Chapitre VIII. Le contrôle comptable et la comptabilité. Les projets de réforme des finances lombardes dans la première moitié du xviie siècle
p. 137-149
Texte intégral
1L’analyse des dynamiques relationnelles entre le pouvoir central, le « centre », et les administrations locales, la « périphérie » (en utilisant des catégories conceptuelles peut-être anciennes mais d’une indubitable clarté explicative), offre, dans le cas du rapport entre la monarchie espagnole et le Duché de Milan, un observatoire d’un intérêt évident qui n’a pas manqué de susciter l’attention des historiens 1.
2Ici, j’examinerai l’action mise en œuvre par la Couronne dans les finances publiques lombardes dans la première moitié du xviie siècle. Au cours de cette période, une fois écartées les propositions les plus radicales de transformation de l’organisation administrative existante, le gouvernement de Madrid se concentre sur la trésorerie générale et sur les autres bureaux comptables de l’État, s’efforçant d’introduire des formes de « rationalisation » qui contribuent au moins à conjurer des obstacles fatals dans les « canaux » de collecte et de redistribution des ressources 2. Dans le puzzle embrouillé de la monarchie, la trésorerie milanaise est effectivement une pièce centrale. Son fonctionnement est non seulement indispensable au « bon gouvernement » de la machine d’État milanaise, mais surtout elle constitue une courroie de transmission de tout le système financier des Habsbourg d’Espagne 3. Politique de puissance et dépenses de guerre, pour l’empire espagnol comme pour les autres « competitors » de ce temps, vont de pair, de sorte que l’on ne peut mener l’une sans tenir compte des autres 4. Et pour soutenir les coûts d’un appareil militaire toujours plus puissant et sophistiqué, engagé dans des opérations de grande échelle et sur des théâtres de guerre géographiquement éloignés et mal reliés entre eux, il est indispensable de pouvoir compter sur des disponibilités massives d’argent et de veiller à ce que cet argent soit bien versé aux troupes. Deux devoirs que la Couronne remplit difficilement, soit en raison de limites d’ordre politique et économique (production et marchés insuffisants, système fiscal inéquitable, nécessité de tenir compte d’autres acteurs – communautés, corporations, institutions locales – pour l’application de nouveaux prélèvements), soit du fait des déficiences et des viscosités de ses propres systèmes administratifs 5. De là découlent des interventions ponctuelles sur tel ou tel appareil administratif, dans le but de démêler les nœuds les plus inextricables et d’huiler les mécanismes les plus rouillés. Mais de là découle également le recours à des moyens « extraordinaires », telle la dette publique, aussi bien sous forme de prêt à court terme que d’aliénation de recettes publiques et régales, ou même encore d’avances sur de futures rentrées fiscales. Domaines dans lesquels entrent en jeu les « privés » : grands marchands-banquiers internationaux, hauts fonctionnaires de l’administration financière (trésoriers, percepteurs, comptables, etc.), hauts représentants des corps territoriaux, membres du patriciat, nobles, riches artisans, propriétaires terriens 6.
3Le cadre est connu. Mais si on a écrit tant de pages sur le versant du prélèvement, en revanche, dans le cas lombard, la gestion et l’allocation des sommes perçues par l’État n’ont pas suscité la même attention. Le problème des paiements, militaires par-dessus tout, est particulièrement délicat pour l’empire espagnol, un ensemble immense, complexe et hétérogène. Envoyer une armée sur un front éloigné – comme les Pays-Bas – l’entraîner et l’entretenir, n’est pas une mince affaire : il faut des hommes et des moyens. Et l’État de Milan, dans ce contexte, joue un rôle décisif à cause de sa position stratégique sur la route même du théâtre d’affrontements flamand : il se trouve en effet le long de l’itinéraire parcouru par les troupes débarquées habituellement dans le port de Gênes, pour rejoindre les Pays-Bas (le fameux « chemin espagnol ») et constitue une vraie place d’armes. Ici, transitent, logent et se préparent les soldats 7 et passent également des fleuves d’argent en lingots de métal précieux, en monnaie sonnante et trébuchante ou sous forme d’instruments de crédit, telles les lettres de change. Ces lettres sont tirées sur le trésorier général du Duché, tenu d’effectuer, sous le contrôle des officiers de la solde, contrôleurs (veedores) et comptables (contadores), le versement des payes à l’armée à travers ses subordonnés ou d’en charger des délégués extraordinaires : les grands financiers de la Couronne. La trésorerie occupe donc ici une place centrale et ce n’est pas un hasard si une grande partie des ordres envoyés par Madrid et nombre des discussions qui se tiennent dans le Conseil d’Italie concernent justement l’organisation de la machine administrative milanaise et, en particulier, la question des paiements militaires, que l’on cherche à rendre plus fluides et rapides.
