1L’histoire de Lambinowice (Lamsdorf jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale) – un lieu où des camps de prisonniers de guerre se sont succédés – remonte aux années soixante du xix^e siècle. Pendant la guerre entre la Prusse et la France (1870-1871), un terrain d’exercices militaires aménagé en 1864 reçoit un camp pour 3 000 prisonniers de guerre français. Aujourd’hui, sa seule trace est un cimetière de 52 tombes. Lors de la Première Guerre mondiale, on y a installé un camp de prisonniers de guerre pour environ 90 000 soldats de l’Entente. Il n’en subsiste qu’un cimetière de plus de 6 300 tombes. Pendant la Seconde Guerre mondiale les autorités nazies y ont implanté un des plus grands complexes de camps de prisonniers de guerre de l’armée allemande (Stalag VIII B, Stalag 318/VIII F et Stalag 344 Lamsdorf). Environ 300 000 prisonniers de différentes nationalités y ont été détenus, dont presque 200 000 soviétiques. La plupart d’entre eux, employés dans des kommandos de travail, procuraient une main-d’œuvre bon marché à l’économie du Troisième Reich, surtout pour les mines de charbon de Silésie et dans l’agriculture. Environ 40 000 prisonniers de guerre, morts dans le camp, ont été enterrés dans des fosses communes près de Szadurzya/Schaderwitz et dans le vieux cimetière de prisonniers de guerre. L’Armée Rouge a libéré le camp de Lamsdorf les 17 et 18 mars 1945. En 1945-1946, le camp de travail de Lambinowice, érigé près du complexe du camp, a reçu, entre autres, des Allemands en cours de déplacement forcé vers l’Allemagne. Les emplacements des camps et des cimetières de guerre sont aujourd’hui des monuments historiques.

Expositions permanentes dans le Musée central des prisonniers de Lambinowice

2Il est recommandé de commencer la visite à Lambinowice par le musée dont le bâtiment actuel, 4 rue Muzealna, hébergeait jadis la Kommandantur du terrain d’exercices des troupes (illustration 61). Le musée et son environnement proche constituent la partie la plus ancienne des installations du complexe du camp Lambinowice/Lamsdorf. Dans les années soixante du xix^e siècle, les autorités prussiennes ont installé le premier camp, ou Lager I, qui devait être adjoint au terrain d’exercices en cours de réalisation. Jusqu’en 1939, ce camp a hébergé, avec de brèves interruptions, des soldats prussiens, puis des soldats allemands lors d’exercices militaires. Pendant les guerres de 1870-1871 et de 1914-1918, des prisonniers de guerre ont été détenus dans ce camp. Dans l’entre-deux-guerres, les bâtiments du camp 1 ont hébergé des rapatriés allemands qui, après le déplacement de la frontière en 1918, ont dû quitter les territoires rétrocédés par l’Allemagne à la Pologne. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment et les alentours, devenus partie intégrante du complexe des camps de prisonniers de guerre, sont utilisés à des fins administratives et économiques. Après la guerre, le camp de travail polonais est aménagé à cet endroit. Des anciens bâtiments, il ne reste aujourd’hui que le bâtiment de garde situé près du musée, le casino des officiers et quelques maisons à colombages. Le bâtiment qui héberge le musée depuis sa création en 1964 date des années trente du siècle dernier. Il a été modernisé à plusieurs reprises et quelques chambres d’hôtes ont été aménagées en 1994.

