Chapitre 12. Économie politique et esclavage au xviiie siècle, une rencontre tardive et ambiguë
p. 209-223
Texte intégral
1Dans le livre XV de L’Esprit des lois, consacré à l’esclavage, Montesquieu affirme à la fois que « l’esclavage est contre la nature » et que, « dans certains pays », il est « fondé sur une raison naturelle1 ». On a beaucoup commenté cette dualité, voire cette contradiction, en la rapportant aux hésitations, aux réserves, ou même au pessimisme de Montesquieu2. On a peut-être moins fait attention à ce que ces deux affirmations renvoient à deux domaines différents du savoir. La condamnation universelle de l’esclavage relève du droit naturel : c’est en se référant aux principes de l’égale liberté des individus, posés par le droit naturel moderne, que Montesquieu établit de façon rigoureuse, et pour la première fois, qu’il ne peut y avoir aucune justification de l’esclavage. La deuxième affirmation (qu’il peut y avoir des raisons naturelles à l’esclavage) renvoie à ce qui est la réalité de l’esclavage pour un Européen du xviiie siècle : l’existence de l’esclavage dans les colonies d’Amérique pour des raisons économiques. Par ailleurs, dans son Essai politique sur le commerce (publié en 1734), Jean-François Melon (un Bordelais que Montesquieu connaît bien) porte une appréciation positive sur l’esclavage colonial.
La thèse de la convergence des libertés, ou l’abolitionnisme comme fils de l’économie politique
2L’économie politique (ce que l’on désignait encore, au milieu du siècle, sous le nom de commerce) serait-elle donc le point faible de la critique de l’esclavage, ce qui pourrait expliquer que la Déclaration des droits de l’homme, en 1789, n’ait pas été suivie de l’abolition immédiate de l’esclavage dans les colonies ? Y aurait-il une opposition entre le discours juridique et le discours économique ?
3C’est plutôt l’idée contraire qui est généralement reçue. Dans l’introduction de l’édition des Actes d’un colloque consacré à l’esclavage colonial du xviie au xixe siècles, Fred Célimène soutient l’idée que l’économie politique, qui est la pensée de la modernité, n’a pu que contribuer à une critique de l’esclavage, conduisant à son abolition3. Le premier argument en faveur de cette interprétation est celui de la convergence des libertés : engagés dans la défense des libertés, les théoriciens de l’économie ont mené une critique de l’esclavage et des pratiques arbitraires qui lui étaient associées, critique marquée par l’alliance entre la philosophie morale et l’économie. Condorcet, comme l’a montré Pierre Dockès4, est particulièrement représentatif de cet accord entre le discours des droits et le discours économique. Mais l’économie politique n’a pas besoin de s’appuyer sur la philosophie morale pour condamner l’esclavage, elle y parvient elle-même. D’où le deuxième argument, qui est interne. S’opposant aux idées jusque-là reçues, qui présentaient l’esclavage comme une nécessité, Adam Smith, dans La richesse des nations, a établi que le travail servile était plus coûteux que le travail libre. On pouvait donc accorder les principes et les faits, et abolir l’esclavage.
4L’économie politique, s’il en était ainsi, ne serait responsable ni de l’existence, ni de la persistance de l’esclavage. Cette dernière serait à attribuer à la résistance des colons propriétaires d’esclaves à l’abolition de l’institution. Quant à son existence, elle serait liée aux pratiques des États absolutistes, colonisateurs et impérialistes de l’époque moderne. L’économie politique s’est développée dans la critique de ces pratiques, nommées mercantilistes, et seuls ceux qui, comme Melon, ont repris des arguments mercantilistes, ont pu défendre l’esclavage que l’économie politique condamne.
5Si cette interprétation (qui correspond si bien à l’image que l’économie politique aime à donner d’elle-même – une doctrine de la liberté qui a son indépendance épistémologique) est vraie, cela signifie que le passage des doctrines mercantilistes aux doctrines libérales est aussi celui ayant conduit de la défense de l’esclavage à sa critique ; laquelle d’externe (juridique) serait devenue de plus en plus interne (économique). Montesquieu, de ce point de vue, représenterait un moment de transition. Critique résolu de l’absolutisme, il adopte le discours juridique de défense des libertés individuelles, mais il n’est pas encore assez économiste pour trouver l’argument interne, celui d’Adam Smith, qui retire toute justification, même locale, à l’esclavage.
6L’examen des textes ne confirme pas cette hypothèse. D’abord, la frontière entre mercantilisme et libéralisme est difficile à tracer, à tel point que certains historiens de la pensée économique considèrent que la catégorie mercantilisme, qui ne s’impose que dans l’historiographie de la fin du xixe siècle, devrait être abandonnée5. Surtout, Melon est un peu l’arbre qui cache la forêt. Sa justification appuyée de l’esclavage est assez exceptionnelle dans la littérature contemporaine de l’esclavage. Le plus courant est de ne pas en parler ou de ne pas s’y arrêter. Le « Nègre » est un « objet de commerce » ; l’esclave est un « instrument de travail ». Ce n’est pas tant que l’on justifie l’esclavage, c’est que l’on ne voit pas les esclaves : ils sont invisibles.
7Si l’on s’accorde sur ce point (à savoir sur le fait que la question de l’esclavage, dans les textes économiques des xviie et xviiie siècles, n’est pas tellement celle de sa justification ou de sa condamnation, mais plutôt celle de sa visibilité), le problème n’est plus de savoir « quels sont les arguments pour ou contre l’esclavage ? », mais « comment l’esclavage devient-il visible ? », « où parle-t-on de l’esclavage ? ». Ce qui revient, comme nous allons voir, à la question du rapport entre économie politique et économie domestique de l’esclavage.
