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Louis Guilloux et la politique : un moi divisé ?
p. 27-45
Texte intégral
« Et maintenant, camarades, il faut faire quelque chose pour rendre la vie plus légère »
Boris Pasternak, Congrès de la Mutualité, 1935, rapporté par Louis Guilloux.
1Si comme l’écrit Arnaud Flici, « la plus grande perte qui puisse frapper un homme [est] la perte de l’illusion1 », en tant qu’homme de gauche, Louis Guilloux a connu le pire du XXe siècle, avec ses grandes espérances et ses grandes pertes d’illusion. Alors, on entend Coco – une voix de celui qui l’a conçu ? – nous dévoiler l’issue de son cheminement politique : « Vous savez, moi, question politique, c’est fini fini depuis longtemps, oh là là2. » Un parcours qui se solde par une telle affirmation prouve un intérêt antérieur, et si détournement final il y a eu, ce serait un détournement motivé, toutes choses intéressantes à comprendre.
2La trajectoire politique de l’écrivain briochin a été étudiée, depuis plusieurs années et sous plusieurs angles, en particulier par Christian Bougeard et Jean-Charles Ambroise3. D’autres réflexions, plus générales ou plus ciblées, apportent de nombreux éléments sur les rapports de Louis Guilloux avec la politique, notamment celles d’Yves Loisel, son biographe4, Jean-Pierre Morel, dans son Roman insupportable5, Philippe Baudorre, au sujet de Monde6. Et d’autres études sur Guilloux, a priori plus éloignées du sujet politique, apportent également des éléments qui l’éclairent. Louis Guilloux accorde beaucoup d’intérêt aux événements politiques. Son rapport avec eux passe par des enquêtes directes auprès de témoins, par la lecture régulière de journaux, avec l’habitude d’archiver des articles, de mener des recherches pour préparer les œuvres et la réutilisation de la presse dans l’écriture. Ceci a été abordé par Claire Bustarret7, puis Arnaud Flici8 et Alexandra Vasic9.
3Il s’agit donc de tenter un apport supplémentaire et complémentaire, qui s’attache aux figures politiques chez l’homme et l’écrivain Guilloux. L’interrogation porte d’abord sur les modèles de départ qui ont formé sa sensibilité. Partant de là, comment a-t-il analysé et compris la politique ? Et comment s’est posé le problème de l’action concrète, pour lui-même ? L’idée est donc de cerner ce malaise qui, comme le suggère la voix de Coco, l’a peut-être conduit à mettre la politique totalement à distance.
Une position affirmée sur le mode de l’évidence : modèles positifs et négatifs
Premiers modèles
4Louis Guilloux inaugure ses publications par un article littéraire à valeur politique puisqu’il s’y moquait d’un député, avec des arguments politiques, dans un journal politique, L’Éveil breton, sous titré « Journal socialiste d’informations10 ». Accorder une valeur politique à ses débuts, en se référant à ce premier article, n’est pas anecdotique car il affirme aussi sa volonté politique pour le premier roman : « Quand j’ai commencé à écrire La Maison du peuple, […] c’était un acte politique et c’était une nécessité de poser qui j’étais, d’où je venais, et quels étaient les miens11. Pour qu’il n’y ait pas de malentendu ; et il n’y en a pas eu depuis12. » Pour Louis Guilloux, au commencement est la filiation politique, qui fonde son identité publique et il est certain que « le modèle de l’engagement politique et syndical, a été fourni par son père, l’un des premiers militants socialistes briochins13 » et ses camarades militants de Saint-Brieuc.
5Leur engagement est coopératiste, mutuelliste, proudhonien, communard. Ils valorisent l’action à l’échelle de leur commune, en comptant sur eux-mêmes, et montrent peu d’intérêt pour les débats théoriques, même s’ils ont une compréhension politique nette de sujets qu’ils connaissent14. Après 1920, le père suit la tendance communiste et rejette la SFIO de Jean Longuet et Léon Blum, qualifiés par lui de bourgeois. Il est peu à peu dégoûté par les manœuvres inhérentes au système parlementaire et, en 1929, écrit à son fils : « Les bourjois socialistes […] ne valle pas la peine, pas pu que les autres. […] Surtout, laisse la politique de côté, il n’y a rien à tirer que des jaloux15. »
6Au départ, la politique, pour Guilloux, ce sont donc des êtres humains qui s’organisent pour revendiquer une existence moins dure, un père qui lit L’Humanité, parle de Jaurès, d’élections et de Maison du peuple avec des camarades, et participe à des actions que la mère juge dangereuses. La politique, ce sont des militants dont il partage le quotidien, qui souffrent d’injustices et peuvent être injustes eux-mêmes, tel son père, parfois violent et autoritaire, qui fait souffrir la famille16.
Quelques anti modèles
7Dans l’univers très humain des activités politiques, l’enfant Guilloux, qui épouse le regard du père et de ses camarades, apprend que le monde est divisé entre « les socialistes et ceux qui ne l’étaient pas17 ». Ces deux catégories d’hommes luttent entre eux et pour les départager, le système démocratique électoral n’apporte pas la solution légitime, comme le prouvent Victor Le Guen et le docteur Boyer, qui sont des modèles repoussoirs.
8Victor Le Guen, architecte de métier, est député des Côtes-du-Nord de 1921 à 1932, de l’Entente Républicaine Démocratique. Surnommé Totor par les socialistes, il fait l’objet de moqueries multiples, reprises par Guilloux dans son article de 1921 : « Totor donne-t-il la mesure de l’intelligence de la masse qui élit ? Assurément non. Ce serait faire injure à cette masse18. » Le suffrage universel est qualifié « d’admirable plaisanterie » « d’un régime qui arrive au bout de sa carrière », et l’auteur affirme que le relais sera pris par « les jeunes énergies socialistes tendues vers un but nouveau ». Mais ces convictions ne sont affirmées que comme le résultat d’une expérience sensible, après le contact direct avec l’homme dont il parle négativement. En effet, le narrateur Guilloux, jeune curieux « qui entre volontiers partout » et donc, s’est trouvé là « par pur hasard » (notons les dénégations appuyées quant à ses motivations de quêteur), a pénétré quelques instants dans la salle où attendaient des solliciteurs obséquieux, entrevu le député et obtenu, en l’observant quelques instants, la démonstration sensible que le « système électoral » donne des responsabilités à des hommes vieillissants19, qui n’ont pas la carrure humaine pour les assumer.