4Mais les interventions de la cour sur le cadre institutionnel milanais affectent inévitablement les équilibres de pouvoir internes au Duché, bouleversant les réseaux de relations et clientèles qui se sont institués à différents niveaux de l’appareil administratif local. C’est pourquoi, après la faillite des politiques offensives tentées au lendemain de l’acquisition du Duché (1535) 8, à partir de la seconde moitié du xvie siècle et plus encore au siècle suivant, la Couronne préfère procéder plus pragmatiquement à l’introduction, où et quand c’est possible, d’améliorations jugées utiles au bon fonctionnement de la finance publique milanaise, délaissant les tentatives de « réforme » plus radicales, politiquement plus dangereuses. En ce sens, la voie suivie par le roi prudent, Philippe II, et ses successeurs dans le Milanais est celle de l’application de systèmes de comptabilité et de contrôle plus efficaces sur les mouvements d’argent, mais aussi sur les officiers délégués à cette tâche. Elle s’accompagne de mesures de rationalisation des opérations de caisse qui prévoient aussi des modifications dans le système de collecte et de conservation de l’argent 9. Une voie testée parallèlement en Castille et dans les principales possessions de la monarchie où, à partir du milieu des années 1580, on procède d’abord à l’introduction de coffres à trois clefs où faire confluer tous les fonds destinés à la trésorerie, et ensuite, là où c’est possible, adjoindre aux pratiques comptables existantes une forme plus avancée et efficace d’enregistrement et de contrôle, telle la partie double 10.
5Dans les pages qui suivent, je tâcherai de reconstruire les étapes principales de la politique menée dans le Duché de Milan. Je tenterai de montrer comment les dispositions finales de Madrid furent toujours le fruit d’un compromis entre les résolutions annoncées par la Couronne – bien consciente qu’en visant haut elle récolterait toujours quelque chose 11 – et les réactions de l’establishment local, décidé à ne pas renoncer à sa propre marge de manœuvre et à maintenir les équilibres de pouvoirs consolidés par le temps et l’usage.
Le magistrat extraordinaire dans le viseur
6J’ai étudié ailleurs la tentative d’unification de toutes les rentrées du Trésor public, y compris les fameuses « recettes extraordinaires » sous l’unique direction du magistrat ordinaire 12. L’affaire met en lumière les dynamiques relationnelles mises en mouvement par l’action « réformatrice » de la cour. L’issue du contentieux sera le fruit d’un difficile compromis.
La tentative réformatrice de la cour
7Ce qui met le feu aux poudres est l’ordre royal émis par Madrid le 24 juillet 1601 et transmis une semaine plus tard par le Comte de Fuentes, gouverneur de l’État, aux principales magistratures milanaises 13. La mesure obéit à deux objectifs : une plus grande rationalisation de l’impôt et la centralisation des opérations de caisse. Elle dispose en effet que
« tous les fonds issus de confiscations, amendes, compositions, notifications, trafics de blé et autres marchandises sur le Muzza et les Naviglii, Jardins du Château de Milan, et toutes les autres catégories de rentrées issues soit des biens patrimoniaux soit des recettes extraordinaires qui reviennent à notre Tribunal soient remises à la trésorerie générale et y entrent réellement 14 ».
8Le trésorier est ainsi chargé des paiements relatifs à l’administration des recettes extraordinaires, qu’il ne peut désormais faire que sur présentation de mandats explicites signés du gouverneur et contresignés des comptables du magistrat ordinaire (l’organisme en charge de la gestion de l’essentiel du système tributaire milanais, en plus de la supervision de tout l’appareil financier).
9L’attaque à l’autonomie et à la dignité du magistrat extraordinaire, qui gère les recettes mentionnées dans le texte cité, mais surtout le coup porté à sa marge de manœuvre sur les plans financier et politique, ne sauraient être plus directs 15. Déjà par le passé et à diverses reprises à partir des années 1560, la Couronne a tenté de réformer cette magistrature, poussée dans cette direction par le magistrat ordinaire, sans grand succès. Mais cette fois, on le coup est porté au coeur du système. L’application des nouveaux préceptes royaux priverait en effet le magistrat extraordinaire de la faculté d’utiliser à discrétion les recettes qui sont de sa compétence – à travers le receveur et le trésorier delle biade, chargé d’encaisser les recettes des taxes sur le commerce du blé, du riz et d’autres produits. Ce faisant, on ne conserve aux divers officiers employés à cette mission que des tâches techniques : le recouvrement et l’immédiat versement des profits en trésorerie. On mine ainsi à la base un des piliers du délicat équilibre des pouvoirs au sein de la bureaucratie financière milanaise : la subdivision de la perception de l’État en deux bureaux, rétablie en 1563 après l’échec de l’unification tentée en 1541 par Charles Quint 16. Tout cela à l’avantage du puissant magistrat ordinaire. Ce dernier, fort de la faculté de contrôle sur l’activité du trésorier général que lui attribuent les nouvelles constitutions, menace de prendre en main tous les leviers du prélèvement fiscal.
La réaction du magistrat extraordinaire
10Face à la menace, le magistrat extraordinaire n’hésite pas à réagir. Il envoie un mémoire au gouverneur dans lequel il exprime son désappointement devant un choix qui lui « répugne », laissant entendre qu’il se refuse à le mettre en application 17. Ce tribunal inonde donc de lettres de protestations et de mémoires la cour, le Comte de Fuentes et le Conseil d’Italie, cherchant à bloquer la réforme. Il compte en particulier sur le soutien du président du Conseil, don Juan Fernández de Velasco, Connétable de Castille, devenu gouverneur de l’État et hostile à Fuentes 18.