De la difficile insertion de la liberté de l’esclave dans le discours économique
8Si, sur la question de l’esclavage, l’humanisme moderne s’est choisi comme adversaire Aristote plutôt que Platon, remarque Victor Goldschmidt, c’est peut-être qu’Aristote a parlé de l’esclavage, ouvrant la possibilité d’un débat et d’une réponse alors que le quasi silence de Platon le mettait à l’abri des critiques6.
9On pourrait dire la même chose de Melon. Il consacre le chapitre v de l’Essai politique sur le commerce à la question de l’esclavage. Non content de se montrer satisfait de l’esclavage dans les colonies (il parle du « beau spectacle » du Code noir), il en envisage la généralisation, et propose qu’en France on remplace les domestiques par des esclaves7. Il justifie ainsi l’esclavage en alignant le droit sur le fait (« L’usage des esclaves, autorisé dans nos colonies, nous apprend que l’esclavage n’est contraire ni à la religion, ni à la morale8 »), en avançant l’argument de l’utilité globale (il faut viser le bien général, même quand il s’ensuit « quelque dommage pour les particuliers »), et en déclarant irréaliste l’aspiration à l’égalité que les esclaves ne manqueraient pas de formuler si on leur demandait leur avis (« comme le législateur sait l’impossibilité de cette égalité, c’est à lui d’examiner et de juger quelles subordinations assurent mieux la tranquillité et le bien-être de sa nation9 »). À voir la façon dont Montesquieu, dans L’Esprit des lois, oppose, à la recherche de l’utile, les principes moraux de réciprocité et d’universalité, il n’est pas complètement anachronique de comparer sa réponse à Melon à la critique que John Rawls, dans la Théorie de la justice fait des positions utilitaristes10. Ceux qui préconisent l’adoption de l’esclavage accepteraient-ils de se retrouver eux-mêmes esclaves ? Il est exclu que, sur une question pareille, on ne demande leur avis qu’à ceux qui profiteraient de la mesure : « Dans ces choses, voulez-vous savoir si les désirs de chacun sont légitimes, examinez les désirs de tous11. »
10Pour critiquable qu’elle soit, l’argumentation de Melon en faveur de l’esclavage accepte cependant de considérer les esclaves comme des êtres humains rationnels : on peut leur poser une question et ils peuvent y répondre, même si leur réponse est écartée. Melon parle de l’esclavage, consacre à la question un chapitre spécial (distinct de celui concernant les colonies). C’est bien là son originalité. On ne trouve rien de tel dans les écrits sur le commerce comparables au sien.
11Ainsi Josiah Child, ancien directeur de la Compagnie anglaise des Indes, auteur, à la fin du xviie siècle, de Traités sur le commerce fort lus, y compris en France (par Melon et Montesquieu, entre autres) et que Gournay fait traduire en 1753. Un des chapitres (« tract ») traite des colonies. Child y examine la question (classique à son époque) consistant à savoir si les colonies entraînent la dépopulation de la métropole. L’exemple de l’Espagne est souvent invoqué à l’appui de la thèse de la dépopulation : la colonisation de l’Amérique aurait affaibli ce pays en le dépeuplant. Défenseur de la politique coloniale anglaise, Child avance l’idée que si l’Espagne s’est dépeuplée, cela tient à des causes qui lui sont propres : l’intolérance religieuse plutôt que l’émigration coloniale est à incriminer. La dépopulation ne peut pas être considérée comme un cas général, elle dépend de la liberté économique dont jouissent les colons. Le problème n’est donc pas celui de la dépopulation mais celui de savoir si les colons disposent d’assez de libertés pour produire, afin d’entretenir un commerce profitant à la population des colonies comme à celle de la métropole. Conclusion : si la colonisation a affaibli l’Espagne, la même chose n’est pas à redouter pour l’Angleterre :
« Il en est tout au contraire [de ce qui se passe en Espagne] de celles qui appartiennent à des nations, ou métropoles, où la liberté et la propriété sont mieux conservées et où l’intérêt de l’argent est restreint à un bas prix […]. La preuve en est que chaque personne envoyée dans les colonies avec des nègres et des outils pour y travailler, employant ordinairement dans nos Isles 8 ou 10 noirs avec elles sur chaque habitation, on peut y compter que chaque Anglais habitant à la Jamaïque ou à la Barbade, fournit de l’emploi à 4 hommes en Angleterre12. »
12On ne trouve rien, dans cette présentation, qui puisse corroborer l’interprétation de la convergence des libertés. Les « nègres » ne sont mentionnés qu’en passant, et mis sur le même plan que les outils. La liberté économique des colons n’est donc en aucune façon liée au sort des nègres. Gournay, qui a mené campagne active pour toutes les libertés associées au commerce13, ne s’arête pas sur cette façon de parler des nègres, qu’il ne remarque peut-être même pas. Les nègres sont invisibles, la question est celle du succès du commerce colonial, et Gournay, approuvant le raisonnement de Child, remarque seulement qu’il s’applique aussi à la France ; laquelle peut, comme l’Angleterre, développer un commerce colonial profitable.
