Les finances royales dans la monarchie espagnole
|Quatrième partie. La négociation avec les contribuables
Chapitre XVI. Logiques et espaces de la négociation fiscale dans la monarchie espagnole (xvie-xviie siècles)
Texte intégral
La continuité de la négociation dans la politique fiscale du roi catholique
- 1 Pour les Cortès de Castille, Fortea Pérez, infra, chap. 17 ; une vision générale des Cortès ibériq (...)
1La stabilité politique et la pluralité territoriale de la monarchie espagnole pendant les xvie et xviie siècles ont attiré l’attention des historiens. Les processus de négociation fiscaux ont été pendant les trois dernières décennies un des éléments clés de la nouvelle histoire politique. Cependant, la plupart de ces études se sont concentrées sur les assemblées représentatives (les Corts à Valence et Catalogne, les Cortès en Castille, Aragon ou Navarre, et les États, provinciaux et généraux, aux Pays-Bas) 1, parfois en y cherchant l’embryon d’un certain parlementarisme. Le divorce entre histoire sociale, histoire politique et histoire de la pratique fiscale n’a pas facilité la compréhension des rapports entre la construction sociale de la domination politique et l’évolution fiscale. Dans ce texte on essaiera de montrer qu’il y avait une culture partagée de la pratique de négociation fiscale dans la monarchie et qu’elle impliquait des espaces de négociation suffisamment larges pour avoir un effet important sur la population.
- 2 Avant de devenir un topos littéraire et historiographique, la conception de la monarchie hispaniqu (...)
- 3 Zabala Aguirre : 2000.
- 4 Álvarez Nogal (1997b) analyse les possibilités, et frustrations, que les diverses sources d’argent (...)
2Pour les contemporains du roi d’Espagne, le revenu extraordinaire qu’il tire d’Amérique est tout à la fois le symbole et la cause de son originalité parmi les autres rois, ainsi que l’origine de son pouvoir. L’argent qui arrive dans les flottes représente bien, aux yeux de ses alliés et ennemis, le secret de la grandeur espagnole 2. Et cela, bien plus que les droits de douane, les impôts (comme les alcabalas * castillanes 3 ou la recette générale des finances aux Pays-Bas), le domaine ou les monopoles (le sel, le mercure…). Les historiens actuels sont moins impressionnés par les effets politiques exclusifs du trésor américain, tout en reconnaissant qu’il était un facteur décisif pour soutenir la dimension impériale espagnole 4. Deux évidences montrent les limites des effets de cet argent. D’abord, il n’a été disponible de façon régulière qu’à partir de la décennie de 1540, presque un demi-siècle après le commencement de l’expansion politique européenne de la monarchie espagnole et plus de deux décennies après que Charles Quint avait reçu ses multiples héritages. En second lieu, les revenus de l’argent des Indes occidentales ont été toujours inférieurs aux énormes dépenses faites dans la politique internationale de la monarchie.
- 5 L’historiographie de la fiscalité dans la monarchie espagnole (surtout dans les territoires ibériq (...)
- 6 Dans la décennie 1980 les études sur les territoires de la Couronne d’Aragon ont souligné le carac (...)
3Pour comprendre les possibilités politiques du roi d’Espagne, il faut analyser les systèmes fiscaux qui lui ont permis de mobiliser les ressources nécessaires pour maintenir la structure géopolitique qui soutient son prestige et la défense de ses territoires. Une tâche à laquelle l’historiographie a consacré assez d’efforts pendant les trois dernières décennies 5. Grâce à cet intérêt, l’image traditionnelle d’une division nette des territoires de la monarchie entre ceux qui étaient soumis en termes fiscaux à la libre volonté du roi et ceux avec lesquels il devait entretenir une négociation fiscale respectueuse de leurs privilèges semble déjà dépassée. Ces études ont montré que la demande de contributions du roi catholique a impliqué une négociation continuelle avec diverses institutions et corps tout au long de la monarchie 6. De toute évidence, chaque territoire et chaque institution ont leurs spécificités, qui ne restent pas stables pendant les xvie et xviie siècles. Mais, malgré cette énorme diversité de situations, il y a une culture fiscale et une pratique administrative communes, qui permettent de retracer le contour des systèmes et de la logique de ces négociations.
- 7 Sur l’organisation des finances royales dans les divers territoires de la monarchie : Hernández : (...)
- 8 Gelabert : 1997a ; Andrés Ucendo : 1998 et 1999.
- 9 Depuis les travaux fondateurs de Thompson (1981a), le problème est d’évaluer mais aussi de définir (...)
