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Fictions en quête d'auteur

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Charline Pluvinet

Première partie. L'auteur dans les genres fictionnels

L’auteur dans les genres fictionnels

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  • 1 À l’inverse, Sophie Rabau s’est efforcée de définir des critères pour l’utilisation de cette expre (...)

1L’auteur entretient un rapport particulier avec la fiction : sa présence insistante dans les récits fictionnels nous le suggère, une présence multiple et polymorphe mais qui serait peut-être moins divergente que les nombreuses classifications existantes tendent à le montrer. En effet, l’auteur prend souvent la forme d’un personnage de fiction dans différents genres et types de textes que nous pourrions rassembler sous le terme de « fictions d’auteur », en donnant à cette étiquette une définition extensive et finalement assez vague1. Mon intention n’est pas cependant de fonder un nouveau regroupement générique des apparitions fictionnelles de l’auteur qui viendrait dominer une architecture constituée de multiples sous-genres : la critique littéraire a élaboré diverses distinctions au cours des dernières décennies, avec plus ou moins de consistance selon les études et leurs enjeux, qui ont freiné en définitive la mise en regard de ces textes. Il faut au contraire sortir d’une logique de classification et de définition terminologique pour voir l’organisation relative de ces récits se redessiner et révéler une dynamique nouvelle, propre à nous éclairer sur ce personnage de l’auteur qui hante la littérature fictionnelle. C’est pourquoi mon point de départ sera un parcours des catégories génériques où l’auteur plonge dans la fiction, à travers les études passées et actuelles, avant de proposer en deuxième partie un autre angle d’analyse, plus transversal et moins taxinomique, capable de mieux saisir les points de passage et les figures de lien entre les différents types de récit.

2Relever et recenser les apparitions de l’auteur, fictionnelles, imaginaires voire mystifiantes, demande de suivre les formes prises par la littérature fictionnelle jusqu’à ses métamorphoses les plus complexes, quand elles ne se révèlent pas rétives à toute classification définitive. L’auteur se constitue en personnage littéraire selon des modalités de représentation distinctes mais notons déjà qu’il affectionne les formes-frontières qui interrogent les classifications existantes et incitent à la création de nouveaux regroupements. Cela contribue à l’ambivalence du statut de ce personnage, lui-même à la frontière entre réel et fiction, et montre dans le même temps la corrélation forte qui s’est créée entre les genres fictionnels et le personnage d’auteur : l’apparition de ce dernier dans le récit fictionnel est souvent à l’origine du développement d’un nouveau sous-genre ou d’une nouvelle orientation des créations fictionnelles. En retour, ces formes-frontières inédites sont souvent difficiles à circonscrire et il règne une certaine confusion tant au niveau de la terminologie que de la définition : bien des « étiquettes » génériques semblent fragiles, lorsque leur champ d’application est trop restreint (réduit à quelques textes), trop lâche (rassemblant des textes très divers), ou bien encore lorsque la classification définie se trouve en concurrence directe avec une autre. Sur la figure du personnage d’auteur se cristallisent ainsi les tensions contradictoires de ces textes.

3Nous pouvons cependant dresser une première répartition de ces formes fictionnelles en s’appuyant sur le statut référentiel de ce personnage : en effet, les études littéraires qui s’intéressent au rapport entre auteur et fiction tiennent souvent à maintenir une distinction, que nous suivrons ici, entre les récits où le personnage d’auteur n’existe que dans la fiction et ceux où le personnage est emprunté au réel. Dans le premier cas, le nom de l’auteur est fictif, même s’il peut partager de nombreuses ressemblances avec des écrivains réels – en premier lieu, l’auteur du récit lui-même. Dans le second cas, réapparaît dans la fiction un auteur qui appartient déjà à l’histoire littéraire. J’ajouterai à ce partage un troisième cas : les formes marginales où l’auteur devient un personnage fictionnel tout en se présentant comme un être réel, introduisant un certain trouble dans les catégories définies.

Notas

1 À l’inverse, Sophie Rabau s’est efforcée de définir des critères pour l’utilisation de cette expression, je reprendrai plus loin ses analyses ; Sophie Rabau, « L’auteur réincarné ou de l’interprétation comme folie. À propos de La Guérison de Roberto Gac », Chantal Massol, Anne-Marie Monluçon, Brigitte Ferrato-Combe (dir.), Figures paradoxales de l’Auteur (XIXe-XXIe siècles), Grenoble, université Grenoble 3, Recherches & Travaux no 64, 2004, p. 176-177.

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