9Le docteur Boyer est un socialiste de tendance guesdiste, riche par mariage, propriétaire et unique rédacteur d’un journal local bi-hebdomadaire, Le Réveil des Côtes-du-Nord. D’abord éveilleur et rassembleur des militants ouvriers, il se révèle un ambitieux, considéré comme un traître par les amis du père Guilloux. Pour le romancier qui prépare La Maison du peuple, il devient un modèle de plus en plus négatif au fur et à mesure qu’il se documente dans les archives, et construit le personnage du docteur Rébal. Il représente la démonstration que le savoir-faire rhétorique est une arme dont les ouvriers doivent se méfier, comme le personnage de Nabucet représente, dans Le Sang noir, la démonstration que la rhétorique et la culture classique sont des miroirs aux alouettes pour justifier l’injustifiable. Pour être reconnu comme socialiste, l’adhésion au parti socialiste SFIO n’est donc pas l’essentiel, car le parti peut attirer des militants qui se révèlent ambitieux et finalement, traîtres aux intérêts des ouvriers.
Reproduction et réflexion
10Être socialiste, c’est être du côté des travailleurs, être favorable à « la réclamation prolétarienne20 », contre ceux qui y font obstacle. Pour Louis Guilloux, cette appartenance politique serait de l’ordre d’une filiation héritée par naissance, transmise par le sang, ce qui lui fait écrire à sa fiancée Renée, en 1924 : « Je connais mal les théories communistes. Elles me déplaisent pour ce que j’en sais, par ce qu’elles ont de brutal et de borné. Mais je suis de sang prolétarien, communiste d’instinct, voilà tout21. »
11Son appartenance politique serait un socle fondateur, posé une fois pour toutes, à vivre et à accepter comme une évidence. Elle ferait de lui un écrivain qui n’a pas à se poser la question de l’engagement parce qu’engagé, il l’est « de naissance22 ». Cependant, cette présentation de soi a été contestée, en 1967 notamment, par des ouvriers pour qui, quelle que soit son origine, un écrivain de métier n’est pas un prolétaire. Quand on lui demande de préciser s’il est « du monde ouvrier […] sentimentalement ou matériellement23 », il tente de convaincre que sa « condition d’écrivain [est] une condition artisanale », et argue de la modestie de ses revenus. Son analyse des rapports sociaux n’est pas d’un marxiste et il emploie les mots « ouvrier » et « prolétaire » dans un sens ancien, sur lequel il doit s’expliquer. Il lui est répliqué qu’« un artisan n’est pas un ouvrier24 ». Devant des interlocuteurs réticents, il sait déployer des qualités d’orateur et donner des gages, grâce à sa connaissance de la vie des exploités, et à la sincérité de son soutien, mais ce qu’il a présenté comme une évidence n’a pas toujours été accepté25, ce qui renvoie, et appuie, l’analyse de Jean-Charles Ambroise qui montre que la figure de l’écrivain Guilloux, qui aurait su « concilier dignement appartenance au peuple et réussite littéraire26 » est de l’ordre de la « mythologie », dont Guilloux, lui-même, n’est pas dupe27.
12Mais en dépit d’une adhésion aux engagements de son père, souvent présentée comme de l’ordre de l’évidence, l’analyse, la réflexion, l’observation, l’expérience, et les évolutions qu’elles peuvent entraîner, ont une place dans les conceptions politiques de Louis Guilloux. Au-delà de la transmission des convictions par les figures politiques de l’univers familial, il affirme que « la réflexion qu’[il a] pu [s] e donner dans les années de [s] a vie a confirmé, pour [lui], le bien fondé de la réclamation prolétarienne », si bien que « si [il] étai [t] né ailleurs, disons dans une famille bien bourgeoise, où on [lui] aurai [t] conseillé de lire Henry Bordeaux et des choses comme ça… ça n’aurait rien changé pour [lui], [il] aurai [t], en somme, en réfléchissant et en vivant, pris le parti des travailleurs28 ».
13Sa position n’est donc pas une simple reproduction de figures politiques de départ agissant comme des modèles. Dans son cas, il n’avait pas à passer par des prises de conscience qui modifient les conceptions héritées de l’origine socio-familiale, la réflexion et l’expérience ont apporté la simple confirmation du caractère légitime de sa position. Mais au contraire de certains socialistes qui basculent dans l’opportunisme, certains hommes ouvrent les yeux et infléchissent leur parcours politique au fil de l’expérience. Ainsi le député Henri Avril, d’abord référence de l’ambiguïté, dans la lignée des contradictions de Georges Palante, dont il est l’un des deux témoins pour le duel contre Jules de Gaultier, et qui sert à créer le personnage du député Faurel. Au cours des années, Henri Avril devient un modèle positif pour Guilloux, après l’action commune dans la Résistance, l’adhésion d’Henri Avril à la SFIO (il devient préfet des Côtes-du-Nord) et l’amitié des deux hommes. Un an après sa mort, Louis Guilloux publie un hommage dans le journal de la SFIO des Côtes-du-Nord, au titre significatif : « C’était un homme plus vivant que les autres29. »
14Les positions ne sont donc pas figées. La réflexion et l’expérience jouent un rôle dans les parcours politiques.
Qu’est-ce qui fait agir les hommes ? Action politique et conception de l’être humain
15Qu’est-ce qui fait agir les hommes ? L’espoir de « rendre la vie plus légère », ce rêve partagé qu’exprimait Boris Pasternak, au Congrès de la Mutualité, en juin 193530. Pour Louis Guilloux, espoir, volonté et rêve vont dans le même sens, et l’action devient possible par le regroupement d’hommes qui ont l’amitié pour moteur.
Derrière les hommes, des rêves et des mythes
16L’espoir partagé a le pouvoir de mobiliser des hommes pour construire une Maison du peuple, projet qui connaît une phase d’échec (en 1914) avant d’être effectivement réalisé (début des années 1930). La mobilisation puise sa force dans la signification qui lui est attribuée. Cet édifice, lieu matériel et lieu social de nouvelles relations humaines, participera à la dynamique collective universelle, vers la réalisation d’une cité idéale, le tout associé à la figure positive de Jean Jaurès et au mythe de la révolution, mythe adossé à des réalités lointaines – celle de 1789, enseignée à l’école, celle de 1917 en Russie31 –, entouré de toute une imagerie, de discours contradictoires, d’attentes multiformes, de sentiments et de ressentiments… La mystique révolutionnaire32 et Jean Jaurès, figure consensuelle du socialisme surtout valorisé pour son opposition à la guerre, font partie de l’héritage familial de Louis Guilloux, tandis que la proximité explicite avec Proudhon date de 192833, quand Daniel Halévy lui fait découvrir ses écrits, à l’occasion du travail de sélection de lettres à publier.
