Chapitre XV. Les finances royales et les hommes d’affaires au xviiie siècle
p. 227-241
Texte intégral
Argent des particuliers et argent du roi
1Beik affirme que l’État s’est développé de façon « latérale », soit en conjonction avec les forces sociales prédominantes 1. Si c’est le cas, il va de soi que dans le domaine financier, l’argent des particuliers devrait se confondre avec les deniers du roi. Dans la présentation du projet de ce livre, la coordinatrice, A. Dubet, proposait comme l’une des questions à traiter celle de la distinction entre l’État et la société, entre l’administration et ceux qui en font usage. Dans le cas des finances, la délégation des compétences à des hommes d’affaires ou à des représentants des contribuables pose le problème de savoir qui est dans l’administration et qui est en dehors, puisque les particuliers prennent une part active à ladite administration. En effet, une fois obtenue l’autorisation de percevoir des impôts, le fermier, par exemple, reçoit tous les pouvoirs et privilèges nécessaires pour le faire, de sorte que pour la durée de son contrat, il agit comme s’il était lui-même l’administration.
2Dans cette perspective, la complémentarité entre l’argent public et l’argent privé à l’époque moderne est une évidence. Les besoins du roi se conjugent avec les bénéfices des particuliers 2. Cependant, la question suscite la polémique. Comme l’indique en 1833 Canga Argüelles, le recouvrement des recettes de la Couronne espagnole a toujours été, depuis longtemps, entre les mains de fermiers, des hommes qui « en vertu d’accords, prenaient la responsabilité de percevoir les impôts et de remettre dans les caisses royales la somme stipulée, gardant par devers eux, en paiement de leur peine, la différence entre la somme prélevée sur le contribuable et celle qu’ils versaient au trésor 3 ». L’auteur est ouvertement hostile à un système qui, selon lui, a causé de grands dommages, en raison de l’immoralité des fermiers. Canga Argüelles se fait ici l’écho de toute une tradition de critique des fermiers, particulièrement virulente pendant la première moitié du xviiie siècle. En 1749, est ainsi décrété l’arrêt de toutes les fermes d’impôts.
3Cette mesure est l’un des événements majeurs de l’histoire des finances espagnoles du xviiie siècle. Elle s’inscrit dans un courant réformateur dans lequel on voit aujourd’hui un chemin vers la modernisation 4, remettant en cause ce qui jusqu’alors allait de soi, à savoir que l’intérêt des particuliers s’identifiait avec celui du roi. Avec cette nuance : le roi devait rester au-dessus. Dans la société d’ordres règne un partage des pouvoirs particulier. Naef a parlé de la dualité de la monarchie et des ordres pour exprimer cette idée. Cette dualité supposait le soutien des monarques par les ordres privilégiés, dont la richesse était surtout d’origine agricole. Mais cet « État des ordres », plus propre aux xve et xvie siècles, devait céder le pas pendant les deux siècles suivants à un État monarchique absolu, capable d’une « plus grande intensification de l’activité et des résultats étatiques 5 ». Entre les deux s’était produit le développement de la bureaucratie 6, l’ « État des juristes ».
4Mais en outre, le développement de l’État fiscal militaire, comme on l’a appelé, montre comment les besoins d’argent croissants des monarques les obligent à s’appuyer toujours plus sur les hommes d’affaires. Les dépenses sont surtout consacrées à la guerre, mais pas seulement. On pourrait observer certains cas dans lesquels les dépenses destinées aux réformes économiques, aux infrastructures, à la bienfaisance ou à la culture ont un poids croissant dans les dépenses totales de l’État, de façon perceptible même si elles restent réduites 7. Dans tous les cas et suivant diverses modalités, l’économie passe au premier plan 8.
5Dans un monde où les dépenses s’accroissent, une des caractéristiques communes de toutes les finances royales est leur limitation budgétaire. Les rentrées sont généralement bien inférieures aux besoins. En outre, les impôts arrivent tard dans les caisses royales : il s’écoule un laps de temps long entre leur recouvrement effectif et la possibilité pour le gouvernement de faire usage de l’argent, sauf s’il est dépensé localement. Pendant ce temps, les besoins de la monarchie ne sauraient attendre. Dans ces circonstances, l’apport de l’argent des particuliers devient fondamental. Qui va payer les dépenses urgentes de l’État alors que l’argent des impôts tarde à rentrer ? Qui fera face aux avances, aux besoins de trésorerie, aux remboursements inévitables ?
6C’est ainsi que se développe dans la pratique un autre aspect de la division des pouvoirs dans la société d’ordres, qui conduit à l’accord tacite entre les hommes d’affaires et la monarchie. Le problème est d’obtenir de l’argent disponible à court terme. Il va de soi que la structure de la propriété des privilégiés n’est pas en mesure de le fournir. En revanche, les commerçants et les financiers, eux, ont de l’argent liquide ou peuvent en trouver. D’où la nécessité de recourir à eux.