13Avant même de jouer un rôle dans la production, les esclaves doivent être envisagés comme des objets de commerce. Dans les Éléments du commerce (1754) de François Véron de Forbonnais (regroupant des articles écrits pour l’Encyclopédie à l’instigation de Gournay), on trouve un chapitre sur les colonies. Forbonnais y fait preuve de quelque compassion pour « ces malheureux Afriquains [sic] dont les mœurs féroces et les lois barbares ont donné droit au commerce d’apprécier la liberté14 ». Mais il semble renvoyer la responsabilité plus aux Africains eux-mêmes (« mœurs féroces », « lois barbares ») qu’aux nations en faisant le commerce. Une fois que la liberté des Africains a été « appréciée », c’est-à-dire qu’ils sont devenus des marchandises, ils ne sont plus considérés que de cette manière, comme les objets d’un commerce colonial dont Forbonnais rappelle les objectifs : augmenter la production nationale, accroître les débouchés afin de l’emporter dans la concurrence internationale. La question est uniquement commerciale :
« La métropole retire un double profit de leur importation dans les colonies : l’avantage d’une plus grande consommation de ses denrées, soit pour leur achat, soit pour leur entretien, et l’avantage d’accroître son superflu en denrées des colonies. Le commerce des nègres doit donc être regardé, favorisé et soutenu, comme la base de la culture des colonies. Des escadres et la plus grande concurrence possible entre les négociants sont des moyens sûrs pour le rendre florissant, mais ils ne suffisent pas toujours. Il est encore important de mettre les négociants en état d’en faire la traite à aussi bon marché que les autres nations15. »
14Dans un Mémoire de 1762, Mercier de la Rivière (intendant de la Martinique devenu peu après un physiocrate important) établit de la même façon que les nègres sont « la base de la culture » : s’ils sont trop chers et trop rares, cela freine la production. Le moyen de remédier à la cherté et à la rareté des esclaves est d’encourager le commerce de Guinée, qu’il ne faut surtout pas laisser aux Anglais et aux Hollandais. Considérant (pour des raisons qu’il se refuse à préciser) que l’esclavage est inévitable dans les colonies, Mercier de la Rivière montre donc qu’arrêter la traite aurait des conséquences catastrophiques : ce serait laisser le commerce aux Anglais, ce qui ruinerait le commerce colonial français16.
15On peut considérer qu’ici, à la logique mercantile (celle de la compétition internationale), s’ajoute la résistance des colons (dont Mercier de la Rivière peut se faire le représentant), non seulement pour écarter toute considération morale et juridique sur l’humanité et la liberté des esclaves, mais même pour refuser de prendre en considération les conséquences d’un raisonnement économique qui ne conclut pas forcément à la supériorité de l’esclavage. Mercier de la Rivière envisage que les esclaves soient remplacés par des travailleurs blancs, donc libres (c’était la suggestion de Montesquieu, qu’« il n’y a peut-être pas de climat sur terre où l’on ne pût engager au travail des hommes libres17 »). Mais il écarte l’hypothèse : « Malheureusement je regarde la chose comme impossible pour plusieurs raisons trop longues à détailler ici » (« jusqu’à présent on s’est servi d’esclaves et j’ai peine à croire que l’on pût s’en passer18 »). On ne peut s’empêcher de penser que des raisons qu’on préfère ne pas développer sont de mauvaises raisons, qui ne rallieraient pas l’assentiment général si elles étaient exposées. La position de Mercier de la Rivière serait beaucoup plus forte s’il pouvait établir de façon convaincante que l’esclavage est inévitable. On peut se demander si, à la différence de Forbonnais qui sépare le discours moral (« les malheureux africains ») et le discours économique (le nécessaire commerce des nègres), Mercier de la Rivière ne laisse pas ses prises de position sociales en faveur de l’esclavage interférer avec son raisonnement économique, pour écarter la solution de rechange du travail libre.
16Il n’en reste pas moins que, indépendant ou non par rapport aux positions normatives, le discours économique n’envisage jamais les esclaves pour eux-mêmes. Leur humanité est invisible : ce ne sont pas des sujets mais des objets, des outils ou des instruments de production. Les textes économiques, de ce point de vue, sont tous identiques. La formulation de Mercier de la Rivière, dans le Procès-verbal d’une délibération sur son Mémoire, pourrait se trouver partout : « Que les Nègres, instruments de la culture, étant un des premiers moyens qui donnent les produits, moins une colonie avait de nègres, moins elle avait de produits19… » Il n’y a là nulle reconnaissance de la capacité du travail humain à créer de la valeur. Les nègres sont envisagés comme un instrument de production, au même titre que la terre ; ils font partie des avances.
17Les différences de doctrine n’affectent pas cette qualification (ou plutôt cette absence de qualification) de l’esclave. Graslin s’oppose aux physiocrates en affirmant que la terre n’est pas la seule richesse. Il donne les esclaves pour preuve. Mais, comme la terre, les esclaves sont appropriés, leur statut de moyens n’est donc pas mis en cause :
« Les nègres, dans les îles, sont des richesses, et une richesse très distincte de celle du sol puisqu’ils se vendent et s’afferment séparément. Or qu’est-ce que la richesse des nègres, sinon la propriété de leur travail20 ? »
18Quel sens y aurait-il, dans une telle approche, à différencier travail libre et travail servile, puisque le travail n’est pas considéré comme un attribut de l’humanité, mais comme une capacité physique dont on peut s’approprier les effets ?
19En parcourant la littérature des xviie et xviiie siècles sur le commerce, on ne trouve nulle part l’association du discours économique et du discours juridique dans une revendication de la liberté des esclaves. Ce n’est pas que tous ces textes relèvent du mercantilisme : ceux qu’inspirent Gournay, en particulier, sont fermement engagés dans une défense des libertés économiques remettant en cause la politique mercantiliste de contrôles douaniers et de réglementation étatique. Le problème est plutôt que la façon d’envisager les esclaves (comme des objets ou des instruments) les places en dehors du champ (celui des sujets humains) où l’argument juridique (celui de la liberté du sujet de droit) peut converger avec l’argument économique (celui de la supériorité rationnelle de la conduite intéressée). Parler de travail libre aussi bien que de liberté individuelle suppose que l’esclave devienne visible. Ce qui est un problème d’économie, plutôt que de commerce.