17Entre les hommes vivants, qui agissent concrètement auprès de lui, et les références lointaines qui mobilisent l’imaginaire et donnent courage, la place accordée aux considérations de doctrine est faible, et Toby Garfitt note que le groupe d’entraide auquel participe Louis Guilloux, dès ses débuts à Paris, se fonde sur la même mise à l’écart des doctrines : « Voilà donc la véritable importance du vorticisme : non une doctrine, car il y en avait très peu, mais la discipline de la critique mutuelle34. » Il y a peut-être là un parallèle intéressant à établir.
18Quelle révolution ? Si son potentiel d’espoir évolue au cours du siècle, Louis Guilloux en conserve une même idée : elle doit être une mutation sociale, psychologique et morale, avec un impératif de liberté, par le moyen de l’action violente, non des joutes intellectuelles. Ainsi, il répond à l’enquête de Monde sur Zola : « La vraie foi révolutionnaire ne bavarde pas, ne cherche à convaincre personne : elle agit. Aux révolutionnaires, on opposera des fusils. Il leur faudra des fusils pour répondre, non des discours. Lénine le disait35. » Ce qui n’est pas une adhésion à la violence, mais l’expression d’un agacement extrême face aux intellectuels communistes qui se mettent en valeur par de la surenchère verbale et confisquent d’avance le pouvoir aux prolétaires en s’instituant juges de l’authenticité révolutionnaire.
19En décembre 1935, il s’appuie sur une citation de Lawrence : « “Il ne faut pas faire la révolution pour donner le pouvoir à une classe, mais pour donner une chance à la vie.” Que n’ajoute-t-il que cette chance à la vie, seul le prolétariat est en mesure de nous l’offrir36. » Il explique ailleurs pourquoi : parce que « l’homme le plus écrasé est toujours le plus humain. […] ce n’est jamais des maîtres que nous pouvons attendre la liberté37 ». Relisons, à ce sujet, l’analyse de Philippe Baudorre, sur les articles de Guilloux dans la revue Monde, qui montre combien Guilloux a protesté contre les embrigadements qui confisquent la liberté, donc la révolution, parfois jusqu’à « la provocation » et que « l’image récurrente, exprimant une terreur profonde, est […] celle de la prison38 ».
20Après son voyage en Union Soviétique, la référence à la révolution comme espoir s’estompe jusqu’à disparaître, mais la rupture n’est pas tranchée. En 1976, quand on lui demande si à cause de son voyage en URSS, il s’est « écarté de la politique », il répond « J’ai simplement continué à être un sans-parti. Ça rendait des services39. »
21Les notes préparatoires pour Le Sang noir donnaient une définition de la révolution dans un dialogue entre Armand et Lucien :
22« – En finir avec l’injustice ?
23– Avec la bassesse aussi. Si la Révolution a un sens, il ne peut être que d’éliminer la bassesse40. »
24Ceci est le programme, en quelque sorte.
Agir politiquement : une tentation dangereuse ?
25C’est donc par l’observation des hommes agissant dans la tourmente des événements, avec leurs désirs et leurs sentiments, que la sensibilité politique de Guilloux se forme. Or, si l’expérience renforce ses convictions, elle apporte aussi la révélation d’un profond malaise avec le militantisme et la politique.
Refus de la violence et de la témérité
26En octobre 1927, il confie à Jean Guéhenno son regret de ne pas agir politiquement, mais ajoute aussitôt qu’il risque de céder « à cette tentation d’agir – [il] en [a] même une peur secrète41 ». Quelle est cette peur ? Elle vient d’avoir senti, lors d’une réunion publique, des « pensées d’une telle violence » que les exprimer l’aurait rendu « vraiment malade » et aurait transformé la salle en « un véritable champ de bataille ». Agir politiquement serait déclencher une violence incontrôlée42, sanguinaire et pathologique. Il doit s’en garder.
27L’action politique entraîne alors deux questions : la violence est-elle inévitable ? Et qui peut être certain qu’elle soit justifiée ? Louis Guilloux reconnaît que sa position est problématique, car il est proche des communistes, comme son père, et pourtant, il écrit : « La seule chose qui me sépare des communistes, c’est justement cette violence, et probablement, c’est le seul point où ils ont raison. […] ils supposent trop de choses, trop de problèmes résolus – qui ne le sont pas, à ce qu’il paraît43. Mais cette violence implique un jugement d’une témérité épouvantable, dont je ne me sens pas capable. Il faut donc rester ailleurs, si c’est possible44. »
28Son refus de la violence est lié au traumatisme de la guerre 1914-18, pourtant vécue à l’arrière, violence guerrière analysée par Freud comme un déchaînement d’instincts refoulés que l’éducation ne suffit pas à annihiler45. Le lien entre traumatisme psychologique de la guerre et maladie mentale est le thème de sa pièce inédite Échec et mat (1925). Son rejet est également à mettre en relation avec le caractère violent de son père, et a contrario, avec son admiration pour Tolstoï et son correspondant Gandhi46. En 1968, il participe à l’élan protestataire, à Paris et à Rennes où il fait une lecture publique d’extraits de La Maison du peuple, dans une ambiance survoltée. Pour lui, comme pour les jeunes, la question prend sa source dans le refus de la guerre (du Vietnam) autant que dans l’injustice sociale. Dans cette lutte politique en faveur d’une certaine idée de la vie humaine, il affirme dès 1967 : « Je n’aime pas la guerre ni la violence, mais je suis pour l’amour et la paix. Après tout, je suis un hippy tardif47. »
29Le rapport de Guilloux avec la violence éclaire son rapport à l’action, en général, et à l’action politique en particulier. Son rejet de la violence est fondamental, pour les raisons dégagées plus haut, et se révèle dans la période où elle pouvait s’imposer, à savoir pendant l’occupation de la France par les nazis. Guilloux n’a pas pris les armes. Il n’a pas participé à des actions de sabotage ou de neutralisation d’ennemis, avec les résistants qu’il côtoyait. C’est un refus qui n’exclut pas de tomber dans certaines petites provocations verbales, plus ou moins ambiguës et de l’ordre de la posture, comme lorsqu’il s’entretient avec Bernard Pivot, en 1978. Ainsi, ne sachant comment répondre à propos d’un choix entre staliniens et trotskistes, il explique : « Mon embarras vient de ce que je ne suis pas un homme politique », et peu après : « Si j’étais plus violent, je serais volontiers un terroriste… mais je réprouve la violence48… ». Il obtient ainsi son effet puisque Bernard Pivot est surpris et intrigué.
