elle le résultat de la déclaration royale de juin 1766 ou l’expression d’une certaine déception ? Le texte avait ordonné le regroupement de certaines communautés de métiers dont le trop grand nombre avait effarouché les autorités. Les lieutenants généraux de police étaient chargés de réunir les corps selon un critère quantitatif : les communautés comptant moins de 18 maîtres seraient unies à des corps « analogues » numériquement plus importants. L’opération eut lieu fort tardivement à Tours, puisque ce n’est qu’en 1768 que Loiseau y procéda, ramenant le nombre des communautés de métiers de 49 à 33 et celui des corps appelés à élire les notables de 75 à 58. Certains regroupements arbitraires ont pu provoquer un sentiment de déclassement pour quelques métiers : ainsi, les orfèvres sont unis aux couteliers alors qu’ils avaient été originellement placés parmi les professions supérieures par l’édit de 1765. Toutefois, ni le retard mis à appliquer la loi ni l’arbitraire de certains regroupements ne peuvent expliquer à eux seuls le désintérêt progressif des électeurs. De fait, la désaffection provient essentiellement des représentants des catégories sociales dites de rang supérieur : le bureau des finances bien évidemment, qui a été dispensé de toute participation à la vie municipale en décembre 1765, mais aussi les nobles et officiers militaires, la juridiction consulaire, qui avait pourtant réclamé avec force le droit d’être représentée, le chapitre cathédral, les bourgeois, les commensaux du roi et le bailliage. Ces catégories enregistrent un faible taux de participation, compris entre 12,5 % et 25 %. Et, si certaines communautés d’artisans sont également peu assidues (tels les bouchers), d’autres le sont bien plus, tels les ferblantiers et les tailleurs qui ont été toujours très présents. Sont également relativement bien représentées lors de ces assemblées électorales les catégories sociales qu’on pourrait qualifier d’intermédiaires, les notaires, les procureurs, les imprimeurs, les médecins, les marchands et les marchands fabricants. Les catégories les plus assidues sont généralement celles qui sont traditionnellement les moins représentées au corps de ville, tandis que les catégories qui ont habituellement leur entrée au sein de l’institution boudent plus fréquemment ces élections. Il est vrai que ces communautés auraient été de toute façon représentées au corps de ville, avec ou sans la réforme.
78Ces assemblées électorales se caractérisent également par une diminution constante du nombre des « candidats » pressentis : 178 avaient été sélectionnés en 1765, mais seulement 218 pour l’ensemble des années 1766-1771. En conséquence, les « candidats » totalisent davantage de voix chacun et le pourcentage de ceux qui ont obtenu plus de 10 voix augmente par rapport à 1765. Bien évidemment, le profil de ces notables est globalement conforme à ce que L’Averdy attendait de la réforme. Pourtant, si l’on compare les éléments du portrait collectif des 37 personnalités ayant réuni plus de 10 voix à celui des 33 individus qui ont eu la préférence des électeurs en 1765, plusieurs différences apparaissent.
Tableau 2 – Répartition socioprofessionnelle des 37 « candidats » ayant réuni plus de 10 voix aux élections tenues entre 1766 et 1771.

79Les « candidats » des années 1766-1771 sont plus jeunes (46 ans en moyenne)et ont été moins souvent confrontés aux responsabilités publiques. Avoir été député de paroisse semble désormais être un atout – 9 l’ont été dans un passé récent –, mais le fait d’exercer des responsabilités au sein de la milice bourgeoise ne compte toujours pas. La plupart résident dans les paroisses centrales, mais 6 individus ont leur domicile dans les paroisses périphériques de Saint-Clément, Saint-Symphorien et Notre-Dame-La-Riche. La réforme a-t-elle permis une véritable ouverture socioprofessionnelle ? Sans doute, mais cette ouverture est timide.
80La promotion de certains députés des corps et communautés aux fonctions de notable entraîne le renouvellement partiel de cet ensemble. Bien que le ministre n’ait pas répondu à leur question relative à la durée des mandats de ces députés, les officiers municipaux ont été attentifs à ce que les assemblées composées des représentants des communautés soient complètes. Ils ont régulièrement rappelé aux différents corps la nécessité de les avertir de tout départ de leurs députés et de procéder à leur remplacement, en leur recommandant de choisir, dans la mesure du possible, des délégués sachant écrire, et de transmettre dans les plus brefs délais leurs procès-verbaux de nomination à l’hôtel de ville en vue de procéder à la réception officielle des nouveaux élus.