L’esclavage renvoie-t-il à l’économie politique ou à l’économie « domestique » ?
20Si les textes sur le commerce semblent aveugles à la question de la liberté des esclaves, cela tient à ce que l’on continue à y considérer les esclaves à la façon d’Aristote, comme des outils ou des instruments animés21. De ce point de vue, la situation de l’esclave au sein de la famille, sous l’autorité d’un chef de famille qui l’emploie à son gré et dans son intérêt propre, est plus importante que celle du statut juridique de l’esclave, qui le différencierait d’un travailleur salarié. L’individualisme juridique ne suffit pas à remettre en cause la distinction des sphères sociales, celle de la cité et celle de la famille, distinction si clairement mise en place par Aristote au début des Politiques22. Alors même que Locke est en train de fonder l’individualisme juridique égalitaire sur la propriété, il continue à considérer le domestique, ou le « serviteur » au même titre qu’un instrument : « L’herbe qu’a mangée mon cheval, la tourbe qu’a fendue mon serviteur et le minerai que j’ai extrait, partout où j’y avais droit en commun avec d’autres, deviennent ma propriété sans la cession ni l’accord de quiconque23. » Si l’on prend l’économie au sens où Aristote comprend le mot, celui de la règle de la maison ou du gouvernement du ménage, la question de l’esclavage relève bien de l’économie, beaucoup plus que du commerce.
21À lire les écrits sur le commerce on n’apprend en effet rien de plus sur les esclaves que ce que l’on apprend sur d’autres objets de commerce, blé, produits manufacturés : les règles sont celles des branches de commerce, qu’il faut ouvrir, soutenir ou maintenir, réglementer ou non, qui sont la base de la production… Pour apprendre quelque chose, il faut se tourner vers un autre genre de littérature, juridique certes, mais où le droit de l’esclavage n’est pas seulement envisagé comme une partie du droit de la famille ou du droit domestique. Comme le montre Malik Ghachem la question de l’esclavage, à l’époque moderne, est celle du gouvernement des esclaves24. Cela entraîne une littérature abondante, parmi laquelle on relève le livre d’Émilien Petit, Traité sur le gouvernement des esclaves (publié en 1777). Il s’agit d’une compilation juridique des différents documents réglementant la condition et le traitement des esclaves, et comparant les textes français (Le Code noir au sens large, comprenant les règlements de 1685 et ceux qui s’y sont ajoutés ensuite) aux textes étrangers (anglais, espagnols, portugais…) correspondants25. Cette publication est liée aux projets de réforme des règlements sur l’esclavage, dont le Mémoire de Mercier de la Rivière fait partie, et qui conduiront à la réforme de 1784. Si l’on se préoccupe de réformes, c’est avant tout que l’on craint la révolte des esclaves. Ce n’est pas tant comme des sujets économiques, que comme des sujets rebelles que les esclaves sortent de leur invisibilité et obligent ceux qui les soumettent à admettre que ce sont bien des hommes qu’ils subordonnent, et non des objets qu’ils manipulent.
22Il y a, sur la question du gouvernement des esclaves, une nette opposition entre ce que l’on pourrait, d’un côté, appeler les tenants de l’économie domestique, et, de l’autre, ceux de l’économie politique. Malouet (qui défendra les intérêts des propriétaires d’esclaves pendant la Constituante), se fait dès avant la Révolution le porte parole de l’économie domestique. L’idée en est qu’il faut clairement distinguer entre autorité politique et autorité domestique, et que le chef de « famille » a tout pouvoir sur ceux qui en font partie. Malouet défend donc l’« autorité domestique » (ce que, dans le vocabulaire aristotélicien, on pourrait nommer l’autorité despotique, le despote étant le maître d’esclaves) : « Il ne peut y avoir de puissance médiatrice entre le Maître et l’esclave ; c’est attenter aux droits de propriété que de modifier l’autorité domestique26. » Pour les tenants de l’économie politique, au contraire, maîtres et esclaves sont tous sujets du roi, qui peut s’interposer pour réglementer le gouvernement des esclaves. Le Code noir de 1685, comme ses modifications ultérieures, peuvent ainsi être interprétés comme une façon d’imposer l’autorité du roi sur les activités domestiques. Telle est sans doute la raison pour laquelle Melon loue le « beau spectacle » du Code noir.
23Cela marque en même temps les limites de l’économie politique de l’esclavage. Car si l’on a pu soutenir que, dans l’Europe de la fin du Moyen Âge, l’État (à commencer par la monarchie française) a libéré les esclaves en affranchissant les serfs de la tutelle féodale27, cela n’est pas vrai pour les colonies : en contrôlant l’esclavage (ou en prétendant le faire, car le Code noir n’a guère été appliqué et ne s’est guère mêlé du traitement domestique des esclaves, laissant toutes sortes de pouvoirs abusifs s’installer) la monarchie l’autorise et l’entretient. Cet esclavage « tempéré par les lois » qu’admire Melon28, est d’abord et avant tout de l’esclavage. On est loin de l’abolition.