3L’exposition englobe tous les aspects de la problématique des prisonniers de guerre durant la Seconde Guerre mondiale et l’histoire du camp à Lambinowice/Lamsdorf. Actuellement, on peut voir trois expositions permanentes (illustrations 67, 68 et 69). La première, En captivité allemande, montre les destinées des prisonniers de guerre de la coalition anti-hitlérienne dans les camps de l’armée allemande. Une part importante de l’exposition est dédiée aux prisonniers de guerre polonais et aux jeunes soldats de l’insurrection de Varsovie. La deuxième exposition, Histoire du camp de prisonniers à Lamsdorf, représente un essai de reconstitution de l’histoire du camp, de la guerre de 1870-1871 jusqu’en 1945. Une grande partie de cette exposition est consacrée aux camps des années 1939-1945, le Stalag VIII B, le Stalag 318/VIII F et le Stalag 344 Lamsdorf. La dernière exposition, Soldats polonais en captivité russe, évoque en détail le sort des soldats polonais qui, après la campagne de septembre de 1939, ont atterri dans les camps de prisonniers du commissariat du peuple du ministère de l’Intérieur (NKVD) de l’URSS. Cette exposition se compose de trois parties intitulées « Destins tragiques », « Preuves pour les crimes » et « Traces de Katyn dans la région d’Opole ». Dans l’ancien bâtiment de garde, on prépare en ce moment une exposition sur le camp de travail de Lambinowice/Lamsdorf (1945-1946).

Le vieux cimetière de prisonniers de guerre

4Un autre endroit à visiter est le vieux cimetière des prisonniers de guerre. Il se trouve à environ deux kilomètres du musée, au croisement des routes de Lambinowice/Lamsdorf à Goszczowice/Guschwitz et de Sowin/Sabine à Jakubinovice/Jackobsdorf. La partie la plus ancienne est composée de 52 tombes de prisonniers français de l’année 1871. Sur des croix, autrefois en bois et aujourd’hui en béton, sont inscrits des noms et la date de décès au camp. Un monument de marbre, dédié en 1871 aux compatriotes français, se dresse au centre du cimetière. À gauche des tombes des soldats français, se trouvent des tombes de soldats allemands et, derrière, des tombes de civils, dont des enfants, ainsi qu’un monument en forme de croix qui leur est dédié. Dans le passé, ces tombes formaient un cimetière autonome qui conserve encore aujourd’hui une entrée séparée.

5Le reste du cimetière contient des tombes de prisonniers de guerre de la Première Guerre mondiale. Des soldats originaires de nombreux pays y sont enterrés : 3 571 Russes, 2 602 Roumains, 344 Italiens, 286 Serbes, 83 Britanniques, 80 Français, 2 Belges et un Grec. Entre 1924 et 1926, les dépouilles des soldats des pays de l’Ouest européen ont été transférées dans leurs pays natals, sauf quelques Italiens. Les tombes restantes ont conservé jusqu’à aujourd’hui leur aspect d’origine. Sur chaque croix incrustée, on peut lire le prénom et le nom du soldat, la date de sa mort, parfois la date de sa naissance, son grade et le numéro de son unité. Quand ces indications manquent, le mot « inconnu » est inscrit. Les croix sur les tombes des prisonniers roumains ont été décorées avec des écriteaux en émail. Dans l’allée principale du cimetière, un remblai évoque le souvenir des morts de la Première Guerre mondiale et trois autres monuments sont dédiés aux prisonniers serbes, russes et anglais. Un quatrième monument qui évoque la mort de prisonniers italiens est placé à l’est du cimetière. Près du monument, se trouvent encore une trentaine de tombes de rapatriés allemands des années 1921-1934.

6Pendant la Seconde Guerre mondiale, des soldats de pays de l’Ouest européen ont été enterrés dans le cimetière (illustration 65). Le nombre exact de ces morts reste inconnu. Entre 1945 et 1950, leurs dépouilles ont été rapatriées dans leurs pays d’origine respectifs et il ne reste de leurs tombes que des traces dans le sol. Les prisonniers soviétiques par contre ont été, dès 1942, enterrés dans des fosses communes anonymes, à l’extérieur du cimetière.