7Cette nouvelle répartition des pouvoirs est purement pragmatique, même si le risque en est la perte de pouvoir de l’État. Pour l’éviter, l’État tente de passer des accords de courte durée pour des opérations économiques ponctuelles, qui n’affectent pas le système fiscal mais seulement, quand c’est le cas, son administration, et les groupes d’hommes d’affaires auxquels il s’adresse peuvent changer. Mais au-delà des problèmes conjoncturels, les besoins sont permanents. La pratique, par conséquent, plus qu’habituelle, est quotidienne, d’où l’apparition d’une structure administrative dans laquelle les hommes d’affaires sont absolument nécessaires. « Par le biais des fermes, écrit Ibáñez Molina, on obtenait l’avantage évident d’attacher à ce système fiscal et financier un groupe d’hommes d’affaires qui furent ceux qui soutinrent une grande partie du déficit de la Couronne 9. » En somme, de la même façon qu’on ne peut faire de politique sans l’accord des privilégiés, il n’est pas d’affaires de finances sans l’aide et la participation des négociants.
8Aussi séparer les intérêts privés des intérêts publics dans ce domaine paraît-il impossible. En tous les cas, le développement de l’absolutisme, qui prétend contrôler tous les ressorts du pouvoir, a une incidence telle sur ce système, qu’il finit par l’affaiblir, pour le moins dans le cas espagnol. Il ne fait aucun doute que les hommes d’affaires du xviiie siècle trouvent des avantages considérables dans leurs affaires avec la monarchie ; cependant, l’accroissement du pouvoir royal dans le monde financier finira par ruiner ici une bonne partie des intérêts particuliers.
9D’une certaine façon, les jugements pareils à celui de Canga Argüelles surprennent, sous la plume d’un libéral. On pourrait admettre la nécessité d’un plus grand sens éthique, qui paraît faire défaut aux fermiers des rentes ou, pour le moins, semble très subjectif 10, mais il paraît peu cohérent que des libéraux préfèrent la régie directe de l’État dans les affaires de finance. En réalité, plutôt que l’opposition entre intérêt privé et intérêt public, le problème posé est celui de la lutte d’intérêts entre différents groupes. La politique menée contre fermiers et munitionnaires, masque les conflits entre les clientèles des hommes qui sont au pouvoir et de ceux qui aspirent à y être.
Administration du roi et charges particulières
10La mise en régie directe des recettes fiscales suppose, on le sait, que les fermiers entrent dans la structure bureaucratique. C’est aussi le cas quand un munitionnaire reçoit une charge pour continuer de faire, en tant qu’employé de l’État, ce qu’il a fait auparavant comme particulier. Par ce moyen, l’administration royale finit par absorber non seulement des techniciens mais des personnes qui ont d’importants réseaux de relations. Dans la pratique, ce sont les mêmes qui administrent, mais la nouvelle modalité comporte des différences. Tout d’abord, les bénéfices de la gestion fiscale passeront entièrement dans les caisses de la Couronne. Quant aux individus, ce ne sont les mêmes qu’au début, car le système de promotion et d’avancement dans les postes bureaucratiques introduit des variations. Autrefois, la ferme ou le traité étaient obtenus au terme d’enchères par le plus offrant. À présent, au sein de l’administration, la lutte est politico-administrative et elle fait entrer en jeu les intérêts économiques, les services rendus, l’influence à la cour ou la préférence du ministre alors au pouvoir. Le paysage est ainsi sensiblement modifié.
11Dans l’Espagne du xviiie siècle, c’est ainsi le politique qui s’impose. En d’autres termes, les groupes qui se sont vraiment engagés dans la lutte pour le pouvoir en respectant le modus operandi des influences courtisanes ont le dessus. Cela ne veut pas dire que l’aspect technique disparaisse pour autant. Les différences qui opposent deux ministres des Finances, Juan Bautista Iturralde (1739-1740) et Miguel Múzquiz (1766-1785), l’illustrent bien. Iturralde est avant tout un homme d’affaires, d’abord commerçant puis munitionnaire, qui accède au ministère en vertu de ses seuls mérites économiques. Sa clientèle se recrute dans les milieux du négoce et ni lui ni ses proches n’ont eu auparavant de postes importants dans l’administration 11. Le cas de Múzquiz est très différent, puisqu’il a toujours été, de façon exclusive, dans l’administration 12 ; ce qui ne l’empêche pas, logiquement, d’avoir des affaires particulières.
12En effet, même si les négociants sont chaque fois plus attachés à l’administration, ils ne renoncent pas pour autant à leurs intérêts. Du point de vue de l’administration, leurs nombreuses relations clientélaires sont indispensables pour mettre en œuvre les affaires qu’exige l’intérêt général, pallier les retards ou soutenir le crédit de l’administration avec celui de personnages assez riches pour répondre à de telles exigences. Le fait que l’on demande des cautions pour garantir la nomination dans certaines charges administratives qui impliquent le maniement de recettes de la monarchie ou plus généralement d’argent est significatif à cet égard : on ne saurait nommer n’importe qui, il faut une assise économique en rapport avec le poste à pourvoir.
13C’est pourquoi, même si fermiers et munitionnaires finiront par occuper des charges administratives, ces affaires n’exclueront jamais la recherche du bénéfice personnel, celui de l’administrateur et celui de sa clientèle. Si ce n’était pas le cas, aucun de ces hommes n’accepterait le poste, car ils ne font pas qu’un travail d’administrateurs, mais aussi de négociants. La nouvelle structure administrative leur offre alors de meilleures opportunités pour faire de nouvelles affaires, parce qu’ils accèdent à une information privilégiée, qu’ils peuvent trancher en leur faveur et toucher les gages de leur travail.