L’expérience de quelques traquenards
30En plus des dangers psychologiques liés aux pratiques violentes, et de la réprobation morale de cette violence, les relations avec certains militants politiques ont enseigné la prudence à Louis Guilloux.
31Comme un nouvel épisode de son séjour chez Augustin Hamon, qui lui laisse un souvenir pénible49, il trouve à s’héberger chez Jean Longuet, en 1921, en échange de cours d’anglais aux enfants. Pactiser avec ce leader de la SFIO provoque la colère de son père et pour se faire pardonner, il doit renoncer à cette fréquentation, que Georges Robert considérait comme prometteuse pour sa carrière. De 1927 à 1929, avec ses amis Jean Grenier et André Chamson, il est amené à connaître des militants catholiques, Jacques Maritain et Stanislas Fumet, qui permettraient de diversifier leurs débouchés éditoriaux, garantie d’indépendance. mais ces catholiques prêchent la générosité, la grandeur d’âme, et finalement, n’agissent que donnant-donnant et sont prêts à tout pour le convertir. De plus, sous prétexte de lui rendre service, Stanislas Fumet va, de sa propre initiative, corriger les épreuves de La Maison du peuple, pour supprimer ce qu’il appelle des fautes d’orthographe et de langage. Avec eux, le respect et la liberté ne sont pas de mise.
32Le voyage en URSS, avec André Gide, lui vaut un travail de responsable littéraire au journal communiste Ce Soir. Il déteste la pression idéologique à laquelle il doit se plier alors qu’il entend évaluer les textes littéraires en fonction de leurs qualités artistiques. Il y a pire, cet emploi se révèle un moyen de chantage pour l’obliger à prendre la plume contre Gide. Bernard Pudal relève ces phrases, dans les Carnets inédits : « La vérité ici n’est pas le but. Ce que l’on souhaite c’est le service à un parti50 », qui prouve sa « claire compréhension du fait qu’on a fait appel à lui parce qu’on pense pouvoir l’instrumentaliser51 ». Bien que désargenté, il prend la poudre d’escampette et rentre en province, avec une indemnité de licenciement. Sur André Gide, Aragon, Bloch et quelques autres, il consigne des observations psychologiques (et parfois physiques) peu amènes. Le monde des intellectuels politisés est peuplé de requins, qui se détestent et sont prêts à tout pour jouer, chacun, le premier rôle. Le but de l’action politique affiché n’est qu’un paravent pour leurs motivations égocentriques. Le mieux est de s’en éloigner.
33Au moment de la Libération, il propose ses services à la mairie de Saint-Brieuc, pilotée par un ami résistant. Il est alors embarqué dans un rôle d’interprète auprès de l’Armée américaine, qui l’amène à agir contre sa conscience puisqu’il prête la main à des procès racistes. Dans O.K. Joe !, il suggère que comme il reste un électron libre trop curieux, il est écarté sous prétexte de sa mauvaise santé. La réalité est plus complexe, mais l’impression de traquenard encore là.
Portraits de militants
34Quand ils ne sont pas dangereux, les militants font souvent l’objet de portraits psychologiques négatifs. Les cas ne seraient pas marginaux puisque Louis Guilloux s’interroge sur leur représentativité, comme le montre cette note de 1935 : « Je remarque que, dans un groupe comme celui de la section socialiste d’Angers, où je ne suis allé que deux fois, la grande majorité des adhérents viennent là parce qu’ils sont passifs – victimes de l’esprit laïc. Ceux qui ont un semblant d’existence viennent là pour des raisons étrangères à la politique : vanité, méchanceté, etc. […] On peut prendre ces observations, s’en servir comme de grilles, pour déchiffrer certaines actions de grands hommes, ou des systèmes de philosophie52. » Il tente donc une compréhension globale du phénomène politique à partir d’observations d’individus précis.
L’être humain est irrationnel, c’est ce qui rend l’action politique illusoire
35D’expérience, approcher les militants et les hommes politiques serait, au minimum décevant, au pire source de danger. Outre les griefs contre leur psychologie, une autre raison importante agit : il ne partage pas leur définition rationnelle de l’être humain et de la société. Il se montre là dans la filiation de Georges Palante, opposé au scientisme des marxistes et autres sociologues durkheimiens. Ainsi, il écrit à Jean Guéhenno : « L’homme d’action, même dans l’ordre de la politique, reste toujours, pour moi, trop près de l’homme “immédiat” dont parle Dostoïevski, pour qui un mur est un mur, et deux et deux la somme quatre53. » À partir des années 1920, la révolution bolchevique s’impose comme modèle du socialisme scientifique, issu de Marx, contre les socialistes français qualifiés d’utopistes. Louis Guilloux se place du côté de Proudhon, qui « n’attend rien de l’organisation des masses ouvrières concertée en vue de la prise du pouvoir [et] refuse la collaboration que, de Londres, lui propose Karl Marx54 ».
36La montée des fascismes et la perspective d’une seconde guerre mondiale renforce son analyse : « Les marxistes – en général les rationalistes – appliquent au monde des mesures logiques. […] Mais le monde n’est pas logique. La personne d’Hitler est plus réelle que n’importe quel système55. » En juin 1939, il réfléchit à sa différence avec Jean Guéhenno : « Non, je ne puis pas dire que je souscris à […] son idée, qui est que le monde doit se modeler sur la raison. Le monde est absurde, c’est un fait, cette absurdité inclut la raison – il est noble de vouloir accorder le monde à la raison, […] mais je ne vois là qu’un aspect des choses56. » Même différence avec son ami Edmond Lambert, dont il s’aperçoit qu’« il croit malgré tout à un ordre possible, et même aux valeurs qu’il définit comme les valeurs de justice et de raison, qui finiront enfin par triompher du désordre et de la brutalité. Ce point de vue m’étonne assez chez lui. Je suis loin, en tout cas, de le partager57 ».
37Après trois mois de guerre, sa réflexion est identique :
La guerre est un mystère – peut-être un des plus grands mystères de l’homme. Je me méfie beaucoup des idées claires sur la guerre, des exposés lumineux sur ses causes, fussent ces exposés marxistes, […] assignant toute la responsabilité de la guerre au capitalisme. La guerre, c’est sûrement autre chose que la racine extraite d’une équation abstraite elle aussi. Et la preuve, c’est qu’elle se fait avec des hommes, avec des hommes entiers qui s’y engagent et y sont engagés entièrement avec leur peau, leurs tripes et leur sang – je veux dire avec tout l’en dessous sur quoi ils n’ont même pas une idée précise, et donc, bien entendu, avec tout autre chose que des idées58.