4Bien sûr, chaque situation juridique et politique singulière implique que les agents du roi ont une position différente face à leurs interlocuteurs et que les négociations ont plus ou moins de possibilités d’aboutir à un résultat fructueux pour les finances royales. Toutefois, bien que les différences soient remarquables, on peut observer des tendances générales dans l’évolution fiscale des divers territoires de la monarchie. En théorie, le roi a à sa disposition rentes, droits et monopoles pour satisfaire aux besoins de sa fonction, mais on sait bien que les xvie et xviie siècles sont une période pendant laquelle les agents royaux exercent une pression presque continuelle pour accroître la taxation et, du même coup, le crédit royal. L’évolution des prix, le caractère irréel du montant négocié pour les droits du roi (notamment les alcabalas *) et le remarquable essor économique de la plupart des territoires de la monarchie dans la première moitié du siècle amènent les agents royaux à négocier à la hausse les revenus de leur maître. Cela, soit à travers l’obtention de services * de caractère extraordinaire (surtout pendant le règne de l’empereur), soit par le biais de la révision des montants des revenus ordinaires (notamment pendant le règne de Philippe II) 7. La concession des services des millions * après la défaite de l’« Invincible Armada » (1588) inaugure une période au cours de laquelle l’évolution de la pression fiscale se fonde sur l’addition de services qui seront renouvelés tout au long du premier quart du xviie siècle 8. Les trente années suivantes connaissent une vraie révolution fiscale surtout (et presque partout) grâce à la concession de nouveaux services * cumulatifs et à la renégociation, ou à l’introduction, des droits royaux 9.
- 10 Sanz Ayán : 1989 ; Cárceles de Gea : 1995 ; Sánchez Belén : 1996 ; Muñoz Rodríguez : 2003 ; Maffi: (...)
- 11 Passola Tejedor (1997b) et Yun Casalilla (2003) dressent le bilan des nombreuses études de la proj (...)
- 12 Bernardo Ares : 1993 ; Muñoz Rodríguez : 2003.
5À partir des années 1650-1670, la pression fiscale cesse de s’accroître, et même, elle diminue, en raison de la stabilisation de recettes fiscales déjà établies, du développement de la fraude et d’une certaine récupération économique 10. L’administration centrale devient alors plus faible dans ses rapports avec les puissances européennes et dans la négociation avec les élites locales et régionales, qui renforcent leur contrôle sur le recouvrement des impôts tout en se portant garantes de l’obtention des ressources nécessaires pour la survie de la monarchie. Cette dernière période devient très intéressante car les agents du roi ne recourent pas aux institutions traditionnelles, plus visibles, chargées de la négociation (les assemblées représentatives). Pendant les dernières décennies du xviie siècle, les assemblées de plusieurs territoires de la monarchie cessent ainsi d’être convoquées. Mais cette situation, loin de signifier la disparition des formes contractuelles de gouvernement, renforce la culture de la négociation en donnant (ou redonnant) une fonction centrale aux échelons juridictionnels inférieurs (qu’il s’agisse des villes 11 ou d’autres corporations, comme les corps de métiers) dans les pactes concernant la gestion des revenus issus de la révolution fiscale 12.
Arguments, discours et pratiques de la négociation fiscale
- 13 L’étude de la rhétorique fiscale s’est concentrée sur la documentation des assemblées représentati (...)
6L’intérêt historiographique des jeux de demandes et de concessions fiscales qui ont dessiné cette évolution est compréhensible. La négociation va au-delà d’une sphère purement financière, car il y a un exercice de définition politique dans la rhétorique employée tant par des agents du roi que par les représentants des contribuables 13. L’évolution des formes de la négociation implique l’évolution pratique, parfois subtile et parfois grossière, des conceptions politiques qui énoncent la position du roi par rapport à ses sujets, aux institutions locales et aux royaumes. De même façon, la projection pratique et fluctuante de sa domination sur la population signifie aussi un processus politique majeur.
- 14 Sur l’évolution de la définition de la royauté : Hespanha : 1997a.
- 15 Cárceles de Gea (2000a et 2000b) étudie la position de force du roi dans ces conflits.
- 16 Sur les bases de ces cultures politiques locales et régionales dans le cadre ibérique et leur étud (...)
7La justification de chaque demande fiscale repose sur le besoin que le roi a de ressources supplémentaires pour accomplir son devoir et préserver sa dignité comme souverain. Bien sûr, il subsiste les attributions classiques du Prince, celles de juge et de protecteur de la République, mais dans la définition de la royauté des changements se sont produits à la fin du xve siècle qui ont facilité la capacité d’intervention des rois 14. La monarchie espagnole s’est reconstruite pendant le règne des rois catholiques sur une base mystique renouvelée qui permet une identification plus directe entre les objectifs des rois et la défense de la Religion, bien que cette identification demeure toujours problématique à cause des fréquents conflits avec la papauté et avec les religieux 15. L’intolérance intérieure et la belligérance extérieure au nom de la Foi sont le résultat logique de cette nouvelle sacralisation de la position du roi. L’importance donnée à cet attribut renforce le caractère charismatique des demandes royales, car l’argent demandé par le roi est destiné à garantir la défense de l’honneur de Dieu et de la Chrétienté contre les musulmans ou les hérétiques. Ce raisonnement permet de répondre à un des arguments principaux avancés par les représentants des contribuables pour rejeter les aides demandées ou réduire leur montant : l’asymétrie entre la logique fiscale et administrative de chaque territoire et celle du gouvernement. Si les dépenses royales sont faites selon l’ordre des priorités géopolitiques de la monarchie en tant qu’entité globale, les revenus ont été négociés et versés de façon individuelle sur la base juridictionnelle des royaumes, seigneuries et corporations. Chaque élite politique et sociale a une perception particulière de l’insertion de son territoire dans la monarchie, une culture politique qui a des éléments spécifiques 16, à partir de laquelle elle réclame que l’argent livré par les contribuables soit dépensé selon les priorités géopolitiques du territoire. Des priorités que ces mêmes élites considèrent avoir le droit de définir.