11Cet effort, grâce aux bons offices du Connétable, est récompensé. Le projet de réforme est en effet redimensionné. En 1608, le Conseil d’Italie examine à nouveau la question et propose au roi une solution de compromis, qui vise à calmer les inquiétudes du magistrat extraordinaire sans pour autant renoncer à intervenir. Fait nouveau, le magistrat extraordinaire se voit reconnue la faculté de disposer de ses propres rentrées : les bénéfices de l’Annone, les condamnations pécuniaires, les recettes des droits de douane sur les fleuves royaux. En outre, il est de nouveau libre d’utiliser ces recettes pour payer, à travers le trésorier delle biade et les referendari, officiers locaux du magistrat, le salaire des officiers et des subordonnés. Seule la partie restant après le paiement de ces honoraires doit être transférée sur le compte de la trésorerie générale. Le tribunal est en outre autorisé à effectuer des dépenses pour son propre compte, après émission des mandats de paiement appropriés. Au magistrat ordinaire le Conseil reconnaît la seule fonction de contrôle comptable de l’activité des officiers de la haute magistrature.
12Le Conseil introduit aussi des nouveautés qui visent à alléger quelques procédures. L’attention porte sur le bureau du receveur (ricettore), l’officier auquel le magistrat extraordinaire confie les fonds nécessaires aux « réparations » des fleuves (fonds prélevés par le commissaire du Naviglio Grande sur des droits de péage et dans les mains duquel il dépose les biens sujets à contentieux). Le receveur a jusqu’alors joui d’une grande liberté de mouvement et d’une presque complète disponibilité des sommes déposées 19. De telles compétences rendent assez problématique le contrôle et incitent dangereusement à profiter de la charge pour s’enrichir aux dépens du Trésor, particulièrement à travers des opérations de prêt à intérêt. Pour éviter de tels abus et pour tenter d’imposer, au moins dans ce secteur, une meilleure hiérarchisation des canaux de prélèvements financiers, il est décidé que tout l’argent habituellement destiné au receveur sera payé à la banque de Sant’Ambrogio, en dépôts spécifiques et nominatifs. Le receveur se voit ainsi privé de pouvoirs effectifs : désormais, il se bornera à assister aux opérations de dépôt et contrôlera la régularité des paiements effectués à travers la banque, sur mandat du magistrat extraordinaire. Le comptable auprès du tribunal, au contraire, est censé tenir un registre des mouvements d’entrée et de sortie de la banque (pour les dépôts mentionnés), adressant chaque mois au président un compte-rendu sur les stocks d’argent.
13L’ensemble du projet du Conseil d’Italie est admis par le roi. Cependant, comme cela s’est produit pour l’ordonnance royale de 1601, la réforme ainsi articulée n’est pas mise en application et les mécanismes de perception, de collecte et de redistribution des rentrées extraordinaires demeurent pour l’essentiel inchangés. Il en sera ainsi pour toute la durée de la période espagnole. De la proposition d’utiliser la banque de Sant’Ambrogio, on ne parle bientôt plus, malgré l’avis formellement positif exprimé par le magistrat extraordinaire au lendemain de la disposition de 1608 20.
Le compromis final
14Les projets « réformistes » concernant le magistrat extraordinaire élaborés à l’époque, s’ils ne réussissent pas à entamer les fonctions principales du tribunal, ont tout de même un effet sur la rationalisation des procédures et la réglementation comptable. Des domaines dans lesquels Madrid agit également, comme nous le verrons, pour réorganiser l’activité de la trésorerie générale. En 1611, Philippe III fait exécuter une « instruction » qui, pour la première fois, réglemente dans le détail l’activité de l’officier délégué à la comptabilité du tribunal, introduisant l’usage de la partie double (même si celle-ci est limitée au livre des rentrées) et disposant la rédaction mensuelle de comptes-rendus de caisse (les bilanzeti) qui doivent servir à la formation du bilan de fin d’année. Ce bilan est envoyé au magistrat ordinaire afin qu’il l’insère dans le bilan général de l’État destiné à la cour 21.
15Ainsi, la Couronne, malgré l’échec de sa tentative de canalisation des divers flux fiscaux dans une seule direction, n’a pas pour autant renoncé à l’objectif de faire la lumière sur les mécanismes de l’administration financière. Par ces instructions, elle tente de réduire les risques de dispersion et de mauvaise gestion des bénéfices extraordinaires, cherchant ainsi à mettre sur pied un solide appareil comptable qui permette au moins de connaître à temps et avec précision le montant des rentrées et leur éventuelle disponibilité.
Les interventions sur la trésorerie et sur la comptabilité
16Moins problématique est l’action « rationalisatrice » de Madrid sur la trésorerie générale. Ici, l’expérience négative des tentatives de réforme proposées dans les décennies précédentes a sans doute pesé, convainquant la Couronne de jouer la partie sur le plan moins ardu des procédures et des règlements, tout en faisant très attention au choix des officiers à qui confier la délicate charge 22. Ainsi Philippe III, en 1603, après avoir nommé trésorier général Muzio Parravicino, fait préparer pour lui des instructions articulées et détaillées qui doivent permettre, au moins en théorie, une gestion efficace du bureau 23. Au riche appareil normatif destiné au nouveau trésorier s’ajoute une sorte de manuel explicatif de l’activité du magistrat ordinaire (duquel dépend aussi le trésorier général), rédigé au même moment par Teodoro Reboto, comptable de grande expérience, et destiné au visiteur * Felipe de Haro, à Milan, pour son enquête 24.