38Après la seconde guerre, il s’interroge encore sur la nature de l’être humain : y a-t-il une fatalité de la misère, de la barbarie et du malheur ? L’interrogation porte sur la nature de l’être humain, sa liberté ou sa fatalité intérieure, sa capacité à vivre le bonheur ou non. Est-ce que l’être humain peut se créer ? Louis Guilloux affirme que oui, mais constate que le désespoir est possible quand on observe la réalité59. Sa conclusion est toujours optimiste mais donne l’impression qu’il voudrait convaincre l’interlocuteur pour se donner de l’espoir à lui-même.
39L’irrationalité de l’être humain, c’est toujours le « déraisonnable60 », la « destruction de la vie61 », cette tendance de l’humain à agir contre son bonheur et ses intérêts. Celui qui est capable d’une action politique « au service des hommes, c’est-à-dire dans la générosité » est qualifié d’« homme plus vivant que les autres62 »…
40En 1974, selon lui, il s’agit encore et toujours, de « vouloir […] toute la justice », mais il qualifie la politique d’instrument de la Préhistoire » alors que les problèmes ont évolué : « Nous vivons dans un monde où nous ne devrions penser […] qu’à nous inquiéter de l’accroissement de la population et de la raréfaction des éléments essentiels… Au lieu de cela, nous ne parlons que d’expansion, de bombe, d’argent, c’est honteux… C’est cela le diable63. »
41Dans sa recherche d’une définition anthropologique de l’être humain, Louis Guilloux oscille entre deux modèles : Henri Avril, l’homme exceptionnel qui s’est construit comme un acteur politique au service de la vie, et Palante-Cripure, l’humain suicidaire qui sabote lui-même ses possibilités de bonheur. Dans ces conditions humaines globalement absurdes, la politique est finalement disqualifiée.
Constat d’impossibilité…
42De toute façon, l’action politique dans le cadre d’un parti est incompatible avec l’écrivain libre qu’il veut être, car « une œuvre d’art est une aventure […] Mais à l’instant où vous êtes engagé dans un parti, une église, une maçonnerie, c’est foutu : il faudra dire cette vérité-là. Et si ce n’est pas vrai ? Et si vous découvriez l’inverse ? Alors, il faudra mentir ? Alors ce n’est plus possible64 ».
43Il doit donc s’arranger avec la situation problématique d’un être divisé entre des convictions assurées et l’impossibilité d’agir politiquement pour les faire triompher. L’exemple fondateur du père – modèle pour la position politique, anti modèle pour le caractère – ne peut être revendiqué, à partir des années 1930, sans se révéler contradictoire parce que décalé par rapport à la société qui s’industrialise sur le mode capitaliste. La figure du père produit donc des contradictions, car si la radicalité de L’Humanité lui convient, il transmet au fils le modèle d’un artisan d’avant 1914, jaloux de son indépendance, socialiste suivant une tradition française communarde, proudhonienne, mutuelliste, un peu libertaire, éloignée du communisme enracinée dans la classe ouvrière de la grande industrie ou dans l’organisation totalitaire soviétique.
44Dès lors, il y aurait en Louis Guilloux quelque chose du moi divisé, qui fait penser à la remarque d’Anne Roche qui analyse la représentation de 1936 dans Les Batailles perdues : « Face aux personnages de droite, croquis généralement rapides, mais cohérents et massifs, le héros “de gauche” apparaît dans tous les cas comme un “moi divisé”65. »
Que faire ?
… Oui, mais alors, je me suis dit, un peu après, je me suis demandé comment il se faisait qu’il me venait si souvent l’idée qu’il y avait, malgré tout, quelque chose à faire ? Quoi ? Ça c’est le hic66…
45L’analyse des choix d’action de Louis Guilloux, faite par Philippe Baudorre à propos des articles dans Monde, peut s’étendre au parcours entier. La « crainte […] d’être enrôlé, récupéré, emprisonné » domine, « mais on peut aussi voir dans son attitude le refus de la posture de l’intellectuel engagé telle qu’elle se définit alors. Le citoyen Guilloux s’engage anonymement, auprès d’organismes militants […]. L’écrivain Guilloux s’engage profondément dans son œuvre mais Guilloux refuse le mélange des genres67 ». Restaient possibles des actions concrètes, qualifiables d’« humanitaires », en tant que responsable du Secours populaire, à Saint-Brieuc, auprès des réfugiés espagnols, des chômeurs ou sa participation au soutien de paysans expulsés, au centre Bretagne. On se souvient de cette phrase, dans les Carnets, à propos de la distribution de chaussures aux réfugiés : « Nous n’avons pas à tenir compte de la couleur politique des pieds nus » (p. 174). En 1955, il est en phase avec l’action de l’abbé Pierre, qu’il rencontre et sur qui il publie un texte68. En 1961, il visite des camps en Allemagne et en Autriche et doit remettre son rapport au Haut-Commissariat pour les Réfugiés. Son action est discrète, de type humanitaire là encore. À partir de ses notes, Louis Guilloux publie « Choses vues chez les sans – patrie69 », un texte qui non seulement « ne délivre pas de message politique » mais est « silencieux au point d’être presque énigmatique, surtout pour qui le relit aujourd’hui70 », selon l’analyse de Philippe Baudorre.
46Dans ce type d’action, il entre de la modestie, l’acceptation de rester dans le domaine du possible, loin de l’héroïsme, discrètement et avec prudence, un peu selon la prescription d’Hippocrate : « d’abord ne pas empirer ». Le choix est volontaire :
À 50 ans, […] je me suis fait une idée simple […] : la modestie, le sentiment de l’ignorance me semblent avoir plus de valeur que la volonté d’héroïsme, qui s’est exprimée à travers l’époque jusqu’au surmenage. Si j’avais une morale à exprimer, je dirais qu’elle consiste à retrouver la mesure humaine. Autrement dit, il ne peut s’agir que “d’explorer le champ du possible”71.
47À titre personnel, il propose un type d’être humain différent du modèle absurde suicidaire ou militant héroïque.