8Bien que ce discours soit partagé par toutes les élites, dans la pratique, les différentes structures politico-juridictionnelles et les diverses positions de force dans la négociation fiscale des agents du roi ont pour résultat une forte inégalité contributive entre les divers territoires. De fait, une partie très importante des revenus obtenus dans les royaumes les plus taxés (la Castille et ses Indes, les territoires d’Italie) serait dépensée en dehors d’eux. L’argumentation du service à Dieu permet de disposer d’une puissante justification pour essayer de vaincre la résistance des élites, car ce principe s’applique à l’ensemble de la monarchie. Ainsi, les demandes des agents du souverain brisent les limites classiques des rapports binaires entre Prince et royaume, pour essayer de les placer dans un espace politique plus ou moins nouveau où le service à la majesté humaine et la protection, qui en dérive, de toute la monarchie deviennent pour les sujets la clef de l’insertion et du soutien de la majesté divine et de son Église.
- 17 La fonction décisive dans la définition des rapports politiques se fondait sur le niveau d’appropr (...)
- 18 Pagden : 1997, p. 57 et suiv.
- 19 Il y a une importante bibliographie sur les dernières Cortès de Philippe II : Echevarría Bacigalup (...)
9La satisfaction des demandes d’argent du roi devient ainsi en grande partie une affaire religieuse placée dans une logique catholique (dans les deux acceptions du terme) et pas seulement dans la culture politique privative de chaque juridiction 17. En conséquence, les théologiens (avant même les juristes) jouent un rôle remarquable dans la réflexion fiscale, tant du gouvernement que des contribuables, sur la licéité des requêtes royales et sur le devoir de les satisfaire. Toutefois, bien que très puissant, le discours mystique du roi montre les limites de sa capacité de mobilisation, face à des élites régionales retranchées derrière leurs privilèges, qui réclament le maintien d’une négociation politique qui respecte les droits et les particularités de leurs territoires. Même en Castille, où la conception du peuple élu a eu un remarquable succès 18, pendant les années 1590, les Cortès refusent d’accorder un nouveau service * au roi car les délégués des villes (procuradores) représentées aux Cortès estiment que le royaume est dans une situation pénible et ne peut plus aller au secours des catholiques français et anglais. Cette opposition contraint Philippe II à renoncer à sa politique internationale d’engagement confessionnel actif 19.
- 20 Le cadre général de la réception de la lecture de Giovanni Botero en Espagne est retracé par Gil P (...)
- 21 Muñoz Rodríguez : 2003, appendice II.
10Pour renforcer les demandes d’argent qui ont pour finalité la défense de la monarchie, d’autres argumentations sont mobilisées, liées à la traditionnelle fidélité entre roi et royaume. Ces arguments sont en partie renouvelés au xviie siècle par l’influence du néo-stoïcisme et de la raison d’état chrétienne 20. Dans ce cadre on peut signaler plusieurs éléments majeurs : 1/ l’affirmation que les demandes du roi sont fondées sur une nécessité mystique et politique si pressante qu’elle surpasse les considérations juridiques (l’invocation des privilèges), politiques (la territorialité des dépenses) et économiques (la décadence) ; 2/ l’attribution au gouvernement de la connaissance des arcanes de la politique internationale ; 3/ l’identification de la destinée de la monarchie avec les intérêts patrimoniaux de la Maison d’Autriche ; 4/ sa conception comme une corporation solidaire de territoires dans laquelle la sûreté de chacun est essentiellement liée au maintien du prestige de la politique royale (la réputation) et à la préservation de l’intégrité collective et individuelle. De cette façon, l’emploi des ressources locales pour garantir la protection d’autres territoires devient le moyen indirect, et très économique, de s’en assurer. Bien sûr, l’usage réitéré de ces arguments leur enlève toute originalité mais aussi, alors que la monarchie espagnole perd des positions sur le théâtre européen, toute efficacité. Aussi, à la fin du règne de Charles II, constituent-ils un discours stéréotypé 21.
- 22 Sur l’opposition légale et impérative des sujets aux demandes, et parfois aux ordres, du roi : Cár (...)
- 23 Sur la conception de l’argumentation du service possible : Guillamón Álvarez, García Hourcade et R (...)
11Les élites locales des divers territoires de la monarchie, confrontées à cette argumentation, lui opposent des raisonnements aussi puissants. Elles se fondent sur la proclamation de leur autonomie politique, sur leur capacité d’interpréter les limites des droits du roi et leur connaissance des possibilités matérielles que les contribuables ont de satisfaire ses demandes. Cette attitude repose sur une conception de la monarchie dans laquelle les corporations peuvent entretenir une relation politique plus active avec le roi. Le refus justifié d’une demande fiscale, loin être une forme d’opposition au Prince, devient un service, un devoir impératif que leur impose leur double qualité de sujets du roi et de représentants des contribuables. En effet, ce refus est une façon d’exercer la fonction d’information (de conseil) au Prince sur le danger qu’il court d’outrepasser ses droits en violant les privilèges du royaume ou de charger les peuples au-delà de leurs possibilités effectives 22. Cette prise de position des représentants comme conseillers-rapporteurs du roi apparaît clairement dans leurs contre-propositions : les sommes offertes représentent toujours le principe clé du service possible 23. Seuls les représentants naturels de la population, en vertu de leur expérience et de leur connaissance de la réalité, peuvent en déterminer le montant ; au contraire le gouvernement, trop éloigné, ne saurait l’évaluer.