Les instructions de 1603
17De même que les directives de 1601 pour le magistrat extraordinaire (et les règlements successifs envoyés à la « comptabilité » de ce dernier), les instructions de 1603 visent essentiellement à garantir le bon fonctionnement des mécanismes de collecte, de dépôt et d’affectation de l’argent. La préoccupation centrale en est de définir le système de surveillance et de certification des flux monétaires qui transitent par la trésorerie. Les personnes en charge de ce travail varient en fonction des opérations que le titulaire du bureau est appelé à faire : reviennent au contrascrittore toutes les procédures concernant la caisse de l’État, alors que le veedor, aidé du contador, s’occupe du contrôle des paiements qui regardent la caisse des armées. Tous les trois en revanche collaborent pour les procédures de collecte et d’enregistrement des sommes en provenance des autres territoires de la monarchie espagnole.
18L’autre voie pour éviter les fraudes et garantir à la Chambre une vision, sinon exacte, du moins fiable de sa situation de caisse consiste à mettre sur pied un système d’enregistrement comptable efficace et ponctuel. Les instructions sont très détaillées en la matière, précisant la typologie des livres à tenir (reliés et porteurs de sceaux), les opérations à viser, l’indication des monnaies encaissées, la liste des officiers qui président aux mouvements financiers simples… Elles sont tout aussi explicites pour ce qui regarde la technique comptable à appliquer aux diverses écritures, laissant penser en plus d’un point (parlant de « grands livres » et de « journaux », mais aussi plus explicitement de « doubles écritures ») qu’au moins quelques registres ont dû être tenus en partie double, méthode que nous avons vue également appliquée sur quelques comptes du magistrat extraordinaire. La section finale des instructions concerne les procédures de révision des comptes auxquelles doit se plier le trésorier aussi bien durant son mandat qu’à la fin 25.
La question des paiements militaires
19À la fin des quinze premières années du xviie siècle, période qui correspond plus ou moins à une parenthèse pacifique en Europe, marquée par la Paix de Vervins, les interventions de Madrid sur la trésorerie milanaise et sur les officiers comptables de l’État deviennent plus espacées 26. Comme nous le verrons, il faudra attendre 1641, au lendemain de la mort du trésorier Francesco Parravicino, pour retrouver une autre période de grande attention de la Couronne envers la trésorerie. Entre temps, la Couronne privilégie la question du paiement des garnisons à demeure et des armées en transit ou logées par l’État, redevenue de brûlante actualité après la fin de la trêve. Le problème le plus pressant est d’éviter les abus dans les transferts d’argent d’une caisse à l’autre. Il faut imaginer une solution pour la comptabilisation ponctuelle de la partie des payes (les basse) qui est reversée dans les caisses de l’État et, en conséquence, pour la correcte et complète révision des comptes du trésorier.
20La question, récurrente, a été abordée en 1612, quand Muzio Parravicino s’est plaint des légèretés de ses caissiers dans les transferts d’argent comptant, souvent effectués sans les écritures comptables réglementaires. L’officier cômois a alors demandé que désormais, ses subordonnés soient appelés à rendre personnellement leurs comptes devant le titulaire du bureau de la même façon que le trésorier devait se soumettre à la vérification des réviseurs du magistrat ordinaire 27.
21Étroitement liée au problème des transferts de caisse est la question des acquits (recaudos), c’est-à-dire des reçus des paiements aux troupes que le trésorier général doit rédiger et envoyer au magistrat ordinaire afin que celui ci, après les avoir confrontés avec les comptes-rendus reçus des officiers de la solde, émette ex post les mandats de paiement et permette ainsi la restitution des acquits au trésorier et la mise en règle des comptes de la trésorerie. C’est une procédure complexe et confuse, mais nécessaire à partir du moment où les instructions de 1603 ont introduit la pratique de payer les soldats en vertu de simples ordres du gouverneur : celui-ci fixe par avance, sur la base d’une estimation haute, la quantité d’argent nécessaire et en dispose le virement de la caisse de l’État à celle de l’armée qui le répartit alors. Le tout avec le seul enregistrement sur le brouillon de la part du trésorier et du contrascrittore. Un tel système présente beaucoup d’inconvénients, à commencer par les délais courts – huit jours – laissés au trésorier, au contrôleur et au comptable de la solde, pour la présentation de justificatifs. Une disposition de 1621 impose au trésorier de livrer ses acquits à l’avance aux officiers de la solde, afin que ceux-ci les visent et les lui restituent à la trésorerie, d’où ils seraient envoyés au magistrat ordinaire, non plus un par un, mais une fois par semestre. L’objectif d’une telle mesure est évidemment de simplifier la procédure, libérant d’une charge pressante le principal tribunal financier de l’État et disposant également que trésorier, contrôleur et comptable débrouillent entre eux l’écheveau. Il semble toutefois que cette solution ne soit pas non plus exempte de problèmes et même qu’elle contribue à déchaîner le conflit entre le titulaire de la trésorerie, qui souhaite une rapide restitution des certifications signées, et les officiers de la solde, lesquels prennent leur temps, retardant parfois de plusieurs mois l’apposition de leur signature sur les acquits.