48Restait possible également de continuer à être un franc-tireur de la liberté, qui résiste à l’embrigadement, qui résiste à l’instrumentalisation, quoiqu’il en coûte financièrement, en terme d’isolement et de malentendus72, qui proteste par des interventions dans les journaux et revues, quand c’est possible… D’une certaine façon, Louis Guilloux est un spécialiste du « non », quelqu’un qui refuse, dans les occasions où il s’en estime la capacité, avec prudence et force, en mesurant le danger, sans se prendre pour un héros surdimensionné ou un requin. Ses refus ont le poids de la rareté, ainsi que le remarque Jean-Pierre Morel, qui montre qu’« avec Guilloux, Vladimir Pozner offre à ce moment l’un des rares exemples d’une intelligence qui ne capitule ni devant le manichéisme ni devant l’intimidation73 ».
49Finalement, ce qui précède invite à transposer le titre de Grégoire Leménager, « Une écriture à hauteur d’homme », pour dire que Louis Guilloux envisage la politique à hauteur d’homme. Concevoir la politique sous l’angle moral et psychologique est une de ses caractéristiques74. Chez lui, le problème du mal est toujours là. Il est lucide sur le « principe de cruauté latent75 » dans les individus, qui trouve à se défouler ouvertement dans la guerre, de manière masquée dans les luttes politiques, cette cruauté latente expliquant la « morbidité sociale » dont la guerre n’est que « l’ultime conséquence76 ».
50Car pour Guilloux, le monde est à l’image de l’individu ordinaire, – absurde, illogique, masochiste, suicidaire –, et il est possible de prendre des observations psychologiques sur des individus précis « comme des grilles pour déchiffrer certaines actions de grands hommes ou des systèmes de philosophie77 ». La formulation reste prudente, mais elle indique une méthode, ou plutôt une recherche de méthode, pour passer de la compréhension psychologique des individus à la compréhension du monde.
51Pour éclairer le rapport de Louis Guilloux avec la politique, il faut donc convoquer Georges Palante, l’homme, l’intellectuel et l’écrivain à partir de qui sa réflexion s’élabore. Le philosophe de l’individualisme niait l’intérêt de considérer les faits sociaux autrement qu’à travers la psychologie humaine. De manière assez semblable, Louis Guilloux envisage la politique par le prisme des individus, laissant dans l’angle mort beaucoup d’autres aspects. Pour lui, qu’y a-t-il entre les individus, physiquement et psychologiquement observés, et l’Homme en général, avec sa fatalité intérieure, absurde par nature ? Qu’y a-t-il entre les êtres humains, « avec leur peau, leurs tripes et leur sang78 » et l’Humanité collectivement organisée ? Rien, sauf des « idées » telles que « capitalisme », qui n’auraient pas plus de réalité concrète et efficiente « que la racine extraite d’une équation abstraite elle aussi79 ». Comme si sa caméra ne pouvait osciller qu’entre des observations intérieures et extérieures « à hauteur d’homme », et un ailleurs d’où l’on pourrait voir les choses de manière globale, universelle, an-historique. Comme si les modes d’organisation collective, juridique, économique, sociale, éducative, familiale, n’avaient pas d’effets puissants, et comme si la situation de l’individu dans la machine collective n’entrait pour rien dans ses opinions, sa psychologie et ses actes…
52N’est-ce pas sous-estimer, par exemple, les effets de l’implacable autorité de l’État répressif qui s’exerce contre les hommes qui n’ont pas, comme lui, un handicap physique80 qui les met à l’abri de la mobilisation obligatoire, alors même qu’il a dénoncé les exécutions de mutins, en 1917 ? N’est-ce pas oublier, en ce qui concerne sa liberté, qu’il peut travailler à ses heures et refuser ce qui l’entraverait, parce que son épouse, elle, accepte les contraintes institutionnelles de l’Éducation nationale (avec son système administratif de nominations, de contrôles, de hiérarchie, etc.) ?
53En se désintéressant des doctrines, qu’il renvoie au statut de dogmes et de prisons mentales, ne se refuse-t-il pas des éléments de compréhension81 qui auraient pu renforcer son œuvre ? Ou, tout au contraire, voulait-il ne développer que ce qu’il savait très bien faire, à savoir ne pas élucider certaines forces extérieures aux individus – comme, malgré son intérêt pour la psychologie, il ne cherche pas à élucider les forces intérieures et préfère en rester à un certain mystère82 – pour continuer « à poser le drame hors de l’individu, sans en affaiblir l’intensité », ce qu’André Malraux jugeait, chez Louis Guilloux, « un élément de talent auquel il y a peut-être lieu d’attacher beaucoup d’importance83 » ?
Notes de bas de page
1 Arnaud Flici, « La plus grande perte qui puisse frapper un homme : la perte de l’illusion. Louis Guilloux. Absent de Paris », Lendemains, 2012, Tubingen, p. 17-30.
2 Louis Guilloux, Coco perdu, Paris, Gallimard, 1978, p. 8.
3 Jean-Charles Ambroise « Une trajectoire politique », Francine Dugast-portes, Marc Gontard (dir.), Louis Guilloux écrivain, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000, p. 51-65 ; Christian Bougeard, « Le parcours et les engagements de Louis Guilloux dans les enjeux de son temps (1930-1950) », Francine Dugast-portes, Marc Gontard (dir.), Louis Guilloux écrivain, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000, p. 31-46.
4 Yves Loisel, Louis Guilloux, Spézet, Coop Breiz, 2000.
5 Jean-Pierre Morel, Le Roman insupportable, Paris, Gallimard, 1985.
6 Philippe Baudorre, « Louis Guilloux et la revue Monde », Francine Dugast-portes et Marc Gontard (dir.), Louis Guilloux écrivain, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000, p. 69-88.
7 Claire Bustarret, « La matière graphique des manuscrits de Louis Guilloux », Madeleine Frédéric et Michèle Touret (dir.), L’Atelier de Louis Guilloux, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
8 Arnaud Flici, « Les archives du fonds Louis Guilloux au prisme de la presse », Jean-Baptiste Legavre, Michèle Touret (dir.), Louis Guilloux. Un écrivain dans la presse, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014., p. 15-34.
9 Alexandra Vasic, « Les usages de la presse dans Les Batailles perdues : une déréalisation paradoxale des événements historiques et fictionnels », Jean-Baptiste Legavre, Michèle Touret (dir.), Louis Guilloux. Un écrivain dans la presse, op. cit., p. 251-268.
10 Article « Pour Monsieur Victor Le Guen ! », juin 1921, p. 3, hebdomadaire édité à Dinan et Saint Brieuc, 1914-1934, devient Le Combat (1934-1936) puis Le Combat social (1937-1939 et après la seconde guerre).