14Ainsi, les modes de gestion varient, ils sont centralisés au fil du siècle, mais les intérêts particuliers ne sont pas pour autant évincés de l’administration. Le problème se pose autrement, dans la mesure où la situation des particuliers et des administrateurs est modifiée par l’avancée de l’absolutisme centralisateur. Dans tous les cas, une fois de plus, c’est l’aspect bureaucratique qui prime, le nombre des purs financiers s’amenuisant.
Fermiers des recettes royales, prêteurs et munitionnaires
15Les principaux types d’hommes d’affaires sont les fermiers des recettes fiscales du roi, les munitionnaires et les prêteurs. Il serait irréel de prétendre les distinguer. Tous les chemins mènent à Rome. Le fermier devient facilement munitionnaire et vice-versa. Quiconque en a les moyens peut faire des prêts. Le plus habituel est que des affaires différentes se compensent. Le fermier entré en relation avec l’administration cherche aussitôt à obtenir des traités rentables. Celui qui a commencé comme munitionnaire, pour sa part, cherche des fermes pour pallier le mauvais remboursement de ses dettes par le roi. Il en va de même pour les prêteurs, suivant une tradition déjà fameuse au début du xvie siècle : quand le roi n’avait pas de fonds, il payait en concédant une ferme d’impôt.
16D’autre part, les affaires n’ont rien d’individuel. Les financiers travaillent en compagnies, dont les associés ont derrière eux toute une parentèle. Certes, dans chaque cas, seuls les individus qui signent le contrat de ferme ou le traité sont visibles, mais dans la pratique l’affaire s’inscrit dans la stratégie de tout un groupe, d’une ou plusieurs familles. Le développement des familles dans le monde financier exige que leurs membres diversifient leurs activités. Si, vue de l’extérieur, chaque activité paraît indépendante, ce sont en fait les intérêts du groupe qui prédominent et tous, d’une façon ou d’une autre, prennent leur part aux résultats de l’affaire.
Les fermiers
17Examinons le cas de quelques fermiers. On ne peut parler que de fermiers des recettes royales dans la mesure où nous ne les connaissons que par leurs contrats d’affermage. Mais il faut tenir compte de leurs autres affaires et, tant que nous ne connaîtrons pas leurs trajectoires individuelles, il sera difficile de savoir laquelle était la plus importante. Parmi les fermiers des rentes provinciales *, un des plus gros est Juan de Sesma Díez Tejada. Issu d’une famille d’hidalgos de Mendavia, en Navarre, Juan a fait sa carrière dans l’administration et, à la fin du xviie siècle, il est contrôleur des restes (contador de resultas *) 13. En 1696, il épouse María Nicolasa Rodríguez de los Ríos, parente de l’important homme d’affaires du même nom. D’après Ibáñez Molina, les affaires de Sesma sont concentrées sur les fermes : il est intéressé au prélèvement des rentes provinciales * de Burgos (1707-1713), dont le fermier est Félix Sánchez de Valencia ; en compagnie avec Antonio Pontejos et Juan Aberasturi pour les salines d’Andalousie (1711-1713) ; en compagnie avec Juan de Goyeneche et le Marquis de Valdeolmos pour les rentes provinciales * de plusieurs provinces (1714-1717). Ces activités obligent les fermiers à s’associer entre eux pour augmenter le capital de leurs compagnies et leur permettre de « verser en acompte les avances considérables » réclamées par la Couronne 14.
18Un autre fermier de ces rentes provinciales * est Antonio Pando, qui, après de premières affaires avec l’État, obtient la ferme de plusieurs provinces entre 1722 et 1741. C’est là sans aucun doute le paiement de nombreux prêts et fournitures qu’il a consentis pendant ces mêmes années. À la fin de son contrat d’affermage de la recette des douanes (1734-1739), il est nommé directeur de ladite rente. Aux côtés d’Iturralde, on le trouve à la tête des principaux créanciers amenés à négocier avec la Couronne lors de la suspension des paiements de 1739 15.
19Le dernier fermier des rentes générales * (un ensemble de taxes douanières) avant leur mise en régie directe est Ambrosio María Andriani, qui afferme toutes les douanes de 1734 à 1739. À l’époque, les directeurs des rentes générales * sont Jacome Francisco Andriani et Juan Evangelista Giraldelli. En 1740 encore, la Junte des Finances décide d’affermer quelques unes de ces recettes, précisément en faveur de Juan Bautista Giraldelli 16. Tout ceci illustre les relations familiales et commerciales qui existent entre les fermiers et ceux qui exercent déjà des charges administratives. D’autre part, les fonctionnaires des finances royales qui s’occupent du prélèvement de l’ensemble de ces recettes à partir de 1740 sont le Marquis de Murillo (Juan Bautista Iturralde), Antonio Pando et José de Aguirre, munitionnaires bien connus, mais aussi hommes d’affaires qui ont déjà occupé des places importantes dans l’organigramme administratif 17.
20L’impôt sur la laine a deux fermiers au xviiie siècle, avant sa mise en régie directe définitive au début de l’année 1749 et à l’exception d’une autre phase de régie directe en 1714-1730. Le premier fermier est Adrián de Tourlon, entre 1700 et 1713. Ce commerçant de Bilbao a déjà affermé la recette au xviie siècle 18. Il est probable qu’il la conserve jusqu’à 1713 parce que la Couronne, pressée par la nécessité pendant la guerre de Succession, fait pression sur les maisons des gens d’affaires pour qu’ils n’abandonnent pas les finances 19. La seconde étape de l’affermage de l’impôt sur la laine s’étend de 1731 à 1748. Pendant toute cette période, c’est Miguel de Arizcun, Marquis d’Iturbieta, qui s’en charge. L’homme est issu du groupe des financiers navarrais liés à Juan de Goyeneche et à sa clientèle et il est devenu un important financier pendant cette période 20.