22Philippe IV intervient en 1628 pour résoudre ces tensions. Il est en effet sollicité lors d’une vérification du montant des transferts de caisse effectués entre 1615 et 1627, qui frôle les 4 700 000 écus, nombre desquels n’ont pas la certification de paiement requise 28. Le souverain ordonne alors que le magistrat ordinaire reprenne en main la gestion de cette délicate matière par l’intermédiaire de l’un de ses propres officiers, expressément chargé de la répartition des acquits. La décision royale provoque quelque mauvaise humeur, aussi bien de la part du trésorier, qui se voit dépassé, que de la part du magistrat, qui s’estime excessivement chargé de travail. Philippe IV reste pourtant ferme sur ses positions et dispose même qu’un tel travail soit rétribué, aux frais du trésorier 29.
Une solution accommodante
23Nous en arrivons à la « réforme » de 1641. Encore une fois c’est la mort d’un trésorier qui ravive les velléités d’intervention de la Couronne, mécontente de la façon dont est géré le délicat bureau de Milan. D’autre part, le résultat de la visite * de Mateo de Cerecedo et Andrés de Rueda Rico, qui se sont personnellement chargés de la révision des comptes des bureaux financiers de l’État de Milan, ne laisse aucun doute quant à la confusion qui règne encore dans ce secteur stratégique de l’administration ducale et, en l’espèce, dans la gestion des paiements militaires 30. À la fin de 1640, le Comte Francesco Parravicino, trésorier général depuis vingt-cinq ans, disparaît. Philippe IV ne perd pas de temps et en février suivant, il écrit au gouverneur de l’État, Diego Felípez de Guzmán, Marquis de Leganés. Le roi souhaite soumettre un projet de réforme de la trésorerie aux principales magistratures milanaises. Les propositions sur lesquelles doivent se prononcer le Sénat et les deux tribunaux des revenus sont au nombre de quatre : l’opportunité de diviser de nouveau le bureau en deux sections séparées, dont un consacré aux seuls paiements militaires ; l’introduction d’un second trésorier qui alternerait avec le premier dans un cycle biennal – durant la gestion de l’un, on réviserait la comptabilité de l’autre – ; la vente de la charge de trésorier et, enfin, l’application d’une série de correctifs aux ordonnances de 1603.
24Aucune des hypothèses formulées par le souverain ne sonne comme une nouveauté absolue à l’oreille des ministres milanais, à l’exception de celle qui tend à rendre temporaire la charge de trésorier, introduisant l’alternance entre les deux titulaires tous les deux ans. Une telle solution existe déjà au coeur de la monarchie, en Castille, où elle fonctionne entre 1584 et 1621 et, à en juger par son maintien, avec de bons résultats 31. Le traditionnel attachement à leurs propres usages administratifs, le désir de maintenir intactes certaines prérogatives et les précédentes expériences – en premier lieu les résultats désastreux de la vente de la trésorerie à Pedro López de Orduña – poussent les deux magistrats financiers du Duché à rejeter encore une fois les propositions d’une réforme structurelle du bureau et à pencher plutôt pour des modifications partielles, qui affectent seulement quelques mécanismes de l’engrenage (enregistrement comptable, procédure, etc.) sans en déranger le plan général. Le Sénat est plus audacieux, qui met au premier plan la comptabilité de la trésorerie, suggérant des aménagements susceptibles de faciliter les opérations de vérification.
25Le résultat d’une année de discussion sur les diverses propositions avancées par Madrid est bien maigre. Seule la comptabilité de la caisse de l’armée est revue sur la base des suggestions de Juan de Salvatierra, lesquelles, en vérité, ne s’éloignent guère de ce qui était prévu dans les instructions de 1603 (paragraphes 25 à 27), ignorées sur ce point pendant trente ans. L’ » Exemple d’une nouvelle manière de tenir les comptes de l’armée du trésorier général Juan de Salvatierra » est présenté par cet ancien comptable général, chargé de la trésorerie, au magistrat ordinaire durant la discussion sur les possibles modifications à introduire dans la trésorerie. Il ne fait qu’énoncer la nécessité de tenir un journal et un registre, sous la forme classique de la comptabilité en recette, dépense et reprise (cargo y data), pour l’enregistrement des transferts de caisse et des paiements aux troupes correspondants, pointant les monnaies utilisées et leur valeur, de même que la date précise de chacune des opérations 32.
Conclusions : réformes techniques et maîtrise politique
26L’analyse de l’interaction entre le pouvoir central et la périphérie, dans le cas des finances publiques lombardes de la première moitié du xviie siècle, limitée ici à l’intervention sur la situation institutionnelle, me semble confirmer la très forte connotation politique des dynamiques relationnelles introduites sous l’égide de la Couronne. En avançant quelque proposition de « réforme » que ce soit de la machine financière milanaise, le gouvernement de Madrid est bien conscient des réactions qu’il suscite dans l’establishment local et il est donc prêt à s’accorder avec les représentants majeurs des magistratures ducales. Il ne renonce pas pour autant à ses prérogatives et, en l’occurrence, à introduire, de toutes façons, des correctifs susceptibles, au minimum, d’huiler les engrenages de cette machine financière pour les faire fonctionner à un rythme plus élevé. Pour ce faire – outre procéder à la nomination d’hommes de confiance dans les centres nerveux du système – et en l’espèce au sommet de la trésorerie – la Cour concentre ses efforts sur les aspects plus techniques, marginaux seulement en apparence, du système : la réglementation des procédures de collecte, dépôt et répartition des fonds, la tenue des livres comptables, le contrôle des officiers chargés des diverses opérations.