11 Dans l’entretien avec Bernard Pivot, il dit « acte politique et moral », 1978, DVD Gallimard/INA, 2005.
12 Entretien avec Hervé Hamon (Politique Hebdo, 25-31 octobre 1976, p. 37-38).
13 Christian Bougeard, « Le parcours et les engagements de Louis Guilloux dans les enjeux de son temps (1930-1950) », op. cit., p. 32.
14 Par exemple le père de Guilloux détecte très vite quand un journal relaie l’idéologie bourgeoise (Le Petit Journal où son fils a écrit un article sur le cinéma : lettre du père du 2 janvier 1922, inédits des Carnets, Fonds Guilloux, bibliothèque municipale de St-Brieuc, cote LGO C1 04.02.03) ou les manœuvres des patrons pour « rouler les ouvriers » (lettre du père de Guilloux, début juin 1921, inédits des Carnets, LGO C1 04.03).
15 Mai 1929, lettre recopiée dans les Carnets inédits, fonds Guilloux, B. M. St-Brieuc, cote LGO C1 06.02.01.
16 Mais en tant que personnage littéraire, le père François Quéré est un modèle positif parce que les marques négatives de son caractère, présentes dans les brouillons, sont supprimées.
17 Entretien avec Patrice Galbeau, « La Vie entre les lignes », France Culture, 1977, rediffusion 2004, 1re journée.
18 Toutes citations de ce paragraphe, de l’article « Pour Victor Le Guen ! », art. cité. Cet article est signé « L. G. ». La lettre de Georges Robert du 18 juin 1921, permet d’établir qu’il s’agit de Louis Guilloux (voir note suivante).
19 Victor Le Guen est né en 1881. Il a donc quarante ans en 1921, date à laquelle Louis Guilloux a dû le voir à la Chambre des députés où, sur le conseil de Georges Robert, il tente de parler à Bracke (lettre du 12 mai 1921, dans Correspondance Louis Guilloux – Georges, Émilienne et Lucie Robert, 1920-1970, Confrontations, no 19, 2006, Saint-Brieuc, p. 36).
20 Entretien avec Patrice Galbeau, déjà cité plus haut, 2e journée.
21 2 juillet 1924, fonds Louis Guilloux, B. M. de Saint-Brieuc, cote LGC 23.1.3 d. C’est Guilloux qui souligne.
22 Entretien (déjà cité) avec Patrice Galbeau 2e journée. À la question « Est-ce que vous êtes un écrivain engagé ? » il répond : « Boh, moi je le suis de naissance, alors je n’ai pas besoin de me donner du mal… »
23 « Les ouvriers et la culture », transcription d’un débat public animé par G. Monnet, B. Caceres et L. Guilloux, à la Maison de la Culture de Bourges, 28 octobre 1967, fonds Guilloux, B.M. de Saint-Brieuc, LGO Inter 01.01.11.
24 Ibidem.
25 Jean Paulhan lui fait remarquer également qu’en tant qu’écrivain de métier, il ne peut constamment se réclamer de la condition prolétarienne sans quelque abus de langage. Voir, au sujet des Histoires de Brigands, quand Louis Guilloux affirme « Peut-être suis-je beaucoup plus encore que je ne le crois un homme de ma classe » (27 mars 1933), Jean Paulhan s’avoue « un peu indigné par votre expression « un homme de ma classe ». Bien entendu, et de quelque classe que vous sortiez, vous êtes un homme de classe bourgeoise – plein d’indignation peut-être (Lénine aussi), plein de regret, peut-être (Mac Donald et Herriot aussi, peut-être), bourgeois tout de même » (fin mars 1933), respectivement p. 93-94 et 96, Correspondance Jean Paulhan – Louis Guilloux, 1929 – 1962, édition établie, préfacée et annotée par Pierre-Yves Kerloc’h, Centre d’étude des correspondances et journaux intimes de Brest, Université de Bretagne Occidentale et CNRS, Brest, 2010.
26 Jean-Charles Ambroise « Une trajectoire politique », op. cit., p. 51 et tout l’article.
27 Dans l’entretien avec Bernard Pivot (Apostrophes, 1978, cité plus haut), il se montre lucide, rappelant que « la trahison commence très tôt pour celui qui est capable de la ressentir ». Il évoque la première impression d’avoir trahi son père quand il a parlé anglais devant lui. Sentiment de trahison et fierté du père se mêlaient. « C’est cela la complexité des choses », conclut-il.
28 Entretien avec Patrice Galbeau, déjà cité, 2e journée.
29 Le Combat social, 21 janvier 1950, p. 1 et 2.
30 Témoignage de Louis Guilloux, entretien avec Bernard Pivot, déjà cité.
31 Il le rappelle en affirmant : « La révolution russe, c’était pour moi le premier espoir d’une vie nouvelle », Le Monde, 5-6 février 1967, interview par Nicole Zand, p. 16.
32 Louis Guilloux parle de leur « idée mystique de l’avènement prochain du règne du peuple » (29 décembre 1926, inédits des Carnets, fonds Guilloux, cote LGO C1 05.02.01).
33 Proximité affirmée par son article dans Monde, (20 avril 1929), et remarquée par Anne Roche et Maurice Rieuneau (citée et reprise par Jeanyves Guérin dans son article « Du Sang noir à Cripure », dans Louis Guilloux, op. cit., p. 174).
34 Toby Garfitt, « Le milieu intellectuel des années 20 : Guilloux, Grenier, Lambert », Jean-Louis Jacob (dir.), Louis Guilloux, op. cit., p. 42 (Toby Garfitt cite Lucie Mazauric « Être vorticiste, c’était une façon d’être libre et non de penser en équipe », même article, p 38).
35 « Émile Zola et la nouvelle génération », Monde, 26 octobre 1929, p. 4.
36 « Notre optimisme » dans L’Humanité, 15 décembre 1935, p. 8.
37 « Une heure avec M. Louis Guilloux, Romancier, par Frédéric Lefèvre », Les Nouvelles littéraires, 21 décembre 1935, p. 4.
38 Philippe Baudorre, « Louis Guilloux et la revue Monde », art. cité, p. 77.
39 Politique Hebdo, entretien avec Hervé Hamon, 25-31 octobre 1976, p. 37-38.
40 Cripure ou la raison tique, édition du Sang noir « suivi de pages inédites du journal de l’auteur 1933-1963 et de notes de travail », Le Club français du Livre, Paris, 1964, p. 463.