Les prêteurs
21Quant aux hommes connus comme prêteurs, on peut citer quelques uns de ceux étudiés par Ibáñez Molina pour les années 1720 21. Francisco de Ucedo, par exemple, ne fournit pas moins de cinq millions de réaux en 1725, qui doivent lui être remboursés partie avec de l’argent de la flotte des Indes et partie avec le produit des rentes provinciales * de Grenade. En 1728, il fournit 7 millions et demi de réaux pour le prest des troupes. La restitution de ce prêt, et peut-être des précédents, se fait avec les rentes provinciales * de pas moins de sept provinces. Pour sa part, César Rubini devient l’un des plus gros fournisseurs de lettres pour l’Espagne et l’étranger. Entre 1717 et 1720, ses crédits, faits en association avec d’autres manieurs d’argent, se montent à plus de 91 millions de réaux. Les seconds sur la liste des fournisseurs de lettres sont les Goyeneche, qui apportent plus de 41 millions de réaux. Les volumes sont donc loin d’être négligeables et logiquement, ils requièrent la participation de ces financiers, car les finances royales ne pourraient disposer de telles sommes en peu de temps. Entre 1722 et 1725, Rubini apporte encore plus de neuf millions de réaux. Antonio Pando y Sabugal est aussi fermier et prêteur. Entre 1722 et 1725 il assume plusieurs prêts destinés à satisfaire des dépenses urgentes. Si ce sont des prêts plus petits que les précédents, trois d’entre eux totalisent tout de même presque six millions de réaux.
Les munitionnaires
22Un des principaux munitionnaires du début du xviiie siècle, dont la carrière a commencé au xviie, est Francisco Esteban Rodríguez de los Ríos, Marquis de Santiago 22. Il commence sa carrière dans les affaires de son père, Juan Rodríguez, déjà fermier d’impôts pendant la seconde moitié du xviie siècle 23. Au cours de la dernière décennie de ce siècle, Francisco se charge déjà de l’approvisionnement des armées de terre dans plusieurs régions ; il continue aussi d’affermer les salines, succédant à son père. Pendant la guerre de Succession, ses affaires atteignent une autre échelle quand il devient fournisseur des troupes tant espagnoles que françaises, ce qui lui posera plus tard des problèmes pour se faire rembourser. Cela lui vaut des charges dans l’administration et en 1706 le titre de Marquis de Santiago. Après la guerre, il fait toujours des affaires. Entre autres, il est fermier et trésorier de la Croisade (Cruzada *). En 1720 il fournit aussi d’importants crédits à la Couronne, presque huit millions de réaux.
23On trouve les principaux munitionnaires dans les domaines de la fourniture des vivres à l’armée, comme le montre le dernier exemple, et de matériaux divers à la marine. Le recours à ces munitionnaires privés est l’effet des difficultés que rencontre l’État pour coordonner les nombreux intermédiaires qu’il faut mettre en relation pour obtenir les produits nécessaires, tant en raison du nombre de ces produits que de la dispersion géographique des lieux dont on les tire 24. Quoique la Couronne espagnole ait tenté à plusieurs reprises de changer de forme d’administration, elle n’y est jamais parvenue. Au xviiie, avec la guerre de Succession, le recours aux munitionnaires s’accroît.
24À l’époque, José de Aguerri, Marquis de Valdeolmos, est l’un des plus importants. Il a déjà une solide maison d’affaires au xviie siècle 25. De fait, le titre de Marquis a été obtenu en 1697. Mais c’est le conflit qui lui donne les meilleures occasions, dans le domaine des fournitures de grains à l’armée, auxquelles sa maison se consacre pendant et après la guerre, au cours des années 1720. Pendant ces années, l’administrateur de la maison, Pedro López Ortega, est nommé trésorier général de la Croisade * en Aragon, entrant ainsi définitivement dans l’administration (1709-1715). Pendant des décennies, au moins jusqu’au milieu du siècle, la maison Valdeolmos remporte plusieurs contrats de fournitures de grains à l’armée, sous le nom de cet administrateur 26.
25Une des familles de munitionnaires les plus connues est celle des Goyeneche 27. Elle est formée de Juan de Goyeneche y Gastón et de ses fils et neveux. L’ensemble familial offre une impressionnante illustration de ce que peut être l’ascension sociale liée à l’exercice de charges à la cour, aux affaires de finances et à l’anoblissement, le tout agrémenté de mariages heureux et d’associations marchandes bien choisies. La façon dont la famille répartit ces activités en son sein est intéressante. Tous ne s’adonnent pas à la finance, mais les affaires des uns complètent les charges administratives des autres et facilitent l’ascension postérieure de la famille. Pendant la première moitié du siècle, la finance est surtout le fait de deux membres, le patriarche Juan de Goyeneche et son neveu Juan Francisco Goyeneche Irigoyen, nommé en 1735 Marquis d’Ugena, car le reste des membres des premières générations exerce plutôt des fonctions administratives ou des charges courtisanes.