24Cette opposition entre économie domestique et économie politique de l’esclavage explique cependant pourquoi il ne peut y avoir de convergence, dans le discours des libertés, entre philosophie morale et raisonnement économique. Ceux qui, comme Malouet, soutiennent l’économie domestique et le point de vue du propriétaire, peuvent présenter la propriété comme un droit individuel et en appeler au discours libéral (celui de Gournay, par exemple) pour critiquer toute intervention de l’État dans des affaires privées, de famille. Inversement ceux qui, comme Melon, adoptent le point de vue du législateur, c’est-à-dire celui de l’État, et sont donc plus proches du mercantilisme, peuvent être plus attentifs au sort des esclaves (parce que, se souciant de l’ordre public, ils adoptent un point de vue prudentiel) et accepter un débat ouvert sur l’esclavage.
25Dans ses Lectures on Jurisprudence comme dans la Richesse des Nations, Adam Smith s’est montré sensible à ce qui lui apparaissait comme un paradoxe. La condition des esclaves est meilleure sous un gouvernement arbitraire que sous un gouvernement libre : « La loi, en tant qu’elle accorde quelque faible protection à l’esclave contre la violence de son maître, risque d’être mieux exécutée dans une colonie où le gouvernement est dans une grande mesure arbitraire que dans une colonie où il est totalement libre29. » Les colonies américaines anglophones sont un bon exemple de « gouvernement libre » : ceux qui votent les lois sont aussi propriétaires d’esclaves. La monarchie absolutiste française, à laquelle ses colonies doivent obéissance, a donné l’exemple d’« une bonne gestion des esclaves » par un gouvernement « arbitraire ». Aussi a-t-elle obtenu de meilleurs résultats dans la production sucrière que les colonies anglaises. La condition des esclaves y est en effet (nous dit Smith) plus proche de celle des travailleurs libres.
26C’est donc bien dans l’examen du gouvernement des esclaves que se comprend l’esclavage : c’est en comparant les économies (domestiques et politiques) de l’esclavage qu’Adam Smith est conduit à formuler la thèse économique sur l’esclavage, celle de la supériorité du travail libre sur le travail contraint.
L’analyse économique conclut-elle à la fin de l’esclavage ?
27C’est chez Cantillon que les historiens de la pensée économique trouvent la formulation de la thèse, généralement reçue, d’après eux, jusqu’à Smith, selon laquelle le travail servile revient moins cher que le travail libre. Calculant, dans son Essai sur la nature du commerce en général (qu’il écrit vers 1730), le coût d’un esclave d’après la superficie de terre qu’il faut pour le nourrir, lui et les enfants qui le remplaceront, il en déduit que, le coût de la subsistance d’un travailleur libre serait-il équivalent à celui d’un esclave (ce qui n’est pas le cas, car généralement le travailleur libre est mieux traité), « il serait toujours plus avantageux au propriétaire d’entretenir des esclaves que des paysans libres, attendu que lorsqu’il en aura élevé un trop grand nombre pour son travail, il pourra vendre les surnuméraires comme ses bestiaux30 » et en tirer un prix qui couvrira ses dépenses en subsistance.
28À cette vision un peu abstraite d’une économie domestique (ou économie du domaine) vivant en un circuit fermé d’autosubsistance et ne vendant que son superflu, Adam Smith oppose les réalités de l’économie politique : celles de la division du travail et de l’échange. Poursuivant la comparaison entre esclaves et « bestiaux » (justifiée par le fait que les maîtres ne traitent leurs esclaves ni mieux ni autrement que du bétail31), Adam Smith montre que, pour le bétail comme pour les esclaves, il y a une séparation entre pays naisseurs et pays utilisateurs. Car il revient beaucoup moins cher d’acheter des esclaves qui sont nés dans des pays pauvres que de les élever sur place32. L’esclavage n’est donc pas favorable à la population : les maîtres ne cherchent que des mâles, les femmes sont mal traitées, exposées à la prostitution, et, des enfants naîtraient-ils, qu’ils auraient peu de chance d’atteindre l’âge adulte.
29C’est pourquoi les colonies ont toujours une population d’esclaves insuffisante qui ne se reproduit pas sur place et que l’on doit sans cesse recourir à la traite. Ce qui peut modifier l’idée reçue du moindre coût du travail servile. Dans L’Ami des hommes (1756), Mirabeau affirme la supériorité du travail qualifié d’ouvriers libres, et même de cultivateurs salariés sur celui d’esclaves « qu’il faut acheter fort cher, qui sont presque toujours embarrassants et souvent infidèles33 ». Mercier de la Rivière, dans son Mémoire de 1763, considère aussi que, si, de façon générale le travail servile s’impose, il n’en reste pas moins que, pour ce qui est des travaux qualifiés, les ouvriers blancs sont préférables aux esclaves noirs34. Adam Smith généralise l’argument, ce qui l’amène à conclure, à l’inverse de Cantillon, qu’« il ressort de l’expérience faite par tous les temps et toutes les nations que l’ouvrage fait par les esclaves quoiqu’il ne paraisse coûter que leur entretien est le plus cher de tous35 ».
30L’erreur de Cantillon est d’avoir envisagé le coût du travail indépendamment de sa productivité. Si le travail servile est le plus coûteux, c’est qu’il est le moins productif : l’esclave n’ayant d’autre motivation au travail que la peur du châtiment travaillera le moins possible, alors que le travailleur libre qui est intéressé au gain, produira plus, le fermier plus que le métayer, et le propriétaire plus que le fermier36. À cela s’ajoute que l’utilisation du travail servile ne favorise pas, bien au contraire, l’innovation technologique. Un esclave qui invente un procédé technique pour raccourcir son travail sera traité de « vaurien paresseux », alors que le travailleur libre est à la recherche d’améliorations techniques qui augmentent la productivité et son gain37. Smith ne considère plus l’esclave comme un objet, ou un instrument, il prend en compte sa motivation, le considérant comme un être humain. Il est alors possible de comparer le travail servile et le travail libre, et de dire la supériorité de celui-ci.
