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Corps et encyclopédies

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Denis Hüe
, 
Jérôme de Gramont
, 
Bernard Baillaud

Avant-propos

Denis Hüe

Testo integrale

L’homme possède pour ainsi dire certaines zones de corps. La plus proche est son propre corps, ce qui l’entoure immédiatement est la seconde zone, sa ville et sa province, la troisième, et ainsi de suite jusqu’au soleil et son système. La zone la plus intime est en quelque sorte le Moi – et le monde, expansion et réflexion supérieures, s’oppose au Moi, contraction et abstration supérieures. Ainsi le point s’oppose à l’espace atmosphérique.
Novalis, Brouillon Général, § 593, trad. O. Schefer, Paris, Alia, 2000, p. 153.

1Les pages qui suivent forment la trace du colloque qui a eu lieu au Centre culturel international de Cerisy du 10 au 14 septembre 2008. Dans les belles journées de la fin de l’été, des philosophes, des littéraires, des historiens des sciences se sont réunis pour analyser le rôle et la place du corps dans le discours savant comme dans le propos littéraire.

2En tant qu’il est objet d’étude, lieu d’un savoir médical, physique, philosophique, il est en effet essentiel de voir les modalités de sa représentation et l’imaginaire qu’il recouvre. De l’homme astronomique à l’imagerie médicale actuelle, en passant par les planches anatomiques « artistes » en même temps que scientifiques des XVIIe et XVIIIe siècles, il témoigne plus que d’autres objets d’une évolution de l’imaginaire, de mutations dans la représentation de soi-même. Le corps des discours médicaux, le corps des dictionnaires et des encyclopédies sont les porteurs et les marques de ces évolutions.

3Par ailleurs, le corps est lui-même objet métaphorique qui peut constituer et organiser un discours. Le corpus philosophique, le corps de l’Église ou le corps politique en sont des exemples évidents. À partir du moment où le corps est lui-même un élément constituant du savoir, c’est non seulement le discours qu’il structure et véhicule qu’il faut analyser, mais la représentation même du corps qui est implicitement à l’œuvre.

4« Petite » session de Cerisy, cette réunion a cependant été exceptionnelle à plusieurs titres, tant elle a pu mélanger les âges – chercheurs débutants et confirmés – et les disciplines, les univers et les modes de pensée ; la recontre de Saint-Simon et de Tertullien, d’Heidegger et de la Comtesse de Ségur n’était pas qu’un empilage fortuit où le disparate aurait été simple esthétique ; par ces superpositions fécondes et inattendues se sont imposées comme des évidences des lignes de force, des constantes qui contribuent à prendre en compte le corps. La première borne de notre savoir – de notre connaissance de nous-mêmes et du monde est, organiquement, ce corps à l’aune duquel nous percevons et mesurons le monde.

5Organisée par l’Association Diderot, l’encyclopédisme & autres…, soutenue par le CELLAM, accueillie au Centre Culturel international de Cerisy-la-Salle, dans les conditions exceptionnelles qu’on lui connaît, cette rencontre a pleinement porté ses fruits.

6Les vicissitudes de la vie académique ont différé la publication de ces actes, nous ne reviendrons pas sur ces turbulences. Il reste à remercier l’équipe de Cerisy, et particulièrement Catherine de Gandillac qui a su avec sa générosité coutumière accueillir et soutenir notre petite entreprise. Elle avait pourtant la lourde tâche de remplacer Edith Heurgon retenue par d’autres activités, et davantage, d’entendre parler tout au long de ces journées des auteurs chers à Maurice de Gandillac, dont la mémoire si vive à Cerisy s’animait d’une vibration supplémentaire à l’évocation de ces encyclopédies, et de ces encyclopédies médiévales qu’il connaissait mieux que personne.

7C’est évidemment à sa mémoire et en son honneur que sont publiées ces pages, sous le double patronage de Cerisy et des encyclopédies.

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