12La très fréquente négociation fiscale, plus que le simple calcul des quantités à payer, signifie ainsi l’existence d’un espace assez malléable de discussion et de définition d’enjeux plus complexes. Les conséquences en sont décisives pour la stabilité politique de la domination monarchique. La nécessité de laisser la porte ouverte à la négociation force le gouvernement à faire des concessions de toutes sortes de récompenses (mercedes et gracias) à ses interlocuteurs, tant comme particuliers que comme membres des institutions. Le résultat est la consolidation parmi les agents du roi et les représentants de la population d’une culture de négociation formelle continuelle, rémunérée économiquement et socialement, et soumise à des règles implicites de procédure, avec des moments prévisibles d’activation. Ainsi les représentants de la population peuvent chercher leur profit. Pour sa part, la monarchie obtient, parfois malgré les planifications de ses ministres, non seulement le consensus suffisant pour appliquer les réformes fiscales en dépit de l’opinion de la plupart des contribuables, mais aussi les agents territoriaux capables de garantir le paiement effectif de « services * » par la population.
- 24 Solano Camón et Sanz Camañes : 1996 et 1998 ; Hernández : 1998b.
13Tout le contraire peut arriver si les assemblées représentatives ne sont pas convoquées souvent et s’il n’existe pas une culture de négociation (et une clientèle royale effective ou un groupe qui ait des expectatives d’en faire partie). Dans ces cas, les assemblées représentatives peuvent devenir le lieu idéal pour énoncer en forme d’opposition le mécontentement des élites devant leur abandon par la Couronne. En outre, la non circulation fréquente de grâces royales fait que la définition sociale et institutionnelle de ces élites reste attachée plus à leurs institutions traditionnelles qu’au service royal direct dans lequel elles ne trouvent pas d’espace où situer leurs expectatives de promotion. Dans ce contexte, la montée de la fiscalité royale est comprise comme une menace ou une agression contre les droits et privilèges des institutions locales et régionales et les positions sociales de ceux qui les contrôlent (comme en Catalogne) 24. Ce n’est pas un paradoxe, bien au contraire, si la monarchie au xviie siècle accroît plus facilement sa taxation dans les territoires qui supportent déjà une pression fiscale très élevée (et, en conséquence, ont une tradition de négociation) et a plus d’ennuis dans les royaumes où la taxation est moins forte en termes relatifs. La capacité de mobiliser des agents est donc aussi importante en termes de stabilité et de discipline politique que le niveau de croissance fiscale. blées représentatives.
Espaces et dynamiques de négociation
14Le débat autour de la signification politique du roi, des élites et des sujets activé à travers la négociation fiscale n’est pas le monopole des assemblées représentatives. Tout au contraire, la négociation fiscale ne s’arrête pas là, mais elle concerne un grand nombre d’institutions et implique toute la société. En effet, les accords passés dans les Cortès, Corts ou états doivent être confirmés parfois par les institutions représentées, qui ont la voix décisive dans la concession. C’est le cas des villes en Castille.
- 25 Le cas le plus connu est celui du Comte-Duc d’Olivares, qui fait pression avec succès sur les vill (...)
- 26 Le royaume de Valence pendant le règne de Charles Quint est un bon exemple de la malléabilité des (...)
15L’espace de négociation n’est pas fixe non plus. D’autres institutions sont appelées à faire des concessions fiscales au roi. Le souverain a tout le droit d’adresser ses demandes d’aide à des entités concrètes (une ville ou une corporation spécifique) et à des personnes particulières sans passer par les assemblées représentatives pour cela. Dans ces cas-là, la logique de la négociation fonctionne aussi comme espace de relation qui implique une définition sociale des représentants et des contribuables ainsi que l’expectative de la gratitude royale pour le service fiscal rendu. Les agents du roi tirent parti de cette capacité stratégique de focalisation de la demande royale pour essayer de menacer les interlocuteurs traditionnels 25, surmonter l’opposition très nette de quelque institution ou flatter un pouvoir oublié d’habitude 26. La demande royale peut être un lourd fardeau, mais la satisfaire (au moins en partie) est aussi le meilleur moyen de renforcer sa position sociale et politique.
- 27 Alonso Acero : 2000, p. 250 et suiv. ; Parker : 1991.
16Ce qui est intéressant est que toutes ces situations reproduisent un modèle connu tant des contribuables que des agents de la monarchie. On peut trouver cette culture fiscale même dans les situations les plus primaires de la négociation, quand la coercition est explicite. La pratique administrative a ses étapes : construction de l’espace fiscal (social et physique), des demandes d’argent, des contre-propositions faites par les représentants de la population, obtention d’un accord final, débouchant sur l’exercice conflictuel des rôles proclamés. Les systèmes de taxation des populations musulmanes voisines des places fortes espagnoles du Nord de l’Afrique (comme les temín, droits perçus exclusivement sur les autochtones) ou les sauvegardes de populations frontalières de la monarchie espagnole aux Pays-Bas donnent de bons exemples d’une fiscalité extrême. Ces situations montrent comment les rapports de force arbitraires (le saccage ou le brigandage) laissent la place à un espace de légalisation de la violence : les ennemis de la monarchie (ou les simples paysans) acceptent leur statut comme protégés du roi catholique (qui doit empêcher leur destruction ou le vol de leurs propriétés) et ils doivent en échange lui fournir des moyens 27.