31Si la plus grande productivité du travail libre par rapport au travail servile est une vérité universelle, l’argument de la nécessité de l’esclavage, invoqué par les théoriciens du commerce, tombe. Prenant le contre-pied des idées reçues, Smith déclare que ce sont les immenses profits des cultures de sucre (et de tabac) qui ont permis aux colons d’utiliser des esclaves. Ce ne sont donc pas des raisons économiques qui expliquent que l’on ait eu recours à l’esclavage et que l’on continue à vouloir employer des esclaves. L’explication, pour Smith, est à chercher, non du côté de l’intérêt, mais de la passion : « L’orgueil de l’homme fait qu’il aime dominer, et rien ne le mortifie autant que d’être obligé de condescendre à persuader ses inférieurs38. » Il rejoint sur ce point Montesquieu (qui objecte au raisonnement de Melon en faveur de l’esclavage, prétendument fondé sur l’utilité) notant que « le cri pour l’esclavage est […] le cri du luxe et de la volupté39 ». L’économie domestique, qui est une économie despotique, entretient un régime des passions étranger à l’économie politique.
32Smith, de la sorte, « externalise » l’explication de l’esclavage. La rationalité économique, celle de l’intérêt, ne peut ni expliquer ni justifier l’esclavage. La généralisation de la production sucrière, et la fin du monopole colonial, en laissant jouer les lois de la concurrence, doivent diminuer les immenses profits sucriers, rendant difficile le maintien de l’esclavage et de ses coûts élevés. Chez Forbonnais, la liberté du commerce n’impliquait nullement celle des esclaves. Au contraire, ce qui conduisait à la dualité du discours moral (où l’on plaignait les « malheureux africains ») et du discours économique (il faut renforcer la traite pour obtenir la marchandise – les esclaves – au meilleur coût). C’est donc bien seulement chez Smith, que l’on trouve l’argument de la convergence des libertés : la liberté du commerce œuvre en faveur de la liberté des esclaves. Philosophie morale et rationalité économique ne s’ignorent plus.
33L’analyse de Smith, qui se maintient, identique à elle-même, des Lectures on Jurisprudence à la Richesse des nations, peut ainsi se lire comme une condamnation résolue et cohérente de l’esclavage. Elle laisse cependant subsister une ambiguïté. Lorsqu’il affirme la supériorité (du point de vue du coût et de la productivité) du travail libre sur le travail servile, Smith a pour référence l’agriculture, et le travailleur libre est pour lui le travailleur indépendant, d’autant plus indépendant qu’il est plus propriétaire, d’où l’ordre de progression de la liberté et de l’intérêt : métayer, fermier, propriétaire. Mais qu’en est-il du travail salarié ? Smith ne compare qu’une seule fois l’esclave et le salarié, pour dire que ce dernier veille mieux que l’esclave à l’entretien de son corps et à son remplacement : « C’est l’homme libre lui-même qui gère le fond destiné à remplir le même office à son égard40. » C’est toujours l’explication par l’intérêt, ou la motivation : on protège avec soin ce qui vous appartient et vous fait vivre. Mais c’est pour montrer que le travailleur libre intériorise une contrainte qui pèse de l’extérieur sur l’esclave : le maître oblige par la violence son esclave à travailler, et il a intérêt à le maintenir en bon état, ce qu’il ne fait pas toujours. Le travailleur libre prend soin de tout cela tout seul, sans contrainte. Une telle conception de la liberté prête à la critique qu’en a fait Marx : quelle soit librement consentie ne change rien à la réalité de l’exploitation à laquelle est assujetti le travailleur salarié. Le discours économique ne déclarerait-il la fin de l’esclavage que pour en annoncer un autre ?
34« Périssent les colonies plutôt qu’un principe ! » Qu’on l’attribue à Dupont de Nemours ou à Robespierre, cette exclamation révolutionnaire41 montre que, à cette époque, l’argumentation de Smith ne s’est pas imposée. L’abolition reste une exigence morale, un impératif déontologique qui s’impose malgré, ou contre, la rationalité économique. Dans la France de la fin du xviiie siècle, s’il peut y avoir convergence entre philosophie morale et discours économique, ce n’est pas, nous semble-t-il, pour imposer l’abolition de l’esclavage, mais plutôt pour trouver un discours de compromis qui permette, à travers l’amélioration de l’institution, d’en envisager, peu à peu la suppression. Les volumes de l’Encyclopédie méthodique consacrés à l’économie politique, qui furent publiés juste avant la Révolution, sont très représentatifs d’un discours économique sur l’esclavage, qui est un discours de la réforme42.
35À l’inverse de Melon qui souhaitait que l’on étende à l’Europe une institution qui réussissait si bien dans les colonies, Démeunier, maître d’œuvre de l’ouvrage, et grand lecteur de Montesquieu et de Smith, voudrait que l’on étendît aux « îles d’Amérique » une indignation morale qui est réservée à l’Europe. « L’Europe retentit depuis un siècle des plus saines, des plus sublimes maximes de la morale », remarque-t-il, mais « il n’y a que la fatale destinée des malheureux nègres qui ne nous intéresse pas43 ». Comment s’intéresser aux nègres ? En faisant se rencontrer la sensibilité morale et l’utilité. Il ne s’agit pas tant d’affirmer des principes universels (comme ceux qui montrent que l’esclavage est contre nature) que d’éveiller des sentiments d’humanité et de leur donner un contenu rationnel : les sentiments moraux plutôt que les principes universels du droit naturel. Montrer les « avantages » qu’il y aurait à améliorer le sort des nègres, les rapprochant de la liberté, permettrait que la sensibilité des maîtres d’esclaves soit « réveillée par des intérêts mieux raisonnés ». Démeunier propose donc de « réformer le gouvernement des esclaves44 ».