27L’application de la partie double s’insère pleinement dans ce contexte. Elle est introduite précocement dans les comptes du Duché et utilisée à partir du début des années 1600 dans les principales écritures de la trésorerie où, pense-t-on à l’époque, il suffirait de recourir à la méthode de la comptabilité en recette, dépense et reprise, le trésorier ayant intérêt à connaître prioritairement les flux d’argent en entrée et sortie plutôt que la dynamique des variations patrimoniales 33. Mais la volonté de Madrid est plus forte que les résistances et réussit à s’imposer, comptant également sur l’habileté avec laquelle les opérateurs milanais – même ceux dits « publics » – maîtrisent les méthodes désormais en vigueur dans le monde de la finance « privée 34 ».
28Ce recours à la partie double dans les bureaux comptables milanais traduit aussi une attention pour le professionnalisme – dans le sens d’expertise technique et d’expérience – du personnel employé dans la trésorerie et dans les « comptabilités » de l’État. Ce souci transparaît, au moins jusqu’à la fin des années 1640, dans les décisions relatives à ce groupe particulier d’officiers 35. Il se manifeste surtout dans la phase de recrutement, puisque les candidatures sont étudiées avec soin, sans pour cela altérer les équilibres de type familial et relationnel qui se sont constitués au sein des magistratures locales. Il s’agit de trouver la juste mesure entre la nécessité de maintenir un niveau de compétence qui garantisse la réalisation des délicates missions confiées aux officiers de la comptabilité et la volonté de représentation et de participation à la gestion de la res publica exprimée par les corporations et la « bourgeoisie » citadine aussi bien que par des membres moins fortunés de l’élite patricienne – avec la possibilité, même minime, de promotion sociale, d’enrichissement ou d’anoblissement que les fonctions en question peuvent comporter. Une politique que la Couronne mène avec une certaine constance, au moins tant que cela demeure possible (la première moitié du xviie siècle), se montrant attentive à ne pas relâcher plus que nécessaire son contrôle afin de ne pas saper à la base les fondements de la finance publique locale.
Notes de bas de page
1 L’historiographie la plus récente a nuancé une lecture trop schématique, ancrée dans la seule dynamique conflictuelle, des relations centre-périphérie de l’empire espagnol, privilégiant l’articulation de tels rapports, à l’intérieur d’une re-visitation générale des processus de state making dans l’Europe de l’Ancien Régime. Cette relecture met en relief des catégories interprétatives telles que la négociation ou les participations croisées plutôt que le conflit (Muto : 1992a et b et 1995 ; Guarini : 1994 ; Molho : 1994). Pour ce qui est des finances, on trouvera des bilans historiographiques chez Pezzolo : 2003a, p. 61-62 (sur la fiscalité italienne), Rizzo, Ruiz Ibáñez et Sabatini (coord.) : 2003, p. 23-68 et Dubet : 2000a, p. 333-340 (sur la monarchie espagnole).
2 La perspective de l’analyse institutionnelle naît de la prise de conscience de son intérêt pour l’étude de l’évolution économico-financière (Musi : 1979 ; Epstein : 1996). Quant aux concepts de « rationalisation », « centralisation », etc., ils sont utilisés ici hors de l’optique, de matrice weberienne, qui les voudrait exemplaires d’un processus unidirectionnel de « modernisation » étatique. Ce processus comporte en effet des éléments extra-institutionnels comme les relations de pouvoir, le patronage politique et le climat culturel de l’époque.
3 Sur la centralité de la trésorerie pour les États de l’Ancien Régime, contraints à effectuer les dépenses sans regarder les disponibilités de caisse : Bayard : 1988, p. 1-20 ; Hamon : 1994, p. 1 ; Dubet : 2000b, p. 59. Sur le rôle fondamental du trésorier général dans la monarchie espagnole, Carlos Morales : 1999, p. 478-480.
4 La finance publique comme manifestation de la puissance du pouvoir (richesse = force militaire = prestige) a ses racines dans l’Antiquité. Pour une réflextion historiographique : Rizzo : 2001. Sur les rapports entre finance et raison d’État, dans une optique comparative : De Maddalena et Kellenbenz (dir.) : 1984.
5 Le problème n’est pas propre à la monarchie espagnole (voir par ex. Ardant : 1984). La production historiographique sur l’administration financière des divers états italiens s’est beaucoup enrichie dans les dernières années (Pezzolo : 2003a ; Sabatini : 2003a). Quant à la Castille, les recherches de Gelabert : 1997a, Andrés Ucendo : 1999, Carlos Morales : 1999 ont mis en lumière les liens étroits entre les sphères de la finance publique et de la négociation fiscale avec l’économie réelle, n’éludant pas les « freins » de caractère socio-culturel (Hespanha : 1989) qui faisaient obstacle à la libre action des divers agents sur ce terrain.
6 La bibliographie en la matière est volumineuse. Pour une vue d’ensemble du rapport entre la monarchie espagnole et le monde du crédit : Ulloa : 1977 ; Carande : 1990 ; Ruiz Martín : 1968, 1970, 1990a et 1990b. Pour des indications plus récentes et plus ponctuelles sur les rapports entre finance publique et finance privée : Muto : 1992a, p. 85-90 ; Dubet : 2000a.