81Les promotions ayant essentiellement profité aux communautés de rang supérieur, il n’est pas surprenant que certaines d’entre elles aient dû désigner plusieurs députés successifs : Jacques Mouys, Victor Petit et Martin Brisset ont été tour à tour députés de la catégorie des notaires et procureurs. À l’inverse, les communautés de rang inférieur ont conservé leur représentant : celle des ferblantiers fit confiance à François Courson pendant toute la période.
*
82La réforme de L’Averdy est entrée très tôt dans les faits à Tours. Les édiles ont procédé rapidement et consciencieusement à son application, poussant le zèle jusqu’à la compléter, avant de contribuer à son ajustement au cours des années suivantes. La municipalité réformée a été très vite installée et n’a pas connu d’opposition majeure. Mais, derrière cette application « modèle » des textes officiels, la question demeure de savoir si ceux-ci ont permis au ministre d’atteindre un de ses principaux objectifs : briser les oligarchies municipales. Si le choix des électeurs a été circonscrit à un petit groupe d’hommes riches et influents dans la cité et dans leurs communautés respectives, les « candidats » issus des différents scrutins, surtout après 1765, appartiennent à des catégories sociales plus diversifiées. Ainsi, un certain nombre de personnalités jusque-là restées en marge du pouvoir ont pu accéder aux fonctions municipales : des marchands, dont l’affrontement avec les robins s’est quelque peu estompé, des soyeux et des membres de professions libérales, tels les chirurgiens et les ingénieurs. À défaut d’une ouverture d’envergure, la mise en place des édits de L’Averdy a permis à des hommes nouveaux de s’initier à la pratique du pouvoir.
83L’application de la réforme a aussi permis l’émergence d’une pratique électorale vivante, régulière, étonnamment « moderne » dans ses modalités, mais qui ne doit rien aux édits de 1764 et 1765, lesquels se sont contentés de rétablir le principe électif sans détailler la procédure. Les électeurs ont fait preuve d’une grande maturité ou de ce qu’on pourrait déjà qualifier de « civisme ».
- 45 La diminution du nombre de présents aux séances de travail des notables institués par les édits de (...)
84Peut-on dès lors parler de succès, du moins à Tours, de la réforme municipale ? L’érosion du taux de participation électorale au fil des années vient ternir le tableau qu’on pourrait faire de cette application » modèle45 ».La désaffection progressive mais inexorable des électeurs indique de leur part une méconnaissance des enjeux du programme ministériel, enjeux que le ministre, renvoyé en 1768, ne pouvait plus rappeler à compter de cette date. Dans tous les cas, le temps a manqué à la réforme pour s’implanter durablement, modifier en profondeur les comportements politiques et faire la preuve de son intérêt.
Notes
4 M. Antoine, Louis XV, 1989, p. 743-813 et p. 849.
5 Les efforts imposés par Machault d’Arnouville (1745-1754) et Moreau de Séchelles (1754-1756) permettent de liquider les dettes issues des conflits antérieurs et de faire face aux dépenses. Mais la succession, de 1756 à 1763, de quatre contrôleurs – Peyrenc de Moras (1756-1757), Boullongne (1757-1759), Silhouette (mars-novembre 1759) et Bertin (1759-1763) – vient compromettre le mouvement.
6 La personnalité du nouveau ministre est difficile à cerner, les contemporains, et à leur suite les historiens, ayant formulé à son égard des avis fort contrastés, certains élogieux, mais d’autres féroces. Les derniers travaux relatifs à la situation économique et financière de la France du xviiie siècle ainsi qu’aux grands serviteurs de l’État ont permis de se faire une opinion plus mesurée sur le personnage et de mieux estimer ses ambitions réformatrices. Voir le colloque L’administration des finances sous l’Ancien régime, 1997, au cours duquel la plupart des participants, et tout particulièrement T. J. A. Le Goff, J. Swann et J. Félix ont réhabilité ce personnage et son bilan.
7 M. Antoine, Louis XV, op. cit.
8 Il a fallu attendre les travaux de M. Bordes pour disposer d’ouvrages complets sur l’application des textes de L’Averdy. M. Bordes, La réforme municipale du contrôleur général Laverdy et son application, 1968 et M. Bordes, L’administration provinciale et municipale en France au xviiie siècle, 1972.
9 Ph. Guignet, Le pouvoir dans la ville au xviiie siècle, 1990 ; G. Saupin, « La réforme des élections municipales en France au xviiie siècle : réflexions à partir de l’exemple nantais », 1999.