L’emplacement de l’ancien Stalag VIII B Lamsdorf

7Tout près du vieux cimetière, se sont succédés sur le même emplacement le « Lager II » où des soldats de l’Entente prisonniers ont été enfermés en 1914-1918, puis un camp pour les rapatriés allemands dans l’entre-deux-guerres. Là aussi, les nazis ont installé, pendant la Seconde Guerre mondiale, d’abord un camp de transit (Dulag) pour des prisonniers de guerre, puis un camp d’internement de base pour soldats et sous-officiers, le Stalag VIII B Lamsdorf. Le premier convoi, avec 18 officiers polonais, 940 soldats et 7 civils, est arrivé le 5 septembre 1939. Seuls des prisonniers polonais de 1939 y ont été détenus jusqu’à l’arrivée, à la mi-juin 1940, d’un premier convoi de prisonniers de guerre alliés, 2 726 Anglais. Les guerres de conquête allemandes suivantes ont apporté de nouveaux prisonniers de guerre, des Polonais capturés en France, des Belges, des Français, des Anglais, des Yougoslaves, des Grecs, des Américains et des Canadiens. Au milieu 1943, le Stalag VIII B Lamsdorf avec ses annexes, le VIII D Teschen et le 318/VIII F, est devenu le plus grand camp de prisonniers de guerre du Troisième Reich. À la suite d’une réorganisation, le Stalag VIII B a été transféré à Teschen et le Stalag 344 mis en place à Lamsdorf. Le 18 mars 1945, l’Armée Rouge a libéré le camp nommé « camp des Britanniques ».

8De nos jours, les bâtiments du camp ont disparu, à l’exception d’une partie des soubassements de quelques baraques de prisonniers et d’un réservoir d’eau en béton en cas d’incendie. L’allée de châtaigniers qui conduit à l’intérieur de l’emplacement du camp est bien conservée.

Le terrain de l’ancien Stalag 318/VIII F (344) Lamsdorf

9Autre camp de prisonniers de guerre de ce complexe, le Stalag 318/ VIII F (344) Lamsdorf est situé en direction du nord-est, à 1,5 kilomètres du « camp des Britanniques » et à environ 2,5 kilomètres au nord de Lamsdorf. Il a été construit à l’endroit où des prisonniers de guerre de l’Entente ont été enfermés entre 1914 et 1918 (« Lager V », « Lager VI A et B), puis des personnes déplacées d’origine allemande hébergées entre 1921 et 1924. Il était destiné aux prisonniers de guerre soviétiques, le groupe de prisonniers le plus important et le plus mal traité. Au début, le camp a reçu la dénomination Stalag 318 puis Stalag VIII F. De juillet 1941 à juin 1943, il a fonctionné en unité autonome. Après la restructuration, le « camp des Russes » est devenu une partie du Stalag VIII B, puis du Stalag 344 Lamsdorf.

10Le terrain de construction a été délimité au printemps 1941. Mais les premiers convois de prisonniers arrivent dans le camp avant le début des travaux. En désespoir de cause, les prisonniers soviétiques ont dû se nicher jusqu’à l’achèvement des baraques dans des trous qu’ils creusaient eux-mêmes dans la terre. Jusqu’à leur libération, les prisonniers soviétiques du Stalag 318/VIII F (344) Lamsdorf ont été employés comme main-d’œuvre bon marché, surtout dans les mines de charbon de Haute Silésie et dans l’agriculture. Les prisonniers aptes étaient envoyés au travail puis, après avoir été épuisés à la tâche, revenaient au camp. On estime à environ 200 000 le nombre de prisonniers soviétiques arrivés dans ce camp de 1941 à 1945 et à 40 000 ceux qui y sont morts. Le camp renfermait aussi des prisonniers de guerre d’autres nationalités : des Italiens depuis la fin 1943 et, en 1944, environ 6 000 combattants de l’insurrection de Varsovie et 1 500 insurgés slovaques.

11En 1997, un monument à la mémoire des combattants faits prisonniers lors de l’insurrection de Varsovie a été érigé sur le terrain de l’ancien camp, aujourd’hui ouvert aux visiteurs. Des vingt secteurs d’origine qui formaient l’ensemble des bâtiments du camp, il ne subsiste que des parties de quelques baraques d’habitation, des rigoles en pierre des sanitaires, un réservoir d’eau en cas d’incendie et une fontaine. Depuis 1994, on travaille à la reconstruction d’une baraque et de son environnement immédiat.