7 À Milan existait surtout une armée de garnison chargée de défendre les points stratégiques, qui tournait autour de cinq mille unités entre infanterie, cavalerie légère et cavalerie lourde. Avec la révolte des Pays-Bas, la présence des militaires monta en flèche et le gros de l’armée de garnison de Lombardie fut formé des troupes en transit et des groupes qui stationnaient temporairement en réserve (Riley : 1977, p. 204-205 et 222-229 ; Parker : 1991, p. 90-144 ; Ribot García : 1989, p. 349-361 ; Rizzo : 1992, p. 321-329 et idem : 1997, p. 371-387 ; Maffi: 2003). La forte concentration de troupes dans le Milanais pouvait en outre être vue comme un facteur de stabilisation et un instrument de dissuasion contre d’éventuelles révoltes, surtout au cours du xviie siècle (Pissavino : 1995, p. 163-231).
8 Visconti : 1913, p. 225-230 ; Riley : 1977, p. 142-150. Sur les rapports entre pragmatisme et relativité dans la pratique du gouvernement de la Monarchie envers les provinces : Koenigsberger : 1989.
9 Les propositions de centralisation de la collecte, nous le verrons, eurent moins de chance, mais il faut relever que le système décentré d’imposition (et de dépense) avait sa propre logique et sa propre fonctionnalité. Il évitait par exemple le transfert d’argent comptant et laissait de plus amples marges de manœuvre aux « payeurs » et – en conséquence – à la Couronne, consentant, en outre, de gros profits aux receveurs et trésoriers, ce qui en explique la résistance au changement. Sur ce point : Dubet : 2000a, p. 41-42.
10 Les coffres à trois clés (généralement dans les mains du trésorier, du veedor et du contador) servaient aussi à empêcher l’appropriation du trésor par des officiers à travers le système de contrôle croisé. Sur la Castille, voir les travaux d’Hernández Esteve (en particulier celui de 1986) et Cuartas Rivero : 1981. Sur le royaume de Naples, Muto : 1980. Sur la Sicile, Ligresti : 1993 ; Giuffrida : 1999. Sur le Duché de Milan : Ostoni : 1997. Sur les Pays-Bas, avec une perspective comparative : Esteban Estríngana : 2002a et supra, chap. VI. C’est donc bien la simultanéité de ces interventions qui prouve une « régie » commune et la volonté d’appliquer des modèles communs de gestion (Muto : 1994).
11 Sur la fonction politique de l’attitude « réformatrice » de Madrid (la proposition de projets innovateurs utilisée comme moyen de négociation avec les élites locales) : Ruiz Ibañez : 1995 ; Dubet : 2000b, p. 56-57.
12 Sur le conflit au sein des magistratures financières milanaises et entre celles-ci et Madrid : Ostoni : 1997.
13 ASMi, RCS, s., XL, lib. 1, fol. 202.
14 La liste est celle des principales recettes (hors ventes et affectations de fiefs) dont s’occupait le Magistrat extraordinaire.
15 Chiffres à l’appui, j’ai montré que le jeu n’en valait pas vraiment la chandelle, en termes strictement économiques, surtout en regard du rendement beaucoup plus élevé garanti par les rentrées ordinaires : les deux sources de rentrées principales, l’annone et les bénéfices des confiscations et des amendes, tendaient en fait à dépasser les 35 000 écus par an au début du xviie siècle (Ostoni : 1997, p. 218-220). Reste que la possibilité de gérer de manière autonome de telles rentrées, à travers receveur et trésorier des moissons, offrait une marge de manœuvre importante au magistrat, qui assez souvent exploitait les disponibilités financières des deux officiers pour des avances sur les salaires quand il ne s’agissait pas directement de prêts.
16 Sur ces affaires : Benaglio : 1711, p. 19-27 ; Visconti : 1913, p. 220-223 ; Arese : 1970, p. 70-71.
17 ASMi, UR, cart. 679, missive du 27 juillet 1601, rapportée dans les « Informationi delle cose tra i Magistrati Ordinario e straordinario », rédigées à Milan le 26 avril 1627.
18 ASMi, UR, cart. 679. Voir notamment les deux mémoires expédiés à Fernández de Velasco durant l’été 1606 : « Memoria delle cose del Magistrato Straordinario e Sua Eccellenza » et « Seconda memoria a Sua Eccellenza ».
19 Sur ses compétences : Benaglio : 1711, p. 58-59.
20 ASMi, UR, cart. 679, « Informazioni », cit., le Comte de Fuentes à l’Extraordinaire, Milan 15 octobre 1608. Sur la banque de Sant’Ambrogio, créée en 1593, Cova : 1971. Une vingtaine d’années plus tard, en revanche, la tentative de lier au sein d’un même bureau les fonctions de receveur et comptable obtint plus de succès : en 1623, Giovanni Battista Rolandi, déjà receveur depuis 5 ans, assuma aussi la charge de comptable, qu’il garda jusqu’à la fin de 1630. Après lui, les deux charges furent de nouveau séparées.