10 ADIL, C 328, courrier adressé en août 1764 par le contrôleur à l’intendant Lescalopier.
11 L’Averdy exigeait des villes un bilan de leur situation financière avant de leur renvoyer leurs lettres patentes particulières, qui, pour Tours du moins, n’ont jamais été rédigées. Au total, 907 villes et bourgs ont répondu au ministre : ces bilans détaillés ont disparu, mais ils ont fait l’objet d’une récapitulation détaillée, publiée dès 1773, des recettes et dépenses ainsi que des dettes contractées. Les résultats confirmèrent les craintes du ministre. Le bilan de la consultation lancée par L’Averdy a été présenté par Joël Félix lors du colloque Les finances en province sous l’Ancien Régime, 2000. Voir, du même auteur, Administration, finances et politique au siècle des Lumières, 1999.
12 Pour Roland Mousnier, la réforme aurait ébauché la représentation d’une » société à talents ». R. Mousnier, Les institutions de la France sous la monarchie absolue, 1974-1980, p. 466.
13 L’accroissement du travail à accomplir est tel que ces conseillers sont vite considérés comme membres à part entière du corps de ville. Cf. chap. iv.
14 Cette règle a été bafouée à Tours, où trois hommes ont pu concourir dans deux catégories à la fois : Louis Benoît de La Grandière pour la maréchaussée et les avocats ; l’orfèvre Baubé et le marchand-fabricant Simon (-Roze ?) pour les « négociants en gros » et les « artisans ».
15 M. Bordes, L’administration provinciale et municipale…, op. cit., p. 260.
16 Sur le détail de ces mesures, cf. infra.
17 Pourtant, les opérations électorales s’étaient déroulées de manière sérieuse à Tours et L’Averdy en avait convenu lui-même.
18 ADIL, C 328, op. cit.
19 J. Félix, Administration, finances et politique…, 1999. Sur le détail du bilan présenté en 1765, cf. chap. v.
20 Ces informations confirment la faiblesse des structures municipales dans la France du nord par rapport à la situation méridionale.
21 L’usage constant jusqu’alors était d’exclure les artisans de l’échevinage. L’avis du corps de ville va donc à l’encontre de l’obligation imposée par la réforme d’élire des artisans parmi les notables.
22 Sur la question de ces jetons, cf. chap. IV.
23 Le contrôleur général avait néanmoins exclu les plus humbles et les membres des métiers non constitués en corps.
24 En l’absence de précision des termes, les Tourangeaux ont privilégié les curés, considérant que les chanoines pouvaient se faire entendre en tant que représentants des différents chapitres. Ce choix démontre à la fois leur bonne compréhension des textes réformateurs et l’intelligence politique attribuée aux clercs relevant des couches les plus modestes du premier ordre.
25 Deux sources ont été mises à contribution pour mesurer ce que ces 73 députés représentaient tant par rapport à la population de la ville qu’à l’intérieur des communautés : l’Almanach royal publié à Tours en 1766, qui, malgré le décalage chronologique, donne des informations précieuses relatives aux personnalités de premier plan, et les « rôles d’intérêts » conservés dans les archives du lieutenant de police (ADIL, 2B). Ces documents étaient établis tous les ans par les gardes jurés en charge de la gestion des biens communs et du paiement des dépenses collectives. Après avoir fixé le montant total des dettes à payer, les jurés prélevaient la somme correspondante sur l’ensemble des membres de la communauté en fonction des facultés supposées de chacun. Une fois achevés, ces rôles étaient présentés au lieutenant de police, qui les examinait et les rendait exécutoires. Ces documents permettent de connaître avec précision le nombre et le nom de tous les maîtres, hommes, veuves, filles de chaque communauté de métier ainsi que les capacités financières de chacun.
26 Pour les noms des officiers municipaux élus entre 1765 et 1792, se reporter à la fin de l’ouvrage.
27 Ni la messe précédant l’élection du maire ni l’usage des billets ne sont nouveaux en cette année 1765. Les billets auraient été introduits en 1596 pour remplacer les élections faites de vive voix et ainsi éviter les cabales. L. Benoît de La Agrandière, » Abrégé chronologique et historique de la mairie de Tours », MSAT, 1908-1925.
28 Le maire n’était pas totalement exclu des opérations puisqu’il pouvait, en l’absence du lieutenant général, présider l’assemblée électorale et recueillir les suffrages. Toutefois, il ne pouvait en aucun cas voter, pas plus que le procureur du roi ou le lieutenant général, lesquels pouvaient être appelés au sein des assemblées des députés des corps et des communautés de métiers pour juger les contestations.
29 Dans la salle d’assemblées du corps de ville, les participants occupaient quatre bancs disposés en carré. Sur celui réservé au corps de ville, face aux portes d’entrée, une place était faite, à côté de celle du maire, au lieutenant général du bailliage. Mais le maire en charge, Cormier de la Picardière, était justement le lieutenant général. Allait-on autoriser le procureur du roi à occuper le siège réservé au premier magistrat du bailliage-présidial ? On installa finalement une chaise à côté de la place réservée au lieutenant général qui resterait vide.