26Juan de Goyeneche, lui aussi, est entré à la cour avec une charge administrative, mais à partir de là il a pu user de son influence en faveur de ses propres affaires et de celles de sa clientèle, toujours plus étendue. Déjà à la fin du xviie siècle il avait obtenu un important contrat de fourniture de divers produits pour la marine, qui devait durer jusqu’à 1723 28. Une étape déterminante dans sa carrière de négociant est son association avec le Marquis de Valdeolmos et d’autres financiers dans un contrat de fourniture de vivres à partir de 1712. C’est un contrat important : il couvre cinq régions, ce qui n’était pas habituel auparavant. Le contrat imédiatement antérieur (1708-1712) avait réuni quatorze financiers (menés par Antoine Sartine) pour trois régions et l’affaire s’était mal finie. Depuis le début de la guerre de Succession, en dehors du premier contrat de Manuel López de Castro, qui n’avait duré qu’un an (1703-1704, pour quatre régions), et de celui de Rodríguez de los Ríos (1704-1708, pour deux régions), la formule la plus courante avait été de décentraliser, en passant un contrat par région, pour faciliter les fournitures. Ainsi, Aguerri avait eu l’Andalousie, Juan del Río González, Marquis de Campoflorido, la Galice, Moriones l’Aragon et José Soraburu la Navarre. Les munitionnaires locaux avaient beaucoup plus de chances de succès, maîtrisant les mécanismes économiques de leur région 29.
27Pendant les premières années du xviiie siècle, la compagnie de Goyeneche et Valdeolmos, qui inclut aussi Iturralde et le Marquis de Santiago, ne se contente pas de signer un autre contrat de fourniture de pain de munition pour les gardes royales d’infanterie de la cour, en 1713, et deux autres d’affermage des rentes provinciales * de six et quatre provinces, respectivement, en 1714-1717. Ces fermes sont probablement la garantie du paiement des fournitures des premiers contrats. Une seconde étape de la relation entre Goyeneche et Valdeolmos commence en 1717, surtout en raison du retrait du Marquis de Santiago des principales affaires 30. Entre 1717 et 1726, sont signés au moins un contrat de fournitures d’habits et équipages pour les troupes, un autre de fourniture de pain et d’avoine pour toute l’Espagne, l’affermage des fruits de l’archevêché de Tolède, alors vacant 31, et cinq contrats de fourniture d’argent d’une valeur totale supérieure à 66 millions de réaux. Mais en outre a été formée une autre compagnie entre les Goyeneche et Iturralde, qui assume différents contrats de fourniture de la marine, au moins jusqu’à 1733. Pour compenser, cette compagnie, comme l’autre, afferme les rentes provinciales * de Burgos et Cordoue entre 1722 et 1741, s’associant à d’autres hommes d’affaires, comme Juan de Ansalas, Francisco del Valle et Pedro Astrearena, neveu et héritier d’Iturralde 32.
28Francisco Mendinueta est un autre homme d’affaires important de l’époque, lié lui aussi aux Goyeneche et à Arizcun. En 1737 il assure plusieurs fournitures de balles, bombes, grenades et munitions pour différentes fabriques de Navarre (Eugui, Iturbieta), contrat complété par celui d’Arizcun pour la fabrique d’Asura 33. Mais son histoire est plus ancienne, liée aux affaires et aux relations établies par son père Juan Mendinueta Arizcun et aux fermes d’impôts royaux en Navarre 34. Cependant, la grande affaire de Mendinueta est la fourniture de grains. Il est bien placé pour l’assurer et y a été préparé par les contrats précédents signés par sa clientèle, notamment par Arizcun et par son père. Le développement de l’affaire a beaucoup à voir avec la politique suivie ici par la Couronne 35. Ainsi, en 1726 et 1727, un autre munitionnaire important, Urbán Ruiz Velarde, a obtenu que l’État accepte un seul fournisseur pour les armées de toute l’Espagne 36. Mais l’arrivée de José Patiño aux ministères des Finances et de la Marine change la donne et à partir de 1730 le ministre tente de mettre en régie directe les fournitures de l’armée, s’appuyant sur les intendants d’armée et sur une chambre des comptes générale des provisions créée pour ce faire.
29Malgré quelques points positifs, l’entreprise ne donne pas les résultats escomptés et après 1739 on cherche à nouveau un munitionnaire. Ceci pourrait expliquer en partie, d’après Torres Sánchez, pourquoi Mendinueta n’a pas obtenu plus tôt le contrat des fournitures. Il le remporte toutefois dès que l’affaire est mise aux enchères. C’est la Couronne elle-même qui offre la provision à la maison Valdeolmos, mais elle ne peut accepter ses conditions. Mendinueta peut alors entrer en scène et obtenir le contrat en 1744. Il en jouit jusqu’aux années 1754-1756, au terme desquelles la Couronne décide de revenir à la régie directe. Le système permet en effet un plus grand contrôle au gouvernement tout en lui évitant de négocier plusieurs contrats successifs. Mais dans la nouvelle régie, Mendinueta est directeur. Le système revient plus cher qu’auparavant. On rétablit donc les fournitures privées et le munitionnaire est, logiquement, Mendinueta 37. Il conserve l’affaire jusqu’en 1764. Les pressions d’Esquilache, liées à la guerre avec le Portugal commencée en 1762, finiront alors par ruiner le munitionnaire 38.
Une inévitable tension : intérêt du roi ou intérêt des particuliers ?