- 28 C’est le cas de l’administration financière de l’occupation de la ville d’Amiens par les Espagnols (...)
17Dans la mise en pratique de ces accords on peut observer aussi l’activation de processus qui ne sont en rien étrangers à des dynamiques fiscales plus sophistiquées. Les représentants du roi, qui ne peuvent être contrôlés de près, en profitent pour s’approprier une partie des revenus. D’un autre côté, ceux qui négocient avec les Espagnols des territoires frontaliers et les populations affectées peuvent aussi trouver une rémunération dans la reconnaissance d’un statut spécial qui se traduit, parmi une multitude de situations, par la jouissance d’avantages dans le rapport quotidien avec les militaires, l’exemption de payer les contributions, la concession de licences de commerce, la reconnaissance d’une certaine liberté de déplacements sur la frontière… Toutefois, de toute évidence, ces situations de guerre sont plus instables que les accords fiscaux ordinaires : les rôles assumés peuvent changer, au grand dam de ces agents qui ont servi la tactique du roi d’Espagne 28.
- 29 Le moyen idéal de paiement devient ainsi un élément de la négociation aussi important que la quant (...)
18Pour les négociations plus institutionnalisées on peut détecter des procédures assez similaires, mais d’habitude moins violentes. Le roi, soit à travers sa correspondance, utilisée de façon opportuniste par ses représentants ordinaires, soit par l’intermédiaire d’envoyés extraordinaires (s’il faut montrer l’importance de la demande), se met en contact avec le corps auquel il demande une aide extraordinaire ou la réévaluation de ses droits ordinaires. La demande n’est jamais présentée comme arbitraire ou gratuite. Elle est toujours accompagnée d’une argumentation qui montre que le souverain, malgré la grande douleur qu’il éprouve à taxer ses sujets, ne peut faire autrement. Les malheurs et dangers du temps présent le forcent à demander le secours de ses fidèles, mais toujours il cherche le moyen le plus doux 29. Les contribuables sont ainsi confrontés à une demande complexe : 1/ il s’agit d’une question d’amour : sujets et institutions ne peuvent pas refuser leur aide, vu l’affection, la souffrance et la préoccupation du Prince ; 2/ mais c’est aussi une question d’intérêt, car la demande royale est d’habitude destinée à empêcher ou prévenir un mal plus grand, désigné par le roi et ses ministres ; le service au roi n’est que le service indirect des contribuables à leur propre bien-être.
- 30 Jiménez Estrella : 2004, chap. 3.
19La requête royale, bien qu’elle suppose d’un côté la perte de propriétés, implique en même temps une rémunération : la reconnaissance de la position sociale des contribuables. Le cas des services négociés entre le capitaine général de Grenade et les morisques dans la première moitié du xvie siècle est éloquent : les nouveaux convertis sont reconnus comme une corporation spécifique qui doit faire preuve d’une loyauté supérieure à celle des vieux chrétiens. Mais en acceptant leur service le roi reconnaît qu’ils sont aussi ses sujets (et en termes plus pratiques qu’il ne pense pas les expulser, au moins pendant le service en cours) 30.
- 31 Sur l’évolution de l’extension de la clientèle royale dans les villes castillanes : Thompson : 199
20Une fois la volonté royale communiquée au corps qui doit la satisfaire, s’ouvre un processus d’information sur la possibilité (légale et financière) de donner une réponse positive. Les États, les Cortès, les Corts, les assemblées de la corporation ou la magistrature municipale, selon les cas, peuvent demander des avis techniques (théologiques, juridiques ou économiques) pour bien établir leur position face à la demande royale et calculer les limites de leur flexibilité dans la négociation. Pendant cette période les agents du roi recherchent la collaboration active des membres les plus en vue de ces corps ou de ceux qui peuvent avoir quelque influence sur eux. Il est évident que ces négociations formelles s’accompagnent du recours, plus ou moins voilé, à toute sorte de pressions, achat de volontés, usage de la force, développement d’alliances entre les représentants… Les délibérations internes, tant à échelle d’assemblées générales qu’à l’échelle municipale, montrent que parmi leurs divers membres il y a une pluralité d’interprétations des demandes royales. On ne doit pas penser, de façon simple et mécanique, que ces confrontations ne sont que le fruit de l’intérêt clientéliste d’une faction spécialement liée à l’administration et aux grâces royales. Elles traduisent aussi l’assimilation de quelques éléments d’une conception de la royauté et de ses rapports avec ses sujets qui est proche de celle du gouvernement, une prise de position confirmée par les expectatives d’obtention de grâces 31.
- 32 La présence des agents des villes et des institutions à la cour est devenue un des moyens majeurs (...)
