« Je ne soz queil homme j’oz ocis » : ignorance et innocence dans Garin le Lorrain et Huon de Bordeaux

1Rien de plus dissemblable, à première vue, que la mort de Bégon de Belin dans Garin le Lorrain et celle de Charlot, fils de Charlemagne, dans Huon de Bordeaux. D’une part, il est question du martyre d’un héros, événement à tonalité pathétique, voire mythique, qui n’a cessé d’émouvoir les amateurs de la chanson de geste. Pour Paulin Paris, la mort de Bégon n’avait rien à envier aux chefs-d’œuvre de l’Antiquité : « Cherchez, dans toutes les épopées du paganisme [...] quelque chose de comparable au récit des derniers instants de Begues […] je plaindrais le lecteur qui ne se serait pas attendri jusqu’aux larmes […]1. » D’autre part, la chanson Huon de Bordeaux met en scène la mort d’un « malvais heritier » sans aucune valeur, même aux yeux de son propre père ; ayant attiré Huon et son frère dans un guet-apens, Charlot est tué par le malheureux héros en légitime défense2. Ces épisodes se rejoignent pourtant sur le plan des circonstances qui accompagnent les meurtres, à savoir l’ign