36L’objectif n’est plus celui des réformes juridiques de la monarchie, visant à imposer l’autorité politique, sous la forme de la loi, à l’économie domestique. La réforme se veut interne, menée par les maîtres d’esclave, entraînant une transformation progressive de l’économie du pouvoir domestique.
37Par degrés, on arriverait à cette modération politique qui consiste à épargner les travaux, à mitiger les peines, pour en retirer plus sûrement le tributs des devoirs qu’on lui impose. Le résultat de cette sage économie serait la conservation d’un grand nombre d’esclaves que les maladies, causées par le chagrin ou l’ennui, enlèvent aux colonies. Loin d’aggraver le joug qui les accable, on chercherait à en adoucir, à en dissiper même l’idée, en favorisant un goût naturel qui semble particulier aux nègres45.
38L’argumentation peut se réclamer de Montesquieu (à qui elle emprunte l’idée de la modération des peines, plus efficace que l’excès des supplices46) comme de Smith (dont elle retient que, plus la condition des esclaves se rapproche de celle des travailleurs libres, plus leur travail est productif). Des esclaves mieux traités se reproduiront plus facilement, et l’on n’aura plus besoin d’avoir recours à la traite. Des esclaves plus motivés travailleront mieux.
39Ce ne sont donc pas seulement les maîtres qu’il faut intéresser, mais également les esclaves. Mais comment intéresser des esclaves ? Il s’agit de s’appuyer sur d’autres ressorts que la crainte et la violence, les seuls auxquels les maîtres actuels aient recours. Démeunier se tourne donc vers le « goût naturel », qui est celui de la musique. Les esclaves n’ont pas seulement des intérêts, ils ont aussi des goûts. D’invisibles, ils sont devenus visibles : on les étudie, anthropologiquement. Le discours, cependant, reste instrumental : « Un penchant si vif pourrait devenir un grand mobile entre des mains habiles47. » On voit à quel point on peut lire Démeunier à la façon dont Foucault analyse le mouvement de réforme des peines à la fin du xviiie siècle48. Savoir et pouvoir se renforcent ensemble. Ce que l’on découvre dans le sentiment d’humanité c’est une nouvelle économie du pouvoir qui engendre un nouveau regard : s’il est sensible aux goûts de l’esclave, c’est pour mieux pouvoir le gouverner. La rationalité économique instrumentalise ses objets : on le voit chez Forbonnais. S’il raisonne différemment de Smith, cependant, concluant à tort que le seul problème est de se procurer des esclaves au moindre coût, c’est qu’il ignore ce que Smith prend en considération : ces objets sont capables d’une conduite intentionnelle. Cela suffit-il pour les qualifier comme des sujets ? On peut en douter. La lecture que Démeunier fait de Smith montre bien à quel point c’est le point de vue instrumental qui domine.
40C’est pourquoi même si la condition des esclaves, améliorée par la réforme, peut se rapprocher de celle des hommes libres, elle ne peut y équivaloir. La liberté, qui ne s’instrumentalise pas, peut être constatée par le discours économique. Elle ne peut pas être imposée par celui-ci. C’est le rôle de l’axiologie de dire la liberté.
Notes de bas de page
1 Montesquieu, De l’esprit des lois, livre XV, chap. 7, Derathé (R.), dans les classiques Garnier (réed. Bordas, Paris, 1990), 2 vol., t. 1, p. 267.
2 Voir Ehrard ( J.), L’idée de nature en France dans la première moitié du xviiie siècle, Paris, SEVPEN, 1963 (rééd. Albin Michel, 1994) et sa communication dans le présent volume.
3 Célimène (F.) et Legris (A) (dir.), L’économie de l’esclavage colonial, Enquête et bilan du xviie au xixe siècles, Paris, CNRS, 2002
4 Dockès (P.), « Condorcet et l’esclavage des nègres ou esquisse d’une économie politique de l’esclavage à la veille de la Révolution française », Servet (J.-M.) (éd.), Idées économiques sous la Révolution, 1789-1794, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1989, p. 85-124.
5 Voir Spector (C.), « Le concept de mercantilisme », Revue de métaphysique et de morale, n° 3, septembre-octobre 2003, Mercantilisme et philosophie, p. 289-309.
6 Goldschmidt (V.), « La théorie aristotélicienne de l’esclavage », Écrits I, Paris, Vrin, 1984, p. 79.
7 Melon (J.-F.), Essai politique sur le commerce, chap. v, Économistes et financiers, « coll. des grands économistes », vol. 1, Daire, Paris, Guillaumin, 1846, p. 724-726.
8 Essai politique sur le commerce, Daire, p. 724.
9 Essai politique sur le commerce, Daire, p. 725.
10 Cela ne doit pas faire oublier les différences entre les positions de Melon et celles de l’utilitarisme : celui-ci agrége des utilités individuelles (chacun compte pour un et rien que pour un) pour déterminer « le plus grand bonheur du plus grand nombre », alors que Melon se place du point, général ou global, de l’État. Il admet donc des « subordinations » mettant en cause aussi bien l’égalité que la liberté de chacun.