21La réponse des assemblées représentatives ou des autres institutions mobilise aussi le langage de l’amour politique et explicite la réciprocité entre le roi et les contribuables. Les représentants se font les porte-parole de ces derniers et présentent le service comme une action absolument héroïque qui répond plus à la fidélité filiale au roi qu’à la raison politique. La demande royale peut être refusée, accordée ou accordée avec des réserves. Le troisième cas est le plus fréquent, car les institutions ou les corporations peuvent retarder leur décision sur une aide jusqu’à ce que le Prince ait accordé diverses grâces ou résolu en faveur des institutions des contentieux précis. C’est un puissant moyen de pression sur le gouvernement qui, pressé par le court terme, a besoin du crédit que lui vaudra la concession du service 32.
22Le service offert au roi est le plus souvent d’un montant inférieur à celui réclamé et s’accompagne d’un certain nombre de clauses. Celles-ci peuvent concerner l’emploi des fonds collectés, limitant la capacité du roi de les dépenser, ou prévoir l’établissement d’organes de contrôle, la nature des taxes à travers lesquelles recouvrer le service, l’attribution de sa gestion, la résolution de doléances politiques et de conflits juridictionnels, la concession de grâces tant particulières (telles celles destinées à un seul individu, ville ou corps de contribuables) que générales (pour l’ensemble du territoire qui concède le service). Les représentants du roi peuvent négocier aussi bien la quantité finale que le contenu de chacune des requêtes.
- 33 Sur les Cortès de Castille et les conditions des millions : Jago, 1993 ; une situation semblable, (...)
- 34 Pour une vision globale des systèmes multiples de négociation et de conflit politique : Schaub : 2 (...)
23Le principal objet de confrontation, parfois comme simple masque de tractations purement économiques, est la qualité de ces doléances, la discussion fiscale abordant alors des enjeux juridiques et politiques de premier ordre. Si états, Corts et Cortès désirent donner le sens de conditions sine qua non à leurs articles, les agents du roi insistent pour ne les accepter que comme suppliques auxquelles la libre volonté du souverain cède, car la dignité royale ne peut à leurs yeux souffrir de conditions. De fait, une fois un accord conclu et l’aide acceptée par le roi, les articles (passés ou modifiés à travers des apostilles) ont une force légale 33. Bien sûr, il n’y a pas qu’une seule négociation et les assemblées ad hoc ne sont pas d’habitude les espaces principaux des rapports institutionnels. On sait que la vraie négociation se développe maintes fois après les concessions et circule à travers les agents des villes et autres corps présents à la cour ou les tribunaux royaux. Il y a plusieurs contentieux simultanés entre chaque corporation et le roi, et leur résolution dépend de l’issue de l’ensemble de la négociation 34.
- 35 Une rémunération qui peut être très variée. Ce succès dans la négociation fiscale est un mérite qu (...)
24Comme dans les sauvegardes, il y a une récompense pour les responsables du succès de la négociation. Les ministres du roi ont rendu un notable service à leur maître qui peut les récompenser et, même, s’ils sont relativement autonomes, ils peuvent tirer profit des recettes alors obtenues 35. Pour les représentants des contribuables, le profit peut être aussi significatif : leur rôle de médiateurs entre leurs corporations et le roi se trouve confirmé et renforcé, ils peuvent donc recevoir les grâces individuelles et collectives du souverain, et leur participation à l’élaboration des articles qui accompagnent le service ne peut qu’améliorer encore leur position.
- 36 L’imposition de la discipline fiscale a été pour les territoires de la monarchie espagnole, comme (...)
- 37 Le processus de définition des espaces fiscaux associe les institutions locales, mais cela ne veut (...)
25Mais le processus de négociation fiscale et ses conséquences sociales, politiques et institutionnelles ne s’arrêtent pas avec la concession du service ou la négociation du montant des droits du roi. La mise en pratique des taxations particulières pour satisfaire la quantité globale implique de mettre en place une machinerie fiscale et d’identifier dans la société réelle les catégories abstraites du service (l’espace, le territoire, la définition des contribuables et des exemptés) 36. C’est le moment de définir et re-négocier, dans le sens plus large du terme, les statuts judiciaires, les positions sociales, les rapports de force entre les groupes de pouvoir qui cherchent à contrôler les taxes sur le territoire et à en tirer parti 37…
- 38 Álvarez Nogal : 2003.
- 39 Mackay : 1997 ; Sánchez Belén : 1999 ; Sanz Camañes : 2003 ; Ruiz Ibáñez : 1995 et 2003.
26L’histoire sociale de la fiscalité a encore un long chemin à parcourir, bien qu’il y ait déjà des études remarquables des stratégies de négociation des financiers 38, des rapports entre les oligarchies locales et régionales et les fermiers des taxes ou de la composition des levées militaires 39. Les possibilités d’analyse sont multiples pour comprendre l’effet social et politique de la fiscalité dans la construction de la société. Il reste beaucoup à faire pour connaître les liens financiers entre l’administration centrale, les grands banquiers (qui reçoivent des assignations sur l’argent à collecter) et les hommes d’argent locaux, la mise en place de systèmes de contrôle et de discipline fiscale comme mécanismes d’identification sociale et de pédagogie culturelle et politique ou encore les conceptions politiques de la dissidence fiscale.
- 40 García Hourcade et Ruiz Ibáñez : 2001.