30 Toutefois, pour imposer sa déclaration de juin 1766, le contrôleur insinua plus tard qu’il y avait eu des « abus ».
31 Remarquons toutefois que Louis Benoît de La Grandière a déjà été échevin, de 1747 à 1751.
32 Sur la répartition socioprofessionnelle des membres des corps de ville élus de 1765 à 1771, cf. chap. IV.
33 BM Tours, Almanach royal de 1766.
34 Sur le détail de cette grille, cf. chap. iv.
35 C. Petitfrère, « Les officiers dans le corps de ville de Tours aux xviieet xviiie siècles », in M. Cassan (dir.), Les officiers « moyens » à l’époque moderne, pulim, 1998, p. 121-138.
36 La cérémonie d’installation du maire avait lieu, selon le chapitre martinien, dans les galeries de la basilique depuis des temps immémoriaux. Toutefois, cette « tradition » n’est pas antérieure au xvie siècle : précédemment, le serment avait tantôt lieu à Saint-Pierre-le-Puellier, tantôt à l’hôtel de ville et c’est seulement en 1552 qu’on trouve mention de la première réception du maire à Saint-Martin. L. Benoît de La Grandière, « Abrégé… », op. cit.
37 C. Petitfrère, « Vox populi, vox regis ? L’élection des maires de Tours aux xviie et xviiie siècles », 1999.
38 AMT, BB 70. J.-A. Tournerie, Recherches sur la crise judiciaire en province à la fin de l’Ancien Régime…, 1975.
39 En 1754, un trésorier de France, Joseph Jean Aubry refusa sa désignation, prétextant de l’incompatibilité entre sa charge et la fonction de maire, un argument que le corps de ville n’eut pas de mal à rejeter tant avaient été nombreux les officiers du bureau des finances maires ou échevins. C. Petitfrère, « Les officiers dans le corps de ville de Tours aux xviie et xviiie siècles », op. cit., et F. Caillou, Une administration royale d’Ancien Régime…, op. cit.
40 De même, l’orfèvre Baubé et le marchand fabricant Simon (-Roze ?) avaient pu concourir à la fois pour les « négociants en gros » et les « artisans ».
41 En accord avec Saint-Florentin, secrétaire d’État de la Maison du roi, le corps de ville décida que Jacques Simon-Baudichon, marchand fabricant qui représentait pour l’heure les artisans, occuperait la première place de notable vacante dans la catégorie des négociants et membres des arts libéraux afin d’achever « ses quatre ans de sa notabilité ».
42 Comme en 1765, on organise autant de tours de scrutins que de postes à pourvoir et les « candidats » sont élus à la majorité relative des voix ; en cas d’égalité des voix, on procède à des tours supplémentaires, restreints aux ex æquo. Une modification est cependant introduite à partir de 1766 : les assesseurs ne sont plus trois comme c’était le cas en 1765, mais deux, l’un étant choisi dans le corps de ville, l’autre parmi les notables présents. La réforme de L’Averdy ne bouleverse pas véritablement les pratiques locales en matière de gouvernement urbain. Ceci explique que les électeurs se soient montrés particulièrement consciencieux et réguliers.
43 L’annonce d’une démission ou d’un décès n’entraînait pas immédiatement l’organisation d’un scrutin : ainsi, lorsque Benoît de La Grandière fils aîné et Audebert font connaître leur décision de quitter les assemblées, on attend le mois de juillet suivant pour les remplacer, ce qui diminue d’autant le nombre des notables en place.
44 La saison était aussi celle des vacances pour les cours judiciaires. Les notables élus en décembre 1768 eurent donc un mandat réduit à 7 mois.
45 La diminution du nombre de présents aux séances de travail des notables institués par les édits de L’Averdy confirme l’impression que les enjeux de la réforme n’ont pas été pleinement compris à Tours. Cf. chap. IV.
Table des illustrations
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Titre | Tableau 1 – Répartition socioprofessionnelle des 33 « candidats » ayant réuni plus de 10 voix aux élections de 1765. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/5849/img-1.png |
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Titre | Graphique 1 – Répartition socioprofessionnelle, par catégorie municipale, des « candidats » désignés lors des élections de 1765. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/5849/img-2.png |
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Titre | Graphique 2 – Répartition socioprofessionnelle, par catégorie municipale, des « candidats » désignés lors des élections tenues entre 1766 et 1771. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/5849/img-3.png |
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Titre | Tableau 2 – Répartition socioprofessionnelle des 37 « candidats » ayant réuni plus de 10 voix aux élections tenues entre 1766 et 1771. |
URL | http://books.openedition.org/pur/docannexe/image/5849/img-4.png |
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© Presses universitaires de Rennes, 2007