30Nous sommes partis du fait qu’il est inévitable que le roi ait recours à des particuliers. Attachons-nous à présent au corollaire de ces relations avec les hommes d’affaires, les conflits qu’elles entraînent. Les relations entre le roi et les particuliers ne sont en effet pas les mêmes que celles qui relient deux particuliers soumis aux mêmes contraintes. Outre le marché, l’obligation de gouverner à laquelle sont tenus le roi et les organes administratifs entre en jeu ; s’y ajoutent les privilèges d’autres groupes ou individus. C’est pourquoi il n’est pas facile de concilier les intérêts nés de cette nouvelle « dualité » développée à l’époque moderne pour le financement de l’État. D’autre part, l’État tend le plus souvent à renforcer la centralisation. De fait, déjà au xvie siècle, fleurit en Europe une abondante littérature qui s’attache à défendre l’État, associant la souveraineté royale au degré de contrôle effectif qu’exerce le roi sur les ressources fiscales et administratives 39. Dans ce contexte, le travail des fermiers et munitionnaires est reconsidéré en permanence, et pas toujours en faveur des financiers.
31Le groupe le plus surveillé est celui des fermiers d’impôts, tant en raison des bénéfices qu’il fait et des maux qu’il est censé causer aux contribuables, que parce que l’on estime que les finances royales pourraient assumer elles mêmes la tâche des fermiers. On peut retracer les grandes lignes de l’évolution de la politique menée face à l’affermage. Déjà, à la fin du xviie siècle, l’établissement des surintendances des rentes royales dans les provinces est une première étape dans la tentative, plus ou moins concrète, de supprimer les fermes. On tente même de confier l’administration de ces recettes aux corrégidors 40. Ce n’est là qu’un des aspects du processus réformateur de la fin du xviie siècle, qui affecte les groupes financiers d’alors et provoque de nombreux changements chez les individus réellement influents à la cour dans ce domaine, qui parviennent à occuper des postes dans l’administration financière 41.
32Parmi les mesures qui conduiront à la suppression des fermes, la décision prise en 1684 pour la recette du tabac est importante. En raison de la crise de la consommation de 1683, on ne trouve pas alors de fermier pour les années suivantes, et la recette est mise en régie directe. Escobedo Romero a montré récemment que c’est une décision politique prise par défaut, car il n’y a pas alors de véritable volonté de passer à la régie directe. Cependant, les organismes et les normes mis alors en place sont décisifs, puisqu’on les réactive pour organiser un nouveau régime en 1701, qui constitue la base de l’administration universelle décrétée à la fin de l’année 1730 42. En effet, en 1701, face aux problèmes économiques rencontrés par certains de ceux qui ont tenté d’affermer la recette, on décide de se passer de fermier général pour une période « indéfinie » et de revenir à un régime similaire à celui de 1684. Le système suppose le maintien, cependant, des sous-fermes et il renforce l’administrateur général, qui reçoit le titre de surintendant. Comme dans d’autres cas on recourt à des individus qui conjuguent carrière administrative et affaires de finance. Parmi eux, au premier plan, Fernando del Campo, Marquis del Castillo ; Juan de Dios Ríos González, Marquis de Campoflorido et futur ministre des Finances, en 1720 ; Jacobo Flon, frère du célèbre munitionnaire Bartolomé Flon ; Mateo Pablo Díaz Lavandero, Marquis de Torrenueva ; José Gómez de Terán, Marquis del Portazgo, et Juan Francisco Goyeneche, Marquis d’Ugena 43. Certes, plusieurs de ces hommes, et d’autres non cités, sont munitionnaires et fermiers d’impôts, mais tous évolueront vers une présence croissante dans l’administration. En effet, les mécanismes créés par la Couronne compliquent peu à peu la tâche des fermiers, et avant tout du fermier général.
33La suppression des fermes du tabac précède celle de toutes les autres recettes. Cela s’explique en partie par l’importance stratégique de cet impôt, étant donné son montant et son recouvrement plus facile 44, mais aussi parce qu’il n’est pas grevé par les annuités des juros * et n’est pas donné en compensation aux munitionnaires pour garantir leurs remboursements. Mais toutes les recettes royales prennent peu à peu le chemin de la régie directe. Certes, les inévitables péripéties de la guerre de Succession obligent à revenir à l’affermage des recettes, que l’on a tenté auparavant de remplacer par des systèmes d’abonnement qui ont nui aux fermiers 45. Toutefois, par la suite on persévère dans la politique inaugurée avec le tabac en 1701. Ainsi, par exemple, en 1714, il est stipulé qu’il n’y aura qu’un fermier par province, qui contrôlera tous les impôts. La mesure semble toutefois avoir donné peu de résultats. Quant aux rentes générales *, elles sont en régie directe jusqu’à 1725 46 puis à partir de 1740. Avant 1749, les fermes connaissent donc de nombreux changements 47. D’autre part la création des intendants de provinces en 1718 est un coup dur pour les fermiers. Mis en sommeil au début des années 1720, ils sont précisément rétablis en 1749.