27Loin de représenter un monde harmonieux ou stable, la négociation fiscale est un monde changeant qui oblige les acteurs sociaux et politiques à chercher des accomodements toujours renouvelés. Ce n’est qu’un monde d’élites, mais un monde où les élites se définissent à travers le contrôle de mécanismes instables de reproduction et d’identification sociale 40. Il est évident qu’il y a des gagnants dans les accords passés avec le roi, mais d’autres deviennent prisonniers de leurs rôles d’interlocuteurs avec l’administration royale quand ces positions ont déjà perdu de leur rentabilité sociale ou politique.
Conclusions : flexibilité politique et stabilité institutionnelle
28Les limites légales et pratiques du pouvoir du roi font de la monarchie espagnole une addition d’espaces où la négociation devient tout à fait nécessaire pour garantir les revenus royaux. La monarchie doit bâtir un discours sur elle-même adaptable à chaque situation, très rigide et très flexible en même temps. Ce processus est intelligible pour chacune des élites locales, car il est soumis à des règles et procédures (institutionnelles ou pas) communes aux divers territoires de la monarchie et aux situations et espaces de négociation les plus variés.
29Mais pour comprendre le succès politique de la monarchie il faut s’éloigner de l’histoire institutionnelle classique qui réduit la négociation fiscale aux espaces où il y a une relation formelle et explicite pour les concessions au roi. La projection sociale des accords fiscaux constitue le vrai cœur de la domination de la monarchie : la population voit proclamer (ou redessiner) ses statuts par rapport au cadre établi dans l’accord fiscal ; situation qui implique un vrai processus de discipline sociale et fiscale, qui se fait en reconnaissant et en s’appuyant sur l’hégémonie royale. C’est-à-dire que la négociation fiscale continue alimente une tension sociale et politique qui renforce et renouvelle les rapports symbiotiques et les échanges de reconnaissance symbolique entre le roi et ses sujets. D’abord en définissant de façon explicite les relations politiques et administratives et les statuts sociaux dans le présent (le moment de la concession), et, ensuite, en dessinant une très forte projection de ces positions (réelles ou imaginées) vers le futur (au moins pour la durée du service prévu). La dynamique fiscale fournit ainsi à la monarchie (bien que malgré elle-même) la flexibilité politique et l’assise sociale suffisantes pour prolonger une domination qui n’a presque jamais été rigide ou immobile.
Notes
1 Pour les Cortès de Castille, Fortea Pérez, infra, chap. 17 ; une vision générale des Cortès ibériques dans Cosandey et Poutrin : 2001, p. 383-394. Sur les Juntes du Royaume de Galice, Gelabert : 1997b ; sur les états des Pays-Bas, Carretero Zamora : 1996 ; Esteban Estríngana et Ruiz Ibáñez : 1998 ; sur leur évolution dans les territoires incorporés par Louis XIV : Legay : 2002.
2 Avant de devenir un topos littéraire et historiographique, la conception de la monarchie hispanique comme une machine parasitaire vivant des revenus américains s’est développée comme arme de guerre culturelle forgée par ses ennemis : Schmidt : 2001, p. 46 et suiv.
3 Zabala Aguirre : 2000.
4 Álvarez Nogal (1997b) analyse les possibilités, et frustrations, que les diverses sources d’argent ont apportées aux gouvernements de Philippe IV.
5 L’historiographie de la fiscalité dans la monarchie espagnole (surtout dans les territoires ibériques) a été passée en revue dans trois travaux récents : Hernández : 1998a ; Dubet : 2000b ; Rey Castelao : 2004.
6 Dans la décennie 1980 les études sur les territoires de la Couronne d’Aragon ont souligné le caractère contractuel des rapports des royaumes avec le roi (par exemple, Solano Camón : 1987). L’étude un peu plus tardive des Cortès de Castille (par des historiens comme Thompson, Fernández Albaladejo ou Jago, sans oublier le livre-clé de Fortea Pérez : 1990) et de la vie politique municipale (Bernardo Ares : 1993 ; Ruiz Ibáñez : 1995 ; Passola Tejedor : 1997a ; López Díaz : 1997) a montré ce que les dynamiques de négociation de la Castille et de l’Aragon, et même une partie de la rhétorique liée à la structure de domination politique, avaient en commun. L’opposition entre absolutisme et pactismo devient donc une construction presque purement historiographique.
7 Sur l’organisation des finances royales dans les divers territoires de la monarchie : Hernández : 2002a.
8 Gelabert : 1997a ; Andrés Ucendo : 1998 et 1999.
9 Depuis les travaux fondateurs de Thompson (1981a), le problème est d’évaluer mais aussi de définir la signification de cette nouvelle pression fiscale en Castille : Cárceles de Gea : 1994 ; Ruiz Ibáñez : 1995 ; Mackay : 1997 ; Gelabert : 2001 et 2002. Le débat sur l’interprétation de cette révolution fiscale dans Thompson : 1998.
10 Sanz Ayán : 1989 ; Cárceles de Gea : 1995 ; Sánchez Belén : 1996 ; Muñoz Rodríguez : 2003 ; Maffi: 2003 ; Espino López : 2004.
11 Passola Tejedor (1997b) et Yun Casalilla (2003) dressent le bilan des nombreuses études de la projection politique des élites municipales dans le monde ibérique.