41 Jean Guéhenno – Louis Guilloux, Correspondance (1927-1967), Les paradoxes d’une amitié, éd. établie et annotée par Pierre Yves Kerloc’h, Rennes, La Part commune, 2011, p. 83.
42 « Je suis aujourd’hui certain que toute action, pour moi, doit aboutir à cette violence », lettre à Jean Guéhenno, p. 84.
43 Cette phrase signifie que, dès 1927, Louis Guilloux a des informations sur l’URSS et qu’en 1936, il n’y est pas arrivé avec la croyance que là était réalisé le paradis.
44 Jean Guéhenno – Louis Guilloux, Correspondance (1927-1967), op. cit., p. 85.
45 Guilloux adhérait à cette analyse, comme le montre son article « La Vie des rêves », Floréal, 12 août 1922, p. 781-782.
46 Guilloux possédait la biographie de Gandhi, par Romain Rolland. Dans les Carnets, on trouve une note sur Gandhi, début 1932, à propos d’une conférence à Paris à laquelle il n’a pas assisté, mais dont il a lu attentivement le compte rendu dans Europe (p. 94).
47 « Le Prix national des Lettres décerné à Louis Guilloux, “Hippy tardif” », Le Figaro, 5 décembre 1967.
48 Apostrophes, disponible en DVD, Gallimard/INA, série « Les grands entretiens de Bernard Pivot ».
49 Militant socialiste, ancien libertaire, ami du père Guilloux, qui a eu un rôle déterminant dans la SFIO des Côtes du Nord d’avant 1914. Guilloux raconte l’épisode de son séjour chez lui, à Lannion, dans L’Herbe d’oubli (Paris, Gallimard, 1984, p. 234 sqq.).
50 Carnets inédits, 1937, fonds Louis Guilloux, B. M. de Saint-Brieuc, cote LGO C1 9.01.01.
51 Bernard Pudal, « Louis Guilloux à Ce Soir (1937) », Jean-Baptiste Legavre, Michèle Touret (dir.), Louis Guilloux, un écrivain dans la presse, op. cit., p. 121 et 122.
52 Carnets inédits fonds Guilloux, LGO C1 08.01.08, ff 102. L’épisode d’Angers remonte à 1929.
53 Lettre de Louis Guilloux à Jean Guéhenno, Jean Guéhenno – Louis Guilloux, Correspondance (1927-1967), op. cit., [octobre 1927], p. 82-83.
54 20 avril 1929, p. 3.
55 Mi-septembre 1938, Carnets inédits, LGO C1 09.02.01.
56 11 ou 12 juin, Carnets inédits, LGO C1 10.01.01.
57 22 septembre 1939, Carnets inédits LGO C1 10.01.01.
58 28 décembre 1939, Carnets inédits LGO C1 10.01.01.
59 « À partir du moment où l’homme récuse l’antique fatalité qui le contraint à vider périodiquement la coupe de sang, il peut entrer dans la liberté et l’autonomie. On ne voit pas pourquoi il ne les choisirait pas » (« Sortir du cercle maudit », Le Voyage en Grèce, juillet 1946, p. 27-28).
60 « Une interview exclusive du Petit Bleu », Le Petit Bleu des Côtes du Nord, 15 octobre 1949, p. 1.
61 Extrait de sa présentation du Jeu de Patience à l’Hôtel de Ville de St-Brieuc, retranscrit dans Le Combat social, 21 janvier 1950.
62 « C’était un homme plus vivant que les autres », (hommage à Henri Avril), Le Combat social, op. cit.
63 Ouest-France, 23 janvier 1974, interview par Claire Peuterey, p. 12.
64 « Un séjour possible sur la terre », conversation avec des élèves du lycée de Montgermont, 1967, extraits publiés dans Europe, mars 1999, p. 181 sqq.
65 « 1936 dans l’œuvre de Louis Guilloux », dans Louis Guilloux, op. cit., p. 204.
66 Louis Guilloux, Coco perdu, op. cit., p. 51.
67 Philippe Baudorre, « Louis Guilloux et la revue Monde », op. cit., p. 85.
68 « Carnets de notes », Monde Nouveau, décembre 1955, p. 118-125.
69 Avril et mai 1962, revue Preuves.
70 Philippe Baudorre, « Un texte “apatride” ? », Jean-Baptiste Legavre, Michèle Touret (dir.), Louis Guilloux. Un écrivain dans la presse, op. cit., p. 232.
71 « Une interview exclusive », Le Petit Bleu des Côtes-du-Nord, 15 octobre 1949, p 1. Est-ce une référence à ces socialistes appelés « les possibilistes » ?
72 Qui ne manquent pas, selon Philippe Roger qui affirme « La “réputation” de Guilloux est donc un tissu de malentendus » (Préface à l’édition Quarto/Gallimard, Louis Guilloux. D’une guerre l’autre, 2009, p. 10).
73 Jean-Pierre Morel, Le Roman insupportable, op. cit., 1985, p. 315.
74 Jacques André rappelle que pour Jean Grenier aussi « la guerre est une tragédie qui ressortit à la question du mal » (« Guilloux, Grenier et la guerre », Yannick Pelletier (dir.), Le Mal absolu, Ville de Saint-Brieuc, 1995, p 16).
75 Yves Pagès, « Une guerre dite pour l’autre dans Voyage au bout de la nuit de L. F. Céline et Le Sang noir de Louis Guilloux », Yannick Pelletier (dir.), Le Mal absolu, op. cit., p. 60.
76 Idem.
77 Voir note 52.
78 Voir note 58.
79 Idem.
80 Suite à une maladie osseuse au bras gauche, remontant à l’enfance, Guilloux est resté suffisamment handicapé pour ne pas être mobilisable.
81 Il en a eu la velléité, puisqu’en 1931, il notait : « Étudier Karl Marx et les économistes » (Carnets inédits, 6 mars 1931, LGO C1 07.02.03, fonds Guilloux, B.M. de Saint-Brieuc) mais cela est resté sans suite.
82 Ceci rejoint l’analyse de Grégoire Leménager, sur les personnages de Guilloux, « Louis Guilloux, une écriture à hauteur d’homme (le romancier et ses personnages) », Madeleine Frédéric, Michèle Touret (dir.), L’Atelier de Louis Guilloux, op. cit., p. 154-155.
83 En 1932, dans « En marge d’Hyménée », citée par Grégoire Leménager (Ibid., p. 153-154).
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Louis Guilloux politique
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