34D’autres mesures de moindre portée compliquent la tâche des fermiers. Ainsi, à partir de 1725, quelques-uns des paiements qu’on leur accordait pour le voiturage de l’argent et à d’autres titres sont supprimés. En outre, si dans les années 1720, on exige d’eux un mois d’avance sur le prix fixé, plus tard les exigences s’élèvent et au début des années 1730 on parle déjà de six mensualités d’avance. José Patiño, sans attaquer directement les fermiers, fait pression sur eux pour les forcer à respecter les délais, dépendant qu’il est lui-même des urgences militaires 48. Seuls José Campillo (ministre des Finances de mars 1741 à novembre 1743) et le Marquis d’Ensenada (fin 1743-1754) s’en prennent de front aux avantages et à l’existence même des fermiers, tournant le dos à la politique suivie en ce domaine par Torrenueva (novembre 1736-mars 1739) et Iturralde 49.
35La situation générale des munitionnaires pâtit aussi du désir de l’administration d’obtenir de plus grands bénéfices de leurs services ou de réduire les coûts. Cette politique a commencé dans le dernier tiers du xviie siècle. On observe alors une série de réductions des consignations offertes aux hommes d’affaires, tandis que la politique de réduction des annuités des juros * doit aussi affecter les financiers qui ont investi dans ce type d’effets 50.
36Ici aussi, la guerre de Succession entraîne l’arrêt de cette politique et le retour au recours aux munitionnaires pour les fournitures militaires. Cela favorise précisément l’ascension d’un nouveau groupe de financiers, les Navarrais, dont on a vu qu’ils occupent une place de choix dans les affaires de la cour de la première moitié du xviiie siècle, sans pour autant disparaître plus tard. La situation stratégique de la Navarre, passage obligé des troupes françaises vers la Castille, et à la frontière de l’Aragon, renforce l’importance des fournitures de la région et projette au premier plan Juan de Goyeneche, que nous avons déjà cité.
37La fourniture des vivres, plus importante probablement, illustre les vicissitudes que connaissent les munitionnaires au xviiie siècle, le cadre institutionnel de leur activité évoluant. Une première étape s’ouvre avec la guerre de Succession. C’est en quelque sorte la réouverture d’affaires qui s’étaient peu à peu réduites pendant les années de crise du règne de Charles II. Cette étape est caractérisée, entre autres, par la part croissante des négociants espagnols dans les contrats de fourniture et les autres. Comme ces contrats exigent presque une ferme, les mêmes sont de plus en plus présents dans ce domaine aussi. Les étrangers disparaissent alors de façon presque définitive des affaires de finance et l’ascension des Espagnols ébauchée pendant le règne de Charles II est confirmée 51.
38La seconde étape va de 1730 à 1739. Torres Sánchez a montré que pendant ces années le problème de la relation de la Couronne et des munitionnaires est posé, la première tentant de renforcer son contrôle sur la fourniture 52 : c’est la tentative de Patiño, déjà mentionnée. Elle finit par échouer car, dans un contexte de guerres et de difficultés financières, la Couronne n’a pas assez de crédit pour en assumer la responsabilité. La suspension des paiements de 1739 met fin à l’expérience.
39Après cette date, on revient aux contrats traditionnels, mais il devient vite évident que l’intention des gouvernants est autre. Loin de passer des contrats de courte durée, qui obligent l’administration à des négociations continuelles, ils préfèrent privilégier un seul munitionnaire. Renforcer un seul homme d’affaires présente des avantages pour l’administration des finances, qui voit se réduire ainsi ses tâches bureaucratiques, tandis que le contrôle exercé est plus efficace. Quant au munitionnaire ainsi privilégié, il exige logiquement des garanties, se lançant dans des affaires plus importantes, mais aussi plus risquées. La réponse de la Couronne est la concession de privilèges. La concession du for militaire, le droit de recevoir l’aide des autorités provinciales dans leur tâche, la faculté de confisquer des marchandises si nécessaire, tout comme la protection générale du roi et surtout, le respect pour le crédit du financier, sont quelques-uns des principaux privilèges alors accordés 53. Pour les finances royales, ces privilèges ont des contreparties qu’il convient d’examiner. Il est probable qu’elles font une économie en s’appuyant sur un seul individu (avec sa maison d’affaires et sa clientèle, bien sûr), mais elles assument aussi un certain nombre de risques : tous ces privilèges peuvent en effet se retourner contre elles, sous forme de recettes qui ne rentreraient pas, car dans une situation non privilégiée, les affaires des mêmes financiers auraient pu générer des ressources fiscales ou autres. Quoi qu’il en soit, les finances royales gagnent en termes de gestion et de capacité de contrôle.
40Mais le monde financier n’est pas gagnant dans cette dérive administrative. On l’a vu, nombre d’acteurs préfèrent alors accepter des charges administratives, même s’ils continuent leurs affaires. C’est en effet le moyen d’accéder à une source d’information, mais aussi d’obtenir une sécurité si l’affaire tourne mal : à la fin, il restera toujours une charge disponible. Le système des privilèges monopolistiques non seulement réduit le marché, mais aussi, au fond, met le financier à la merci du roi. Comme l’a remarqué Root le privilège n’est pas négociable : sa valeur est celle que le roi lui donne à chaque instant 54. Or, cette valeur change au gré des circonstances, ce qui augmente les risques déjà grands courus par les munitionnaires. Torres Sánchez signale pour sa part que le système modifie la valeur du munitionnaire : ce n’est pas tant sa capacité sur le marché qui est en jeu, la démonstration de sa supériorité face à d’éventuels concurrents, que sa capacité politique, le talent avec lequel il pourra se ménager une position solide face aux décisions de l’administration.