Le cimetière des prisonniers de guerre soviétiques

12Le visiteur de l’ancien camp de Lambinowice doit aussi se rendre au cimetière des prisonniers soviétiques (illustration 64). Aménagé en 1942 sur une colline, il est situé à environ 0,5 kilomètre du camp 318/VIII F (344) Lamsdorf. Des traces de fosses communes y ayant été découvertes en juillet 1945, une commission d’État extraordinaire de l’URSS a réalisé, en 1945-1946, des travaux pour exhumer et examiner une partie des dépouilles (illustration 66). Dans ces fosses anonymes, on a dénombré environ 40 000 prisonniers soviétiques, dont des Polonais qui avaient été incorporés dans l’Armée Rouge. Il a été alors décidé de ne pas conserver les restes des fosses communes et d’ériger un monument à leur emplacement. Réalisé en 1964, il évoque la mémoire de tous les prisonniers de guerre morts pendant la Seconde Guerre mondiale dans les camps de Lamsdorf (illustration 63). Il se compose de deux gigantesques pylônes ornés de sculptures, œuvres de quatre artistes, Jan Borowczak, Jerzy Beski, Marian Nowak et Florian Jesionowski. En 1994, une croix a été dressée à cet endroit grâce aux efforts du Musée central des prisonniers de guerre de Lambinowice Opole.

L’emplacement de l’ancien camp de travail à Lambinowice (1945-1946)

13La visite à Lambinowice s’achève sur un chapitre de l’histoire des camps d’après-guerre. Un camp de travail polonais, souvent appelé « camp des déplacés », y a fonctionné en 1945-1946. Différents groupes de population y ont été maintenus en captivité, surtout des Allemands ou des habitants des environs du camp, considérés comme allemands. Ces personnes ont dû quitter leur pays d’origine en 1945 et être déplacées vers l’intérieur de l’Allemagne, en vertu des accords de Potsdam. Environ 100 familles de nationalité polonaise ont aussi été retenues dans ce camp. On estime qu’il a reçu 5 000 personnes, dont environ 1 000 à 1 500 sont décédées, surtout lors d’une épidémie de typhus.

14Le camp de travail polonais a été installé au sud-ouest du terrain d’exercices militaires, dans la partie la plus ancienne du Lager I. Il était éloigné d’environ 2 à 3 kilomètres des anciens camps de prisonniers (Stalag VIII B/318/ VIII F/344 Lamsdorf). Aujourd’hui le site de cet ancien camp de travail est juste derrière le bâtiment du Musée central des prisonniers de guerre à Lambinowice. À droite du camp, passe la route qui conduit au terrain d’exercices militaires, vers l’ancien camp de prisonniers soviétiques 318/ VIII F (344) Lamsdorf et, plus loin, en direction des fosses communes de la Seconde Guerre mondiale.

15En septembre 1995, un monument en forme de croix expiatrice silésienne a été érigé sur un petit emplacement aménagé pour cela, en mémoire de toutes les victimes du camp de travail. Une inscription, en allemand et en polonais, figure sur la pierre commémorative : « Aux Allemands et aux Polonais victimes du camp Lambinowice/Lamsdorf dans les années 1945-1946. » Près de cette pierre, l’aménagement d’un cimetière pour les victimes du camp a commencé en 1999, avec le soutien de milieux influents allemands, et il a été solennellement inauguré en septembre 2002. Dans le cimetière se trouvent une croix en bois, trois plaques où sont gravés le nom du cimetière, ceux des bâtisseurs et un fragment de prière en allemand et en polonais ainsi que 19 plaques en marbre avec les noms de 1 137 personnes, tuées ou mortes dans le camp de travail de Lambinowice en 1945-1946. Enfin, des pierres posées à même le sol portent les noms des 39 localités voisines, dont les habitants ont formé la plus grande partie des détenus et des victimes du camp de travail.