21 ASMi, UR, cart. 745, « Instruttione a voi Giovanni Battista Rolandi Ragionato et Ricettore deputato da S.M. presso il Magistrato Straordinario », Milan, 20 juin 1623 (imprimé). Sur les procédures d’élaboration des bilans et la confusion qui régnait en matière comptable à Milan : Vigo : 1979 ; Rizzo : 1995.
22 Je pense en particulier à la mise aux enchères de la charge (dans le cadre de l’unification des sections de caisse) décidée en 1571. Le bureau est alors acquis par le financier espagnol Pedro López de Orduña, lequel ne brillera pas par son efficacité (Ostoni : 1998b).
23 « Instrución, y órdenes que es mi voluntad guarde Mucio Parravicino mi Th esorero general del Estado, y del exército de Milán […] », Valladolid, 2 juillet 1603 : AGS, VI, leg. 280-11. Sur ces instructions : Ostoni : 1998a.
24 BNE, ms. 1370, « Cura del tribunale del Magistrato Ordinario et Suoi Officiali ». Il s’agit d’un guide compilé etre 1604 et 1606 par Reboto, comptable délégué à la visite.
25 Les contrôles et les révisions comptables étaient un problème très répandu dans la Monarchie qui, en plusieurs occasions ordonna même des enquêtes ad hoc, et pas seulement dans le Milanais. Souvent, pourtant, plus qu’à connaître la situation réelle des comptes afin de préparer les instruments pour la programmation financière, les révisions visaient à prouver l’honnêteté des officiers délégués à la tenue des comptes dans le cadre du rapport de confiance particulier entre souverain et sujets. Sur ce point : Hamon : 1996, p. 7-8 ; Dubet : 2000b, p. 57-58.
26 La suspension des hostilités favorisa l’attention « réformatrice » de la Couronne envers ses propres institutions (Albaladejo : 1992c, et Pulido Bueno : 1996, p. 17-18). Gelabert (2000, p. 839- 843) a fait récemment remarquer comment même la Trêve de douze ans (1609-1621) avait permis à la Couronne de remettre à plat sa propre situation financière.
27 ASMi, DR, cart. 51, Philippe III au Marquis de Hinojosa, Aranjuez, 26 mai 1612.
28 ASMi, RCS, s. XL, cart. 2 fol. 60-61, conseil du magistrat ordinaire, Milan, 5 avril 1636.
29 ASMi, RCS, s. XL, cart. 2, fol. 27-28, le roi au magistrat ordinaire, Madrid, 15 février 1632. Philippe IV réplique ainsi aux plaintes suscitées à Milan par sa décision (prise le 20 novembre 1628) de trouver un bureau ad hoc pour l’expédition des pratiques relatives aux recaudos. Outre la confirmation de ce qui est établi, le souverain invite le trésorier à « payer une rétribution modique » à l’officier qui en est chargé, le comptable Pablo Valdés.
30 Mateo de Cerecedo Albear est envoyé à Milan comme visiteur en mai 1628, fort d’une « commission spéciale pour réviser les comptes des officiers de finances de l’État de Milan ». Mort vers 1631, il est remplacé par Andrés de Rueda Rico, qui termine son enquête vers la fin de 1637.
31 ASMi, Tesoreria p.a., cart. 67, Philippe IV au Marquis de Leganés, Madrid, 18 février 1641. De cette question s’occupe ensuite le substitut en interim de Leganés, le Comte de Sirvela, entre février 1641 et juin 1643 (Arese : 1970, p. 78). Sur l’introduction et le fonctionnement du système de l’alternance biennale dans la trésorerie espagnole : Cuartas Rivero : 1984, p. 83, Hernández Esteve : 1986, p. 19 ; Carlos Morales : 1996b, p. 178.
32 ASMi, Tesoreria p.a., cart., 67. En l’absence de documentation comptable relative à la caisse de l’armée, il n’est pas possible d’effectuer une confrontation entre le système de comptabilité proposé par Salvatierra, qui présente par ailleurs le seul livre-journal dans son « Exemple », et celui en vigueur avant 1641. À en juger par les « grands livres » du trésorier Carlo Visconti, relatifs aux années 1642- 1644, on peut assurer que les conseils de Salvatierra furent entendus : AGS, SP, lib. 1061-1066.
33 De Roover (1937, p. 172) a montré comment le système de la partie double avait du mal à trouver sa place dans la comptabilité publique, « essentiellement budgétaire », qui avait comme but principal celui de « justifier de l’emploi des deniers publics soit vis-à-vis du souverain, soit visà- vis de la communauté ». Des données en notre possession (Ostoni : 2003, p. 921), il ressort au contraire qu’à Milan, le système était déjà employé dans les années 1570. Les tentatives analogues d’application du système de partie double dans d’autres institutions, à l’intérieur ou à l’extérieur de la monarchie espagnole, eurent moins de chance (Donoso Anes : 1996, pour la Castille ; Muto : 1980, p. 58-60, pour le cas napolitain ; Esteban Estríngana : 2002a, p. 29-43, pour les Pays-Bas ; Romani : 1993, p. 357-375, pour les finances des Gonzaga).
34 Nombre des officiers employés dans les appareils de la finance publique ducale provenaient du monde du commerce et de la « banque » ou bien avaient d’étroits contacts avec lui (Giuseppe De Luca : 1996 ; sur les comptables : Ostoni : 2003).
35 Ostoni : 2003.
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