11 Montesquieu, Esprit des lois, XV, 9.
12 Child (J.), Traités sur le commerce, traduction de Gournay, dans Traités sur le commerce de Josiah Child avec les Remarques inédites de Vincent de Gournay, Tokyo, Tsuda, 1983, p. 330.
13 Sur le rôle de Vincent de Gournay dans la campagne pour la liberté du commerce, voir Meissonnier (S.), La Balance et l’Horloge. La genèse de la pensée libérale en France au xviiie siècle, Paris, Éditions de la passion, 1989 ; Larrère (C.), L’Invention de l’économie au xviiie siècle, Paris, PUF, 1992, chap. iv : « Les doux principes du commerce ».
14 Véron de Forbonnais (F.), Éléments du commerce, chap. des colonies, éd. 1755, p. 226.
15 Éléments du commerce, p. 229.
16 Lemercier de la Rivière (P.-P.), Mémoire sur la Martinique (8-IX-1762), dans Mémoires et textes inédits sur le gouvernement économique des Antilles, éd. de L. Ph. May, Paris, éd. du CNRS, 1978, 2 vol.
17 Montesquieu, Esprit des lois, XV, 8.
18 Mémoires et textes inédits sur le gouvernement économique des Antilles, t. 2, p. 109.
19 Mercier de la Rivière, Procès Verbal du 26-07-1763, Mémoires et textes inédits sur le gouvernement économique des Antilles, t. 2, p.160.
20 Graslin (J.-J.-L.), Essai analytique sur la richesse et sur l’impôt, Londres, 1767.
21 « L’esclave est un bien acquis animé et tout exécutant est un instrument antérieur aux instruments qu’il met en œuvre », Aristote, Politiques, I, 4, 1253 b 34, trad. P. Pellegrin, Paris, GF-Flammarion, 1990, p. 96.
22 La distinction entre la cité, ou communauté politique, et la famille se trouve au chap. 1 du livre I des Politiques. Sur la persistance de cette distinction jusqu’à la fin du xviiie siècle voir Riedel (M.), « Hegels Begriffder bürgerlichen Gesellschaft und das Problem seines geschichtlichen Ursprungs », Riedel (M.) (éd.) Materialen zu Hegels Rechts-philosophie, Frankfurt, Suhrkamp, band 2, 1975, p. 247-275.
23 Locke (J.), Deuxième traité sur le gouvernement civil, chap. v : « De la propriété », § 28, trad. B. Gilson, Paris, Vrin, 1967, p. 92.
24 Ghachem (M. W.), « The Age of Code Noir in French Political Economy », Parrine (M.-J.) (éd.), A Vast and Useful Art, The Gustave Gimon Collection on French Political Economy, Stanford University Library, 2004, p. 66-76. Voir aussi, du même auteur, « Sovereignty and Slavery in the Age of Revolution : Haitian Variations on a Metropolitan Theme », Ph. D. dissert, Stanford University, 2002.
25 Comme le montre M. Ghachem, le livre de Louis-Sala Molins, Le Code Noir, ou le Calvaire de Canaan (Paris, PUF, 1987), continue à relever de cette tradition française d’étude comparée et critique des législations européennes sur l’esclavage.
26 Malouet, Mémoire sur l’esclavage des nègres, 1788, p. 16.
27 Barret-Kriegel (B.), L’État et les esclaves, Paris, Calmann-Levy, 1979.
28 Essai politique sur le commerce, Daire, p. 725.
29 Smith (A.), Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations, livre IV, chap. 7, trad. Paulette Taïeb, Paris, PUF, 1995, p. 672. Voir aussi Smith (A.), Lectures on Jurisprudence, The Glasgow Edition, Oxford University Press, 1978, Liberty Fund Reprint, Indianopolis, 1982, p. 181-182 et 186.
30 Cantillon (R.), Essai sur la nature du commerce en général, trad. fr. de 1755, 1re part., chap. xi, Paris, INED, p. 21.
31 Lectures on Jurisprudence, p. 180.
32 Lectures on Jurisprudence, p. 193
33 Riqueti (V.), marquis de Mirabeau, L’Ami des hommes, Avignon, 1756, 3e part., p. 148.
34 Mercier de la Rivière, Mémoires, t. 2, p. 161. On trouve la même préférence pour le travail libre quand il s’agit de travaux qualifiés chez Steuart.
35 Richesse des nations, livre III, chap. ii, p. 444. Même affirmation, livre I, chap. viii, p. 94.
36 Lectures on Jurisprudence, p. 185 et 523.
37 Lectures on Jurisprudence, p. 526 (« a lazy rascal »)
38 Richesse des nations, livre III, chap. ii, p. 444.
39 Montesquieu, Esprit des lois, livre XV, chap. ix.
40 Richesse des nations, livre I, chap. viii, p. 94.
41 Citée par Dockès (P.), « Condorcet et l’esclavage des nègres », Idées économiques sous la Révolution, 1789-1794, p. 85-124.
42 Encyclopédie méthodique. Économie politique et diplomatique, Paris/Liège, Pancoucke, 4 vol. in-4°, 1784-1788 (ci-dessous abrégé EM, et suivi de l’indication du tome et de la page).
43 Démeunier, article « Nègres », EM, t. 3, p. 414.
44 « Nègres », EM, t. 3, p. 415 et 414.
45 « Nègres », EM, t. 3, p. 415.
46 Voir Montesquieu, Esprit des lois, livre VI.
47 « Nègres », EM, t. 3, p. 415.
48 Foucault (M.), Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975 (particulièrement la 2nd part., « Punition », I « La punition généralisée », II « La douceur des peines », p. 73-134).
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