41Dans les pays où se développent conjointement l’autorité de l’État et un appareil administratif fort et relativement dépendant du reste de la société, dit Descimon, l’État peut être considéré comme une entité supérieure à la somme de ses serviteurs « avec lesquels il entretient des rapports de complicité, mais aussi de méfiance 55 ». L’Espagne du xviiie siècle, pour ce qui concerne les gens de finance, est sans aucun doute un des cas qui illustrent comment ces relations passent de la complicité à la méfiance, pour finir par la domination bureaucratique. Gouvernement et financiers ont besoin les uns des autres, mais la méfiance, mêlée à ce besoin, amène le gouvernement à renforcer son contrôle : les fermiers d’impôts disparaissent, le nombre des munitionnaires est réduit, même si chacun de ceux qui restent jouit d’un régime privilégié. En définitive, ces mesures financières, parfois assimilables à des réformes modernes, amènent l’État espagnol à créer une élite bureaucratico-financière qui finira par devenir un obstacle tant pour le développement de l’État que pour celui de ses finances.
Notes de bas de page
1 Beik : 1985.
2 C’est le vieux problème déjà signalé par Bosher, de la « private enterprise in public finance ». Bosher : 1970.
3 Canga Argüelles : 1967, I, p. 95. L’ancienneté du système dont parle Canga est corroborée par Ladero Quesada (1981, p. 48), qui explique qu’en Castille l’affermage était déjà la modalité de perception la plus fréquente sous les premiers Trastamare. Le procédé serait bien réglé à la fin du xive siècle, même s’il faut attendre le xve pour voir une seule personne assumer perception et fourniture des fonds. C’est la réunion des deux fonctions qui fait que l’administration cède ses compétences, ce qui, déjà au xve, est la source des abus dont parle Canga.
4 Hernández Andreu : 1972.
5 Naef : 1973, p. 19.
6 Aylmer : 1979.
7 Voir la répartition des dépenses de la monarchie espagnole chez Pieper : 1982.
8 Sur l’« État économique » de l’Espagne du xviiie siècle : González Enciso : 2003b.
9 Ibáñez Molina : 1985, p. 17.
10 Sur la conscience et la religiosité bourgeoises, Groethuysen (1981) demeure incontournable.
11 Sur la carrière de Juan Bautista Iturralde : García Gaínza : 1999.
12 On peut suivre sa carrière dans la base de données Fichoz.
13 Caro Baroja : 1969, p. 62.
14 Ibáñez Molina : 1985, p. 326-327.
15 Ibáñez Molina : 1985, p. 315-316.
16 Melón Jiménez : 2004, p. 167, n. 3, 171, 180.
17 García-Cuenca Ariati : 1983, p. 240.
18 Sanz Ayán : 1987, p. 222.
19 Aquerreta : 2001b, p. 118.
20 Aquerreta : 2001b. Sur Arizcun en général, Aquerreta : 2000.
21 Ibáñez Molina : 1985, p. 312-316.
22 Ibáñez Molina : 1985, p. 317-320.
23 Sanz Ayán : 1989, p. 386-387.
24 Torres Sánchez : 2002a, p. 489.
25 Caro Baroja : 1969, p. 49-60.
26 Torres Sánchez : 2002a, p. 491.
27 La synthèse la plus complète actuellement est celle d’Aquerreta : 2001a.
28 Aquerreta : 2001a, p. 110 et suiv.
29 Hernández Escayola consacre une excellente étude aux hommes d’affaires dans leurs relations avec les finances royales à l’échelon local, en Navarre (2004). On y trouvera démontrée l’importance de José de Soraburu.
30 Aquerreta : 2001a, p. 125 et suiv.
31 Ce qui fait que ses recettes reviennent au roi.
32 Aquerreta : 2001a, p. 131.
33 Ibáñez Molina : 1985, p. 330 ; Aquerreta : 2000.
34 Sur ces affaires, Aquerreta : 2002 ; Hernández Escayola : 2002 et 2004.
35 Je reprends ici Torres Sánchez : 2002b, p. 109 et suiv.
36 Sur les affaires de ce munitionnaire : Ibáñez Molina : 1985, p. 342-345 ; Pulido Bueno : 1998, p. 224.
37 Torres Sánchez : 2002b, p. 128.
38 Torres Sánchez : 2002b, p. 132-33. Sur la guerre avec le Portugal dans ce contexte, González Enciso : 2006.
39 Bonney : p. 166-167.
40 Ibáñez Molina : 1985, p. 114-116 ; voir supra, chap. ix.
41 Sanz Ayán : 1989, p. 445 et suiv.
42 Escobedo Romero : 2004, p. 322-323.
43 Escobedo Romero : 2004, p. 430 et suiv.
44 González Enciso : 2005.
45 Ibáñez Molina : 1985, p. 253-254.
46 Artola : 1982, p. 284-285.
47 González Enciso : 2003a, p. 206-208.
48 Ibáñez Molina : 1985, p. 249 et suiv., 286 et suiv.
49 Zafra Oteyza : 1991, p. 93.
50 Sánchez Belén : 1996, p. 87 et suiv., 114 et suiv.
51 Sanz Ayán : 1989, p. 290, 377 et suiv., et Sanz Ayán : 2004.
52 Torres Sánchez : 2002a, p. 491-493.
53 Torres Sánchez : 2002a, p. 496 et suiv.
54 Root : 1994, p. 9.
55 Descimon : 1996, p. 133.
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