12 Bernardo Ares : 1993 ; Muñoz Rodríguez : 2003.
13 L’étude de la rhétorique fiscale s’est concentrée sur la documentation des assemblées représentatives, et moins sur la documentation municipale ou celle des corporations. Une approche du discours des villes castillanes dans Guillamón Álvarez, García Hourcade et Ruiz Ibáñez : 1995, chap. iv.
14 Sur l’évolution de la définition de la royauté : Hespanha : 1997a.
15 Cárceles de Gea (2000a et 2000b) étudie la position de force du roi dans ces conflits.
16 Sur les bases de ces cultures politiques locales et régionales dans le cadre ibérique et leur étude : Gil Pujol : 2001.
17 La fonction décisive dans la définition des rapports politiques se fondait sur le niveau d’appropriation de la mystique et du contrôle de l’administration religieuse de la part du roi, un facteur souligné depuis deux décennies par l’historiographie. Voir dernièrement Sacerdoti : 2002 ou Renoux-Zagamé : 2003.
18 Pagden : 1997, p. 57 et suiv.
19 Il y a une importante bibliographie sur les dernières Cortès de Philippe II : Echevarría Bacigalupe : 1983 ; Fortea Pérez : 1990 et 1997 ; Thompson : 1997a.
20 Le cadre général de la réception de la lecture de Giovanni Botero en Espagne est retracé par Gil Pujol : 2003.
21 Muñoz Rodríguez : 2003, appendice II.
22 Sur l’opposition légale et impérative des sujets aux demandes, et parfois aux ordres, du roi : Cárceles de Gea : 1997.
23 Sur la conception de l’argumentation du service possible : Guillamón Álvarez, García Hourcade et Ruiz Ibáñez : 1995, p. 134.
24 Solano Camón et Sanz Camañes : 1996 et 1998 ; Hernández : 1998b.
25 Le cas le plus connu est celui du Comte-Duc d’Olivares, qui fait pression avec succès sur les villes castillanes au début des années 1620 en les menaçant de déplacer le centre de la négociation fiscale dans les villes ; Guillamón Álvarez et Ruiz Ibáñez : 1997 ; Dubet, 2003. Mais ce n’est pas un cas exceptionnel : Ruiz Ibáñez : 2003, p. 145.
26 Le royaume de Valence pendant le règne de Charles Quint est un bon exemple de la malléabilité des demandes royales et des efforts du roi pour s’adapter au contexte politique : Pardo Molero : 2001.
27 Alonso Acero : 2000, p. 250 et suiv. ; Parker : 1991.
28 C’est le cas de l’administration financière de l’occupation de la ville d’Amiens par les Espagnols en 1597 : Ruiz Ibáñez : 2005.
29 Le moyen idéal de paiement devient ainsi un élément de la négociation aussi important que la quantité demandée. Mais les projets fiscaux, et même les décisions, ne sont pas intangibles. Chaque projet de réforme est doté d’une grande flexibilité et peut être utilisé comme un argument dans la négociation tant par les agents du roi que par les Cortès, comme on l’a montré dans le cas des tresoryes (erarios *). Dubet : 2000a.
30 Jiménez Estrella : 2004, chap. 3.
31 Sur l’évolution de l’extension de la clientèle royale dans les villes castillanes : Thompson : 1997
32 La présence des agents des villes et des institutions à la cour est devenue un des moyens majeurs de la négociation politique et fiscale : Guillamón Álvarez, García Hourcade et Ruiz Ibáñez : 1995, chap. ii ; Bravo Lozano (éd.) : 2002.
33 Sur les Cortès de Castille et les conditions des millions : Jago, 1993 ; une situation semblable, mais dans laquelle les ministres royaux ont réussi à imposer leurs critères dans Ruiz Ibáñez : 2003, p. 144-145.
34 Pour une vision globale des systèmes multiples de négociation et de conflit politique : Schaub : 2003b.
35 Une rémunération qui peut être très variée. Ce succès dans la négociation fiscale est un mérite que les ministres font figurer dans leurs relations de services. Mais s’ils exercent un contrôle étroit sur l’imposition ils peuvent se faire récompenser presque pour le montant qu’ils ont négocié ; c’est le cas du capitaine général de Grenade, le Comte de Tendilla, et du service de 40 000 ducats en quatre ans accordé par la communauté morisque : Jiménez Estrella : 2004, p. 122-124.
36 L’imposition de la discipline fiscale a été pour les territoires de la monarchie espagnole, comme pour les autres royaumes européens, au centre des mouvements d’opposition populaire. Un cadre général dans Lorenzo Cadarso : 1996 ; Mackay : 1997.
37 Le processus de définition des espaces fiscaux associe les institutions locales, mais cela ne veut pas dire qu’il y ait plus de participation ou qu’on puisse échapper ainsi au contrôle des oligarchies. Même quand une ville tient des conseils « ouverts » (concejos abiertos) on observe le très important poids de diverses factions dans la direction de la volonté dite populaire : Thompson : 1981b ; Prieto Prieto : 2003.
38 Álvarez Nogal : 2003.
39 Mackay : 1997 ; Sánchez Belén : 1999 ; Sanz Camañes : 2003 ; Ruiz Ibáñez : 1995 et 2003.
40 García Hourcade et Ruiz Ibáñez : 2001.
© Presses universitaires de Rennes, 2008